Mais « la scène demande une exacte raison » ; et « l’étroite bienséance y doit être gardée ». […] Sarcey garda d’eux le meilleur souvenir, qu’il a plus d’une fois pris plaisir à exprimer. […] Ce tempérament, Sarcey l’a gardé jusqu’au dernier jour et je ne sais s’il ne fut pas plus fort et plus sûr et plus ferme au dernier jour qu’au premier. […] Ils gardèrent avec raison, de l’ancienne rédaction, Eugène Schnerb et Paul Lafargue. […] Le moyen de ne point garder de rancune est peut-être de l’épuiser d’un seul coup.
Il était stipulé que les enfants garderaient les mains croisées derrière le dos et tâcheraient seulement d’attraper le pain d’épices avec leurs dents. […] Tu pourrais alors vérifier si ton armure de renoncement et d’humilité est assez solide pour te garder des tentations qui le circonviennent. […] Vous vous gardez bien de conformer vos actes à vos pensées. […] … Bref, je vous ordonne de garder désormais le silence. […] je me rappelle parfaitement : j’ai gardé une très bonne mémoire.
Ils gardent le contact avec les éléments cultivés de la nation, dont ils veulent être les guides. Ils ne pourraient vivre sans se sentir entourés et portés par un large public ; et ils se garderaient bien de lui adresser les paroles méprisantes de Shelley ; bien plutôt essayent-ils de le retenir après l’avoir conquis. […] S’ils assimilent cette nourriture étrangère, nos génies créateurs n’en tirent que plus de vigueur originale ; ils gardent leur qualité spécifique, en vertu de leur individualité propre ; et, comme nous l’avons montré, en vertu des caractères ineffaçables de leur nation, qui vit en eux. […] Ils gardent de l’esprit ; mais ils n’ont plus d’âme. […] Toutes les formes d’amour, de souffrances, de folie ; il les cherche en lui-même, il épuise en lui tous les poisons pour n’en garder que les quintessences.
Néanmoins, les vrais Achilles gardent une place où le divin Sagittaire peut encore les atteindre et les percer, — pour quelles affreuses tortures, Dieu le sait ! […] Nous ne garderons qu’un très petit nombre de chameaux pour trimballer les bagages de la famille Vingtras, qui représente toute la société humaine. […] Il ressemble à un prince de la Fantaisie qui tiendrait à garder l’incognito et il a toujours l’air de revenir d’excessivement loin. […] On en voit sortir des tombeaux mal gardés où ils trompaient leur famine en rongeant les os des morts. […] C’est le secret de tous les diables et l’on découvre que ces ennemis du genre humain l’ont très mal gardé.
Ils lui font une pension convenable, mais ils veulent le garder auprès d’eux, et ce séjour forcé l’exaspère : « Je déclare que mon père et ma mère sont coupables ; le dire serait me donner à leurs yeux d’irréparables torts. […] Je suis bien sûr que tout ce que j’ai vu il y a trois mois reste maintenant au-dessous de l’image transfigurée que j’en ai gardée. » En réalité sa mémoire ne lui fournissait pas seulement cette synthèse spontanée, elle lui gardait intact le monde infini des détails. […] À ce moment le sens passe de l’extérieur à l’intérieur, de la peinture à la poésie : les mots les plus ordinaires suffisent alors garder intacte et à prolonger longtemps la force de l’adjectif. […] Je veux dire Sainte-Beuve avec Volupté, Renan avec Patrice et Taine avec Étienne Mayran, les deux derniers gardés prudemment dans le tiroir jusqu’à la mort de leurs auteurs. […] Puisque c’est en partie une autobiographie, on peut se demander pourquoi Fromentin n’a pas gardé à la Madeleine du roman les enfants qu’avait la vraie Madeleine.
Elle sera indulgente et miséricordieuse à ce brutal péché, dont ses yeux de vierge garderont l’horreur, et qui a brisé en elle toute espérance. […] Il avait sans doute gardé quelque chose des traits de son enfance. […] Il ne sait pas reconnaître ceux qui ont gardé une déférence chevaleresque pour sa majesté ridicule et bafouée. […] vous, du moins, gardez qu’il n’en tombe une goutte ; Entretenez la flamme avec un soin jaloux, L’heure est proche où la terre aura besoin de vous. […] C’est là qu’il put lire la Bible et garder du Sir Hasirim assez de grâce et de volupté pour donner aux Charités d’Ionie toute la langueur orientale.
Garda-t-il rancune à la poésie ? […] Si nous n’avons plus la folie de la croix, gardons la folie de l’honneur67 ! […] Aussi se sont-ils gardés de laisser la femme prendre aucun empire sur eux. […] Il se laisse prendre et garder. […] Quel souvenir l’homme avait gardé de son odyssée d’enfant de troupe à travers les chemins de France !
