Toujours un sentiment joue autour du paysage et ajoute à l’infini de la nature l’infini plus mystérieux de l’âme. […] Ce bonhomme Patience m’a bien l’air de jouer la Mouche du coche, et le mutisme actif de Marcasse fait dix fois plus de besogne, sans en avoir l’air, bien qu’il ait, lui aussi, une bonne part de romanesque. […] Ne serait-ce pas aller contre ce but que de proscrire cet idéal de la vie factice qui se joue devant notre imagination, comme on le proscrit avec tant de soin de la vie réelle ? […] Autour de sa bouche se joue habituellement un sourire plein de bonhomie, mais qui n’est pas très attrayant ; sa lèvre inférieure, quelque peu pendante, semble révéler une certaine fatigue. […] Le vent joue de ma vieille harpe comme il lui plaît.
Il va à Paris, s’amuse, joue, fait des dettes que sa mère a bien de la peine à payer. […] non, mais souffle du ciel, zéphyre aux grandes ondes aériennes : j’entends le fort Zéphyre des poètes anciens, chargé de germes et d’odeurs et qui, partout où il passe, promène de beaux frissons où se joue la lumière… Car, tandis qu’on accorde à Lamartine l’abondance et la grâce, on semble lui refuser la force et le pittoresque, ou plutôt on ne songe plus à se demander s’il les a. […] Des mèches de cheveux, qui ruisselaient de pleurs, Détachés de sa tête, et collant sur sa joue… Que ne suis-je plus savant ! […] Un vent frais, doux, parfumé, jouait dans les branches et disséminait le pollen. […] Les formes seulement où son dessein se joue, Éternel mouvement de la céleste roue, Changent incessamment selon la sainte loi : Mais Dieu, qui produit tout, rappelle tout à soi.
Encore sont-ils de fidèles Genevois, qui jouent leur partie à Genève et par Genève, même Scherer, qui ne fut jamais Parisien à Genève, et qui sera longtemps Genevois à Paris. […] Voyez-les, l’été de cette même année 1853, en visite chez Amiel, qui est à Lancy : « Marc Monnier et Victor Cherbuliez, avec qui nous avons discouru de l’Allemagne, de Molière, de Shakespeare, du style des écrivains français, et joué beaucoup de parties de boules. […] Joue ta partie de boules, mon ami ! […] l’acte libre c’est l’acte irrévocable, c’est le déclenchement d’un déterminisme qui donnera des effets sans arrêt, le verrou tiré ne peut plus se remettre. « Toute partie qu’on ne joue qu’une fois et qui n’a pas de seconde manche m’effraie. » Parce qu’Amiel ne veut pas jouer la partie, Philine a perdu la sienne. […] D’autres pièces étaient jouées par une fille et un garçon qui n’étaient plus jeunes.
L’écume éblouissante et voluptueuse des vagues fut, un jour, moulée selon les formes blanches d’une baigneuse qui s’y jouait. […] combien à la Gardienne, à Hertulie, au Chevalier qui dormit sous la neige, nous préférons la gente Nausicaa qui joue avec ses compagnes, l’hivernale Clarisse pressant le blanc linge mousseux, ou encore cette petite Mouquette qui présente, si ingénument, à tous passants la double aurore de ses jeunes fesses ! […] Dans son œuvre, on n’entreverra pas ces féeries allégoriques et emphatiques où se complaît l’imagination saxonne, les menus bocages, les molles collines où se joua la poésie hellène, n’espérez pas surtout y rencontrer ces mille fadeurs, et ces mysticités malsaines qui amollissent la pensée contemporaine. […] Des cygnes ne naviguent pas sur de lisses et féeriques étangs, mais dans une authentique campagne, — pailles et or — près de la grange, non loin de la mare saumâtre, jouent et grognent de roses et gras pourceaux. […] Aussi la science d’écrire se trouve-t-elle transposée ; les romanciers tiennent un pinceau, un ciseau, ou bien encore ils jouent de quelque instrument.
L’Orient a joué dans la pensée de Gobineau un peu le même rôle que l’Italie dans celle de Stendhal : c’est le pays de ses complaisances, que la réalité justifie dans une certaine mesure, mais il embellit probablement le tableau pour le plaisir de s’enchanter lui-même et d’opposer cette Salente à ses compatriotes dégénérés. […] Bref, s’il faut raconter la vie des grands écrivains, c’est à peu près pour leur faire jouer devant la jeunesse le rôle des îlotes à Lacédémone. […] Nous découvrons aujourd’hui avec une certaine surprise qu’il se jouait de notre candeur, et que loin d’avoir fort peu profité de la permission théorique donnée par Stendhal à son éditeur éventuel, il en avait singulièrement abusé. […] Ensuite, dire que si le néant existe, il n’est plus le néant, dire que l’existence du néant limiterait l’infini, chose impossible par définition, c’est tout bonnement jouer sur les mots. […] Émile Henriot a joué le rôle d’un spirituel compère de revue, et ses personnages nous donnent agréablement la comédie.
