La noble façon dont il adressa mademoiselle Corneille à Voltaire, la respectueuse indépendance qu’il maintint en face de ce monarque du siècle, le soin qu’il mit toujours à se distinguer de ses plats courtisans, l’amitié pour Buffon, qu’il professait devant lui, ce sont là des traits qui honorent une vie d’homme de lettres. […] C’est également quelque chose de fort, de noble, de nu, de roide, de sec et de décharné, de grec et d’académique, un retour laborieux vers le simple et le vrai.
Il écrit couramment (et je ne sais si vous sentez comme moi ce qu’il y a d’impayable dans l’intonation à la fois hautaine et familière et, pour ainsi dire, dans le « geste » de ces phrases) : « Spirituelles, nobles, du ton le plus faubourg Saint-Germain, mais ce soir-là hardies comme des pages de la maison du roi, quand il y avait une maison du roi et des pages, elles furent d’un étincellement d’esprit, d’un mouvement, d’une verve et d’un brio incomparables. » — « Il fallait qu’il fût trouvé de très bonne compagnie pour ne pas être souvent trouvé de la mauvaise. […] Et comme, ayant pris la mieux reconnue des vanités, il a su l’égaler aux occupations qui passent pour les plus nobles, il nous fait aussi entendre par là que tout est vain.
Théodore de Banville Dans cette tête brune, chevelue, aux joues larges et d’un pur contour, à la barbe légère, calme comme celle d’un lion, fière comme celle d’un dieu, aux yeux doux, profonds, infinis, où le front olympien abrite la connaissance et les images de toutes les choses, où le nez droit, large à sa naissance, est d’une noblesse sans égale, où sous la légère moustache, écartée avec grâce, les lèvres rouges, épaisses, d’une ligne merveilleusement jeune, disent la joie tranquille des héros, dans cette noble tête aux. sourcils paisibles, qui si magnifiquement repose sur ce col énergique de combattant victorieux, superbe dans ce blanc vêtement flottant et entr’ouvert sur lequel est négligemment noué un mouchoir aux raies de couleurs vives, — […] Celui qui dort dans ce tombeau Aima d’un noble amour les vierges et les roses.
Il était aussi très clair pour madame Scarron que l’issue de cette éducation clandestine d’enfants réprouvés par les lois, qui, peut-être, ne seraient pas avoués par leur père, pourrait être de la dégrader, au moins de la déconsidérer, aux yeux de cette noble société par qui elle était honorée et chérie. […] Les premières impressions que le roi avait faites sur madame Scarron, à son entrée dans Paris, étaient peut-être de celles que la beauté et la jeunesse font sur les sens d’une femme jeune et sympathique ; mais l’auréole de gloire qui environnait cette belle tête de Louis XIV, la douce et noble fierté de son attitude soumirent aussitôt les sympathies physiques aux sympathies morales.
Sa manière, que nous avons connue si noble d’abord, un peu vague, mais pure, s’est gâtée ; elle dément à chaque instant ses premiers exemples et ses modèles. […] Une noble dame qui accueille M. de Lamartine réfugié en Suisse pendant les Cent-Jours, la baronne de Vincy, lui explique qu’elle ne voit point Mme de Staël, que la politique les sépare, et qu’elle a le regret de ne pouvoir le présenter à Coppet : « Elle est fille de la Révolution par M.
M. de Fezensac, jeune, doué de toutes les qualités qui humanisent et civilisent la guerre, comprit ce rôle dans son plus noble sens et, l’on peut dire, dans sa beauté morale ; il ne s’attacha plus qu’à le bien remplir. […] Tous ces sentiments élevés et délicats, ces belles qualités, ces vertus sociales inculquées dès l’enfance, transmises par les générations, et qui semblent le noble apanage de l’homme civilisé, l’amour de la patrie, de la gloire, l’honneur, le dévouement aux siens, l’amitié, tout cela peu à peu s’obscurcit et s’affaiblit jusqu’à s’abolir.
IV Et si cela est pour un livre aussi véritablement distingué que celui d’Eugène Fromentin, que ne sera-ce pas pour tous ceux-là qui n’éveillent pas en nous le regret que donne aux esprits de noble origine la vue d’un talent fourvoyé ! […] Et c’est de cette position magnifique et sûre dans la postérité, c’est de cette immortalité qui ne peut pas ne pas être, qu’il s’est ravalé, ce noble et courageux homme, jusqu’à l’immortalité, ridicule et postiche, d’un académicien !
