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1680. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Quelle idée bizarre que celle d’incarner l’espionnage prussien, si cruellement réel et pratique, dans cet épouvantail grotesque qui n’a pas même le sens d’un symbole ? […] Viens perfectionner la batterie du fusil qui a tué la femme de ton cœur, l’idole de tes sens. […] Octave est un garçon amolli par la paresse, dépravé par la vanité, naïvement vicieux et sans âme ; pas plus d’idée du devoir et de sens moral que dans la tête d’un brochet.

1681. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Cette année, je ne me sens pas aussi bien que l’année dernière ; quelquefois je te désire avec une certaine frayeur, et je reste des heures entières à penser à Wolfgang (prénom de Goethe), quand il était enfant et qu’il se roulait à mes pieds ; puis, comme il savait si bien jouer avec son frère Jacques, et lui raconter des histoires ! […] Le fait est que, douée d’une vive imagination, d’un sens poétique exquis, d’un sentiment passionné de la nature, elle personnifiait tous ses goûts et toutes ses inspirations de jeunesse dans la figure de Goethe, et qu’elle l’aimait avec transport comme le type vivant de tout ce qu’elle rêvait. […] Lui qui connaissait la vie et les sens non moins que l’idéal, il avait tout d’abord classé cet amour, et il ne s’en défiait pas, à condition de ne pas trop le laisser approcher de lui.

1682. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il eût dit très volontiers avec quelqu’un de son école : Il arrive bien souvent que l’idée qui triomphe parmi les hommes est une folie pure ; mais, dès que cette folie a éclaté, le bon sens, le sens pratique et intéressé d’un chacun s’y loge insensiblement, l’organise, la rend viable, et la folie ou l’utopie devient une institution qui dure des siècles. […] Ginguené, dans une bonne Notice sur Galiani, s’est attaché à montrer que le petit abbé était patriote au vrai sens du mot ; qu’il n’a cessé, à travers ses plaisanteries, de chercher à être utile, à améliorer la vie humaine autour de lui, et qu’il n’a pas démenti en effet cette maxime de son Chevalier dans ses Dialogues : « La corvée du sage est de faire du bien aux hommes. » Sur ce point, Ginguené me paraît avoir tout à fait raison ; mais il s’avance beaucoup quand il nous assure que, loin d’être incrédule, Galiani fut toujours religieux. […] On ne saurait imaginer les inexactitudes de mots, les altérations de sens, les inepties pour tout dire, qui se sont glissées dans le texte de l’une et de l’autre de ces éditions : il serait difficile de les distinguer à cet égard.

1683. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Je ne suis au-dessous de rien, parce que je sens mes forces et mon zèle, parce qu’après tout je suis un homme comme un autre. […] Tous les talons rouges ne parleront pas ainsi ; mais c’est à cause de cela que je les vaux peut-être bien en tous sens. […] Non, Rivarol, l’homme qui sentait ainsi, et qui marchait dans ce sens élevé et en grandissant toujours, n’était point un barbare en fait de langage.

1684. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

L’abbé Maury a été l’un de nos orateurs les plus célèbres, et il est encore un de nos rhéteurs les plus judicieux et les plus utiles, à prendre ce mot de rhéteur dans le sens favorable des anciens. […] À l’égard de Massillon, Maury, à propos de ce Petit Carême si vanté et qu’il met au-dessous du Grand, du premier Carême, ose prononcer le mot de décadence, et il en donne la raison avec une grande fermeté de sens. […] Ce que j’en veux seulement conclure, c’est que cette nature impétueuse et improvisatrice s’était gâtée alors en abondant sans mesure dans son propre sens, et qu’elle ne perdait en aucun sujet cette habitude de parler à tout propos et quand même, de prendre les choses grosso modo et de s’en tenir aux à-peu-près, sauf à revêtir le tout d’une draperie oratoire ; et il n’y avait plus même ombre de draperie quand il causait familièrement.

1685. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Je ne crois pouvoir rien ajouter à la force de cette expression, ne sachant point dire ce que je sens. […] La comtesse de Bonneval, informée de cette brouillerie, pressentit de loin l’orage ; elle écrivait à son mari avec ce sens de prudence que le cœur développe chez les femmes : « J’ai beaucoup souffert des bruits qui se sont répandus ici de votre brouillerie avec le prince Eugène… Quand nos amis deviennent nos ennemis, je les crois les plus dangereux. […] La tête de Bonneval s’exalte ; il sort évidemment du droit sens, et nous le retrouvons ce que nous l’avons précédemment trouvé avec Chamillart, et bien au-delà : Les personnes de ma naissance ont trois maîtres : Dieu, leur honneur, et leur souverain… Nous ne devons rien à ce dernier qui puisse choquer les deux premiers.

