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1898. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Comme eux, il paraissait n’avoir rien à craindre d’un pouvoir élevé si fort au-dessus de lui, et son obscurité pourtant ne lui a pas servi d’asile. […] C’est en France qu’a été inventée cette maxime, qu’il valait mieux frapper fort que juste. Contre un pareil principe, il faut des règles fixes, qui empêchent les écrivains de frapper tellement fort qu’ils ne frappent plus juste du tout. […] Mais lorsque l’amour, au contraire, est, comme dans la poésie allemande, un rayon de la lumière divine qui vient échauffer et purifier le cœur, il a tout à la fois quelque chose de plus calme et de plus fort : dès qu’il paraît, on sent qu’il domine tout ce qui l’entoure.

1899. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Mais on ne fait pas attention que ces états forts de la conscience commune ne peuvent être ainsi renforcés sans que les états plus faibles, dont la violation ne donnait précédemment naissance qu’à des fautes purement morales, ne soient renforcés du même coup ; car les seconds ne sont que le prolongement, la forme atténuée des premiers. […] Mais si ce même sentiment devient plus fort, au point de faire taire dans toutes les consciences le penchant qui incline l’homme au vol, il deviendra plus sensible aux lésions qui, jusqu’alors, ne le touchaient que légèrement ; il réagira donc contre elles avec plus de vivacité ; elles seront l’objet d’une réprobation plus énergique qui fera passer certaines d’entre elles, de simples fautes morales qu’elles étaient, à l’état de crimes. […] Si donc celle-ci est plus forte, si elle a assez d’autorité pour rendre ces divergences très faibles en valeur absolue, elle sera aussi plus sensible, plus exigeante, et, réagissant contre de moindres écarts avec l’énergie qu’elle ne déploie ailleurs que contre des dissidences plus considérables, elle leur attribuera la même gravité, c’est-à-dire qu’elle les marquera comme criminels. […] S’ils étaient trop forts, ils ne seraient plus plastiques.

1900. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan s’est fort altéré. […] Ainsi, la plus forte, en lui, certainement, c’est qu’il n’y a pas de Dieu ; « Dieu », — dit-il, en lâchant la queue d’Auguste Comte pour la queue de Spinosa, — « Dieu est la raison de ceux qui n’en ont pas. » Et pourtant, à quelques pages plus loin, il affirme qu’une ingénieuse providence prend ses précautions pour assurer la sustentation de l’univers. […] Madame Sand, cette forte jupe philosophique, comme on sait, avait fait à ce livre sa dernière révérence avant de s’en aller dans l’autre monde. […] Mais c’est justement parce qu’il était empereur qu’il pouvait le faire sans danger… parce que l’opinion de l’empereur — de ce détenteur absolu du pouvoir suprême — pouvait tout sur un peuple sénile, corrompu et dégénéré, usé au frottement des tyrannies, comme était le peuple romain même quand ce détenteur du pouvoir suprême était un monstre, à plus forte raison quand il s’avisait d’être un sage !

1901. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Ce qu’elle exprime le mieux, dans ses formules concises, c’est la tradition, l’âme sensée, forte et passablement satirique de la vieille France. […] Brunetière, ont cet inconvénient qu’il n’y a rien de si difficile que de résister à la tentation de s’en servir. » Je réponds que cela dépend, et que s’il est un usage dangereux des notes, il en est un autre fort légitime et utile. […] Je serais heureuse qu’un être plus fort que moi, plus fort surtout par l’amour que j’aurais pour lui, fût mon guide et m’absorbât toute. » « Au contraire des autres, je mesure l’affection qu’on me donne, et que je donne, aux tristesses éprouvées. » Voulez-vous enfin des impressions d’artistes, écrites par de simples employées de la mode ?

1902. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Il hésite à entrer en contact avec les faits, quels qu’ils soient, à plus forte raison avec des faits tels que les maladies mentales : il craindrait de se salir les mains. […] Sans doute, le va-et-vient des acteurs, leurs gestes et leurs attitudes, ont leur raison d’être dans la pièce qu’ils jouent ; et si nous connaissons le texte, nous pouvons prévoir à peu près le geste ; mais la réciproque n’est pas vraie, et la connaissance des gestes ne nous renseigne que fort peu sur la pièce, parce qu’il y a beaucoup plus dans une fine comédie que les mouvements par lesquels on la scande. […] Remarquez que la pensée réelle, concrète, vivante, est chose dont les psychologues nous ont fort peu parlé jusqu’ici, parce qu’elle offre malaisément prise à l’observation intérieure. […] Là où la lésion cérébrale est grave, et où la mémoire des mots est atteinte profondément, il arrive qu’une excitation plus ou moins forte, une émotion par exemple, ramène tout à coup le souvenir qui paraissait à jamais perdu.

1903. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 365-366

Il s’est fait une forte de réputation par son Ouvrage de l’Action de Dieu sur les Créatures.

1904. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 447

Ceci n’est pas encore un grand éloge : le Monarque pouvoit se contenter à peu de frais, & le Savant paroître merveilleux avec une érudition fort ordinaire.

