Nous n’avons pas ici que l’éloquence en flammes de l’amour, nous en avons l’analyse ensanglantée, faite par ce noble imbécile d’amoureux avec le perçant du génie, qui n’est pas, lui, aveuglé par tout ce sang et qui se discerne souffrir… Peu d’hommes maîtrisés par l’amour ont parlé avec une pureté plus ardente d’un sentiment qui entraîne dans toutes les sensations que ce Benjamin Constant, auquel il suffisait de la peau du bras de Madame Récamier quand elle ôtait son gant pour rouler dans tous les égarements et dans tous les délires !
Hoffmann, l’engouement d’une époque qui aime la fumée du cigare et qui s’est mise à grignoter du hachisch pour se donner des sensations, ne durera pas plus que ces fantastiques d’un autre genre, Fichte et Hegel !
S’il n’est pas poète, comme Lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume.
L’affectation n’oserait pas toucher, dans Guérin, à sa sensation exquise ou profonde.
Si la Critique, comme je l’entends du moins, n’était pas plus haute que la sensation, le sentiment et tous les genres de critiques de ce temps matérialiste, sentimentalement niais et individuel, le livre, je l’avoue, aurait passé avec moi un mauvais quart d’heure.
Jules Sandeau nous donnent la sensation des lunettes bleues et empêchent l’ophthalmie.
Erckmann-Chatrian a rencontré dans la critique des ingénus qui l’ont vanté, comme s’il allait reculer les limites du conte bouffe ou du conte fantastique ; mais l’enthousiasme de ces gens-là déposait encore plus de l’ingénuité de leur ignorance que de leur sensation, car il n’est pas douteux que si M.
Or (c’est la cataleptique qui raconte elle-même ses sensations), dans sa Madame Gil Blas, M.
S’il n’est pas poëte, comme lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume.
Le Leone Leoni de madame Sand n’est pas long, et par là l’artiste a épargné à son lecteur, tout en l’émouvant, la sensation du dégoût qui n’eût pas manqué d’arriver si on eût prolongé la scabreuse situation, nécessaire au développement du sentiment qu’on a voulu peindre.
Alors il produit des beautés ; il relève une idée par une autre ; il avertit l’esprit de son étendue, en lui faisant voir à la fois des objets qui sont à une grande distance ; il fait éprouver rapidement des sensations différentes ou contraires, et produit par des mélanges une sorte de sentiments combinés, souvent plus agréables que les sentiments simples.
Il n’a conservé dans sa mémoire que des souvenirs agréables, et, à force de sagesse, il est parvenu à se mettre à l’abri des sensations pénibles. […] Les influences dominantes étaient alors celles de Flaubert, qui poursuivait dans ses laborieux chefs-d’œuvre un certain idéal d’harmonie, de composition et de style ; des Goncourt, préoccupés surtout de la notation exacte et pittoresque de la sensation, et de M. […] Il crée à ses personnages, et par contrecoup à lui-même comme à ses lecteurs, une atmosphère voluptueuse où les sensations douces, savamment multipliées, affadissent la volonté, bercent la conscience dans un demi-sommeil peu favorable aux retours salutaires. […] Ayant donc éprouvé ce que j’appellerai la sensation du mal, c’est-à-dire ayant vibré au choc des frissons que le vice et la passion font courir sur la terre, il s’est donné la mission de découvrir les causes de ces ondes douloureuses et de les combattre dans la mesure du possible. […] L’amour bien compris, c’est-à-dire celui qui repose sur le sentiment et sur le devoir, favorise la poursuite du progrès ; l’amour mal compris, c’est-à-dire celui qui recherche la sensation, en éloigne.