Mérimée s’en est bien gardé. […] Les dogmes de la Révolution ont gardé leurs charlatans et leurs profiteurs. […] Au soir de ses jours avait-il gardé cette espérance de voir jamais la France prospère sous un tel régime ? […] Il gardait de cette éducation un respect très profond des choses religieuses. […] Cette religion de l’Armée, le général Langlois l’a gardée, fervente et passionnée, jusqu’au dernier jour.
Mais il faudrait bien se garder de proscrire l’usage des hypothèses et des idées quand il s’agit d’instituer l’expérience ou d’imaginer des moyens d’observation. […] Seulement il faut garder sa liberté d’esprit, ainsi que nous l’avons dit plus haut, et croire que dans la nature l’absurde suivant nos théories n’est pas toujours impossible. […] La biologie doit prendre aux sciences physico-chimiques la méthode expérimentale, mais garder ses phénomènes spéciaux et ses lois propres. […] Tous les sentiments sont respectables, et je me garderai bien d’en jamais froisser aucun. […] Ma prévision fut encore vérifiée, et pendant toute la durée de cette alimentation animale les lapins gardèrent des urines claires et acides.
Car ces animaux et ces captifs, étant nombreux, retardaient la marche : il fallait beaucoup d’hommes pour les garder, et c’était autant de soldats inutiles. […] Il n’y a qu’un chemin, celui que tu vois, à pic, occupé par cette foule d’hommes que tu peux voir, et qui s’y sont établis d’avance pour garder le passage. […] Heureuse et sereine région qui gardait la paix au-dessus de l’orage. […] S’il le gardait, il succombait sous la concurrence de l’Afrique, de la Sicile, de la Sardaigne. […] Avec cette force et cette énergie, on avait perdu à Rome cette fierté et cette conscience ; avec cette force et cette énergie, on a gardé en France cette conscience et cette fierté.
Gardez vos chefs-d’œuvre, nous avons les nôtres, et peut-être, en les comparant, une critique impartiale ne vous donnerait-elle pas l’avantage ! […] La sœur de charité, qui seule avait accepté la tâche de garder Valérie, se tenait à distance. […] Assurément celles-là gardent, de leur origine et de leurs habitudes primitives, des signes de race, des traces indélébiles de distinction et d’élégance. […] Avaient-ils gardé les Vautrin ensemble ? […] À cette première condition de justesse et de vérité M. d’Haussonville en ajoute une autre, où il a su tout aussi bien garder l’exacte et délicate nuance.
De cela il a gardé de l’humeur, et a contracté une certaine bizarrerie, et d’assez mauvaises façons ; mais il n’en est pas moins très intéressant. […] Il dit couramment, sans se garder contre l’objection, sans s’en douter : « Le peuple, de nos jours, a un reste d’énergie. […] C’est le xviiie siècle qui a traversé une terrible époque de brutalité et de violence, qui en a été endurci et assombri, et qui a gardé toutes ses idées sans garder son rêve. […] Ils sont devenus, tout au contraire, des timides, des misonéistes, des conservateurs, des immobiles, ne songeant qu’à garder les situations acquises. […] Il la garda toujours.
La naïveté populaire a pourtant gardé quelque chose de cette franchise primitive, et l’on me cite ce mot familier à nos populations du Midi : aimer à en perdre les ongles 110. […] Madame de Clèves n’était pas moins interdite, de sorte qu’ils gardèrent assez longtemps le silence. — Enfin M. […] C’est à ce moment, et comme dans ce lointain, que le poème devrait finir, ce me semble, pour garder son intérêt et pour trouver son unité.
Car beaucoup de fruits, ou qui se consomment d’abord, ou qui se doivent garder, ne viendraient point sans culture. […] Pour finir, car il est temps, je n’ai plus qu’à montrer que tout ce qui nous est utile dans ce monde-ci a été fait exprès pour nous. » XI Dans son livre sur la Nature des dieux, il gardait encore quelques ménagements avec la théologie populaire et avec la religion de l’État ; mais son livre sur la Divination, c’est-à-dire sur les mystères du culte romain, fut son véritable testament philosophique. […] La destination des hommes est de garder ce globe, que tu vois situé au milieu du temple universel de Dieu, dont une parcelle s’appelle la Terre… « Ils ont reçu une âme !
Ayant rendu à Sa Sainteté les actions de grâces qui lui étaient dues, je crus de mon devoir de lui en garder, ainsi qu’à sa famille, une éternelle reconnaissance. […] Il me posa les mains sur la tête, et, comme le plus vénérable des patriarches anciens, il leva les yeux au ciel, il pria le Seigneur, et il me bénit dans une attitude si résignée, si auguste, si sainte et si tendre, que, jusqu’au dernier jour de ma vie, j’en garderai dans mon cœur le souvenir gravé en caractères ineffaçables. […] En effet, l’empereur s’abstint de toute initiative dans son gouvernement, et ne garda aucune action que comme police militaire.