1686. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Hennin à cette lettre, réponse que les éditeurs ont eu le tort de supprimer, on voit cet homme de sens combattre la détermination de Bernardin, et lui représenter qu’il n’y a rien d’humiliant dans l’offre qui lui est faite ; que le premier pas est l’essentiel, et que le reste ne peut manquer de suivre : « Considérez, monsieur, que dans un pays où les sujets manquent, vous auriez été le premier employé. […] Dans ce premier essai de Bernardin, on saisit déjà le fond et les lignes principales de son talent : c’est moins développé, moins idéal, mais, en cela même aussi, plus réel par endroits et plus vrai en un sens que ce qu’il dira plus tard dans les Études et les Harmonies. […] … » Et Rousseau lui répondait dans la même pensée : « Il y a un si bel ordre dans l’ordre physique, et tant de désordre dans l’ordre moral, qu’il faut de toute nécessité qu’il y ait un monde où l’âme soit satisfaite. » Et il ajoutait avec effusion : « Nous avons ce sentiment au fond du cœur : Je sens qu’il doit me revenir quelque chose. » Que les personnes religieuses, avant de frapper sur Bernardin et sur Rousseau, veuillent toujours se rappeler ces deux belles paroles de l’un et de l’autre, ce quelque chose et ce quelqu’un.

1687. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Tous ces mots que je souligne et des milliers d’autres sont soulignés dans l’original, afin de contracter un sens profond que le lecteur pourrait oublier d’y découvrir. […] L’amiral y consentit, et, dans ces journaux qui arrivèrent, on lut des articles de Volney qui étaient dans le sens prochain de l’avenir. […] Nous touchons, ce me semble, dans tous les sens la tendance prononcée et les limites de cet esprit net et vigoureux.

1688. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Je ne me sens pas de corps, et ma cervelle me semble à l’état de gaz. […] Mercredi 14 septembre Voilà trois semaines, que je travaille de 10 du matin à 10 heures du soir, sans descendre de mon cabinet que pour manger, et en ne prenant de toute la semaine, comme vacances, que la soirée du samedi ; mais je suis fourbu, et je sens que ma pensée, qui en assez de La Faustin, veut prendre son envolée du bouquin. […] Samedi 17 décembre Aujourd’hui un collectionneur de tableaux de mes amis, avec le sens du pittoresque des choses qu’il a au plus haut degré, me peignait la mimique de l’heure présente des commis des grands marchands de tableaux, pour la vente d’une toile.

1689. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Dans cette tragédie, qui est en même temps une philosophie, tout flotte, hésite, atermoie, chancelle, se décompose, se disperse et se dissipe, la pensée est nuage, la volonté est vapeur, la résolution est crépuscule, l’action souffle à chaque instant en sens inverse, la rose des vents gouverne l’homme. […] Hamlet est, à notre sens, l’œuvre capitale de Shakespeare. […] Au dedans de lui les conjectures, les systèmes, les apparences monstrueuses, les souvenirs sanglants, la vénération du spectre, la haine, l’attendrissement, l’anxiété d’agir et de ne pas agir, son père, sa mère, ses devoirs en sens contraire, profond orage.

1690. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Quelques-uns de ceux qui ont lu un ouvrage en rapportent certains traits dont ils n’ont pas compris le sens, et qu’ils altèrent encore par tout ce qu’ils y mettent du leur ; et ces traits ainsi corrompus et défigurés, qui ne sont autre chose que leurs propres pensées et leurs expressions, ils les exposent à la censure, soutiennent qu’ils sont mauvais ; et tout le monde convient qu’ils sont mauvais : mais l’endroit de l’ouvrage que ces critiques croient citer, et qu’en effet ils ne citent point, n’en est pas pire. […] Elles trouvent sous leur plume des tours et des expressions qui souvent en nous ne sont l’effet que d’un long travail et d’une pénible recherche ; elles sont heureuses dans le choix des termes, qu’elles placent si juste, que tout connus qu’ils sont, ils ont le charme de la nouveauté, semblent être faits seulement pour l’usage où elles les mettent ; il n’appartient qu’à elles de faire lire dans un seul mot tout un sentiment, et de rendre délicatement une pensée qui est délicate ; elles ont un enchaînement de discours inimitable, qui se suit naturellement, et qui n’est lié que par le sens. […] L’on n’écrit que pour être entendu ; mais il faut du moins en écrivant faire entendre de belles choses : l’on doit avoir une diction pure, et user de termes qui soient propres, il est vrai ; mais il faut que ces termes si propres expriment des pensées nobles, vives, solides, et qui renferment un très beau sens ; c’est faire de la pureté et de la clarté du discours un mauvais usage que de les faire servir à une matière aride, infructueuse, qui est sans sel, sans utilité, sans nouveauté : que sert aux lecteurs de comprendre aisément et sans peine des choses frivoles et puériles, quelquefois fades et communes, et d’être moins incertains de la pensée d’un auteur, qu’ennuyés de son ouvrage.

1691. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Le contraste dans la revue entre un discours très critique sur le groupe et des recensions élogieuses de ses productions se confirme, et prend aussi son sens dans le refus des écoles et la valorisation des créateurs affirmés par le programme-manifeste d’Action. […] Etre solitaire et bon comme les arbres silencieux et les pierres muettes : alors il serait le plus éloigné de la réalité et le plus rapproché de l’Art. » Kurt Heynickead  : « Tu souris, homme, toi qui a le sens de l’existence bénie ? […] Cette chute peut désigner la captation et le détournement que Breton tente d’effectuer sur l’héritage poétique d’Apollinaire et dont témoignera l’utilisation, dans un tout autre sens, du mot apollinarien de « surréalisme ».

