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836. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

Nous sommes malheureux, les ayant parmi nous ; Car, quoique nous ayons la raison en partage, Cette même raison que n’avez point chez vous, Nous réduit bien souvent dans un dur esclavage.

837. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 343-347

Le Critique avoit raison. […] Malebranche, c’est une effronterie, ou plutôt une espece de folie, que de se louer à tous momens, comme fait Montagne ; car ce n’est pas seulement pécher contre l’humilité chrétienne, mais c’est encore choquer la raison.

838. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 451-455

Il est regardé, avec raison, comme le Lafontaine du Vaudeville. […] La raison qu’en donne M. l’Abbé de Voisenon, c’est que sans mépriser les Grands, il ne savoit pas les cultiver.

839. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

Il faut toujours supposer, comme la raison le demande, que l’art ait réussi également ; car il ne suffit pas que les tableaux soïent de la même main. […] Or en distinguant l’attention qu’on donne à l’art d’avec celle qu’on donne à l’objet imité, on trouvera toujours que j’ai raison d’avancer que l’imitation ne fait jamais sur nous plus d’impression que l’objet imité en pourroit faire.

840. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Ce désintéressement d’ambition est un défaut selon le monde, qui le regarde comme une faiblesse de la volonté ; en réalité c’est une force de la raison ; cette abnégation personnelle laisse le sang-froid au cœur dans les affaires publiques, et par là même elle donne plus de lumière à l’esprit. […] On ne s’évite pas sans raison quand on n’a mutuellement rien à se reprocher ; mais, quand on ne veut pas d’explications difficiles, on se croise en route sans passer par le même chemin. […] Je n’osai pas la saluer ; elle n’avait pas de raison de reconnaître dans un étranger errant sous les pins de la campagne de Rome un de ses danseurs de Paris. […] J’espère que non, mais pourtant je suis tout consolé d’avance : j’aurais une raison légitime pour faire attendre au public les deux volumes que je lui dois encore. […] Vous voyez bien qu’on se retrouve, et que j’ai toujours raison.

841. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il n’en est pas de même du mauvais, né d’une autre sorte de raison que Fénelon appelle « bornée et subalterne. » Le propre de celui-là est tout à la fois de haïr ce qu’il veut changer, et de ne savoir changer qu’en renversant. […] Non que le premier ne sache penser, ni le second peindre ; mais La Bruyère nous donne plus volontiers la représentation et Montesquieu les raisons de nos ridicules. […] Pour Rollin, plus on lui fait la place grande dans les modestes régions du savoir, de la raison et du goût, moins on a de scrupule à lui refuser du génie. […] On sent partout la raison douce, la bonté, le père qui cache le maître, l’homme qui cache l’auteur. […] Dans ces pages, où les mêmes choses servent à l’instruction et à l’éducation, toutes les raisons littéraires sont par quelque côté des vérités morales.

842. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Tout cela s’efface même pour lui, à plus forte raison pour ses lecteurs, derrière les pensées ou actions véritablement expressives de sa vie et de la vie. […] L’action tire toujours une grande partie de son caractère agréable de la fin qui la justifie : un but de promenade rend la promenade meilleure ; on n’aime pas à lever même un doigt sans raison ; il en est ainsi pour tout. […] pourvu qu’elle soit vague surtout, ils ne lui demanderont rien de plus, ni la raison qui l’amène, ni l’idée qu’elle renferme. […] Au reste, le bon sens français proteste vite contre un parti pris de bâtir avec des nuages, lesquels s’arrangent et se dérangent, changent de formes sans autre raison que le vent qui passe, — le vent d’une fantaisie de poète qui nous demeure étrangère par système. […] On a dit avec raison qu’un sermon sur la chasteté a grand’peine à être chaste ; que sera-ce d’un roman sur la débauche ?

843. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Ce qui y est déjà, c’est-à-dire l’éternel nouveau-né de l’esprit humain, la raison : la raison un peu plus développée dans les choses divines, la raison un peu plus expliquée dans les choses humaines, la raison un peu plus associée à la loi dans la politique, en un mot, une révélation par le sens commun. […] Or, plus le règne de la raison s’accroîtra, plus la littérature véritable, qui est l’expression de la pensée humaine, s’accroîtra en œuvres de tout genre, et dans ces œuvres il y aura des chefs-d’œuvre. […] Qui peut dire, si elle ne se déchire pas dans l’enfantement, ce qu’enfantera en Amérique cette poésie de la raison et de la liberté, après la poésie des traditions ? […] Attendons, pour le dire, le poème épique de la raison humaine et le drame de la vérité qui se préparent à naître dans ce nouveau monde. […] On ne se fait ni sa nature, ni sa conviction, ni sa conscience : à tort ou à raison, j’étais républicain conservateur.

844. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

À plus forte raison suis-je assuré de la réalité du mouvement quand je le produis après avoir voulu le produire, et que le sens musculaire m’en apporte la conscience. […] Nous n’avons aucune raison, par exemple, de nous représenter l’atome comme solide, plutôt que liquide ou gazeux, ni de nous figurer l’action réciproque des atomes par des chocs plutôt que de toute autre manière. […] Il doit donc y avoir, dans l’ensemble des perceptions qui occupent un moment donné, la raison de ce qui se passera au moment suivant. […] Nous avions donc raison de dire, au début de ce livre, que la distinction du corps et de l’esprit ne doit pas s’établir en fonction de l’espace, mais du temps. […] Ainsi, pour reprendre une métaphore qui a déjà paru plusieurs fois dans ce livre, il faut, pour des raisons semblables, que le passé soit joué par la matière, imaginé par l’esprit.

845. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Il est curieux de l’entendre lui-même exposer ses raisons de voyage, tout rempli qu’il est de l’importance de l’œuvre honorable qu’il veut parfaire et achever. […] À toutes ses questions le comte de Foix répond volontiers, et il promet à l’historien pour son ouvrage un crédit dans l’avenir et une fortune que nulle autre histoire ne lui disputera : « Et la raison en est, disait-il, beau Maître, que depuis cinquante ans en çà sont advenus plus de faits d’armes et de merveilles au monde qu’il n’en étoit de trois cents ans auparavant. » Encouragé par un tel suffrage, Froissart s’applique de plus en plus à mettre son langage au niveau des actions qu’il a à raconter ; car il n’a rien tant à cœur que d’étendre et rehausser sa matière, dit-il, et d’exemplier (enseigner par des exemples) les bons qui se désirent avancer par armes. […] « Vous avez raison, dit Claverhouse en souriant, parfaitement raison : nous sommes tous deux des fanatiques ; mais il y a quelque différence entre le fanatisme inspiré par l’honneur, et celui que fait naître une sombre et farouche superstition. » — « Et cependant vous versez tous deux le sang sans remords et sans pitié », reprend Morton, incapable de cacher ses sentiments. […] Il est bien vrai qu’il réserve toutes ses sympathies et ses couleurs pour les hautes prouesses et les nobles entreprises d’armes, et ceux qui les font ; il est bien vrai que dans la répression de la Jacquerie, par exemple, et après le tableau des horreurs auxquelles elle s’est livrée, il se réjouit des représailles et de la vengeance qu’en tirent partout les seigneurs, et qu’il nous montre à plaisir les chevaliers qui, en fin de compte, ont raison par le glaive de tous « ces vilains, noirs et petits, et très mal armés ».

846. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Tantôt enfin (et c’est ici le cas qui n’est pas le moins original en son genre), nous avons vu la Théologie elle-même tout armée, la dialectique serrée et savante, sachant les points, les textes décisifs, les comment et les pourquoi de l’orthodoxie, sachant aussi les raisons du cœur et les plus fins arguments de la spiritualité ; nous l’avons vue venir du Nord sous la figure de Mme Swetchine, s’installer, prendre pied chez nous et y devenir conquérante à sa manière. […] Leur théorie ne laisse pas d’éprouver de secrets échecs, et il y a bien des moments où le corps a raison de l’esprit. […] » s’écrie-t-elle ; et elle trouve toutes sortes de raisons ingénieuses. […] La raison providentielle de la surdité, c’est qu’étant fermé aux bruits du dehors, on devienne plus attentif à la voix du dedans. […] Elle se fait, croyez-le bien, les objections ; elle se rend bien compte que, pour lui donner raison, il faut commencer par tourner le dos à la nature et se placer « dans la partie la plus providentielle des desseins de Dieu. » Aussi tous ceux qui feront ce chemin sous sa conduite et en fils dociles passeront-ils légèrement sur ses défauts pour se récrier à tout moment sur la beauté des points de vue.

847. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

» C’est ici que Chrémès fait cette heureuse réponse qui a eu son écho à travers les siècles : « Je suis homme, et je considère que rien d’humain ne m’est étranger. » Et il s’attache de son mieux à désarmer la misanthropie du farouche voisin, à lui, rendre en un sens quelconque la réponse facile : « Prenez que c’est ou un avertissement, ou bien une simple question à mon usage ; si vous avez raison, pour que je vous imite ; sinon, pour que je vous ramène » Ménédème, malgré tout, regimbe encore : « C’est mon habitude à moi ; à vous de faire comme vous l’entendez !  […] Déméa est triste ; il est irrité, mais il triomphe ; car la conduite différente des deux jeunes gens semble tout à fait lui donner raison. […] N’essayons pas de porter la raison dans l’amour, pas plus que d’être sage dans la folie. » Que la scène entre son jeune homme Phédria et la courtisane Thaïs (dans l’Eunuque) vient bien à l’appui de cette doctrine ! […] Térence a le talent voisin de l’âme ; il donne, plus qu’aucun écrivain, raison à ce mot de Vauvenargues, « qu’il faut avoir de l’âme pour avoir du goût. » Si Virgile, venu plus tôt, avait fait des comédies, il les aurait faites comme Térence. […] On ne peut oublier, pour peu qu’on ait été romantique, ce fameux exorde ex abrupto, ce début de tirade d’une superbe et terrible emphase ; mais ce n’est pas une raison pour l’imiter couramment.

848. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Napoléon, dans ses Mémoires, en a donné la raison : « Talleyrand avait été renvoyé du ministère des relations extérieures par l’influence de la société du Manège. […] Quelles que soient les raisons qu’on ait alléguées à sa décharge, telles que sa nonchalance, sa douceur de mœurs, il n’est pas clair du tout qu’il soit innocent. […] Dans tous les cas, il est terrible pour la moralité d’un homme qu’on ne puisse opposer de meilleure raison à son active intervention dans un cas de cette nature, que le peu d’intérêt qu’il y avait. Il s’en tira d’ailleurs dans le temps par un mot, et tandis qu’un autre, en apprenant le meurtre du duc d’Enghien, disait cette parole devenue célèbre : « C’est pire qu’un crime, c’est une faute22 », Talleyrand répondait à un ami qui lui conseillait de donner sa démission : « Si, comme vous le dites, Bonaparte s’est rendu coupable d’un crime, ce n’est pas une raison pour que je me rende coupable d’une sottise23. » Quant à l’affaire du Concordat et aux négociations qui l’amenèrent, il y poussa et y aida de toutes ses forces ; il y avait un intérêt direct, c’était de taire sa paix avec le pape et de régulariser son entrée dans la vie séculière ; ce qu’il obtint en effet par un bref. […] Répondant dans cet écrit à ses ennemis et ses détracteurs, il disait : « Ils osent affirmer que c’est moi qui ai aliéné de nous les États-Unis, lorsqu’ils savent bien qu’au moment précis où ils impriment cet étrange reproche, des négociateurs américains arrivent en France, et qu’ils ne peuvent ignorer la part qu’il m’est permis de prendre dans cet événement, à raison du langage plein de déférence, de modération et j’ose dire aussi de dignité, que je leur ai adressé au nom du Gouvernement français… » Il sut les attirer en effet par d’adroites paroles ; mais comment les actes et les procédés y répondirent-ils, et que devint cette dignité de ton en présence des faits ?

849. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Pour toutes ces raisons, aucune loi particulière ne sera jamais qu’approchée et probable. Les savants n’ont jamais méconnu cette vérité ; seulement ils croient, à tort ou à raison, que toute loi pourra être remplacée par une autre plus approchée et plus probable, que cette loi nouvelle ne sera elle-même que provisoire, mais que le même mouvement pourra continuer indéfiniment, de sorte que la science en progressant possédera des lois de plus en plus probables, que l’approximation finira par différer aussi peu que l’on veut de l’exactitude et la probabilité de la certitude. Si les savants qui pensent ainsi avaient raison, devrait-on dire encore que les lois de la nature sont contingentes, bien que chaque loi, prise en particulier, puisse être qualifiée de contingente ? […] On ne peut pour affirmer qu’il en sera ainsi invoquer aucune raison à priori ; mais c’est une question de fait, et la science a déjà assez vécu pour qu’en interrogeant son histoire, on puisse savoir si les édifices qu’elle élève résistent à l’épreuve du temps ou s’ils ne sont que des constructions éphémères. […] Quant à moi, je crois qu’ils ont raison, et, par exemple, j’ai montré plus haut quelle est la haute valeur des faits astronomiques, non parce qu’ils sont susceptibles d’applications pratiques, mais parce qu’ils sont les plus instructifs de tous.

850. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Ils ont remarqué avec raison que l’influence du milieu physique, très puissante aux débuts des sociétés humaines, va diminuant à mesure que la civilisation progresse. […] Ces raisons sont diverses : Paris et ses environs, dont l’importance est toujours considérable, paraissent jouer un rôle plus éclatant dans les époques de troubles politiques ; telle contrée a dû, semble-t-il, son éclat éphémère à un séjour de la cour, à l’existence de quelque université prospère ; telle autre s’est trouvée sur la route d’un courant d’idées venant d’un pays étranger : ainsi la Gascogne, à la fin du xvie  siècle, bénéficia de la grandeur de l’Espagne, sa voisine. […] Chenedollé, Lamartine, Sainte-Beuve sont nos lakistes, Ce n’est pas sans raison que le Lac fut et demeure la pièce des Méditations la plus populaire. Ce n’est pas sans raison que Musset, dégoûté par les imitateurs de son grand devancier, raille les rêveurs à nacelles, Les amants de la nuit, des lacs, des cascatelles. […] Partout où l’homme domine la nature, la raison prend le pas sur l’imagination, la science sur la fantaisie exaltée.

851. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Elle est entrée, à dater de ce moment, dans une voie de publication plus large, plus ouverte et à la portée de tous ; elle a eu raison. […] Le roi n’a rien su de ces courses nocturnes. » Voilà les raisons qui, sans que j’y tienne beaucoup, m’ont fait hasarder un doute contraire au vœu du spirituel auteur de la Notice, et élever pour ainsi dire question contre question. […] Admis dans l’intimité de la princesse et de Mme de Maintenon, traité sur le pied d’un bel enfant espiègle et spirituel, il ne tarda pas à prendre les licences que prend cet effronté de Chérubin près de sa marraine, et s’émancipa si bien qu’il ne fallut rien moins que la Bastille pour le remettre à la raison et satisfaire la colère du roi. […] Elle disait agréablement un jour à Mme de Maintenon : « Ma tante, je vous ai des obligations infinies, vous avez eu la patience d’attendre ma raison. » Elle eût sans doute été capable d’affaires et de politique. […] Il y a même quelque chose de plus grave, et que je ne vois aucune raison de dissimuler : selon Duclos, cette enfant si séduisante, et si chère au roi, n’en trahissait pas moins l’État en instruisant son père, le duc de Savoie, redevenu alors notre ennemi, de tous les projets militaires qu’elle trouvait moyen de lire : et avec sa familiarité folâtre, avec ses entrées à toute heure et partout, elle était à la source pour cela.

852. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Écrivant à Henri IV son mari en octobre 1594, elle lui disait en plaisantant que, s’il avait vu la place et la façon dont elle s’y gardait, il jugerait bien que c’était à faire à Dieu seul d’entreprendre de la réduire, et qu’elle avait bien raison de croire que « cet ermitage avait été miraculeusement bâti pour lui être une Arche de salut ». […] Marguerite en donne très gentiment une raison toute naturelle : Mais lors l’âge ancien de votre tante et mon enfantine jeunesse avaient plus de convenance, étant le naturel des vieilles gens d’aimer les petits enfants, et de ceux qui sont en âge parfait, comme était lors votre cousine, de mépriser et haïr leur importune simplicité. […] Dès la troisième ligne nous avons un mot grec : « Je louerais davantage votre œuvre, écrit-elle à Brantôme, si elle ne me louait tant, ne voulant qu’on attribue la louange que j’offrais plutôt à la philaftie qu’à la raison » ; à la philaftie, c’est-à-dire à l’amour-propre. […] Dans ses dernières années, pendant ses dîners et ses soupers, elle avait ordinairement quatre savants hommes près d’elle, auxquels elle proposait, au commencement du repas, quelque thèse plus ou moins sublime ou subtile, et, quand chacun avait parlé pour ou contre et avait épuisé ses raisons, elle intervenait et les remettait aux prises, provoquant et s’attirant à plaisir leur contradiction même. […] Quand la raison d’État eut déterminé Henri IV à se démarier, à rompre une union qui n’avait pas été seulement scandaleuse, mais stérile, Marguerite s’y prêta sans résistance, et en paraissant toutefois sentir ce qu’elle perdait.

853. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Deux choses indispensables : 1° S’entendre avec soi-même sur le sens du mot génie, que le vulgaire emploie d’une manière confuse et indéterminée, comme tous les mots complexes ; analyser cette idée, afin de bien savoir de quoi l’on parle ; 2° ouvrir le corps d’un très grand nombre d’hommes de génie, disséquer leur cerveau, et montrer à nos sens une certaine modification particulière, qui, se rencontrant à la fois chez les idiots et chez les hommes de génie, et ne se rencontrant que chez eux, fasse défaut à tous les hommes médiocres et doués de raison. […] Ce qui constitue le génie, ce n’est pas l’enthousiasme (car l’enthousiasme peut se produire dans les esprits les plus médiocres et les plus vides) ; c’est la supériorité de la raison. […] C’est ce qui fait, par exemple, que chez les fous, pour peu qu’on entrevoie une lueur de bon sens, on en est tellement frappé, qu’on croit y reconnaître une raison très-surprenante. […] Moreau (de Tours) dit avec raison, après Esquirol, que ce qui constitue la folie, c’est la lésion de l’attention. […] 3° La folie et la raison ont coïncidé chez un très-grand nombre d’hommes de génie.

854. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

La plupart sont des systématiques et des logiciens qui font ou des constructions à priori ou des plaidoyers : ils défendent ou condamnent la démocratie d’après certains principes généraux ; mais pas un n’a étudié la démocratie comme un fait, et cela d’ailleurs par une raison très-facile à comprendre, c’est que ce fait n’existait pas encore, au moins sur une grande échelle. […] Ainsi c’est précisément la force des pouvoirs qui amène les révolutions, et les révolutions à leur tour augmentent par mille raisons la force du pouvoir ; de là un cercle d’où il est difficile de sortir. […] Il montrait qu’ils ne sont pas toujours en raison directe l’un de l’autre, que l’esprit d’égalité n’a rien à craindre, qu’il est irrésistible, qu’il trouve toujours à gagner, même dans ses défaites, que les gouvernements ont intérêt à l’encourager et à le satisfaire, que, soutenue par la passion des peuples et l’intérêt des souverains, l’égalité fera son chemin quand même et par la force des choses, qu’enfin le vrai problème ne consiste pas à chercher si l’on aura l’égalité, mais quelle sorte d’égalité on aura. […] Il a donc conseillé à la démocratie de chercher son point d’appui dans la liberté, et de ne s’avancer dans l’égalité qu’en raison des progrès accomplis dans la conquête des libertés publiques. […] Si mes impressions étaient aussi tristes que vous le pensez, vous auriez raison de croire qu’il y a une sorte de contradiction dans mes conclusions, qui tendent, en définitive, à l’organisation progressive de la démocratie, J’ai cherché, il est vrai, à établir quelles étaient les tendances naturelles que donnait à l’esprit et aux institutions de l’homme un état démocratique.

855. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Il est probable que, par manque de termes de comparaison, nous nous trompons très fréquemment et que l’auteur qui nous dit : « Ces personnages que vous trouvez invraisemblables, je les ai connus » a raison. […] Il y a sans doute une certaine naïveté dans la forme ; mais il a parfaitement raison ; je dirai de même, et avec autant d’ingénuité, que c’est surtout dans l’exceptionnel qu’il faut un fond de vérité générale qui nous persuade que, si anormal qu’il soit, il est vrai encore, et qui, par là, lui rende en quelque sorte son autorité sur nous et par suite son intérêt. […] Secondement, un peu à cause de ce qui précède, mais pour d’autres raisons qu’il faudrait chercher dans sa psychologie individuelle, c’est un homme que la littérature de son temps, quand il est sorti du collège, a peu intéressé. […] Je veux dire qu’à chaque époque l’homme de raison, d’imagination, de sensibilité et dégoût y trouve son plaisir, à la condition qu’il ne soit pas dominé par le tour d’imagination, de sensibilité, de goût et de raisonnement qui est particulier à son temps même. Au XVIe siècle, un humaniste est un homme que le problème religieux, ou plus exactement ce qu’il y a de problèmes dans le sentiment religieux et dans la croyance, ne torture pas ; au XVIIe siècle, « le partisan des anciens » est un homme que la gloire de Louis le Grand, encore qu’elle le touche, n’éblouit point et n’hypnotise pas ; au XVIIIe siècle, l’homme de goût (très rare) est celui qui n’est pas très persuadé que l’univers vient pour la première fois d’ouvrir les yeux à la raison éternelle et que le monde date d’hier, d’aujourd’hui ou plutôt de demain ; au XIXe siècle, le classique, vraiment digne de ce nom, est celui qui n’est pas comme subjugué par les Hugo et les Lamartine et qui s’aperçoit, de tout ce qu’il y a, Dieu merci, de classique dans Hugo, Lamartine et Musset, et qui garde assez de liberté d’esprit pour lire Homère pour Homère lui-même et non pas en tant qu’homme qui annonce Hugo et qui semble quelquefois être son disciple.

856. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

raison de plus !)  […] Mais il parle pour lui, du reste ; il a raison. […] Pour cette raison, on est moins frappé qu’au premier jour ; mais ce n’est pas la seule raison, du reste, qui puisse expliquer la pâleur ou la lenteur du succès d’un livre dans lequel, selon moi l’auteur vaut bien ce qu’il valait quand il fit l’Oiseau, si même il ne vaut davantage ! […] Reconnu presque comme un artiste de génie, dans un pays où le talent, à tort ou à raison, rend imposants ceux qui prêtent le plus au sourire, Michelet a, surtout en ces derniers temps, fidèlement porté à sa boutonnière une fleur de gaieté qu’y plaçaient les autres et qui fleurissait d’un peu de ridicule son talent.

857. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Il avait raison : autour de Verlaine, au Quartier, c’était une étrange Bohême. […] D’autres, pour d’autres raisons, se montrèrent de même avis. […] Et combien vous donne encore raison cet exubérant Germinal que nous venons de voir paraître. […] Insultes et sarcasmes sont raisons de vaincus. […] Là seulement devait se résoudre la doctrine, se trouver sa raison d’être toute.

858. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Ne vaudrait-il pas mieux faire tout par devoir, par raison, par charité, et rien par sentiment ? […] Je vois un autre homme qui commet des fautes ; je le reprends, je lui donne les conseils les plus conformes à la raison : s’il ne les suit pas, tant pis pour lui ! […] Et vous, belle Saint-Yves de certain conte par trop badin, élevez-vous, ennoblissez-vous un peu, mêlez de la raison dans vos larmes, redevenez tout à fait pure et respectée pour l’atteindre. […] — Non, non ; elle n’est pas folle : elle a raison, a dit le père. […] On en peut surtout juger par son petit roman des Trois Femmes, bien remarquable philosophiquement, bien agréable (pruderie à part), et le seul, pour ces raisons, sur lequel nous ayons encore à insister.

859. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

On craint pour sa raison autant que pour sa vie. […] Car vous pensez bien qu’ils ne perdent pas le temps à corriger les épreuves du travail d’autrui, même quand ils ont jugé utile de se l’approprier, pour des raisons d’intérêt, financier supérieures aux raisons de la littérature. […] Ce n’est pas par vertu ou par raison qu’on créera une littérature nouvelle : c’est spontanément, quand on se sera placé dans les conditions nécessaires pour cela. […] À la libre discussion, qui veut le respect de la raison en soi-même et dans les autres, qui demande au lecteur un effort, on préfère ces hallucinations de mélodrame qui amusent la curiosité et flattent les préjugés et les passions. […] Voilà les raisons de l’incursion de la Revue dans l’industrie du roman populaire.

860. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

À plus forte raison ne l’est-il pas par d’autres. […] Nous aurons d’ailleurs raison l’un et l’autre. […] Il s’apercevra en route que la philosophie avait raison 27. […] Il n’y a aucune raison pour qu’ils ne vivent plus alors la même durée et n’évoluent pas dans le même Temps. […] La simultanéité savante lui paraît donc toujours pouvoir se convertir pour lui en simultanéité intuitive, et c’est la raison pour laquelle il l’appelle simultanéité.

861. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

L’émotion sympathique du lecteur est toujours en raison inverse de la dépense d’attention qu’on a exigée de lui. […] la pensée est le produit du corps entier… Et nous continuerions à dévider les cheveux emmêlés de la raison pure ! […] », mais a-t-on répondu avec raison, il faut qu’il ait pleuré : il faut que son accent garde l’écho des sentiments éprouvés et disparus. […] Tout âge, dit Elisabeth Browning, eu raison même de sa perspective trop rapprochée, est mal aperçu de ses contemporains. […] On a dit avec raison que l’image totale de la terre est obscurément évoquée par chaque paysage de Loti.

862. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Ce point de vue n’est pas facile à admettre pour plusieurs raisons, purement physiques. […] Il n’y a pas de Raison pure, pas plus qu’il n’y a de montagnes de cristal. […] Le domaine de la raison est limité. […] Je ne sais lequel Bossuet a choisi définitivement, mais on doit être assuré qu’il s’est décidé par des raisons de pensée, et non par des raisons d’oreille. […] Nullement, la raison est qu’ils étaient féminins en latin.

863. (1896) Écrivains étrangers. Première série

PYRRHON. — Tu as raison. […] Chamberlain a mille fois raison. […] Il l’habitua à voir la contrepartie de toute vérité de raison. […] Nous sommes fiers de notre raison, et nous croyons ingénument qu’elle dirige toute notre vie ; tandis qu’en réalité la part de notre raison personnelle dans notre vie se réduit à fort peu de chose. […] On se dit, et non sans raison : “Où est donc cette certitude que la science nous avait promise ?” 

864. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

La véritable raison de cette débauche de la plume est dans la recherche du nouveau. […] Telle en est la raison. […] Et nous garderions le mannequin littéraire des temps classiques, et nous continuerions à dévider les cheveux emmêlés de la raison pure ! […] Car plus les journaux se répandent à profusion, moins le roman a de raison d’être. […] Mille exemples se présenteront contre dix qui démontreront que la distribution des biens est souvent en raison inverse du mérite des individus.

865. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

et l’image buccale ne serait-elle pas la raison secrète de cette étrange localisation ? […] Le rapport des deux termes corrélatifs est renversé : c’est l’extériorité qui est la raison de la spatialité. […] La seconde, qui est plus rare, s’explique par des raisons analogues. […] Pour répondre, il faudrait savoir la raison mathématique des progressions croissantes et décroissantes de l’habitude. […] Voici ce qu’elle me dit : [suit un dialogue d’Augustin avec cette voix de « la Raison » qui lui dicte d’écrire après avoir demandé l’aide de Dieu dans une prière écrite].

866. (1887) Discours et conférences « Préface »

C’est nous qui avons raison. […] Mais il y a une raison, je l’avoue, qui m’a rendu insensible au dédain des politiques sûrs d’eux-mêmes.

867. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Quand Dieu, pour des raisons qui nous sont inconnues, veut hâter les ruines du monde, il ordonne au Temps de prêter sa faux à l’homme ; et le temps nous voit avec épouvante ravager dans un clin d’œil ce qu’il eût mis des siècles à détruire. […] Nous nous précipitâmes sur la terre, au milieu d’eux ; nos larmes coulaient ; nous dîmes, dans le secret de notre cœur : Pardonne, ô Seigneur, si nous avons murmuré en voyant la désolation de ton temple ; pardonne à notre raison ébranlée !

868. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVIII »

Il était essentiel pour moi de ne pas laisser croire à mes lecteurs que je me trouvais à court de raisons. […] Joran, est un guide moins pour les élèves, en dépit du titre, que pour les maîtres, pour ceux enfin dont la personnalité s’est déjà dégagée et qui n’ont plus qu’à fortifier en eux l’originalité par des lectures et des méditations appropriées53. » Après avoir bien réfléchi, bien pesé les raisons pour et contre, je garde donc la conviction non seulement que ma méthode n’est point mauvaise, mais qu’il n’y en a pas d’autre à proposer.

869. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

C’est par des raisons analogues qu’en certains pays on évite d’avoir des Pigeons blancs, parce qu’ils sont plus exposés à devenir la proie des oiseaux rapaces. […] Quelle raison a-t-on donc de supposer que, même alors, deux individus concourent à l’acte reproducteur ? […] Je ne vois aucune raison pour que ce procédé de modification, tel qu’il vient d’être exposé, soit nécessairement limité à la seule formation des genres. […] Mais, d’après l’hypothèse des créations indépendantes, ces différences n’ont-elles aucune raison d’être ? […] On peut même affirmer, au contraire, que la concurrence devait être d’autant plus vive que tous les êtres vivants étaient plus uniformes ; et comme, plus les espèces sont placées bas dans l’échelle des organismes, plus la raison géométrique de leur multiplication est élevée, il y a donc double raison pour que la sélection naturelle ait agi avec plus d’intensité autrefois qu’aujourd’hui ; et il se pourrait qu’en moyenne générale son mouvement progressif fût uniformément retardé, en raison directe du degré d’élévation du niveau supérieur de l’organisation.

870. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Nul Auteur n’a mieux possédé cette souplesse de l’ame, qui suit tous les mouvemens de son sujet. » A-t-on plus de raison de lui refuser de l’aptitude au sublime ? […] La Philosophie du Fabuliste, il est vrai, ne ressemble en rien à cette manie audacieuse qui tourmente, dégrade & ruine l’humanité, en prétendant l’instruire ; elle est puisée, au contraire, dans la saine raison, présentée avec décence, avec intérêt, & est toujours d’accord avec la politesse & la vertu. […] Deux Démons, à leur gré, partagent notre vie, Et de son patrimoine ont chassé la Raison : Je ne vois point de cœur qui ne leur sacrifie ; Si vous me demandez leur état & leur nom, J’appelle l’un Amour, & l’autre Ambition.

871. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Il se charge lui-même, ou un premier garçon habile, de la préparation des autres, telles sont celles sur les minéraux, les métaux, et elles conservent leur efficacité, et voilà une des raisons de la préférence qu’on leur donne dans la pratique. […] Là il leur. fera observer les symptômes de chacune des maladies qu’il aura à traiter, leur indiquera les moyens d’en découvrir les causes, leur fera remarquer la marche que la nature suit le plus ordinairement, les indications qui se présentent à remplir, et leur rendra raison de la méthode curative qu’il croira devoir adopter. Si le malade meurt, il sera tenu, sans qu’aucune raison ou prétexte puisse l’en empêcher, d’en faire ouvrir le cadavre en présence des étudiants.

872. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Or les poetes ont raison de pratiquer ce que Quintilien conseille aux orateurs, c’est de tirer leurs avantages des idées de ceux pour lesquels ils composent, et de s’y conformer. […] Si l’opinion qui donne aux bêtes une raison presque humaine est fausse ou non, ce n’est point l’affaire du poete. […] Ce qui étoit ordinaire de leur temps, ce qui est commun dans leur patrie, peut paroître blesser la vraisemblance et la raison, à des censeurs qui ne connoissent que leur temps et leur païs.

873. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens Deux raisons me font croire qu’il y avoit plus d’avantage que d’inconvenient dans l’usage dont il est ici question, et que c’étoit l’experience, laquelle avoit fait preferer par les anciens la déclamation composée à la declamation arbitraire. […] Cette declamation arbitraire auroit mis souvent Roscius hors de mesure. à plus forte raison doit-elle déconcerter quelques-uns de nos comediens qui ne s’étant gueres avisez d’étudier la diversité, les intervalles, et s’il est permis de s’expliquer ainsi, la simpathie des tons, ne sçavent par où sortir de l’embarras où le défaut de concert les jette très-souvent. […] Il est donc constant que la note des opera n’enseigne pas tout, et qu’elle laisse encore beaucoup de choses à faire et que l’acteur fait suivant qu’il est capable de les executer. à plus forte raison peut-on conclure que les compositeurs de déclamation n’ensevelissoient pas le talent des bons acteurs.

874. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Il le faut pour une raison plus haute que la personnalité d’une femme qui dénoue sa ceinture aux confidences, — à des confidences scandaleuses que, certes, personne ne lui demandait. […] Mme Sand, qui a fait la préface de ces Mémoires de Mme de Saman et qui, elle aussi, a écrit les siens, s’est bien gardée d’y tout dire, et elle a eu raison… Mme de Staël non plus (il y a plus de vingt-cinq ans), Mme de Staël, qui avait beaucoup aimé d’hommes, a-t-on dit (mais pas elle, du moins !) […] Mais elle a beau me parler de l’héroïque sincérité de l’âme ardente et forte dont elle recommande le volume présent au public ; elle a beau m’exalter cette âme indépendante et fidèle, qui n’oublie aucun de ses amours en les variant et qui ne combat rien dans son âme par la très morale raison que le temps qu’on perd à combattre contre soi, on ne fait pas Corinne, si on fait Mme de Staël, je me connais trop en logomachie pour ne pas reconnaître les idées, les façons de dire, les affectations du bas-bleu moderne, cette espèce à part et déjà si commune et pour être infiniment touché du spectacle que me donnent, à la fin de cette préface sur laquelle on a compté, ces deux antiques Mormones du bas-bleuisme contemporain dont l’une couronne l’autre de roses à feuilles de chêne, avec un geste tout à la fois si solennel et si bouffon !

875. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

C’est un homme qui court sur les toits. » Gros et Géricault, sans posséder la finesse, la délicatesse, la raison souveraine ou l’âpreté sévère de leurs devanciers, furent de généreux tempéraments. […] Ingres refuse depuis longtemps d’exposer au Salon, et il a, selon nous, raison. […] Delacroix, et nous croyons que c’est une raison de plus pour en parler. — Nous, cœur d’honnête homme, nous croyions naïvement que si MM. les commissaires n’avaient pas associé le chef de l’école actuelle à cette fête artistique, c’est que ne comprenant pas la parenté mystérieuse qui l’unit à l’école révolutionnaire dont il sort, ils voulaient surtout de l’unité et un aspect uniforme dans leur œuvre ; et nous jugions cela, sinon louable, du moins excusable.

876. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Je m’en plaignais à mon ami, et le soir, sous sa lampe, dans ce grand silence qui enveloppe là-bas une ville universitaire, nous en cherchions tous deux les raisons. […] —  Leur idée de la cause. —  Vous croyez, comme eux, qu’on découvre les causes par une révélation de la raison ? […] —  Pas davantage. —  Vous pensez qu’il y a une faculté autre que l’expérience et la raison propre à découvrir les causes ? […] On peut se représenter une droite par l’imagination, et l’on peut la concevoir aussi par la raison. […] Ils ont une raison d’être.

877. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Aux demandes de publication qui leur sont faites, ils peuvent répondre par des raisons commerciales ou une fin de non-recevoir pure et simple. […] Il y a cependant en lui un philosophe, un précurseur, un révolutionnaire : autres raisons, il est vrai, pour ne pas toucher au souvenir de ce damné. […] Pour le surplus, il nous semble que notre correspondant a raison. […] L’immémoriale coutume humaine lui donne raison. […] La preuve que j’ai raison, c’est que M. 

878. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

« La raison, — dit-il, — la raison seule fait des croyants » ; ce qui, en tout état de cause, est une bêtise. La raison ne fait que des raisonnants ou des raisonneurs. « Jésus, — dit-il  encore dans un autre endroit, — • en priant au  jardin des Oliviers, qui pria-t-il ? […] Diderot, qui passe à tort ou à raison pour le plus artiste de tous, Diderot, qui traita dans une thèse spéciale de la question de la Beauté, ne fut pas plus haut que son temps et il le subit tout entier. […] A tort ou à raison, l’opinion a reconnu dans Diderot, au milieu de toutes les supériorités qu’elle lui octroie trop généreusement, la supériorité du critique. […] Malheureusement ses raisons pour ne paraître qu’après Diderot, devant lequel il aurait dû porter sa petite lanterne, comme Flipote devant madame Pernelle, — une bavarde aussi, comme Diderot, — ses raisons — à lui connues — sont restées inconnues.

879. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Je m’en plaignais à mon ami, et le soir, sous sa lampe, dans ce grand silence qui enveloppe là-bas une ville universitaire, nous en cherchions tous deux les raisons. […] — Leur idée de la cause. — Vous croyez, comme eux, qu’on découvre les causes par une révélation de la raison ? […] — Pas davantage. — Vous pensez qu’il y a une faculté autre que l’expérience et la raison propre à découvrir les causes ? […] On peut se représenter une droite par l’imagination, et l’on peut la concevoir aussi par la raison. […] Ils ont une raison d’être.

880. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Oui, Sainte-Beuve a raison, Vinet a raison ; je dirai même : quand on lit les critiques du sec et spirituel abbé Morellet, on trouve que, les trois quarts du temps, l’abbé Morellet a raison. […] Ainsi, un assentiment en bloc (chose infiniment commode), un mouvement du cœur, un acte de la volonté… Donc, Biré a raison, l’abbé Pailhès a raison, l’abbé Bertrin a raison, M.  […] Et il avait raison, et cela même servait l’Église. […] Mais, quoiqu’il eût raison, il avait tort, et Chateaubriand avait littérairement et socialement raison. […] Et là-dessus il a raison.

881. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Elle avait raison. […] Sarcey paraît sans doute avoir raison, mais que, peut-être, tout à l’heure, j’aurai l’air d’avoir raison à mon tour, me glace d’avance. […] Or, si nous n’avons pas le temps de réfléchir aux raisons qui justifient le saut de Saint-Mégrin, qu’importent ces raisons ? […] Le bon André, lui, est inquiet pour d’autres raisons. […] Cela, pour plusieurs raisons.

882. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

J’étais chrétien… La raison apparut à moi comme une lumière. […] C’est toute la raison de ces quelques notes.‌ […] Une telle antinomie n’est certes pas une raison décisive. […] Taine n’avait raison qu’à demi. […] Ce sera bien une espèce de lyrisme, mais mortel à la raison.

883. (1902) Propos littéraires. Première série

Il y a eu des raisons du cœur, de celles où la raison perd son temps à raisonner. […] Il aura raison. […] comme il a raison ! […] Et ici, avec pleine raison, selon moi, M.  […] Tolstoï, ici, a raison !

884. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Souffrons plutôt, souffrons avec une résignation réfléchie : si nous savons unir notre raison à la Raison éternelle, au lieu de n’être que des patients, nous serons au moins des victimes. […] Je sens que la raison humaine frémit à la vue de ces flots de sang innocent qui se mêle à celui des coupables. […] Quelle chienne de raison ! […] « Ce n’est pas seulement le culte de la déesse Raison dont nous ne voulons pas : nous ne voulons rien de nouveau, rien, ce qui s’appelle rien. […] Comme procédé, il avait parfaitement raison, et il demeurait absous.

885. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 157-161

Ce qu’il a écrit contre les Jésuites, est de la même magie de style, de la même éloquence, sans pouvoir néanmoins y méconnoître une amertume, un acharnement, bien éloignés de ce ton qui fait valoir les raisons & prouve l’impartialité. […] Mallebranche avoit raison de se plaindre : mais pouvoit-il ignorer que cette méthode a été de tout temps la ressource favorite de tous les Auteurs qui ont voulu établir leur réputation sur les débris de celle des autres ?

886. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 127-131

Avant lui, la raison gémissoit depuis plusieurs siecles parmi les entraves de la Philosophie péripapéticienne qui triomphoit dans toutes les Ecoles. […] Le flambeau de sa raison ne heurte jamais celui de la foi.

887. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre II. Du Chant grégorien. »

Diverses raisons peuvent faire couler les larmes ; mais les larmes ont toujours une semblable amertume : d’ailleurs, il est rare qu’on pleure à la fois pour une foule de maux ; et quand les blessures sont multipliées, il y en a toujours une plus cuisante que les autres, qui finit par absorber les moindres peines. Telle est la raison du charme de nos vieilles romances françaises.

888. (1899) Arabesques pp. 1-223

» Ici comme toujours, le génie a raison. […] Dans ses œuvres de critique, elle attaque ce qui n’est conforme ni à la raison, ni au bonheur. […] Kant se balance, en hochant la tête, sur ses deux béquilles : la Raison pure et la Raison suffisante. […] « Le Surhomme est la raison d’être de la terre. […] Il y a des raisons multiples pour que les dirigeants refusent de désarmer… Oh !

889. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Barbier a eu raison de confondre dans un commun regret les ruines de Rome et la mort de Goethe. […] Il est probable qu’il s’est exagéré la nécessité des préparations en raison directe de l’importance du sujet. […] Guizot, lors même qu’il a raison, ne peut réussir à émouvoir ; M.  […] Guizot, par cette seule raison que M.  […] Guizot ne développe pas volontiers un autre thème que l’apothéose de la raison.

890. (1911) Nos directions

Qui démêlera qui précisera les raisons de sa conduite ? […] On devine pour quelles raisons. […] rarement… — ce n’est jamais qu’à leur amour, qu’à leur puissance, qu’à une raison matérielle, raison des sens ou bien raison d’Etat ; je n’en excepte à peine qu’Andromaque : mais autour d’elle, quelle solitude glacée ! […] C’est là sa force originale et la raison de son éternelle actualité. […] L’alexandrin y perd toute raison vitale.

891. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Elle en est la raison. […] D’autres lui donnent raison, entièrement. […] Mais n’en faisons pas trop honneur à notre raison. Il ne s’agit pas de raison, il s’agit de sensibilité. […] Cependant, on la trouvera bête et on aura raison.

892. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

C’est la raison pour laquelle cet art de Molière nous tient tant au cœur, à nous, les Français de 1922. […] Il n’est pas exact que la raison ait le pouvoir de juger souverainement de la vérité. […] C’était leur donner une double raison de la maintenir. […] ne donne que trop raison à ces craintes. […] Ils en donnent plusieurs raisons, plus ou moins plausibles.

893. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Il y entre évidemment trop de raisons personnelles. […] De ce point de vue encore, le génie de Balzac avait raison. […] Deux raisons y contribuèrent. […] Le romancier, lui, en discerne les raisons intimes. […] Mais il ne nie pas la Raison.

894. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Ils avaient tout à fait raison. […] En quoi il a raison. […] que le vieux maître a raison ! […] c’est du moins une raison provisoire. […] qu’il avait raison !

895. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Quelle qu’en soit la raison, la chose est certaine ; elles rient, les profanes ! […] Il ne serait pas difficile de trouver des raisons à cette préoccupation qui se trahit dans la littérature actuelle. […] Singulière logique, dit avec raison M.  […] « Il faut, a-t-il dit avec raison, que ceux-là renoncent à être les maîtres du monde. […] La justice, sachez-le bien, a généralement mauvaise opinion des gens qui ont eu affaire à elle, même sans raison.

896. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Pour toutes ces raisons, il était d’humeur morose et bizarre. […] Armand Ephraïm veut avoir trop raison. […] J’avais raison, nous avions raison. […] Brunetière, mais pour des raisons si différentes ! […] Tel Kant, préludant, par la Critique de la raison pure, à la Critique de la raison pratique.

897. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

C’est pourquoi nous lui demanderons ses titres, au nom de l’histoire, comme au nom de, la raison. […] Il n’a connu ni la raison ni la volonté ; il est demeuré le plus souvent au seuil du monde moral. […]   En effet, autant on a raison de dire que la Renaissance commença par la résurrection des anciens, autant on a raison d’ajouter qu’elle finit par un retour à la nature. […] Elle indique la raison que l’art a invoquée pour renoncer aux abstractions de l’idéalisme classique. […] Zola, après Claude Bernard et les positivistes, a déjà traversé deux âges : celui du sentiment, puis celui de la raison.

898. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 260-264

Ce nom est devenu, parmi nous, celui de l’Eloquence chrétienne, c’est-à-dire, de l’Eloquence de la raison & du sentiment. […] Bourdaloue, comme un Conquérant redoutable, entraîne, subjugue, force de se rendre aux armes de la Raison : Massillon, comme un Négociateur habile, procede avec moins de rapidité, avec plus de douceur, quelquefois plus sûrement, & amene insensiblement au terme qu’il s’est proposé.

899. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 467-471

La raison en est facile à trouver ; c’est que la Postérité ne juge jamais d’un Auteur sur les éloges de ses contemporains & de ses amis ; elle le cite en personne devant son Tribunal, & ses Productions ne peuvent se soutenir à ses yeux que par leur propre mérite. […] Malgré la pureté du langage, qui constitue le mérite de ses Plaidoyers & de ses Lettres, faute de cette chaleur & de cette raison qui donnent la vie aux Ecrits, on ne s’empresse plus de les lire, & son nom seul est resté dans notre souvenir.

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