/ 2156
1359. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Télémaque ordonne à Pénélope de garder le silence ; et Pénélope sort, pénétrée d’admiration pour sa sagesse.

1360. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Les peines de cette passion sont assez peu connues, parce que ceux qui les ressentent en gardent le secret, et que tout le monde étant convenu de mépriser ce sentiment, jamais on n’avoue les souvenirs ou les craintes dont il est l’objet.

1361. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Mais ils ne l’augmentent pas ; ils ne fécondent pas l’enseignement qu’ils reçoivent, ils n’en tirent pas de quoi se nourrir et se développer : c’est un dépôt qu’ils gardent, non un aliment substantiel qu’ils s’assimilent et dont ils feront de la force.

1362. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Cela vient encore de ce qu’il opère en réalité sur des abstractions, et, dans la synthèse comme dans l’analyse, les facteurs, les signes qui représentent les choses, restent les mêmes, gardent une valeur constante.

1363. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Et l’habitude prise au lycée ou à la Faculté se gardera toute la vie.

1364. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Ceux mêmes qui sont nés avec quelque originalité d’esprit ont beaucoup de peine à la garder intacte.

1365. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Et si ce traitement ne sert à rien, il gardera sa femme, même coupable. « Quoi qu’il advienne, et quand même elle faiblirait, ne quittez jamais la chère femme de votre jeunesse.

1366. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Blandine eût gardé, dans le commencement du drame, l’attitude effacée et muette que lui prête habilement M. 

1367. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Aucun de ces disciples n’a laissé un nom ni gardé une physionomie distincte à côté du maître.

1368. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

François Coppée Verlaine a créé une poésie qui est bien à lui, une poésie d’une inspiration à la fois naïve et subtile, toute en nuances, évocatrice des plus délicates vibrations des nerfs, des plus fugitifs échos des cœurs ; une poésie très naturelle cependant, jaillie de source, parfois même presque populaire, une poésie où les rythmes libres et brisés gardent une harmonie délicieuse, où les strophes tournoient et chantent comme une ronde enfantine, où les vers — qui restent des vers et parmi les plus exquis — sont déjà de la musique.

1369. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Que ces esprits indifférens sur le désordre qui ne les touche pas, que ceux dont la foible prudence méconnoit cette vertu supérieure à toute crainte, l’appellent un insensé, ou le regardent comme un misantrope qui se livre au triste plaisir d’exercer une censure amere ; ce n’est pas à eux de sentir qu’il est impossible à l’homme vertueux de garder le silence, tandis que les cris plaintifs des victimes de l’oppression retentissent à son oreille & frappent son cœur sensible, tandis que les droits éternels de la Justice sont violés pour satisfaire quelques monstres avides, tandis qu’un peuple entier vit dans les larmes, ayant tout perdu jusqu’au droit lamentable d’élever ses soupirs ; ah !

1370. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Distingués du reste des mortels par vos lumières, montez votre ame au ton de votre génie, il en sera plus grand, plus fier, plus sublime, plus cher à la Nation, à l’humanité, & la foule envieuse ne saisira plus le prétexte de vous refuser son hommage pour exercer le triste droit de calomnier vos mœurs, & vous mépriserez les sourds complots du Fanatisme, & de l’ignorance, & affermis sur la colomne inébranlable de la probité jointe à l’honneur, vous verrez vos ennemis réduits à garder un silence qui fera leur supplice & leur honte.

1371. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

., et autres frais… 180 3 À Paysan, pour la poudre, pommade, y compris ses peines, celles de ses garçons, et les frais de leur voyage à Chambord… 210 » Pour toutes les voitures généralement quelconques… 9008 » Pour trois bannes qui ont servi à couvrir les charrettes où étaient les habits… 50 8 Pour tous les Suisses qui ont servi, tant à Chambord qu’à Saint-Germain, à garder les portes du théâtre… 153 » Au sieur de Lulli, pour ses copistes, leur entretien et nourriture, la somme de… 800 » Pour les ports, rapports et entretiens d’instruments… 196 » Pour les dessins et peines du sieur Gissez… 483 » Pour les peines d’avertisseurs, huissiers et autres gens nécessaires… 300 » Aux concierges de Chambord et de Saint-Germain, à raison de 100 liv. chacun… 200 » Pour tous les menus frais imprévus, suivant le mémoire ci-attaché… 403 » Somme totale du contenu au présent état… 49404 18 Nous, Louis-Marie d’Aumont de Rochebaron, duc et pair de France, premier gentilhomme de la chambre du roi, certifions avoir ordonné la dépense contenue au présent état, et l’avoir arrêtée pour Sa Majesté à la somme de quarante-neuf mille quatre cent quatre livres dix-huit sous.

1372. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Je me rappelle aussi une phrase très belle de Sainte-Beuve, qu’il est toujours flatteur de s’appliquer : « Il y a la race des hommes qui, lorsqu’ils découvrent autour d’eux un vice, une sottise ou littéraire ou morale, gardent le secret et ne songent qu’à s’en servir et à en profiter doucement dans la vie par des flatteries ou des alliances ; c’est le grand nombre, — et pourtant il y a la race de ceux qui, voyant ce faux et ce convenu hypocrite, n’ont pas de cesse que, sous une forme ou sous une autre, la vérité, comme ils la sentent, ne soit sortie et proférée : qu’il s’agisse de rimes ou même de choses un peu plus sérieuses, soyons de ceux-là. » 1.

1373. (1842) Essai sur Adolphe

Chaque jour les deux forçats rivés à cette chaîne, qu’ils pourraient briser, mais qu’ils gardent par ostentation et par entêtement, s’éveillent en maudissant.

1374. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

J’ai déjà eu l’occasion d’insister sur la place que doit garder l’intuition dans l’enseignement des Sciences mathématiques.

1375. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Concevons-nous que le Parthénon et les Propylées, les statues de Phidias, les dialogues de Platon, les sanglantes satires d’Aristophane aient été l’œuvre d’une époque fort ressemblante à 1793, d’un état politique qui entraînait, proportion gardée, plus de morts violentes que notre première révolution à son paroxysme ?

1376. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Certes un vieux maître voyant un homme sans célébrité venir vers lui et garder à son égard des allures d’indépendance, se fût révolté ; on n’a guère d’exemples d’un chef d’école accueillant avec empressement celui qui va lui succéder.

1377. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Au déclin du polythéisme, Cicéron écrivait encore : « Nos ancêtres ont voulu que les hommes qui avaient quitté cette vie fussent comptés au nombre des dieux… Rendez aux dieux Mânes ce qui leur est dû ; ce sont des hommes qui ont quitté la vie, tenez-les pour des êtres divins. » Dans cette vie muette et voilée qu’il continuait sous la tombe, le mort gardait ses passions terrestres : des haines et des amours brûlaient sous sa cendre, une éruption pouvait toujours sortir de ce volcan mal éteint.

1378. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Mais Jacques gardera le nom qui absout sa mère et qu’il est en train d’illustrer, et il épouse Hermine, qu’on est très heureux de lui accorder.

1379. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Aussi pas une seule des localisations proposées par lui n’a-t-elle gardé de valeur scientifique, et son hypothèse est frappée au coin d’une témérité frivole qui n’est pas sans quelque mélange de charlatanisme.

1380. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Mais gardez-vous bien de faire comme les Anglois, qui les doublent d’un pédant Irlandois, qui ne leur fait voir dans chaque ville que ce qui n’intéresse personne.

1381. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Il suffisait tout simplement de dire pour sa gloire la place que Janin a eue et gardera dans la littérature française, et de ne pas le déplacer pour lui donner une autre place qui n’est pas la sienne.

1382. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Sans parler des équipées des nièces de Mazarin, qui gardèrent toujours un peu l’air aventurier de monsieur leur oncle, il y a telle anecdote dans cette piquante histoire qui donne une idée singulière du ton et du goût du grand siècle dans sa jeunesse.

1383. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Mais il lui faut pour cela des hommes sérieux et non des flatteurs… Nous considérons avant tout comme notre véritable ami celui qui nous apprend à nous garder de ce que nous craignons le plus au monde : le vague vide et l’appréciation insuffisante de nos concurrents dans le domaine matériel et intellectuel.

1384. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Tailhade s’est bien gardé d’user autrement que sur le mode burlesque.

1385. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Les vestiges qui nous en restent ne répondent pas aux conceptions hardies dont ce nom a gardé le tort ou la gloire ; dans les annales de la philosophie.

1386. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Dormez, sire ; jamais, depuis Agamemnon, le roi des rois, gardé par Homère, un roi, quel qu’il soit, ne fut gardé comme vous l’êtes en ce moment. […] Restauration malheureuse, qui ne garderas même pas cette perle de ta couronne ! […] Malheur cependant à qui gardait dans sa maison la manne du désert, la manne n’était plus bonne à rien. […] C’est une des lois de tout écrivain qui veut tenir en éveil son lecteur, de garder toujours quelque chose en réserve. […] Quand toute l’Europe entonnait l’hosanna impérial, ceux-là gardaient un silence obstiné.

1387. (1881) Le naturalisme au théatre

Elle n’agissait pas, elle gardait une majesté froide sur son trône, procédant par des discours et des récits ; lui, prit pour règle l’action, l’action outrée, sautant aux quatre coins de la scène, frappant à droite et à gauche, ne raisonnant et n’analysant plus, étalant sous les yeux du public l’horreur sanglante des dénouements. […] Les allusions ne portent plus, la fleur parisienne se fane, les pièces ne gardent que leur carcasse maigre. […] Et comment voulez-vous que les journaux gardent la mesure, lorsqu’un maître du théâtre contemporain tel que M.  […] Mais chacun gardait à part soi son tempérament, et il y avait bien des schismes dans cette église. […] Il y a même, dans la maison, un troisième enfant, Robert, qu’Ursule dit avoir recueilli par pitié, en le voyant maltraité par les personnes qui le gardaient ; et Guillaume regarde cet enfant d’un œil jaloux, car son idée fixe est que le petit est la preuve vivante d’une première faute, d’une faute ancienne, qu’Ursule ne veut pas avouer.

1388. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Ce n’est qu’une question d’art, et surtout de mesure à garder. […] Cette indifférence est de date assez récente, et nos pères s’en étaient bien gardés. […] Car eux enfin, que nous avons gardés pour les derniers, c’est au progrès qu’ils ont cru, au progrès constant, à la marche continue de l’humanité vers un perfectionnement croissant et infini de l’homme et de la société. […] et admirable, il faut bien le dire, pour ne leur en avoir pas gardé plus de rancune, si quelques plaisanteries inoffensives sur Limoges, dans son Monsieur de Pourceaugnac, et les caricatures de la Comtesse d’Escarbagnas semblent être à peu près l’unique vengeance qu’il en ait tirée. […] C’est par là, en effet, qu’il a surtout agi, que le publiciste a conquis, qu’il a gardé longtemps la confiance et l’autorité que nous ne reconnaissons plus aux théologiens.

1389. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Le compliment de Molière dut plaire, nous en sommes convaincu ; mais enfin il s’adressait à une cour que les compliments de Floridor avaient plus d’une fois transportée, car nous voyons au Mercure, dans une Lettre sur Molière et les comédiens de son temps, que, soit que Floridor jouât un rôle, soit qu’il prononçât un compliment, les spectateurs gardaient un silence qui n’était interrompu que par des acclamations générales, et que « ces compliments, ordinairement courts, mais bien tournés, faisaient souvent autant et plus de plaisir que la pièce qu’on venait de jouer ». […] Il voulait l’attaquer, mais un ami obligeant s’efforça de lui faire entendre qu’il n’y avait rien de commun entre lui et un mari dont les affronts n’étaient qu’imaginaires ; et, soit qu’il sentît toute la justesse de cette réflexion, soit plutôt qu’il désespérât de mettre les rieurs de son côté, il prit le parti de garder le silence et de ne pas retourner voir la pièce. […] Ses deux premières pièces, après avoir charmé la province, étaient venues faire les délices de Paris ; les Précieuses ridicules avaient jeté l’alarme dans le camp de l’hôtel Rambouillet ; Le Cocu imaginaire avait transporté de fureur l’honnête bourgeois dont nous avons parlé et un grand nombre d’autres, ses compagnons d’infortune ; on avait attribué par envie le succès de ses derniers ouvrages au mérite dont Molière avait fait preuve en en remplissant les principaux rôles : de là grande jalousie de la part des comédiens de l’hôtel de Bourgogne, puissamment protégés, et qui, tout en joignant leurs voix au chorus d’improbation contre les pièces, auraient bien voulu qu’on portât le même jugement sur le talent de l’acteur, auquel ils gardaient d’ailleurs rancune pour certaine épigramme des Précieuses : beaux esprits, femmes savantes, maris trompés, acteurs en vogue, tous conspiraient contre l’auteur. […] Deux partisans de Molière répondirent à ces calomnies : ils eurent bien soin toutefois de garder l’anonyme, tant la coterie était puissante et redoutée69. […] Molière, forcé de garder la chambre, remit à Chapelle le soin de faire les honneurs de la maison.

1390. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

C’est le jaloux grincheux, tatillon, questionneur et qui s’irrite davantage à mesure qu’il lasse la patience de celle qu’il voudrait garder pour lui tout seul. […] Ils en gardent un peu pour le lendemain. […] Préoccupé avant toutes choses de garder l’esprit impartial, il n’épargne rien ni personne. […] Dans ce groupement unique de génies et de talents divers chacun gardait sa personnalité et la déterminait davantage. […] Les désastres mêmes, les retraites sous la pluie et la neige, les âmes brisées, non défaillantes, gardent une allure transportée.

1391. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Gardons-nous bien de décider ces questions avec l’assurance intrépide des philosophes de cahier. […] Toutefois, il y a lieu de remarquer qu’une langue, tout au commencement, n’est pas encore assez ferme, ni assez flexible pour recevoir l’empreinte de l’écrivain, et que, tout à la fin, elle est devenue trop molle pour la garder. […] « Pourquoi ne l’avoir pas gardée ? […] Et maintenant tirons le rideau sur toute cette histoire, et n’en gardons que cette leçon : c’est que, quand des amis ont une querelle, il vaut toujours mieux qu’ils n’emploient pas d’intermédiaires, mais que l’ami s’adresse directement à son ami. […] En Suisse, en Prusse, en Hollande, les Protestants gardent leur caractère.

1392. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Moréas a gardé quelque chose et ce qu’il faut précisément pour très bien traduire Euripide. […] Je demanderais en grâce aux dames de vouloir bien parler comme à leur ordinaire, de garder toutes leurs finesses, leurs coquetteries et leurs sourires, de se croire dans un salon d’une vraie Cour. […] Ce cœur vous est acquis après le diadème, Princes ; mais gardez-vous de le rendre à lui-même. […] Un mauvais plaisant qui veut garder l’anonyme en a donné une raison : Pourquoi le siècle de Voltaire A tant pleuré sur cette terre ? […] À cet égard, les innovations de Lecouvreur, puis de Clairon, furent énergiquement soutenues par lui ; mais il garda cette idée, à l’état de dogme, qu’il fallait bien se garder de dire les vers comme la prose.

1393. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Quarante poëtes, parmi eux dix hommes supérieurs, et le plus grand de tous les artistes qui avec des mots ont représenté des âmes ; plusieurs centaines de pièces et près de cinquante chefs-d’œuvre ; le drame promené à travers toutes les provinces de l’histoire, de l’imagination et de la fantaisie, élargi jusqu’à embrasser la comédie, la tragédie, la pastorale et le rêve ; jusqu’à représenter tous les degrés de la condition humaine et tous les caprices de l’invention humaine ; jusqu’à exprimer toutes les minuties sensibles de la vérité présente et toutes les grandeurs philosophiques de la réflexion générale ; la scène dégagée de tout précepte, affranchie de toute imitation, livrée et appropriée jusque dans ses moindres parties au goût régnant et à l’intelligence publique : il y avait là une œuvre énorme et multiple, capable par sa flexibilité, sa grandeur et sa forme, de recevoir et de garder l’empreinte exacte du siècle et de la nation1. […] Comme au temps féodal, ils en appellent d’abord aux armes, et gardent l’habitude de se faire justice par eux-mêmes et sur-le-champ. « Jeudi dernier12, écrit Gilbert Talbot, comme milord Rytche allait à cheval dans la rue, un certain Wyndhans lui tira un coup de pistolet… Et le même jour, comme sir John Conway se promenait, M.  […] Ce sont là les férocités du moyen âge ; on les rencontrerait encore aujourd’hui dans les compagnons d’Ali-Pacha, dans les pirates de l’Archipel ; nous en avons gardé l’image dans ces peintures du quinzième siècle qui représentent un roi avec sa cour tranquillement assis autour d’un homme vivant qu’on écorche ; au centre, l’écorcheur à genoux qui travaille avec conscience, fort attentif à ne point gâter la peau44. […] Nous ne savons plus aujourd’hui ce que c’est que la nature ; nous gardons encore à son endroit les préjugés bienveillants du dix-huitième siècle ; nous ne la voyons qu’humanisée par deux siècles de culture, et nous prenons son calme acquis pour une modération innée.

1394. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

« La personnalité de Dieu, au lieu de garder sa forme primitive, synthétisée, s’est au contraire disséminée ; elle anime désormais les fibres les plus obscures de la matière, et la moindre parcelle du monde nous apparaît toute tressaillante du sang divin », disait en substance l’auteur de Chair dans un récent discours sur le Naturisme, prononcé à Bruxelles, au palais des Académies. […] Durant son existence il en gardera la tragique empreinte. […] Peut-être alors dédaigneront-ils de s’occuper d’une génération qui a facilité leurs débuts, qui s’est gardée pure de toutes compromissions, et qui a l’orgueil de croire qu’elle a mérité des lettres françaises. […] Nous gardions une attitude déférente pour l’homme, mais pour l’artiste, notre indifférence était presque complète.