Il faut d’autres raisons, et pour ma part, j’en verrai trois, qui ne jouent pas séparément, et qui se déploient sur un front unique. […] Pour emprunter une image à André Gide, ou à son ami Édouard, le libéral va et vient dans un salon garni de tables où se jouent passionnément des parties. […] Ce sont ces lignes qui jouèrent à Sainte-Beuve un si mauvais tour. […] Racine, au contraire de Corneille ou de Hugo, n’a jamais formulé de théorie dramatique, et c’est jouer sur les mots que de nous dire comme Brunetière, qu’Andromaque c’est de la critique parce qu’elle exprime ce que Racine pensait de la tragédie de Corneille. […] S’il ne sait pas comment juger, il n’a qu’à faire comme Bridoye et jouer aux dés.
Voici par exemple « le vieux cornu, le vieux pied de bouc, qui nous a joué tant de mauvais tours, le chien sournois, surtout le jour où il s’est faufilé incognito dans le paradis » et a mis nos grands parents à mal. […] Celle qu’il joua dura moins. […] Il faisait toujours comme les autres faisaient ; jamais il ne jouait le grand homme et ne se donnait des airs en compagnie. » Devenu plus âgé et plus grave, il n’en resta pas moins aimable, le plus aimable des hôtes, si bien qu’un de ses voisins, fermier, je crois, au sortir de chez lui, disait à sa femme : « Ailie, ma fille, je vais me coucher, et je voudrais dormir douze mois pleins, car il n’y a qu’une chose dans ce monde qui vaille la peine de vivre, c’est la chasse d’Abbotsford. » Joignez à ce genre d’esprit des yeux qui voient tout, une mémoire qui retient tout, une étude perpétuelle promenée dans toute l’Écosse, parmi toutes les conditions, et vous verrez naître son vrai talent, ce talent si agréable, si abondant, si facile, composé d’observation minutieuse et de moquerie douce, et qui rappelle à la fois Téniers et Addison. […] Certainement un chat qui joue avec trois feuilles sèches peut fournir une réflexion philosophique, et figurer l’homme sage « qui joue avec les feuilles tombées de la vie » ; mais quatre-vingts vers là-dessus font bâiller, et bien pis, sourire. […] Et tel était ce large océan et cette côte plus stérile que ses vagues. » Profond sentiment germanique qui, allié à des émotions païennes, a produit sa poésie, poésie panthéiste et pourtant pensive, presque grecque et pourtant anglaise, où la fantaisie joue comme une enfant folle et songeuse avec le magnifique écheveau des formes et des couleurs.
Il n’a qu’un moyen d’y réussir : c’est d’obtenir de la matière une telle accumulation d’énergie potentielle qu’il puisse, à un moment donné, en faisant jouer un déclic, obtenir le travail dont il a besoin pour agir. […] Certes, quand on songe au rôle que joue le système nerveux (même sensori-moteur) comme régulateur de la vie organique, on peut se demander si dans cet échange de bons procédés entre lui et le reste du corps, il est véritablement un maître que le corps servirait. […] Bref, si l’instinct et l’intelligence enveloppent, l’un et l’autre, des connaissances, la connaissance est plutôt jouée et inconsciente dans le cas de l’instinct, plutôt pensée et consciente dans le cas de l’intelligence. […] Chez le chien, le souvenir restera captif de la perception ; il ne se réveillera que lorsqu’une perception analogue viendra le rappeler en reproduisant le même spectacle, et il se manifestera alors par la reconnaissance, plutôt jouée que pensée, de la perception actuelle bien plus que par une renaissance véritable du souvenir lui-même. […] Il ne se borne pas à jouer sa vie passée, il se la représente et il la rêve.
La dignité qu’on lui a attribuée, la grande estime, le personnage qu’elle joue en tout cela, la revanche en l’autre monde des dommages reçus en celui-ci (ce sont des encouragements à croire). […] Ces sens, qui ont bien servi Saint-Évremond et que d’Argenson lui enviait, jouent ici, jusque dans ces extraits de lectures, un rôle bien plus important qu’on ne le croirait.
Il lui fallut tout d’abord jouer et gagner sa couronne contre Mayenne en Normandie dans le combat d’Arques, ou, comme M. […] En une grande tempête, l’une des plus assurées confiances que l’on peut avoir, c’est quand on sait que le pilote entend bien son état… Pour te le peindre d’un seul trait de pinceau, je te dis que c’est un grand roi de guerre, et je conseille à quiconque de ses voisins, qui se voudra jouer à lui de n’oublier hardiment rien à la maison.
Elle n’avait fait jusqu’alors, par ses motions trop zélées et intempestives, qu’impatienter Louis XVIII : mais quand elle voulut lui forcer la main, non-seulement une première, mais une seconde fois, sur cet article capital, et empiéter trop à découvert, par voie d’amendement, sur l’initiative et la prérogative royale, elle le blessa : une légère rougeur lui monta à la joue en apprenant un dernier rejet opiniâtre et la substitution d’un nouveau projet à celui qu’on avait présenté derechef en son nom : « Eh bien ! […] M. de Serre, ce jour-là, semblait se jouer dans les tempêtes ; son argumentation n’en était pas un seul instant ébranlée et déconcertée ; et quand il arriva au fond même, au corps de la loi qu’il attaquait, il redoubla de vigueur et de puissance.
Le plus beau point de vue du monde lui joue le mauvais tour de le laisser froid comme glace ; il faut l’entendre : « De la fenêtre de notre auberge à Péra, je vois toute cette grande villa ; j’ai beau me battre les flancs pour m’enthousiasmer ; impossible ! […] Il fallait aussi, pour de tels succès, un empereur fait exprès et qui aimât à jouer en grand aux soldats.