Cela s’entend ; on veut dire par là qu’en outre de leur sens idéographique, ils éveillent dans l’âme soit des idées, soit des images, soit des sensations concomitantes. […] C’était la confession d’une femme d’infiniment d’esprit, qui contait les amants qu’elle avait eus et les sensations qu’elle avait éprouvées près d’eux. […] J’avoue qu’à son entrée en scène ma première sensation a été de désappointement et de déplaisir. […] Mlle Fix traduit l’idée du poète : la sensation a disparu. […] Si Barré voulait, par esprit de tradition, nous rendre les sensations que le père Provost nous donnait dans le rôle, il n’y arriverait pas : il ne serait qu’un médiocre imitateur.
Il recueille la sensation qu’elles lui donnent, l’emporte et, s’étant éloigné, la déplie soigneusement ; elle est ample toujours, car il sait voir et le monde est pour lui le déroulement d’une étoffe épaisse et chargée. […] Puis, lentement, avec une complaisance protectrice, il recompose des images toutes dépouillées et subtilisées, toutes abstraites, bien qu’y tressaille encore parfois quelque lambeau de la sensation primitive. — Il est des peintres qui transposent d’un seul coup, sans l’analyser, leur sensation et qui en cherchent tout de suite dans un jet coloré l’équivalent plastique ; il en est d’autres qui travaillent en plein isolement des choses, n’imitant sur la toile que les fantômes de leur pensée. […] Elle n’est pas un extrait de sensations, une sorte de parfum subtil mais fugitif obtenu en distillant des milliers de fleurs. […] La sensation n’est plus directement transcrite : l’esprit est intervenu et il a fait son œuvre de substitution. […] C’était un immédiat écho de chaque sensation étrangère — non point vague, mais précis, aigu316.
L’école de Maine de Biran assure-t-elle qu’il y a dans l’homme autre chose que la sensation, à savoir une volonté, une puissance d’effort et d’action qui fait jaillir les phénomènes de son sein, et qui est ainsi le principe de la responsabilité et de l’imputabilité morale, M. […] C’est précisément la philosophie empirique dans ce qu’elle a de plus exclusif et de plus étroit, car la seule chose réelle et certaine pour le condillacien, c’est la sensation au moment où elle est sentie. […] Qu’il n’y a rien de réel que le phénomène, que le commencement de toute science est la sensation. […] L’humanité ne reste jamais deux instants de suite la même, elle est essentiellement mobile, et cette mobilité infinie d’états, déterminant une semblable mobilité de sensations, de sentiments, d’impulsions do toute nature, donne naissance aux croyances, aux doctrines, aux systèmes qui changent indéfiniment aussi, comme la substance dont ils sont les accidents. […] Taine, il n’y a pas de je ne sais quoi ; il n’y a que deux facultés, la sensation et l’abstraction ; tout ce qui n’est pas phénomène perçu par les sens ou notion abstraite exprimée par des mots, n’est rien.
Ils sont la sensation du vrai. […] La sensation a besoin du corps évidemment ; la pensée n’en a pas moins besoin, bien qu’elle semble plus propre à l’âme que la sensibilité. […] Il contient un traité de la Sensation, un traité de la Mémoire, un traité du Sommeil et de la Veille, des Rêves, un traité de la Longévité et de la Brièveté de la vie, de la Jeunesse et de la Vieillesse, de la Vie et de la Mort, de la Respiration.
Autant que La Fontaine, elle aime la nature et sait en jouir ; mieux que lui peut-être, et par de plus neufs assemblages de mots (« la feuille qui chante »), elle en rend l’impression directe, celle qui suit immédiatement la sensation elle-même. […] … On a dû voir parfois, dans quelque couvent du haut moyen âge, un moine théologien ardent aux disputes, orthodoxe avec des témérités de dialectique à faire trembler, austère, secret, ne livrant jamais rien de son coeur ni de ses sensations, dur en apparence et étranger à tout plaisir… Un matin, ses frères le trouvaient pendu dans sa cellule, sous son grand crucifix. […] La sensation du vide intellectuel va jusqu’au vertige.