1692. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Avant lui, il est vrai, il s’était rencontré des écrivains dont le sens honnête et droit s’était soulevé d’indignation devant les crimes révolutionnaires, et qui n’avaient point partagé l’idolâtrie, maintenant si commune, pour son principe et ses excès. […] Alléger l’impôt, soulever le poids écrasant des taxes, il n’y avait pas d’autre politique, d’autre sens aux choses du gouvernement, pour ce peuple dont la lèvre était pure encore de tout ce qu’on lui a fait boire depuis à la coupe fumante de l’orgueil. […] Il s’est dit qu’à toutes les époques l’histoire des nations a tenu toute, en définitive, dans la conscience et les passions de quelques hommes ; que le dessous de cartes de l’Histoire est une suite de biographies ; qu’il y a beaucoup plus d’influences personnelles dans ce monde que de force des choses ; et ainsi il a effacé, pour sa part, le mot obscur qu’on élève dans l’histoire quand on ne la comprend plus et que le sens des hommes échappe, et renversé autant qu’il l’a pu ce phare de ténèbres qui redouble la grande ombre des événements passés, au lieu de la dissiper.

1693. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Ainsi elle est dans ces Rayons jaunes dont la Critique française, toujours française, s’est moquée presque autant que de la Ballade à la lune d’Alfred de Musset, et avec un sens poétique qui aurait indigné les poètes anglais, ces premiers poètes du monde ! […] Viguier) : Tous mes sens révoltés m’entraînaient plus rapides Que le poulain fumant qui s’effraie et bondit, Ou la mule sans frein d’un Absalon maudit ! […] Sainte-Beuve, romantique de la première heure, aurait dû, s’il avait continué d’aller vaillamment dans le sens de sa jeunesse, monter au plus haut dans l’outrance de ses facultés et de sa manière.

1694. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Puisqu’il s’emparait de l’idée chrétienne, de cette donnée qu’il faut accepter toute ou rejeter toute, car, si on est chrétien, il n’est pas permis de manquer à sa foi, et, si on est vraiment un homme, d’affaiblir par des arrangements de fantaisie, l’Évangile, l’Apocalypse, les Mystiques, la Légende et la Tradition, — puisque, ravi par la sombre splendeur du dogme de l’Enfer, il foulait d’un pied libre le cadavre de Voltaire, se souciant peu des rires que cet autre démon a semés sur les lèvres humaines, et se dévouant à chanter les supplices qui répugnent tant pour l’heure à notre spiritualisme épouvanté, il fallait qu’il allât jusqu’au cœur de l’idée chrétienne, il fallait qu’il la creusât dans tous les sens pour lui arracher toutes ses beautés ! […] Ce cruel mépris d’expression, cette brutalité du coup de pinceau dans la description, sont, à notre sens, magnifiques, et on les retrouve à toutes pages dans le poème de M.  […] Un pas de plus dans le sens de cette poésie, qui est l’extrémité du rayon dont l’âme est le centre ; un pas de plus vers la circonférence des choses, et on trouverait la matière sèche, — sourde-muette inféconde, — la chinoiserie ; et le vers oubliant bientôt sa profonde destinée d’harmonie, ne demanderait plus sa mesure à l’oreille, mais aux yeux !

1695. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Lorsque le talent devance ainsi la réflexion et se confond avec l’éveil même de la pensée par les sens, il aura plus d’images que d’idées ; et ces idées, soudains éclairs du dehors, pourront quelquefois passer vite pour lui-même, tout en éblouissant au loin. […] Les ondes, éparses en rosée légère sous la violence du coup, remontaient pressées en colonnes qui parfois s’étendaient à toute la largeur de l’abîme et cachaient une part de l’horizon… « Ce qui m’étonna le plus, c’est qu’à l’abord du précipice, les vagues résistent en sens contraire et s’entrechoquent comme pour échapper ‘à l’impulsion qui les précipite, jusqu’au moment où, vaincues, elles s’abattent dans l’abîme avec un tonnerre souterrain, et font jaillir dans les airs d’immenses colonnes de nuées sur lesquelles l’arc d’Iris réfléchit ses plus éblouissantes couleurs. » C’est l’esquisse du voyageur, de l’émigré des Andes accoutumé à la puissante nature du monde américain, et la trouvant dépassée dans ce désert. […] Aujourd’hui elle s’est ouverte devant toi ; je sens ta main dans cette immensité, et ta voix retentit jusqu’à mon cœur dans le tonnerre éternel de ce fleuve qui tombe.

1696. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XX » pp. 84-86

La partie de Quinet est bien, très-bien : quant à celle de Michelet, elle est emphatique, un peu burlesque à mon sens, ægri somnia.

1697. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Faramond, Maurice de (1862-1923) »

Et ce jour-là, on salua un sens neuf du dialogue, précis, coloré, raccourci.

1698. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponchon, Raoul (1848-1937) »

Nulle ironie dans le sens méchant et triste du mot.

1699. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rebell, Hugues (1867-1905) »

René Boylesve Toutes les fois qu’il sera question de cet élargissement, de cette aération, de cette humanisation de la poésie, on devra se reporter aux magnifiques Chants de la Pluie et du Soleil, de Hugues Rebell, qui me paraissent, en ce sens, le plus fort mouvement initial.

1700. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IV. Petits Symbolards » pp. 49-52

* * * Ces quatre pantomimes, et plusieurs autres non moins riches de sens, la Madone les exécute à son tour, cependant que le Chevalier se repose.