Le Méandre qui circule au milieu, les jeunes filles qui jouent sur ses bords, c’est Bitia qui les a brodés. […] Que les brebis bêlent autour de moi, et qu’assis sur un rocher, tandis qu’elles broutent, le berger me joue ses plus doux airs ; qu’aux premiers jours du printemps, le villageois, ayant cueilli des fleurs de la prairie, en couronne ma tombe, et que, pressant la mamelle d’une brebis mère, il en fasse jaillir le lait sur le tertre funéraire.
. : « Ô Liberté, comme on t’a jouée ! […] Je sais qu’il y a des personnes qui trouvent cela théâtral ; mais, en vérité, il me semble que l’échafaud est bien réellement un théâtre aussi ; elle ne l’avait pas choisi, il lui échut par le sort ; elle y parut comme il sied, et y joua son personnage d’une manière à la fois aisée, courageuse et supérieure, décente et digne.
Les lettres et les pièces données par le comte Vitzthum, et qui sont d’une date antérieure au grand rôle que joua le maréchal de Saxe à la tête des armées françaises, nous le font voir comme un esprit, de vaste étendue, de haute visée, de capacité ouverte et multiple, qui ne se circonscrit nullement aux choses de la guerre, bien qu’il soit né pour y exceller. […] J’aime à croire que le comte de Saxe, au fond, rendait toute justice aux qualités françaises : l’élan, le brillant, le ressort, l’intrépidité insouciante dont la nation est capable ; il en sut, en effet, très bien user et jouer dans les combats, et nul ne mena de front plus agréablement l’Opéra et la victoire : il a été en ce sens, un des plus Français de nos généraux14 ; mais dans ses lettres, dans celles surtout qu’il écrivait à ses compatriotes, il se plaît de préférence à marquer nos faibles et nos défauts.
Il n’était pas accoutumé à être planté là de la sorte ; il se crut joué, et il n’en prit nullement son parti. […] Les alternatives de la grande guerre et le vis-à-vis de Frédéric, le roi capitaine, lui ont manqué ; une telle partie finale jouée comme il l’aurait pu faire eût agrandi et consacré sa réputation ; elle l’eût placé au premier rang.
Le duc del Parque, précédemment rallié au roi Joseph et qui avait même été capitaine de ses gardes, connaissait particulièrement le général Franceschi ; mais ce gouverneur, sur l’intérêt duquel on avait fondé des espérances, dut jouer en public la sévérité et la colère. […] Il donna pour pendant à ce bas-relief un jeune homme accroupi, caressant un enfant qui jouait sur le dos d’un chien : son imagination se reportait ainsi vers sa jeune épouse et vers les joies domestiques dont il était sevré.
Chapelier, qui, à l’exemple de Barnave, ne demandait pas mieux que d’entrer dans cette voie de transaction et qui en avait pris même l’engagement secret à la veille de l’ouverture des débats pour la révision de l’acte constitutionnel, fut le premier à y manquer quand on fut à la tribune ; il y manqua, parce qu’on n’est pas libre de rétrograder quand on marche en colonne, parce que la force des choses en ces moments domine les volontés particulières ; parce qu’il y a courant et torrent irrésistible au dedans des assemblées comme au dehors ; parce que les mêmes hommes ne peuvent pas jouer deux rôles opposés à quelques mois d’intervalle devant les mêmes hommes, devant les mêmes murailles ; parce que l’esprit même y consentant, la langue tourne et s’ refuse ; parce que les murs, à défaut des fronts, ont une pudeur ; parce qu’enfin les uns se lassant, d’autres tout frais et tout ardents succèdent, qui ne permettent pas ces petits compromis particuliers avant le complet déroulement des principes et l’entier épuisement des conséquences. […] Mais la famille royale jouait jeu double et jeu triple.
Homme de l’art avant tout, Jomini ne pouvait retenir son impression sur la partie qu’il voyait engagée sous ses yeux, qu’il aurait voulu jouer, et dont il appréciait chaque coup à sa valeur : un coup de maître le transportait ; un coup de mazette le faisait souffrir. […] Les distances, les boues, les glaces, les neiges, les hasards, jouaient le principal rôle.
Au reste, ce que les recueils qui se publient sans relâche (quatre ou cinq peut-être chaque mois) contiennent d’agréables vers, de jets brillants, de broderies heureuses, est incalculable : autant vaudrait rechercher ce qui se joue chaque soir de gracieux et de charmant sur tous les pianos de Paris. […] Voilà, ce me semble, de la belle poésie philosophique, s’il en fut136 ; mais chez Loyson cette élévation rigoureuse dure peu d’ordinaire ; la corde se détend, et l’esprit se remet à jouer.
L’amour, comme tout ce qui tient à la pensée, ne saurait être à la merci d’un jeu du dehors, d’un tort sans intention ; il ne se brise pas comme le verre dont le cadre neuf a tout d’un coup joué sous un rayon ardent, ou sous une pluie humide. […] Mais les traditions du tendre nstituteur s’étaient transmises ; elle vit jouer ses pièces sacrées, elle y eut son rôle peut-être ; elle dut néanmoins peu réussir à ces jeux, comme si elle se réservait pour les affections sérieuses.
