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33. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

Le latin arces, l’italien rocce, ont, outre leur premier sens, celui de forteresses. […] Ces premiers serviteurs se nommaient chez les Latins vernæ, tandis que les fils des héros, pour se distinguer, s’appelaient liberi. […] Du vas des Latins, du βας dérivèrent le was et le wassus employés par les feudistes barbares pour signifier vassal. […] Étranger se dit en latin hospes. […] Ces locations de terres répondent aux clientèles des Latins.

34. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Les feudistes traduisent élégamment le mot barbare homagium par obsequium, qui dans le principe dut avoir le même sens en latin. […] Les Latins appellent operarius ce que nous entendons par journalier. — On disait chez les Latins greges operarum, comme greges servorum, parce que de tels ouvriers, ainsi que les esclaves des temps plus récents étaient regardés comme les bêtes de somme que l’on disait pasci gregatim. […] Par opposition à leurs vassaux ou homines, les seigneurs des fiefs furent appelés barons dans le sens où les Grecs prenaient héros, et les anciens Latins viri ; les Espagnols disent encore baron pour signifier le vir des Latins. […] Les barons furent appelés seigneurs, du latin seniores. […] En appliquant nos principes aux étymologies latines, nous trouvons que ce mot dut venir du nominatif vas, chez les Grecs Βας, et chez les barbares was, d’où wassus, et enfin vassalus.

35. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

D’après ces orationes, les Latins appelèrent oratores ceux qui défendent les causes devant les tribunaux. […] Les Latins exprimaient cette idée par le verbe mactare, dont on se servait toujours dans les sacrifices, comme d’un terme consacré. […] Nous avons déjà vu que chez les Grecs, ἄρα signifiait la chose ou la personne qui porte dommage, le vœu ou action de dévouer, et la furie à laquelle on dévouait ; chez les Latins ara signifiait l’autel et la victime. […] Les vaincus étaient considérés comme des hommes sans Dieu ; aussi les esclaves s’appelaient en latin mancipia, comme choses inanimées, et étaient tenus en jurisprudence loco rerum. […] D’ailleurs deux traditions fameuses de l’antiquité grecque et latine prouvent que les peuples commençaient souvent les guerres (duella chez les anciens Latins), en décidant par un duel la querelle particulière des principaux intéressés ; je parle du combat de Ménélas contre Pâris, et des trois Horaces contre les trois Curiaces (Voy.

36. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Le caractère commun des écrits, dans ces commencements de notre langue, c’est l’imitation non du latin littéraire, mais du latin parlé. […] Ce sont d’abord beaucoup de mots soit indigènes soit tirés du latin, ou plutôt, nés d’une sorte de consentement de l’esprit français à certains mots latins conformes à sa nature. […] Des grammaires comme on en faisait alors, où l’on enseignait le latin littéraire dans un latin barbare. Quoi qu’il en soit, cette culture latine se fait sentir dans les Chroniques de Froissart. On y reconnaît l’imitation, non du latin parlé, comme dans Villehardouin et Joinville, mais du latin des clercs, du latin écrit.

37. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Quelques petites pièces latines, recueillies parmi ses œuvres poétiques, prouvent une pratique habituelle du latin81. […] Du Bellay y confond dans une proscription commune et ceux qui par dédain de la langue vulgaire écrivaient en latin, et ceux qui écrivaient en français, sans études grecques ni latines, les cicéroniens et les poëtes à la mode. […] feuillette de main nocturne et journelle les exemplaires grecs et latins. » Mais dans quelle mesure le poëte devra-t-il imiter les anciens ? […] De là cette muse « en français parlant grec et latin », dont se moque Boileau. […] En effet un écrivain protestant, Buchanan, en fit pour ses coreligionnaires une traduction en distiques latins.

38. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Les médecins de Molière parlaient latin, les nôtres parlent grec. […] Les lexiques spéciaux contiennent environ trois mille cinq cents mots français tirés du grec, mais ils sont tous incomplets ; il est vrai que l’un de ces ouvrages attribue au grec la paternité d’une quantité de vocables purement latins, ou allemands, comme pain et balle. […] Comme la médecine, la botanique, dont les éléments premiers, les noms vrais des plantes, sont pourtant de forme populaire, a été ravagée par le latin et par le grec . […] Quant à la nécessité de différencier [mot en caractère grec] d’avec Neptunus, elle est certaine ; là, on pourra peut-être innover, mais en se souvenant que notre langue est latine et que la transcription latine de [mot en caractère grec] est Posidion 41. […] Nodier disait déjà, en 1828 : « La langue des sciences est devenue une espèce d’argot moitié grec, moitié latin… Il faut prendre garde de l’introduire dans la littérature pure et simple… « Le mal est fait.

39. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Existe-t-il, en français ou en latin, quelque ouvrage sur l’algèbre, antérieur au xvie  siècle ? […] Les anciens livres d’offices en latin peuvent offrir la première forme, encore liturgique, des miracles et des mystères. On trouve des mots français intercalés dans des sermons latins dès le xiie  siècle, et sans doute auparavant. […] On ne devra pas non plus omettre les poèmes latins de ces âges. En général, la recherche des écrits latins du moyen âge se lie de près, non seulement à la connaissance du fonds littéraire commun de ces temps, mais aussi à l’étude philologique de notre langue, beaucoup de mots français, d’expressions françaises, plus ou moins altérés de l’ancien latin, ayant contracté cette altération dans leur forme de basse latinité.

40. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Un jour, dans le cabinet de son père, qui venait de temps en temps à Dijon, le jeune Bossuet ouvre une Bible latine ; il en reçoit une impression profonde. […] Il savait du grec ; mais ce qu’il savait à fond, admirablement, ce qu’il savait comme une langue naturelle, c’était le latin, toutes les sortes de latin, celui de Cicéron comme celui des Pères, de Tertullien et de saint Augustin. Il en avait l’usage très familier ; il le parlait ; il disputait en latin dans l’école ; il écrivait couramment des lettres latines aux prélats étrangers avec qui il correspondait ; les notes dont il chargeait les marges de ses livres étaient le plus souvent en latin. […] ainsi puissiez-vous…, etc. » On a reconnu la forme latine du vœu : « Sic te Diva potens Cypri, sic fratres Helenæ ! […] Il les déduit et les conclut d’autorité, il les installe et les institue dans notre langue en vertu de l’hérédité latine.

41. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Huet, enfant, et déjà poète latin, avait terminé à treize ans le cours de ses humanités ; il trouvait un guide poétique encourageant et sûr dans l’aimable M.  […] Ces mots si vifs de Huet n’ont passé inaperçus que parce qu’ils sont en latin, et que peu de gens les vont chercher13. […] Quand il écrit en français, il a le style bon, bien qu’un peu suranné, et il laisse volontiers aux mots leur acception toute latine. […] À propos des poésies latines ou françaises qu’échangent entre eux Huet et Ménage, on se plairait à saisir quelques saillies de jeunesse du futur prélat, quelque filet de verve gauloise et rabelaisienne. […] Il faudrait, pour donner idée de ces gaietés de Huet, citer plus de latin que je n’en puis mettre ici, car Huet achève souvent en latin une phrase commencée en français14, et il assaisonne le tout de mots grecs.

42. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

Mais comme elles ne se sont polies que long-temps après s’être formées en un corps politique ; comme les usages nationaux étoient déja établis et même fortifiez par le long-temps qu’ils avoient duré, quand ces nations se sont cultivées par une étude judicieuse de la langue grecque et de la langue latine ; on a bien poli et rectifié ces usages, mais il n’a pas été possible de les changer entierement. […] Par exemple, la langue qui se forma dans les Gaules où les anciens habitans parloient communément latin quand les francs s’y vinrent établir, ne conserva que des mots dérivez du latin. La syntaxe de cette langue se forma entierement differente de la syntaxe de la langue latine, ainsi que nous l’avons dit déja. En un mot la langue naissante se vit asservie à rimer ses vers, et la rime passa même dans la langue latine dont l’usage s’étoit conservé parmi un certain monde. Vers le huitiéme siécle les vers leonins, qui sont des vers latins rimez comme nos vers françois furent en usage, et ils y étoient encore, quand on fit ceux-ci.

43. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

C’est pour cela peut-être que dans les poètes grecs et latins les images des dieux et des héros apparaissent toujours plus grandes que celles des hommes, et qu’aux siècles barbares du moyen âge, nous voyons dans les tableaux les figures du Père, de Jésus-Christ et de la Vierge, d’une grandeur colossale. — 7. […] Les barbares en sont dépourvus ; aussi les premiers poètes héroïques des Latins chantèrent des histoires véritables, c’est-à-dire les guerres de Rome. Quand la barbarie de l’antiquité reparut au moyen âge, les poètes latins de cette époque, les Gunterius, les Guillaume de Pouille, ne chantèrent que des faits réels. […] Jamais les Grecs et les Latins ne prirent un personnage imaginaire pour sujet principal d’une tragédie. […] Chez les Latins, mémoire est synonyme d’imagination (memorabile, imaginable, dans Térence) ; ils disent comminisci pour feindre, imaginer ; commentum pour une fiction, et en italien fantasia se prend de même pour ingegno.

44. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Pourquoi Montaigne a-t-il un goût particulier pour certains écrivains de la décadence latine. — § VI. […] Il était également versé dans le grec et le latin. […] Le latin lui était une langue plus familière que le français, et son génie de traducteur se révèle par l’habitude où il était de composer d’abord en latin les sermons qu’il devait prêcher en français. […] Montaigne est plus latin que grec. […] Nous sommes les fils des Latins ; là est la cause principale de la préférence que nous donnerons toujours au génie latin.

45. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Si l’apprenti prêtre a fait son cours entier des arts, il saura le latin et le grec. La connaissance de la langue latine lui est indispensable ; celle de la langue grecque lui est encore moins nécessaire qu’au médecin. […] Bibles latines. […] Joseph Bingham, Origines ecclésiastiques, on anglais, Londres, 10 vol. in-8°, 1708-1722 ; traduites en latin, Halle, 1725-1738. 11 vol. in-4°. […] Mosheim’s Ecclesiastical history, traduite en latin par Maclainc et en français par Eidous ; Yverdun, 1770. 6 vol. in-8°.

46. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

L’Antiquité grecque et latine avait trouvé dans tous les genres les belles formes, les moules admirables, des modèles qu’une fois ressaisis, on ne perdait plus de vue et qu’on révérait sans cesse. […] L’idée de traiter notre idiome vulgaire à l’aide du latin, comme le latin, depuis les Scipions, a été traité et perfectionné à l’aide du grec, est fort juste. […] Pétrarque et Boccace ont acquis leur vraie gloire bien moins en composant en latin qu’en écrivant dans leur langue. […] La sortie qu’il fait contre eux est fort spirituelle, et Boileau ne s’est pas mieux moqué des faiseurs de vers latins attardés dans le xviie  siècle. — Il y aura bien toujours cette légère inconséquence que Du Bellay, qui se moquait ainsi des vers latins faits par des Français, et qui devançait dans cette voie Boileau, ne put s’empêcher toutefois de célébrer Salmon Macrin, qu’on appelait le second lyrique après Horace ; et lui-même il finit par payer son tribut au goût du siècle en donnant un livre d’Élégies latines, fort élégantes, ce nous semble, et fort agréables. […] Pourquoi donc De Thou, homme de cette école et de cette lignée d’esprits, a-t-il été inconséquent au programme, et s’en est-il allé écrire en latin ?

47. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Ce petit drame dit des Trois Maries se retrouve à des degrés divers de développement, mais sous forme également liturgique et toute latine, dans des textes qui nous ont été conservés du moyen âge. […] Les indications scéniques, les avis aux acteurs sont encore en latin, ce qui suppose qu’ils l’entendaient et qu’ils étaient clercs, plus ou moins prêtres. […] Le lecteur lit de scène en scène, et en latin, les versets de la Bible qui correspondent au développement du drame, et le chœur, avec accompagnement de musique sans doute, chante les répons. […] Puis on entend un nouveau chant du chœur, le verset latin de la Bible qui se rapporte à cette entrée dans le Paradis terrestre. […] toute la gravité du latin a disparu.

48. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 327

La connoissance du Grec, du Latin, de l’Italien, de l’Espagnol & de l’Anglois, n’affoiblit point en lui le véritable goût de sa Langue. Dans ses Poésies Latines, on trouve une élégance & une urbanité qui en rendent la lecture intéressante, quoique les différens sujets n’en soient pas toujours intéressans. Plein de la Philosophie Platonicienne, il la mit en Vers Latins, sous le titre d’Ecole de Platon. […] Ses Dissertations, insérées dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions & Belles-Lettres, sont autant de morceaux précieux qui enrichissent ce Recueil, & prouvent que la délicatesse de notre Langue n’étoit pas moins familiere à leur Auteur, que celle des Latins.

49. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Rapportons pour commencer l’explication du passage d’Aristides, quelques endroits du livre que Martianus Cappella a composé en latin concernant les lettres et la musique. […] Sergius ancien grammairien latin compte huit accens, qu’il définit les marques d’une inflexion de voix, et qu’il appelle les aides du chant. Priscien un autre grammairien latin, et qui vivoit à la fin du cinquiéme siecle, dit dans son traité des accens ; que l’accent est la loi, qu’il est la regle certaine qui enseigne comment il faut relever ou abaisser la voix dans la prononciation de chaque sillabe. Notre auteur dit ensuite qu’il y a dix accens dans la langue latine, et il donne en même-temps le nom de chaque accent, et la figure dont on se servoit pour le marquer. […] Isidore De Seville dit encore dans ses origines que les accens s’appelloient en latins tons ou teneurs, parce qu’ils marquoient une augmentation de la voix et des repos.

50. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 541-542

Porée des gallicismes : seroit-ce parce que son latin est aisé, coulant, & trop intelligible ? […] L’inversion ne constitue pas le génie d’une Langue, moins encore de la Latine, qui a une plus grande liberté à cet égard que toute autre. Les Ecrivains Latins s’abandonnoient chacun en leur maniere, en ne songeant qu’à rendre leur expression juste, nette, élégante, & précise. […] La Langue Latine comporte, il est vrai, un peu plus cette figure que la nôtre ; mais il est aussi vrai de dire que la vigueur du raisonnement, l’élévation des pensées, l’étendue de littérature, la solidité de morale, répandues dans tous ses Discours, le dispensoient de ces petites ressources pour plaire, instruire, intéresser.

51. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Notre langue française vient en très grande partie du latin. […] Mais ce n’est pas du latin savant, du latin cicéronien, c’est du latin vulgaire parlé par le peuple et graduellement altéré, que sont sortis, après des siècles de tâtonnement, les différents dialectes provinciaux dont était celui de l’Île-de-France, lequel a fini par se subordonner et par supplanter les autres ; lui seul est devenu la langue, les autres sont restés ou redevenus des patois58. […] Je n’ai point à entrer dans cette discussion, ni à chicaner sur cette préférence ; ce que je voulais seulement remarquer, c’est que sous cette première forme lentement progressive et naturelle tous les mots français qui viennent du latin et par le latin du grec ont été adoucis, préparés, mûris et fondus, façonnés à nos gosiers, par des siècles entiers de prononciation et d’usage : ils sont le contraire de ce qui est calqué et copié artificiellement, directement. […] Brachet excepte et laisse en dehors de cette génération du latin vulgaire un sixième environ des mots français, dont l’étymologie lui échappe et peut avoir d’autres origines. […] errata employé au singulier est devenu un mot français puisqu’on dit un errata ; et au pluriel il est resté un mot étranger et latin, puisqu’il ne prend pas d’s et qu’on écrit des errata et non des erratas.

52. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Le livre latin est admirable de correction classique et d’énergie personnelle : c’est le chef-d’œuvre d’un grand humaniste, et l’on sait que Calvin n’était pas même dénué d’érudition hébraïque. […] Personne, ni même Calvin, n’aurait pu en 1540 écrire de ce style en français, sans s’assurer le secours du latin. […] La chose se voit moins dans l’Institution, où le style a retenu de la hauteur et de la noblesse de la phrase latine. […] Il débuta par un commentaire latin du de Clementia de Sénèque. […] latine, t. 

53. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

On verra ensuite ce drame trop chargé se scinder en petits drames distincts : chaque prophète deviendra centre et héros d’une pièce particulière ; on a conservé deux drames latins de Daniel. […] Enfin la langue vulgaire fait son apparition : et dès ce moment nous n’avons plus à nous occuper des drames latins liturgiques, qui subsisteront à travers le moyen âge, et dont les traces seront signalées jusqu’à nos jours. […] La langue d’oïl apparaît dans deux des trois pièces latines qu’a écrites un disciple d’Abailart nommé Hilaire : dans une Résurrection de Lazare et dans un Jeu sur l’image de saint Nicolas. […] Le latin s’y maintient, extérieur au dialogue dramatique, l’encadrant, le sanctifiant pour ainsi dire : des leçons, des versets, où le texte de l’Écriture est exactement donné, rendent en quelque sorte au poème sa destination première. […] Tropes : ms. de l’abbaye Saint-Martial de Limoges, Bibl. luit., fonds latin, n° 1118.

54. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Leurs écrits en latin et en grec ont un caractère tout à fait distinct de celui des littérateurs du temps d’Auguste ; ils ont plus de force et plus de concision que les philosophes républicains eux-mêmes. […] Les écrivains de la troisième époque de la littérature latine n’avaient pas encore atteint à la connaissance parfaite, à l’observation philosophique des caractères, telle qu’on la voit dans Montaigne et La Bruyère ; mais ils en savaient déjà plus eux-mêmes : l’oppression avait renfermé leur génie dans leur propre sein. […] Le style des auteurs latins, dans la troisième époque de leur littérature, a moins d’élégance et de pureté : la délicatesse du goût ne pouvait se conserver sous des maîtres si grossiers et si féroces. […] Tacite, sous tous les rapports, l’emporte de beaucoup sur les meilleurs historiens latins. […] C’est ce genre de progression qui se fait sentir dans les écrivains de la dernière époque de la littérature latine, malgré les causes locales qui luttaient alors contre la marche naturelle de l’esprit humain.

55. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Mais alors les voies littéraires n’étaient pas préparées au génie ; les langues, celles du nord en particulier, n’étaient pas faites, ou n’étaient pas polies : il n’y avait qu’une seule langue commune à tout le monde savant, et vraiment digne de lui ; l’enfant qu’on destinait aux lettres l’apprenait en naissant, et le latin pour lui était presque la langue de sa nourrice. […] Jean Second était né poète ; il fit des vers dès l’enfance, et les fit en latin. […] Pourtant, nous l’avons dit, ce latin du xvie  siècle est aussi du latin original ; et, quoi de plus naturel à Jean Second que de chanter sa maîtresse dans cette langue de Lesbie, qui avait été, après tout, la langue d’Héloïse ? […] Tissot, déjà honoré à sa première publication du suffrage de Chénier, nous paraît un service de plus rendu par le respectable écrivain à la poésie et aux lettres latines, dont il fait passer dans notre langue une des plus agréables productions.

56. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

On fut si content de sa harangue en beau latin fleuri, plus que cicéronien et panaché de vers latins en guise de péroraison, qu’on l’admit tout d’une voix à compter lui-même parmi les candidats à la licence, de laquelle il s’était trouvé exclu par son voyage d’Italie. […] Le style latin de Naudé laissa toujours à désirer pour la vraie élégance. […] Chez Naudé, les femmes n’entrent pas ; latin à part, il y a des grossièretés. […] On imprima de lui un volume de lettres latines criblé de fautes. […] Il étoit de taille élevée, de corps allègre et dispos. » (Voir l’Éloge latin de Naudé, par Pierre Hallé.)

57. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Ses attaches au moyen âge, à l’Italie, aux Latins. […] On continua d’étudier exclusivement le latin. […] Peu après 1500, Henri Estienne commence à imprimer des livres latins. […] Budé traduit en latin un traité de Plutarque. […] Cependant, dès 1519, Homère a paru en français, il est vrai d’après le latin, dans la version parfois heureuse de Jehan Sanxon ; Le Fèvre d’Étaples, qui a édité et commenté les Épîtres de saint Paul en 1512, traduit en 1524 les Évangiles, en 1530 la Bible.

58. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

et aussi, cette revue faite, n’y a-t-il pas une conclusion générale à tirer sur le caractère presque exclusivement latin de notre littérature ? […] Ce n’est pas des Portes, déjà tout Italien et déchu des grandes sources ; ce n’est pas le doux et languissant Bertaut ; ce n’est pas le vigoureux Regnier, purement participant des satiriques italiens et latins. […] Pour moi, je ne l’estime grand que dans le sens de ce vieux proverbe : Magnus liber, magnum malum, et me suis déclaré là-dessus dans une de mes lettres latines que vous avez laissée passer sans y former d’opposition. […] [NdA] Dans sa thèse latine : De Ulyssis Ithaca, 1854. […] [NdA] Chapelain ne met pas épithète au féminin ; il se souvient du latin et du grec, où le mot est neutre.

59. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Fulvius-Ursinus auroit pris une peine fort inutile, s’il n’avoit recüeilli tous les endroits que le poëte latin a imitez du poëte grec que pour diminuer la réputation du poëte latin. […] Elles lui appartiennent en latin, à cause du tour élegant et de la précision avec laquelle il les a renduës en sa langue, et à cause de l’art avec lequel il enchasse ces differens morceaux dans le bâtiment régulier dont il est l’architecte. […] Les lecteurs retrouvent avec plaisir, sous une nouvelle forme, la pensée qui leur plût autrefois en latin. […] Je renvoïe ceux qui voudroient avoir des éclaircissemens sur cette matiere à l’écrit latin de Rubens, touchant l’imitation des statuës antiques. […] S’avisa-t-on jamais de reprocher à celui qui écrit bien en latin les barbarismes et les solécismes, dont ses premiers thêmes ont été remplis certainement.

60. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

D’abord le fait que les peuples germaniques adoptèrent le christianisme dès qu’ils eurent des contacts un peu suivis avec les peuples grecs et latins. […] Pendant plusieurs générations, les chefs ne se marient qu’avec des femmes germaines ; mais leurs concubines sont latines, les nourrices des enfants sont latines ; toute la tribu épouse des femmes latines ; ce qui fit que la lingua francica, la lingua gothica n’eurent depuis l’établissement des Francs et des Goths en terres romaines, que de très courtes destinées. Il n’en fut pas ainsi en Angleterre ; car l’invasion anglo-saxonne avait sans doute des femmes avec elle ; la population bretonne s’enfuit et d’ailleurs, le latin n’était plus, ou même, ne fut jamais dominant dans la Bretagne.

61. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Il étoit juste que la langue Latine eût la préférence, puisqu’elle étoit la langue de la nation. […] L’Eglise qui avoit adopté les langues Grecque & Latine, les parla toujours ; & sans elle, l’ignorance eût prévalu. […] On avoit entièrement oublié l’usage de la langue Latine, & l’on ne parloit, on n’écrivoit plus qu’en langue Romance, ou rustique ; c’est-à-dire, dans un idiome barbare, mêlé d’un Latin corrompu. […] On citoit à tout propos les Auteurs Grecs ou Latins. […] Et le soir nous lisions en Grec ou en Latin ».

62. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre V »

Les mots latins francisés par le peuple n’ont souvent gardé aucun signe de leur naissance ; on n’aperçoit pas, au premier coup d’œil, libella dans niveau, catellus dans cadeau, muscionem dans moineau 51, patella dans poële, aboculus dans aveugle. […] Je ne crois pas qu’il soit possible ni utile de modifier la forme des mots latins anciennement francisés par les érudits, ni, sous prétexte d’alignement, de biffer certaines lettres doubles, de remplacer les g doux et les ge par les j, ni enfin de faire subir à l’orthographe aucune des modifications radicales et maladroites préconisées par les « fonétistes » . […] Le bref alphabet latin, par ses combinaisons infinies, est apte à rendre toutes les nuances de la voix et toutes les demi-nuances d’une prononciation infiniment variable : on ne fait pas entendre les deux tt dans littéral, littérature, mais on en fait peut-être entendre un peu plus d’un seul, un et une fraction impondérable. […] Le mot n’a, contrairement à l’opinion populaire, aucun rapport avec moine (du latin monachus).

63. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

La première contestation sur le stile François consiste à sçavoir si, pour bien écrire en notre langue, il faut s’être exercé longtemps à écrire en Latin, ou du moins s’il est nécessaire de l’avoir appris. […] Le sentiment de ce jésuite célèbre est d’un grand poids, puisqu’il réunissoit le double avantage de bien écrire en Latin & en François. […] Parmi ceux qui, dans leur jeunesse, avoient étudié le Latin, combien l’ont toujours mal sçu, ou l’ont négligé depuis, & même oublié ? […] On entend mettre en question par des personnes d’esprit, si, au lieu de condamner pendant si longtemps un jeune homme à apprendre le Latin, il ne seroit pas plus convenable de le lui défendre absolument. […] Je n’ai garde cependant de préconiser le Latin, au point de croire ridiculement qu’il faille donner à cette langue les plus belles années de sa vie, y être consommé pour se mettre en état d’écrire en François.

64. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

La demande de Balzac à M. de Girac était en latin, et la réponse se fit de même. […] Ici le pédantisme s’étalait trop à nu ; ce n’étaient que phrases latines, italiennes, commentaires sur des points particuliers, tout l’arrière-fond et les arrière-coins de l’érudition. […] Il le reprenait ensuite lorsqu’il faisait le savant et qu’il citait, en écrivant particulièrement à Costar, force passages d’auteurs latins. […] La querelle avait passé à la place Maubert en même temps qu’au Quartier latin. […] [NdA] Contribuer avait alors le sens actif et latin.

65. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Dans quelle mesure ces idées et l’idée qui les comprend toutes ont-elles été connues de l’esprit français, c’est ce que nous indiquent les écrits en langue latine qui ont paru dans cette période. […] C’est donc dans les écrits philosophiques et dans les écrits de religion qu’il faut chercher jusqu’à quel point les écrivains en langue latine ont eu des idées générales. […] Au xiie  siècle, saint Bernard et Abélard écrivent en latin en hommes qui lisaient et pratiquaient Cicéron, mais ce savoir n’était ni très profond, ni réglé par le goût. […] Elle, résiste à exprimer cette glose, quoique le latin en soit quelquefois bon et le ton animé. Et même, à certains endroits où saint Bernard subtilise, le traducteur se contente, faute de comprendre le sens, de transporter les mots latins tout entiers dans la traduction après en avoir légèrement francisé l’orthographe.

66. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

Une tradition routinière a trop longtemps masqué les dieux helléniques sous les substituts des divinités latines qui ne leur sont que collatérales, ou qui ne les représentent que dans leur extrême décadence. […] Il est temps de séparer, par le changement radical des noms, la mythologie plagiaire des peuples latins de la mythologie créatrice et originale des races helléniques. […] C’est toujours sous leurs noms latins que la parodie a travesti et bafoué les dieux ; c’est sous ces mêmes noms que le bel esprit des deux derniers siècles les a usés dans les fadeurs de l’allégorie et du madrigal. […] Pour ne point dérouter le lecteur et éviter toute difficulté, j’ai pris soin d’ailleurs, à chaque première fois qu’un dieu paraît dans ce livre, d’accoler son nom latin à son vrai nom grec.

67. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

On étudiait le latin : mais dans Cicéron et dans Tacite, dans Virgile et Lucrèce, on ne cherchait qu’une rhétorique, ou une philosophie. […] Le moyen âge ne l’a jamais préoccupé ; il a été indifférent même au xvie siècle : le maître où il allait étudier, c’était Malherbe ; ses modèles, c’étaient les Latins et les Grecs. […] A Londres, il se procura les poètes latins de la Renaissance italienne, Sannazar et autres : ces reproductions artistiques de la forme antique le ravirent. […] A son origine, sans doute, il doit ce caractère unique chez nous d’être plus Hellène que Latin : réfractaire même au génie proprement romain, et dans la poésie romaine incapable de saisir autre chose que les reflets de son aimable Grèce, la vraie patrie de son esprit : ses auteurs préférés, avec les purs Grecs, sont les poètes de l’alexandrinisme latin. […] On peut reconnaître à chaque moment dans son style, dans le choix d’une épithète, dans certaines métaphores et figures, un emploi systématique des procédés d’élocution qui sont familiers aux poètes grecs et latins.

68. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 464

Son zele ne contribua pas peu à en faire naître le goût parmi ses Contemporains, qui venoient de toute part l’entendre expliquer les Auteurs Grecs & Latins. […] Ses Vers Latins sont moins mauvais, & on ne fait cas que de ses Epigrammes. On lit cependant encore avec une sorte de plaisir ses Harangues Latines, dans lesquelles on remarque un style épigrammatique, qu’on lui pardonne en faveur de la finesse des pensées & de la pureté de sa diction.

69. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Ce n’est qu’à l’âge de cinquante-neuf ans, qu’à l’occasion d’un discours latin prononcé par lui dans une solennité universitaire, et où il insistait sur la nécessité de joindre à l’étude des lettres le soin des mœurs et l’esprit de la religion, ses collègues le pressèrent de développer ce qu’il n’avait pu qu’esquisser trop brièvement. […] C’était un jeune et brillant recteur, haranguant en latin dans toutes les occasions avec fleur et élégance. […] Dans une dédicace latine, Rollin l’adressait à l’université de Paris, sa mère, en vue et à la sollicitation de laquelle il l’avait entrepris. […] Tant que Rollin n’écrivait qu’en latin, il imitait, il copiait les anciens, en répétait les centons, et presque dans les mêmes formes ; rien ne ressortait aux yeux. […] Dans une préface latine où, selon l’usage des modernes qui écrivent en latin, il cherchait un peu trop l’expression élégante, Rollin, opposant la manière de Cicéron à celle d’Aristote, avait parlé des fleurs de l’élégance cicéronienne (Tullianae elegantiae flosculis).

70. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

C’est justement ce qui était arrivé pour le latin. […] Et n’est-ce pas inconcevable de voir encore aujourd’hui qu’on exige un examen de latin pour entrer aux écoles Polytechnique et militaires ? Du latin au xixe  siècle, pour apprendre à construire des navires de guerre ou des places fortes ! du latin pour apprendre à lancer des boulets, ou pour appliquer dans les arts les sciences chimiques et mécaniques ! […] [NdA] Je voulais parler de la chaire de Poésie latine au Collège de France à laquelle je venais d’être nommé, sur la présentation presque unanime du Collège même et de l’Académie des inscriptions.

71. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Excellent critique, incomparable pour le grec, et ne le cédant à aucun pour le latin, ses remarques sur les anciens auteurs sont des trésors. […] Casaubon pensait en latin, et c’est aussi en latin qu’il écrit. […] Mais son latin a cela de particulier qu’il est farci de grec, dont l’auteur était tout rempli également ; et il y a même çà et là des pointes d’hébreu : de sorte qu’une seule et même phrase, commencée dans une langue, continuée dans une autre, peut s’achever dans une troisième. […] Le latin de Casaubon est en général aisé, naturel, et le grec de son journal se compose en grande partie de locutions proverbiales, de centons de morale, ou de phrases du Nouveau Testament. […] Je le sais bien, et c’est précisément ce qui me touche en Casaubon : il est resté le plus naturel des hommes sous son latin bariolé de grec et d’hébreu.

72. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Je le dirai ici en passant, ce n’est point parce que les auteurs latins du second siecle et ceux des siecles suivans, se sont servis de mots nouveaux, ou qu’ils n’ont pas construit leurs phrases suivant les regles de leur grammaire, que leur stile nous paroît tellement inferieur à celui de Tite-Live et de ses contemporains. […] Virgile, Horace, Ciceron et Tite-Live ont été lûs avec admiration tant que la langue latine a été une langue vivante, et les écrivains qui ont composé cinq cens ans après ces auteurs, et dans les tems où le stile latin étoit déja corrompu, en font encore plus d’éloge qu’on n’en avoit fait du temps d’Auguste. […] Les jeunes gens à qui l’on a donné de l’éducation connoissent autant Despreaux qu’Horace, et ils ont retenu autant de vers du poete françois que du poete latin, à La Haye, à Stockholm, à Coppenhague, en Pologne, en Allemagne et même en Angleterre. […] Les étrangers nous diront eux-mêmes que ce sont nos poëmes et nos livres, qui plus qu’aucun autre évenement ont contribué à donner à la langue dans laquelle ils sont écrits un si grand cours, qu’elle a presque ôté à la langue latine l’avantage d’être cette langue que les nations apprennent par une convention tacite pour se pouvoir entendre. […] On peut même penser que les écrits des grands hommes de notre nation, promettent à notre langue la destinée de la langue grecque litterale et de la langue latine, c’est-à-dire, de devenir une langue sçavante, si jamais elle devient une langue morte.

73. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

« Les alexandrins tiennent la place en notre langue, telle que les vers héroïques entre les Grecs et les Latins. » Voilà la vraie trouvaille de Ronsard en fait de rythme, et le grand service rendu par la Pléiade à la poésie : sous l’influence de l’hexamètre latin, l’alexandrin, création du moyen âge, et dont Rutebeuf avait montré la force et la souplesse, l’alexandrin, délaissé au xive et au xve siècle, ignoré ou à peu près de Marot, est retrouvé, relevé, remis à sa vraie place, qui est la première : ce n’est pas tant le vers noble de notre poésie, que le vers ample ; et c’est par là qu’il vaut. […] Car la langue littéraire de Rome est une création artificielle, et peut-être aurait-il été mieux ici d’essayer de ne point répéter les procédés un peu factices des écrivains latins. […] Je trouve, tout compte fait, six procédés indiqués par Du Bellay et par Ronsard pour l’enrichissement de la langue : 1° On peut emprunter aux Latins ou aux Grecs leurs termes. Mais Ronsard s’élève contre les Français qui « écorchent le latin » : il serait le premier à se rire de l’écolier limousin. […] Mais, dans sa fuite de la platitude, Ronsard force la construction française : il dira « l’enflure des ballons », à la mode des vers latins, pour les ballons enflés.

74. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

On l’a dit avec raison, une épopée française ne peut sortir que de chants en langue française, ou en langue latine, puisque le français est du latin qui a évolué. Dès que les Francs se furent mêlés aux Gallo-Romains, eurent pris la langue latine, dès le milieu du vie  siècle, il y eut assurément des chants épiques en latin, « en langue romaine rustique », comme il en continua d’éclore en tudesque pour les Francs non romanisés de l’Austrasie. […] Les clercs qui écrivent en latin nomment du nom de cantilène indifféremment les chants prétendus lyrico-épiques que nous n’avons pas et les chansons de geste qui nous sont parvenues : cantilène est le mot, légèrement méprisant, dont ils désignent toute poésie qui n’est pas savante et latine. […] Il est à peu près certain que ceux qui la rattachent à la poésie latine rythmique ont raison. […] Il arriva sans doute ici la même chose que pour la langue : le vers français, c’est le vers latin transformé, mais transformé par des Celtes.