1701. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

Comment procéder pour sillonner le terrain en tous sens et pour ne rien omettre de ce qui doit être noté et examiné ?

1702. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 162-165

Son Poëme, intitulé les Sens, est un Recueil de bévues, où la Poésie & la Philosophie sont également profanées.

1703. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Il n’y en a guère, parmi ceux qu’on a publiés de Weiss, de plus suggestifs que celui-ci, et j’en sens tout le mérite, quoique je me reconnaisse très incompétent pour juger des matières qu’il y traite. […] C’est dans ce sens qu’un enfant même et un ignorant peuvent être poètes, et c’est ainsi que déjà Goethe l’était. […] Le mot profond de l’Évangile : « Heureux ceux qui ont cru et qui n’ont pas vu », n’aurait plus de sens. […] Du moins, n’est-ce pas non plus un jugement dont le sens littéral nous soit obscur. […] L’Allemand est impuissant à devenir un hypocrite complet par la raison qu’il reste toujours en quelque manière sincèrement bonhomme et sincèrement pieux : je prends ici ce mot de piété dans son sens le plus étendu, le sens du latin pietas.

1704. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Il répara vite ce désaccord, j’oserai dire cette belle ignorance, plus regrettable, à mon sens, qu’on ne croit : en écrivant Cinq-Mars, un peu au hasard d’abord, il s’accoutuma vite à cette autre forme de développement qui, à partir de Stello, est devenue pour lui un art, un rhythme, un tissu mi-parti d’analyse et de poésie, mais dans lequel beaucoup trop de cette précédente et pure poésie a passé. […] Dans Stello, l’histoire d’André Chénier serait parfaite à mon sens et de poésie et de vérité, sans la scène arrangée chez Robespierre, où mille petites invraisemblances accumulées composent une impossibilité énorme. […] Et d’abord il est bon de savoir que depuis la rivalité dramatique qui s’était introduite dès 1830 entre De Vigny et Hugo, rivalité qui n’exista jamais que dans l’esprit du premier, la prétention de De Vigny était d’avoir eu son développement unique, indépendant, isolé même, en dehors de tous les autres poëtes de sa génération, et cette prétention à une lignée à part et à une originalité sans pareille, il l’avait fait accepter par Planche qui, déjà brouillé avec Victor Hugo, avait dans un article de la Revue des Deux Mondes caressé en ce sens la susceptibilité du chantre d’Éloa. […] Quand j’ai le malheur d’analyser ainsi les cœurs de ceux qui m’entourent, je me sens prêt à mourir de désespoir ; l’effroi me prend comme si j’étais seul au monde, comme le dernier homme ; et c’est donc là ce que vous souffrez et ce que nous vous faisons souffrir ?

1705. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Il y eut là comme une épreuve, en un sens, de la scène finale de Virginie. […] … Ne pressez pas trop le sens : ce sont là de ces vers d’elle, pénétrants et vagues, qui vous poursuivent d’une longue rêverie. […] J’ai des moments où je croule, mais je me sens toujours soutenue par cette main divine qui nous a faits frère et sœur pour nous aider et nous chérir, mon bon Félix. […] En jouir sans qu’elle y trouve du plaisir serait de plus une jouissance bien incomplète, et je ne me sens pas l’énergie d’aimer pour moi-même.

1706. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Ses plus profondes impressions, lui-même s’en fait gloire, datent d’alors et donnent le sens vrai de son talent. […] Qu’on me laisse dire encore : ces points de vue sont si éloignés déjà, si fugitifs ; ceux même qui les devraient le mieux savoir semblent si peu s’en ressouvenir en jugeant aujourd’hui, que j’ai besoin de tourner en tous sens pour les marquer. […] Le plus léger des houzards romantiques, M. de Stendhal, poussait des pointes en divers sens ; des esprits studieux et libres, comme M. […] Par ces excursions, par ces alliances combinées en divers sens, il cherchait évidemment à remonter, à ravitailler le genre classique, à qui de lui-même l’invention manquait un peu.

1707. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Ainsi tout concourait à accomplir en elle son sens délicat et ce que j’appellerai sa justesse ornée. […] Du milieu de cette foule de bonnes plaisanteries qui lui échappaient sans cesse, jaillissaient encore des réflexions fortes et profondes, que son bon goût avait soin de revêtir toujours d’une sorte de couleur féminine… » Sans trop m’arrêter sur cet ancien portrait de famille placé aux origines de notre sujet, et qui le domine du fond, sans prétendre non plus pénétrer dans le mystère de la transmission des esprits, ne semble-t-il donc pas, presque à la première vue, que de si amples et si vives qualités maternelles aient suffi à se partager dans sa descendance, et à y fructifier en divers sens, comme un riche héritage ? […] En politique, on y était royaliste en ce sens qu’on aimait mieux Louis XVI que ses juges, et les émigrés que les jacobins ; mais on s’y montrait, en général, assez disposé à embrasser tout gouvernement régulier, tout ce qui garantirait l’ordre et le repos. […] La nature n’a pas cette unité, et parce que la vie de la cour et la pratique de ses intrigues auront émoussé les facultés sensibles de tel personnage, il ne faut pas conclure pourtant qu’elles soient entièrement détruites. » — Un jour, après un dîné d’apparat chez ce ministre, la conversation se soutient avec un remarquable intérêt : « Chose assez étrange (dit l’un des personnages du roman), grâce à la liberté d’esprit dont le ministre donnait l’exemple à tous, ses conviés diplomatiques n’avaient point l’air de s’étudier à ne prononcer que des paroles qui n’eussent aucun sens.