Eynard, qui veut bien tenir compte avec indulgence de notre ancienne esquisse de Mme de Krüdner, a pris soin d’en rectifier les traits qu’il trouve inexacts, et de réfuter aussi l’esprit un peu léger où se jouait notre crayon. […] C’est l’amour-propre, toujours l’amour-propre, dont le ressort se rêvât, se retourne, et a l’air de jouer en sens inverse contre lui-même.
Une littérature religieuse ainsi se forma, en partie traduite, en partie originale, correspondant à la littérature profane, moins riche, mais aussi variée, et couvrant en quelque sorte la même étendue, de l’épopée au fabliau, et du roman à la chronique : récits bibliques ou évangéliques, vies de saints et de saintes, miracles de la Vierge, légendes et traditions de toute sorte et de toute forme, toute une littérature enfin qui, se développant comme la poésie laïque, eut ainsi son âge romanesque, où s’épanouissent à profusion les plus fantastiques miracles, où le merveilleux continu se joue des lois de la nature et parfois des lois de la morale. […] Le Nil, qui sort « de Paradis Terrestre », le miracle de ses crues périodiques, les alcarazas, où l’eau se tient si fraîche en plein soleil, les Bédouins, « laide et hideuse gent », à barbe et cheveux noirs, les Tartares, et les commencements merveilleux à leur puissance, la Norvège et la longueur des jours polaires, trois ménétriers qui jouent du cor et font la culbute, les petites choses comme les grandes, ont frappé Joinville, et viennent après cinquante ans prendre place un peu à l’aventure au milieu des « chevaleries » du roi Louis.
Un autre dirait, je suppose, en parlant du jardin où son enfance s’est écoulée : « C’est dans ce jardin que j’ai joué tout enfant. » M. […] Le papier du petit salon où joue Pierre Nozière est semé de roses en boutons, petites, modestes, toutes pareilles, toutes jolies : Un jour, dans le petit salon, laissant sa broderie, ma mère me souleva dans ses bras ; puis, me montrant une des fleurs du papier, elle me dit : — Je te donne cette rose.
Jeanne, esseulée, cherche des consolations dans l’amitié de Jacques de Lerne, un viveur mélancolique et séduisant dont on peut se demander s’il est converti à l’amour immatériel ou s’il en joue en attendant mieux ; mais, provisoirement, il n’est qu’un adorateur platonique, un frère. […] Ou plutôt non, ce n’est point la vraie raison de notre énervement, car j’admets très bien qu’il se joue entre des personnages excessivement select des drames d’une brutalité hardie.
Molière, faisant jouer une pastorale, indique ainsi l’endroit où se passe la scène : « Un lieu champêtre, mais agréable. » Ce mais en dit plus qu’il n’est gros. […] A côté des auteurs dramatiques qui font jouer devant le public le mécanisme secret des passions, il est des analystes qui préfèrent le démonter.
A ce moment, Claude apparaît dans l’angle de la chambre, le fusil à l’épaule, couchant en joue la misérable. […] C’est à l’enfant, d’abord, quelle s’adresse ; mais la petite joue son rôle connue une comédienne qui aurait dix années de planches.
Choisy n’a garde de l’oublier, car, après Dieu et à côté de Dieu, le roi a tous les honneurs : « On respecte beaucoup Sa Majesté sur la terre, mais on l’aime bien sur mer », ajoute-t-il avec une sorte de tendresse qui n’est pas jouée. […] Plus tard, et seulement après son retour, Choisy s’aperçut qu’il n’avait joué là-bas qu’un rôle de parade, et que le père Tachard, jésuite, était celui qui avait noué avec Constance la négociation secrète et réelle.
Elle eut envie de savoir jouer du luth, et elle en prit quelques leçons avec assez de succès. […] Ce qui nous frappe chez elle à première vue, c’est qu’elle prend tous les personnages de sa connaissance et de sa société, les travestit en Romains, en Grecs, en Persans, en Carthaginois, et leur fait jouer quant aux principaux événements le même rôle à peu près qui leur est assigné dans l’histoire, tout en les faisant causer et penser comme elle les voyait au Marais.
Voltaire, en ce temps-là, revenu de Prusse, et avant de se fixer près de Genève, essayait de cette vie nouvelle à Lausanne, où il passa surtout les hivers de 1756, 1757 et 1758 ; il y trouvait avec étonnement un goût pour l’esprit qu’il contribuait à développer encore, mais qu’il n’avait pas eu à créer : On croit chez les badauds de Paris, écrivait-il, que toute la Suisse est un pays sauvage ; on serait bien étonné si l’on voyait jouer Zaïre à Lausanne mieux qu’on ne la joue à Paris : on serait plus surpris encore de voir deux cents spectateurs aussi bons juges qu’il y en ait en Europe… J’ai fait couler des larmes de tous les yeux suisses.
Collé, juge sévère, écrivait en 1758 ce mot dont, au reste, il s’est repenti plus tard : « Je lui crois un talent décidé pour la tragédie. » Les deux premières tragédies de Marmontel, Denys le Tyran, joué en février 1748, et Aristomène, joué en avril 1749, firent fureur.
