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1646. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Après l’avoir étudiée de si près et dans ses propres confidences, je crois quelquefois, en vérité, qu’elle est là devant moi, intelligente et parlante ; je me la représente en personne, avec cette physionomie pétrie de tendresse, de finesse, de douce malice et de bonté : l’amour a passé par là, on le sent, non point précisément celui qui enflamme et qui ravage, mais celui qui brûle à petit feu et qui, toutes peines éteintes, laisse après lui une réflexion légèrement mélancolique et attendrie ; arrivée à cet âge où l’on n’espère plus et où l’on a renoncé à plaire, sans pour cela se négliger, dans sa mise de bon goût et simple, tout en elle est d’accord, tout se nuance, et s’assortit ; elle ne craint pas de laisser voir à son front et à ses tempes la racine argentée de ses cheveux où il a neigé un peu avant l’heure ; elle ne cherche pas à prolonger une jeunesse inutile et qui ne lui a donné que des regrets ; elle est aussi loin de l’illusion sentimentale et de l’éternelle bergerie d’une d’Houdetot, que de la sécheresse mordante et polie d’une Luxembourg ; elle a gardé la seule jeunesse du regard, l’étincelle aimante ; elle continue de sourire à cette vie qu’elle n’a guère connue que triste et amère ; elle rêve fidèlement à ce passé qui lui a valu si peu de douceurs, elle a le culte d’un souvenir, et si elle tient encore dans ses mains un livre à couverture bleue usée (comme dans ce portrait de femme attribué à Chardin), je suis bien sûr que c’est un volume de la Nouvelle Héloïse.

1647. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Ils sont perdus dans leur sillon ; ils ne portent pas leur regard au-delà.

1648. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

C’est un défaut d’intelligence, il faut bien le reconnaître, qui tient caché aux regards de Schlegel, de Jean-Paul et de Hegel lui-même l’ordre particulier de beauté exprimé dans les comédies de Molière.

1649. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

IV Il reste un groupe de propriétés qui au premier regard semblent personnelles au corps, intrinsèques, et non pas seulement relatives à des sensations ; telles sont l’étendue, la figure, la mobilité, la situation, toutes propriétés géométriques.

1650. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Quittons donc un moment l’Europe et les Indes, terres de l’imagination, traversons le Thibet qui sépare d’une muraille presque perpendiculaire de glace les deux plus vastes empires du monde, et jetons un regard profond sur la Chine, ce pays de la raison par excellence.

1651. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

De l’Aigle de saint Jean, qui vient de se jucher aux pieds de son évangéliste, sur les trois astres où il réside, on voyait clignoter le regard.

1652. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

« Il dit, Minerve l’entend ; mais elle ne se manifeste pas aux regards du héros, car elle redoute le frère de son père Neptune, dont le courroux violent persécutait le divin Ulysse jusqu’à ce qu’il eût retrouvé son pays. » Je n’oublierai jamais quelle noblesse et quels accents M. 

1653. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

La confidence est le sceau de la vérité : et que l’on confie à Dieu, à soi-même, à quelque amitié obscure, sans penser qu’aucun regard, aucune oreille interposée n’en dérobera rien pour le redire au monde, a un caractère d’intimité et de sincérité qui en centuple le prix.

1654. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Mon amie et moi, nous n’avions pas mis le pied à Florence tant que l’invasion avait duré, ni souillé nos regards de la vue d’un seul Français.

1655. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Quand Napoléon entra dans la chapelle, il jeta tout d’abord son regard sur les places réservées aux cardinaux.

1656. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Le vieux Melchior, son bonnet de soie noire tiré sur ses larges oreilles poilues, les paupières flasques, le nez pincé dans ses grandes bésicles de corne et les lèvres serrées, ne pouvait s’empêcher de déposer sur l’établi sa loupe et son poinçon et de jeter quelquefois un regard vers l’auberge, surtout quand les grands coups de fouet des postillons à lourdes bottes, petite veste et perruque de chanvre tortillée sur la nuque, retentissaient dans les échos des remparts, annonçant quelque nouveau personnage.

1657. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Il y a des œuvres plus profondes, plus parlantes à mesure que nous les interrogeons et que nous maintenons dessus notre regard attentif.