Ajoutez à cette noble qualité de l’esprit toutes les délicatesses et les fiertés de l’honnête homme et du gentleman, pour parler son langage de lord Feeling ; on comprendra quelles difficultés et quelles amertumes une telle nature dut rencontrer dans la vie.
Je recommande encore l’article d’Isaac Habert, poëte descriptif et didactique, dont on lit avec plaisir un fragment noble et pur, et, au XVIIe siècle, celui de Coutel, qui a disputé à madame Des Houlières ses Moutons.
Il y a là un entremêlement de vers et de prose du plus haut comique, un chœur de déménageurs qui réapparaît comme un chœur antique, disant du ton le plus noble les choses qui le sont le moins : LE CŒUR DES DÉMÉNAGEURS Le temps passe, que rien ne saurait prolonger.
Pierre Quillard porte d’ailleurs la marque d’une haute et noble ambition d’art.
Armand de Pontmartin Je connais peu d’existences plus pures et plus nobles que celle de Roumanille.
Ose répandre encor sur ces vérités saintes, Les voiles enchanteurs de tes images feintes ; La noble fiction, en flattant les Esprits, Charme & conduit au vrai par des chemins fleuris, Orne la vérité des attraits de la Fable, Et l’offre à nos regards plus belle & plus aimable.
On reconnut Homère à son talent de rendre la nature avec une noble simplicité ; à sa poësie vive, pleine de force, d’harmonie & d’images ; à son érudition agréable, lorsqu’il décrit l’art de la guerre, les mœurs & les coutumes des peuples différens, les loix & la religion des Grecs, le caractère & le génie de leurs chefs, la situation des villes & des pays.
Une simplicité noble, une élégance sans affectation, une précision extrême sans sécheresse, en font le caractère.
En sortant de ce bois, et vous avançant vers la droite, voyez ces masses de rochers, comme elles sont grandes et nobles, comme elles sont douces et dorées dans les endroits où la verdure ne les couvre point, et comme elles sont tendres et agréables où la verdure les tapisse encore !
Il faut donc qu’il se jette dans des chants, plûtôt nobles et imposans qu’expressifs, et parce que la nature ne lui aide pas à varier ces chants, il faut encore qu’ils deviennent à la fin uniformes.
(Villemot garde un noble silence.)
Chez toutes ces nations on ne trouve rien d’écrit qu’en latin barbare, langue qu’entendaient seuls un bien petit nombre de nobles qui étaient ecclésiastiques.
Charles Villers, Benjamin Constant, et d’après eux Mme de Staël, donnèrent les premiers l’exemple de cette noble curiosité intelligente. […] Un jour que Chateaubriand entrait chez Mme de F…, fille de la marquise d’Aguesseau, et qui, née en Angleterre, avait le culte de Byron, il vit sur une console un buste nouvellement placé, et il demanda en souriant qui c’était ; sur la réponse que c’était lord Byron, il fit un geste en arrière, et son noble visage ne put réprimer une de ces grimaces soudaines auxquelles il était trop sujet. […] On le ramena bien faible encore à Marseille ; mais au milieu même de ses dangers et de son épuisement sa noble fièvre morale ne le quitta pas un instant, et il ne songeait qu’à ne pas laisser perdre les trésors de connaissances et d’observations qu’il venait de conquérir. […] Il y a des degrés d’intimité et de complaisance qui ne laissent pas jour au jugement ; mais, si elle avait en ce sens quelques faiblesses et mollesses inévitables, cette noble amitié avait en soi bien du charme et de la saveur. […] De bien touchants discours furent prononcés aux obsèques de la noble jeune fille, le 1er octobre, d’abord par M. le pasteur Boissard, dans le temple de la rue des Billettes, puis, sur la tombe même, par M. de Salvandy, que cette jeune mémoire inspira dignement et que je n’ai jamais vu si simple.
Comme ils sont seuls nobles. […] Gagner dans un jeu de bassesse ou perdre dans un noble jeu. […] Et c’est en ce sens qu’elle est essentiellement une poétique du noble jeu. […] C’est en ce sens que le Cid est la tragédie du noble jeu comme le Menteur est parallèlement et conjointement la comédie du noble jeu. […] Il l’aime comme un noble partenaire et il voit en lui sa propre figure.