Entre la sensation du poète et la nôtre, l’œuvre qui résulte de la première et cause la seconde prend les aspects de la vie elle-même, et nous en subissons le contre-coup selon une façon à nous de ressentir pour notre propre compte les sentiments dont le poète a souffert ou joui et qu’il exprime selon la sincérité de sa nature. […] Le sentiment lui-même a pris le masque de la sensation ; mais la musique et la peinture de ses vers reconstituent, par le logique enchaînement de la sensation au sentiment et à la pensée, tout le composé humain.
Ne prêtant pas d’attention au sens de ses paroles, j’ai deux ou trois fois, la sensation de l’entendre rejouer Henriette Maréchal. […] À ce propos quelqu’un cite la phrase que j’ai écrite dans Idées et sensations, sur le remplacement, comme agents de destruction dans les sociétés modernes, des Barbares par les ouvriers. […] Or, Messieurs, en lisant Un cœur simple, j’ai comme la sensation de lire une histoire qui a pris à ces tablettes de vieux chêne, la naïveté et la touchante simplesse, de ce qu’ont écrit dessus, votre paysan et votre pêcheur.
Mais un livre gai de pétillement inattendu, qui leur fait tant de mal, à eux, nous fait du bien, à nous, nous donne une sensation nouvelle et charmante, par ce temps d’un ennui qui n’est pas seulement à l’Académie, mais qui est partout, et contre lequel nous nous révoltons, dans lequel nous nous abhorrons et ne voulons pas nous confire ! […] Mais après le scepticisme et la religiosité qui nous avaient encrassés de leurs vapeurs et de leurs humeurs peccantes, tout devint pire, comme dit l’Homère errant d’André Chénier (un triste encore), et le matérialisme finit par nous arracher du cœur tout sentiment bête, — comme il disait, — pour n’y laisser que des sensations positives, et il fit le vide, — le vide de la désespérance, — et le vide engendra l’ennui, et nous eûmes la littérature des Vidés, des Ennuyés et des Ennuyeux ! […] À part la saveur catholique de cette histoire, à part le parfum qui l’embaume de la senteur de la vérité, et qui, pour nous, est bien au-dessus des sensations de la beauté et de la perfection littéraires, Les Merveilles du Mont Saint-Michel, à ne les prendre que par le côté positif, terrestre, humain, simplement historique, sont ce qu’on appelle un livre fort, dans ce siècle matérialiste et lâche où le plus grand éloge que l’on puisse faire de quelque chose ou de quelqu’un, c’est la force !
Une grande timidité, beaucoup de réserve, une sorte de sauvagerie ; une douceur habituelle qu’interrompait parfois quelque chose de nerveux, de pétulant, de fugitif ; le commerce très-agréable et assez prompt, l’intimité très-difficile et jamais absolue ; une répugnance marquée à vous entretenir de lui-même, de sa propre vie, de ses propres sensations, à remonter en causant et à se complaire familièrement dans ses souvenirs, comme si, lui, il n’avait pas de souvenirs, comme s’il n’avait jamais été apprivoisé au sein de la famille, comme s’il n’y avait rien eu d’aimé et de choyé, de doré et de fleuri dans son enfance ; une ardeur inquiète, déjà fatiguée, se manifestant par du mouvement plutôt que par des rayons ; l’instinct voyageur à un haut degré ; l’humeur libre, franche, indépendante, élancée, un peu fauve, comme qui dirait d’un chamois ou d’un oiseau73 ; mais avec cela un cœur d’homme ouvert à l’attendrissement et capable au besoin de stoïcisme : un front pudique comme celui d’une jeune fille, et d’abord rougissant aisément ; l’adoration du beau, de l’honnête ; l’indignation généreuse contre le mal ; sa narine s’enflant alors et sa lèvre se relevant, pleine de dédain ; puis un coup d’œil rapide et sûr, une parole droite et concise, un nerf philosophique très-perfectionné : tel nous apparaît Farcy au sortir de l’École normale ; il avait donc, du sein de sa vie monotone, beaucoup senti déjà et beaucoup vu ; il s’était donné à lui-même, à côté de l’éducation classique qu’il avait reçue, une éducation morale plus intérieure et toute solitaire. […] — Quand je pense que je n’avais déjà plus alors que des réminiscences d’enthousiasme, que je regrettais la vivacité et la fraîcheur de mes sensations et de mes pensées d’autrefois !