1905. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 483-484

Un Poëte qui travaille pour souper, n’a jamais des inspirations aussi vives & aussi fortes qu’Horace, qui, comme dit Despréaux, a bu tout son soûl quand il voit les Ménades.

1906. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Sur le comte Dandolo. (Article Marmont, p. 51.) » p. 514

II, p. 233) : « Dandolo, homme d’un caractère vif, chaud, enthousiaste pour la liberté, fort honnête homme, avocat des plus distingués, se mit à la tête de toutes les affaires de la ville… » Son fils, le comte Tullio Dandolo, lui-même écrivain très connu, possède des lettres de Bonaparte, dans lesquelles le premier Consul parle à son père d’« affection » et de l’« estime la plus vraie ».

1907. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Ou bien l’expression n’a retenu de la pensée qu’une faible réminiscence qu’elle laisse à peine entrevoir sous sa pâleur, ou bien elle a prêté à cette pensée trop d’éclat, trop de saillie, et l’a altérée en y ajoutant : c’est même là le défaut ordinaire d’un esprit impétueux et fort. […] Il se décrit lui-même fort complaisamment, comme a fait autrefois le sylphe, et comme font assez volontiers tous les personnages du poète.

1908. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

M. de Chateaubriand, plus fort, plus grand homme, et sachant mieux à quoi se prendre, frappa bien davantage ; lorsqu’il commença pourtant, il était moins que madame de Staël en harmonie avec l’esprit progressif et les destinées futures de la société, mais il s’adressait à une disposition plus actuelle et plus saisissable ; il s’était fait l’organe éclatant de tout ce parti nombreux que la réaction de 1800 ramenait vivement aux souvenirs et aux regrets du passé, aux magnificences du culte, aux prestiges de la vieille monarchie. […] On a pu plaisanter fort agréablement sur le Cénacle littéraire ; et, certes, il faut le laisser parmi les souvenirs de la Restauration, où il avait bien le droit de figurer à distance respectueuse du canapé politique.

1909. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

En effet, les hommes peuvent toujours cacher leur amour-propre et le désir qu’ils ont d’être applaudis sous l’apparence ou la réalité de passions plus fortes et plus nobles ; mais quand les femmes écrivent, comme on leur suppose en général pour premier motif le désir de montrer de l’esprit, le public leur accorde difficilement son suffrage. […] La délicatesse du point d’honneur pouvait inspirer aux hommes quelque répugnance à se soumettre eux-mêmes à tous les genres de critique que la publicité doit attirer : à plus forte raison pouvait-il leur déplaire de voir les êtres qu’ils étaient chargés de protéger, leurs femmes, leurs sœurs ou leurs filles, courir les hasards des jugements du public, ou lui donner seulement le droit de parler d’elles habituellement.

1910. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Enfin elle est accompagnée d’une sensibilité bornée : les sensations extrêmes sont douloureuses et confuses ; les sensations analogues se mêlent et se brouillent ; les sensations contraires se détruisent ; les sensations simplement différentes s’affaiblissent et vivent aux dépens les unes des autres ; les sensations fortes sont tyranniques et veulent être seules dans l’âme, chassant ou excluant toutes les autres. […] Le lien des parties sera plus serré ou plus lâche, l’homogénéité plus ou moins forte ; la diversité des impressions faites sur l’âme pourra aller jusqu’à une certaine contrariété, comme leur analogie pourra être resserrée dans une rigoureuse identité.

1911. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

C’était un probe et fort esprit, excite plutôt que tourmenté par l’impossibilité de savoir où est la vérité. […] Ce n’est pas sa faute si les raisons contre paraissent les plus fortes, si, après l’avoir lu, l’on est tenté de conclure pour les hérétiques.

1912. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

De nos jours, il est vrai, l’esprit jacobin renonce à la manière forte, il prend la forme souple et discrète de l’éducationnisme, mais peu importent les moyens qu’il emploie, le but reste le même. […] Outre que ces garanties sont difficilement utilisables et toujours incertaines dans leurs effets, elles peuvent être rendues de plus en plus vaincs et finalement annihilées par un État devenu trop fort.

1913. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Les désordres qu’on expliquait par des possessions étaient souvent fort légers. […] Jésus se fût obstinément refusé à faire des prodiges que la foule en eût créé pour lui ; le plus grand miracle eût été qu’il n’en fît pas ; jamais les lois de l’histoire et de la psychologie populaire n’eussent subi une plus forte dérogation.

1914. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Les ennemis de Jésus furent fort irrités de tout ce bruit. […] Ce parti était fort opposé aux séditions populaires.

1915. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

On trouve de temps en temps, dans ceux qu'il a publiés, des étincelles de lumiere, des connoissances, quelques images brillantes, des traits fiers & vigoureux, des pensées fortes, exprimées avec une sorte d'énergie. […] Par-là il tombe dans l'écueil que Quintilien recommande si fort d'éviter.