Ils considéraient leur cause comme un très noble préjugé. […] C’est le très noble sens de cette peur d’être dupe que Mérimée signalait comme une de ses caractéristiques. […] Que les faibles se nourrissent des plus nobles rêves. […] Comment lui obéir et ne pas les laisser couler, ces impuissantes larmes, devant cette noble promesse brisée ? […] Le premier fut sans doute le légitime et noble désir d’une gloire qui lui survécût.
Je crois donc que toute la classe noble, parmi les peuples vaincus, apprit correctement la langue latine, et oublia presque la sienne. […] Un si noble baron doit restituer ce qu’il a pris sur un vassal qui s’humilie. […] Après les serments de 842, un des plus anciens monuments de la langue romane, c’est la Noble leçon des Vaudois, pieuse et simple paraphrase des maximes évangéliques. […] On ne pouvait plus aller de château en château chanter des vers, les offrir aux nobles dames ; tout était hérissé et ensanglanté par la guerre ; les tournois, les fêtes avaient disparu. […] Crapelet, qui, dans la noble profession d’imprimeur, a senti, comme les Étienne et tant d’autres, que le goût des lettres était, pour ainsi dire, une bienséance d’état.
Il a très bien expliqué les nobles motifs de la faveur de M.
Des paysages francs, naturels, des scènes prises sur le fait, une grande vérité de traits et un grand art d’expression dédommagent de l’action un peu absente, et recommandent, à première vue, cette étude qui est, du moins, une haute et noble tentative.
En ce temps-là, M. de La Popelinière tenait grand état à Passy ; nobles seigneurs, petites maîtresses, ambassadeurs, poètes, artistes, tous venaient puiser à sa somptueuse et débonnaire hospitalité.
Dans cette casemate, au milieu de ce paysage de la Turbie, où Banville lui-même chanta jadis son amour du laurier, parmi ces braves gens qui fumaient, dormaient ou jouaient aux cartes autour de moi, et que j’avais lentement appris à connaître depuis trois ou quatre mois, les mots, même les plus simples, avaient pris un nouveau sens, plus vivant, plus humain, s’étaient gonflés pour moi d’une sève nouvelle, d’une substance plus française, plus noble et plus populaire à la fois.
Théodore de Banville Voyez comme les nobles lignes de ce visage primitif, auquel nos yeux rêvent les bandelettes sacrées, ressemblent à celles des plus purs bas-reliefs d’Égine !
Aristophane, mais la simplicité, la bonhomie presque, la sensualité délicate, l’amour de la lumière, la clémence d’un monde heureux, la divine eurythmie des gestes et des attitudes naturelles et nobles.
Victor Hugo Poète, dans ce siècle où la poésie est si haute, si puissante et si féconde, entre la messénienne épique et l’élégie lyrique, entre Casimir Delavigne qui est si noble et Lamartine qui est si grand, vous avez su, dans le demi-jour, découvrir un sentier qui est le vôtre et créer une élégie qui est vous-même.
La Fable en est romanesque ; point de vraisemblance dans les incidens, des situations forcées, des caracteres peu prononcés ou peu soutenus, des Scènes assez théatrales, des mouvemens très-pathétiques, un style assez noble & quelquefois élégant, voilà ce qu’elle offre à la critique & à l’éloge.
Ils offrent cependant, par intervalles, plusieurs traits d’une éloquence vive, noble, & digne du ton qui convient à la Chaire.
Quand la veuve d’Hector, dans l’Iliade, se représente la destinée qui attend son fils, la peinture qu’elle fait de la future misère d’Astyanax a quelque chose de bas et de honteux ; l’humilité, dans notre religion, est bien loin d’avoir un pareil langage : elle est aussi noble qu’elle est touchante.
Quelle beauté noble et touchante dans la prière de ce capitaine plein de la conscience de sa vertu !
Qu’on ouvre nos mémoires, et l’on y trouvera à chaque page les vérités les plus dures, et souvent les plus outrageantes, prodiguées aux rois, aux nobles, aux prêtres.
n’ont pas les proportions aussi élegantes, ni le corsage et l’air aussi nobles que les chevaux que les sculpteurs ont faits depuis qu’ils ont connus les chevaux du nord de l’Angleterre, et que l’espece de ces animaux s’est embellie dans differens païs par le mêlange que les nations industrieuses ont sçû faire des races.