Une révélation de son génie inné lui avait fait imiter sans efforts l’expression des fortes sensations : effroi, amour, contemplation, tristesse, deuil, désespoir, sur le visage et dans la pose du corps, pour produire sur l’œil ce que la poésie dramatique ou épique la plus éloquente produit sur l’imagination la plus sensible. […] Rien n’était triste alors dans ma vie, rien vide dans mon cœur ; un soleil répercuté par les cimes dorées des rochers m’enveloppait ; les ombres des cyprès et des vignes me rafraîchissaient ; l’écume des eaux courantes et leurs murmures m’entretenaient ; l’horizon des mers m’élargissait le ciel, et ajoutait le sentiment de l’infini à la voluptueuse sensation des scènes rapprochées que j’avais sous les pieds ; l’amitié, l’amour, le loisir, le bonheur, m’attendaient au retour à la villa Ludovisi.
Il y a une muse dans les sites, les mêmes points de vue donnent les mêmes sensations. […] Il n’y avait point d’art, non, c’était la nature faite art ; l’image et le son, cette musique de l’âme, y naissaient ensemble indivisibles comme la voix et la sensation.
L’ennui est le mal du génie ; c’est l’état des grandes âmes ; c’est la sensation du vide dans l’homme. […] Quelques esprits secs, jaloux, et chicaneurs avec leurs propres sensations, essayèrent de rire et de nier ; mais les larmes prévalurent, et elles écrivirent le nom de Chateaubriand en traits de splendeur et de feu dans tous les cœurs jeunes.
De même, pour nous donner l’idée des délices parfaites que Faustus et Stella goûtent par les oreilles, le poète fait chanter le rossignol dans le crépuscule, nous décrit les sensations et les sentiments qu’éveille en lui la musique de Beethoven ou de Schumann, et se contente d’ajouter que Stella chante mieux que le rossignol, et que la musique du paradis est encore plus belle que celle des concerts Lamoureux. […] Sully-Prudhomme, trop fidèle à ses habitudes d’analyse, procède méthodiquement, divise ce qu’il faudrait ramasser, étudie successivement les sensations du goût, de l’odorat, de la vue, de l’ouïe et du toucher Puis, cette description du bonheur de tous les sens à la fois, il fallait qu’elle fût ardente, caressante, enveloppante, voluptueuse ; qu’il y eût de la flamme, et aussi de la langueur, de la mollesse et quelquefois de l’indéterminé dans les mots Or, M.
Louis Bouilhet, Victor Hugo (et ils ne sont pas les seuls) ont osé s’aventurer, à la suite du géologue, dans ces époques reculées, dont l’immense lointain donne déjà la sensation de l’infini dans la durée. […] Le style est coloré, pittoresque ; il parle aux yeux ; il sait décrire la nature, exprimer avec vigueur les sensations.
A l’art furent donnés quelques maîtres admirables, qui créèrent sagement, par les procédés spéciaux de leurs temps et de leurs arts, une réelle vie bienheureuse : Platon, et le Vinci, et Rubens, et Bach, et Racine, et Stendhal, et Franz Hals qui sut comprendre le secret de la sensation. […] Puis, par la hantise des sensations chaudes, la musique fut menée à vouloir sortir de sa destination : elle tâchait maintenant à être une peinture, imitant les bruits naturels, les mouvements des corps, leurs couleurs.