1658. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Prendre des noms à Molière, oser lire à son tour dans des cœurs où le regard de Molière avait pénétré, retoucher ses portraits et n’y pas échouer, c’est d’un homme qui aurait pu laisser un grand nom dans l’art, si le temps l’eût permis, et si, ardent et nécessiteux, il n’eût pas été jeté dans les hasards de la révolution par cette passion du bien-être par le pouvoir, qui se pare du nom de passion politique.

1659. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Cette charmante petite ivresse de la vie qu’il porte en lui-même lui donne le vertige ; il ne voit le monde qu’à travers une vapeur doucement colorée ; jetant sur toutes choses un curieux et joyeux regard, il sourit à tout, tout lui sourit.

1660. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

. — Et on trouvera dans ce premier acte un troisième genre de précision de la parole : c’est dans les récits d’Isolde, qui nous racontent ce qui a précédé, comment elle a soigné Tantris, comment elle a découvert que c’était lui le meurtrier de Morold, comment elle a voulu le tuer, mais que son regard lui fit tomber l’épée de la main.

1661. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

La lumière qui nous vient de ces œuvres resplendissantes : la Tétralogie, Tristan, les Maîtres chanteurs, Parsifal, l’a-t-on dévoilée dans toute sa pureté aux regards des ignorants ?

1662. (1909) De la poésie scientifique

Servant n’eût pourtant pas dû ignorer, au moins, en regard, les Anthologies de MM. 

1663. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Le fil presque invisible des affinités est soigneusement suivi du regard par ceux qui voient dans l’esprit prophétique un phénomène humain et normal, et qui, loin de dédaigner la question des miracles, la généralisent et la rattachent avec calme au phénomène permanent.

1664. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

« Je suis prêt, dit-il, dans sa profession de foi aux électeurs, à dévouer ma vie pour établir la République qui multipliera les chemins de fer… décuplera la valeur du sol… dissoudra l’émeute… fera de l’ordre, la loi des citoyens… grandira la France, conquerra le monde, sera en un mot le majestueux embrassement du genre humain sous le regard de Dieu satisfait. » Cette république est la bonne, la vraie, la république des affaires, qui présente « les côtés généreux » de sa devise de 1837.

1665. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Si nous jetons un regard sur nos océans actuels, nous constatons d’abord qu’ils sont trois fois plus étendus que les terres, et, en outre, qu’ils sont parsemés d’un grand nombre d’îles.

1666. (1903) La renaissance classique pp. -

Si romanesque qu’en fût le récit, comme il serait médiocre en regard des deux grandes œuvres qu’en ont tirées Virgile et Goethe ?

1667. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

J’avais épuisé mon questionnaire et nous causions de choses à côté, des gens en place, des esprits réfractaires à toute nouveauté, quand, par hasard, le portrait du général Boulanger, placé sur la cheminée, à côté de la photographie du maître de céans, d’après un tableau de Jacques Blanche, frappa mon regard. […] Moi aussi je suis gosse… (Ici, Verlaine prend sa posture coutumière : il redresse la tête, avance les lèvres, fixe son regard droit devant lui, étend le bras)… mais un gosse français, crénom de Dieu ! […] De mise très simple, une luxuriante barbe cendrée taillée carrément, l’expression un peu terne de sa physionomie est éclairée par le regard pénétrant et froid qui s’abrite derrière le binocle. […] Mon interlocuteur, le front plissé, le regard fixe, se promenait à travers la chambre, les mains dans les poches. […] … Tous les regards de mes co-symbolistes me fusillèrent… Évidemment, je n’étais pas un pur… Je trahissais… Dès lors, je cessai d’être cité dans les écrits symbolistes.

1668. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Un plus large horizon s’ouvre à ses regards, un monde d’idées se révèle ; une carrière d’activité et de gloire le tente. […] Vous descendez le long de votre petit escalier tournant, vous jetez un petit regard sur ma chambre, vous pensez un peu à moi.

1669. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Des fleurs semblent tout à fait des yeux (fig. 1), avec la pupille, le regard : l’aster, l’anthemis, la joubarbe, l’aconit, le souci, la scorsonère, et bien d’autres ; elles sont bonnes pour les yeux. […] Le regard, et nous rentrons aussitôt dans l’absurde, suffit pour cela. […] Son regard était plein d’angoisse.