Drumont dit quelque part, que lorsque nous avons publié Manette Salomon, le mot d’ordre avait été donné dans la presse juive, de garder à tout jamais le silence sur nos livres. […] Mardi 22 juin Renan, qui pendant tout le dîner, a gardé un silence comme maladif, se met au dessert, à manger du Bossuet, sa bête noire, Bossuet chez lequel il ne trouve que de la faconde, et auquel il reproche de n’avoir pas conçu son Histoire universelle, à l’allemande. […] Ce soir, je trouve Porel dans son cabinet, tout, tout seul, assis dans sa chaise curule, les bras tombés autour de lui, et qui m’accueille par ces mots : « A-t-elle été assez mauvaise la presse, Le Petit Journal, Le Gil-Blas… C’est indigne… Ils se gardent bien d’avouer le succès d’hier… Ça tue la location. » Et je vais l’attendre dans sa loge, où il m’a promis de venir, et où il ne vient pas.
Leur étonnement fut bien plus grand lorsque le roi, obligé de garder le lit, les fit appeler, avec ordre d’apporter ce qu’ils avaient écrit de nouveau sur son histoire, et qu’ils virent, en entrant, Mme de Maintenon assise dans un fauteuil près du chevet du roi, s’entretenant familièrement avec Sa Majesté. […] Il ne fallait rien moins que ce désir du roi et de Mme de Maintenon pour faire rompre au grand poète un silence qu’il gardait depuis dix ans par scrupule de conscience, et pour rallumer en lui cette flamme du génie qui n’était point morte, mais qui dormait sous les cendres de sa pénitence. […] Et qui sait, lorsqu’au trône il conduisit vos pas, Si pour sauver son peuple il ne vous gardait pas ?
IX Et, en effet, l’originalité vraie d’Edgar Poe, ce qui lui gardera une place visible dans l’Histoire littéraire du xixe siècle, c’est le procédé qu’on retrouve partout dans ses œuvres, aussi bien dans son roman d’Arthur Gordon Pym que dans ses Histoires extraordinaires, et qui fait du poète et du conteur américain ce qu’il est, c’est-à-dire le plus énergique des artistes volontaires, la volonté la plus étonnamment acharnée, froidissant l’inspiration pour y ajouter. […] C’est le rabâchage de ce génie épuisé, les dernières éructations nauséabondes de la terrible ivresse, noire et puissante, dont ceux qui ont lu Poe ont gardé sur eux longtemps le frisson. […] On n’a jamais, que je sache (et même Émile Hennequin, qui s’est si généreusement croisé pour la justification de sa mémoire), assez insisté sur le spiritualisme d’Edgar Poe, de ce poète suprêmement idéal et pur, condamné par le sort de sa naissance et de sa vie à des besognes américaines indignes de la hauteur et de la beauté de sa pensée, qu’il eût dû garder inviolée et qui ne le fut pas toujours… On est bien obligé de le reconnaître, en présence de ses œuvres : Edgar Poe a trop souvent ployé et abaissé son propre génie sous le despotisme du génie américain, lequel n’a de goût et de passion que pour ce qui l’étonne, et qui préfère à tous les sentiments de l’âme, dans les choses de l’esprit, la force presque musculaire de la difficulté vaincue et de la contorsion réussie.
Prenez l’habitude de ne fixer aucune pensée, gardez-vous de tout travail sérieux et suivi, tâchez de ne rien observer, d’être les yeux ouverts sans voir, de parler sans avoir pensé : alors, dans l’ennui qui vous dévore, laissez-vous aller à toutes vos fantaisies, et vous verrez les progrès rapides de voire imbécillité. […] Ce parti et les écrivains qui s’y rattachent en Suisse lui en ont gardé une dent.
Il avait concouru pour un prix proposé par l’Institut sur la question suivante : « Rechercher les moyens de donner parmi nous une nouvelle activité à l’étude de la langue grecque et de la langue latine. » Son mémoire obtint une mention ; l’auteur n’en garda pas moins l’anonyme. […] Il ne s’y laissa pas prendre deux fois et garda depuis un silence obstiné.