En d’autres termes : quelques-unes de nos impressions ou de nos sensations, — telles la couleur de la rose, la saveur de la pèche, — peuvent avoir en nous, dans la constitution intime de notre organisme ou de notre intelligence, les raisons de leur diversité ; mais quelques autres ne les y ont pas, et, par exemple, ce n’est pas seulement en nous que la chaleur se transforme en mouvement. […] « Plus s’est étendue notre connaissance des faits et des lois, écrivait récemment l’un des plus sérieux adversaires de la théorie de l’inconnaissable, plus s’est épaissi le mystère des forces dont nous mesurons au dehors les effets comme mouvemens, et qui répondent en nous à des sensations avec lesquelles nous ne pouvons leur imaginer aucune similitude de nature.Nous nous voyons bien plus loin que ne croyaient l’être les anciens savans ou philosophes de comprendre ce que c’est que la chaleur.
Et quelle force plus grande que le catholicisme a jamais gêné davantage la lâcheté des hommes, qui voudraient vivre animalement au courant de leurs sensations ? […] — j’ai douté de la sensation et de la bonne foi de l’écrivain… Il va si loin dans la double abjection du sentiment et du langage, que j’ai cru parfois à un parti-pris enragé, pour faire plus de bruit dans la littérature, de crever son tambour comme le nain de Velasquez ; car il n’y a que les nains qui crèvent leurs tambours !
Au bal, dans les réunions et les fêtes riantes, quand il rencontrait le plaisir, il ne s’y tenait pas, il cherchait par la réflexion à en tirer tristesse, amertume ; il se disait, tout en s’y livrant avec une apparence de fougue et d’abandon, et pour en rehausser même la saveur, que ce n’était qu’un instant fugitif, aussitôt irréparable, et qui ne reviendrait plus jamais sous ce même rayon ; et en tout il appelait une sensation plus forte, plus aiguë, d’accord avec le ton auquel il avait monté son âme.
Par une analyse sophistique et subtile, assez semblable à celle que l’abbé de Condillac appliqua depuis à la sensation, ou Helvétius à l’amour physique, Lucrèce faisait dériver de cette crainte de la mort l’ambition, l’avarice, l’envie, les haines fraternelles, les proscriptions sanglantes, les suicides ; il pensait donc servir la patrie en guérissant les Romains de cette terreur chimérique, et en prouvant que la mort ne menait à rien ; de là ces arides théories d’athéisme et de néant, toujours entremêlées de conseils probes, de consolations mornes et sévères.
Non, la statue de la Liberté n’a point l’intérêt pour base, et ce n’est pas à la philosophie de la sensation et à ses petites maximes qu’il appartient de faire les grands peuples… » Ainsi la liberté politique était invoquée en aide de la liberté morale par une sorte d’association et d’alliance naturelle qui n’était pas une confusion.
La sensation totale est celle d’un vide profond.
Or cet amour-là, étant essentiellement la recherche de la sensation soit qu’on n’y apporte aucun choix, soit, au contraire, qu’on la demande à une créature en particulier, et à celle-là seulement s’accommode, dans le premier cas, avec la plus complète insouciance de la personne, et, dans le second cas, engendre aisément la haine, par la peur d’être frustré.
Son génie l’emportait naturellement aux œuvres absolues où tout l’homme peut se réaliser dans ses pensées, dans ses sentiments, dans ses sensations à Salammbô et surtout à la Tentation.
. — C’est aussi bien l’individualisme de l’impulsif, du maniaque, de l’excentrique, du névrosé en quête de sensations bizarres et compliquées (tel un Des Esseintes), que l’individualisme du grand poète, du grand artiste qui exprime des manières de sentir délicates, puissantes on profondes, vraiment neuves et intéressantes, vraiment capables d’éveiller un écho dans l’âme des autres hommes.