1670. (1900) Molière pp. -283

Paris fournit aux auteurs de quoi tailler en pleine étoffe, mais la vie de province est une lice où toutes les passions sont en présence, où un ennemi ne peut se dérober à son ennemi, où personne ne peut échapper aux regards, où l’on passe sa vie à s’épier les uns les autres : c’est le vrai champ de l’espionnage. […] Il s’exprime, pendant tout le temps de la pièce, de la façon la plus bestiale : Ce mot et ce regard désarment ma colère, Et produit un retour de tendresse de cœur, Qui de son action m’efface la noirceur. […] Eh bien, avec cette imagination effrénée, il avait aussi par je ne sais quelle combinaison de la nature, l’esprit et l’humeur qui remettent tout en sa place et envisagent le monde avec ses proportions véritables ; la raison positive qui fournit certaines maximes pratiques pour se conduire dans la vie, et enfin ce regard froid et clair qui voit une époque à laquelle il est interdit de demander trop, et un prudent esprit de retour à la maxime de son Ariste, maxime très peu héroïque qui consiste à penser qu’il vaut mieux … Souffrir d’être au nombre des fous, Que du sage parti se voir seul contre tous47.

1671. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Dans l’universelle évolution, qui peut ne rien anéantir aux yeux du philosophe, mais qui renouvelle et transfigure toutes choses au regard désespéré de l’artiste, il y a pourtant des formes si belles qu’elles ne meurent point ; on a vu quelquefois de la prose assez solide pour se moquer du mauvais papier et pour n’avoir pas peur de faire retour à la pâte ; on compte quelques vers qui demeurent, plus indestructibles que l’airain : Ce que Malherbe écrit dure éternellement. […] Rien de plus profondément tragique que la malédiction lancée un soir par Sully-Prudhomme contre la Grande-Ourse, cette constellation au regard antichrétien, dont la fixité glaciale et funèbre est le premier, auteur de son désespoir religieux. […] Alors se résoudront dans l’harmonie toutes les contradictions apparentes du physique et du moral, des sens, de l’esprit et du cœur, qui dérobent ici-bas à nos regards anxieux la vérité divisée, fuyante, insaisissable en son idéale et réelle unité. […] Quand une fois on s’est mis à laisser aller ses rêves sur cette pente, bientôt on se sent pris de vertige ; il semble qu’on tourne dans un cercle dont il devient impossible de sortir, et l’univers lui-même finit par apparaître à nos troubles regards comme la vision d’un halluciné. […] En outre, et voici la cause essentielle de la rareté et de la fragilité des gloires posthumes, un chef-d’œuvre doit, en règle ordinaire, avoir existé dans le temps pour vivre dans l’éternité : c’est une création contemporaine avant d’être une création éternelle ; ramasser entre les morts un écrivain oublié et le dresser debout aux regards étonnés des hommes, c’est un peu comme si on essayait de faire tenir sur sa base et d’élever vers le ciel un arbre qui n’aurait plus de racines.

1672. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Ce qui trompe en ceci c’est que le corps a une beauté visible qui séduit et qui captive les regards ; mais on oublie d’abord que la beauté du corps est, en très grande partie au moins, empruntée à l’âme, reflet de l’âme, et ne serait rien, ou très peu de chose, sans elle ; ensuite que l’âme a sa beauté propre, intransmissible, incommunicable, cachée, mais qui se laisse découvrir à qui la cherche et qui est infiniment supérieure et qui éclate comme infiniment supérieure, une fois découverte, à celle du corps. […] Mais l’homme qui a été complètement initié, qui jadis a contemplé le plus grand nombre des essences, lorsqu’il aperçoit un visage qui retrace la beauté céleste ou un corps qui lui rappelle par ses formes l’essence de la beauté, sent d’abord comme un frisson et éprouve ses terreurs religieuses d’autrefois ; puis, attachant ses regards sur l’objet aimable, il le respecte comme un Dieu et, s’il ne craignait pas de voir traiter son enthousiasme de folie, il immolerait des victimes à l’objet de sa passion comme à une idole, comme à un Dieu… Cette affection, les hommes l’appellent amour ; les Dieux lui donnent un nom si singulier qu’il vous fera peut-être sourire. […] Il est assez curieux qu’entre deux grands mouvements philosophiques tout pleins de tendresse et de pitié et bonté à l’égard des hommes, j’entends le bouddhisme et le christianisme, il se soit élevé dans ce petit canton lumineux de la Grèce, une philosophie du bien, du beau et du juste qui s’est souciée de l’harmonie intérieure et de l’harmonie de la cité, que par conséquent, en considération de ce dernier point, il ne faut pas incriminer d’individualisme, mais qui n’a pas été réellement humaine, alors qu’elle était conçue par des gens qui avaient certes le regard assez vaste pour embrasser l’humanité. […] La bonne cité, aux yeux peu exercés et au premier regard, déjà bonne du reste réellement, mais pour un temps seulement, c’est la cité ordonnée ; la bonne cité pour qui sait voir, et qui doit rester telle indéfiniment, c’est la cité ordonnée selon la justice et par la justice. […] Il est assez naturel que nous jetions les regards vers le gouvernement de Sparte, qui a une très grande réputation parmi les hommes.