1916. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Sa prose, quoique fort supérieure à ses vers & pleine de raison, est précieuse, épigrammatique & forcée. […] Mes vers sont durs, d’accord, mais forts de chose, De grace, ouvrez, je veux, à Despréaux, Contre les vers, dire avec goût deux mots.

1917. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Que le meilleur de leur style soit perdu pour nous, il est très possible, et nous l’avons dit ; mais que leur émotion, leurs images, leur vie descriptive, leurs fortes qualités intérieures ne se puissent plus sentir, c’est, je crois, ce que personne ne soutiendra. […] Car ils sont fort rares, par bonheur, les écrivains français qui ont su le grec. » Que beaucoup de grands écrivains français aient imité Homère, c’est un fait que toutes les négations du monde ne détruiront pas ; et si, de plus, ils ignoraient le grec, cela prouve qu’il n’est pas nécessaire de le savoir pour faire des chefs-d’œuvre et fructueusement imiter Homère, Nous ne disons pas autre chose.

1918. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Le système de Platon a prévalu dans le monde, et il devait y prévaloir ; mais soyons persuadés que, sans le petit nombre de pythagoriciens qui sont restés fidèles à la doctrine des épreuves et des ménagements ; qui savent que le pain des forts ne peut pas être distribué à tous ; que tous ne peuvent pas être nourris de la moelle du lion ; que le lait doit être donné à l’enfant jusqu’à ce qu’il puisse manger les fruits de la terre ou la chair des animaux ; soyons persuadés, dis-je, que sans le petit nombre de pythagoriciens fidèles, les vérités seraient encore plus-gaspillées qu’elles ne le sont, et déshonorées par plus de discussions intempestives : heureusement il en est resté en réserve. […] N’oublions pas non plus que les publicistes et les jurisconsultes en France, et hors de France, discutaient fort librement les droits de Louis XIV au trône d’Espagne.

1919. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Habile architecte, grand archéologue, et plus grand critique d’art encore, Daly avait triple mission, de par ses trois spécialités, de nous parler de cette organisation des concours, la plus grande question pratique d’art et d’État qui à cette heure puisse être agitée, et il l’a fait dans un livre que je n’appellerai pas court, puisqu’il dit tout ce qu’il faut dire et que nulle part je n’ai vu la substance tout entière du sujet qu’on traite tenir moins de place dans une langue plus forte et plus claire. […] L’artiste de l’esprit et de la main s’était vingt fois, cent fois, attesté dans cette revue, dont le caractère est l’universalité des notions dans la perfection du détail ; mais pour l’architecture, pour celui qui jette la pierre ou le marbre dans les airs et l’y fait rester, à l’étonnement et à l’admiration éternelle des hommes l’artiste pratique, l’artiste réalisateur, n’avait pas encore répondu à ceux-là qui, sans idées générales dans la tête, reprochaient presque à Daly les fortes spéculations de sa pensée.

1920. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Les mœurs étaient fortes et la législation sévère, et les bons tours, comme ils disaient, ces joyeux compaignons, trop joyeux, ne coûtaient rien moins… qu’un licou. […] Villon a toujours gardé en lui l’amour de sa mère, cet amour qui nous embaume si mélancoliquement la vie quand notre mère n’est plus, la foi ardente du Moyen Âge au Dieu crucifié, le sentiment de l’honneur de la France, et la fidélité dans l’amour, — même dans l’amour coupable et trahi — l’immortelle fidélité des âmes fortes !

1921. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Elle ressemble à ces escaliers de l’Enfer, qu’on ne monte ni ne remonte jamais… Un écrivain de forte intelligence, qui se moque de tout, excepté des faits, Taine, que j’ai loué et que je suis prêt à louer encore, a écrit l’histoire de la Révolution, mais en la prenant par en bas, — dans la boue sanglante où elle s’est vautrée et où elle doit rester dans la mémoire des hommes, et cela fît, si l’on s’en souvient, un assez glorieux scandale… Les scélératesses et les canailleries révolutionnaires sont entassées dans le livre de Taine, à l’état compact, pour entrer, d’un seul coup, dans l’horreur des cœurs bien placés et des esprits bien faits. […] …) plus forts que la dignité et la placidité de sa plume, il montre une patience qui résiste à tout, même quand il n’a plus d’espérance !

1922. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Il était dans la destinée de madame de Maintenon d’avoir contre elle les deux plus fortes influences qui pussent agir sur la tête d’un pays comme la France : la Philosophie du xviiie  siècle, et, au xviie , la magie du Talent le plus atroce à ses ennemis qui ait peut-être jamais existé ! […] … Que, si une favorite d’une autre époque, la Léonora Galigaï, la magicienne de Florence, accusée de philtres et de charmes pour expliquer son inexplicable puissance sur Marie de Médicis, répondait que toute sa sorcellerie était l’influence d’une âme forte sur une âme faible, on aurait pu se demander plus tard quelle devait donc être celle d’une femme sur un homme dans toute la maturité de son âme et de son génie, sur un homme qui était le roi du bon sens, de la convenance, de la fierté et de l’ennui, sur un Louis XIV de quarante-cinq ans ?