1708. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

dans mon lit, j’avais là, mais vraiment, la tentation de me relever et de filer au chemin de fer, laissant mon monde continuer son voyage… J’ai besoin de Paris, de son pavé… Les quais, le soir, avec toutes ces lumières… Vous ne croyez pas qu’il y a des jours, où je me sens tout heureuse de l’habiter… Ça été si longtemps mon désir d’y venir… Non, quand je ne suis plus en France, il y a un trouble en moi, j’ai le diable au corps d’y revenir, d’y être, de me trouver avec des Français… Et la première fois que j’ai mis le pied sur de la terre française, en août 1841, il était deux heures du matin, « le premier pantalon garance » que j’ai aperçu, ça été plus fort que moi, je suis descendue de voiture pour l’embrasser… Oui, je l’ai embrassé !  […] Flaubert déclare qu’il danserait devant sa glace. « Moi, c’est singulier, dit Tourguéneff, après, seulement après, je rentre en rapport avec les choses qui m’entourent… Les choses reprennent la réalité qu’elles n’avaient point, un moment avant… Je me sens moi… et la table qui est là, redevient une table… Oui, les relations entre mon individu et la nature se renouent, se rétablissent, recommencent. » Mercredi 6 février Flaubert, parlant de l’engouement de tout le monde impérial, à Fontainebleau, pour la Lanterne de Rochefort, racontait un mot de Feuillet. […] Mardi 7 mai Parmi les gens à imagination, je suis étonné, combien il leur manque le sens de l’art, la vue compréhensive des beautés plastiques, et parmi ceux qui ont cela, je suis étonné combien il leur manque l’invention, la création : ils ne sont que des critiques. […] Zola, parlant de l’insuccès du Bouton de rose, joué il y a une dizaine de jours, s’écrie : « Cela me rajeunit… Cela me donne vingt ans… Le succès de L’Assommoir m’avait avachi… Vraiment, quand je pense à l’enfilade de romans qui me restent à fabriquer, je sens qu’il n’y a qu’un état de lutte et de colère, qui puisse me les faire faire ! 

1709. (1772) Éloge de Racine pp. -

J’en développerai les raisons et les preuves : je les trouverai dans l’amour-propre et les intérêts de la médiocrité ; dans cet esprit des sectes littéraires, qui, comme toutes les autres, ont leur politique et leur secret ; enfin dans le petit nombre des hommes doués de ce sens exquis qu’on appelle le goût. […] Enfin, chez les athéniens, les spectacles donnés par les magistrats en certains temps de l’année, étaient des fêtes pompeuses et magnifiques où se signalait la brillante rivalité de tous les arts, et où les sens, séduits de toutes les manières, rendaient l’esprit des juges moins sévère et moins difficile ; ici, la satiété, qui naît d’une jouissance de tous les jours, doit ajouter beaucoup à la sévérité du spectateur, lui donner un besoin plus impérieux d’émotions fortes et nouvelles ; et de toutes ces considérations, on peut conclure que l’art des Corneille et des Racine devait être plus étendu, plus varié et plus difficile que l’art des Euripide et des Sophocle. […] Mais comment parler de Bérénice , sans admirer encore cette éloquence si touchante et si inépuisable, cette diction si flexible et si mélodieuse, qui exerce tant d’empire sur les coeurs et sur les sens ? […] Pour en voir tous les effets, c’est au théâtre qu’il faut se transporter ; c’est là qu’il faut voir les tendres pleurs d’Iphigénie, les larmes jalouses d’éryphile, et les combats d’Agamemnon ; c’est là qu’il faut entendre les cris si douloureux et si déchirans des entrailles maternelles de Clytemnestre ; c’est là qu’il faut contempler d’un côté le roi des rois ; de l’autre Achille, ces deux grandeurs en présence, prêtes à se heurter, le fer prêt à étinceler dans les mains du guerrier, et la majesté royale sur le front du souverain : et quand vous aurez vu la foule immobile et en silence, attentive à ce grand spectacle, suspendue à tous les ressorts que l’art fait mouvoir sur la scène ; quand vous aurez entendu de ce silence universel sortir tout à coup les sanglots de l’attendrissement, ou les cris de la terreur ; alors, si vous vous méfiez des surprises faites à vos sens et à votre ame par le prestige de l’optique théâtrale, revenez à vous-même dans la solitude du cabinet ; interrogez votre raison et votre goût, demandez-leur s’ils peuvent appeler des impressions que vous avez éprouvées, si la réflexion condamne ce qui a ému votre imagination, si retournant au même spectacle vous y porteriez des objections et des scrupules ; et vous verrez que tout ce que vous avez senti n’était pas de ces illusions passagères qu’un talent médiocre peut produire avec une situation heureuse et la pantomime des acteurs, mais un effet nécessaire et infaillible, fondé sur une étude réfléchie de la nature et du coeur humain ; effet qui doit être à jamais le même, et qui loin de s’affaiblir augmentera dans vous à mesure que vous le considérerez de plus près.