1673. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

d’où vous venait ce courage, ce feu qui brillait dans vos regards, cette ardeur qui vous enflammait ! […] Je me sens, quand il m’a baigné, le regard si pur, la tête si claire ! […] Sur ce thème Florian brode un peu de littérature, de rhétorique et d’amplification, et c’est tout ; qu’on en juge : Le signal se donne, la barrière s’ouvre, le taureau s’élance au milieu du cirque ; mais, au bruit de mille fanfares, aux cris, à la vue des spectateurs, il s’arrête, inquiet et troublé ; ses naseaux fument ; ses regards brûlants errent sur les amphithéâtres ; il semble également en proie à la surprise, à la fureur. […] Il enveloppait l’île de Caprée, la dérobait aux regards et le promontoire de Misène avait disparu… Je force ma mère à presser le pas… Elle m’obéit à regret et se reproche de me ralentir.

1674. (1888) Études sur le XIXe siècle

Raconte que la première, et je l’espère sûrement la dernière, tu as vu mes yeux supplier, tu m’as vu devant toi timide, tremblant (je brûle, en l’avouant, d’indignation et de honte), tu m’as vu épier humblement chacun de tes désirs, chacune de tes paroles, chacun de tes gestes, pâlir à tes orgueilleux dédains, briller de joie à un signe aimable, changer d’expression à tous les regards. » Si l’on prend ces vers au sérieux, si Aspasie est bien l’inconnue qui chassa brusquement Leopardi de Florence, on peut admettre que, cette fois-là, il éprouva un amour plus réel que ces divers caprices d’imagination, un amour qui triompha de sa timidité et lui fit connaître, à lui chaste et réservé, les supplications humiliantes où s’égare le commun des hommes. […] Dès ce moment, du reste, il semble que Rossetti ait pris sur ses amis un ascendant considérable : d’apparence austère et taciturne, sa figure presque émaciée éclairée par un regard méditatif — « intérieur », dit un de ses biographes —, négligé dans sa toilette, il ne frappait ni ne séduisait à première vue. […] Je dis à mes compagnons, qui me demandaient du regard ce qu’il fallait faire, de se mettre en chemin séparément et de chercher un refuge où ils pourraient ; en tout cas, de s’éloigner de l’endroit où nous étions, l’arrivée des bâtiments ennemis étant imminente.

1675. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Son portrait a été mis en regard avec le portrait de Jésus-Christ. […] Quoique la balance entr’eux ne soit peut-être pas égale, on peut les faire contraster, mettre Bouchardon, Pigale, Adam, Falconet, Vassé, en regard avec Carles-Vanloo, Boucher, de la Tour. […] (*) Lémos est représenté comme l’homme à qui la dispute convenoit le mieux, ayant un port de héros, la constitution la plus robuste, un regard fixe & menaçant, une poitrine excellente, une voix de tonnerre, beaucoup de présomption & très-peu de sçavoir ; mais il est permis d’en appeler à ses ouvrages & à sa réputation en Italie & en Espagne.

1676. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Les regards éteints, le vainqueur attendri écoute et réfléchit aux vicissitudes de la fortune ici-bas ; de temps en temps il exhale un soupir, et les larmes s’échappent de ses yeux.

1677. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Il n’en était pas besoin : un seul de ses regards rappelant ce qu’il avait dit tant de fois sur le danger de guerres incessantes, le spectacle de ses deux jambes brisées, la mort d’un autre héros d’Italie, Saint-Hilaire, frappé dans la journée, l’horrible hécatombe de quarante à cinquante mille hommes couchés à terre, n’étaient-ce pas là autant de reproches assez cruels, assez faciles à comprendre ?