1923. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

J’y ai admiré cette hauteur d’âme qui s’élève si fort au-dessus des petits brillants des Isocrates… Le grand, le pathétique, le sentiment, voilà mes premiers maîtres. […] Grâce à Dieu, retiré, contre les pestes de son temps, dans ce lazaret d’un régiment, la dernière chose de l’ancienne monarchie qui ait été corrompue, s’il n’échappa point à tous les miasmes contemporains, ce qui est impossible à l’être perméable que l’on appelle l’homme le plus fort, il échappa du moins au plus grand nombre et aux plus dangereux.

1924. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Il n’était d’aucune façon assez poète pour toucher à cet homme-poème ; il n’était d’aucune façon assez fort en nature humaine pour toucher à cet homme-roman. […] Jamais le devoir, la pure et austèrement tranquille idée du devoir n’eut dans une faible créature de Dieu une incarnation plus exquise, plus forte et plus belle.

1925. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Résumé d’une puissante plénitude, ce n’est là, après tout, qu’un morceau d’histoire… L’auteur a coupé dans l’histoire universelle de l’Église l’histoire de son gouvernement temporel, et il nous l’a montré depuis son origine et ses premières luttes jusqu’aux dernières, — depuis Constantin, et même avant, jusqu’à Napoléon, et même après, — et il a éclairé ce fort résumé d’une si pénétrante et pourtant si sobre lumière, qu’aucun éblouissement n’est possible et qu’il reste évident, pour qui lit attentivement cette histoire, que le gouvernement temporel de la Papauté, de tous les gouvernements déchirés par les hommes certainement le plus déchiré, est aussi essentiel au Christianisme, aussi constitutif de sa nature que son gouvernement spirituel, et qu’il y a entre eux une nécessité d’existence, une consubstantialité qui fait leur identité même, et contre laquelle rien ne pourrait prévaloir d’une manière absolue sans entraîner la mort de tous les deux ! […] L’auteur du Gouvernement des Papes a pris pour épigraphe cette forte parole : Res, non verba !

1926. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Cette païenne qui a toujours répugné au mariage parce qu’elle n’a jamais senti en elle que l’amour des courtisanes lettrées de la Grèce, cette femme qui pressentait, dès le xiie  siècle, les libertés saint-simoniennes de notre temps, écrit dans ses lettres cette déclaration de principes : « Quoique le nom de femme soit jugé plus fort et plus saint, — (quel préjugé !)  […] … » Franchement, l’homme qui a écrit de ce style-là, sans le changer ou le modifier jamais dans tout son livre, est trop fort dans la déclamation pour trouver qu’Héloïse puisse être jamais déclamatoire et pour juger de la sincérité de quoi que ce soit dans l’expression des idées ou des sentiments.

1927. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Il n’était d’aucune façon assez poète pour toucher à cet homme-poème ; il n’était d’aucune façon assez fort en nature humaine pour toucher à cet homme-roman. […] Jamais le devoir, la pure et austèrement tranquille idée du devoir, n’eut dans une faible créature de Dieu une incarnation plus exquise, plus forte et plus belle.

1928. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Ce Doudan, qui s’appelait Ximénès et qui n’était pas cardinal, — l’aurait-il été que ce n’eût pas été comme Ximénès, mais comme Bembo, — ce Ximénès Doudan sortait de terre, comme une taupe, ou de Douai, cette taupinière, et serait resté un petit professeur perdu quelque part sans les de Broglie, qui le prirent chez eux comme précepteur, et qui tombèrent bientôt sous le charme de cet esprit à qui les bégueules de la politique ne résistaient pas et qui, plus fort que Don Juan qui ne séduisait que les femmes, accomplissait ce tour de force et de souplesse de séduire des doctrinaires… Joubert avait été l’ami de Chateaubriand. […] Mais, pour commencer par les géants de ce temps-là, comment a-t-il traité, lui, le littérateur qui se connaissait autant à la forme qu’à la pensée, comment a-t-il traité de Maistre et Bonald, les deux plus forts esprits du siècle certainement ?

1929. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Elle était de force à peloter avec les plus forts esprits de cette époque, où la conversation était adorée. […] Mais Sophie Arnould, qui ne savait pas l’orthographe, n’était qu’une jouisseuse en toute chose, et elle laissait perdre la mousse de son esprit comme la mousse du vin de Champagne, sur le pied du verre, à souper… Spirituelle, n’étant que spirituelle en tout, cette diablesse d’esprit n’était pas jolie, et même le portrait qu’en donnent MM. de Goncourt, à la tête de leur ouvrage et d’après un dessin du xviiie  siècle, nous la crache fort laide.