Semblable en cela aux artistes, il se sentait pourvu d’un prodigieux instrument, et il en jouait devant tous. […] Marié, mais séparé de sa femme, qui n’était pas exempte de quelque extravagance, il avait emmené avec lui une petite personne appelée Manette, qui joue un certain rôle dans sa vie intime : c’est cette personne à qui il conseillait, comme elle ne savait pas lire, de ne jamais l’apprendre ; la pièce de vers très connue qu’il lui adressa se terminait ainsi : Ayez toujours pour moi du goût comme un bon fruit, Et de l’esprit comme une rose.
On joue en société une tragédie de Racine, Iphigénie ; les acteurs et actrices ne sont que princes, filles ou nièces de palatins ; le chevalier de Saint-Pierre fait Achille. […] Je ne pouvais me lasser de voir ces pigeons voler autour de la table, ces chèvres qui jouaient avec les enfants, et tant d’animaux réunis autour de cette famille charmante.
De la tragédie qu’elles jouent, la vieille tragédie de l’amour, nous ne connaissons ni le héros ni l’héroïne. […] Et c’est pendant cette agonie de supplicié qu’il écrivait avec sa gaieté à’ rebours : « Je suis heureusement de fort bonne humeur ; dans mes nuits d’insomnie, ma fantaisie me joue les plus belles comédies et les plus jolies farces du monde. » Et ailleurs : « On m’a pris mesure pour mon cercueil et mon nécrologe ; mais je meurs si lentement que cela devient fastidieux pour mes amis et pour moi-même. » Heine a mis toute une coquetterie d’ancien à tomber correctement, un joli sourire sur ses lèvres blanches.
Une sorte de parti pris gigantesque, la mesure habituelle dépassée, le grand partout, ce qui est l’effarement des intelligences médiocres, le vrai démontré au besoin par l’invraisemblable, le procès fait à la destinée, à la société, à la loi, à la religion, au nom de l’Inconnu, abîme du mystérieux équilibre ; l’événement traité comme un rôle joué et, dans l’occasion, reproché à la Fatalité ou à la Providence ; la passion, personnage terrible, allant et venant chez l’homme ; l’audace et quelquefois l’insolence de la raison, les formes fières d’un style à l’aise dans tous les extrêmes, et en même temps une sagesse profonde, une douceur de géant, une bonté de monstre attendri, une aube ineffable dont on ne peut se rendre compte et qui éclaire tout ; tels sont les signes de ces œuvres suprêmes. […] Il parle littérature, récite des vers, fait un feuilleton de théâtre, joue avec des os dans un cimetière, foudroie sa mère, venge son père, et termine le redoutable drame de la vie et de la mort par un gigantesque point d’interrogation.
Mais si l’on joue Macbeth, c’est devant peu de public. […] À l’heure qu’il est, on ne jouerait Shakespeare sur aucun théâtre anglais sans effacer dans le texte le mot Dieu partout où il se trouve.
Un Vieillard qui montre à un enfant à jouer de la lyre. […] Un Faune joue de la flûte dans l’éloignement, et une femme ailée fait le fond de la figure d’Hercule.
Et ils viennent, et ils se rangent en cercle, et ils jouent. […] Minoret s’y prend-il pour écrire à *** des appréciations sur les opéras et les drames qu’on joue à Paris ?
— que les nerfs du grand artiste ; mais de ces nerfs, sur lesquels la passion, qui prend sa revanche, aurait joué comme Réményi sur son violon, il serait sorti la chose la plus résonnante et, pour nous tous, la plus délicieusement vengeresse. […] Il a des aperçus qui rappellent l’ancien Chasles, le gaillard éblouissant qui pensait plus à plaire et à sourire qu’à pleurer ; qui se jouait des ridicules des hommes plus qu’il ne les moralisait.
Quand Gœthe, lutiné par l’idée de Voltaire, voulut jouer aussi à l’universalité, quand il se fit naturaliste, dessinateur, et dessinateur jusqu’au point de dire « qu’en dessinant, son âme chantait un morceau de son essence la plus intime », Gœthe tombait de son ancienne poésie, sentie, ressentie, exprimée, selon l’âme qu’il avait (et il n’en avait pas beaucoup), dans l’art élégant, ingénieux, fin, savant ; dans l’art qui est toujours le stérile, quoique le matériel amour des choses difficiles. […] Non, ce n’est pas la monumentale Contemplative du peintre allemand, tenant dans sa main sa joue de marbre ; c’est cette petite maigre, laide, rechignée et souffrante, que les bégueules du romantisme, Mesdemoiselles Jouffroy et Charles Magnin, trouvèrent dans le temps par trop souffrante, quand M.
Le craquement d’un meuble, le feu qui pétille, la pluie qui fouette la fenêtre, le vent qui joue sa gamme chromatique dans la cheminée, autant de sons qui frappent encore l’oreille et que le rêve convertit en conversation, cris, concert, etc. […] Il s’endormit ; et voici que le diable en personne apparut, s’empara du violon, joua la sonate désirée.