75. (1890) L’avenir de la science « XI »

Il faudrait se borner à l’antiquité grecque et latine, et même, dans ces limites, l’étude des chefs-d’œuvre seule aurait du prix. […] Les littératures grecque et latine sont classiques par rapport à nous, non pas parce qu’elles sont les plus excellentes des littératures, mais parce qu’elles nous sont imposées par l’histoire. […] Enfin c’est de l’analyse du grec et du latin, soumis au travail de décomposition des siècles barbares, que sortent le grec moderne et les langues néo-latines. […] Notre civilisation, nos institutions, nos langues sont construites avec des éléments grecs et latins. Donc, le grec et le latin, qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, nous sont imposés par les faits.

76. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

D’un autre côté, si le Moyen Âge avait assez bien connu la littérature latine, il avait presque totalement ignoré la grecque. […] Si le mouvement n’a pas éclaté plus tôt, l’une des raisons en est probablement que le latin n’y pouvait suffire. […] Un érudit considérable, Jules-César Scaliger, fait un pas de plus dans sa Poétique, où il proclame ouvertement la supériorité des Latins sur les Grecs. […] I], n’ont connu que les Grecs et les barbares, tandis que les Latins ont vraiment connu l’homme ? […] C’est qu’aussi bien, si le grec a de rares qualités, le latin en a d’autres, et de plus convenables peut-être à la nature du génie français.

77. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

Il suffit de savoir lire le latin, pour être frappé de l’harmonie lugubre de ces vers. […] Les Latins, ainsi que les Grecs, employaient la répétition des sons dans les peintures pastorales, et dans les harmonies tristes. […] Voilà précisément la même sorte de beautés que dans le poète latin. […] Pourquoi ne se fâchait-il pas aussi contre ces vaisseaux, ships, man of war, qui sont (ainsi qu’en latin et en vieux français) si bizarrement du genre féminin ?

78. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 409-411

Mais le chef-d'œuvre de son génie vraiment singulier pour la Poésie Latine, est le Predium rusticum, traduit dans toutes les Langues, & qui fait surtout les délices des Allemands & des Anglois. […] Rapin, Huet, Santeuil, ont même aussi bien écrit en François qu'en Latin, preuve que l'étude d'une Langue ne nuit point à la perfection de l'autre. […] A la bonne heure, qu'on n'écrive point en latin, quand on ne pourra tout au plus atteindre qu'au style des Philosophes, qui, dans les trois âges de la Littérature, a été la premiere époque de la dépravation des Lettres, ainsi qu'il commence à l'être dans celle-ci ; mais quand on pourra approcher des Auteurs faits pour être les modeles de tous les temps, ce sera un nouveau genre de gloire qu'on répandra sur sa Patrie.

79. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Elles faisaient le plus souvent Ouvrage du féminin (comme dans le latin Opéra) : « Voilà une belle ouvrage. […] Ainsi, pour le mot Fronde, Vaugelas se croyait encore obligé, en 1647, de bien fixer la manière de dire ; car beaucoup disaient Fonde, conformément à l’étymologie et à cause du latin Funda. […] Transfuge, comme en latin Transfuga, est quiconque quitte son parti pour suivre celui des ennemis. » Pour que ce mot s’établît de plain-pied et d’un si prompt accord, il fallait peut-être que l’idée de patrie elle-même fût bien établie, et encore mieux qu’elle ne l’était il y avait environ un siècle, du temps du connétable de Bourbon. […] Une autre règle pratique qu’il suivait dans ses doutes sur la langue et qu’il pose en principe général, c’est qu’en pareil cas « il vaut mieux d’ordinaire consulter les femmes et ceux qui n’ont point étudié que ceux qui sont bien savants en la langue grecque et en la latine. » Ces derniers, en effet, quand on les interroge sur un cas douteux qui ne peut être éclairci que par l’usage, compliquent à l’instant leur réponse, et en troublent, pour ainsi dire, la sincérité par le flot même de leurs doctes souvenirs, oubliant trop « qu’il n’y a point de conséquence à tirer d’une langue à l’autre. » Ainsi Erreur est masculin en latin, et féminin en français ; Fleur, de même ; c’est l’inverse pour Arbre. […] Tout cela est bien et irréprochable pour le fond : mais lui-même, on ne saurait en disconvenir, il a une manière de dire bien peu propre à persuader ; il abonde en termes et locutions déjà hors d’usage et dont le français ne veut plus ; il dit translations pour métaphores, allégations grecques et latines pour citations ; il dira encore en style tout latin : « La lecture est l’aliment de l’Oraison », Quoiqu’il contînt, on le voit, de bonnes idées, bien du sens et de la doctrine, ce traité de l’Éloquence de La Mothe-Le-Vayer péchait donc de bien des manières, et surtout en ce qu’il naissait arriéré, sans à-propos, sans rien de vif ni qui pût saisir les esprits.

80. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Écrivant à Rabelais lui-même, Budé le loue de son habileté dans les langues grecque et latine, et lui demande pardon d’imiter le ton enjoué dans lequel Rabelais lui a écrit. […] En même temps, mêlant le plaisant au sévère jusque dans la science, il faisait des recherches sur la fameuse saumure du garum, si vantée par Horace et Martial, et il en donnait la recette dans une épigramme latine. […] Dolet en fit le sujet d’une petite pièce de vers latins, dans laquelle un pendu se félicite d’être disséqué par le célèbre médecin Rabelais. […] Ensuite, la variété du génie grec, son enjouement dans les matières sérieuses, sa hardiesse spéculative, sa netteté et sa précision dans les sciences, s’ajustaient mieux à l’esprit de Rabelais que la sévérité du latin, outre que le latin était la langue de la discipline et des interdictions. […] Lettre latine.

81. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

—  Adhelm. —  Alcuin. —  Vers latins. —  Dialogues poétiques. —  Mauvais goût des latinistes. […] Quand Alfred69 le libérateur devint roi, « il y avait très-peu d’ecclésiastiques, dit-il, de ce côté de l’Humber, qui pussent comprendre en anglais leurs prières latines, ou traduire aucune chose écrite du latin en anglais. […] Opposition des races germaniques et des races latines. —  Caractère de la race saxonne. —  Elle persiste sous la conquête normande. […] Il vaut mieux suivre la traduction du roi Alfred que le latin de Bède. […] Voici le latin de Boëce, si étudié, si joli, et qu’on ne saurait rendre en français.

82. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

L’empire romain, avec lequel la conquête arabe a tant de rapports, a fait de la langue latine l’organe de l’esprit humain dans tout l’Occident, jusqu’au XVIe siècle. Albert le Grand, Roger Bacon, Spinoza ont écrit en latin. Ce ne sont pas néanmoins pour nous des Latins. […] Tout ce qui s’est écrit en latin n’est pas la gloire de Rome ; tout ce qui s’est écrit en grec n’est pas œuvre hellénique ; tout ce qui s’est écrit en arabe n’est pas un produit arabe ; tout ce qui s’est fait en pays chrétien n’est pas l’effet du christianisme ; tout ce qui s’est fait en pays musulman n’est pas un fruit de l’islam.

83. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Cependant peu à peu la curiosité de ces enfants s’éveilla : des rois, des princesses, des seigneurs, ayant reçu une instruction supérieure pour le temps, aperçurent l’intérêt de ces études cléricales : des clercs ne désespérèrent pas d’être utiles à leur prochain, ou à eux-mêmes, en communiquant quelque chose de la science que jusque-là la langue latine avait dérobée à la connaissance du vulgaire. […] Les clercs, en effet, aussitôt que la conception de l’amour courtois avait été apportés dans la France du Nord, s’étaient piqués de s’y connaître, et bien mieux que les barons et les poètes : c’est ce qu’attestent une foule de pièces latines et françaises, véritables débats où la préférence est donnée à l’amour des clercs sur l’amour des chevaliers. […] Le goût des abstractions et des formules didactiques ne laissait d’issue à l’imagination que du côté de l’allégorie : et ce fut là en effet qu’aboutirent tous les clercs qui, en latin ou en français, cherchèrent dans l’amour une matière de poésie. […] Guillaume de Lorris est un lettré, et à certains traits de son œuvre on reconnaît comme une première impression de l’éloquence latine sur la façon encore informe de notre langue. […] Sa science, c’est toute la science cléricale du xiiie  siècle, l’antiquité latine, à peu près telle94 (sauf quelques auteurs et surtout Tacite) que nous la connaissons aujourd’hui, et puis tous les travaux de la pensée moderne, en physique, en philosophie, en théologie.

84. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

L’impossibilité de sçavoir comment il faut prononcer la pluspart des mots latins, & les idées, à cet égard, des modernes latinistes mirent autrefois en combustion l’université de Paris & le collège Royal. […] Quelques professeurs du collège Royal, nouvellement établis, jaloux de se faire un nom dans le monde latin, étoient d’avis contraire. […] Ils prononcèrent le Latin comme ils crurent devoir le faire, & engagèrent à un coup d’éclat un jeune bachelier, plus ardent encore qu’eux pour la nouvelle prononciation. […] Il rétablit l’abbé dans tous ses droits, & laissa chacun libre de prononcer le Latin comme on voudroit. […] Il est ridicule que des gens instruits d’ailleurs se fassent un crime de la moindre faute contre la prosodie Grecque & Latine, & qu’ils négligent la prosodie Françoise.

85. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Lorsque Charlemagne, dans son immense pensée, imposait à l’Europe l’ordre social qui vient de finir, il donnait pour base à l’instruction publique l’enseignement du grec et du latin. […] La langue latine n’a plus rien à nous apprendre : tous les sentiments moraux qu’elle devait nous transmettre sont acclimatés dans notre langue ; elle n’a plus de pensée nouvelle à nous révéler. […] Ainsi les auteurs latins ne doivent plus être qu’une belle et agréable lecture, un noble délassement, et non point l’objet de longues et pénibles études. Bannissons donc dès à présent le latin de la première éducation : les trésors de cette langue seront bien vite ouverts au jeune homme, à l’instant où il quittera les bancs de l’école. […] Je le répète, le latin est épuisé, le grec le sera tout à l’heure.

86. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Varron, à l’appui de ce témoignage, ajoutait que, chez les Romains du temps des rois, cette déesse n’était connue, ni sous le nom grec, ni sous l’appellation latine qu’elle reçut plus tard. […] Ce seul exemple suffit à montrer combien, dans les premières imitations latines, la tragédie grecque devait perdre de sa magnificence et de son harmonie. […] Nous ne pouvons douter de ce progrès rapide, pour la comédie latine du moins. […] Seulement, le retour en était plus fréquent sur le théâtre antique ; et cette forme, que goûtaient les spectateurs, dut rendre enfin à la tragédie latine, dans les sujets imités de l’art grec, quelques accents d’inspiration lyrique. […] Ne soyons donc pas étonnés que, sauf les éloges donnés à la Médée d’Ovide et au Thyeste de Varius, il n’y ait aucun souvenir de la tragédie latine sous les premiers Césars.

87. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

C’était, avec infiniment plus d’art, le digne pendant de la Jument morte qui valut une heure de célébrité au poète Poussin et dont toutes les brasseries du Quartier Latin retentirent durant quelques saisons. […] Il y avait la poétesse Marie Krysinska, pâle et myope, et sa fidèle Denise Ahmers, pensive et recueillie puis, mêlé à quelques apprentis de lettres, le chœur des inspiratrices discrètes, essuyant, patiemment, ce flux intarissable d’éloquence, à quoi elles tâchaient de s’intéresser, par bienséance, comme les dévotes écoutent, aux offices, le latin qu’elles n’entendent point. […] On juge de quel air ahuri les tenants de ce système entendaient Moréas se réclamer de Maurice Scève, Lemaire des Belges et Tailhade réciter, tout d’une haleine, des fragments latins de Claudien et des paragraphes entiers de Rabelais. […] Lutèce, qui n’était jusque-là qu’une banale gazette du Quartier Latin, devient ainsi l’organe officiel du Symbolisme naissant.

88. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 100-103

C’est dommage qu’à force d’avoir abrégé l’Auteur Latin, sous prétexte de faire disparoître les défauts qui le déparent, & de rapprocher les beautés qui le font admirer, M. le Chevalier de Laurés soit quelquefois tombé dans une sécheresse non moins condamnable que l’enflure & le faux sublime de l’Original. […] M. le Chevalier de Laurés s’y montre souvent égal & quelquefois même supérieur au Poëte Latin, comme dans le discours que Pompée adresse aux compagnons de sa fuite, après sa défaite. […] On s’est persuadé qu’il n’y avoit d’autre parti à prendre, à l’égard des Auteurs Grecs & Latins, que de traduire, & l’on n’a pas fait attention que la diversité du génie des Peuples, celle des Langues, étoient des obstacles insurmontables pour une bonne Traduction.

89. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Fléchier aimait à faire des vers latins : il songea à s’en servir pour sa réputation et pour sa fortune littéraire ; cette ancienne littérature scolastique, qui a encore eu, depuis, quelques rares retours, n’avait pas cessé de fleurir à cette date, avant que les illustres poètes français du règne de Louis XIV eussent décidé l’entière victoire des genres modernes, Fléchier avait adressé au cardinal Mazarin une pièce de félicitation en vers latins (Carmen eucharisticum) sur la paix des Pyrénées (1660) ; il en fit une autre l’année suivante, sur la naissance du Dauphin (Genethliacon). […] Tout y est du sujet, et le sujet sublime de soi n’y est du tout point ravalé par les expressions fort latines, et par les nombres fort soutenus et fort arrondis. […] Nous y voyons Fléchier au début et appliquant à la poésie latine quelques-uns des mérites de diction qu’il transportera ensuite dans la prose française. […] C’est ainsi que dans sa pièce latine la plus considérable, qu’il a consacrée à célébrer le Carrousel royal de 1662, et à décrire les divers groupes de cavaliers qui y figuraient, il n’a eu garde d’oublier ce qui fait le principal attrait des tournois, les dames qui regardent et qui s’y enflamment, et Cupidon dans les airs qui se réjouit. […] Colbert, Chapelain après avoir parlé de Huet, qui, disait-il, « écrit galamment bien en prose latine et en vers latin », et du gentilhomme provençal Du Périer, aujourd’hui très oublié, continue sa liste en disant : « Fléchier est encore un très bon poète latin. » Vers cette année 1662, faisant un voyage en Normandie, et sans doute pour y voir M de Montausier nommé gouverneur de cette province, Fléchier arrivait à l’improviste chez Huet avec qui il était très lié, se glissait à pas de loup jusqu’à lui dans sa bibliothèque et le serrait tout surpris entre ses bras : « Je ne fus pas médiocrement réjoui, nous dit Huet en ses Mémoires, de la visite d’un si agréable ami. » On voit d’ici cette jolie scène familière des deux futurs prélats, dont l’un petit abbé alors, et l’autre un simple gentilhomme normand.

90. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Aristote et Horace d’abord, et Quintilien et Longin, tous ceux qui, en grec ou en latin, avaient donné les règles de la poésie ou de l’art d’écrire : Boileau les avait lus, médités, s’en était nourri ; Quintilien et Longin l’avaient aidé à se former un idéal de style et d’élocution. […] Ailleurs il se moquait de l’Université et affectait de ne voir en ses adversaires que des hommes de collège, « payés et gagés » pour s’enthousiasmer aux heures des leçons sur n’importe quels vers grecs ou latins. Et comme ces régents en robes noires et à bonnets carrés avaient du moins sur lui l’avantage de savoir le grec et le latin, il s’évertuait à démontrer que pour bien juger d’un écrivain, il faut le prendre dans une traduction. […] Mais « pour la tragédie, nous sommes bien supérieurs aux Latins » ; et aussi pour le vaudeville. Il y a même des genres de poésie que les Latins n’ont pas connus, comme « ces poèmes en prose que nous appelons romans ».

91. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Lui, si instruit aux lettres grecques et latines, il n’est certes pas d’avis d’exterminer de nous ni le grec ni le latin, mais il veut qu’on s’aide de l’un et de l’autre, selon les occasions, sans s’y réduire et s’y confiner ; qu’on s’en serve seulement pour enrichir notre langue vulgaire, qui est déjà d’elle-même si en fonds. […] Et en cette mutation, vouloir exposer en latin ce qui ne fut jamais latin, c’est, en voulant faire le docte, n’être pas beaucoup avisé. Aussi, pour son compte, il pourra payer son tribut de politesse et de courtoisie à la mode du temps par quelques épigrammes latines ; mais la plupart de ses poésies légères, aussi bien que ses ouvrages sérieux, il les composera en français ; il évitera ce travers de latinisme prolongé où l’on voit persévérer l’illustre de Thou, et qui infirmera, bien loin de l’augmenter, le succès de sa grande Histoire. […] Si l’on voulait s’égayer, il faudrait rappeler l’histoire de cette fameuse puce que, pendant la tenue des Grands Jours de Poitiers (1579), Pasquier aperçut, un matin qu’il la visitait, sur le sein de la belle Mlle Des Roches, et qui fournit matière à tout un volume de vers plus ou moins anacréontiques, grecs, latins et français, gentillesse et récréation des graves sénateurs. […] Il s’y retrouva vif, enjoué, ressaisi de l’amour des vers, des épigrammes latines ou françaises, et s’en égayant, comme autrefois, au milieu des lectures sévères.

92. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhade, Laurent (1854-1919) »

. — Terre latine (1897). — Terre latine (1898). — À travers les groins (1899). — La Pâque socialiste, conférence (1899). — L’Ennemi du peuple, conférence (1900). […] Remy de Gourmont Ayant écrit Vitraux, poèmes qu’un mysticisme dédaigneux pimentait singulièrement, et cette Terre latine, prose d’une si émouvante beauté, pages parfaites et uniques, d’une pureté de style presque douloureuse, M. 

93. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Il avoit de l’esprit, de la vivacité, mais point de goût ; une mémoire prodigieuse, mais aucune invention ; une immense littérature Grecque & Latine mais qu’il ne tourna point au profit de notre langue. […] Il fallut que Ménage donnât le signal de la guerre, en publiant en Latin la vie de Montmaur. […] Ménage ne finissoit point toutes les fois qu’il se mettoit à citer des vers Grecs, Latins, Italiens & François. […] Ils sont adressés à un de ses amis, qui réussissoit aussi bien que lui dans la poësie Latine, & qu’il presse de lancer à son cour des traits contre Montmaur* : Tu chantas les héros ; aujourd’hui l’on t’invite A choisir pour sujet un odieux Thersite, D’un esprit aussi bas que son extérieur, Organe des forfaits, fléau de la pudeur,         Que ta muse s’apprête         A punir cette malebête.

94. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Le latin produisait sur ces natures fortes des effets étranges. […] À quoi bon si bien apprendre le latin, sinon pour l’Église ? […] Mes succès le désolaient, car il sentait bien que tout ce latin contreminait sourdement ses projets et allait faire de moi une colonne de l ‘Église qu’il n’aimait pas. Il ne manquait jamais l’occasion de placer devant moi son mot favori : « Un âne chargé de latin !  […] La première fois que mes condisciples m’entendirent argumenter en latin, ils furent surpris.

95. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Il aimait moins le latin que le grec, mais il le savait en perfection, bien qu’il l’écrivît d’une manière trop raffinée et tout artificielle. […] ce n’est pas là donner un baiser, ma chère, c’est donner seulement le regret mortel d’un baiser. » Ces fins érudits sont volontiers égrillards en paroles quand ils citent grec et latin : il faut bien qu’ils se payent de leur peine et de leur ennui. […] Rien non plus ne saurait me faire trouver d’un goût excellent et simple tous les travestissements que prennent dans les notes latines de M.  […] Le grammairien délicat distingue en ceci entre la langue française et la langue latine ; s’il avait su le grec, il aurait eu là une occasion d’en faire un rapprochement avec le français, et de voir entre les deux langues une conformité de plus, en sautant par-dessus le latin : « Ce n’est point, dit Vaugelas, une chose vicieuse, en notre langue qui abonde en monosyllabes, d’en mettre plusieurs de suite. Cela est bon en langue latine, qui n’en a que fort peu ; car, à cause de ce petit nombre, on remarque aussitôt ceux qui sont ainsi mis de rang, et l’oreille qui n’y est pas accoutumée ne les peut souffrir.

96. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Le candidat a eu à traiter, suivant l’usage, un double sujet en latin et en français. Pour sa thèse latine il avait choisi Lucien, qu’il a considéré à un point de vue assez particulierg, non plus comme moraliste ou satirique, mais comme critique littéraire. […] Ce livre, dans sa forme actuelle où il n’y a plus marque de doctorat que par la science, est dédié à M. de Sacy, de même que la thèse latine l’était à M.  […] Y eut-il dès autrefois, dans ce qu’on appelle du nom sommaire et trop uniforme d’Antiquité, y eut-il chez les Grecs et chez les Latins une querelle des anciens et des modernes ? […] Pour la thèse latine il avait choisi Lucien, qu’il a considéré à un point de vue assez particulier h.

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