1930. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Encore une fois, nous le répétons, on peut passer beaucoup à un traducteur, comme à un voyageur qui revient de fort loin, mais il est des bornes pourtant à l’affirmation et à l’enthousiasme, surtout quand le traducteur est un homme de science et d’esprit qui, s’il ne s’agissait pas de son fétiche hindou, aurait le sentiment des choses poétiques tout aussi sûr et aussi net que nous qui le jugeons. […] Parisot vante beaucoup trop pour un chrétien (car nous avons mieux que tout cela, nous, et non pas dans des poèmes aux idéalités menteuses, mais en pleine réalité, en pleine histoire), n’est guères, il faut bien en convenir, que débris épars de traditions antérieures, membres coupés d’une vérité primitive, de la grande Massacrée dont les lambeaux ont été semés dans tous les pays du monde pour qu’on sût partout qu’elle avait existé, complète, quelque parti Si donc un reflet troublé ou affaibli d’une poésie quelconque pénètre à travers l’inextricable fourré d’un poème où la plus forte attention peut s’égarer comme un éléphant dans les jungles, cette poésie n’appartient ni à la pensée de Valmiki, ni à l’esprit de sa race.

1931. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

J’y ai admiré cette hauteur d’âme qui s’élève si fort au-dessus des petits brillants des Isocrates… Le grand, le pathétique, le sentiment, voilà mes premiers maîtres. […] Grâce à Dieu, retiré, contre les pestes de son temps, dans ce lazaret d’un régiment, la dernière chose de l’ancienne monarchie qui ait été corrompue ; s’il n’échappa point à tous les miasmes contemporains, ce qui est impossible à l’être perméable que l’on appelle l’homme le plus fort, il échappa du moins au plus grand nombre et aux plus dangereux.

1932. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Cette païenne qui a toujours répugné au mariage parce qu’elle n’a jamais senti en elle que l’amour des courtisanes lettrées de la Grèce, cette femme qui pressentait, dès le douzième siècle, les libertés saint-simoniennes de notre temps, écrit dans ses lettres cette déclaration de principes : « Quoique le nom de femme soit jugé plus fort et plus saint (quel préjugé !) […] … Franchement, l’homme qui a écrit de ce style-là, sans le changer ou le modifier jamais dans tout son livre, est trop fort dans la déclamation pour trouver qu’Héloïse puisse être jamais déclamatoire, et pour juger de la sincérité de quoi que ce soit dans l’expression des idées ou des sentiments.

1933. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Moland et d’Héricault le publient, nous paraît supérieur, non seulement à toutes les traductions que l’on a faites, depuis, de l’Imitation, mais, le croira-t-on et n’est-ce pas là une de ces choses qui vont paraître d’une singularité un peu forte à beaucoup d’esprits ? […] Ceux qui ont reçu les coups du monde et les morsures du monde trouvent ce livre sans forte connaissance du fin fond du cœur.

1934. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Mais, de tous les philosophes à philosophie dont ce philosophe sans philosophie s’est occupé, celui qui l’a tenu le plus fort, celui qui a le plus secoué sa pensée, c’est Abélard. […] Mais il y a pourtant, entre Abélard et lui, cet intégral Charles de Rémusat, des ressemblances qui expliquent son admiration ; car les hommes, ces Narcisses, se mirent toujours un peu eux-mêmes dans les admirations qu’ils ont… En philosophie, Charles de Rémusat a des parentés très visibles avec Abélard, esprit au fond plus subtil que fort, qui n’allait point — comme les grands Décidés de l’Intelligence, lesquels en sont aussi les plus puissants, — à l’extrémité de toute doctrine, mais qui se plaçait entre deux… Oui !

1935. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Mais ce qu’on sait moins, ce qu’on n’explique pas et ce que le livre de Mgr Salvado nous montre avec une évidence nouvelle sur laquelle nous croyons utile d’insister, c’est que l’apport de la vie sociale aux brutes de la horde humaine n’est jamais que le fait du prêtre catholique, et qu’en dehors du prêtre catholique rien n’est possible, même aux gouvernements les plus forts qui veulent créer des sociétés à leur image et les frapper à leur effigie, sous le coup de balancier de leurs colonisations ! […] Et les signaler d’autant plus que, ces faits, les Anglais ont déjà commencé de les reconnaître avec une bonne foi plus forte que les préjugés et une fermeté d’intelligence très digne d’une nation politique, qu’on nous permette le mot !

1936. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Lime qui use les dents qui la mordent, l’Histoire a toujours une partie résistante et pectorale que les plus forts et les plus fins serpents ne sauraient entamer, et Charles de Rémusat n’est pas le dragon de Cadmus ! […] Trop fin pour être fort, cet homme de bonne compagnie, ce lettré pâle et blond, a finassé avec l’expression de ses haines ou de ses ressentiments politiques, et il a raté le pamphlet, — le pamphlet, qui n’est ni une affaire de réticence ni un zézaiement de salon ou d’académie !

1937. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Ce sera tout ce que vous voudrez, des impressions personnelles, les impressions d’un Ostrogoth ou d’un Gépide, — mais d’un Ostrogoth ou d’un Gépide à sensations fortes, et qui, d’ailleurs, a été baptisé, ce qui est de rigueur pour apprécier un travail sur la Bible. […] Il est prouvé maintenant, d’après de récentes découvertes, que Raphaël était théologien, ou que, du moins, il était conseillé par les plus forts théologiens de son temps.