Mais nous voyons déjà le caractère du Journal de Mathieu Marais ; il s’est plu à consigner par écrit des nouveautés en usant des franchises du vieux langage ; il ne craint pas d’appeler les choses par leur nom, sauf à garder ses historiettes sous clef et, après deux ou trois lectures à huis clos, à les resserrer dans son tiroir. […] Malet lui avait conseillé avec une bonne grâce assez piquante de ne plus garder ses ouvrages en portefeuille, de peur que le public ne s’obstinât à lui en attribuer d’anonymes, où il trouverait de l’imagination, de la vivacité et des traits hardis.
Je sais qu’en parlant à dessein de celui des hommes de notre temps qui offre peut-être le plus magnifique exemple de cette union consubstantielle et sacrée de la volonté avec l’intelligence sous le sceau de la foi, de celui dont l’esprit et la pratique, toute la pensée et toute la vie, se sont si docilement soumises, si ardemment employées aux conséquences efficaces de doctrines en apparence délaissées, et aussi compromises qu’elles pouvaient l’être ; — je sais que nous avons à nous garder nous-même de cette étude inféconde, et de cette admiration curieuse sans résultat, dont nous venons de signaler la plaie. […] La révolution de Juillet, en brisant, du moins en droit, le système insoluble de la Restauration, a permis à M. de La Mennais de se produire enfin politiquement dans une pleine lumière : après sa mémorable série dans l’Avenir sur la réorganisation catholique et sociale, il n’est plus possible à un lecteur de sens et de bonne foi de garder l’ombre d’un doute aujourd’hui.
On sent l’homme qui a écrit trente volumes avant d’acquérir une manière ; quand on a été si long à la trouver, on n’est pas bien certain de la garder toujours. […] Il a même, selon nous, à se garder dans ces remaniements successifs d’altérer quelquefois une première rédaction plus franche et plus simple.
Tout ce qui se rapporte à la propriété, à la précision, à la sagacité, est souverain chez lui ; la hardiesse, si elle s’y rencontre, est toujours étroitement adaptée, la métaphore est juste à l’usage ; mais ne lui demandez pas la grande flamme : il la gardera. […] La culture académique, régulière et polie, le siècle de Louis XIV et son rouleau, n’ont passé sur le gazon et n’ont fait boulingrin et tapis vert qu’au milieu ; les bordures et les prairies hors du cercle ont gardé toutes sortes de flottants vestiges. — Au xvie siècle sans doute, et même auparavant, il y avait une langue de cour et du centre, qui se piquait d’être la bonne.
Il faut exister seul, pour conserver dans sa pensée le modèle de tout ce qui est grand et beau, pour garder dans son sein le feu sacré d’un enthousiasme véritable, et l’image de la vertu, telle que la méditation libre nous la représentera toujours, et telle que nous l’ont peinte les hommes distingués de tous les temps. […] Il faut se garder de la métaphysique qui n’a pas l’appui de l’expérience ; mais il ne faut pas oublier que, dans les siècles corrompus, l’on appelle métaphysique tout ce qui n’est pas aussi étroit que les calculs de l’égoïsme, aussi positif que les combinaisons de l’intérêt personnel.
Il a voulu garder la mythologie, à laquelle une nation chrétienne ne pouvait pas croire, il a voulu garder l’épopée, qu’un siècle de civilisation raffinée et de raison mûrie ne pouvait pas refaire ; et pour assurer une existence artificielle à ces choses si particulièrement attachées aux mœurs et à l’esprit des temps antiques, il a dû les dénaturer et leur attribuer une valeur fictive et toute de convention, selon les préjugés les plus étroits du goût contemporain.
Tout le matériel et tout le personnel des vieilles légendes subsista, dûment consacré et baptisé au nom de Jésus-Christ : le pays des morts fut le purgatoire de saint Patrice ; mais l’esprit chrétien ne pénétra pas profondément : tout ce monde merveilleux garda l’intégrité de son âme celtique. […] Ainsi fait Yvain, qui s’en va vivre au fond d’une forêt, nu, comme « un homme sauvage », n’ayant gardé qu’un instinct tout animal qui lui fait chercher sa nourriture.
Il mena une vaste enquête qui aboutit à classer, à trier, parmi l’immense et confus apport de ces cent années qui avaient trouvé le nouveau monde et ressaisi l’ancien, ce qui pouvait être utile, à Montaigne sans doute d’abord, mais du même coup à ses concitoyens, et à tous les hommes qui auraient la tête faite comme lui : tout ce qu’il garda fut soigneusement expertisé, « contre-rôlé », ajusté, adapté, pour l’usage de l’intelligence. […] Montaigne nous en donne un peu à garder ici : il a corrigé, plus d’une fois, et fort heureusement, non pas même toujours pour la justesse de l’idée, mais pour la beauté de l’expression.
Surtout il devrait avoir gardé le respect, sinon de l’« onction » sacerdotale, au moins du très grand effort moral et de l’extraordinaire sacrifice que présuppose cette onction. […] Au reste, garder quelque chose pour soi serait douter de Dieu et n’observer qu’à demi son commandement.