Je n’ai pas à raconter ici les paroles échangées entre nous sur le rôle qu’il jouait à cette époque. […] Je jouais aux soldats et, pour nourrir mon cheval à bascule, je ravageais les plantes que ma pauvre mère cultivait sur sa fenêtre. […] Je la vois encore : Elle a une tache de vermillon sur chaque joue, des bras mous et courts, d’horribles mains de bois et de longues jambes écartées. […] Ils exigent que je joue ma vie à l’épée contre celle de M. de Pont-Cassé, et si je jouais cent francs avec lui à l’impériale, ou à la triomphe, je serais un homme perdu de réputation, le moindre savetier d’entre eux ne voudrait pas de moi pour gendre. […] Vous m’épouvantez quand je vous vois jouer avec les passions populaires ; autant vaudrait manier la dynamite.
Taine a répété que nous sommes des patients en qui se joue un drame intérieur, féerie brève et macabre. […] Vers six heures, un tour au cercle, pour jouer ou causer, avant le dîner. […] Quel mauvais tour vont-ils nous jouer pendant la saison qui vient ? […] Le père, un petit vieux, le fusil sur l’épaule, la joue gonflée par une chique, marche à côté. […] Un souffle de printemps faisait flotter ces phrases neuves, comme de claires étoffes où le vent joue dans une clarté d’aube.
Sa pensée s’est jouée, arbitrairement, dans la multiplicité des formes de la vie, et il en poursuit une qui les résume toutes dans ce que chacune a de plus exquis. […] Devons-nous, pouvons-nous nous mettre de côté et dire : jouez la pièce sans nous, le sujet ne nous convient pas ? […] La joue un peu amaigrie, voluptueuse, vue de trois quarts, fait ressortir l’ampleur du front, large, puissant, royal. […] Sa main droite, qui a signé de si profitables traités, s’appuie sur la pomme de cuivre d’un méchant jonc La gauche joue avec une tabatière de corne. […] Elle avait trop bien joué son rôle d’amoureuse.
Les hommes de la première classe de la société, en France, aspiraient souvent au pouvoir ; mais ils ne couraient dans cette carrière aucun hasard dangereux ; ils jouaient sans jamais risquer de beaucoup perdre ; l’incertitude ne roulait que sur la mesure du gain ; l’espoir seul animait donc les efforts : de grands périls ajoutent à l’énergie de l’âme et de la pensée, la sécurité donne à l’esprit tout le charme de l’aisance et de la facilité.
Qui sait, après tout, ce que peut sentir, devant ce mystère de l’amour divin, celle qui a tant et si cruellement joué avec l’amour ?
Il a continué : — Ne courbe plus mon cou vers la terre, et j’enseignerai à tes fils à jouer de la lyre.
Ainsi je crois que dans l’execution des dialogues la basse continuë ne faisoit que jouer de temps en temps quelques notes longues qui se faisoient entendre aux endroits où l’acteur devoit prendre des tons dans lesquels il étoit difficile d’entrer avec justesse.
Il aime beaucoup Maurice de Guérin, le grand poète panthéiste, l’auteur du Centaure, et il en cite des fragments sublimes dans lesquels Guérin, qui ne joue pas, lui, la comédie, comme ce Protée de Goethe, s’anéantit dans la nature au lieu de simplement s’y évanouir.
» Un guide qui a de la physionomie ; un aïeul dont la joue ridée se dore aux reflets du foyer, comme rougit un fruit à l’automne ; une vachère aux paupières fauves et baissées qui tricote ses bas bleus à trois pas de sa vache songeuse, harmonie de rêveries, dans un coin d’enclos paisiblement éclairé ; un curé qui va à la chasse, tricorne sur l’oreille, ni plus ni moins qu’un garde française, et la soutane désagrafée : tout cela n’est que profils d’albums, petits bonshommes de paysage.
« Un doux éclat de soleil couchant — nous dit-il plus loin, avec ce sentiment de poète qui sent la poésie dans les autres, — rayonne de l’âme de Hebel, pure et tranquille, et teint de rose toutes les hauteurs qu’il fait surgir. » Et Jean-Paul ajoute cette phrase mélodique et enchantée du ranz des vaches que son imagination pastorale jouait toujours : « Hebel embouche d’une main la trompe alpestre des aspirations et des joies juvéniles, tout en montrant, de l’autre, les reflets du couchant sur les hauts glaciers, et commence à prier quand la cloche du soir se met à sonner sur les montagnes. » De son côté, Goethe, ce grand critique, ce grand esprit lymphatique, ce Talleyrand littéraire qui fait illusion par la majesté de l’attitude sur la force de sa pensée, cet homme que l’on a cru un marbré parce qu’il en a la froideur, Goethe, ce blank dead, comme l’appelleraient les Anglais, ce système sans émotion et dont le talent fut à froid une combinaison perpétuelle, disait de cette voix glacée qui impose : « L’auteur des poésies allemaniques est en train de se conquérir une place sur le Parnasse allemand.
Belmontet a plusieurs des grandes qualités qui font le poète : il a le souflle, le mouvement, la passion vraie, l’amertume, la griffe irritée, la familiarité saisissante, qui semble s’élever en descendant… Son rhythme même (cette chose sans laquelle maintenant il n’est plus possible d’être poète), son rhythme a de puissantes articulations qui jouent avec souplesse sous sa pensée.
Ce recueil de vers, fait par un artiste toujours inspiré, n’a pas cependant partout la même valeur poétique, et, je vous en préviens, ce n’est pas de celui qui joue avec son talent et son style et qui, par exemple, a écrit ces fameux : Sonnets gastronomiques, — lesquels ne sont, par parenthèse, que de brillantes et charmantes difficultés vaincues — ce n’est pas de cet artiste que je veux vous parler.