1710. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Seulement, ces efforts sont-ils bien dans le sens de ses facultés ? […] Taine, je crois, révéla le vrai sens dans lequel il aurait dû pousser ou laisser épanouir son talent d’écrivain. […] La Bête humaine, en révolution constitutionnelle (dans le sens médical), ne veut pas de l’origine que lui donne l’auteur des Origines de la France contemporaine. […] Tel le sens, l’importance singulière et la profonde pensée de cette histoire.

1711. (1864) Le roman contemporain

Suivant que cette question sera résolue dans mon sens ou dans celui de mon contradicteur, l’étude du Roman contemporain, chacun le comprend, acquerra ou perdra de son importance. […] En ce sens, malgré la liberté et même la licence des mœurs qu’il peint, mais sans s’arrêter aucunement aux contours, il est supérieur, même au point de vue moral, à M.  […] C’est ainsi qu’après les révolutions accomplies en sens contraire, il se trouve presque toujours une population pour battre des mains à ce qui a été fait. […] C’est de cette réaction dans le sens du spiritualisme que M.  […] Il n’a pas assez songé qu’il y avait là une tentation pour Jean Valjean, dont le sens moral est comme oblitéré et dont la convoitise s’allume.

1712. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Cousin en était venu à s’occuper d’histoire au sens le plus sévère du mot ; il s’était attaché à Mazarin ; il tenait à éclaircir et à expliquer jusqu’à la dernière précision, jusqu’à la minutie même, certaines circonstances de la vie du grand négociateur. […] Cette parole entraînée ne pouvait s’empêcher d’outrepasser, d’exagérer en un sens ou en un autre : « C’est l’esprit qui a le plus besoin de garde-fou », disait M. 

1713. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

On peut affirmer en ce sens qu’Ivanhoë, par exemple, acheva d’éclairer et d’illustrer l’Iliade. […] C’est ce qu’un autre savant écrivait à Wolf après l’avoir lu : « Tant que je vous lis, je suis d’accord avec vous ; dès que je pose le livre, tout cet assentiment s’évanouit. » Les philologues, les érudits positifs ont beau faire assez peu de cas des considérations générales et des raisons puisées dans le sens intime ; ici eux-mêmes sont forcés de raisonner pour étayer leur système, et ils n’arrivent à leurs résultats que par voie d’induction ; car, s’ils s’en tenaient purement au fait transmis, à l’opinion constamment exprimée par les Anciens, ils croiraient à Homère nonobstant les difficultés qu’après tout les Anciens aussi n’ont pas été sans se poser.

1714. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Même quand ils ne deviennent ni des fripons, ni des escrocs avilis, ni des hâbleurs impudents ; quand quelque chose de l’honnête homme leur reste, et qu’on peut leur donner la main, il ne faut pas s’attendre à beaucoup de scrupules de leur part ; leur sens moral, chatouilleux peut-être et intact sur un ou deux points, vous paraîtra fort aboli et coulant pour tout le reste. […] S., avec la belle Henriette, avec ces divinités sans nombre qu’il a aimées et qu’il déclare toutes suaves, c’est la facilité, l’insouciance mêlée de tendresse, le plaisir dominant, le bonheur, l’amour à l’antique, nu, comme les Grecs ioniens, comme Horace l’entendaient, comme Courier de nos jours et Béranger, un amour vif, tendre, jouissant, successif et oublieux, l’âme n’y étant que pour orner les sens, les délasser et leur sourire, non pour les torturer de ses jalousies ou de ses remords.

1715. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

… Ô renversement étrange du sens moral dans ces cœurs contre nature ! […] C’était aussi le temps où ces jouets de l’âme, Tes romans, s’effeuillaient sur des genoux de femme, Et laissaient à leurs sens, ivres du titre seul, L’indélébile odeur de la fleur du Tilleul !

1716. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Ce sont deux excellents ouvrages de vulgarisation, au sens le plus élevé du mot, de cette vulgarisation dont seuls les esprits très savants et très intelligents sont capables. […] Mais, en lui, la prudence critique s’affermit par le sens aigu de la vie, par la connaissance désabusée et sans amertume de l’humanité, par la disposition avisée à ne voir la nature ni en noir ni en bleu.

1717. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire Conférence faite à l’Université de Bruxelles Mesdames, Messieurs, Lorsque Boileau se constituait le défenseur des anciens contre Perrault et ses amis, le docte Huet déniait à ce poète si médiocrement érudit qu’il eût qualité pour le faire, et lui disait en le voyant s’échauffer : « Monsieur Despréaux, il me semble que cela nous regarde plus que vous. » J’ai peur, Mesdames et Messieurs, qu’en venant discourir ici sur la méthode scientifique  moi dont la culture et l’étude sont entièrement littéraires  j’ai peur que mes deux illustres compatriotes qui sont ici, le mathématicien Poincaré et le biologiste Le Dantec, ne me tirent par la manche et ne me disent : « Mon cher collègue, cela nous regarde plus que vous. » Ce n’est qu’avec beaucoup de discrétion et de réserves que j’ose transporter cette notion de méthode scientifique à l’histoire littéraire, et il faut d’abord que je précise brièvement en quel sens et dans quelle mesure nous osons prétendre que nous faisons du travail scientifique. […] Mais il faut n’avoir guère suivi le mouvement des études littéraires dans ces dernières années, pour ne pas remarquer que le champ des disputes se resserre, que le domaine de la science faite, de la connaissance incontestée, va s’étendant et laisse ainsi moins de liberté, à moins qu’ils ne s’échappent par l’ignorance, aux jeux des dilettantes et aux partis-pris des fanatiques, si bien qu’on peut sans chimère prévoir un jour où, s’entendant sur les définitions, le contenu, le sens des œuvres, on ne disputera plus que de leur bonté et de leur malice, c’est-à-dire des qualificatifs sentimentaux.