Mais dans leurs emportements les plus vifs les fils gardent encore une certaine humilité ; ils se laissent menacer du bâton ; ils observent certaines formules consacrées. […] Mais une fois que Rousseau, dans l’Emile et dans ses Confessions, a su tantôt montrer l’épanouissement progressif de cette fleur délicate qui s’appelle un enfant, tantôt rajeunir ces souvenirs du premier âge qui gardent pour la plupart d’entre nous la fraîcheur d’une matinée de printemps, c’est à qui s’avisera de regarder et de saisir sur le vif les joies et les douleurs naïves, les drames, les méfaits, les prouesses, les mille et une expériences de la vie enfantine.
Alors, Clytemnestre se laissa corrompre ; sa vertu se retira d’elle avec la Muse harmonieuse qui l’avait gardée. […] La morne prêtresse défigurait ses nonnes pour mieux les forcer à garder leur vœu.
La figure est jeune encore, les tempes ont gardé leur jeunesse et leur fraîcheur ; la lèvre est fraîche également et n’a pas encore été flétrie, comme on dit qu’elle le devint pour s’être trop souvent froncée et mordue en dévorant la colère ou les affronts. […] Ce livre de Mme Du Hausset laisse une impression singulière ; il est écrit avec une sorte de naïveté et d’ingénuité qui s’est conservée assez honnête dans le voisinage du vice : « Voilà ce que c’est que la Cour, tout est corrompu du grand au petit », disais-je un jour à Madame, qui me parlait de quelques faits qui étaient à ma connaissance. — « Je pourrais t’en dire bien d’autres, m’ajouta-t-elle ; mais la petite chambre où tu te tiens souvent t’en apprend assez. » Mme de Pompadour, après le premier moment passé de féerie et d’éblouissement, jugea sa situation ce qu’elle était, et, tout en aimant le roi, elle ne garda aucune illusion sur son caractère ni sur l’espèce d’affection dont elle était l’objet.
Voici une de ces lettres de d’Alembert qui, voulant toute liberté et toute licence pour lui, n’en souffrait aucune chez les autres (23 janvier 1758) : Monsieur, Mes amis (les amis servent toujours à merveille en ces occasions-là) me forcent à rompre le silence que j’étais résolu de garder sur la dernière feuille de Fréron. […] Je pourrais multiplier les exemples et montrer en un plus grand nombre de cas quel fut le rôle précis de M. de Malesherbes, dépositaire de l’autorité, dans ses rapports avec les gens de lettres de son temps ; combien il les aima et les protégea efficacement, mais non à l’aveugle, et sans jamais manquer à ses devoirs, et comment il sut garder une mesure presque impossible dans une position où il était de toutes parts en butte aux plaintes, aux susceptibilités et aux exigences les plus contraires.
En vertu d’une ordre du comité de sûreté générale du quatorze vantose qu’il nous a présenté le dix-sept de la même anée dont le citoyen Guenot est porteur de laditte ordre, apprest avoir requis le membre du comité révolution et de surveillance de laditte commune de Passy les Paris nous ayant donné connaissance dudit ordre dont les ci-dessus étoit porteurs, nous nous sommes transportés, maison quaucupe la citoyene Piscatory ou nous avons trouvé un particulier à qui nous avons mandé quil il était et le sujest quil l’avoit conduit dans cette maison11 il nous à exibée sa carte de la section de Brutus en nous disant qu’il retournaist apparis, et qu’il étoit Bon citoyent et que cetoit la première foy quil renoit dans cette maison, quil étoit a compagnier d’une citoyene de Versaille dont il devoit la conduire audit Versaille apprest avoir pris une voiture au bureaux du cauche il nous a fait cette de claration à dix heure moins un quard du soir à la porte du bois de Boulogne en face du ci-devant chateaux de Lamuette et apprest lui avoir fait la demande de sa démarche nous ayant pas répondu positivement nous avons décidé quil seroit en arestation dans laditte maison jusqua que ledit ordre qui nous a été communiquié par le citoyent Genot ne soit remplie mais ne trouvant pas la personne dénomé dans ledit ordre, nous lavons gardé jusqua ce jourdhuy dix huit. […] ne pas garder une lettre qui annonce l’arrivée des effets !
Ses ennemis l’empêchèrent d’être nommé à l’Assemblée législative en dénonçant son âge ; il est certain qu’il en garda une rancune profonde, et quand il reparut, un an plus tard, député à la Convention, son cœur était envenimé. […] Il a gardé de son premier métier de poète la faculté des images : seulement les siennes sont sobres, d’une nature sombre et forte ; on dirait qu’il les a trempées dans le Styx : « Pour vous, s’écrira-t-il, détruisez le parti rebelle, bronzez la liberté !