1678. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

me dit-il avec un regard terrible et une voix altérée. — Je vous apporte, lui dis-je, vos joyaux, où il ne manque rien.

1679. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Hervieu, l’absence complète de snobisme, la redoutable clarté du regard, la justesse de la perspective.

1680. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

L’une des malheureuses victimes ouvre la bouche, elle va parler… Son regard prit une expression terrible et, d’une voix stridente, elle s’écria : — Demandez donc à la lionne ce qui se passe dans ses entrailles de mère quand, rentrant dans sa tanière, elle ne retrouve plus ses lionceaux, qu’on lui a pris… Tout d’abord, elle rugit, puis, les poils hérissés, elle s’élance, elle bondit à la poursuite des ravisseurs.

1681. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Je vous écris cela parce que je ne pourrais vous le dire si je vous voyais ; car lorsque je commence à me plaindre, vous vous fâchez, et il y a alors dans vos regards quelque chose de terrible qui m’impose silence. » De son côté, Stella, se sentant une rivale sans la connaître, se mourait, et en 1716, Swift, vaincu par sa douleur, l’épousa secrètement.

1682. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Dans cette multiplicité d’aveux échappés aux plus cruels tournions, le chant, le récitatif, la parole, l’interjection, le cri, le rire sardonique se succèdent et s’entremêlent avec une telle vérité pathologique, une telle science toxicologique, une telle variété de mouvements passionnés, désolés et révoltés, selon que les espérances accordées et frustrées, la pitié due à un cuisant remords obstinément déniée, le pardon d’une faute amèrement déplorée à jamais rendu impossible, les instantes supplications repoussées, les repentirs ardents dédaignés, enfin le terrifiement dernier du désastre irrémédiable viennent se retracer dans une énumération haletante, que es moment forme à lui seul un drame dans le grand drame, et par ses sombres couleurs et son épouvantable angoisse, se détache de ce qui l’a précédé ainsi que de ce qui va suivre, comme une évocation qui aurait brisé les scellés de l’abîme des maux, pour surgir devant nos regards pétrifiés, pour leur dévoiler subitement tout l’infini de la douleur, et chacun de ses râles impuissants.

1683. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Tous ces encouragemens ne firent pas beaucoup de fruits dans un païs où un regard affable du souverain suffit pour envoïer vingt personnes de condition affronter gaiement sur une breche la mort la moins évitable.

1684. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Elle dissimule savamment aux regards de la foule l’absence de pensée, la pauvreté des arguments, la puérilité de logique, la disette de bon sens.

1685. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Henri Morf me suggère une autre explication : quand notre regard embrasse un passé de deux mille ans, ne serions-nous pas victimes d’une illusion d’optique ?

1686. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Il redeviendra bon sous le regard miséricordieux et triste de Christiane. […] Ce ne sont point les figures qui sont fausses ou conventionnelles, c’est l’impression que le peintre en a reçue, le regard dont il les considère, l’opinion qu’il a d’elles et qu’il exprime ou laisse deviner dans le courant de son ouvrage. […] tel regard muet — et sans désir — échangé entre eux l’eût faite, un instant, son égale : ce que son absurde mariage ne fera jamais. […] Ne suis-je pas sous les regards de Dieu ? […] Sous le regard de ce Dieu, penché sur le genre humain et qui s’occupe très attentivement et très minutieusement de nos affaires, la terre est divisée en deux camps : les chrétiens, amis de Dieu, les païens, ses ennemis.

1687. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Ce n’est pas la fausse piété et l’attention à s’attirer les regards publics dans la pratique des œuvres saintes qui me paraît l’écueil le plus à craindre pour le commun des fidèles. […] Ô rhéteur emporté par les mouvements de votre rhétorique, dites-moi quelle compensation, quelle excuse, quelle atténuation il peut y avoir au regard l’un Dieu de justice pour « une vie entière d’iniquités », quelle que soit l’âme obscure ou distinguée qui l’ait vécue ? […] Certainement, quand il le voulait, et tout mal élevé qu’il fût ou qu’il ait pris plaisir à se peindre, il avait dans les manières, à défaut de l’usage étudié du monde, cette politesse instinctive du geste, cette flatterie du regard, cette câlinerie de la conversation où les femmes reconnaissent d’abord ceux qui les aiment ; mais surtout, il avait cette sensibilité profonde, et par conséquent maladive, que peut-être elles apprécient par-dessus tout au monde, parce qu’il n’est pas de disposition qui leur livre plus complètement un homme, ni qui leur permette, aussi longtemps du moins qu’elles savent le retenir et qu’il s’attache, d’être plus souverainement les inspiratrices de ses résolutions, les maîtresses de ses actes, et l’âme même, si je puis m’exprimer ainsi, de toute sa conduite. […] « Les feux de l’aurore, a dit Vauvenargues, ne sont pas plus doux que les premiers regards de la gloire. » L’auteur du Traité de la monnaie l’éprouva.