1395. (1929) La société des grands esprits

Qu’il est donc difficile de garder la juste mesure et que d’excellentes causes sont gâtées par d’imprudents avocats ! […] L’entrée du Purgatoire est gardée par Caton d’Utique. […] il est jalousement gardé… par lui-même » Quel besoin M.  […] Il s’est bien gardé de cet exclusivisme scolastique qui n’accorde qu’aux spécialistes hérissés le titre de philosophe. […] J’avoue que j’en ai fait dans ma première jeunesse : j’en ai gardé un souvenir charmant.

1396. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

L’éditeur était un certain juif italien, Guillaume Angelucci, né à Venise, qui gardait soigneusement l’incognito et prenait en Angleterre le nom de William Hatkinson. […] L’auteur du Mariage de Figaro fut gardé là cinq jours. […] Les plus fins parmi nos jeunes poètes n’ont pas embouché la trompette, ils ont gardé leur lyre, et laissant à d’autres les cris et les passions violentes, ils sont restés dans la vérité de leur nature en faisant seulement entendre çà et là quelques accents tristes et désolés. […] Vacquerie y est si longtemps resté qu’il en a gardé un éblouissement ; il voit partout ce V et cette H : Les tours de Notre-Dame étaient l’H de son nom ! […] Guizot, en vieillissant, a aussi acquis dans son style plus de poésie et de couleur ; mais il a su se garder de tout excès comme de toute défaillance.

1397. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Plusieurs de ses élégies ont été recopiées soigneusement par des lectrices fidèles, qui voulaient les garder à la portée de la main et près du cœur. […] On mobilise un vaisseau de guerre pour le garder. […] Il a réussi à les répandre, de proche en proche, en des âmes qui lui gardent secrètement une reconnaissance fidèle. […] La patrie, vue du troisième étage où trône le mannequin d’osier, ne serait plus guère qu’un vieux fétiche, mal gardé par une cohue de militaires affaiblis. […] De son passage dans les bureaux, il a gardé l’habitude des soins méticuleux et des calligraphies régulières.

1398. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Et observons que ce long étalage d’horreurs n’a d’autre but que de faire antithèse à la pensée idéale resserrée dans les deux derniers vers : Je garderai la forme et l’essence divine       De nos amours décomposés. […] Ceux de nos descendants qui étudieront notre siècle, s’arrêteront devant ce singulier artiste qui a, pour ainsi dire, gardé le monopole de certaines idées et de certains sentiments, inobservés ou négligés par les autres écrivains. […] De toutes les races qui ont passé sur notre globe, il n’en est pas une chez lui le caractère et le tempérament métaphysiques aient pris, même pendant une époque de crise, cette prépondérance absorbante qu’ils gardent, d’une manière continue, chez les peuples hindous. […] À cette prédisposition intellectuelle, on peut attribuer trois causes. — Il n’est pas invraisemblable que l’esprit du maître ait gardé quelques traits atténués du caractère paternel, de ce caractère actif et exact, peu familier avec les choses de l’art ou de la poésie, uniquement soucieux dans l’existence des côtés pratiques et utilitaires. […] Les lettres qu’il lui adressait et qui ont été publiées gardent en dépit d’efforts contraires, une froideur désespérante.

1399. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

« ARMAND DURANTIN. » « J’avais promis de garder le secret, je tins ma promesse. […] Durantin m’envoya cette brochure ; je la joignis sans la lire au manuscrit que j’avais gardé de sa pièce. […] Nelly ne s’aperçut jamais de mon supplice, et je me gardai bien de lui en parler. […] Il garda toujours cette gravité enfantine qui se plaît aux jeux des sabres et des tambours, et cette sorte d’innocence qui fait les bons militaires. […] Madame Diderot lui posa une question ; comme il gardait le silence, elle leva la tête, le regarda : il n’était plus.

1400. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Il était devenu époux et père de famille, il n’avait aucune fortune que son travail et son talent ; il était obligé de garder avec les différentes phases de la révolution une certaine mesure pour conserver le pain à sa femme et à ses enfants ; c’est le secret de ces publications, peu stoïques mais innocentes, qu’il fit tantôt pour être employé dans l’instruction publique, tantôt pour occuper une place au Jardin des plantes, afin d’avoir des appointements et un asile pour sa famille, en s’occupant de sa science favorite, l’histoire naturelle. […] Son cœur, que l’infortune avait gardé pur, et qui était, pour ainsi dire, conservé jeune dans la glace du malheur, avait la pudeur timide de l’âge et ne s’avouait pas ce qu’il éprouvait pour cette enfant. […] Ce gouvernement ne méritait pas de regrets un jour, parce qu’il avait contribué lui-même à la démolition du régime de ses parents ; puisque ce régime avait été vaincu et chassé, en se déclarant incompatible avec le régime constitutionnel modéré, il fallait laisser le roi vaincu fuir dans l’exil, mais garder son héritier innocent sous la tutelle du pays.

1401. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

De ces spectacles, je ne me rappelle que cela ; le reste avait disparu de moi au réveil, — quoique j’aie gardé une vague conscience que cela avait duré longtemps, et que bien d’autres scènes s’étaient déroulées dans mon rêve. […] Dans cette famille, une fille portant le nom d’Élodie, encore plus folle de théâtre, plus assoiffée de premières, que sa mère et ses tantes, et qui, à La Contagion, faisait queue au milieu d’étudiants, depuis dix heures du matin, se faisant garder sa place, pendant qu’elle déjeunait dans un café voisin, et dînant avec des gâteaux que les étudiants lui allaient chercher. […] Les maisons de ce temps durent si peu, gardent si peu longtemps la mémoire de ceux qui y ont vécu !

1402. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Il faut se garder de jeter un œil dédaigneux sur cette époque où était en germe tout ce qui depuis a porté fruit, sur ce temps dont les moindres écrivains, si l’on nous passe une expression triviale, mais franche, ont fait fumier pour la moisson qui devait suivre. […] Du reste, gardons-nous de confondre l’unité avec la simplicité d’action. […] Ce précepte effectivement, qui donne pour règle de ne point garder quelquefois de règles, est un mystère de l’art qu’il n’est pas aisé de faire entendre à des hommes sans aucun goût… et qu’une espèce de bizarrerie d’esprit rend insensibles à ce qui frappe ordinairement les hommes. » — Qui dit cela ?

1403. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Plus tard, il tomba de cheval, non pas sur la route de Damas, mais sur la route de Rome ; il devint le saint Paul d’une autre religion ; comme l’apôtre, il avait gardé les manteaux des bourreaux pendant qu’ils lapidaient les justes. […] Ils gardaient la porte de la gloire et de l’opinion. […] … Ne vous avons-nous pas obéi quand vous nous avez fait garder les portes des riches pendant les nuits de Février, et éteindre l’incendie des Tuileries et de Neuilly ?

1404. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Si les trois poètes qui ont fait Marion de Lorme a, Chatterton et Antony se taisent, c’est que tant de dégoûts les ont abreuvés sur la route du théâtre, qu’ils ont été contraints ou de garder le silence, ou de se créer une autre tribune. […] Raoul Rochette, qui a gardé son titre de conservateur des médailles, quoique les médailles aient été volées ? […] Buloz, qu’il ne me garda point rancune, et que peu après, il vint me demander Albine, que je lui donnai.

1405. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

De cette première éducation ecclésiastique ils ont gardé le pli ineffaçable. […] Soi-même des anciennes pratiques on a gardé des habitudes de vie intérieure avec le souci de la direction de conscience. […] Au seuil de la vieillesse, elle a gardé une vivacité d’impressions, une chaleur d’enthousiasme sur laquelle de plus intimes que moi se permettent parfois de la taquiner. […] Du Lac à l’école de la rue des Pestes et qui en a gardé un « souvenir enthousiaste. « Le Père nous adressait de petites allocutions dans toutes les circonstances de notre vie scolaire. […] Les religieux qui y appartiennent ont gardé l’esprit d’obéissance passive et de pauvreté.

1406. (1925) Proses datées

Une sentinelle gardait de vieux canons rouilles. […] Cela ne l’étonna point, car il avait mandé au domestiqué fidèle qui gardait l’habitation de préparer à souper aux voyageurs. […] Où donc garderais-je ces vieilles lettres déjà jaunies que les discrets Chinois des couvercles sont incapables de déchiffrer ? […] Notons, d’ailleurs, qu’il faut se garder de prendre ce bel usage pour une marque d’ostentation ou pour une preuve de raffinement. […] Ces murs nus ont-ils gardé l’écho de sa voix et de son rire ?

1407. (1900) Molière pp. -283

Il a pris une pauvre fille qui lui a été confiée, il l’a fait élever au village, et comme il est engoué de ce système qu’une femme doit être sotte, comme il veut la garder pour lui seul, il compte abuser de sa simplicité pour l’épouser. […] Dès qu’une fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais, et garderai tout doucement une haine irréconciliable. […] On ne le croit pas généralement, faute de se reporter aux faits qui servent de base à cette idée très simple ; c’est qu’on étudie le xviie  siècle dans Saint-Simon ; on y voit que les femmes et les jeunes gens de la Cour y prenaient suffisamment de liberté ; mais c’étaient les mœurs de la cour, et personne n’y gardait l’instinct austère de la bourgeoisie parisienne et provinciale. […] Et depuis, combien d’autres ouvrages qui, représentant des mœurs trop étrangères aux nôtres, pour n’être point passés de mode au théâtre, ont cependant gardé pour le lecteur attentif leur force et leur profondeur ! […] ——— Si vous avez une fois quitté les Charmettes, gardez-vous d’y revenir.

1408. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Puis, par un retour imprévu sur lui-même, par un mouvement d’égoïsme bien pardonnable assurément, il lui demande de garder pour lui une part de la pitié qu’elle accorde à la pauvreté souffrante. […] L’homme qui consent à garder une femme infidèle consulte son bonheur personnel presque autant que le bonheur de la suppliante. […] Pour punir du même coup la maîtresse et l’amant, il refuse l’offre de Fernand. — Vous avez pris ma femme, gardez-la, — c’est à cette seule réponse qu’il borne pour le moment sa vengeance. […] Après avoir tourné le dernier feuillet, il est impossible de ne pas garder dans sa mémoire l’image vivante du Coat-d’Or. […] Parmi les éléments que nous avons indiqués, il a fait un triage tellement sévère, tellement dédaigneux, que, d’élimination en élimination, il est arrivé tout simplement à garder le roi en supprimant le royaume.

1409. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

je te croisai en un fiacre au galop, moi, et tu courais et je ne pus t’appeler ni te faire signe ; mais j’ai gardé à jamais ton image tragiquement cordiale de ce jour, dans cette rue en pente du quartier Latin. […] Et pourtant, amère et profonde se manifeste en tout lieu la philosophie de Charles Cros, desservie par un art plutôt sévère, sous son charme incontestable, mais d’autant plus pénétrant… Lisez par exemple ces étranges nouvelles, Correspondance interastrale, et surtout la Science et l’Amour, cruelle satire où toute mesure semble gardée dans la plaisanterie énorme. […] » M. de Montesquieu a parlé, combien compétemment et si bien de la « Sapho chrétienne » mais, s’exprimant devant un public un peu… neuf en ces matières, devait garder la discrétion que de droit absolu et de strict devoir. […] Mais j’estime que j’ai quelque bon sens néanmoins et je déclare en terminant qu’en dehors de toute école, de tout système, par la seule force et le seul prestige d’une imagination des plus fécondes et des plus brûlantes, d’une érudition profonde, mais légère et souriante, avec parfois des fleurs, M. de Montesquiou a conquis et gardera l’une des plus belles places sur notre Parnasse. […] J’aime ces services qui sont si simples et auxquels participe toute l’assistance, bien qu’ ils gardent un caractère cérémonieux.

1410. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Vous savez que Virgile, simple paysan dépouillé de son petit champ en Lombardie par les prétoriens d’Octave, n’avait contre Auguste aucune des animosités politiques que le décorum d’un officier de Brutus devait garder contre le vainqueur de la république. […] toi maintenant le regret et la terreur constante de ma vie, que les dieux te gardent des écueils écumants des Cyclades ! 

1411. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Ces deux romans, qui ont chacun 400 pages, pourraient, si l’on gardait seulement le récit, n’en avoir qu’une cinquantaine. […] Une prodigieuse imagination du faux le sauvait de l’expérience, lui gardait l’aveuglement et l’enfance de l’espérance… et ne faisait tomber sur lui que le coup inattendu des malheurs, etc.

1412. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Je n’aime pas moins les décisions que prit successivement l’Académie, pour que le sentiment commun prévalût toujours sur le sentiment particulier, et ne l’opprimât point, et j’admire la juste mesure qu’elle sut garder entre les droits de l’esprit français et ceux de l’écrivain. […] Il a su du moins garder son caractère à l’héroïne de Vaucouleurs ; et il faut en louer, dans Chapelain, l’homme et le Français.

1413. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Dieu seul sait les secrets de Dieu : aucun autre être ne pourrait ni les concevoir ni les garder. […] Elles gardent les petits enfants en causant entre elles des printemps d’autrefois.

1414. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Non, non, je n’ose plus me fier à lui : c’est au fils de mon seigneur qu’il convient de le garder. […] Des gens portant des baguettes pour maintenir l’ordre prendront des postes différents, et des hommes armés garderont les avenues.

1415. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Il y a des corps constitués destinés à garder, à conserver, à embaumer les momies rongées par les vers du passé. […] Et pourtant ils sont partout ; ils se tiennent ensemble, ils sont comme une petite armée ; mais leur drapeau a si souvent changé de couleur qu’on ne distingue plus rien sur ce haillon vendu ; ils se reconnaissent à leur cri de ralliement : Gardons-nous bien !

1416. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

On remarquera, au surplus, qu’il entend garder pour lui seul la confession de Sainte-Beuve. […] Mais telles étaient la confiance et l’affection qu’il lui gardait qu’il ne voulut point lui dissimuler combien il était désormais séparé de lui sur un point essentiel. […] J’étais aussi mécontent du début de l’article ; et il y a une apparence d’ironie, qui ne me va pas, qui ne va ni aux principes du Semeur, ni à la critique des ouvrages d’un homme estimable et bon ; j’espère que je m’en garderai désormais. […] Il ne se reproche pas, sans doute, le petit nombre de pages délicieuses qu’il a consacrées au souvenir d’un premier amour, amour pur qui ne peut lui laisser qu’un repentir, celui de ne l’avoir pas soigneusement gardé dans son cœur. […] Aux femmes rassemblées, le Juge adresse ces paroles : « Dans cet amour si long, vous seules avez gardé, sans le savoir, mon souvenir.

1417. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Donnez de l’esprit à Duclos tant que vous voudrez, mais gardez-vous bien de m’en soupçonner. » C’était à Voltaire, lorsque celui-ci se démit de sa charge, que Duclos avait succédé comme historiographe en titre (1750) : Voltaire s’estimait assez peu remplacé.

1418. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Chacun ne sait-il pas, dit encore ce même historien grec rendant involontairement hommage à ceux qu’il appelle Barbares, que quand ils ont pris une ville, ils la gardent avec une vigilance qui ne se peut exprimer, que pour cela ils renoncent au repos et endurent des fatigues incroyables ?

1419. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Lui et moi avions été nommés pour porter cette parole ; mais il me surmonta en voix, en ayant obtenu sept, et moi cinq seulement : si le sort fût tombé sur moi, je me fusse bien gardé d’user de cette perfidie, et je m’en fusse acquitté en homme de bien34.

1420. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Dans l’Éloge de Lieutaud, de ce docteur peu avenant qui fait contraste aux grâces de Lorry, et qui avait gardé même à la Cour un reste d’esprit professorial, il le montre néanmoins habile.

1421. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il a là-dessus des principes qu’on doit trouver admirables et qui s’appliquent bien à tout ordre de travaux et de services où l’honneur est le prix : c’est de ne jamais se reposer sur ce qu’on a fait, de ne pas se contenter, sous prétexte qu’on a sa réputation établie, et que, quoi qu’on fasse désormais ou qu’on ne fasse pas, on sera toujours estimé vaillant : N’en croyez rien, s’écrie-t-il, car d’heure à autre les gens jeunes deviennent grands, et ont le feu à la tête, et combattent comme enragés ; et comme ils verront que vous ne faites rien qui vaille, ils diront que l’on vous a donné ce titre de vaillant injustement… Si vous désirez monter au bout de l’échelle d’honneur, ne vous arrêtez pas au milieu, ains, degré par degré, tâchez à gagner le bout, sans penser que votre renom durera tel que vous l’avez acquis : vous vous trompez, quelque nouveau venu le vous emportera, si vous ne le gardez bien et ne tâchez à faire de mieux en mieux.

1422. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Au moment où le corps de la Dauphine est exposé dans sa chambre, avant l’autopsie, il s’est commis une irrégularité dont le narrateur ne manque pas de nous avertir : « Mme la Dauphine a été à visage découvert jusqu’à ce qu’on l’ait ouverte, et on a fait une faute : c’est que pendant ce temps-là, les dames qui n’ont pas droit d’être assises devant elle pendant sa vie, n’ont pas laissé d’être assises devant son corps à visage découvert. » Les choses se passent plus correctement en ce qui est des évêques : « Il a été réglé, nous dit Dangeau, que les évêques qui viennent garder le corps de Mme la Dauphine auront des chaises à dos, parce qu’ils en eurent à la reine ; l’ordre avait été donné d’abord qu’ils n’eussent que des tabourets. » L’acte de l’adoration de la croix, le jour du vendredi saint, est avant tout, chez Dangeau, l’occasion d’une querelle de rang, d’un grave problème de préséance : « Ce matin, les ducs ont été à l’adoration de la croix après les princes du sang.