On croit voir aux murs, sur les meubles, l’ombre et la trace d’un enlèvement, d’un monsieur avec sa maîtresse : l’oreiller ne semble avoir gardé que le moule du plaisir. […] Comme nous lui parlions de son portrait du roi Louis-Philippe, il nous dit qu’il sait que le général Dumas envoya, au mois d’août 1848, une lettre du Roi à M. de Montalivet, où Louis-Philippe écrivait à l’Assemblée pour garder ses biens, comme le plus ancien général datant de la Révolution.
Et cependant on peut affirmer que, toute proportion gardée, il y a aujourd’hui infiniment plus de liberté industrielle qu’il n’y en avait avant 1789. […] Il faut se garder d’obscurcir cette idée, car il s’agit de relever les âmes, et non d’achever de les abattre. » Sur un autre point, j’admire également la finesse de l’auteur, mais je n’approuve pas autant sa conclusion.
Gardez-vous bien surtout de remettre à l’automne : L’hiver vient aussitôt ; rien n’arrête le temps ; Clymène, hâtez-vous, car il n’attend personne. […] Il est très possible que ce soit un souvenir que La Fontaine ait gardé dans la mémoire et dont il ait fait ce petit épisode où, du reste, je le reconnais, il n’y a pas d’imagination bien extraordinaire.
Il est encore une erreur fort à la mode, de laquelle je veux me garder comme de l’enfer. — Je veux parler de l’idée du progrès. […] Le tout, comme un ballon sans gaz, qui aurait gardé tout son lest, va inévitablement se briser sur la surface de la planète.
Ainsi cette Assemblée terrible, sans peur et sans repentir, se montrait à sa dernière heure encore fidèle au mot d’ordre du 10 août ; ainsi elle gardait, même en finissant, quelque chose d’illégal, et il y avait, jusqu’au bout, de la colère dans sa manière de fonder la liberté.
Dans un voyage qu’il fit à travers la Bourgogne et les provinces du Midi, il est touchant de le voir « rôder par les champs et dénicher les habitants dans leurs chaumières, regarder dans leur pot-au-feu, manger leur pain, se coucher sur leurs lits sous prétexte de se reposer, mais, dans le fait, pour s’assurer s’ils sont assez doux. » De retour en Amérique, après des adieux bien vifs à la France, pour laquelle il garda toujours une prédilection vraiment tendre, Jefferson suivit jusqu’au bout les vicissitudes et les progrès de ce grand et bon peuple, qu’il considérait comme l’initiateur du vieux monde.
Fions-nous à toutes les impressions du beau et du laid, du sublime, du comique, du tragique, etc. sur notre esprit et sur notre âme, en priant notre bon ange de nous garder des théories et des définitions, qui ôtent au sens littéraire sa candeur naïve, et de la logique, qui lue la liberté.
Voici le premier de ceux dont j’ai gardé un souvenir net.
Le disciple, plus calme et mieux équilibré que le maître, laissa le romantisme et ne garda de cet enseignement que la sagesse purement positiviste qui s’y trouvait contenue.
Le poète gardera une amertume qui transfigurera son verbe, l’illuminera parfois d’une lueur farouche, alors que le vent du rythme emportera ses strophes.
Le roi garda le silence, &, dès le même jour, il fit donner au moribond une somme d’argent.
Ce qui nous a suffi pour l’heure, c’est d’avoir prouvé par ce Journal que Louis XVI n’était pas uniquement de la pâte à victime, comme les écrivains de la Révolution l’avaient fait et voulaient le garder ; c’est d’avoir établi qu’il n’était pas l’espèce de mollusque royal qu’ils disaient, qu’il y avait en lui quelque chose d’intense qu’on ne soupçonnait pas, et qu’il s’est plus perdu par l’excès d’une passion que par l’ignavie qu’on lui a toujours reprochée.
Voici qui va cruellement dégriser ceux qui ont gardé l’illusion que Madame Sand a produite trente années sur ses contemporains, étonnés et ravis !
Si Tourgueneff avait eu l’idée du livre de Bulwer, il aurait appelé son livre : De la Russie et des Russes, ou de quelque autre titre approchant ; mais il s’en est soigneusement gardé.
Comme je l’ai dit plus haut, il a gardé son indépendance, et non seulement vis-à-vis de ceux qu’il prend pour ses maîtres, mais vis-à-vis de ce Dante lui-même, en face duquel sa grande jeunesse aurait pu trembler.
Le Juif le gardait de l’Allemand.
Dans de telles circonstances, on comprend que Lefèvre-Deumier ait gardé dix ans un recueil qui n’a pas, d’ailleurs, l’accent des poésies contemporaines.