1938. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

impossible d’en saisir la trace, et le voilà qui manque également de grande imitation et de forte originalité ! […] On rapporte qu’un jour, au plus fort de l’hiver, Entrant chez un vieillard malade et peu couvert, Quelle charmante litote !

1939. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Les uns (et ce sont les plus forts) lui ont pris de sa magnifique opulence d’inspiration ou de sujets : lyriques, héroïques, bucoliques, élégiaques ; les autres, la variété de ses rythmes d’une invention si savante, si retorse et si subtile, véritables arabesques également pour l’œil et pour l’oreille, inconnus avant lui et auxquels, après lui, on n’a presque rien ajouté. […] La langue, grandie et devenue forte comme les petits de la lice, se retourna férocement contre sa poésie et lui prit sa place au soleil, jusqu’au moment impatienté, que j’ai signalé au commencement de ce chapitre, où le poète, malgré la langue qu’il avait parlée, à force de Poésie, ressuscita !

1940. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Et c’était logique et justice que le plus fort de tous les Bohêmes contemporains naquît au sein de la Bohême du refuge et du sang-mêlé de toutes les révoltes ! […] Évidemment, s’il avait été un autre homme, il aurait pu combler, avec des affections fortes ou des vertus domestiques, cette solitude qui a fait pis que de dévorer son génie, car elle l’a dépravé.

1941. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Soit le défaut des circonstances, soit celui d’une imagination ardente et forte, il fut sans cesse entraîné vers des objets d’éclat. […] Quelque jugement qu’on porte sur le caractère moral de ce ministre, le premier de son siècle, et fort supérieur aux Bukingham et aux Olivarès qu’il eut à combattre, son nom, dans tous les temps, sera mis bien loin hors de la foule des noms ordinaires, parce qu’il donna une grande impulsion au-dehors ; qu’il changea la direction des choses au-dedans ; qu’il abattit ce qui paraissait ne pouvoir l’être ; qu’il prépara, par son influence et son génie, un siècle célèbre ; enfin, parce qu’un grand caractère en impose même à la postérité, et que la plupart des hommes ayant une imagination vive et une âme faible, ont besoin d’être étonnés, et veulent, dans la société comme dans une tragédie, du mouvement et des secousses.

1942. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

On ne peut douter que les deux oraisons funèbres de Le Tellier, où Fléchier et Bossuet le représentent comme un grand homme et comme un sage, le jour et le lendemain qu’elles furent prononcées, n’aient été fort applaudies à la table et dans l’antichambre de Louvois, qui était son fils, et qui était tout-puissant ; mais si elles avaient été lues à ceux qui avaient suivi la vie entière de Le Tellier, qui l’avaient vu s’élever par degrés, et qui, si l’on en croit les mémoires du temps, n’avaient jamais vu en lui qu’un courtisan adroit, toujours occupé de ses intérêts, rarement de ceux de l’État, courant à la fortune par la souplesse, et l’augmentant par l’avarice, flatteur de son maître, et calomniateur de ses rivaux ; si elles avaient été lues à Fouquet dans sa prison, à ce même Fouquet dont Le Tellier fut un des plus ardents persécuteurs, qu’il traita avec la basse dureté d’un homme qui veut plaire, et qu’il chercha à faire condamner à mort, sans avoir cependant le bonheur cruel de réussir ; si elles avaient été lues en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, à toutes ces familles de Français que la révocation d’un édit célèbre, révocation pressée, sollicitée et signée avec transport par Le Tellier, fit sortir du royaume, et obligea d’aller chercher un asile et une patrie dans des contrées étrangères ; qu’auraient pensé tous ces hommes, et des oraisons funèbres, et de l’éloquence, et des orateurs ? […] Il ne sera pas mis non plus parmi ces grands hommes d’état nés pour être conquérants et législateurs, puissants par leur génie, grands par leur propre force, qui ont créé leur siècle et leur nation, sans rien devoir ni à leur nation ni à leur siècle : cette classe des souverains n’est guère plus nombreuse que la première ; mais il en est une troisième qui a droit aussi à la renommée : ce sont ceux qui, placés par la nature dans une époque où leur nation était capable de grandes choses, ont su profiter des circonstances sans les faire naître ; ceux qui avec des défauts ont déployé néanmoins un esprit ferme et toute la vigueur du gouvernement, qui, suppléant par le caractère au génie, ont su rassembler autour d’eux les forces de leur siècle et les diriger, ce qui est une autre espèce de génie pour les rois ; ceux qui, désirant d’être utiles, mais prenant l’éclat pour la grandeur, et quelquefois la gloire d’un seul pour l’utilité de tous, ont cependant donné un grand mouvement aux choses et aux hommes, et laissé après eux une trace forte et profonde.