L’Anglois, comme l’Italien, joue les François avec une sorte de volupté, mais le François se joue lui-même de bonne grace ; & cette maniere d’avouer ses torts, lui fait honneur. […] La fille étoit une dévergondée que le valet de chambre avoit disposée à jouer un pareil rôle. […] De-là viennent tant de rôles différens, parfaitement joués sur la scene du monde par des valets mêmes qu’on a pris pour des seigneurs, par des filles publiques qui se sont données pour des duchesses, & qu’on a cru telles, d’après le ton qu’elles savoient prendre. […] Alors on fredonne, on dit à la femme-de-chambre de bien se ressouvenir de ce que prescrit le médecin, qui laisse une brochure toute fraîche sur la table de nuit, & qui va jouer le même rôle chez la duchesse & chez la présidente, car il n’y a pas de recettes pour la robe. […] On veut jouer, & ceux qui ne font pas la besogne, s’imaginent qu’on commande une piece de théâtre, une chanson, comme un soulier.
Il n’est pas une tragédie de Racine qui n’ait été jouée cent fois en cour d’assises par des comparses hideux. […] Comme on se joue de lui et qu’ils sont stupides, en leur bonté, ses maîtres intellectuels ! […] Il joue au chat et à la souris. […] Dès douze ans elle faisait des vers ; elle jouait la comédie, et très futée. […] A l’Hôtel de Bourgogne, pendant qu’à Guénégaud on jouait à grand fracas celle de Pradon.
Mais la maladie le laissa malingre, tout petit et la figure trouée comme d’un boulet qu’il aurait reçu dans la joue. […] Il a écrit bien des anecdotes ; il en a joué, dans le quotidien de la vie, de tout aussi remarquables et concluantes. […] Un humoriste a son rôle très important et voire auguste à jouer, parmi les maîtres de la pensée active. […] Et l’on doit accorder que, trop exubérante, elle ne joue pas très bien son rôle de lumière, qui est seulement d’éclairer la surface colorée des choses. […] Et même, on ne s’aperçut pas qu’il le jouait ; il n’en fut pas moins efficace.
De sorte que la même comédie qui se jouait, à droite de la césure, avec le mot gauche, reprend symétriquement à gauche de la césure sur le mot socialiste. […] Comment et pourquoi cette loi de classe, ce fait du recrutement populaire, n’avait-il pas joué pour les boursiers de séminaire ? […] La psychologie des partis révolutionnaires joue toujours chez eux. […] Elle jouait dans le système de la paix un rôle privilégié. […] Comme le roman, elle laisse jouer à tous les délégués de la vie, à tous les délégués à la vie, leur libre jeu.
Ce ne sont point des mécontents arriérés comme les nôtres, occupés à jouer au whist et à regretter le moyen âge. […] Ils n’ont pas l’air de s’ennuyer ; ils savent heurter argument contre argument, patienter, réclamer gravement, recommencer leur réclamation ; ce sont les mêmes gens qui attendent le train au bord de la voie ferrée, sans se faire écraser, et qui jouent au cricket deux heures durant sans élever la voix ni se disputer une minute. […] Une proclamation de la reine interdit de jouer à aucun jeu ce jour-là, en public ou en particulier ; défense aux tavernes de recevoir les gens pendant le service.
On représentait là la tragédie de lord Buckhurst, Gorboduc ou Ferrex et Porrex, la mère Bombic, de Lily, où l’on entendait les moineaux crier phip phip, le Libertin, imitation du Convivado de Piedra qui faisait son tour d’Europe, Felix and Philiomena, comédie à la mode, jouée d’abord à Greenwich devant la « reine Bess », Promos et Cassandra, comédie dédiée par l’auteur George Whetstone à William Fletwood, recorder de Londres, le Tamerlan et le Juif de Malte de Christophe Marlowe, des interludes et des pièces de Robert Greene, de George Peele, de Thomas Lodge et de Thomas Kid, enfin les comédies gothiques, car, de même que la France a l’Avocat Pathelin, l’Angleterre a l’Aiguille de ma commère Gurton. Tandis que les acteurs gesticulaient et déclamaient, les gentilshommes et les officiers avec leurs panaches et leurs rabats de dentelle d’or, debout ou accroupis sur le théâtre, tournant le dos, hautains et à leur aise au milieu des comédiens gênés, riaient, criaient, tenaient des brelans, se jetaient les cartes à la tête, ou jouaient ensemble dans l’ombre, sur le pavé ; parmi les pots de bière et les pipes, on entrevoyait le peuple. […] Lagrange décrit ainsi le théâtre où la troupe de Molière jouait par ordre du sieur de Rataban, surintendant des bâtiments du roi : « … trois poutres, des charpentes pourries et étayées, et la moitié de la salle découverte et en ruine. » Ailleurs, en date du dimanche 15 mars 1671, il dit : « La troupe a résolu de faire un grand plafond qui règne par toute la salle, qui, jusqu’au dit jour 15, n’avait été couverte que d’une grande toile bleue suspendue avec des cordages. » Quant à l’éclairage et au chauffage de cette salle, particulièrement à l’occasion des frais extraordinaires qu’entraîna la Psyché, qui était de Molière et de Corneille, on lit ceci : « chandelles, trente livres ; concierge, à cause du feu, trois livres. » C’étaient là les salles que « le grand règne mettait à la disposition de Molière. » IV Shakespeare obtint à la fin un rôle muet dans une pièce ; il fut chargé d’apporter son casque au géant Agrapardo.