1423. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Je sais des hommes d’étude et de lecture approfondie qui placent Fleury très haut, plus haut qu’on n’est accoutumé à le faire aujourd’hui, qui le mettent en tête du second 265 rang ; ils disent « que ce n’est sans doute qu’un écrivain estimable et du second ordre, mais que c’est un esprit de première qualité ; que ses Mœurs des israélites et des chrétiens sont un livre à peu près classique ; que son Traité du choix et de la méthode des études, dans un cadre resserré, est plein de vues originales, et très supérieur en cela à l’ouvrage plus volumineux de Rollin ; que son Histoire du droit français, son traité du Droit public de France, renferment tout ce qu’on sait de certain sur les origines féodales, et à peu près tout ce qu’il y a de vrai dans certains chapitres des plus célèbres historiens modernes, qui n’y ont mis en sus que leurs systèmes et se sont bien gardés de le citer ; que Fleury est un des écrivains français qui ont le mieux connu le Moyen Âge, bien que peut être, par amour de l’Antiquité, il l’ait un peu trop déprécié ; que cet ensemble d’écrits marqués au coin du bon sens et où tout est bien distribué, bien présenté, d’un style pur et irréprochable, sans une trace de mauvais goût, sans un seul paradoxe, atteste bien aussi la supériorité de celui qui les a conçus. » Pour moi, c’est plutôt la preuve d’un esprit très sain.

1424. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Homme d’action et homme d’épée, même quand il était déjà condamné à garder la chambre, et que ses souffrances l’allaient clouer sur le lit d’où il ne se relèvera pas, il a des réveils, et comme des remords.

1425. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Ceux qui se croient le plus affranchis des préjugés de naissance (et M. de Tocqueville était de ce nombre) ont à se garder d’un autre préjugé indirect bien tentant pour une âme généreuse ; c’est d’aller transporter à l’humanité tout entière les idées nobiliaires trop avantageuses qu’ils n’ont plus pour eux-mêmes.

1426. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Brûlons les vieux papiers, et gardons nos livres tels qu’ils sont ! 

1427. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Le premier général français qui commandait à Perpignan en l’absence de Servan, général en chef, le vieux La Houlière, n’avait pas les forces suffisantes pour garder une frontière si étendue ; l’ennemi l’eut bientôt franchie.

1428. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Élisée nous a conservé le manteau et l’esprit d’Élie, et il a gardé au front un rayon de sa flamme.

1429. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

C’est alors qu’après un léger à-compte payé, on obtint de leurs officiers de les emmener à Sicca, à quelques journées de marche dans l’intérieur ; mais, au lieu de garder à Carthage même, comme d’ailleurs les Mercenaires le demandaient, leurs femmes, leurs enfants et leur butin, ce qui eût pu servir ensuite de garantie et d’otages, on expulsa du même coup et on leur fit emporter tout ce qui leur appartenait.

1430. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Une vénalité tempérée par de la modération et de la sagesse, une part faite à la corruption à laquelle on trace d’avance ses limites et que l’on subordonne à des intérêts supérieurs, on m’assure que c’est bien le vrai sur M. de Talleyrand ; M. de Senfft, qui est de cet avis, ne veut voir là qu’une simple tache, et il estime que M. de Talleyrand n’en gardera pas moins, pour de certaines résistances, « sa place glorieuse dans l’histoire. » Cela est possible ; mais c’est bien le cas de dire qu’il y a deux morales.

1431. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Mais quand on a vu l’homme, on ne peut se faire pourtant à l’idée que ç’ait été là un archevêque pour de bon : il avait gardé de la Révolution quelque chose de déclassé, de défroqué et de mal renfroqué.

1432. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Bossuet, en y donnant à son tour, comme le dernier des Pères et non le moins grand, a su, le genre admis, y garder une apparence de sévérité et comme une sobriété auguste.

1433. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Or, le successeur d’Édon, Pinson, que Mme Sand a plus d’une fois nommé dans ses livres, avait gardé sur son enseigne le nom du premier patron.

1434. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Il me semble que quand on sait quelque chose de particulier et d’un peu nouveau sur Racine, on n’est pas libre de le garder pour soi et qu’on le doit à tous.

1435. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Après tout chaque coterie a raison dans son genre de goût, à la condition de le garder pour elle et de ne pas prétendre l’imposer.

1436. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Des bois et des haies qui étaient sur notre front auraient dû être fouillés et gardés : il n’en fut rien, et dans la journée du 23 juin, dans ce triste combat de Crefeld, le jeune Gisors, à la tête des carabiniers, eut à charger de l’infanterie qu’il perça avec une valeur incroyable ; mais il fut atteint à mort d’un coup de feu à la haie44.

1437. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Bertin père, sage et arbitre, intelligent et affectueux, gardait le ton du vieux et vrai bon sens, sans pourtant dire non aux nouveautés, sans s’étonner des accents qui montent.

1438. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

« Comme il insistait vivement, j’imaginai de lui proposer de garder moi-même en dépôt la tabatière, jusqu’à ce que M. 

1439. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Enfin j’avois acquis, quoique infiniment petite, tous les défauts des grands : cela m’a servi depuis à les excuser en eux. » Ainsi élevée, ainsi traitée jusqu’à l’âge de vingt-six ans sur le pied d’une perfection et d’une merveille, lorsqu’elle tomba plus tard en servitude, ce fut comme une petite Reine déchue, et elle en garda les sentiments, « persuadée qu’il n’y a que nos propres actions qui puissent nous dégrader », dit-elle ; aucun fait de sa vie n’a démenti cette généreuse parole.

1440. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Tandis que la poésie antique ne connaissait que la passion physique, et, pour rendre raison de la force de l’amour, regardait le désir allumé par Vénus dans la nature entière à la saison nouvelle, la poésie moderne, par une orientation toute contraire, assimilera l’amour humain à l’amour divin et en fondera la puissance sur l’infinie disproportion du mérite au désir Même quand le terme réel de l’amour appartiendra à l’ordre le plus matériel et terrestre, la pensée et la parole s’en détourneront, et c’est à peine si, comme indice de ses antiques et traditionnelles attaches au monde de la sensation physique, il gardera ces descriptions du printemps, saison du réveil de la vie universelle ; encore ces descriptions seront-elles de moins en moins sincères et vivantes, et ne subsisteront-elles chez la plupart des poètes que comme une forme vide de sens, un organe inutile et atrophié.

1441. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Il faut se garder des illusions enthousiastes, comme des exagérations dénigrantes, quand on parle de l’homme et de la façon dont il vécut.

1442. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Il le fait tranquillement, n’esquivant rien, n’exagérant rien, avec un désintéressement, une impartialité, une indépendance de jugement telle, que cette sorte de sacrifice ou plutôt (car il n’avait point à la sacrifier) d’oubli provisoire de la piété filiale en face de la science qui prime tout, m’a rappelé, je ne sais comment, la hauteur d’âme des vieux Romains mettant tout naturellement l’intérêt de la patrie au-dessus des affections de famille… Puis, tout à coup, après ce long, tranquille et consciencieux exposé qui n’eût point été différent s’il se fût agi d’un étranger, la voix du professeur s’altère et laisse tomber ces mots : … Moi qui vous parle, moi qui seul sais le respect et la reconnaissance que je lui dois, j’ai dû m’abstenir de les exprimer comme je les sens, autant pour être fidèle à cette modération qu’il aimait à garder en toutes choses, autant pour ne rien rire ici qui ne dût être dit par tout autre à ma place, que pour ne pas m’exposer à être envahi par une émotion trop poignante qui ne m’aurait pas laissé la liberté et la force de rendre à cette mémoire si chère et encore si présente l’hommage public auquel elle a droit.

1443. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Il a gardé, dans la société contemporaine, quelque chose de la fière allure de ces aventuriers d’autrefois qui, vivant dans des sociétés moins munies de police et de gendarmes, payaient de beaucoup de courage le droit de faire à leur guise et de n’être point jugés tout haut.

1444. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Arlequin arrive avec son âne pour faire du bois ; il quitte son habit de paysan, le met sur un tronc, attache l’âne à un arbre et le charge de bien garder ses effets.

1445. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Mais il se garda bien de transcrire l’alinéa litigieux dans son journal.

1446. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Elle non plus ne dépend ni des différences, ni des ressemblances des idées, mais des sanctions que l’école applique à ceux qui n’ont pas gardé les idées assimilées dans leur ordre essentiel, précis ; et c’est ainsi que l’école fixe peu à peu les formes de notre pensée et nous met à même de penser par catégories bien précises et bien nettes.

1447. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

D’autres disent tour à tour blanc et noir, s’amusent à se contredire et se gardent presque toujours de conclure : Renan fut un maître en ce genre.

1448. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Ils gardent des traits qui révèlent leur filiation et ils profitent, en les enrichissant par de nouveaux apports, d’acquisitions ancestrales dont ils n’ont pas toujours conscience.

1449. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Nos jeunes compositeurs, encore qu’ils s’en défendent comme de beaux diables, ont pris à Berlioz un constant amour des effets pittoresques ; ils eu mettent à tout propos dans leur musique, là même où le glorieux auteur de la Damnation dì Faust se serait gardé d’en introduire.

1450. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Mais nous faisons une vie qui m’ôte toute espérance de pouvoir vous donner un rendez-vous sûr, car madame rie Montespan sort depuis le matin jusqu’au soir, et n’a gardé la chambre qu’un seul jour, et je n’en fus pas avertie.

1451. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

C’est par là qu’une fois établie historiquement dans cette mesure qui est belle encore, elle continuera d’intéresser à divers les âges tous ceux qui, de plus en plus indifférents aux formes politiques du passé, garderont les sentiments délicats et humains qui font partie de la civilisation comme de la nature, de tous ceux qui pleurent aux malheurs d’Hécube et d’Andromaque, et qui, en lisant le récit de malheurs pareils et plus grands encore, s’attendriront aux siens.

1452. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Il a gardé beaucoup de sa fréquentation de l’ancienne France, de la France de Diderot et de Mlle de Lespinasse.

1453. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Il se garda bien sur-tout de s’emporter contre un auteur, qui faisoit la destinée des réputations.

1454. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

S’ils ont mis dans leurs sermons plus de naturel & de simplicité qu’on n’en trouve dans les nôtres, c’est que, le siècle où ils vivoient étant moins difficile que celui-ci sur l’article des bienséances, ils ont eu moins de ménagemens à garder dans la peinture des vices mêmes qu’ils reprennent.

1455. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

De très-bonne heure l’homme a dû être attentif à ces phénomènes si frappants et qui l’intéressaient de si près ; il a dû en garder le souvenir : de là les contes, les traditions, les fables, qui sont les origines de l’histoire ; de là l’histoire elle-même, qui a pour objet l’étude du passé de l’humanité.

1456. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Gardez d’environner ces roses De trop d’épines, etc….

1457. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Nous nous garderons bien de l’établir à la façon des psychologues, en exposant le mécanisme forcé de nos sentiments, ou à la façon des métaphysiciens, en découvrant la définition du Bien.

1458. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il en garda une grâce, mais superposée, si l’on peut dire, à une très vigoureuse virilité. Tels ces héros de légende qui ont des airs de vierges, avec des musculatures de guerriers ; tels ces archanges qui ressemblent à la fois à des jeunes filles et à des hercules ; tel le beau « chevalier au cygne », ou tel le petit Aymerillot, qui avait des yeux de pervenche et qui, on ne sait comment, « prit la ville. » De cette douceur de caresses qui enveloppa son enfance et où, plus tard, le grand diable venait sans doute s’abriter et se réchauffer sans déplaisir après chaque escapade ; de cette « nourriture » féminine  pour parler comme autrefois, — Lamartine garda aussi le culte religieux de la femme, l’amour de la pureté, une répugnance à l’ironie et une incapacité de la comprendre chez les autres, une invincible chasteté de plume, une incroyable inhabileté à peindre le vice et le mal, inhabileté qui éclatera presque plaisamment dans la Chute d’un ange… MM.  […] Ces deux vers de la Réponse à Némésis :     J’ai gardé ses beaux pieds des atteintes trop rudes Dont la terre eût blessé leur tendre nudité, amènent, au bas de la page, ce vers des Bucoliques : Ah ! […] Ses pieds rampants gardaient l’odeur des herbes hautes ; Son premier ciel brillait jusqu’au fond de ses fautes… Vers splendides, qui me sont un acheminement à vous parler du « pittoresque » de Lamartine. […] Le curé de Valnège n’a gardé d’eux tous que ce que chacun eut de meilleur.

1459. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Gardons-nous de renoncer à cet esprit actif & nouveau, qui tend à pénétrer les différens objets pour les lier ensemble. […] & lorsque l’on taxera nos productions avec mépris, qu’on nous accusera publiquement & faussement d’avoir mal lu, mal médité, mal écrit, il faudra garder le sang-froid que tout le monde perd dans les plus légères discussions ! […] C’est donc à lui de garder le silence, ou de se tenir préparé à toutes les vengeances que les ennémis de la vérité exercent contre ceux qui font valoir ses droits. […] Penser qu’on ne puisse rien faire de mieux que ce qui a été fait, s’entraver dans une imitation servile & perpétuelle, enchaîner quelquefois son propre sentiment devant des règles arbitraires, c’est avilir un Art utile & charmant, qui ne demande qu’à parler à tous les cœurs sensibles, peu curieux de la fidélité qu’on gardera à Aristote, & aux polémiques rêveries de l’Abbé d’Aubignac. […] Je crois mes opinions bonnes ; j’aurois dû peut-être les garder pour moi seul, je n’en ai pas eu le courage : j’ai eu tort ; mais, loin de vouloir à toute force les faire adopter à autrui, ni de me fâcher contre ceux qui pensent différemment, je n’en voudrai point même à ceux qui s’en moqueront.

1460. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Comme eux, il lâchait parfois un mot, — je veux dire qu’il récitait quelques-uns de ses vers à un petit nombre d’initiés, — mais il se gardait bien de les publier. — Que de sagesse et de prudence il a fallu à cet homme, pour conserver pendant dix ans cette puissance sur lui-même ! […] Barrillot, qui a toutes les fiertés de l’ouvrier pauvre sans en avoir les rancunes, a su garder la dignité de la souffrance : au lieu d’un faisceau d’invectives, il a mieux aimé jeter à son siècle une opulente gerbe de beaux vers. […] Mademoiselle Nathalie a le port et la majesté d’une reine ; — mais d’une reine qui s’en irait à pied visiter les halles, et qui mettrait tous ses soins à garder l’incognito. […] Eux-mêmes voyageurs et toujours lancés au pas de course, ces vers ont gardé l’habitude du négligé de voyage. […] Quoiqu’il soit dur de laisser égorgiller sa loyauté sans la défendre, nous avons gardé le silence, estimant notre personnalité trop peu de chose pour l’intéresser directement dans de semblables questions. — Si une occasion toute naturelle ne nous était offerte aujourd’hui de repousser l’accusation, au moins irréfléchie, de ces braves gens, nous persisterions à nous taire, convaincu qu’il n’appartient qu’aux niais ou aux poltrons d’enfler un article de leur susceptibilité ombrageuse, et qu’entretenir tout exprès le public de ces misères est la privauté exclusive de l’outrecuidance ou de la sottise.

1461. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Il arrive cependant qu’une sensation, longtemps gardée en leur cœur, y prenne la forme même de leur être secret, et se cristallise en un beau vers, immuable. […] Depuis, sa vie, comme une horloge dont on oublie de remonter les poids, s’est arrêtée : elle vit désormais dans ce passé toujours présent, si présent que la poétesse en parle comme de la seule réalité immédiate : Le vent qui court, lissant les lames déferlées, Sur tes lèvres sécha leur haleine salée, Et ton baiser, ce soir, a le goût de la mer ; Il me plaît d’en garder l’âpre saveur intacte, Car l’amour dont il inscrivit l’image exacte, Serait moins pénétrant s’il n’était moins amer. […] Chez Victor Hugo, les rimes gardent leur plénitude traditionnelle : c’est un mot qui répond, en écho, à un mot. […] Il faudrait s’expliquer, redire que l’instinct est de l’intelligence cristallisée, mais, pour certains, l’instinct et l’intelligence demeureront à tout jamais deux planètes qui gardent leurs distances : l’instinct, imperfectionnable ; l’intelligence, don gratuit d’une divinité.

1462. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

. — Le premier jouit d’une certaine tranquillité, disons mieux, d’un certain égoïsme de spectateur, qui fait planer sur toute sa poésie je ne sais quelle froideur et quelle modération, — que la passion tenace et bilieuse du second, aux prises avec les patiences du métier, ne lui permet pas toujours de garder […] Que le moraliste ne s’effraye pas trop ; je saurai garder les justes mesures, et mon rêve d’ailleurs se bornait à désirer ce poëme immense de l’amour crayonné par les mains les plus pures, par Ingres, par Watteau, par Rubens, par Delacroix ! […] Tassaert s’est préoccupé de la manière de Delacroix ; néanmoins il a su garder une couleur originale. […] Ceux qui sont plus près de la parole et du verbe magistral gardent la pureté de la doctrine, et font, par obéissance et par tradition, ce que le maître fait par la fatalité de son organisation.

1463. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Mais gardez-vous bien de lui reprocher son apathie. […] Pour moi, je brûlerais sans trop de remords la moitié au moins de l’œuvre de Proust : n’en retiendrais-je que deux cents pages, qu’importe, si elles sont de celles qui gardent un nom de mourir ? […] puis, au sujet des efforts convergents de son époque : les écoles… adoptent, comme rencontre, le point d’un idéalisme qui… refuse les matériaux naturels et, « comme brutale une pensée exacte », les ordonnant pour ne garder de rien que la suggestion (p. 245). […] « (la prisonnière, II, 76.) » rapprochez de ces lignes ce que Proust nous dit sur la beauté dénuée de signification de la fille de Minos et de Pasiphaé (p. 193)… « ces vers d’autant plus beaux qu’ils ne signifiaient rien du tout… (du côté de chez Swann, p. 89.) » ; et sur ces impressions… pour ainsi dire « sine materia… », ces motifs à peine discernables, connus seulement par le plaisir particulier qu’ils donnent, « impossibles à décrire », à se rappeler, à nommer, « ineffables… (p. 194.) » ; et enfin sur les ressources uniques de l’art, qui seul nous fait connaître tout le résidu réel que nous sommes obligés de garder pour nous-mêmes, et que la causerie ne peut transmettre…, « cet ineffable qui différencie qualitativement ce que chacun a senti et qu’il est obligé de laisser au seuil des phrases », où il ne peut communiquer avec autrui qu’en se limitant à des points extérieurs communs à tous et sans intérêt… « (la prisonnière, II, p. 75.) » comment ne raccorderait-on pas ces passages à nos citations de Bergson et aux déclarations de tant de poètes, critiques, philosophes qui sentent profondément, poétiquement, par là même mystiquement ?