Voici comment elle nous définit Lucie Altimare, « l’aventureuse », la plus significative de ses héroïnes : « Au fond, un cœur froid et aride, sans une palpitation d’enthousiasme ; au-dehors une imagination trompeuse qui grandissait toute sensation, qui augmentait toute impression… Au fond, un manque absolu de sentiment ; au-dehors, des rêveries sur les nobles utopies humanitaires, des aspirations flottantes vers un idéal incertain. » Et on nous fait connaître longuement « l’artifice de sa personne, un artifice si naturel, si absolu, si complet, qu’il la trompait elle-même, en lui donnant une fausse sincérité ; en devenant son véritable caractère, son tempérament, son sang, ses nerfs ; en la persuadant de sa propre bonté, de sa propre vertu, de sa propre supériorité ».
Blasés par l’habitude héréditaire de longs siècles sur les alternatives régulières qui flétrissent et renouvellent la nature, nous pouvons à peine comprendre les sensations d’une race encore neuve, à la vue des phénomènes que ramène le cours des saisons.
* * * — Quand je me couche un peu gris, j’ai la sensation, en m’endormant, d’avoir la cervelle secouée dans un panier à salade par une femme, dont je n’aperçois que le bras et la main — et ce blanc bras et cette blanche main sont ceux de la Lescombat que j’ai entrevus une seule fois chez un mouleur.
Nous voulons une poésie qui dise l’homme, et tout l’homme, avec ses sentiments et ses idées, et non seulement ses sensations, ici plus plastiques, là plus musicales.
« Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile… de prendre connaissance de notre ignorance, qui… peut servir beaucoup à terminer les disputes… si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires… nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension 153. » Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie. » En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme, et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité, et conduisent par la religion à la pratique des vertus.
Voilà, ou je me trompe fort, les sources principales de notre sensation à l’aspect du firmament ; c’est en effet moitié physique et moitié religieux.
Il a une probité de jugement, une franchise de sensation, inconnues à nous tous que la société a faussés en nous façonnant.
Les hommes qui liront comme moi Mme de Blocqueville partageront-ils cette sensation étrange ?
Au siècle dernier, on a parlé de Mme Ferrand, qui aurait aidé Condillac dans son Traité des sensations.
La sensation lui en rapporte une ; mais elle est émue et troublée.
Quelque chose domine sa sensation.
Né, lui, Shakespeare, le plus idéal des hommes par la beauté du génie et la délicatesse aristocratique de la sensation, dans une condition assez basse, fils de boucher, ayant peut-être tué lui-même et mis le sang des bêtes sur ces nobles mains qui devaient écrire Juliette, Desdémone, Cordélia ; — puis braconnier comme un libre fils de Robin-Hood, un chasseur trop ardent, un vrai Saxon du temps de Guillaume le Roux ; — puis, hélas !
Voir Sensations d’Histoire : Jacques II.
Je n’ai absolument rien à dire de cette sensation.
. : Sensations d’Histoire ; IXe vol. : Les Philosophes et les Écrivains religieux.
Il a les dentelures et les arabesques brillantes de la gelée sur les vitres, mais la chaleur ne lui vient et il ne la donne aux autres que par la sensation du froid… Horace Walpole a la froideur de l’Anglais et de la plaisanterie anglaise, et il en a encore une autre bien supérieure à celle-là : il a la froide plaisanterie du dandy.
Désagréable sensation !
Comme la Sensation est en l’homme le représentant et la voix de la nature, la Raison est dans sa conscience le représentant et la voix de Dieu.
Il faut bien le dire : l’art pour l’art, ce déplorable et faux système (l’art ne devant jamais être que le glorieux serviteur de la vérité), trouve une application trop fréquente dans notre pays quand il s’agit de l’éloquence, Par une faiblesse commune aux plus mâles esprits, tous ou presque tous nous allons nous asseoir, avec l’espérance d’une grande sensation ou d’une puissante ivresse, devant l’homme qui ne représente souvent pour nous que l’erreur ou que le sophisme, et nous écoutons comme un bois mélodieux et sonore une créature vivante qui abuse artistement de la parole, au lieu de l’écouter comme un pur instrument de la Vérité qui devrait faire palpiter dans nos cœurs l’amour que nous avons pour elle.