1718. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Elle s’efforce de connaître le tempérament du sujet, sa taille, la conformation de son crâne, le volume probable de son cerveau, sa vigueur musculaire, le plus ou moins de justesse et d’acuité de ses différents sens. […] L’œuvre recouvre son sens vrai, reprend sa portée réelle.

1719. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

C’est en se fondant sur ces apparences que des philosophes, même éminents, ont pensé qu’un sens particulier était nécessaire pour expliquer leur existence. […] « Nous pouvons expliquer maintenant les phénomènes classés sous les titres de sens moral, facultés ou affections morales. » Quoique plusieurs des psychologues qui nous occupent aient une tendance marquée à esquisser en passant un traité sur les mœurs, nous serons très court sur ce point ; car si la psychologie touche à la morale, la psychologie n’est pas la morale.

1720. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Dans ce champ immense encore presque inexploré, Darwin n’a creusé qu’un seul point : le sens moral. […] Mais ces travaux, bien loin de tendre vers la métaphysique, reposent sur l’expérience, au sens strict du mot.

1721. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Il s’est bien gardé de prendre ce mot dans le sens qu’un amateur des modernes lui eût probablement donné. […] c’est ce mouvement propre au poète que je ne sens jamais dans le spirituel critique.

1722. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Maintenant, de quelque côté qu’on vienne, on le suit volontiers ; on accepte non pas seulement la vibration et l’éclat, mais le sens de ses nobles paroles. […] L’âpreté du sens était déguisée par l’élégance du bien dire et le parfait bon air.

1723. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

  Et certes, je l’ai dit, le roman en naissant, en s’attaquant à la matière humaine, acceptait le danger de dévier aussi, et dans ce sens précis ; mais presque à son corps défendant, sans presque en prendre conscience. […] Les jeunes combattants ne pouvaient se tromper sur la valeur des forces ennemies… Car il est temps de rendre à la poussée lyrique dont la clameur emplit ces quinze ou vingt dernières années, son sens réel et sa juste physionomie.

1724. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

À notre sens, les uns et les autres avaient à la fois tort et raison. […] En admettant que ces deux lignes aient un sens, ce ne sont pas elles qui sont venues se superposer aux événements, ce sont les événements qui sont venus se ranger sous elles.

1725. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Le mot de simplicité n’a de sens défini que s’il signifie une absence complète de parties. […] Depuis, plusieurs essais ont été faits dans ce sens, notamment par Vierkandt (Die Kulturtypen der Menschheit, in Archiv. f.

1726. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

L’illusion est naturelle à un esprit nourri de rhétorique classique. » Je ne crois pas seulement que Pascal joue avec les mots ; je crois qu’il joue aussi (dans le meilleur sens) avec sa pensée ; je crois qu’il la change, qu’il la pousse, qu’il la renforce ; et, comme il lui faut des mots pour exprimer ce qu’il sent, je crois, en effet, que sa pensée dépend souvent des mots, mais je crois aussi que ses mots dépendent également de sa pensée et qu’il trouve d’admirables mots par la seule force de sa pensée. […] Son génie consiste à avoir compris l’importance du fait… C’est en ce sens qu’il a été vraiment chef d’école… initiateur d’une analyse qui a renouvelé le roman français… Il a influencé tous les grands écrivains de son époque, Taine, Mérimée, Balzac, Flaubert, Bourget, Chuquet, Erekmann-Chatrian… Il a créé Tolstoï… Taine a appelé Stendhal le plus grand psychologue du siècle.

1727. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Mais ne l’entendez pas dans le sens littéraire qui voudrait dire : excessivement intuitive, excessivement profonde, excessivement subtile. […] Elle est infinie, infinie dans le sens métaphysique.

1728. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Quels que soient, d’ailleurs, les titres différents que M. de Coulanges donne à ses ouvrages, ils ne sont tous, si j’en saisis bien le sens et la portée, que les chapitres écrits d’un livre qui se continue, que les parties échafaudées d’un ensemble historique embrassé de haut, comme on embrasse tout un pays du sommet de ses montagnes. […] Fustel de Coulanges, c’est le raisonnement historique, c’est le sens critique qu’il porte dans l’interprétation de tous les faits contemporains de son histoire.

1729. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

John Lemoinne n’est pas un écrivain dans le sens compact, imposant, livresque du mot. […] Eh bien, un des livres les mieux faits dans le sens même que l’Académie veut imprimer aux œuvres historiques sur le paganisme de l’ancien monde, est ce livre de M. 