Mais d’abord imitatrice du passé, cette poésie, dans sa nouveauté même, gardera les formes de l’art, les règles de l’harmonie, que l’ignorance populaire et l’invasion barbare devaient plus tard confondre et détruire.
Ils s’imaginaient étendre aussi, par leur esprit moderne, les bornes de l’art des anciens ; l’infériorité des ouvrages de ces novateurs sur ceux de Voltaire, prouve s’il a bien fait de garder la route battue pour faire avancer les lumières. […] Les chrétiens, à peine échappés au péril, ayant témérairement publié que l’épée de saint Paul avait mis en fuite le roi des Huns dont la colère les épargna, Genséric ne garda pas la même modération, et sa vengeance brûla les murs de Rome peu de temps après. […] Le corps de Dardinel reste abandonné sur le champ de bataille, que gardent encore les troupes de Charlemagne. […] La supériorité qu’il prouve en ce passage, s’il la soutient en des morceaux détachés, peut-être, ainsi que je l’observai, n’eût-il pu la garder en d’aussi longues entreprises que celles qui valurent à son rival des titres plus recommandables. […] Mais par quel étonnant privilège un poète, sorti du premier berceau des muses, a-t-il constamment gardé son rang supérieur à celui des autres poètes qui le suivirent ?
Dans le fait, s’il veut obéir aux leçons reçues, s’il tient à garder intacte la philosophie qu’on lui a léguée, il ne comprendra pas la douleur. […] Le portier doit garder les portes fermées, et ne laisser entrer personne avant le jour, qui que ce puisse être. […] Nous vois-tu du haut des cieux, sainte femme qui m’as donné ce trésor à garder ? […] Il possède le talent d’attirer les hommes, et de se les attacher par de grandes et de petites attentions ; mais il sait toujours garder lui-même toute sa liberté. […] Vous cherchez le nécessaire de la nature, mais sur une route si difficile que tout esprit moins fort que le vôtre se garderait bien de s’y aventurer.
Et on sautait toujours d’une lame à l’autre, et, à part la mer qui gardait encore sa mauvaise blancheur de bave et d’écume, tout devenait plus noir. […] Pierre Loti a bien, lui aussi, le charme du récit, mais il sait se garder d’être trop habile et il est éloquent. […] Il n’est pas d’appareil photographique qui puisse garder aussi nettement que le cerveau de M. […] C’est égal, Boileau, Montesquieu, Pascal et Voltaire auraient de fiers étonnements, s’ils revenaient, ce dont ils se gardent prudemment. […] Au contraire, ceux qui auront gardé cette maladie et ce tourment inutile de l’idéal auront lieu de souffrir beaucoup.
Gardons-nous de croire l’univers intelligible. Gardons-nous de toutes les hypothèses par lesquelles nous tâchons à nous l’expliquer. […] Gardons-nous encore de dire que la mort est opposée à la vie. […] Gardons-nous… mais quand serons-nous au bout de nos soins et de nos précautions ? […] Ce caractère, il l’a gardé.
Pour sa sécurité, la France a besoin de garder ses frontières naturelles ; or, « prolifique et migrateur », l’Allemand les lui conteste. […] Alors on a vu animés d’une ardeur égale, pour la défense du double héritage, ceux qui avaient à garder le sol, ceux qui avaient à garder la pensée, soldats soudains et soldats pareils, ce paysan que je n’ai pas revu et ce lettré issu de la lignée qui va de Montaigne à Vauvenargues. […] Si, comme il faut le croire, l’impatience de brûleries étapes le tourmenta, il ne céda point à la tentation de se dépêcher et garda son allure. […] On a prêté à l’un des membres de l’opposition cette parole abominable : « Gardons-nous de fournir à l’Empereur les moyens d’une guerre heureuse ! […] On félicitera l’ancien régime, qui gouverna et sut garder à l’écart des égarements populaires la diplomatie et ses conséquences.
Cela est d’ailleurs indifférent ; ce manuel serait inutile, plus encore que je ne le crois, que tel et tel de ses chapitres garderaient leur intérêt de documentation et d’exposition. […] Très souvent, dans le cliché, un des mots a gardé un sens concret et ce qui nous fait sourire c’est moins la banalité de la locution que l’accolement d’un mot vivant et d’un mot évanoui. […] Gardez soigneusement cette parole dans votre cœur ; elle peut vous éviter bien des ennuis et vous sauver du naufrage auquel sont sujets même des gens de votre sorte. […] Tout ce qu’il faut, mais sans excès ; et vous saurez garder dans cette exécution la dignité d’un jeune ami à la fois respectueux et affligé. […] Enfin l’italien est le vestibule direct du latin qui, en ces siècles éloignés, a gardé son prestige sacré.