Mais dans le tableau dont je parle, Attila représente si naïvement un Scythe épouvanté, le pape Leon qui lui explique cette vision, montre une assurance si noble et un maintien si conforme à sa dignité, tous les assistans ressemblent si bien à des hommes qui se rencontreroient chacun dans la même circonstance où Raphaël a supposé ses differens personnages, les chevaux mêmes concourent si bien à l’action principale ; l’imitation est si vrai-semblable, qu’elle fait sur les spectateurs une grande partie de l’impression que l’évenement auroit pû faire sur eux.
Voilà ce qui a rendu impuissants les nobles efforts du cardinal Pierre d’Alliac.
Le mot aristocrates répond en latin à optimates, pris pour les plus forts (ops, puissance) ; il répond en grec à Héraclides, c’est-à-dire, issus d’une race d’Hercule pour dire une race noble.
Je parle du noble et légitime orgueil et non de cette passion équivoque qui n’en prend que les vaines apparences. […] Regardez passer cette noble Dame ! […] — Un noble idéal est pour ce pays plus précieux que de bonnes finances… — Cependant… Un noble idéal nourri de bonnes finances… — Je sais, je sais. […] Il est noble sans grâce. […] Mais lorsque mon fiancé viendra avec ses nobles parents, ne les chagrine pas.
Eux aussi, aboutissent à la synthèse de leurs sentiments dans une religion : religion mal définie peut-être, peu orthodoxe à coup sûr, mais de si noble essence, que le catholicisme l’a longtemps respectée. […] Où il va, rentrent avec lui, invisibles pour les autres, ces nobles chimères enlevées aux hommes. […] Placé entre Holman Hunt et Rossetti, Millais, plus qu’eux en possession de son talent, mais d’un esprit moins philosophique et plus facile, rempli du reste, comme eux, d’ardeur et de noble ambition, devait facilement accepter leurs enthousiasmes. […] « Les troubles politiques qui ont désolé d’Italie ont forcé ses plus nobles enfants à fuir loin d’elle. Ce que mon pays contenait de plus distingué en tout genre s’est expatrié : la plupart de ces nobles exilés sont venus à Paris.
Des plébéiens nés dans vos rangs auraient déclaré la guerre à leur patrie ; mais convenez aussi que des nobles nés dans nos rangs auraient pu être dans le Comité de salut public. […] Mais il avait, il a ce que j’aime à nommer le sentiment consulaire, c’est-à-dire un sentiment assez conforme à cette belle époque, généreux, enthousiaste, rapide, qui conçoit les grandes choses aussi par le cœur et qui fait entrer l’idée de postérité dans les entreprises ; ce qui le porte à s’enflammer tout d’abord pour certains mots immortels, à s’éprendre pour certaines conjonctures mémorables et à souhaiter, par quelque côté, de les ressaisir ; ce qui lui faisait dire, par exemple, à M. de Rémusat, vers ce temps des nobles luttes commençantes : « Nous sommes la jeune garde23. » Cette étincelle sacrée, qui l’anime comme historien, ne lui a fait défaut en aucune autre application de sa pensée, et, tout pratique qu’il est et qu’il se pique d’être, je ne répondrais pas qu’elle ne l’ait embarrassé plus d’une fois comme politique. […] On ne nous saura pas mauvais gré de représenter ici la noble page tout entière : « Jours à jamais célèbres et à jamais regrettables pour nous ! […] Il étudie Laplace, Lagrange, il les étudie plume en main, en s’éprenant des hauts calculs et en les effectuant ; il trace des méridiens à sa fenêtre ; il arrive, le soir, chez ses amis, en récitant d’un accent pénétré cette noble et simple parole finale du Système du Monde : « Conservons, augmentons avec soin le dépôt de ces hautes connaissances, les délices des êtres pensants ; » et il l’admire comme il fera tout à l’heure pour telle parole de Napoléon. […] Bien des choses se sont passées depuis, bien des espérances et des rêves ont été déçus, bien de nobles croyances ont pu être flétries ; eh bien !