1730. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

— C’est convenu, répondit Verlaine, mais je me sens assez mal disposé aujourd’hui. […] C’est une fête pour l’âme et pour les sens. […] Ces mots, dont le sens n’est point fixe, laissent au lecteur toute liberté. […] Ai-je parfaitement compris le sens de cette parabole ? […] Combien ce romancier a le sens des hérédités lointaines dont la pesée agit encore sur nos sentiments et sur nos actes !

1731. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Aussi mes sens se sont aiguisés. […] Il y a des beaux vers qui n’ont aucun sens ». […] Il y a des beaux vers qui n’ont aucun sens ». […] Son sens du comique lui faisait rechercher certains originaux. […] La vie n’aurait aucun sens, si Dieu existait.

1732. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

(Castigat ridendo mores. ) « Mais ce n’est là, à mon sens, qu’une raison secondaire, et la vraie raison m’apparaît plus générale. […] Je m’arrête, car je sens quelle mince querelle je cherche ici à M.  […] C’est une bonne fille, au sens le plus honorable du mot. […] Bonne fille, elle aussi, mais dans un autre sens que l’aimable Riquette. […] Cela n’a l’air de rien : c’est pourtant très rare au Conservatoire, et cela, à mon sens, devait être récompensé.

1733. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « V » pp. 19-21

Dans cet état, incertitude, curiosité, engouement, on se pousse dans un sens, et si l’on n’y prend garde, cela devient sérieux : l’entraînement suit.

1734. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIX » pp. 227-230

Thiers est chargé du rapport ; on devine assez en quel sens il sera.

1735. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

Même quand ils ne deviennent ni des fripons, ni des escrocs avilis, ni des hableurs impudents, quand quelque chose de l’honnête homme leur reste, et qu’on peut leur donner la main, il ne faut pas s’attendre à beaucoup de scrupules de leur part ; leur sens moral, chatouilleux peut-être et intact sur un ou deux points, vous paraîtra fort aboli et coulant pour tout le reste.

1736. (1875) Premiers lundis. Tome III « Senac de Meilhan »

C’était à la fois de l’à-propos et du contretemps : — de l’à-propos, parce que Tacite reprenait tout son sens profond à la clarté des événements nouveaux ; — du contretemps, parce qu’on jouissait bien peu alors de cette liberté d’esprit qui seule eût permis d’être attentif à un tel essai littéraire et de rendre justice aux efforts méritoires du nouveau traducteur.

1737. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ackermann, Louise (1813-1890) »

Les poésies célèbres de Baudelaire ne sont que l’expression des sens révoltés qui se tordent dans l’épuisement et la fureur de leur impuissance, serpents de Laocoon qui n’ont plus à étreindre que le fumier sur lequel ils meurent.

1738. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haraucourt, Edmond (1857-1941) »

Leconte de Lisle L’Âme nue est un recueil de fort beaux poèmes où il a su exprimer de hautes conceptions en une langue noble et correcte, et prouver qu’il possédait, dans une parfaite concordance, un sens philosophique très averti, uni au sentiment de la nature et à celui du grand art.

1739. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lebrun, Pierre (1785-1873) »

Il est bien, en effet, un poète de transition et de l’époque intermédiaire, en ce sens qu’il unit en lui plus d’un ton de l’ancienne école et déjà de la nouvelle ; mais, ce que je prétends, c’est que ce n’est nullement par un procédé d’imitation ou par un goût de fusion qu’il nous offre de tels produits de son talent, car il est, il a été poète, sincèrement poète, de son cru et pour son propre compte ; il en porte la marque, le signe, au cœur et au front : il a la verve.

1740. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

Elle s’oppose à tout, & ne surmonte rien : Vous devez beaucoup moins redouter la colere Des loups, estans dessous l’abboy de votre chien, Que nous, nos sens gardés d’une telle chimere.

1741. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

L’art de la peinture est si difficile, il nous attaque par un sens, dont l’empire sur notre ame est si grand, qu’un tableau peut plaire par les seuls charmes de l’execution, independamment de l’objet qu’il répresente : mais je l’ai déja dit, notre attention et notre estime sont alors uniquement pour l’art de l’imitateur qui sçait nous plaire, même sans nous toucher.

1742. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Préface de l’auteur »

Ces thèses ont un sens physique bien défini : elles disent ce qu’Einstein a lu, par une intuition géniale, dans les équations de Lorentz.

1743. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

« Le style de ce recueil, rassemblé, élucidé, rénové par Confucius, disent-ils (page 69 des Mémoires), est simple, laconique, éloquent seulement par le sens, par la clarté, par la brièveté. […] Soit que l’empereur parle en souverain ou en chef de la littérature, il tâche de s’appuyer sur l’autorité de ce livre ; il se fait gloire d’en entendre le sens le plus caché ; il ne dédaigne pas de prendre le pinceau lui-même pour le copier et le commenter ; il y prend ordinairement le texte des discours qu’il adresse aux grands, aux princes, aux peuples de son empire. […] « Quoique j’aie déjà poussé ma carrière jusqu’à la soixante-huitième année de mon âge, je me sens encore aussi fort et aussi robuste que je l’ai jamais été ; je ne suis sujet à aucune sorte d’infirmité. […] Chaque particulier ne sent que ses propres peines ; je sens, moi seul, toutes les peines réunies de chaque particulier. […] Je sens tout le poids du fardeau que je porte, mais je continuerai de le porter autant de temps que les forces me le permettront.

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