Pardonnons-lui ce travers innocent, et gardons-nous de ressembler à ces mauvais écoliers qui raillent la manie de leur maître. […] Mais c’est sûrement un des hommes les plus intelligents d’aujourd’hui, je veux dire un de ceux qui ont gardé le goût et le sens des choses de l’esprit. […] Ils mettent longtemps à mourir, et ils gardent les morts debout jusqu’à la chute en poussière. […] Ne gardez, au contraire, que la petite observation méphistophélique, et vous reconnaîtrez l’accent nihiliste des livres les plus achevés de M. […] Mais s’il justifie leur façon d’écrire, il se garda toujours d’écrire comme eux.
D’où vient que Corneille, Racine, Molière, et La Fontaine, ont gardé tant de pouvoir sur les esprits ? […] Les tableaux qu’on en tracera, sous les titres de chacun, garderont tous un même ordre que le tableau de ces premiers principes d’examen. […] Ce furent les lettres qui l’affermirent chez tous les peuples, nés pour la désirer, capables de la conquérir, jaloux de la garder, instruits à la défendre, et, par là, dignes de la conserver. […] Chez les anciens, l’action est nue, et dégagée de tout ornement inutile ; la seule diversité des rôles opposés produit la variété de l’effet total de leurs ouvrages : mais tous les caractères gardent, d’un bout à l’autre, leur même mouvement, et leurs mêmes déterminations. […] Mais gardons-nous le plus possible d’écarter ces barrières qui ferment la lice tragique à la barbarie ou à l’impuissance des médiocres talents.
Pour mieux dire il en avait gardé les défauts et n’avait gardé aucune de ses qualités. […] Il faut bien s’en garder. […] Il a vu la Révolution, affreuse partout, épouvantable, comme on sait, à Lyon, et il a gardé de ces scènes horribles, un souvenir que l’on retrouve à peu près dans tous ses ouvrages. […] Avec Ballanche, nous entrons dans cette génération d’hommes qui ont été ébranlés jusqu’au fond de leur imagination par le drame révolutionnaire, et qui, chacun selon sa tournure d’esprit, en garderont je ne sais quelle tendance à une forme ou à une autre de mysticisme. […] Mais ce retour n’était pas accompli vers 1840 ; et les poètes romantiques devenus historiens et professeurs, avec ambitions politiques, devaient longtemps garder des traces de l’éloquence néo-révolutionnaire, qui eut, pendant tout le règne de Louis-Philippe, grande faveur, et, en 1848, son plein épanouissement.
C’est aussi par paresse que je me suis servi de l’Avare de Molière. » Il faut se garder de l’excès des meilleures choses et le patriotisme lui-même peut faire dire parfois des sottises. […] Vous croyez que tout le bonheur possible consiste à avoir de l’argent et à le garder ; vous croyez que, s’il y a un paradis, c’est un lieu où chacun a beaucoup d’argent et peut le garder sans crainte des voleurs. […] Le vrai Onuphre, qui veut acquérir et entretenir une réputation d’intégrité et de sainteté, se gardera bien de donner toujours raison aux forts. […] Non, Don Juan n’a pas gardé le sentiment de l’honneur ; Don Juan est une espèce. Mais Don Juan est une espèce qui a gardé quelques gestes instinctifs de la classe dont il est.
Je crois qu’il faut garder la forme de l’alexandrin, admirable par son jeu de nombres premiers qui additionnés donnent les dissonances, et multipliés, les eurythmies. […] vous gardiez quand même Votre rire puéril… » Et bientôt l’âme d’avril, l’âme de la lumière Expira dans un rythme funèbre, sur un la. […] Les pleurs répandus, les baisers vibrants, Uniront les cieux aux mondes souffrants Comme l’arc-en-ciel aux heures d’alarmes… — Terre, nous gardons ton culte béni, Car nous retrouvons, peuplant l’Infini, L’air de nos baisers et l’or de nos larmes. […] Nous devons, certes, remercier le grand Ronsard de nous avoir tracé, même à ses dépens, la route inconnue de la véritable poésie lyrique ; mais puisque nous avons le bonheur de pouvoir suivre l’exemple d’un Racine et d’un La Fontaine, ne nous entêtons pas à bouleverser l’ordre de la beauté, et gardons-nous de l’ambition de plaire un instant à quelques personnes d’un goût bizarre. […] les rives enchantées d’une « saine » et « vraie » Arabie heureuse — du moins il aura gardé les éblouissements ; nous en aurons, du reste, bientôt la preuve dans une tragédie (Iphigénie) dont il ciselle les derniers vers et qu’il va bientôt faire paraître.