-E. van Tuyll van Serooskerken van Zuylen était fille des nobles barons ainsi au long dénommés. […] Elle peint au naturel et avec enjouement la société hollandaise d’alors216, comme eût fait une Française détachée de Paris et qui aurait noté à livre ouvert les ridicules et les pesanteurs : « Hier, nous jouîmes des plaisanteries d’un jeune Amsterdamois. » Et les demoiselles nobles à marier, elle oublie qu’elle l’est et qu’elle n’aura que peu de dot ; elle s’égaie en attendant : « Faites, je vous prie, mes compliments à cette freule. […] Pour moi, si je fais mon métier de gagner de l’argent, je tâcherai de n’entretenir personne du vif désir que j’aurais d’y réussir ; car c’est un dégoûtant entretien. » Henri Meyer, tout bon commis qu’il est au comptoir, a donc le cœur libéral, les goûts nobles ; il a pris, à ses moments perdus, un maître de violon ; il songe aux agréments permis, ne veut pas renoncer aux fruits de sa bonne éducation, et se soucie même d’entretenir un peu son latin. […] Ce serait un joli ange tutélaire, surtout si on pouvait l’intéresser. » Mlle de La Prise est fille unique d’un gentilhomme des plus nobles, issu de Bourgogne, d’une branche cadette venue dans le pays avec Philibert de Châlons, mais des plus déchus de fortune. […] etc., etc. ; — sous le nom de l’abbé de La Tour : les trois Femmes, 1797 ; Sainte-Anne ; Honorine d’Uzerche ; les Ruines d’Yedburg ; — Louise et Albert, ou le Danger d’être trop exigeant, 1803 ; — Sir Walter Finch et son fils William, 1806 ; — le Noble, etc., etc. — On en trouverait d’autres qui n’ont jamais paru qu’en allemand ; il y a des lettres d’elle imprimées dans les œuvres posthumes de son traducteur, Louis-Ferdinand Herder (Tubingen, 1810).
Au temps de Herder, la critique, dont il était un des plus nobles représentants, n’était pas si impuissante qu’il a l’air de le penser, peut-être par un scrupule de modestie. […] « L’épopée tient à la tragédie en ce qu’elle est comme elle, sauf le mètre, une imitation des actions nobles à l’aide du discours. […] La tragédie s’efforce autant que possible de se renfermer dans une seule révolution du soleil, ou du moins de très peu sortir de ces limites ; l’épopée, au contraire, n’a pas de limite de temps ; et c’est là une différence essentielle, quoique dans le principe on se donnât cette facilité pour la tragédie aussi bien que dans la comédie. » * * * « La tragédie, continue-t-il, est selon moi l’imitation de quelque action sérieuse, noble, complète, ayant sa juste dimension et employant un discours relevé par tous les agréments qui, selon leur espèce, se distribuent séparément dans les diverses parties, sous forme de drame et non de récit, et arrivant, tout en excitant la pitié et la terreur, à purifier en nous ces deux sentiments. […] Considérons ce qu’elle peut devenir, lorsque, se livrant tout entière à cette poursuite, elle s’élève par ce noble élan du fond des flots qui la couvrent aujourd’hui, et qu’elle se débarrasse des cailloux et des coquillages qu’amasse autour d’elle la vase dont elle se nourrit, croûte épaisse et grossière de terre et de sable10. » Puis, dans cette sage conciliation que Platon a tentée entre le sensualisme ionien et l’idéalisme de Mégare, il employait la douce ironie qu’il avait apprise de Socrate, à se moquer « de ces hommes semés par Cadmus, de ces vrais fils de la terre, qui soutiennent hardiment que tout ce qu’ils ne peuvent pas palper n’existe en aucune manière ; de ces terribles gens qui voudraient saisir l’âme, la justice, la sagesse, ou leurs contraires, comme ils saisissent à pleines mains les pierres et les arbres qu’ils rencontrent, et qui n’ont que du mépris, et n’en veulent pas entendre davantage, quand on vient leur dire qu’il y a quelque chose d’incorporel11 ». […] Ces faits, précisément parce qu’ils appartiennent à l’âme, ne peuvent se suffire à eux-mêmes ; ce ne sont que les matériaux d’un plus noble édifice.