1688. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

C’est que le ton s’en tient d’accord avec tout le livre et tout l’auteur, où l’accent n’est presque jamais sur la chose vue, ni même sur le regard qui voit, mais sur l’ardeur qui s’exprime et la passion clairvoyante qui s’efforce. Cette image n’est pas celle d’une toile faite, mais d’un tableau qui se fait, la direction d’un regard qui vibre avec une ligne de la terre. […] Je citerai sur le caractère de Salammbô cette page parfaite, que je n’aurais pas manqué d’apporter, si je l’avais connue, à l’appui de mes réflexions sur le symbole2 : « On peut dire que le même mystère, qui défend la femme orientale contre les indiscrétions du voyageur européen, entoure la fille d’Hamilcar dans le roman de Flaubert et la dérobe aux regards profanes. […] Presque dans la même page, il écrit, à trente lignes d’intervalles : « J’aimais pourtant la vie, mais la vie expansive, radieuse, rayonnante ; je l’aimais dans le galop furieux des coursiers, dans le mouvement des vagues qui courent vers le rivage ; je l’aimais dans le battement des belles poitrines nues, dans le tremblement des regards amoureux… dans le soleil couchant, qui dore les vitres et fait penser aux balcons de Babylone où les reines se tenaient accoudées en regardant l’Asie » ; et ensuite : « Je suis né avec le désir de mourir. […] Massis à fixer et à aiguiser son regard sur certains points de la surface, alternativement et irrégulièrement éclairée, que nous offre aujourd’hui la mémoire de Renan.

1689. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

On se plaint de leur inexactitude, de leur partialité, de la légèreté avec laquelle ils parlent de ce qu’ils savent et quelquefois de ce qu’ils ignorent : que l’on mette en regard tout ce qu’ils ont détruit de préjugés et d’erreurs, répandu d’idées saines et de connaissances utiles ; que l’on veuille bien calculer tout ce qu’il faut aux écrivains des journaux et des revues de justesse dans l’esprit, de promptitude dans le coup d’œil, de clarté dans le style, pour mettre à la portée de tant de milliers de lecteurs comme un résumé perpétuel de ce qu’enfantent chaque jour les lettres, les sciences et les arts ! […] En même temps que Balzac, Stendhal, autrement maître de sa langue, mais mordu par une rancune noire, transperçait le cœur humain d’un regard plus impitoyable encore et non moins aigu. […] Sa maigreur ne répondait pas à l’idée que Mlle Raucourt, Mlle Georges et Mme Paradol avaient laissée de la personne tragique ; seulement elle en avait l’autorité dans son regard et la puissance dans sa voix.

1690. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

L’œil pâlit ou s’avive, lève ou abaisse son regard, et c’est le désir ou le dédain, le dépit ou la promesse, autant de pages qu’un homme comprend dès qu’il a intérêt à les lire. […] Elles sont patientes, souffrent les coups maladroits, les insultes, les caresses, et l’ironie de leurs yeux immuables étant tournée vers le ciel, les protagonistes n’ont pas à rougir ou à trembler sous un regard qui pourrait être médusien. […] Elle doit craindre un contact, un regard trop prolongé, une parole douteuse.

1691. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Je songe avec inquiétude aux regards plongeants des petits garçons du « paradis ». Quand Argan a dit que « Monsieur Purgon lui avait promis qu’il lui ferait faire un enfant » (car on a laissé la phrase, et l’on a manqué au respect de l’enfance par respect du texte de Molière), j’ai vu des petites filles se couler entre elles des regards sournois, et rire d’un petit rire équivoque, à la fois scandalisé et ravi, comme si on les avait chatouillées.