1464. (1885) L’Art romantique

Eugène Delacroix a toujours gardé les traces de cette origine révolutionnaire. […] En lui tout éclate, mais rien ne se fait voir, rien ne veut être gardé par la mémoire. […] Comme tu me défends dans ma détresse, de même je garderai fidèlement la loi que tu m’imposes. » Et Lohengrin, la serrant dans ses bras, s’écrie : « Elsa, je t’aime !  […] Gardez votre harem et conservez-en religieusement les traditions ; mais faites-nous donner un théâtre où ceux qui ne pensent pas comme vous pourront trouver d’autres plaisirs mieux accommodés à leur goût. […] Bocage, homme économe et prudent, homme égalitaire d’ailleurs, se garda bien de rengager Rouvière ; et ici commence l’abominable épopée du comédien errant.

1465. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Fontenelle disait que, s’il avait la main pleine de vérités, il se garderait de l’ouvrir. […] Corneille même dit qu’il n’a gardé ce rôle que pour donner aux actes de sa tragi-comédie une longueur suffisante. […] Corneille n’a gardé de l’intrigue que ce qui lui a paru indispensable ; il a fait une réduction, comme pour le Cid. […] Attale offre son cœur à Laodice, et celle-ci lui répond : Pour garder votre cœur, je n’ai pas où le mettre ; La place est occupée. […] Je me garderai bien, moi, ici, de suivre Rotrou sur ce terrain-là, et de citer les passages anti-chrétiens de ses rôles, parce que peut-être il se trouverait quelqu’un pour m’attribuer, à moi, ce qu’aurait dit non pas même Rotrou, mais le personnage de sa pièce.

1466. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Nous ne cherchons pas à garder pour nous seuls la vérité que nous apprenons ; nous sentons au contraire le besoin de la répandre. […] Il a pour but de garder pour soi seul l’objet recherché, d’en interdire la possession à autrui. […] Les états de conscience qui nécessitent un certain développement de notre activité seront par cela même, plus facilement gardés ou reproduits par la mémoire. […] Quand nous le voyons, immédiatement il se produit en nous une arrière-pensée intéressée ; nous voulons garder pour nous cet objet. […] Il ne suffit pas de garder ce qu’on possède, il faut encore acquérir.

1467. (1903) Propos de théâtre. Première série

Mais Corneille s’est bien gardé de lui ôter tout caractère humain. […] Gardez que cette humeur, mon père, ne vous change. […] Il faut bien se garder de s’écarter ainsi de la nature. […] C’était un très honnête homme, très bon et brave citoyen et très intelligent ; c’était un sage, et il en a gardé « l’air », comme dit sa servante, l’air seulement. […] Est-ce aux rois à garder cette lente justice ?

1468. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Je vois où vous voulez en venir ; et, si vous restez dans ces généralités, je me garderai de vous contredire. […] et les supplications répétées de Florence pour obtenir de Ravenne, qui les veut garder comme un glorieux dépôt, les ossements sacrés de l’Allighieri ! […] Elle attendait qu’on lui fît quelque observation, mais on garda le silence. […] Elle se vantait de tirer son nom du passage des armées de Charlemagne, et gardait avec orgueil la bulle d’or de Charles IV dans son antique Rœmer, où se faisaient l’élection et le couronnement des empereurs. […] Dans les temps et dans les circonstances les plus diverses, elles gardent toutes néanmoins un caractère particulier et en quelque sorte typique.

1469. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

J’étais tout à fait fâché de croire que votre âme, au sortir de votre corps, ne dût pas trouver une aussi jolie demeure que celle qu’elle quittait… » — Il y en a de plaisantes, sinon comme idées, du moins comme grâce de geste, pour ainsi dire, et de mot jeté : « Il y a longtemps, Madame, que j’aurais pris la liberté de vous aimer, si vous aviez le loisir d’être aimée de moi… Gardez-moi, si vous voulez, pour l’avenir ; j’attendrai quinze ou vingt ans, s’il le faut. […] » — « Ci gît le soin que sa mère avait de la garder », ce qui est bien plus finement imaginé encore, car il faut renchérir. — Et les deux gentilshommes avancent. […] Montesquieu, en 1720, gardait, comme une superstition domestique, ce qui avait été un culte national et devait devenir un fanatisme. […] Tout ce qui se rapporte au gouvernement républicain, dans son livre, est tiré de l’étude qu’il a faite et de la vision qu’il a gardée de la vieille Rome. […] Montaigne gardait dans son cabinet les longues gaules dont son père avait accoutumé de s’appuyer en marchant, et certes, je voudrais qu’il les eût gardées même si son père s’en fût servi quelquefois pour le fustiger. — Voltaire n’a point ce genre de piété.

1470. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Les inflexions de sa voix avaient gardé cette souplesse musicale par qui furent tant d’oreilles ensorcelées et tant de cœurs apprivoisés. […] Cherchez Elvire ; et, si vous trouvez Elvire, gardez-la. […] C’est pourquoi il faut se garder de tout gâter pas des manifestations excentriques et par des prouesses rhétoriciennes. […] Mais gardons-nous de chercher ici des subtilités de sentiment qui ne sont pas dans l’esprit de l’archaïsme grec. […] Une phrase du Télémaque, un vers de La Fontaine, une description de Chateaubriand, une idylle de Chénier évoquent des visions dont nos yeux gardent l’impression exquise.

1471. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Il est l’homme, ce qui à certains égards et tout respect gardé, est un mérite appréciable, qui ressemble le moins à Kant. […] Socrate, pour toutes sortes de raisons restées assez obscures, sous la pression d’une coalition politique et religieuse, sous les coups d’adversaires dont les uns étaient conservateurs et les autres novateurs, surtout parce qu’il s’était moqué de beaucoup de gens et que jusqu’à la fin il garda une attitude de défi, Socrate fut condamné à mort et exécuté. […] Il ne vous est pas défendu d’éviter tout simplement les plaisirs comme un danger ; mais ceux-là seront plus forts ou plus sûrs de leur force qui les auront éprouvés, puis surmontés, et ceux-là seront plus forts encore qui en auront éprouvé et bien gardé en leur âme, non le dégoût, mais le mépris. […] De la méthode qui fut évidemment celle de Socrate, il n’a gardé que le fond : exciter et diriger par des questions adroitement posées et faire trouver ainsi au disciple la connaissance ou lui persuader qu’il l’a trouvée lui-même. […] Il faut bien se garder de l’erreur, ou de la faiblesse ou de l’hypocrisie des panégyristes ordinaires et médiocres du juste Ils disent que l’homme juste réussira.

1472. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Il l’a fait avec décision ; et il n’a gardé devant lui, dans l’incertitude, personne. […] Et comme il sied à la critique de garder, en ses jugements, une prudente, une tremblante modestie ! […] D’autre part, il faut se garder d’amener à nous ces âmes ; c’est nous qu’il faut conduire à elles. […] Mais le professeur affirmait qu’une mémoire humaine ne sait pas garder tant de vers intacts. […] … » Comme il n’a point gardé autre chose que la littérature, il l’entoure d’un soin jaloux ; il lui accorde un culte presque mystique.

1473. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

. — Bien plus encore, les petites bandes claires ou obscures que font les reliefs et les creux de la cannelure gardent toujours entre elles les mêmes positions dans l’intérieur du jaune total. — Partant, ce jaune n’est pas quelque chose de transitoire et de momentané comme un éclair ; il ne cesse pas spontanément. […] Nous laissons là, comme disent les aveugles, toutes les circonstances et qualités intrinsèques de nos sensations ; nous n’en gardons que l’essentiel, et l’essentiel ici, c’est que, entre les deux points dont nous évaluons la distance, elles fassent une série interposée. […] Mais, tout en nous servant de ces locutions, nous gardons soigneusement le souvenir de leur sens intime.

1474. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Je me garderais bien de comprimer cette œuvre immense dans le casier d’un système ; mais enfin Rabelais est surtout un poète, et chez ce poète le lyrisme abonde et surabonde. […] Je me garderais bien de le nier, pourtant je n’en trouve aucun exemple dans la littérature française14. […] Il faut se garder des dates rigides ; si je dis ici 1328, c’est pour les raisons énoncées par Gaston Paris dans son Manuel, mais avec toutes les réserves nécessaires.

1475. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Avoir tout vu de la vie, en savoir tous les courants et tous les écueils, s’y être brisé, puis s’en être relevé, connaître les hommes par leurs passions et savoir s’en servir, avoir appris à ses dépens à toucher en eux les cordes qui résistent et celles qui répondent, avoir conservé au milieu de toutes ses traverses, et jusque dans les désastres où l’on est tombé par sa faute, son sang-froid, sa gaieté, son entrain, ses ressources d’esprit, sa bonne mine, son courage, son espérance surtout, cette vertu et cette moralité essentielle de l’homme ; quelle préparation meilleure, quand le ressort principal n’a point fléchi, quand le principe d’honneur a gardé toute sa sensibilité ! […] Cette activité qui, lorsqu’il ne sait qu’en faire, lui rentre dans l’estomac et réveille sa gastrite, trouve ici à se déployer et à se répandre en tous sens ; un moment il a espéré faire un magnifique coup de main sur la smalah d’Abd el-Kader : « L’émir me croyait dans le sud, il ne se gardait pas du côté de la plaine, et je tombais sur lui.

1476. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Quand la jeune princesse fut devenue Madame et l’ornement le plus animé de la cour, Mme de La Fayette, bien que de dix ans son aînée, garda l’ancienne familiarité avec elle, eut toujours ses entrées particulières et put passer pour sa favorite. […] Même quand Mme de La Fayette n’alla plus à Versailles et n’embrassa plus en pleurant de reconnaissance les genoux du roi, même quand M. de La Rochefoucauld fut mort, elle garda son crédit, sa considération : « Jamais femme sans sortir de sa place, nous dit Mme de Sévigné, n’a fait de si bonnes affaires. » Louis XIV aima toujours en elle la favorite de Madame, un témoin de cette mort touchante et de ces belles années avec lesquelles elle restait liée dans son souvenir, n’ayant plus guère reparu à la cour depuis.

1477. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Si son caractère intimidé se déconcertait et faisait faute, son intelligence gardait son audace. […] Ampère, en répondant, gardait de même, et auquel il ajoutait de plus une expression de respect, comme s’il eût été quelqu’un de moindre : noble contradiction de vues, ou plutôt noble échange, auquel nous avons assisté, entre deux grandes lumières trop tôt disparues !

1478. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

On peut impunément leur enfoncer un instrument piquant dans les chairs, à condition, bien entendu, qu’ils n’en soient pas avertis par la sensibilité persistante de la peau. » Partant, quoiqu’ils aient gardé toute leur vigueur musculaire et que même ils ne puissent plus connaître la fatigué, ils marchent très difficilement, quand ils sont dans l’obscurité, ou quand, avec les yeux, ils cessent de surveiller leurs mouvements ; il faut que chez eux les sensations de la vue soient toujours là pour suppléer aux sensations musculaires absentes. […] Très rarement, les malades, qui ont perdu les sensations de contact gardent encore celles de douleur102.

1479. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

A la fin, ne pouvant plus garder le silence, elle voulut dire : « Que les envieux aient les yeux crevés, s’ils ne peuvent me regarder. » Comparez à ce léger mouvement de vanité, qui n’est au fond qu’une boutade d’impatience, la présomption soudaine et l’impertinence parfaite de la tortue française : Miracle ! […] A peine çà et là un trait vrai perdu dans le barbouillage. « Nous vivions contents sur nos propres terres. » La Fontaine gardera ce trait.)

1480. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Ce serait donc de ma part une étrange contradiction, ô Athéniens, si, après avoir gardé fidèlement, comme un bon soldat, tous les postes où j’ai été placé par vos généraux, à Potidée, à Amphipolis, à Délium, aujourd’hui que le dieu de l’oracle intérieur m’ordonne de passer mes jours dans la philosophie, la peur de la mort ou de quelque autre danger me faisait abandonner ce poste ; et ce serait bien alors qu’il faudrait me citer devant ce tribunal, comme un impie qui ne reconnaît point de Dieu, qui désobéit à l’oracle, qui se dit sage et qui ne l’est pas ; car craindre la mort, Athéniens, c’est croire connaître ce qu’on ne connaît pas. […] « Mais, me dira-t-on peut-être, Socrate, quand tu nous auras quitté absous, ne pourras-tu pas te tenir en repos et garder le silence ?

1481. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Forcée de quitter une ferme incendiée où elle gardait les vaches, elle vint à Saumur, où elle chercha du service, animée de ce robuste courage qui ne se refuse à rien. […] Elle aime son cousin, elle l’épousera si elle veut, elle lui gardera le petit coffre.

1482. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Écrivez, lisez, chantez, gémissez, gardez le silence, priez, souffrez courageusement les adversités ; la vie éternelle mérite bien tout cela et des combats encore plus grands. […] Combattez comme un généreux soldat : et, si quelquefois vous succombez par fragilité, reprenez un courage plus grand dans l’espérance d’être soutenu par une grâce plus forte ; et gardez-vous surtout de la vaine complaisance et de l’orgueil.

1483. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Tous ceux qui se conduisaient mal envers moi se gardaient bien de dire qu’ils obéissaient à la crainte de déplaire au premier consul ; mais ils inventaient chaque jour un nouveau prétexte qui pût me nuire, exerçant toute l’énergie de leurs opinions politiques contre une femme persécutée et sans défense, et se prosternant aux pieds des plus vils Jacobins, dès que le premier consul les avait régénérés par le baptême de la faveur. […] « Il ne faut point rechercher la cause de l’ordre que je vous ai signifié dans le silence que vous avez gardé à l’égard de l’empereur dans votre dernier ouvrage, ce serait une erreur : il ne pouvait pas y trouver une place qui fût digne de lui.

1484. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il n’en a pas : son triomphe est encore trop près ; il en a gardé toutes les fumées. […] Mais, écrivant pour la comédie, il n’a pas voulu rendre la vérité triste pour la rendre plus forte : il a donné pour amants aux jeunes filles d’honnêtes jeunes gens qui respectent ce qu’ils aiment ; et c’est encore un trait charmant de vérité qu’elles aient conservé, malgré leurs précepteurs, un sens moral qui rend leurs tromperies innocentes par la pudeur qu’elles savent y garder, et par le mariage qui est au bout.

1485. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Si l’on supposait que ces vérités pussent venir d’ailleurs que de l’étude patiente des choses, la science élevée n’aurait plus aucun sens ; il y aurait érudition, curiosité d’amateur, mais non science dans le noble sens du mot, et les âmes distinguées se garderaient de s’engager dans ces recherches sans horizon ni avenir. […] » Il faut se garder d’assimiler notre civilisation et notre rationalisme à la culture factice de l’antiquité et surtout de la Grèce dégénérée.

1486. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Gardez-vous d’imiter, ai-je dit, tout ce qui, dans l’œuvre de Richard Wagner, constitue la spécialité de sa race et l’originalité de sa nature ; ne lui empruntez ni la couleur ni la qualité de sa mélodie, et gardez-vous de lui dérober, en ce qu’elles ont de créé par lui, ses harmonies et son instrumentation.

1487. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Elle a laissé le Saint-Graal à la garde des hommes purs, dans le cœur desquels la divine liqueur s’est répandue, et l’auguste troupe s’évanouit dans les profondeurs de l’espace, de la même manière qu’elle en était sortie. » Paraphrase Par Franz Liszt29 Wagner a donné à l’ouverture de Tannhaeuser l’étendue d’une grande composition symphonique, et quoique les motifs principaux de l’opéra en forment la substance, cette ouverture peut néanmoins être considérée comme une œuvre à part, qui, détachée du reste, garderait toujours sa valeur intrinsèque, et serait comprise et admirée de ceux mêmes qui ne connaîtraient pas le drame dont elle est le magnifique résumé. […] Il faudrait donc bien se garder de leur dire que les librettistes ont amoindri le Poëme de l’Anneau de Nibelung, au point d’en faire, à certains endroits, une véritable berquinade.

1488. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Toutefois, il faut ici se garder des exagérations où tombent certains psychologues qui veulent réduire la qualité même à la relation. […] Si un enfant naît et reste dans une chambre qui a gardé une forte odeur de musc, cette odeur constante, non séparée du reste, ne pourra pas être séparée par sa conscience.

1489. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Vieux et cassés, les hémistiches garderont la majesté foudroyée de ces rois Sarmates, frappés de boulets en pleine poitrine. […] Quelle gaîté des yeux, quelle fête du regard s’en est allée avec la suppression de ce décolletage en plein jour du xviiie  siècle, — gardé ici.

1490. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

La philosophie de cette époque est la scholastique, qui méritait alors autant de respect qu’elle s’est attiré plus tard de mépris, lorsque, voulant garder un empire que les siècles lui avaient ôté, de souveraine légitime qu’elle était, elle se fit tyrannique et persécutrice. […] Dès l’introduction, à peine a-t-il constaté en nous une faculté de connaître capable de produire les connaissances que nous venons d’énumérer, dès ce premier pas il se hâte de nous avertir que tout cela se passe dans l’esprit, dans la raison, dans le sujet, qu’il faut bien se garder d’y voir une réalité objective ; il s’élève d’avance contre la prétention de l’idéalisme de transporter les idées hors de l’enceinte de la raison qui les conçoit, et il veut que les notions de la raison pure une fois reconnues, on s’applique à rechercher quelle légitimité, quelle étendue, quelle portée on leur doit attribuer.

1491. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Parce qu’il a pris le pouvoir et qu’il l’a gardé toute sa vie, parce que sa litière orgueilleuse entrait dans les villes par la brèche, parce que notre esprit le revoit toujours montant ou descendant le Rhône sur les coussins de sa barque dorée, comme un Satrape appesanti ou rêveur, nous nous imaginons qu’il avait la joie disputée, conquise et superbe des possesseurs de ce qu’ils aiment, et cependant il ne l’eut jamais ! […] Eh bien, justement, aussi grand que ces âmes immenses, Richelieu, lui, fut obligé, non seulement pour avoir la puissance, mais même encore pour la garder, de plier sa fierté jusqu’aux plus effroyables bassesses.