À l’occasion de l’Uranie de Tiedge, j’ai remarqué que les personnes pieuses forment une espèce d’aristocratie comme les personnes nobles. […] Mais comme mon développement était pour moi une affaire sérieuse, comme j’ai travaillé sans relâche à faire de moi une plus noble créature, j’ai sans cesse marché en avant, et il est arrivé souvent que l’on m’a blâmé pour un défaut dont je m’étais débarrassé depuis longtemps. […] Je me sentais moi-même si bien dans mon être, et je me sentais moi-même si noble que, si l’on m’avait fait prince, je n’aurais trouvé là rien de bien étonnant. — Quand on m’a donné des lettres de noblesse, bien des gens ont cru que je me sentirais élevé par elles. […] Nous autres patriciens de Francfort, nous nous sommes toujours tenus pour les égaux des nobles, et, quand je reçus le diplôme, j’eus dans les mains ce que depuis longtemps je possédais déjà en esprit. » Après avoir encore bu un bon coup dans la coupe dorée, nous nous rendîmes au pavillon de chasse d’Ettersberg, en faisant le tour de la montagne. […] C’est là ce que j’appelle la toute-présence de Dieu ; au fond de tous les êtres il a déposé une parcelle de son amour infini ; et déjà dans les animaux se montre en bouton ce qui, dans l’homme noble, s’épanouit en fleur splendide.
mais pensez et rêvez et sachez mettre en usage, du plus noble au plus humble, du rythme à la ponctuation, tous les moyens de votre art. […] À l’époque où il fut publié, ce livre dépourvu de la niaise sensiblerie qui déshonorait alors la poésie, et révélant un artiste soucieux des nobles formes, dut paraître remarquable et l’était en effet. […] La jeunesse nouvelle avait le noble orgueil de croire que la misère doit rester digne, dût-elle être plus misérable encore, et que, lorsqu’on souffre il faut pleurer seul et ne jamais rire en public. […] Et si vous n’ajoutez point foi à leur rêverie, vous subirez l’influence pourtant de tout ce que leur rêverie contiendra de bon, de noble, de pur. […] Et alors quand l’art aura définitivement divorcé d’avec le fait, l’idéal sera d’autant plus noble qu’il ne contiendra plus aucune parcelle de réel.
Que l’on ne pouvait pas faire un sacrifice plus noble de ses intérêts, et que M. […] Au surplus, je ne puis qu’approuver cette idée, qui est très décente et très noble de la part de la Comédie. […] Ce fier visage de songeur nous apparaît donc à travers l’histoire comme un des plus nobles et des plus sympathiques. […] Croyez-vous qu’il suffise d’en porter le nom et les armes, et que ce nous soit une gloire d’être sorti d’un sang noble quand nous vivons en infâmes ? […] On l’avait vu, lorsqu’il joua pour la première fois devant le roi, prendre la parole pour faire excuser par la noble assemblée les façons un peu campagnardes, rurales, dirait-on aujourd’hui, des débutants.
Ce qui s’est développé ce sont les mœurs énergiques et militaires ; ce qui a régné, c’est l’esprit actif et positif ; ils ont laissé les lettres et les élégances aux nobles francisés de la cour. […] IV Voilà notre Anglais approvisionné et administré ; à présent qu’il a pourvu au bien-être privé et à la sécurité publique, que va-t-il faire, et comment se gouvernera-t-il dans ce domaine plus haut, plus noble, où l’homme monte pour contempler la beauté et la vérité ? […] C’est de cela qu’on lui parle dans les églises, en style grave et froid, avec une suite de raisonnements sensés et solides : comment un homme doit réfléchir sur ses devoirs, les noter un à un dans son esprit, se faire des principes, avoir une sorte de code intérieur librement consenti et fermement arrêté, auquel il rapporte toutes ses actions sans biaiser ni balancer ; comment ces principes peuvent s’enraciner par la pratique ; comment l’examen incessant, l’effort personnel, le redressement continu de soi-même par soi-même doivent asseoir lentement notre volonté dans la droiture : ce sont là les questions qui, avec une multitude d’exemples, de preuves, d’appels à l’expérience journalière1331, reviennent dans toutes les chaires, pour développer dans l’homme la réforme volontaire, la surveillance et l’empire de soi-même, l’habitude de se contraindre, et une sorte de stoïcisme moderne presque aussi noble que l’ancien. […] Rien de plus frappant que cette révolution, si l’on met en regard les temps qui précèdent Ferdinand le Catholique, c’est-à-dire le règne de Henri IV, la toute-puissance des nobles, et l’indépendance des villes.