1692. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Et puisque nous avons mis l’insulte, mettons en regard tout aussitôt la réparation.

1693. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

» Astyage, au lieu de répondre, fixant ses regards sur Harpagus, lui demanda à son tour : « s’il s’appropriait ce que Cyrus avait fait ? 

1694. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Le jeune prêtre qui écrivait ce traité pour les filles de la duchesse de Beauvilliers, a pénétré au fond de ces natures délicates avec un regard qui n’est ni indiscret comme celui d’un homme du monde, ni timide et furtif comme celui d’un novice.

1695. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Montégut, le cousin de Daudet, qui fait la cuisine de L’Intransigeant, après dîner, dans une réminiscence reconnaissante, se met à parler de son opération chez les frères Saint-Jean-de-Dieu, des trois mois qu’il y a passés, de son premier lever, de son premier regard par la fenêtre, dans ce jardin qu’il avait vu à son entrée, tout dépouillé, complètement mort, et où la pousse d’une petite bande d’herbe, le faisait pleurer bêtement.

1696. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

. — Un regard jeté sur la classification des variétés qu’on croit ou qu’on sait descendues d’une espèce quelconque confirmera encore cette manière de voir.

1697. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Voir l’intérêt plus général de cette analyse de la parole intérieure morale pour le jeu sur les pronoms, le dédoublement du sujet et l’interaction avec le regard social au sens plus large dans le monologue intérieur (cf. notre présentation, 2e partie).

1698. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

la croix de ton père est là qui te regarde, La croix du vieux soldat mort dans la vieille garde… (Regard jeté dans une mansarde).

1699. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

On y naît de nouveau et l’on reporte ses regards sur ses anciennes idées, comme sur ses souliers d’enfant » L’expression est même plus jolie, pour dire une chose vraie, qu’elle n’a coutume de l’être sous cette plume solennelle et vague.

1700. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Sur la plupart des points il est arrêté ; ces arrêts se traduisent à nos yeux par autant d’apparitions d’espèces vivantes, c’est-à-dire d’organismes où notre regard, essentiellement analytique et synthétique, démêle une multitude d’éléments se coordonnant pour accomplir une multitude de fonctions ; le travail d’organisation n’était pourtant que l’arrêt lui-même, acte simple, analogue à l’enfoncement du pied qui détermine instantanément des milliers de grains de sable à s’entendre pour donner un dessin.

1701. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Comment définirez-vous l’impression d’une nuit obscure, d’une antique forêt, du vent qui gémit à travers des ruines ou sur des tombeaux, de l’océan qui se prolonge au-delà des regards ? […] Mais ils expliquent et accompagnent cette France, découverte aux élections de 1816 par le regard clairvoyant et distant du descendant de Mathieu Molé. […] Nulle part peut-être ces mains comblées et cette faveur de la prélibation n’apparaissent mieux que dans la position privilégiée de cette génération au regard des techniques.

1702. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

À peine ose-t-on la supplier, en lui montrant le Ciel, de détourner ses regards de l’impassible nature, qui ne livre à personne le mystère de ses lois et ne dit même pas si elle a besoin du génie naissant d’une jeune fille pour augmenter l’éclat et la pureté d’une étoile. […] Ici il ne s’agit que de votre moral et point du tout de vos projets terrestres… Je vous trouve audacieux de porter les regards à la hauteur où je me suis placée, mais le proverbe ne dit-il pas que le soldat qui n’aspire pas à devenir maréchal de France n’est qu’un mauvais soldat.

1703. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

D’autres enfin se placent également bien devant ou après leurs substantifs, c’est un savant homme, c’est un homme savant ; c’est un habile avocat ou un avocat habile ; & encore mieux, c’est un homme fort savant, c’est un avocat fort habile : mais on ne dit point c’est un expérimenté avocat, au lieu qu’on dit, c’est un avocat expérimenté, ou fort expérimenté ; c’est un beau livre, c’est un livre fort beau ; ami véritable, véritable ami ; de tendres regards, des regards tendres ; l’intelligence suprème, la suprème intelligence ; savoir profond, profond savoir ; affaire malheureuse, malheureuse affaire, &c.