1492. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Moins inquiet, dans une moindre église, éloigné de la controverse et des intrigues de cour, il gardera plus librement le goût de ses premières études, comme il a conservé les tendresses domestiques de sa première union, et son espérance naïvement exprimée, d’en voir naître de nombreux enfants. […] Enfin il avoue et retient les droits du mariage dans le ministère ecclésiastique ; et le deuil cruel qui plus tard désola sa vie, la mort prématurée des trois enfants issus de cette union, qu’au moment même de son inauguration épiscopale il rappelle avec amour, rien de ces malheurs et des plaintes qu’ils lui arrachent dans ses lettres ne fait supposer ni repentir ni doute sur la liberté qu’il avait gardée.

1493. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Si l’abbé Prévost, en effet, a répandu et comme réfléchi sur les siens une partie de sa célébrité littéraire et quelque chose de la faveur romanesque qui s’attache à son nom, il leur a dû, il a dû à l’excellente éducation qu’il reçut de ses pères et à la souche honnête et saine dont il sortait, de garder toujours, même au milieu des vicissitudes d’une vie trop souvent irrégulière et abandonnée, le fonds essentiel de l’honnête homme, de l’homme comme il faut.

1494. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Il a dédié une de ses jolies pièces, La Seconde Surprise de l’amour (1728), à la duchesse du Maine, cette princesse spirituelle et capricieuse qui avait gardé de l’enfant ; elle serait bien en effet la reine, telle qu’on pourrait l’imaginer, de ce monde en miniature.

1495. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Si vous vouliez octroyer que mon fils demeurât dans le pays en ma place pour le garder et gouverner, je prendrais maintenant la croix et irais avec vous vivre ou mourir, selon ce que Dieu m’aura destiné. » À ces nobles paroles du vieillard un grand cri s’éleva et l’acclamation publique répondit.

1496. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Il faut se garder à leur égard de l’anecdote grossissante.

1497. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

De même qu’il y eut dans l’Antiquité un peuple à part, qui, sous l’inspiration et la conduite de Moïse, garda nette et distincte l’idée d’un Dieu créateur et toujours présent, gouvernant directement le monde, tandis que tous les peuples alentour égaraient cette idée, pour eux confuse, dans les nuages de la fantaisie, ou l’étouffaient sous les fantômes de l’imagination et la noyaient dans le luxe exubérant de la nature, de même Bossuet entre les modernes a ressaisi plus qu’aucun cette pensée simple d’ordre, d’autorité, d’unité, de gouvernement continuel de la Providence, et il l’applique à tous sans effort et comme par une déduction invincible.

1498. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Deux grosses passions avaient en lui subjugué toutes les autresi : l’une était celle de s’instruire, et l’autre de se distinguer… Vicq d’Azyr avait gardé, même au milieu de ses succès académiques, un vif sentiment de ces premiers cours qu’il avait professés dans sa jeunesse et dans lesquels il s’était épanoui tout entier : « C’est un bel art, disait-il, que celui de l’enseignement.

1499. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Le Retour de la fête de la Madone était la scène figurative du printemps et se rapportait au pays de Naples, qui gardait de la gaieté et de l’enchantement de la Grèce.

1500. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Il décrit dans un curieux détail les mœurs et le gouvernement des petits cantons ; il n’a rien gardé du vague et de la fougue qui dominaient dans ses précédents ouvrages ; la partie positive et commerciale l’occupe ; il ne néglige aucune des circonstances physiques des lieux qu’il parcourt ; il y mêle des considérations morales qui le montrent affranchi des lieux communs de son siècle, ou plutôt devançant l’esprit du siècle prochain.

1501. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

. — Le roi alla tirer dans son parc ; Mme la Dauphine se fit saigner et garda le lit tout le jour.

1502. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Dans la figure d’un vieux prince de l’Église, au nez rouge et boursouflé, au visage sensuel, aux yeux petits mais perçants, il n’apercevait rien de laid ou de repoussant, cherchait la nature, l’admirait dans sa réalité, se gardait d’y rien changer, et n’y mettait du sien que la correction du dessin, la vérité de la couleur, l’entente de la lumière, et ces mérites, il les trouvait dans la nature bien observée, car dans la laideur même elle est toujours correcte de dessin, belle de couleur, saisissante de lumière.

1503. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Je dois cependant avertir que depuis cette défaite des genres auxquels il s’était voué, Saint-Amant n’a pas cessé de garder çà et là des fidèles, et qu’il a même retrouvé en dernier lieu des admirateurs, ou du moins des curieux passionnés.

1504. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Eugénie de Guérin, morte, a gardé l’attitude de toute sa vie : on la revoit telle qu’elle fut toujours, ses chastes bras suspendus au cou de son frère, dans ces lettres où elle a laissé un peu de l’immortalité de son âme avant de la porter au ciel.

1505. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le mérite de Villars et le trait dominant de son tempérament militaire fut de rester jeune de cœur et entier de zèle pendant ces ennuis et ces retardements, qui en eussent usé ou fatigué d’autres ; et il se trouva le plus entreprenant des maréchaux, à cinquante ans, c’est tout simple, et à soixante, ce qui est plus rare, — j’allais dire, et à quatre-vingts —, car il garda jusqu’à l’extrême vieillesse, et quand il prenait Milan en 1734, la vivacité de son feu et de son allure.

1506. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

À moins qu’il ne soit persuadé qu’il y va de la vie des gens, il ne leur gardera pas le secret.

1507. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Ici je viens pleurer sur la roche d’Onelle De mon premier amour l’illusion cruelle ; Ici mon cœur souffrant en pleurs vient s’épancher… Mes pleurs vont s’amasser dans le creux du rocher… Si vous passez ici, colombes passagères, Gardez-vous de ces eaux : les larmes sont amères.

1508. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Comme la plupart de ces lettres qu’on donne aujourd’hui sont adressées à son compatriote Coindet, il se passe les locutions genevoises, et il en gardera dans son parler, même là où il y songera le moins.

1509. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Bien lui prit, comme à Fontenelle, non seulement de vieillir, mais de savoir vieillir, d’hériter avec habileté et prudence des renommées disparues, de rester le dernier et le seul représentant parmi nous de tout un âge héroïque de la science, dont il discourait volontiers comme un Nestor, d’avoir gardé un vif amour de la pure science en elle-même, de l’avoir cultivée jusqu’à sa dernière heure, et d’avoir su trouver à propos dans l’érudition, dans la littérature, un complément et un prolongement varié qui est venu se confondre peu à peu, en la grossissant, dans sa réputation première.

1510. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

., il prit une résolution qu’il a toujours gardée depuis, de ne prendre le soir que des fruits cuits ou crus, et les jours qu’on lui faisait manger de la viande en carême, il n’usait que des viandes les plus communes, ainsi qu’il me l’a témoigné lui-même. » Oh !

1511. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Méchancetés, indiscrétions, mensonges, faux rapports, tracasseries, toutes les bêtises de la malice humaine rassemblées dans un cercle étroit et redoublées par l’étiquette, elle éprouve tout cela dans ses relations avec sa mère, avec l’Impératrice, avec son fiancé, avec les femmes qu’on lui donne pour argus ; elle est obligée de garder des mesures avec chacun, et, malgré sa grande jeunesse et son goût vif d’amusement et de plaisir, elle s’en fait une loi : comme chez tous les grands ambitieux (Sixte-Quint, Richelieu), sa passion dominante est assez forte pour se plier à tout et s’imposer d’abord la souplesse ; son orgueil fait le mort et rampe pour mieux s’élever ; seulement, femme et charmante femme qu’elle est, elle a ses moyens à elle, et elle y met de la grâce : « Au reste, je traitais le mieux que je pouvais tout le monde, et me faisais une étude de gagner l’amitié, ou du moins de diminuer l’inimitié de ceux que je pouvais seulement soupçonner d’être mal disposés en ma faveur.

1512. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Les animaux qui gardent de leurs petits en bon nombre, après avoir crié, oublient vite celui qui leur manque et ne nourrissent pas de regret sentimental.

1513. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Delécluze est, à mes yeux, le bourgeois de Paris par excellence ; c’est le bourgeois de Paris fils de bourgeois, resté bourgeois lui-même, ni pauvre ni enrichi, ayant eu de bonne heure pignon sur rue, modeste et très-content, aimant les lettres, les arts, et en parlant, en jugeant à son aise, de son coin, — un bon coin ; — ayant gardé quelques-uns des préjugés et peut-être quelques-unes des locutions de son quartier ; s’étant formé sur place, rondement et sans en demander la permission au voisin ; ayant voyagé sans changer, s’étant porté lui-même partout ; ne s’étant guère perfectionné, mais ne s’étant pas corrompu.

1514. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Il est vrai que l’auteur, au lieu de faire Mâtho doucereux, s’est appliqué à garder à son amour un caractère animal et un peu féroce.

1515. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

La Grèce, depuis que ses dissensions intestines ont éclaté, depuis qu’elle a cru devoir se passer du roi modeste qu’elle avait gardé pendant trente ans et en quêter partout un autre, a présenté à ses anciens amis et admirateurs un spectacle bien digne de réflexion et qui reporte la pensée avec d’étranges vicissitudes vers des temps de meilleure mémoire.

1516. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

. — Mais qu’il est donc difficile de garder la juste mesure dans l’admiration comme dans la critique, et quel ingrat métier que celui qui consiste à venir sans cesse dire gare à tout excès, à vouloir toujours remettre le cavalier d’aplomb sur sa monture !

1517. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Brossez et faites retoucher un peu ses toiles, et il vous restera d’agréables cadres d’antichambre dont il ne faut pas trop faire fi. » Un morceau sur Chateaubriand, une Étude qui avait eu l’honneur de servir d’introduction aux Mémoires d’outre-tombe, lorsqu’ils parurent dans la Presse, et qui a gardé de sa destination un certain air officiel, coudoie dans le volume un article sur Paul de Kock, — que dis-je, une Visite à Paul de Kock, une folie, une vérité, une perle de la vie de Bohême15.

1518. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Le comte de Gisors étudiait de près les hommes, les institutions ; il fut guidé et piloté à certains jours en Angleterre par Horace Walpole, qui garda de lui la meilleure idée, et qui, en apprenant sa mort, écrivait : « Je suis très chagrin de la mort du duc de Gisors ; il m’avait été recommandé quand il vint en Angleterre.

1519. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

En se présentant à l’Empereur comme chargé des lettres de Ney, Jomini se garda bien de dire qu’il était lui-même l’auteur de l’ouvrage.

1520. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

L’élégie chez Millevoye n’est pas comme chez Parny l’histoire d’une passion sensuelle, unique pourtant, énergique et intéressante, conduite dans ses incidents divers avec un art auquel il aurait fallu peu de chose de plus du côté de l’exécution et du style pour garder sa beauté.

1521. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

3° Au régisseur, pour garder les archives, veiller aux réparations, percevoir les lods et ventes, percevoir les amendes, 432 livres, outre la jouissance de dix arpents de friches.

1522. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Il gardera encore l’harmonie des vers, car l’esprit didactique n’est pas là pour porter la fable dans le pays de la pensée pure, et couper toutes les racines par qui elle tient au domaine des sens.

1523. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Dans l’exaspération de la lutte, la parole chrétienne ne pouvait garder la décence de son caractère, ni les esprits chrétiens la mansuétude de leur Évangile : les protestants glissèrent à la virulence injurieuse ; les catholiques qui ne s’étaient pas encore réformés, retenant lavulgarité facétieuse des Maillard et des Menot, se donnèrent pour rôle d’exploiter et d’exprimer les passions de la populace216.

1524. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Proscrit, Condorcet gardait toute sa sérénité, toutes ses espérances ; il traçait rapidement le tableau des progrès de la raison, retardés en vain par les tyrans et les prêtres, et donnait un aperçu des belles destinées que sa victoire promettait à l’homme, indéfiniment perfectible.

1525. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

La Bruyère écrit, par exemple, sans s’étonner : « … Si Troïle dit d’un mets qu’il est insipide, — ceux qui commençaient à le goûter, n’osant avaler le morceau qu’ils ont à la bouche, ils le jettent à terre… » Or, tout se tient ; et j’imagine que ces gens-là étaient moins exacts que nous à se garder de certaines incongruités.

1526. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Sa Majesté ne jugeant plus à propos de les garder à son service.

1527. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

, et curé après avoir été moine, Molière venu dans un siècle où tout esprit libre avait à se garder des bûchers de Genève comme de ceux de la Sorbonne, Molière enfin sans théâtre et forcé d’envelopper, de noyer dans des torrents de non-sens, de coq-à-l’âne et de propos d’ivrogne son plus excellent comique, de sauver à tout instant le rire qui attaque la société au vif par le rire sans cause, et il m’a semblé qu’on aurait alors quelque chose de très approchant de Rabelais.

1528. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Assis en ce lieu sublime et d’où il embrasse tout l’horizon, il ne se met point à discourir sur la formation du monde ; ce sont de ces sujets à garder pour le sommet de l’Etna ; mais il médite sur les ruines mêmes de la Grèce ; il se demande quelles sont les causes qui ont précipité la chute de Sparte et d’Athènes, et ces considérations d’une haute et sommaire histoire, pleines de vigueur et environnées de lumière, nous montrent à la fois ce qui manque dans les deux sens à l’estimable ouvrage de l’abbé Barthélemy.

1529. (1903) Zola pp. 3-31

C’est là qu’on trouve, aveu naïf que l’auteur se serait gardé de faire plus tard : « Elle en vint à… par un lent travail d’esprit qu’il serait très intéressant d’analyser » ; et que l’auteur n’analysait point du tout.

1530. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Il faudrait les entretenir là d’ouvrages qu’on leur payerait et sur le prix desquels on retiendrait de quoi les garder et les entretenir trois ou quatre années de plus, sans que ce long séjour empêchât le même nombre d’élèves d’aller d’ici en Italie.

1531. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

L’auteur, gardé par son obscurité de toute attaque personnelle, mais attiré par le bruit des coups, se jeta dans la mêlée et se mit à jouer de la plume le plus énergiquement possible : pour rien, pour le plaisir !

1532. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Certes, l’inspiration, la réalisation d’une œuvre gardent toujours ce je ne sais quoi de mystérieux qui est le don même, l’âme, le tréfond de l’être pensant, éternellement impénétrable.

1533. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Elle ignorait alors que, seulement dépositaire des idées conservatrices de la société, elle devait aussi religieusement garder les augustes représentants des traditions sociales.

1534. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Il a dit au chien : « Tu garderas les troupeaux de l’homme, tu veilleras autour de sa demeure, tu le suivras dans ses voyages, tu trahiras ton propre instinct pour te faire l’ennemi des autres animaux lorsque ton maître voudra prendre les plaisirs de la chasse ; et, s’il devient pauvre, misérable, privé de la vue, tu dirigeras ses pas sur les bords du précipice pour le lui faire éviter, ou parmi les flots d’une multitude insouciante pour qu’il reçoive le pain de l’aumône que tu partageras avec lui. » Croyez-vous que cet instinct des animaux marqués pour la domesticité ne prouve pas l’intention du Créateur qui leur donna cet instinct, et qui, ainsi, l’ajouta en quelque sorte aux organes mêmes de l’homme ?

1535. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Sans doute, le rêve d’un écrivain sera d’être compris, jusqu’aux nuances les plus secrètes de sa pensée, par une intelligence sœur de la sienne ; mais ce rêve n’est point incompatible avec celui d’être lu par la foule, de parler à l’âme d’un pays, ne fût-ce que par une page, par une phrase reproduite dans les journaux, citée dans des discours, traduite dans une chanson, et possédée et gardée ensuite par des milliers d’êtres humains dans le trésor des vérités acquises.

1536. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Mais dans cette passion nouvelle, il a gardé ses anciennes habitudes d’esprit ; il a loué sa dame comme il aurait loué Descartes ; et en galanterie, comme en philosophie, il est resté professeur.

1537. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Mit ton a gardé, pour la prose de ses controverses, ce feu de liberté trop ardent qui tourmenta sa vie, et parfois égara sa noble conscience ; et il n’en a reporté dans ses vers que quelques lointains reflets, étant là, par son inspiration même, moins occupé de la terre que du ciel, et moins citoyen que mystique.

1538. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Et elle ne se refroidit point, comme le fer au sortir de la forge, mais gardé en elle cette ardeur de l’amour divin, et la met dans tout. […] Une émotion délicieuse lui piquait les yeux ; car malgré ses quarante ans passés, la vie politique si desséchante, il gardait encore, par un bénéfice de nature, beaucoup d’imagination, cette sensibilité de surface qui trompe sur le fond vrai d’un caractère. […] Ce cant pudibond, et plus genévois que romain, l’Espagne et l’Italie qui ont bien autant de foi, que ce qu’on appelait jadis le royaume très chrétien, se gardent de nous l’envier. […] Elle garderait Fanny, elle ne quitterait pas Mme Ebsen. […] Ainsi s’explique bien aisément le silence gardé sur un écrivain, que sa patrie elle-même était loin, même hier, d’apprécier à sa valeur.

1539. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Charles-Quint apprend que la duchesse d’Étampes agit auprès du roi contre lui ; pour la gagner, il laisse adroitement tomber un diamant magnifique qu’elle ramasse, et qu’il la prie de garder. […] Il a donné des pages que Goetheah et Byron ne désavoueraient pas ; il a trouvé, dans la parole humaine, des secrets et des merveilles que Werther et Lara semblaient garder et défendre comme une autre toison d’or. […] Si nous le savions, Milton et Raphaël garderaient encore le rang qui leur appartient dans l’histoire de l’art ; mais nous aurions pour leurs ouvrages immortels une admiration plus familière et plus pénétrante. […] Chaque jour, les deux forçats rivés à cette chaîne qu’ils pourraient briser, mais qu’ils gardent par ostentation et par entêtement, s’éveillent en maudissant. […] Quand je posséderais toute la vie privée des hommes dont le nom est aujourd’hui célèbre, je me garderais bien de la révéler.