Par l’audace et la simplicité de ses conceptions tragiques, par son intime connaissance des passions humaines, par son vers musical, par sa musique poétique, par l’invention d’une nouvelle forme mélodique qu’on a appelée la mélodie continue et qui fait que le chanteur chante sans avoir l’air de le faire exprès, par son merveilleux orchestre, qui joue à peu près le rôle du chœur dans la tragédie antique et qui, toujours mêlé à l’action, la corrobore, l’explique, en centuple l’intensité par des rappels analogues ou antithétiques à chaque passion du drame, Richard Wagner vous transportera extasiés dans un milieu inconnu, où le sujet dramatique, vous pénétrant avec une puissance incomparable par tous les sens à la fois, vous fera subir des émotions encore inéprouvées. […] Pendant plus de neuf mois de l’année on n’en joue pas à Londres, et dans les provinces il n’y en a jamais, excepté dans les villes où Carl Rosa et son excellente troupe se fixent quelquefois pour une semaine. […] Seghin (Hans Sachs) a une bonne voix bien stylée, mais il ne joue pas assez simplement ; M.
L’homme, enfin, le boucher ou le bourreau universel, faisant de ses cités un vaste abattoir, où le sang coule avec la vie dans des égouts trop étroits, pour aller rougir ses fleuves ; l’homme, cet impitoyable consommateur de vies, saignant la colombe qui se penche apprivoisée sur son épaule, l’agneau caressant que ses enfants ont élevé pour jouer avec eux sur l’herbe, la poule qui chante sur son seuil, l’hirondelle qui aime cet hôte ingrat et qui lui confie ses petits, le bœuf qui a aidé le laboureur pendant dix ans à creuser son sillon ! […] ………………………………………………………… ………………………………………………………… ………………………………………………………… ………………………………………………………… Voilà pourquoi je pars, voilà pourquoi je joue Quelque reste de jours inutile ici-bas. […] « Le Gange le premier fleuve ivre de pavots, « Où les songes sacrés roulent avec les flots, « De mon être intangible en voulant palper l’ombre, « De ma sainte unité multiplia le nombre, « De ma métamorphose éblouit ses autels, « Fit diverger l’encens sur mille dieux mortels ; « De l’éléphant lui-même adorant les épaules, « Lui fit porter sur rien le monde et ses deux pôles, « Éleva ses tréteaux dans le temple indien, « Transforma l’Éternel en vil comédien, « Qui, changeant à sa voix de rôle et de figure, « Jouait le Créateur devant sa créature !
Les vieux eux-mêmes y pensent toujours, alors que pour eux la partie est jouée. […] Cette stratégie va l’induire à jouer sur les mots. […] On lit un ouvrage sérieux pour s’instruire, non pour subir un examen ni jouer aux petits jeux innocents. […] Ce Stendhal soi-disant sincère joue la comédie de la sincérité et le rôle de lui-même. […] Ces quantités irréelles jouent pourtant un rôle utile.
Mme de Nucingen, gênée dans ses dépenses par son mari, lui fait d’amères confidences et lui persuade d’aller jouer pour elle ses derniers cent francs à la roulette. […] Ne pouvais-tu jouer avec les contrastes de mon caractère sans en demander les causes ? […] Je bénissais mon abandon, et me trouvais heureux de pouvoir rester dans le jardin à jouer avec des cailloux, à observer des insectes, à regarder le bleu du firmament. […] Mon regard se régalait en glissant sur la belle parleuse, il pressait sa taille, baisait ses pieds, et se jouait dans les boucles de sa chevelure.
Ajoutons que les émotions passées se présentent à nous dans une sorte de lointain, un peu indistinctes, fondues les unes avec les autres ; elles sont ainsi plus faibles et fortes tout plus ensemble, parce qu’elles entrent l’une dans l’autre sans qu’on puisse les séparer ; nous jouissons donc à leur égard d’une plus grande liberté, parce que, indistinctes comme elles sont, nous pouvons plus facilement les modifier, les retoucher, jouer avec elles. […] Par note réaliste nous n’entendons, cela va de soi, que la reproduction exacte de détails de la vie réelle, sans embellissement. « Je n’arrivais point de fois ici que je ne les visse tous deux tout nus, suivant la coutume du pays, pouvant à peine marcher, se tenant par les mains et sous les bras… La nuit même ne pouvait les séparer, elle les surprenait souvent couchés dans le même berceau, joue contre joue, poitrine contre poitrine, les mains passées mutuellement autour de leurs cous, et endormis dans les bras l’un de l’autre… Un jour que je descendais de la montagne, j’aperçus, à l’extrémité du jardin, Virginie qui accourait vers la maison, la tête couverte de son jupon, qu’elle avait relevé par derrière pour se mettre à l’abri d’une ondée de pluie. […] Tu es en nage… — Et, avec son petit mouchoir blanc, elle lui essuyait le front et les joues et elle lui donnait plusieurs baisers. » A vrai dire, le pittoresque pur joue dans la littérature un rôle plus négatif que positif.