1704. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

C’est au contraire fort cohérent : Voltaire met en regard l’égoïsme des uns, qui ne voient dans la patrie que l’agrément qu’ils en tirent, et l’abnégation des autres qui ne laissent pas d’être patriotes bien qu’ils n’aient rien à y gagner. […] Une ligne de plus ou de moins dans le sourire : plus de feu dans le regard, ou plus de mélancolie… » Vous vous souvenez ? […] Lorsqu’elle détournait ses regards des fleurs familières et des humbles plantes, c’était encore pour embrasser des horizons champêtres.

1705. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

À la surface, triste pour les a titres et pour lui-même, elle s’écoule dans la monotonie des mêmes travaux et des mêmes contemplations solitaires ; rien ne la récrée ni ne la soutient, elle paraît rude et dure, elle est froide au regard ; mais elle resplendit, à l’intérieur, de clartés magiques et de flamboiements voluptueux… L’Histoire s’étale dans son souvenir, l’humanité se déroule sous ses yeux, il s’enivre de la nature, l’art l’illumine de ses clartés… Quelle radieuse apothéose ! […] Mais la fleur s’était épanouie à la divine lumière, et le bon sire renonça à la monarchie universelle parce qu’il n’aurait pu s’emparer du petit cercle d’or sans briser ce lys virginal qui riait au soleil, palpitant d’une si douce vie… Le livre de la Chimère (1885-1888) s’ouvre par des images de mort, où comme dans la fresque d’Orcagna, les belles resplendissent et s’ébattent, enguirlandées de violettes : mais la Mort les contemple, et à ce regard, les chairs pures défleurissent sur les os.

1706. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

C’était d’une si juste tactique qu’au premier regard, cela semble être de l’habileté. — Ce n’en était pas, ou ce n’en était que dans la mesure, que dans les conditions où l’habileté s’ajuste précisément aux principes toujours acceptés, toujours professés. […] Il en revint aussi, traducteur et commentateur de Herder, féru d’histoire « vue par les grands côtés », contemplateur de grands espaces et de grandes périodes, très dévot à cette idole 3e notre siècle qui s’appela la philosophie de l’histoire, limant à passer en revue l’humanité, convoquant volontiers les générations dans une Josaphat de son invention, toutes choses qui, à Fonction sacerdotale, ajoutent le grand regard circulaire de l’inspiré et compliquent l’apôtre d’un poète épique.

1707. (1901) Figures et caractères

Auditeur attentif, il interrogeait les rythmes, de son beau regard pensif et voluptueux. […] Il le mêlait à tous les événements de sa vie, à ses chagrins, à ses espoirs, à ses amours, car il était passionné et cherchait aux yeux des femmes le regard des déesses absentes. […] A peine s’il effrite la pierre ; il dépolit le marbre pour miens en faire une sorte de chair incorruptible, il donne aux eaux des regards ; il dirige la croissance des arbres en poussées presque humaines ; ailleurs il est la Mort ; ici il est l’Art et il a tout façonné ainsi pour qu’existât, par ces jardins, une fois au moins en ce monde, l’emblème de la solitude, l’allégorie de cette solitude imaginaire qu’il faut qu’à certaines heures nous ayons en nous.

1708. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

On devinait sa supériorité : un Italien, raconte son biographe Gwinner, l’aborda un jour dans la rue en lui disant : « Monsieur, vous devez avoir fait quelque chose de grand, je ne sais pas quoi, mais je le devine à votre regard. » Mais cette supériorité inquiétait, comme si elle avait quelque chose de malsain. […] Cela peut convenir à la masse des hommes qui accomplissent machinalement leur destinée et laissent leurs regards s’arrêter à l’horizon. […] Parfois, l’écrivain semble arriver avec des idées entièrement neuves : soyez sûrs que, malgré les apparences, et quoiqu’elles détonnent peut-être sur le fonds intellectuel et moral des contemporains, il ne les a point tirées de sa propre substance, ni créées, au sens propre du mot ; il les a trouvées autour de lui, éparses partout, courant dans l’air comme de fines poussières qui échappent aux regards ordinaires, sortant à la fois de millions d’êtres muets qui n’auraient pu les exprimer, qui les produisent sans s’en douter, et auxquels il fournit les formules attendues, les images frappantes, claires, justes, le vêtement enfin, le vêtement qui empêche les frileuses idées de grelotter et de mourir.

1709. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Pour sentir la tristesse de cette résignation, mettez en regard l’indépendance du franc-tenancier anglais, ou du libre paysan de Hollande.

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