1540. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Le peuple de Paris, tumultueusement, a porté au pouvoir côte à côte, Lamartine, Ledru-Rollin et Louis Blanc ; cela n’oblige point la nation entière, régulièrement consultée, garder au pouvoir Louis Blanc, Ledru-Rollin et Lamartine. […] Tant y a que les Lettres de Françoise mariée sont sur ma table, que je les ai lues avec soin et que je dois rendre compte de l’impression que j’en ai gardée. […] Michelet semble l’avoir gardée jusque vers 1866, Renan jusqu’en 1870. […] Je me suis bien gardé de vous lire. […] Elle déclara que l’ancienne noblesse reprenait ses titres et que la nouvelle gardait les siens ; mais que ni l’une ni l’autre n’aurait de privilège.

1541. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Il n’est pas jusqu’au bourgeois qui ne commence son inspection, son épais livret à la main, avec un air de lassitude anticipée, que la certitude qu’il vient d’acquérir au vestibule de pouvoir garder à la main son parapluie ne parvient pas même à dissiper. […] Et soyez sûr que si le chevalier gardait au fond du cœur une fibre de tendresse, s’il épargnait le faible et s’il défendait parfois l’opprimé, c’est qu’il se souvenait des leçons apprises aux pieds de quelque douce châtelaine dans le beau temps où il était page. […] Il y a un mois cela ne valait rien, si ce n’est pour les collectionneurs, braves gens qui gardent tout, même les assignats comme souvenirs d’un temps de confiscation et d’arbitraire. […] Ni la naissance, ni la fortune de madame Gay ne la plaçaient dans le monde brillant qui l’avait acceptée avec sa fille, et, pour se maintenir sur ce terrain glissant, il fallut sans doute bien des exercices d’équilibre, dont la mère, on doit lui rendre cette justice, garda pour elle seule le secret. […] Il semblait donc qu’il y eût lieu d’espérer que les Champenois garderaient leurs sources, et les Parisiens leur argent, — deux choses dont ils ont, les uns et les autres, grand besoin ; pourtant on assure qu’il n’en sera point ainsi, et qu’on fera venir l’eau de la Champagne.

1542. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Un mauvais plaisant mit l’impromptu suivant sous le portrait de cet auteur dramatique : Voyant le portrait de Corneille, Gardez-vous de crier merveille ; Et dans vos transports n’allez pas Prendre ici Pierre pour Thomas. […] Tous ses amis vantaient le talent avec lequel il avait traité le sujet ; Chapelle gardait le silence. […] « Veux-tu ma bague, dit-il à Campistron, je te l’ai gardée. » Racine avait fait Esther et Athalie, Campistron à son tour, voulut composer sa tragédie chrétienne. […] Racine garda la pièce huit jours, après lesquels il se rendit chez la princesse, et lui dit qu’il avait lu ma tragédie avec étonnement, qu’à la vérité elle était défectueuse en plusieurs endroits, mais que si Son Altesse « agréait que j’allasse quelquefois chez lui pour y recevoir ses avis, il la mettrait, dans peu de temps, en état d’être jouée avec succès.

1543. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

De la constante attitude que Barbey avait eue et qu’il a gardée jusqu’à la fin devant son temps et devant la vie. […] « Que de raisons, mon père, pour vous dédier ce livre qui vous rappellera tant de choses dont vous avez gardé la religion dans votre cœur ! […] Il avait dépouillé l’élément fécond : les fortes croyances, pour ne garder que l’élément dangereux : le désir passionné d’une existence d’outlaw, hors la loi commune. […] On éprouve, en lisant ses livres, une estime singulière pour ce noble esprit qui a gardé le culte chevaleresque de la femme et de l’amour, à travers tant d’analyses hardies et de curiosités dangereuses. […] À cause de cela, et pour garder le ton, il s’interdit de montrer la machine physique de ses hommes et de ses femmes, l’obscur travail animal qui sert de dessous à nos passions.

1544. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Ici encore il faut se garder de ramener le plaisir esthétique au jeu d’un organe particulier. […] L’amour ne peut saisir ici-bas son objet ni, lorsqu’il croit l’avoir saisi, le garder : cet objet fuit toujours dans l’inconnu, sans laisser en nous autre chose qu’une blessure. […] En général, les alexandrins très harmonieux se suffisent à eux-mêmes ; isolés, il gardent encore leur harmonie, comme le faisaient les vers antiques ; us portent une marque : bien avant la rime, quelque chose les a consacrés vers. […] Autant en effet le romantisme a perdu de nos jours son influence sur les prosateurs, autant il a gardé sur les poètes une domination presque exclusive. […] Ainsi de nos jours la cheville peut coïncider avec des rimes « pittoresques » ; ce qui était impossible au dix-septième siècle, lorsque la pensée du poète se déroulait logiquement dans sa nudité et que le mot mis pour la rime, honteux de lui-même, se gardait de faire trop de bruit.

1545. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

C’est également l’exemple de Pascal qui a mis en liberté la pensée de Boileau, si, comme nous le savons, les premières Satires ont été composées entre 1658 et 1660, et d’autre part, si nous n’ignorons pas l’admiration que Boileau gardera jusqu’à son dernier jour pour les Provinciales. […] Il n’avait pas accepté seulement, il avait pris, et gardé tout entier pour lui, l’héritage de pouvoir que lui avaient comme accumulé les Mazarin et les Richelieu. […] Rien de plus encore, et il faut se garder de confondre les temps ! […] Parce qu’il sait bien « qu’en France on ne considère que ce qui plaît », que « c’est la grande règle et même la seule » pour ainsi dire, il s’est donc bien gardé d’y manquer ! […] 5º Les Œuvres. — De toutes les pièces qu’on vient d’énumérer, il n’y en a pas six dont on ait gardé la mémoire ; — ni seulement une que l’on osât encore jouer ; — et il n’y a pas un auteur à qui l’histoire de la littérature doive plus qu’une mention.

1546. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Même il n’a gardé nulle tendresse de cœur pour la religion où il a été élevé. […] Mais il est des êtres qui pour avoir évité la souillure du plaisir ont gardé intactes des énergies qu’eux-mêmes ils ignorent. […] Et ils se donnent en pensée le spectacle de cette vie qu’ils sont impuissants à revivre et dont ils gardent au fond d’eux-mêmes le regret nostalgique. […] Pour ce qui est des médecins, d’ailleurs, il n’est personne qui n’ait eu affaire à eux ; et ceux mêmes qui en ont rencontré d’habiles et de dévoués leur gardent au fond du cœur une secrète rancune. […] Les miroirs y gardent quelque chose de tant d’images qu’ils ont reflétées.

1547. (1883) Le roman naturaliste

Ni grands ni bons d’ailleurs : parce qu’il ne faut pas que le lecteur puisse risquer de les admirer, ou d’en garder un souvenir ému ; ni vicieux, à proprement parler, ni passionnés dans le crime : car ne sont-ce pas inventions de poètes que la profondeur de perversion dans le vice, et le délire dans la passion ? […] En vérité, si les pères pouvaient être jaloux de leurs enfants, du personnage qu’ils font dans le monde, mais surtout si l’on ne gardait pas un souvenir éternellement flatteur des premiers murmures de la popularité naissante, nous croirions volontiers que M.  […] Pourquoi l’Assommoir, en dépit qu’on en ait, occupe-t-il dès à présent, et gardera-t-il sans doute une place à part, ou unique même dans l’œuvre de M.  […] mais comme au plus profond de sa mémoire elle en gardait le cher, et vivant, et riant souvenir ! […] L’une de ses supériorités sur l’auteur de Madame Bovary — comme aussi, je dois le dire, sur l’auteur de Jane Eyre — c’est de n’en avoir pas gardé rancune à la vie.

1548. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Ils devaient rompre l’unité de l’Église, comme ils avaient mis tout leur effort à empêcher l’unité de leur pays ; « ils furent hérétiques, c’est-à-dire divisionnaires dans la religion, comme ils l’avaient été dans la politique. » Gardez-vous de vous inspirer d’eux ; il est bon, dans l’instruction publique, de n’apprendre aux enfants que le latin. — On n’est pas plus « Romain » que cela ; de Maistre l’est jusqu’au fond de son être intellectuel. […] Oui, il y avait une constitution en France avant 1789 ; il y avait les germes, un peu mortifiés, et le dessin, un peu altéré et obscurci, d’une excellente constitution, mélange très heureux de monarchie, d’aristocratie ouverte, de démocratie, avec un corps admirablement fait pour recevoir et pour garder le « dépôt des lois » ; et tout cela, peut-être, pouvait être conservé, à la condition d’être redressé et revivifié ; et j’admets qu’il ne fallût pas une révolution ; mais je tiens qu’il fallait une réforme. […] Et il n’en est pas moins vrai que le Génie est, sinon la charte, du moins le manifeste insurrectionnel de toute la littérature moderne, parce qu’il a montré et la futilité où la littérature classique déclinante était tombée, et certaines erreurs dont la littérature classique triomphante, depuis Boileau et depuis Ronsard, avait toujours gardé la trace. […] Cette impression dure assez longtemps, et, du reste, il en faut garder. […] Et, cependant, de cette première impression, s’il faut retenir quelque chose, il ne faut pas tout garder.

1549. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Je me serais donc gardé d’engager la lutte avec un si noble devancier ; mais M. de Vigny, à vue d’œil et malgré l’éclat de ses titres, n’avait aucune chance de succès à ce moment-là. […] Je me rappelle que, quelques instants avant la séance, M. de Vigny en costume, mais ayant gardé la cravate noire, « par un reste d’habitude militaire », disait-il, rencontra dans la galerie de la Bibliothèque de l’Institut, et au milieu de la foule des académiciens, Spontini, également en grand costume et affublé de tous ses ordres et cordons74 ; il alla à lui les bras ouverts et lui dit d’un air rayonnant : « Spontini, caro amico, décidément l’uniforme est dans la nature. » Ce mot, qui de la part d’un autre eût été une plaisanterie, n’en était pas une pour lui et eût pu s’appliquer à lui-même.

1550. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Les poésies de Théocrite, qui avaient couru de son vivant, furent réunies pour la première fois, quelque temps après lui, par un grammairien du nom d’Artémidore, qui lui rendit, toute proportion gardée, le même service qu’Aristarque rendit à Homère. […] Je dis que je te vaincrai tant que je voudrai moi-même en chantant. » Daphnis lui répond dans le même tour et sur les mêmes cadences : « Pasteur de laineuses brebis, flûteur Ménalcas, tu ne me vaincras jamais, même quand tu chanterais à en mourir. » Remarquez bien qu’il n’y a pas ce mot de mourir dans le texte ; un tel mot de malheur ferait tache, et les Grecs s’en gardaient soigneusement.

1551. (1929) Dialogues critiques

Je crois qu’il peut garder face humaine, rester sociable et même se mêler à la bonne compagnie. […] Mais j’estime ces hommes cultivés, qui font cas de la culture, qui savent composer, et gardent quelques apparences de santé intellectuelle, jusque dans le plus arbitraire des pragmatismes.

1552. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Mozart, comme Rossini, ayant l’habitude de composer de tête ses plus grands morceaux, les gardait très longtemps dans sa mémoire, et, lorsqu’il se mettait à écrire, il ne faisait guère que copier. […] « Comme personne ne me parlait de mes deux autres frères chéris, Jérôme et Louis, enlevés par la mort à la fleur de leur âge, je me gardais bien d’en prononcer moi-même le nom, de peur d’attrister, par quelques douloureuses réminiscences, la joie de ce beau jour.

1553. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

L’iniquité est partout ; la mémoire humaine n’est pas démocratique, ou plutôt elle est trop étroite et trop fragile pour contenir et pour garder les peuples tout entiers dans ses annales ; elle s’attache à quelques figures grandioses, pittoresques, pathétiques, culminantes, qui sortent à ses yeux de la foule, et elle en fait l’aristocratie privilégiée de l’espace et du temps. […] Je méprise de pareils empereurs ; ainsi je me garderai bien de les imiter.

1554. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

— Non, lui dis-je, je sais très bien que je pouvais prendre la fortune avec la dictature et la garder ; mais il fallait pour cela cinq ou six têtes des leurs en tout pour intimider le reste. […] Je la possède ; je l’ai sous la main, mais je me garderai de la donner à mes lecteurs, c’est trop poignant !

1555. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Je viens d’y poser les pieds, et je marque ici cette sorte de consécration du foyer dont la pierre ne gardera point de trace. […] Les bergers les vénèrent comme une sorte de génie et se gardent d’en tuer aucune.

1556. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Après quoi, je pliai bagage pour toujours ; et si depuis j’ai composé quelque pauvre petit sonnet, quelque chétive épigramme, ç’a été sans l’écrire ; ou si je les ai écrits, je ne les ai point gardés, je ne saurais où les retrouver, et ne les reconnais plus pour être de moi. […] Furieux de l’affront que je recevais, je manquai à ma parole pour rimer quatorze vers sur ce sujet, et je les envoyai à mon ami ; mais je n’en gardai point copie, et ni ceux-ci, ni d’autres que l’indignation ou toute autre passion arracha de ma plume, ne figureront plus désormais parmi mes poésies déjà trop nombreuses.

1557. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

… » XV La triste épreuve de sa tragédie faite et acceptée, il tombe énervé, découragé, maigri, chez sa mère, elle le garda quatre ans, mais non oisif. […] « “Quelle énergie ne faut-il pas pour garder sa tête saine quand le cœur souffre autant !

1558. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Voyant que tous désiraient non-seulement l’ambassade, mais encore l’ambassadeur, le Pape, après avoir gardé le silence jusqu’à la fin, pour ne gêner aucun des cardinaux, se joignit au sacré collège. […] « Quoique j’aie toujours cherché dans le cours de la négociation à éviter tout ce qui aurait tendu à suspendre la marche des choses et à fournir prétexte à la colère et à la mauvaise humeur, je lui dis que nul mieux que lui ne pouvait attester la vérité de mes paroles ; que j’étais très étonné du silence étudié que je lui voyais garder sur ce point, et que je l’interpellais expressément pour qu’il nous fît part de ce qu’il savait si pertinemment.

1559. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

c’en était trop : je refusai de prendre son couteau, et lui dis de garder son fusil en état, pour le cas où nous rencontrerions un couguar ou un ours. […] Dès le même soir, les hirondelles revinrent comme d’habitude, et je me gardai de les troubler de plusieurs jours.

1560. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il était dans sa trente-troisième année seulement à son arrivée à Weimar ; il avait gardé toute la fraîcheur des impressions premières et la faculté de l’admiration. […] « Il était dans le caractère de Goethe de ne pas communiquer facilement ce qui le touchait de près, et il garda un profond silence sur cette audience ; peut-être était-ce aussi par modestie et délicatesse.

1561. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Mais, toujours Genevois dans l’âme, il gardera de son origine une indéracinable sympathie pour les petits États, où la vie nationale se réduit aux proportions de la vie municipale. […] Il n’y a chez les catholiques que les prêtres, qui, cessant de croire, puissent garder le sens religieux : mais, a-t-on dit, tout protestant est prêtre, et Rousseau plus qu’aucun autre.

1562. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Garder sévèrement les brutes et les assommer quand elles se ruent ? […] Mais c’est un crime de le tenir dans l’idiotisme pour le garder indéfiniment en tutelle.

1563. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Et lorsque, dans les crises de grandes passions, il lui faut les exclamations les plus violentes, les plus pathétiques, il prend toujours les mêmes trois ou quatre mois : « selig, brunstig, heilig »… les termes génériques dans leur plus simple expression, parce que ceux-ci seuls siéent aux héros de son poème. « L’homme vivant et vrai, dit Wagner, ne décrit pas ce qu’il veut et ce qu’il aime : il aime et il veut… La poésie ne faisait plus que décrire… elle vous donnait le catalogue d’une galerie de peintures, mais pas les tableaux… elle était forcée de devenir platement prolixe… J’ai dû éliminer tout ce qui était superflu, fortuit, indécis, retrancher tout ce qui dénature les vrais sentiments des hommes… je n’ai gardé que le noyau… et je l’ai exprimé dans une langue concise, eu serrant autant que possible les accents de la phrase… » La langue est donc très forte, très concise, abrupte, « quintessenciée ». […] La sensible a plus de force que l’octave qui ne semble atteinte que pour préparer une chute en forte sur la sensible, qui vibre avec force et précision, assez pour devenir à son tour un centre d’affinités mélodiques, importance qu’elle gardera pendant toute la troisième mesure.

1564. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Je crois que cette Revue elle-même n’eut point la marche sûre des grands dévouements : elle nous donna de précieuses informations, nous renseigna, avec netteté et conscience, sur tels faits extérieurs que nous désirions connaître ; mais en refeuilletant sa collection, je ne vois pas que rien s’en dégage de définitif : la figure de Wagner n’y apparaît point, qu’éparse et par ébauches rapides ; le sens de ses œuvres n’y est guère saisi ni exprimé qu’à travers les partis-pris et les rhétoriques de systèmes littéraires bien restreints ; les choses même de l’actualité y sont jugées avec des principes flottants, comme sous l’influence de bonnes ou mauvaises digestions, d’humeurs en va et vient, de colères d’un moment et d’étranges balancements psychologiques, Ici aussi, on a voulu garder sa vie. […] Mais je m’afflige de ce que presque tous aient, plus ou moins, « gardé leur moi » — leurs préoccupations personnelles, leurs intérêts actuels — dans les efforts qu’ils faisaient pour expliquer l’œuvre du maître à ceux qui l’ignoraient.

1565. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Il ne s’est gardé que trois femmes : la princesse, la Païva, Mme de Tourbet. […] Il nous apparaît, pour la première fois, comme quelqu’un vers lequel nous voyons s’approcher la mort, et nos yeux s’attachent involontairement à lui, comme à une personne aimée qu’on va perdre et dont on veut garder le souvenir.