1943. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Delavigne a puisé les éléments de son poème serait chose fort difficile assurément. […] Henri de Muller arrive fort à propos. […] Vraiment, je suis fort embarrassé de conclure. […] Son bras serait assez fort pour terrasser l’ennemi ; mais il vaut mieux le prévenir par la ruse et ménager le sang de l’armée. […] Je doute fort que cette épuration préliminaire profite longtemps au succès de la pièce.

1944. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Si brièvement que je sois résolu de le faire, je crains fort d’être encore assez long, et je vous en fais mes excuses par avance. […] Ajouterai-je une autre et fort bonne raison ? […] Jusque dans les dernières années de la Restauration, Villemain, par exemple, mettait encore Manlius fort au-dessus du médiocre. […] Cette situation entre trois hommes est toujours délicate pour une femme, et vous savez que Célimène elle-même s’en est fort mal tirée ! […] Nous avons de lui de fort belles Satires, et mon maître l’aimait beaucoup, lui et tous les honnêtes gens de son temps, comme Virgile, Néron, Plutarque, Ulysse et Diogène.

1945. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 351-352

Cet Ouvrage a été cependant accueilli, mais par ces fortes de personnes qui cherchent plutôt à achever de s’aveugler par les productions d’une impiété en délire, qu’à s’éclairer dans des Ouvrages plus propres à contenter la saine raison.

1946. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 20-21

C’étoit un Philosophe dans le sens qu’on attachoit à ce mot, avant que nos prétendus Esprits forts l’eussent usurpé.

1947. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

M. de Chateaubriand lui-même, malgré son âpre et forte nature, n’y est point parvenu. […] Comment a-t-elle pu devenir ce que M. de Balzac, dans sa langue, eût appelé une femme si forte ? […] Mercier a raison les poëtes, ou, si l’on veut, les hommes d’imagination, seront toujours, je le crains, de fort médiocres maris. […] Il n’y a pas, on le sait, d’éducation complètement forte et virile sans un peu de lutte et d’adversité. […] Saint-Martin, fort heureusement, ne fut rien de tout cela ; en nous racontant sa vie, M. 

1948. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Ce n’est donc pas sur moi, mes Pères, que tombe le fort de cette accusation, mais sur le Port-Royal, et vous ne m’en chargez que parce que vous supposez que j’en suis. […] La pente était trop rapide et le courant trop fort. […] Eux aussi, comme les dévots, ils se croient plus forts ou plus habiles que la nature, et ils se vantent, comme eux, de la réparer, de la rectifier, et au besoin de la perfectionner. […] Ceux-ci, en particulier, « savent, la plupart, de fort belles humanités, savent parler en beau latin, savent nommer en grec toutes les maladies, les définir et les diviser ». […] Le préjugé n’est pas moins fort en lui contre les gens de lettres.

1949. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Thiers termine par ce beau résumé cette glorification de l’intelligence en faisant de l’intelligence et de la justice une même qualité dans l’historien, ce qui est vrai sans doute pour lui, mais certes pas pour les autres ; car Machiavel était fort intelligent, mais nul ne lui a donné l’éloge d’être juste. […] Tout ce qui était venu des armées du Rhin montrait peu de penchant pour l’expédition d’Égypte ; au contraire les officiers originaires de l’armée d’Italie, quoique fort tristes de se voir si loin de la France, étaient favorables à cette expédition, parce qu’elle était l’œuvre de leur général en chef. […] On ne peut nier cependant, en étudiant la nature forte, mais revêche, de ce grand soldat, que ce ne fût une de ces natures plus propres à obéir qu’à commander, hommes qui rachètent sans cesse l’obéissance par le murmure et qui embarrassent autant qu’ils servent les chefs dont ils sont les instruments. […] MM. de Talleyrand et Fouché, croyant se rendre plus forts en pénétrant dans la famille du premier Consul, s’y introduisaient en flattant chaque côté comme il aimait à être flatté. […] Pitt n’avait prévu ni la paix d’Amiens, ni sa courte durée…… C’est l’Anglais qui a le plus haï la France.… Il reculait devant une situation plus forte que son courage.

1950. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

On ne peint pas en couleurs plus fortes les faiblesses coupables d’un père et les ingratitudes de ses enfants. […] Ces dames seraient d’ailleurs fort à leur aise quand les bureaux de la guerre auraient fini leur travail. […] Goriot avait admiré en elle une nature frêle et forte, sensible et jolie, qui contrastait singulièrement avec la sienne. […] Ainsi, ne pouvant acheter ni les échasses, ni les cordes, ni aucune des choses nécessaires aux amusements du collège, j’étais banni des jeux ; pour y être admis, j’aurais dû flagorner les riches ou flatter les forts de ma division. […] Mais, dit-il en se reprenant, elle y est allée dernièrement, au passage du duc d’Angoulême qui s’est montré fort gracieux pour monsieur de Mortsauf.