Locke, sorti de Bacon, est le créateur de cette étroite philosophie de la sensation, qui a créé à son tour le sensualisme corrompu et corrupteur du xviiie siècle, et Bacon, lui, le créateur de l’expérimentalisme, a créé encore, par-dessus la tête de Locke, ce Darwin qui a remplacé la métaphysique par de l’histoire naturelle, Darwin qui, en philosophie, a le même mérite que de Luynes, l’éleveur de pies-grièches, en politique.
Il enseigne avec les arabesques au fusain d’un livre d’imagination et de fantaisie ; il enseigne en racontant des sentiments ou des sensations.
C’est l’accent du cœur qui le met à part des poètes d’un temps où l’âme se retire de toutes choses devant la sensation et la matière envahissantes… Naturellement, un pareil poète doit être plus ou moins méconnu à une époque vide et pédante où lord Byron lui-même paraît affecté, Lamartine vague, et Alfred de Musset négligé ; car c’est là l’opinion qui commence à courir parmi ceux qui se croient les forts de la littérature actuelle, parmi les poètes matérialistes et réalistes de notre décadence littéraire.
Dans l’appréciation des beaux-arts, Beyle, l’auteur de l’Histoire de la peinture en Italie, a une grandeur de sensation et une émotion simple et sincère d’un diagnostic bien autrement sûr que les troubles nerveux et les bouillonnements de feu et de larmes de Diderot.
Assurément, l’aristocrate de sentiment et de sensation à qui j’avais affaire ne nous donnerait pas quelque crime grossier accompli sur une femme commune, et auquel elle répondrait par quelque vengeance physiquement féroce ou bassement perfide, comme on nous en donne tant dans les livres sensuels et matériels dont, à cette heure, nous nous repaissons.
En France, où l’on est si pressé et où l’on galvaude, en les galopant, toutes les sensations et toutes les idées, la brièveté des compositions de M.
Le voisinage du despotisme, l’influence même du ciel, la multitude des sensations douces et calmes, plus de sensibilité pour les plaisirs, moins de disposition à l’exercice violent et actif de la pensée, et le désir d’un certain repos de l’âme, tout cela ensemble, dans des climats plus chauds, a dû nuire à l’éloquence ; aussi les orateurs d’Europe ont eu sur les orateurs de l’Asie les mêmes avantages que les guerriers du nord eurent de tout temps sur ceux du midi.
Toutes ses images sont des sensations vives ou terribles ; il les emprunte des objets les plus grands de la nature, et presque toujours d’objets en mouvement.
Des vers mal faits, quelle que soit d’ailleurs la beauté de l’idée, la rareté du sentiment, ou la singularité de la sensation qu’ils veulent exprimer, ne sont pas des vers. […] De là encore, cette emphase habituelle, de là ces éclats de voix, cette mimique intempérante, et cette gesticulation exagérée par laquelle le corps parle au corps, pour procurer à l’auditoire la sensation d’une éloquence que le lecteur essaie vainement de retrouver. […] Ses personnages ne sont que le support commun de leurs sensations successives, et, à cet égard, les jeunes gens les trouvent aujourd’hui conformes aux plus récents enseignements de la psycho-physiologie. […] On les reconnaît à ce signe, que, supérieurs et souvent même admirables ou étonnants dans l’expression de la sensation, ils balbutient, leur langue s’épaissit, et les mots leur manquent dans l’expression des sentiments ou des idées. […] Et, en effet, s’ils y consentaient, ils mentiraient à leur formule, puisque, si les « fumiers » sont dans la nature, les fleurs, sans doute, y sont aussi ; les parfums, si les « relents y sont ; l’esprit enfin comme la matière, et la pensée comme la sensation.