1566. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Si je l’avais mordu, le sein de la nourrice ; Si je l’avais meurtri d’une telle façon Qu’elle en puisse à jamais garder la cicatrice, Et montrer sur son cœur les dents du nourrisson ? […]     Si vous oubliez votre histoire,     Vos jeunes filles, sûrement,     Ont mieux gardé notre mémoire ; Elles nous ont versé votre petit vin blanc, etc.

1567. (1926) L’esprit contre la raison

Une belle envolée lyrique fait ainsi de la raison un abri médiocre, une masure à toit de chaume qui permet de se garder de l’aventure d’être. […] Elle s’appuie elle aussi sur l’utilité immédiate et elle est gardée par le bon sens.

1568. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Il ne garda dans les premiers jours auprès de lui que ceux des courtisans qui avaient le plus connu Gabrielle, et avec qui il pouvait s’en entretenir.

1569. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

À quelques jours de là, elle renvoyait à M. de Lorraine la valeur d’un million de pierreries qu’il lui avait données, « lui disant qu’il ne lui convenait pas de les garder, n’ayant pas l’honneur d’être sa femme ».

1570. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Il n’en était plus à ce moment où, son ami le noble général Drouot quittant l’armée de la Loire et prenant congé de lui pour venir se constituer prisonnier à Paris, il lui offrait de l’accompagner et de le défendre devant le conseil de guerre : ce que Drouot refusait délicatement, mais dont il garda toujours le souvenir.

1571. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Il avait depuis peu (novembre 1787) assuré son bonheur domestique en épousant une femme qui avait eu autrefois une grande beauté, qui en gardait quelque chose, veuve, ayant déjà passé les belles années de la jeunesse, mais qui avait été l’amie intime de sa mère : il la voyait telle encore qu’il l’avait vue au premier jour.

1572. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

S’étant laissé aller un jour, comme il aimait à le faire dans les dernières années, à entretenir un ami de ses espérances religieuses et de sa confiance en une vie future, en l’immortalité, il se reprenait tout d’un coup, mais pour y appuyer davantage : Je fais la réflexion que ce sujet que je traite si volontiers est bien délicat, et qu’il vaudrait mieux garder pour soi les observations qu’on peut faire et en montrer le résultat par ses œuvres.

1573. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Car un des caractères de ce siège, et qui le distingue des autres sièges également soutenus à outrance dont l’histoire a gardé les noms, c’est que le sentiment qui anime les chefs de ceux qui résistent et qui s’opiniâtrent ainsi, est un sentiment que j’appellerai éclairé ou civilisé, un sentiment tout d’honneur chez Montluc, tout de patriotisme et d’indépendance chez les Siennois.

1574. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Ce n’est point de sa part une question d’amour-propre ; il a gardé cela des érudits, que pour lui, en fait de bonnes pensées, citation vaut invention.

1575. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

qui s’en peut garder ?

1576. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Fallait-il pas qu’elle jouât d’étranges personnages pour tromper les uns et les autres, et cependant garder comme elle a fait ses enfants, qui ont successivement régné par la sage conduite d’une femme si avisée ?

1577. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Il s’est répandu (toute proportion gardée) sur son nom quelque chose de cette lumière clémente qui brille et qu’on salue au front des défenseurs de Louis XVI.

1578. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Je jetai dehors tout ce qu’il m’avait donné, tout ce que j’avais dans mes poches et dans ma chambre, n’osant pas garder près de moi rien de ce qui lui avait appartenu. — Telle était en ce moment, la répulsion que j’éprouvais à l’égard d’un homme pour lequel quelque temps auparavant j’aurais donné ma vie.

1579. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

La plupart des premières et des plus anciennes, qui remontent jusqu’à 1818, sont écrites à de bonnes et pieuses demoiselles, Mlle de Lucinière, Mlle de Tremereuc, que Lamennais avait connues aux Feuillantines, dans une espèce de petit couvent dirigé par le respectable abbé Carron : il avait inspiré à ces dignes personnes une vive amitié, qu’il leur garda de son côté très-fidèlement, au milieu de toutes ses traverses et de ses vicissitudes.

1580. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

La passion que Charles II avait pour elle, et dont il garda l’impression profonde, pouvait seule contrebalancer son aversion pour la France.

1581. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Que je serais heureux si mon panier avait gardé un peu de la saveur primitive, si mes vers vous rappelaient Wordsworth autrement que par le titre ! 

1582. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Craufurd, il est impossible d’admettre qu’il n’ait pas reçu de Mme de Staël nombre de missives et de communications qui passaient au moins par elle, et que de loin elle n’ait pas été un moment active, à l’instigation de je ne sais quel de ses amis, ou de Benjamin Constant qui avait bien gardé quelque prise sur elle, ou du prince Joseph, ou de ce diable de Fouché que de tout temps elle connaissait.

1583. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan ; ses instruments sont analytiques, sa forme et son fond sont pour l’idéal et pour l’infini ; c’est un brahme affilé jusqu’aux dents de la science moderne et qui en use, mais qui a gardé sur son front et dans son processus quelque chose de l’empreinte originelle.

1584. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

. — Satan : M’en garderas-tu le secret ?

1585. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Il a vu bien des pays, et il est avant tout un homme de bon sens, qui a gardé, je ne dis pas de son utopie première, mais de son ancienne religion, une faculté qui lui permet de sortir des classifications routinières et des compartiments convenus.

1586. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

C’étaient, somme toute, de bonnes et inappréciables années, et l’on conçoit que tous ceux qui y ont passé en aient gardé, avec la marque à l’esprit, la reconnaissance au cœur.

1587. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Michel Nicolas, je me suis adressé à lui-même pour avoir les moyens, à mon tour, de remonter directement aux sources ; j’ai questionné par lettres des membres de la famille de Jean-Bon qui avaient gardé des récits de tradition orale ; j’ai reçu, de Montauban, la communication de pièces originales et rares, difficiles à retrouver29.

1588. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

M. le Duc s’y trouvait : ils gardèrent le roi deux heures, et M. de Fréjus, à qui le roi avait promis de revenir sur-le-champ, s’impatienta et partit.

1589. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Mais aussi, dans l’autre supposition, vous avez un grand homme raisonnable, un de ceux qui n’en prennent pas plus qu’ils n’en peuvent garder : dans l’ordre de la guerre, vous avez un Turenne, un Wellington ; dans l’ordre politique, un Washington ou même, entre les plus audacieux, un Cromwell, ou parmi les rois conquérants un Frédéric, et non un de ceux qui, s’élançant hors des orbites connues, agissent puissamment à distance sur l’imagination des hommes et qui hâtent, qui précipitent en quelques années les destins de l’univers.

1590. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

En convenant qu’il doit y avoir du vrai, gardons-nous pourtant de nous faire un Talleyrand plus paresseux et moins lui-même qu’il ne l’était : il me paraît, à moi, tout à fait certain que les deux Mémoires lus à l’Institut en l’an V, si plein de hautes vues finement exprimées, sont et ne peuvent être que du même esprit, j’allais dire de la même plume qui, plus de quarante ans après, dans un discours académique final, dans l’Éloge de Reinhard, traçait le triple portrait idéal du parfait ministre des affaires étrangères, du parfait directeur ou chef de division, du parfait consul : et cette plume ne peut être que celle de M. de Talleyrand, quand il se soignait et se châtiait.

1591. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Prêtre austère, âme de génie, il a gardé sous ses cheveux gris tous ses trésors de foi et de jeunesse ; il a dépouillé d’un coup ses préjugés politiques, non inhérents à la vraie foi.

1592. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Seulement M. de Lamartine, bien qu’il n’aille pas moins à pleines voiles dans cette idée, a gardé dans la forme, dans l’application en politique, dans l’extrême tolérance pour les personnes, tout ce qui faisait de lui dès l’abord un poëte d’harmonie, d’onction et de grâce ondoyante ; il procède toujours par voie d’expansion et non d’éruption. 

1593. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

« Tout d’un coup, des douleurs aiguës le prenaient dans les bras et dans les jambes ; il pâlissait, il était obligé de s’asseoir, et restait sur une chaise hébété pendant des heures entières ; même, après une de ses crises, il avait gardé son bras paralysé tout un jour » (p. 500).

1594. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

En attendant, il court en sceptique à travers les annales de tous les peuples, tranche et retranche légèrement, trop vite, avec excès, surtout lorsqu’il s’agit des anciens, parce que son expédition historique n’est qu’un voyage de reconnaissance, mais avec un coup d’œil si juste que, de sa carte sommaire, nous pouvons garder presque tous les contours.

1595. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Boileau ne sortit pas indemne de toutes ces polémiques : il en garda un fâcheux renom de pédant et de cuistre, qui mit son œuvre en défaveur ; et même aujourd’hui, après tant d’années, quand depuis si longtemps le combat a cessé, et qu’il ne reste plus même que le souvenir des anciens partis, nous ne sommes point encore revenus des préjugés créés contre lui par l’acharnement qu’on mit au temps du romantisme à rendre sa doctrine responsable des misérables productions de l’art pseudo-classique.

1596. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Il a reçu l’éducation ecclésiastique, et il a gardé l’âme ecclésiastique : une âme de douceur, de finesse, de nuances, et puis — ce qui est le grand point — dans la perte de la foi, le sens de la foi, le respect de la foi.

1597. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Elle a été le refuge des druides et la forteresse inexpugnable des Celtes ; fidèle à elle-même, elle se cramponne aujourd’hui d’une étreinte désespérée au catholicisme qui décline et à la monarchie qui s’en va ; et en même temps vaincue dans sa lutte contre les vagues, perdant chaque mois, presque chaque jour, quelques-uns des siens au milieu des écueils, elle a peur encore des sorciers et des korrigans ; elle est convaincue que tous les ans, à la Toussaint, les noyés remontent à la surface des eaux et pour rien au monde elle ne mettrait une barque à flot ce jour-là ; elle abonde en légendes tristes ; elle est pleine de fantômes vagabonds ; et par cela même elle a gardé une physionomie archaïque, qui, non seulement se reflète dans les œuvres de ses enfants, mais l’a rendue chère aux écrivains et aux artistes de notre siècle.

1598. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

D’autres, des brunes ; Zénon de Citium, Épictète, Marc-Aurèle, gardent, parmi les fantômes que le moindre souffle emporte recourbés, une noble précision et un puissant équilibre immobile.

1599. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Dans ces deux cours je voudrais que, tout en insistant sur les beautés et sur les grandeurs de la littérature française et de l’histoire nationale, on se gardât bien de dire ce qui se dit et se répète partout, dans les collèges et même dans les académies, aux jours de solennité, que le peuple français est le plus grand et le plus sensé de tous les peuples, et notre littérature la première de toutes les littératures.

1600. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Dans une des lettres nouvelles, on le voit, après un voyage en Nivernais, qui a été des plus fatigants, arriver à une terre appelée les Bordes ; il faut entendre comme il en décrit les délices : « On y mange quatre fois par jour ; on y dort vingt heures, et il n’y a pas de lit que le Sommeil n’ait fait de ses propres mains. » Et il entre alors dans tous les détails sur les avantages du lieu, et sur certains agréments de garde-robe qu’il décrit au long à sa belle-sœur avec un enthousiasme, avec une sorte de verve lyrique que je me garderai de citer ; nous sommes devenus trop petite bouche pour cela.

1601. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

On ne sait pas avec précision à quel âge il mourut, mais on se le figure ayant toujours gardé quelque chose de jeune, de riant, de rougissant et de pur, un de ces visages qui sont tout étonnés d’avoir des cheveux blancs.

1602. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Fouquet, bien que surintendant, avait gardé sa place de procureur général au parlement de Paris, ce qui rendait impossible de le faire juger par commissaires en violation des droits et privilèges de sa compagnie.

1603. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Je ne me permets point de juger ce que fait ou ne fait pas la Providence, grand mot dont on abuse, et qui n’est souvent que la déification de notre propre pensée ; mais il me semble que si le gouvernement représentatif n’a pas un type unique et seul bon, et s’il n’est pas lui-même l’unique gouvernement possible, il faut se garder d’offrir toujours des types dans un ordre aussi changeant et aussi divers que celui de l’histoire, et dans lequel le fait donne à la théorie des démentis perpétuels.

1604. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Dans cette vie déjà longue où pas une mauvaise pensée ne s’est glissée, et qui a échappé à toute passion troublante, il a gardé la joie première d’une belle âme pure.

1605. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Ce Franklin de 1767, ainsi frisé, poudré et accommodé à la française, et qui s’étonnait d’avoir quitté pour un instant sa perruque plus grave, différait tout à fait du Franklin pur Américain qui reparaissait en 1776, et qui venait demander l’appui de la Cour dans un costume tout républicain, avec un bonnet de fourrure de martre qu’il gardait volontiers sur la tête ; car c’est ainsi qu’il se montra d’abord dans les salons du beau monde, chez Mme Du Deffand, à côté de Mmes de Luxembourg et de Boufflers, et autres puissances : Figurez-vous, écrit-il à une amie, un homme aussi gai qu’autrefois, aussi fort et aussi vigoureux, seulement avec quelques années de plus ; mis très simplement, portant les cheveux gris clairsemés tout plats, qui sortent un peu de dessous ma seule coiffure, un beau bonnet de fourrure qui descend sur mon front presque jusqu’à mes lunettes.

1606. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

On était à la fin du xvie  siècle ; le tsar et grand-duc de Russie Ivan IV, surnommé le Terrible, était mort en 1584, après un long règne ; malgré son surnom effrayant, il ne paraît pas que les peuples aient gardé de lui un souvenir trop odieux, et ce qui était de sa race leur était cher.

1607. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Ils ont réduit en système cet aphorisme célèbre, qui n’est pas sans vérité, mais où il faut se garder devoir une loi : « Il n’y a point de génie sans quelque grain de folie. » Déjà, dans deux ouvrages piquants41, le docteur Lélut avait essayé d’établir que Socrate et Pascal avaient été hallucinés, se bornant du reste à conclure que l’hallucination n’est pas incompatible avec la pleine possession du génie.

1608. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Quelle existence propre peuvent garder ces molécules indiscernables dans cet océan infini ?

1609. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Ils s’en garderaient bien : ils ont trop foncièrement compris notre conseil de liberté et de franchise vis-à-vis de soi-même.

1610. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Nous avons toutes raisons pour croire que beaucoup de ces formes douteuses, ou étroitement alliées, ont gardé avec permanence leurs caractères en leur contrée natale pendant une longue période de temps et, autant que nous en pouvons juger, aussi longtemps que de véritables espèces.

1611. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Mais Philarète Chasles y avait mieux écrit que Voltaire, et comme Voltaire, et plus profondément que ce serpent sur la peau duquel tout glissait, Philarète Chasles a gardé bien plus d’Angleterre sous la sienne.

1612. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Arsène Houssaye mettait des mouches, il n’avait gardé que l’assassine, celle-là qui donnait tant de piquant à la physionomie.

1613. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Dès qu’on conçoit ainsi ces trois modes essentiels, il est clair que les « genres intermédiaires », innombrables autant que légitimes, sont des cas particuliers ; il faut se garder de créer pour eux des catégories nouvelles ; il faut respecter leur individualité, en expliquant leur genèse par la combinaison d’éléments divers.

1614. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Il y a des philosophes qui croiraient se discréditer en avouant que leur science a des obscurités et que leur vue a des bornes ; ils auraient honte de fléchir sous un doute, ou de rester courts devant une objection ; ils goûtent l’admiration aussi vivement que les coquettes ; pour la garder entière, ils simulent des explications, comme elles achètent de fausses dents.

1615. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Mais il a gardé la politesse du dernier siècle, et, si vivement qu’il vous réfute, il est impossible que vous lui vouliez du mal.

1616. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Nourri, logé, suffisamment payé, il put, au bout de quatre ans, réunir des économies assez notables pour entreprendre son voyage de retour et se mettre au travail littéraire dont il avait toujours, en soi, gardé la passion. […] Et ne gardent-ils pas un souvenir des anciennes tortures, et ne sont-ils pas, en réalité, une application, morale toujours, mais souvent physique, des rites abolis de l’Inquisition ? […] Elles passent, l’astre demeure ; Astra manent… Et elles ont ceci d’admirable et de consolateur qu’elles semblent garder plus de lumière à l’astre qu’elles ont voilé un instant ! […] Mais ce sont ou des êtres anormaux, en état de révolte contre la nature, ou de simples reflets du mâle dont elles ont gardé, par le sexe, l’empreinte. […] … Mot magique et qui semble nous garder à jamais des révolutions !

1617. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Elles ont agi toute la journée ; elles n’ont pas gardé pendant un seul instant l’immobilité complète de tout le corps. […] La fable du fruit défendu semble bien totémiste : le clan sémite qui avait gardé cette légende s’était sans doute cru, à un certain moment, une origine végétale ; de même un des clans Oraon, en Australie, descend d’un Figuier. […] Il n’a qu’un but, séparer l’homme de la nature et, comme cela flatte beaucoup la vanité humaine, il a réussi, depuis le commencement du monde, à garder de fort belles positions. […] On a gardé une curieuse relation de la construction de Notre-Dame de Chartres. […] Il faut rejeter toutes les superstitions, mais il est bon de garder certains respects, celui de la grandeur et celui de la beauté.

1618. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Gardons-nous cependant de les considérer comme oiseuses et inutiles. […] Gardons-nous cependant de conclure de là que le drame wagnérien se passerait mieux de l’appareil théâtral. […] Mais comme l’art de Beethoven avait à se dégager des lois et formules consacrées de l’ancienne musique, comme il avait en quelque sorte besoin de se justifier devant elles, son œuvre avait encore gardé quelque chose d’embarrassé et de peu clair. […] Considéré dans l’ensemble de son génie d’artiste, Wagner, si l’on veut le rapprocher d’un type d’artiste connu, rappelle un peu Démosthène ; il a le même sérieux terrible pour tout ce qu’il fait et la même puissance à saisir du premier coup et à garder solidement tout ce qu’il veut prendre. […] Quoi qu’il advienne de leurs efforts, gardons-nous des jugements hâtifs et surtout des impressions pessimistes habituelles aux esprits chagrins, aux tempéraments rassis, ennemis de l’aventure.