1951. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Cette recherche de la petite bête abêtit les mieux doués, les détourne, — occupés qu’ils sont de la sertissure à la loupe d’une phrase — de toutes les fortes, les grandes, les chaleureuses choses, qui font vivre un livre. […] Un quelconque. — Vallon, ce Vallon, passé grand homme, et Buffet devenu populaire, c’est vraiment trop fort, et l’ironie de ce temps est excessive. […] Ce n’est pas moi, c’est donc lui, redemande-lui donc hardiment tes cent francs. — Lui redemander, répond le volé, il est plus fort que moi, il me battra, et il est bien capable de me tuer ! […] Il ne faut pas me montrer plus fort que je ne le suis. […] Une autre voix. — Le livre de Taine, c’est très bien, sa structure de la société me paraît fort intelligemment faite.

1952. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Certains puissants artistes savent évoquer en nous des images assez fortes pour produire, elles aussi, la conviction, et pour paraître réelles malgré leurs dissemblances avec toutes les images réelles jusqu’alors connues de nous. […] Le chemin à parcourir pour l’esprit d’un signe extérieur à l’état intérieur qui lui correspond, étant indirect, exige une dépense d’attention plus forte, qui entrave la contagion nerveuse. […] Il se produit dans notre pensée une sorte de lutte pour la vie entre toutes nos impressions ; celles qui ne nous ont pas frappés assez fortement s’effacent, et il ne subsiste à la longue que les impressions fortes. […] Eugénie de Guérin écrit, en feuilletant des papiers « pleins de son frère » : — « Ces choses mortes me font, je crois, plus d’impression que de leur vivant, et le ressentir est plus fort que le sentir. » Diderot a écrit quelque part : « Pour que l’artiste me fasse pleurer, il faut qu’il ne pleure pas !  […] Même les écrivains qui se croient le plus coloristes et qui pensent faire de la peinture en écrivant, ne tirent en réalité la prétendue couleur de leurs descriptions que de l’art avec lequel ils savent éveiller par association des sensations fortes (le plus souvent très différentes des sensations visuelles).

1953. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

— Votre question est fort aimable et fort indiscrète. […] Remy de Gourmont écrivait en effet une chose fort juste, en affirmant que Victor Hugo ne synthétisait pas toute la poésie. […] s’il vous faut ce nom du suave et du fort. […] Que Hugo ait synthétisé toute la poésie et surtout toute la pensée du xixe  siècle, voilà qui est fort contestable. […] du xixe  siècle m’embarrasse fort, mes sympathies étant retenues ailleurs, mais il m’agrée de répondre par ces quelques mots à ce qui m’apparaît comme la plus pressante de vos préoccupations.

1954. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

On s’est donc fort longtemps passé d’un principe conservateur universel. […] Le déterminisme associationniste se représente le moi comme un assemblage d’états psychiques, dont le plus fort exerce une influence prépondérante et entraîne les autres avec lui. […] Il verra alors, d’un côté, un moi toujours identique à lui-même, et, de l’autre, des sentiments contraires, non moins invariables, qui se le disputent ; la victoire demeurera nécessairement au plus fort. […] Je comprends bien qu’on aperçoive tout d’un coup, ou en fort peu de temps, l’orbite d’une planète, parce que ses positions successives, ou résultats de son mouvement, importent seules, et non pas la durée des intervalles égaux qui les séparent. […] On conçoit donc qu’en un certain sens on puisse encore dire ici que l’avenir était préformé dans le présent ; mais il faudra ajouter que cette préformation est fort imparfaite, puisque l’action future dont on a l’idée présente est conçue comme réalisable mais non pas comme réalisée, et que, même lorsqu’on esquisse l’effort nécessaire pour l’accomplir, on sent bien qu’il est encore temps de s’arrêter.

1955. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Jules (1825-1901) »

Jules Barbier et leur donnent une place fort distinguée parmi les œuvres des poètes contemporains.

1956. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Frédéric (1850-1946) »

Cette idée de lui faire porter votre poème par son enfant adorée est d’une délicatesse exquise ; il ne peut manquer d’être fort touché.

1957. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lantoine, Albert (1869-1949) »

Albert Lantoine appartient à ce clan tout nouveau de poètes dont l’écriture-prose rivalise d’orfèvrerie nette avec l’écriture-vers en des pièces d’une fort jolie hardiesse… C’est de l’art rare, de l’art exquis, de l’art qu’on ne soulève pas à la pelle.

1958. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lomon, Charles (1852-1923) »

Charles Lomon de fort remarquables scènes qui n’appartiennent qu’à lui-même, et, en outre, lorsqu’il se souvient trop visiblement, il a une façon très personnelle de dramatiser ses souvenirs.

1959. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 182

de la] Ce Littérateur, sans avoir des talens supérieurs, ne laisse pas d’être fort au dessus de sa réputation.

1960. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 69-70

Ce n’est donc pas faute de secours qu’on néglige si fort les Auteurs Grecs.

1961. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 389

Quiconque écrit sur des sujets d’imagination, ne doit pas attendre que l’âge vienne en refroidir & même en tarir la source ; à plus forte raison, quand cette source n’a été qu’abondante, sans limpidité & sans saveur.

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