Noble Glamis, ce que tu veux obtenir te crie : « Voilà ce qu’il te faut faire si tu prétends obtenir. » Voilà ce que tu crains de faire plutôt que tu ne désires que cela ne soit pas fait. […] Belle et noble lady, nous serons votre hôte pour cette nuit. […] digne thane, vous laissez votre noble courage se relâcher jusqu’à ces rêveries d’un cerveau malade ? […] Mon digne seigneur, vos nobles amis vous attendent.
Cette noble idée de gloire se confondait chez Villehardouin, et chez les plus généreux des croisés, avec celle de gagner le bonheur dans l’autre vie par le juste et pieux emploi de leur force ici-bas. […] Quand on est ainsi insulté par des raffinés dans la personne de ses ancêtres (car ce sont bien nos ancêtres à nous tous, nobles ou vilains), il ne faut pas se laisser faire, surtout quand on a le droit pour soi, le droit, c’est-à-dire, dans le cas présent, la poésie.
Le cardinal de Rohan, beau, brillant, de la plus noble libéralité et de la plus gracieuse prévenance, spirituel même si on ne s’arrêtait qu’à l’air et au-dehors, était un très grand seigneur des plus sujets à être séduit. […] Ramond n’a rien de cette mollesse et de cette fadeur de teinte que nous avons souvent remarquée chez quelques écrivains de l’époque finissante de Louis XVI ; il a plutôt quelque chose de l’apprêt et de la roideur qui s’attacheront aux nobles tentatives de l’art régénéré, et auxquels Chateaubriand à sa manière n’échappe pas plus que David.
On a ici, en suivant Dangeau pas à pas, une impression bien nette de ce qu’était un de ces fameux sièges classiques de Louis XIV, solennels, réguliers, un peu courts à notre gré, toujours sûrs de résultat, pleins d’éclat pourtant, de nobles actions, de dangers et de belles morts. […] Valeur et politesse, discipline et humanité, l’impression qui nous reste de, tout cela, sans aller jusqu’à l’enthousiasme lyrique de Boileau, est celle de quelque chose de noble, d’honorable et de bien royal.
On pardonne à la fortune du connétable, quand on voit le noble usage qu’en ont fait ses descendants. […] Sachons donc gré à l’auteur des présents mémoires d’avoir rempli son dessein, même au prix de tant de détails qui sont de pure étiquette, de nous avoir tenus au courant de tous les pas et démarches du roi, de la reine, du principal ministre, de livrer ces faits tout secs et nus à notre critique, à nos réflexions : à voir le soin et le scrupule de ponctualité qu’apporte dans les moindres circonstances de son narré le noble chroniqueur, je suis tenté de l’appeler (toute proportion gardée) le Tillemont de la Cour.
Il retourna vite braver la mort là où elle était plus tentante pour les nobles cœurs, sous le drapeau. […] Nobles sentiments, confiance inaltérée au génie de la Révolution !
Il y apparaît éloquent, enthousiaste, religieux à la fois et bon Français, et, pour parler son langage, « tout rayonnant des meilleures ardeurs de la vie. » Je ne saispas, en vérité, de plus noble prose ni dont la presse doive être plus fière. […] Dans les nobles desseins dont l’âme est occupée, Les vers sont le clairon, mais la prose est l’épée.
C’est encore Cicéron qui rend le plus noble hommage à Hortensius. […] Quoi de plus ordinaire en public que la profession et l’affiche de tous les sentiments nobles, généreux, élevés, désintéressés, chrétiens, philanthropiques ?
Il avait des connaissances et de l’aptitude au travail ; mais il manquait quelquefois de ce calme d’une tète froide qui ne se laisse point accabler sous le poids des affaires, et son âme n’était pas de la trempe qu’il aurait fallu pour soutenir toujours les mouvements nobles et justes de son cœur contre les volontés absolues de son maître. […] Mais une note de date postérieure, qu’il a pris soin d’ajouter, nous apprend que cette noble cause s’était entièrement dénaturée, à ses yeux, depuis 1831, par l’introduction de l’élément révolutionnaire.
