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839. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Fœtus né du corps impur de la femme, au-dessous des animaux pour l’instinct, poudre comme eux, et retournant comme eux en poudre, n’ayant point de passion, mais des appétits, n’obéissant point à des lois morales, mais à des ressorts physiques, voyant devant lui, pour toute fin, le sépulcre et des vers : tel est cet être qui se disait animé d’un souffle immortel !

840. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

La différence de l’ iliade à un roman est celle de ce monde tel qu’il est à un monde tout semblable, mais où les êtres, et par conséquent tous les phénomènes physiques et moraux, seraient beaucoup plus grands ; moyen sûr d’exciter l’admiration d’un pygmée tel que moi.

841. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Mais après un certain nombre de représentations, le monde comprit que la maniere de traiter la comédie en philosophe moral étoit la meilleure, et laissant parler contre le Misantrope les poëtes jaloux, toujours aussi peu croïables sur les ouvrages de leurs concurrens, que les femmes sur le mérite de leurs rivales en beauté, il en est venu avec un peu de temps à l’admirer.

842. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Renan, dans sa correspondance d’adolescent, donne à l’aspect moral des actes une importance qu’un Stendhal réserve pour leur caractère de beauté ou d’héroïsme.

843. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Tant de notions amassées de partout sur les plantes, sur les climats, tant de maximes morales sur la société et sur l’homme, ce mélange de vérités, d’hypothèses et de chimères, venant à se rencontrer sous des inclinaisons favorables vers l’horizon attiédi, peignirent divinement le nuage et firent tout d’abord arc-en-ciel. […] On pourrait dire de Bernardin qu’il entend la nature de la même manière qu’il entend Virgile, son poëte favori, admirablement tant qu’il se tient aux couleurs, aux demi-teintes, à la mélodie et au sens moral ; le lacrymae rerum est son triomphe ; mais il devient subtil, superstitieux et systématique quand il descend au menu détail et qu’il cherche, par exemple, dans le conjugis infusus gremio une convenance entre cette fusion (infusus) et le dieu des forges de Lemnos. […] Je ne fais que rappeler tant de comparaisons, familières à l’auteur et éparses en toutes ses pages, de la solitude avec une montagne élevée, de la vie avec une petite tour, de la bienveillance avec une fleur, etc., etc. ; mais la plus illustre de ces images, et qui qualifie le plus magnifiquement cette partie du talent de Bernardin, est, dans la Chaumière, la belle réponse du Paria : « Le malheur ressemble à la Montagne-Noire de Bember, aux extrémités du royaume brûlant de Lahore : tant que vous la montez, vous ne voyez devant vous que de stériles rochers ; mais quand vous Êtes au sommet, vous apercevez le ciel sur votre tête, et à vos pieds le royaume de Cachemire. » Cela est aussi merveilleusement trouvé dans l’ordre des sentences morales, que Paul et Virginie dans l’ordre des compositions pastorales et touchantes.

844. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Et c’est ce qui le rendra propre à représenter dans le siècle l’esprit de toute la religion, c’est ce qui en fera l’adversaire par excellence et la barrière du libertinage intellectuel et moral. […] Pascal et le jansénisme ont rendu au christianisme sa raison d’être lorsqu’ils l’ont ramené à être un principe d’effort moral, lorsqu’ils ont remis dans le chemin de la vertu ses épines et ses ronces. […] Ses idées sur la religion, au fond, n’ont rien de nouveau : pas même ses idées morales, politiques, sociales.

845. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Poupart-Davyl, pour une dette d’imprimerie, fait opposition sur mon traitement… Vous voyez d’ici l’effet dans les bureaux… Morny de sourire, et de se moquer de mon créancier… Là-dessus il me vient une affection de poitrine qui me faisait cracher le sang, il me relève le moral, et m’annonce qu’il fera de moi, dans le Midi, le plus jeune des sous-préfets… C’est à lui que je dois ce voyage en Algérie, en Corse, en Sardaigne, qui m’a remis sur les pieds : voyage pendant lequel je n’ai eu qu’à lui adresser, tous les mois, une petite lettre reconnaissante… Je le répète, l’homme fut toujours gracieux avec moi, et n’a jamais rien eu de ce qu’il avait quelquefois avec les autres. […] « Et la France va tout de même… et ce sont les petits fonctionnaires qui la font aller… oui, ces gens qui ont la probité, qui sont travailleurs, et qui font très bien la chose qu’ils font tous les jours. » Vendredi 17 novembre Dans l’ennui du procès en expectative avec mon notaire, dans l’irritation nerveuse de la rentrée du cheval des Martin du Nord en mon mur mitoyen, dans le découragement lâche de tout mon être physique et moral, l’achat que je fais, ce soir, de la « Correspondance de Balzac » me remonte, et me rend la volonté de lutter. […] Ici transporter toutes les douleurs morales que j’ai perçues chez mon frère, quand il a senti son cerveau incapable de ne plus produire.

846. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Mais ce n’est là qu’une question de degré, et la loi générale de ces phénomènes pourrait se formuler ainsi : Est comique tout incident qui appelle notre attention sur le physique d’une personne alors que le moral est en cause. […] Quelle parenté secrète peut bien lier cette défectuosité physique à ce rétrécissement moral ? […] Que notre attention soit détournée du fond sur la forme ou du moral sur le physique, c’est la même impression qui est transmise à notre imagination dans les deux cas ; c’est, dans les deux cas, le même genre de comique.

847. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Il choquait par ses mœurs comme par ses prétentions ; il y avait en lui toutes les oppositions, aristocratiques et morales ; s’il était pour la noblesse comme Boulainvillier, il était, comme Fénelon, contre la tyrannie. […] Il se tenait et marchait un peu courbé, avec un faux air plus humble que modeste, et rasait toujours les murailles pour se faire faire place avec plus de bruit, et n’avançait qu’à force de révérences respectueuses, et comme honteuses, à droite et à gauche à Versailles. » Voilà une des raisons qui rendent aujourd’hui Saint-Simon si populaire ; il décrit l’extérieur, comme Walter Scott, Balzac et tous les romanciers contemporains, lesquels sont volontiers antiquaires, commissaires-priseurs et marchandes à la toilette ; son talent et notre goût se rencontrent ; les révolutions de l’esprit nous ont portés jusqu’à lui. — Il voit aussi distinctement le moral que le physique, et il le peint parce qu’il le distingue. […] La misère des sciences morales est de ne pouvoir noter ce degré ; la critique, pour définir Saint-Simon, n’a que des adjectifs vagues et des louanges banales ; je ne puis dire combien il sent et combien il souffre ; pour toute échelle, j’ai des exemples et j’en use.

848. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Il a gardé l’intégrité de son jugement moral, mais il a beaucoup perdu de sa naïveté. […] un sentiment moral et religieux. — Le sillon, qui ne donne rien qu’au prix d’un labeur patient, n’enseigne-t-il pas la justice ? […] Une demi-douzaine de très belles et très rares exceptions morales s’y trouvent réunies pour notre plaisir. […] Le romanesque est surtout un rêve moral, et il se passe de l’expression plastique. […] Tout ce passage est si équivoque qu’on peut très bien croire qu’il s’agit ici de bien moral.

849. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Un livre qui donne cet appétit-là n’est pas, ce me semble, aussi moral qu’il a l’air de l’être. […] Une religion est, en soi, un secours moral. […] Qui dit société de secours moral dit religion, ou chose destinée et se destinant à le devenir. […] Il étudie surtout dans ce livre l’évolution des conceptions morales, et particulièrement la morale considérée comme un produit de la société. […] Le ressort moral, si puissant chez elle, et que tout le monde a remarqué, n’est très probablement pas autre chose.

850. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Comme ses théories littéraires, ses théories morales sont aussi bien à base de science. […] L’exécution a beau y être encore de la plus fâcheuse insuffisance, on y aperçoit cependant se dessiner l’idéal moral du romancier. […] L’homme de caractère pacifique et d’habitudes morales subit l’ascendant du réfractaire. […] Art Roë est le problème moral. […] En fait, la forme de théâtre qui consiste à discuter un problème moral en analysant des sentiments est celle même des maîtres de notre vieux théâtre.

851. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Chaque organe, bien plus, chaque élément physique ou moral de l’animal vivant, renferme, incluse en soi, une propriété répétée dans tous les autres, à savoir cette particularité qu’il tend à s’accorder avec tous les autres, de façon à concourir avec eux à tel effet final et total ; et cet intermédiaire commun explique dans l’animal non seulement une prodigieuse quantité de caractères déjà énumérés par l’anatomie descriptive, mais encore une infinité d’autres caractères plus délicats et plus intimes que nos scalpels et nos, microscopes, trop grossiers, n’ont pas encore atteints. […] Grâce aux documents conservés et par des procédés exacts de reconstruction méthodique, nous pouvons aujourd’hui supprimer la distance du temps, nous représenter en spécimens plus ou moins nombreux le Français ou l’Anglais du dix-septième siècle ou du moyen âge, l’ancien Romain, et même l’Indou de l’époque bouddhique, nous figurer sa vie privée, publique, industrielle, agricole, politique, religieuse, philosophique, littéraire, bref, faire la psychologie descriptive de son état moral et mental et l’analyse circonstanciée de son milieu physique et social, puis de ces éléments passer à des éléments plus simples encore, démêler les aptitudes et les tendances qui se retrouvent efficaces et prépondérantes dans toutes les démarches de son esprit et de son cœur, noter les conceptions d’ensemble qui déterminent tout le détail de ses idées, marquer les inclinations générales qui déterminent le sens de toutes ses actions, bref, distinguer les forces primordiales qui, présentes et agissantes à chaque moment de la vie de chaque individu, impriment au groupe total, c’est-à-dire à la société et au siècle, les caractères que l’observation lui a reconnus115. […] Par l’influence combinée de l’état antérieur et des aptitudes et facultés héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment donné ; par l’influence combinée de cet état nouveau et des mêmes aptitudes et tendances héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment postérieur, et ainsi de suite, soit en remontant le cours des temps depuis l’époque contemporaine jusqu’aux plus anciennes origines historiques, soit en descendant le cours des temps depuis les plus anciennes origines historiques jusqu’à l’époque contemporaine. — On conçoit que dans cette prodigieuse évolution, qui s’étend depuis la formation du système solaire jusqu’à celle de l’homme moderne, les lacunes soient grandes et nombreuses ; elles le sont en effet, et souvent nous n’avons pour les combler que des conjectures. […] En rapprochant de cette proposition la note de la page 117, tome II, on voit que la théorie pourrait s’étendre encore davantage, et qu’en ce cas tous les problèmes concernant un être quelconque, moral ou physique, seraient au fond des problèmes de mécanique.

852. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Les Miracles de Notre Dame (xive  siècle) « trahissent le désordre moral du temps où ils ont été composés : les papes, les cardinaux, les évêques sont maltraités, chargés de crimes et de péchés : les rois, les juges, sont faibles ou mauvais. […] Il me semble être surtout un grand seigneur dilettante, très élégamment paradoxal ; si vraiment « les Maximes sont comme le testament moral de la société précieuse » (Lanson), je les mettrais malgré leur date (1665) parmi les « documents » qui expliquent la fin de cette période, juste avant Fontenelle, et préparant La Bruyère qui, lui, fut un artiste, quoique incomplet. […] Il a parlé pour plusieurs siècles, et son œuvre est loin d’être accomplie. — Qu’on relève chez lui, tant qu’on voudra, des erreurs de faits, des exagérations, des lacunes morales ; cela n’a plus aujourd’hui que bien peu d’importance. […] Toutefois, dès 1880, une nouvelle évolution se dessine, toujours en accord avec les temps, et c’est ce qui la rend si intéressante : les préoccupations sociales et morales s’emparent de Daudet ; il va à la thèse, déjà dans L’Évangéliste, dans Sapho, dans L’Immortel, plus tard dans La Petite Paroisse (1895), dans Soutien de famille (1898) ; et en même temps, logiquement, il va au théâtre ; d’abord, en y adaptant ses romans, ce qui est une erreur mais une erreur instructive ; ainsi : Le Nabab (1880), Jack (1881), Sapho (1885), Fromont jeune (1886), Numa Roumestan (1887) ; ensuite, en voyant le drame directement, sans passer par l’étape du roman : La Lutte pour la vie (1889), L’Obstacle (1890), La Menteuse (imprimée en 1893). […] Pour l’esquisse de chaque période je suivrai le même plan : 1º les conditions générales au point de vue politique, social et moral, avec indication des œuvres littéraires, de valeur relative, qui sont d’un intérêt particulier pour ce tableau de mœurs ; 2º le « genre » qui est l’expression littéraire de l’époque ; 3º les autres genres, dont l’un est en décadence et l’autre en devenir.

853. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Fantaisie discursive et raisonnante, fantaisie abstraite, si je puis dire, et que l’artiste emploie surtout pour varier les conditions de ses expériences morales. […] Et il a autre chose encore, un souffle assez véhément d’enthousiasme moral sous son style bourgeois. […] Je sais bien que la douceur relative des hommes d’aujourd’hui marque une déplorable diminution des énergies morales. […] Elle dépasse en aplomb Lebonnard et de Ryons, ces deux autres grands constructeurs de pièges moraux. […] Et il se peut, d’ailleurs, que le phénomène moral en question se prête mal, ou pas du tout, aux moyens particuliers d’expression dont dispose le théâtre.

854. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Ce directeur imprévu de l’enseignement, qui s’était formé lui-même, qui n’avait point hérité des anciennes traditions classiques, et qui n’était pas non plus du groupe polytechnicien proprement dit, mais homme d’esprit, rempli d’observations et d’idées fines, un peu particulières, se mit aussitôt en devoir de les appliquer : J’avais depuis longtemps remarqué, dit-il, les caractères qui distinguent l’esprit des géomètres et des physiciens, de celui des hommes appliqués aux affaires, et de celui des personnes vouées aux arts d’imagination ; dans les premiers (je ne parle que généralement), exactitude et sécheresse ; dans les seconds, souplesse allant quelquefois jusqu’à la subtilité, finesse allant quelquefois jusqu’à l’artifice ; dans les troisièmes, élégance, verve, exaltation portée jusqu’à un certain dérèglement… Ce que je projetais d’après ces observations, ajoute-t-il, était : 1º de faire marcher de front, dès les plus basses classes des collèges, les trois genres de connaissances, littéraires, physiques et mathématiques, morales et politiques, en mesurant à l’intelligence des enfants dans chaque classe les notions de chaque science ; 2º de faire enseigner dans chaque classe, même les plus basses, les trois sciences par trois professeurs différents, dont chacun serait spécialement consacré à l’une des trois… Le but était défaire cesser le divorce entre les diverses facultés de l’esprit, de les rétablir dans leur alliance et leur équilibre, et d’arriver à une moyenne habituelle plutôt que de favoriser telle ou telle vocation dominante. […] Investi de la sénatorerie de Caen dont le siège était à Alençon, Roederer s’y livra à l’étude du pays, et il fit un beau travail, un rapport sur l’état économique, moral et politique de ces provinces qui confinaient au foyer de la guerre civile et qui elles-mêmes en avaient été atteintes.

855. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Tout son soin, dans l’amitié, est de n’en point flétrir en lui l’image par des vices ; mais c’est moins de lui-même à cet égard qu’il s’inquiète que de son ami ; car, lui, il se considère comme moins propre aux grandes perfections, et moins sujet par là même aux grandes maladies morales : « Pour toi, au contraire, dit-il à Montaigne, il y a plus à combattre, toi, notre ami, que nous savons propre également aux vices et aux vertus d’éclat. » Toute la pièce d’où ceci est tiré a pour but de montrer les inconvénients du libertinage et du plaisir. […] L’immortel honneur de La Boétie est de nous représenter Montaigne en cette époque de stoïcisme moral et avant le scepticisme, Montaigne enthousiaste du bien ; et toutes les fois qu’il lui arrivera plus tard de resonger à son ami et d’en parler, Montaigne redeviendra ce qu’il était en ces années où il le connut et où ils s’unirent.

856. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Il a écrit des feuilles périodiques, des journaux imités d’Addison pour la forme, mais remplis d’idées neuves, déliées, et de vues ingénieuses : son Spectateur français (1722), son Indigent philosophe (1728), son Cabinet du philosophe, contiennent, au milieu d’anecdotes morales, sa théorie sur toutes choses. […] Aujourd’hui qu’on étudie à fond ces auteurs, les saint Bernard, les saint Thomas d’Aquin, les Abélard, et aussi les Vincent de Beauvais, les Roger Bacon, on arrive à reconnaître en quoi ces hommes, au milieu d’une civilisation qui avait tant rétrogradé en apparence, si on la compare à celle d’un Sénèque, d’un Pline l’Ancien ou d’un Cicéron, avaient pourtant des vues soit dans l’ordre moral, soit même dans l’ordre des sciences physiques, des conceptions et des essors déjà, qui étaient le résultat ou le signal d’un avancement et d’un progrès pour l’espèce.

857. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Cette influence cessant, une autre qui y succéda passagèrement, celle de Mme Récamier, décida de sa conduite au 19 mars 1815 ; et c’est pour plaire à cette beauté, amie des Bourbons, pour ne pas être éclipsé en zèle royaliste et antibonapartiste auprès d’elle, pour ne pas voir un rival, le guerroyant comte de Forbin, avec son sabre, obtenir un plus gracieux sourire que lui avec sa plume, qu’il se hâta d’écrire ce fameux article du Journal des Débats, et de le faire dans des termes tels qu’il était le seul peut-être de son parti qui ne put se rallier le lendemain à Napoléon, même par les meilleurs et les plus nobles motifs de résipiscence, sans s’exposer à une contradiction flagrante et à un échec moral irréparable. […] Voici une de ses phrases fameuses et du petit nombre de celles qu’on retient ; il parle, dans la préface de son livre sur la Religion, contre le principe moral de l’intérêt bien entendu : « Son effet naturel, dit-il, est de faire que chaque individu soit son propre centre.

858. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Les Arabes n’ont pas changé. » Et remarquez-le, non seulement Horace Vernet soutenait cette immobilité, cette invariabilité de l’Orient au point de vue pittoresque du spectacle, en ce qui était du paysage et du costume ; il l’entendait aussi au point de vue moral, et il observait très ingénieusement que cette idée de fatalité qui domine les populations orientales agissait autrefois tout comme aujourd’hui, au temps de Moïse ou des prophètes comme au temps de Bonaparte, de Méhémet-Ali ou d’Jbrahim ; que la cause extérieure de l’étonnement et de la soumission machinale pouvait être diverse, mais que l’explication n’étant pas autre ni plus avancée aujourd’hui qu’il y a quarante siècles, la physionomie qui exprime l’état intérieur habituel restait la même, que le faciès, en un mot, n’avait pas changé ; et il exprimait cela très spirituellement ; « Ce matin (toujours à Damas), on nous a fait manœuvrer deux batteries d’artillerie, l’une de la garde, l’autre de la ligne. […] Il demeurait alors au n° 58 de la rue Saint-Lazare. pas du peintre ; il observe du coin de l’œil plus de choses au moral qu’on ne croirait.

859. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

(Rouen), bien près de toi, comme tu vois, chez de vieilles amies et parfaitement ignoré, bien doucement, bien choyé, tel qu’il faut qu’il soit pour que je n’aie point à m’inquiéter, mais dans un état moral si triste, si accablant, que je ne puis sortir d’ici que pour me rendre à ses côtés. » C’est en ce sens qu’elle entend les fers qu’il lui faudrait reprendre et dont elle ne ferait que changer, — les chaînes du devoir ! […] Il eût suffi, en cet endroit, d’un goût littéraire plus sévère et plus vrai pour empêcher Mme Roland de se laisser aller à une phrase, à une simple inadvertance déclamatoire, qui ressemble à un manque de tact moral.

860. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Catinat, se jugeant lui-même, appréciant sa propre conduite durant cette année 1691, mérite bien pourtant d’être entendu, et ce qu’il dit là-dessus à son avantage est peut-être la meilleure définition de sa méthode de guerre et de son moral de général d’armée. […] Ne me vas-tu pas trouver bien moral pour un homme qui doit être enivré ? 

861. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

On peut remarquer, comme un fait moral assez naturel et digne de la race d’Adam, que le Mal qu’on a dit des Femmes a eu jusqu’à six éditions à 3,000 exemplaires, tandis que le Bien qu’on a dit d’elles n’en a eu que quatre à grand-peine. […] De même que La Bruyère a peint des caractères moraux qui font type, on arriverait ainsi à tracer quantité de portraits-caractères des grands écrivains, à reconnaître leur diversité, leur parenté, leurs signes éminemment distinctifs, à former des groupes, à répandre enfin dans cette infinie variété de la biographie littéraire quelque chose de la vue lumineuse et de l’ordre qui préside à la distribution des familles naturelles en botanique et en zoographie.

862. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Mais il est impossible que dans les dictées d’un homme de guerre d’une vocation aussi décidée il n’y ait pas de bonnes et fines remarques de détail (comme chez Montluc en son temps), des observations pratiques utiles au métier et d’autres qui touchent au moral de l’art et qui sont supérieures : Mes Rêveries en sont semées ; Napoléon, en les lisant, y a fait les deux parts10 ; et le comte Vitzthum a raison d’y signaler, à son tour, de bonnes et même de tout à fait belles pages : ainsi l’exposé de la bataille de Pultava, ainsi un curieux récit de l’affaire de Denain au point de vue du prince Eugène11 ; ainsi des réflexions sur la défaite de Malplaquet, sur la déroute de Ramillies ; de singulières anecdotes sur des paniques d’hommes et de chevaux même après la victoire gagnée, racontées à l’auteur par Villars ; mais surtout un admirable endroit sur l’idée du parfait général d’armée que le comte de Saxe avait vu à peu près réalisé en la personne du prince Eugène. […] Général, il savait le moral de ceux à qui il commandait et comment on les électrise.

863. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

J’ai pris un grand plaisir à l’entendre lire, il y a quelques mois, dans un temps où je n’étais guère capable d’une application continue ; cette notice m’a touché à la fois par la singularité de la destinée individuelle qu’elle retrace, et par les réflexions morales et humaines qu’elle suggère : je me suis promis d’en faire part à mes lecteurs, à mon premier loisir, et de les associer, s’il se peut, aux sentiments que j’avais éprouvés moi-même au récit de cette simple et véridique histoire. […] M. de Saint-Joseph nous y fait assister : « La chaleur que la saison et notre rapprochement du Midi rendaient chaque jour plus forte ; notre marche dans un pays sans routes, brûlé, sillonné par de longues fentes, où l’on eût dit qu’un vent dévastateur venait d’exercer ses ravages, l’épuisement des chevaux, nos fatigues, nos peines morales, tout nous rendit excessivement longue et pénible la petite distance de l’Alagon au Tago.

864. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Les lettres de madame d’Émery sont de dignes sœurs de celles de la marquise de Merteuil, mais cela si naturellement arrêté à temps, si bien coupé de conclusions et de remarques morales, utiles, pénétrantes ! […] Ses dernières années se sont passées dans les mêmes sentiments, dans les mêmes regrets et les mêmes fluctuations morales qu’il avait éprouvés de tout temps : seulement les craintes et les regrets, ou même les remords chrétiens surnageaient de plus en plus.

865. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Tandis qu’au moral cela se passe d’ordinaire ainsi, littérairement la poésie rentrée a d’autres détours encore. […] Comme il voit, avant tout, dans la littérature l’histoire du développement intellectuel et moral de la nation, il a pris cette nation à ses origines et jusque dans les éléments les plus anciens qu’on retrouve épars sur le sol.

866. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Ce jour-là, une des forces morales qui produiront le xviie  siècle, entre en jeu. […] Après un demi-siècle, il retrouve les sentiments complexes du jour du départ, l’allégresse, l’anxiété, le regret, tout ce que le connu que l’on quitte, et l’inconnu où l’on va, peuvent mêler d’agitations morales aux impressions physiques de l’œil et de l’oreille.

867. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Il est permis aujourd’hui de dire que, si Flaubert avait en horreur les prédications morales comme les effusions sentimentales, cependant ces vies étalées impassiblement devant nous laissent à la fin de la pitié et dégagent une leçon. […] Deux romanciers qui ont circonscrit leur observation, sont arrivés à rendre supérieurement certains milieux particuliers, avec les espèces morales qui s’y développent : M. 

868. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Les Caractères ne furent d’abord que des abstractions, et les Mœurs que des réflexions morales, rangées dans un nouvel ordre, mais qui ressemblent beaucoup aux Maximes et aux Pensées. […] La quatrième édition, qui parut trois ans après la première, offrait déjà une plus juste proportion entre les portraits et les réflexions morales ; tout l’ouvrage s’était accru de plus d’un tiers.

869. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Le remords, le devoir, l’idée du serinent qu’il va trahir, du cœur qu’il va briser, tout le sel et tout le levain moral de son être ont fondu, à la chaleur de la flamme mortelle qui le brûle. […] Mais, au point où le poète a poussé la frénésie de son démoniaque, on comprend qu’il ne lui ait fallu rien de moins que l’évocation d’un cadavre, rien de moins que l’image de cette petite morte retirée de l’eau pour lui faire recouvrer la raison et le sens moral.

870. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Dumas fait maintenant de ses pièces des conférences morales et sociales. […] Octave est un garçon amolli par la paresse, dépravé par la vanité, naïvement vicieux et sans âme ; pas plus d’idée du devoir et de sens moral que dans la tête d’un brochet.

871. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Christian Bartholmèss vient de le faire connaître par le côté philosophique dans un travail approfondi qui a été fort apprécié dans le monde de l’Université et dans celui de l’Académie des sciences morales. […] Ce goût-là le peint aussi au moral dans l’ensemble de son humeur comme de son génie.

872. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

J’y verrais le texte de tout un commentaire moral à l’adresse de ceux qui se font une idole de la popularité, et qui s’en montrent les grands prêtres obéissants, fussent-ils d’ailleurs les plus honnêtes gens du monde, et s’appelassent-ils Béranger ou La Fayette : « Ainsi, leur dirait-on, vous poussez sans cesse à ce dont vous ne voulez pas en définitive, ou à ce que vous ne voulez que très peu. » « Le peuple, c’est ma muse », a dit Béranger. […] M. de Pontmartin, qui se croit des principes, est dans le rôle et dans la coterie jusqu’au cou ; il est légitimiste par état, comme d’autres sont orléanistes ; il est homme de ce beau monde qui se pique d’être moral sans pratiquer les mœurs, et de professer la religion sans aller toujours à confesse.

873. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Pour un petit laquais le livre n’était peut-être pas très moral ; ce n’est pas assurément la morale du catéchisme qu’il prêche, c’est celle de la vie pratique : n’être dupe de rien ni de personne. On en peut dire comme on l’a dit si bien de Gil Blas : ce livre est moral comme l’expérience.

874. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

En un mot, mon être moral et physique croule sous le poids de mes fers. […] C’est l’honneur, disons-le hautement, c’est le rachat moral de Mirabeau d’avoir ainsi souffert, d’avoir été homme en tout, non seulement par ses fautes, par ses entraînements, et, nommons les choses à regret, par ses vices, mais aussi par le cœur et par les entrailles ; d’avoir été pauvre et d’avoir su l’être ; d’avoir été père et d’avoir pleuré ; d’avoir été laborieux comme le dernier des hommes nouveaux ; d’avoir été captif et persécuté, et de n’avoir point engendré le désespoir, de ne s’être point aigri ; d’avoir prouvé sa nature ample et généreuse en sortant de dessous ces captivités écrasantes, à la fois dans toute sa force et dans toute sa bonté et même sa gaieté, ni énervé, ni ulcéré, sans ombre de haine, mais résolu à conquérir pour tous, à la clarté des cieux, les droits légitimes et les garanties inviolables de la société libre et moderne.

875. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Ces qualités qui tiennent à la personne physique ont beaucoup plus d’influence au moral qu’on ne l’imagine. […] J’arrive aux circonstances singulières qui marquèrent sa conduite dans la Révolution, et qui achèvent de prouver qu’au moral aussi il lui a manqué quelque chose, quelques lignes de plus pour être de la taille de ceux dont le courage domina les événements et ne s’y laissent point entraîner.

876. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Ainsi lancée après une telle résistance, la pièce alla au-delà de cent représentations et fut un des grands événements politiques et moraux de ce temps-là. […] C’était, à propos d’une fable, tout un échafaudage réel et moral.

877. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

… » Et Rousseau lui répondait dans la même pensée : « Il y a un si bel ordre dans l’ordre physique, et tant de désordre dans l’ordre moral, qu’il faut de toute nécessité qu’il y ait un monde où l’âme soit satisfaite. » Et il ajoutait avec effusion : « Nous avons ce sentiment au fond du cœur : Je sens qu’il doit me revenir quelque chose. » Que les personnes religieuses, avant de frapper sur Bernardin et sur Rousseau, veuillent toujours se rappeler ces deux belles paroles de l’un et de l’autre, ce quelque chose et ce quelqu’un. […] Aimé Martin, et qui mettent dans tout son jour le travers moral de Bernardin de Saint-Pierre, sans toutefois l’exagérer en rien.

878. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

C’est au moral et au talent de l’écrivain que nous nous attachons. […] Sans entrer le moins du monde dans la question astronomique et théologique, à ne prendre le livre que par le côté littéraire et moral, nous en saisirons aisément le faux, et cela en vaut la peine.

879. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Or, comme l’art préfère en général jouer des passions les plus fortes de l’âme humaine, qui sont les instinctives, les primitives, il tend à maintenir l’homme dans la pratique de ces inclinations ataviques, et s’oppose ainsi dans une mesure assez forte, croyons-nous, au progrès moral, au développement de tendances nouvelles mieux en relation avec l’état social actuel. […] Ceux-ci distingueront entre les ouvrages qui tendent à suggérer des sentiments qui doivent décroître, s’il faut que la race ou l’Etat vive, et ceux qui contribuent au contraire à rendre l’homme plus sain, plus joyeux, plus moral, plus noble.

880. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Cette lutte constante et dissimulée, ses maux physiques et ses angoisses morales, durent le remuer et l’amollir jusqu’au fond de l’âme. […] Il revint, sans rien dire de ses fièvres morales, aux dogmes positifs qu’il avait dédaignés, étant sain et prospère.

881. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Un Magistrat allait par son mérite à la première dignité, il était homme délié et pratique dans les affaires ; il a fait imprimer un ouvrage moral, qui est rare par le ridicule. […] Ce qu’il y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison, est manié par le premier ; et par l’autre, ce qu’il y a de plus flatteur et de plus délicat dans la passion : ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes ; et dans celui-ci, du goût et des sentiments : l’on est plus occupé aux pièces de Corneille ; l’on est plus ébranlé et plus attendri à celles de Racine : Corneille est plus moral ; Racine plus naturel : il semble que l’un imite Sophocle, et que l’autre doit plus à Euripide.

882. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Cette loi s’observe au moral et au physique, c’est la loi des masses au physique c’est la loi des caractères au moral.

883. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Probablement et d’après ce qui se pratiquait par une sorte d’échange entre la Barbarie et la Civilisation, tandis que Aétius faisait ses premières armes chez les Huns, Attila faisait les siennes chez les Romains, étudiant les vices de cette société comme le chasseur étudie les allures d’une proie : faiblesse de l’élément romain et force de l’élément barbare dans les armées, incapacité des empereurs, corruption des hommes d’État, absence de ressort moral sur les sujets, en un mot, tout ce qu’il sut si bien exploiter plus tard et qui servit de levier à son audace et à son génie. » La phraséologie moderne à part, il y a l’éclair du vrai dans ces paroles. […] On a, selon moi, beaucoup trop vanté l’épisode de saint Épiphane et de saint Séverin, ces fondateurs d’empires moraux comme le monde jusque-là n’en avait jamais vu, alors que les plus forts empires matériels s’en allaient en poussière.

884. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

. — Tant il est vrai que sous les couleurs diverses des politiques et des morales, un même fond d’idées sociales transparaît. […] Denis, Histoire des théories et des idées morales dans l’antiquité, 2e éd., II, p. 420.

885. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Bientôt cette voix, plus austère et plus forte, atteignit à la grandeur de l’ode politique, à l’autorité de l’anathème moral fulminé même contre la gloire par une éloquente poésie. […] À travers ces revanches du sentiment moral, l’imagination de nos poëtes servait à l’apothéose de la force : le monde, après avoir eu le spectacle d’une prodigieuse fortune, subissait le contrecoup et partageait souvent l’illusion des talents que cette fortune avait d’abord éblouis.

886. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Ses pièces ne sont que ses idées morales prenant une forme concrète. […] Balzac, ni George Sand, ni Mérimée, ne sont des écrivains moraux. […] Il faut dire plus : il ne cherche par le théâtre à donner aucune sorte d’enseignement moral. […] Le point de vue moral n’est jamais absent des peintures que Feuillet a faites de l’amour. […] Zola suppose résolue la question des rapports du physique et du moral.

887. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Et cependant après coup, si l’on y revient, si l’on repasse sur ce fond moral antérieur, pour peu qu’on ait des éléments suffisants, on distingue la veine qui devait prévaloir.

888. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, la face de la terre eût été changée. » Gardons-nous toutefois d’exagérer : en n’appréciant que les forces morales et les circonstances historiques, M. 

889. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Depuis lors, certaines croyances, certaines doctrines morales sur la vie, sur les hommes, sur l’âme et sur Dieu, se sont répandues dans le monde et ont pénétré dans tous les cœurs.

890. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Car ce petit livre est une œuvre à part ; une conviction profondément nationale et religieuse l’a dicté au poète fervent ; il est destiné, comme un viatique moral, au peuple errant ou captif chez qui l’ancienne foi catholique semble avoir fait alliance avec le sentiment plus moderne de la liberté.

891. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Les affections morales, unies, dès la jeunesse, aux passions brûlantes, peuvent se prolonger par de nobles traces jusqu’à la fin de l’existence, et laisser voir encore le même tableau sous le crêpe funèbre du temps.

892. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Quelques-uns de ses droits devaient être exercés sans être reconnus, d’autres reconnus sans être exercés ; et les considérations morales étaient saisies par l’opinion avec une telle finesse, qu’une faute de tact était généralement sentie, et pouvait perdre un ministre, quelque appui que le gouvernement essayât de lui prêter.

893. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Enfin je ne sais si, au xviie  siècle, les habitudes religieuses, le souci de la perfection intérieure, l’obligation de déclarer ses fautes, entretenant dans l’âme une inquiétude qui la ramenait sans cesse en elle-même, ne contribuaient pas fortement à donner à l’esprit une vue nette et fine des faits moraux et le don de les exprimer aisément avec précision.

894. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Si l’on a bien dans la mémoire l’ensemble des œuvres du comique français, on discerne sans peine l’élément important que lui a transmis la double veine, littéraire et populaire, de l’art italien ; élément important, non par le fonds des idées satiriques et morales, mais par l’abondance des moyens d’expression ; élément en quelque sorte matériel, artificiel, mis à la disposition du grand ouvrier.

895. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

On vous l’a dit avec une parfaite raison : la culture rationnelle de l’esprit, le perfectionnement de l’être intellectuel et moral ne s’improvisent pas.

896. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

comme nous en avons souffert de cet esclavage moral où se sont soumis les littérateurs, qui naquirent vers la fin du régime impérial !

897. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il eût pu, à la vérité, emprunter d’autres couleurs sur la même palette, et jeter ici quelques bonnes pages bien philanthropiques, dans lesquelles — en côtoyant toutefois avec prudence un banc dangereux, caché sous les mers de la philosophie, qu’on nomme le banc du tribunal correctionnel — il eût avancé quelques-unes de ces vérités découvertes par nos sages pour la gloire de l’homme et la consolation du mourant ; savoir : que l’homme n’est qu’une brute, que l’âme n’est qu’un peu de gaz plus ou moins dense, et que Dieu n’est rien ; mais il a pensé que ces vérités incontestables étaient déjà bien triviales et bien usées, et qu’il ajouterait à peine une goutte d’eau à ce déluge de morales raisonnables, de religions athées, de maximes, de doctrines, de principes qui nous inondent pour notre bonheur, depuis trente ans, d’une si prodigieuse façon qu’on pourrait — s’il n’y avait irrévérence — leur appliquer les vers de Regnier sur une averse : Des nuages en eau tombait un tel degoust, Que les chiens altérés pouvaient boire debout.

898. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Outre les grands et classiques traités de Pinel, d’Esquirol, de Georget, je signalerai surtout, parmi les publications qui touchent de plus près à la psychologie, le Traitement moral de la folie, par M. 

899. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

Isolé jadis dans un milieu réfractaire aux idéologies comme aux lettres, le provincial qui pense et qui s’hypnotisait dans l’adoration de Paris et le désir de quitter au plus vite le sol natal a dès à présent la facilité de s’affilier à un des groupements que nous venons de nommer et où il trouvera toutes sortes d’avantages moraux et des raisons plus grandes d’aimer les arts et d’aimer aussi sa région.

900. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

Quand les explications physiques de ces faits ne seroient point bonnes, mon erreur sur ce point-là n’empêcheroit pas que les faits ne fussent véritables, et qu’ils ne prouvassent toujours que les causes morales ne décident pas seules de la destinée des lettres et des arts.

901. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

« L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales » Ce qui me paraît constituer l’œuvre propre de Taine, c’est qu’il a contribué plus que personne à introduire et à vulgariser en France une tradition philosophique qui, avant lui, ne comptait parmi nous que bien peu de représentants : c’est ce qu’on pourrait appeler l’empirisme rationaliste.

902. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

— de l’état moral d’une société où de tels faits se produisent impudemment sans que l’opinion en soit indignée.

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