Nés tous deux d’une ancienne famille noble du Midi fort déchue en fortune, mais restée fidèle jusqu’au bout aux sentiments et à l’honneur de la race, ils auront plus contribué à l’illustrer que tous les preux chevaliers d’autrefois à jamais oubliés et perdus dans la nuit des âges. […] mais Eugénie surtout l’a séduit, l’a enlevé, pauvre savant solitaire, comme ces nobles figures idéales, ces apparitions de vierges et de saintes qui se révélaient dans une vision manifeste à leurs fervents serviteurs ; il l’a aimée, il l’a adorée, il a poursuivi avec une passion obstinée et persévérante les moindres vestiges, les moindres reliques qu’elle avait laissées d’elle : il les a arrachées aux jaloux, aux indifférents, aux timides ; il a copié et recopié de sa main religieusement, comme si c’étaient d’antiques manuscrits, ces pages rapides, décousues, envolées au hasard, parfois illisibles, et qui n’étaient pas faites pour l’impression, il les a rendues nettes et claires pour tous : le jour l’a souvent surpris près de sa lampe, appliqué qu’il était à cette tâche de dévouement et de tendresse pour une personne qu’il n’a jamais vue ; et si l’on oublie aujourd’hui son nom, si quand on couronne publiquement sa sainte44, il n’est pas même remercié ni mentionné, il ne s’en étonne pas, il ne s’en plaint pas, car il est de ceux qui croient à l’invisible, et il sait que les meilleurs de cet âge de foi dont il a pénétré les grandeurs mystiques et les ravissements n’ont pas légué leur nom et ont enterré leur peine : heureux d’espérer habiter un jour dans la gloire immense et d’être un des innombrables yeux de cet aigle mystique dont Dante a parlé !
Un beau mouvement toutefois, et digne de Voltaire quand il est éloquent, y salue ces nobles blessés, le comte de Lautrec, le marquis de Ségur, mutilé d’un bras : Anges des cieux, Puissances immortelles Qui présidez à nos jours passagers, Sauvez Lautrec au milieu des dangers ; Mettez Ségur à l’ombre de vos ailes. […] Le comte de Clermont avait eu, en effet, d’abord cette noble pensée ; mais, à peine nommé et la chose éclatant aux applaudissements du public, il eut aussitôt à combattre les objections de ses entours, de ses hauts parents les autres princes.
Et puis, à côté de la noble et légitime ambition, la nécessité s’en mêle : il faut vivre, il faut se soutenir, et la muse seule n’y suffit pas. […] Brizeux me fait l’effet de ces officiers supérieurs dans une arme spéciale, savante, qui, voués au noble génie de leur art, s’y tiennent, sans vouloir jamais d’avancement ailleurs.
Je me rappelle encore la position bien dessinée du groupe dès ces premiers jours : Mlle Bertin, l’âme du lieu, préludant à ses hymnes élevés ; son frère Édouard, qui est devenu le paysagiste sévère ; Antony Deschamps, alors en train de passer du dilettantisme de Mozart au commerce de Dante, et qui y portait toutes les nobles ferveurs. […] Je sais aussi les nobles audaces premières, et les témérités qu’on aimait, et la verve ou l’intention persistante de quelques-uns.
Une âme noble, élevée et stoïque jusqu’en ses faiblesses, un esprit ferme et délié s’y marquent en traits nets et fins. […] Il y a plus : par sa noble conduite dans une conspiration chétive, elle aura désormais une ligne dans toute histoire.
Toutes les circonstances, au reste, eu préparaient la riche et facile floraison : tandis que le baron du Nord, entre les murs épais de sa maussade forteresse, menacé et menaçant, ne rêvait que la guerre, les nobles du Midi, en paix et pacifiques sous deux ou trois grands comtes, riches, hantant les villes, épris de fêtes, la joie dans l’âme et dans les yeux, l’esprit déjà sensible au jeu des idées, et l’oreille éprise de la grâce des rythmes se faisaient une littérature en harmonie avec les conditions physiques et sociales de leur vie. […] Cependant, après un siècle de vogue à peu près, le lyrisme savant décline ; nos barons se refroidissent et le délaissent ; mais, comme il était arrivé pour l’épopée, les bourgeois avaient recueilli l’art qui perdait la faveur des nobles, et lui assurent une prolongation de vie : dans les communes picardes, à Arras, Bodel, Moniot, Adam de la Halle l’ont durer la poésie courtoise jusqu’aux dernières années du xiiie siècle.
Elle réaliserait à ce point de vue son idéal, si, sans délaisser non plus la noble station, elle créait l’harmonie des mouvements. […] Mais elle n’a de signification ici que selon l’art et si l’on a songé à l’héroïsme, c’est uniquement pour les grandes et nobles lignes qui en accompagnent l’idée.