1619. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

La comédie avait gardé plus de vigueur et de gaieté. […] Les uns avaient gardé, dans leur talent et dans leur conduite, quelque chose du caractère des précédentes années ; d’autres s’étaient entièrement livrés à l’influence de la mode. […] Mais quand le jeune auteur, enivré des applaudissements du théâtre, et plus encore de la flatteuse familiarité de quelques grands seigneurs, vit qu’il s’était imposé des bornes inutiles, et que plus il se jouerait de tout, plus il parviendrait à plaire à ceux dont il se flattait d’être l’ami, alors il perdit peu à peu la réserve qu’il avait d’abord gardée, et s’enhardit à parler de toutes choses avec irrévérence. […] L’on en gardait un ressentiment profond et même exagéré. […] Il y a tant de gens pour qui les mots sont tout, dont les sentiments reposent sur cette seule base, qu’il faut bien se garder de l’ébranler.

1620. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Il est permis à des collégiens, à des femmes, de garder sur leurs yeux le bandeau du patriotisme littéraire ; les collégiens sont ignorants, et les femmes sont naturellement passionnées. […] Il crie, il est rude, il rompt en visière, et s’il gronde quelqu’un, il lui remet devant les yeux toutes ses iniquités passées… À moins qu’il ne soit persuadé qu’il y va de la vie des gens, il ne leur gardera pas le secret448. » En 1666, Molière créa le personnage d’Alceste. […] « Il ne suffit pas de garder le respect que nous devons au demi-dieu qui nous gouverne ; il faut épargner ceux qui ont le glorieux avantage de l’approcher, et ne pas jouer ceux qu’il honore d’une estime particulière. » De Villiers, Lettres sur les affaires du théâtre.

1621. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Il a gardé un souvenir confus des termes depuis qu’il a quitté l’université, mais il a perdu la moitié de leur sens, et les met ensemble sans autre motif que leur cadence, comme ce domestique qui clouait des cartes de géographie dans le cabinet d’un gentleman, quelques-unes en travers, d’autres la tête en bas, pour mieux les ajuster aux panneaux974. » Quand il juge, il est pire que quand il prouve ; témoin son court portrait de lord Wharton. […] L’homme qui l’emploie se contient au plus fort de la tempête intérieure ; il est trop fier pour offrir sa passion en spectacle ; il ne prend point le public pour confident ; il entend être seul dans son âme ; il aurait honte de se livrer ; il veut et sait garder l’absolue possession de soi. […] Or ce vent ne devait point être gardé sous le boisseau, mais librement communiqué à l’espèce humaine.

1622. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

* * * — J’ai gardé pour cette femme, à peine entrevue, je ne sais quel désir vague, et qui parfois me revient sur une note douce, et tendre. […] Il n’a gardé que ses yeux et sa voix. […] Robes et sourires, elles gardent tout, on le sent, pour le public.

1623. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

. — Mais s’agissait-il d’événements anciens, qu’aucun homme vivant n’avait pu voir et dont la tradition orale n’avait gardé aucun souvenir ? […] En sens inverse il faut se garder de chercher partout un sens allégorique, comme les néo-platoniciens ont fait pour les œuvres de Platon et les swedenborgiens pour la Bible. […] Il doit n’oublier jamais la distance entre l’affirmation d’un auteur, quel qu’il soit, et une vérité scientifiquement établie, de façon à garder toujours pleine conscience de la responsabilité qu’il prend lorsqu’il reproduit une affirmation. […] En fait, tous ont gardé l’habitude, comme au moyen âge, d’affirmer d’après l’autorité de Thucydide ou de César ; beaucoup poussent la naïveté jusqu’à le dire en propres termes. […] Il suppose que les faits disparus (objets, actes, motifs), observés autrefois par les auteurs de documents, étaient semblables aux faits contemporains qu’il a vus lui-même et dont il a gardé le souvenir.

1624. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

» Cette vertu morale, la religion chrétienne, tout affaiblie qu’elle est, toute dégénérée, continue si bien à la posséder seule qu’elle semble devoir la garder indéfiniment. […] L’heureux Millevoye a eu une autre chance encore, celle de recevoir et de garder une physionomie : il vit dans nos imaginations, ou plutôt il expire, et une légende, d’ailleurs fausse, l’a identifié de bonne heure avec son jeune poitrinaire. […] Gardez-vous bien de prendre quelques débris de statues, sauvés par un caprice du sort, idéalisés par votre enthousiasme, pour les vraies et les seules richesses de l’antique palais dont il ne reste que des ruines80. […] Si ses parents, comme tout porte à le craindre, sont de médiocres amateurs des beaux-arts, le petit Phidias risque fort de passer sa jeunesse à garder les oies, et les larmes de Gray auront trop raison de couler. […] Seuls ils gardent à ses yeux toute la responsabilité de leur œuvre.

1625. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

. — Il faut retenir ceci cependant du feuilleton dramatique du grand empereur que le choix du grand sujet, du beau sujet, est le premier devoir du dramatiste et qu’il faut bien se garder de croire qu’en art dramatique il en soit comme en peinture et que le sujet ne soit rien du tout. […] Il s’est soigneusement gardé du point de vue strictement intellectualiste, où ont donné trop souvent les philosophes, et particulièrement les philosophes allemands. […] — Le ciel de ces périls saura bien nous garder ! […] Les autres s’en garderont bien. […] Gourd a gardé Germaine chez lui douze jours et douze nuits ; mais elle couchait dans le lit de la chambre à coucher, et Gourd sur le canapé du parloir.

1626. (1905) Propos littéraires. Troisième série

À moi, il me va jusqu’au fond de l’âme : J’ai au cœur une blessure profonde, et je la garderai en silence jusqu’à ma dernière heure. […] Il l’a gardée. Il l’a toujours gardée. […] , et en politique des instincts éminemment conservateurs C’est un petit monde comme un autre et je me garderais bien de le comparer à d’autres pour le déprécier ou le préférer. […] L’homme était toujours pour lui « le gorille féroce et lubrique » des temps primitifs, ou, du moins, il en gardait toujours quelque chose, et devait en garder toujours peu ou prou.

1627. (1903) La pensée et le mouvant

Elle remplit donc déjà une moitié du programme de l’ancienne métaphysique : métaphysique elle pourrait s’appeler, si elle ne préférait garder le nom de science. […] Peutêtre y aurait-il lieu de se demander, avant toute discussion, si ces idées constituent bien un genre, et si ce ne serait pas précisément en traitant des idées générales qu’il faudrait se garder des généralités. […] Gardons-nous de voir un simple jeu dans une spéculation sur les rapports du possible et du réel. […] Nous nous garderions de prendre la parole, si la pensée de James n’était le plus souvent diminuée, ou altérée, ou faussée, par les interprétations qu’on en donne. […] Et c’est à la même période qu’il faut faire remonter l’influence que prit et garda sur lui le maître qui ne cessa jamais d’être à ses yeux la personnification même de l’art, Léonard de Vinci.

1628. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Au lieu de tomber dans le fanatisme de l’illusion jacobine, par réaction contre son milieu premier, il eût gardé la foi de ce milieu, et son ardeur de croyance eût contribué à maintenir vivante parmi les siens la flamme des espérances consolantes. […] Ce parti peut garder son étiquette. […] Autant dire tous ceux qui ont gardé en France la dévotion des bonnes lettres. […] Que cet iconoclaste ait gardé en même temps les naïves ferveurs de la foi, qu’il ne puisse se retenir d’adorer l’idole en la brisant, d’aimer avec frénésie ce qu’il dissèque avec férocité, que toutes les exaltations du désir et de la tendresse s’unissent en lui à toutes les lucidités du désenchantement — quelle misère ! […] Des chroniqueurs ordinairement mieux renseignés ont parlé du spencer de d’Aurevilly, comme s’il y avait jamais eu le moindre rapport entre ce corsage sans jupe, importé il y a cent ans d’outre-Manche, et la très moderne redingote à la Gavarni que Barbey gardait de sa jeunesse, avec un parti pris un peu enfantin, mais bien inoffensif !

1629. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Il faut assembler par-delà nos deniers, les mettre et garder dedans nos coffres, en faire la meilleure provision que nous pourrons et la tenir secrète… Mais Henri IV sent qu’il peut encore employer Rosny à d’autres fins qu’à celle de financier et d’économe royal, quoique ce soit là son office principal et le plus essentiel s’il fallait choisir.

1630. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Ma seule espérance est, monseigneur, que Dieu vous ayant rendu votre santé, vous ne me défendrez pas aujourd’hui de prendre part à la réjouissance publique, et que, pendant cette satisfaction universelle des gens de bien, vous ne voudrez pas que je sois le seul qui demeure dans une tristesse mortelle… Bref, Mézeray voulait garder sa pension.

1631. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Saint Louis, né le 25 avril 1214 ou 121588, roi en 1226 à l’âge de douze ans sous la tutelle de sa sage et prudente mère, arrivé à sa majorité vers 1236, avait grandement commencé à ordonner son royaume d’après de bonnes lois, à y réprimer les entreprises des seigneurs, à y faire prévaloir la justice, la piété, à se faire respecter de ses voisins pour son amour de la paix et sa fidélité à ses engagements, lorsque, ayant été pris d’une grande maladie (décembre 1244), et étant tombé dans un tel état qu’on le crut mort, et qu’une dame qui le gardait voulait déjà lui tirer le drap sur le visage, il conçut au fond de son âme la pensée de se croiser ; au premier moment où il se sentit mieux et où il recouvra l’usage de ses sens, il appela à son lit l’évêque de Paris.

1632. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Les gens du métier, les habiles ou les vertueux, qui l’ont étudiée et pratiquée à fond, ont gardé ou retrouvé, en l’appréciant, l’admiration qu’elle inspirait autrefois : le commun des lecteurs, je le crois, a besoin de refaire un peu son éducation à cet égard.

1633. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Il laissa bientôt pour toujours les longs projets de travail, garda seulement les conclusions pratiques d’Épicure, et s’oublia de plus en plus.

1634. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Et elle ajoute d’un ton de protection, qu’elle ne gardera pas toujours ; « Notre petit poète vous prie de ne point donner à Plombières de copies de ses vers, parce qu’il y a beaucoup de lieutenants-colonels lorrains. » Nous avons cette épitre de Saint-Lambert À Chloé ; c’est une des meilleures de ses poésies dites fugitives ; elle pourrait être aussi bien la première en date des élégies de Parny : elle en a la forme ; le tour en est simple, net et fin, l’inspiration toute sensuelle.

1635. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

 » — Dans son procès en 1789, pendant sa détention à Brie-Comte-Robert, Besenval fut gardé par un détachement de gardes nationaux de Paris commandé par Bourdon (de l’Oise), un échappé de la Basoche, qui préludait là à ses exploits révolutionnaires futurs : « Sa prétention, dit Besenval, était d’abord de m’en imposer.

1636. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Quoi qu’il en soit, c’est cette lettre qui fait sortir Vauvenargues de la mesure qu’il a gardée jusqu’alors, et qui enfin l’oblige à se découvrir à son tour.

1637. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Il faut en revenir au Béranger véritable, et pour cela se garder des commentateurs, et ne s’adresser qu’à l’homme.

1638. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Il a le regret, dans cette ville d’Augsbourg, de se rendre remarquable par quelque façon opposée au goût du pays : c’était en passant par une église ; comme il faisait très froid et qu’il était indisposé, il garda son mouchoir sous son nez, ce qui parut étrange : il en fut mortifié, quand ensuite on le lui dit.

1639. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Apulée, qui s’est piqué de nous transmettre celle-ci dans toute sa grâce, a semblé vouloir nous garder de toute illusion, en la mettant dans la bouche d’une vieille en enfance ou peu s’en faut, à qui le vin a délié la langue, et en la faisant conter dans une caverne de brigands, tandis que celui qui l’écoute est lui-même censé réduit à l’état d’âne.

1640. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Elle a gardé du bon vieux temps des aïeules l’habitude de filer.

1641. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

L’inusité de semblables obsèques, une inexactitude de date qu’il suffit de corriger en avançant la scène d’un ou de deux jours pour rendre tout possible, le silence gardé par les secrétaires et les amis politiques de Charles-Quint, qui rougissaient peut-être en secret d’une semblable bizarrerie de leur maître, sont-ce des raisons suffisantes pour faire rejeter un récit qui est confirmé par celui de deux autres moines hiéronymites ?

1642. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Ne sacrifions, n’oublions jamais ces nuances-là, et qu’elles gardent le premier rang dans notre estime.

1643. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Michel, en s’interdisant, selon sa promesse, de soulever le léger masque de la femme, a déposé le sien à un certain jour ; il s’est livré, elle a gardé sur lui ses avantages.

1644. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

La langue ne gardera ou n’adoptera pas tous les termes d’art qu’il y a versés journellement ; mais il suffit pour son honneur qu’il en ait introduit un bon nombre et qu’il ait rendu impossibles après lui les descriptions vagues et ternes dont on se contentait auparavant.

1645. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Il en est un peu d’ailleurs des mots comme des costumes, et de l’usage comme de la mode ; et il leur citerait volontiers ces vers, s’ils avaient été faits de son temps : La mode est un tyran dont rien ne vous délivre ; A son bizarre goût il faut s’accommoder ; Mais sous ses folles lois étant forcé de vivre, Le sage n’est jamais le premier à les suivre, Ni le dernier à les garder.

1646. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

La description des préparatifs est très-sentie, et l’événement qui a tant marqué depuis dans la vie de M. de Girardin y donne un sens particulier et comme prophétique : « Le mystère qu’il faut mettre à tous les apprêts d’un duel, ces apprêts mêmes, ont quelque chose d’horrible ; les soins, les précautions qu’il faut prendre, le secret qu’il faut garder, tout cela ressemble aux préparatifs d’un crime.

1647. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Il s’était donné en effet (c’était le mot) aux époux Roland, et il était, jusqu’au sein du foyer conjugal, un de ces amoureux discrets, silencieux, obéissants, dormant sous la cendre, qui désirent moins qu’ils ne le croient, qui espèrent peu et ne demandent rien, un Ballanche (moins la haute intelligence), un de ces êtres dévoués et doux, tels que les femmes honnêtes pourraient en garder près d’elles sans inconvénient pendant une éternité.

1648. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Ces mots d’opposition et de motions sont établis comme au Parlement d’Angleterre, avec cette différence que lorsqu’on passe à Londres dans le parti de l’opposition, on commence par se dépouiller des grâces du roi, au lieu qu’ici beaucoup s’opposent à toutes les vues sages et bienfaisantes du plus vertueux des maîtres, et gardent ses bienfaits.

1649. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Entre les modernes, l’une a lu et préfère à tout Lamartine et, comme la vigne de l’Évangile « entourée de haies », à laquelle elle se compare, elle s’est gardée de la contagion des romans ravageurs et troublants.

1650. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Le bon goût seul, ajoute le pieux et affectueux critique, eût dû en introduire quelque chose à la place des puérilités dont l’auteur n’a pas cru pouvoir se dispenser. » Il est vrai que Fontenelle est à cent lieues du Psalmiste et qu’il s’est gardé du Cœli enarrant gloriam Dei comme d’un lieu commun.

1651. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

… » Je m’arrête ; je n’ai gardé de poursuivre : au fond je réduis toute la contrepartie de ce portrait de Noailles par Saint-Simon, dans tout ce qu’elle a de plus affreux, à un ou deux traits, et je dis : « Somme toute, c’était un courtisan, et un courtisan ambitieux. » Ah !

1652. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Le profond moraliste se retrouve dans un dernier trait : « Le nom qu’un infatigable bonheur lui a acquis pour des temps à venir m’a souvent, dit-il, dégoûté de l’histoire, et j’ai trouvé une infinité de gens dans cette réflexion. » Combien de guerriers, de héros d’un jour, se survivant à l’état de paix et n’ayant gardé à la fin que l’ostentation et le fracas de leurs vices, ont produit ce même effet sur des esprits honnêtes et sages, qui ont pu se dire comme Saint-Simon : « C’est à dégoûter de l’histoire ! 

1653. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Elle me fait quelquefois appeler lorsqu’elle finit ses lettres, mais elle observe de me garder fort peu de temps l’écritoire ouverte.

1654. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Même dans cette seconde moitié de sa carrière où il eut affaire à un milieu de société décidément modifié, à certains goûts littéraires que nous connaissons très-bien, moins réguliers, moins simples ou moins traditionnels, et, comme on dit, plus exigeants, là encore il sut trouver je ne sais quel point agréable ou tolérable dans le mélange : il étendit ses ressources sans trop sortir de ses données habituelles ; il put paraître quelquefois sur la défensive, il réussit toujours à garder ses avantages, il ne fut jamais vaincu.

1655. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

les étrangers et les écoliers peut-être s’en passeront, si on le leur défend ; et pour ces derniers, en effet, je me garderais de le leur conseiller.

1656. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Mme de Flahaut, qui était jeune quand le siècle mourut, en garda cette même portion d’héritage, tout en la modifiant avec goût et en l’accommodant à la nouvelle cour où elle dut vivre.

1657. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Il leur enseigna en même temps de garder le silence sur l’objet de la cérémonie, de prier Dieu dans leur cœur et de se taire devant le bargello, pendant que lui, le père Hilario, dirait la messe des morts et que l’enfant de chœur qui servirait la messe entendrait, sans les comprendre, les paroles latines prononcées par le prêtre sur la tête des deux fiancés.

1658. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Il faut s’en garder soigneusement, repousser la tentation facile des images que dix générations se sont léguées pour décorer le discours.

1659. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Il avait le sens des symboles, et la grandeur poétique, la plénitude morale du symbolisme chrétien l’ont saisi : à mesure que la religion du moyen âge se matérialisera, se desséchera, il pleurera cette grande ruine ; il cherchera de tous côtés les illuminés, les indépendants, les révoltés, qui ont gardé la vue de l’Idée et le contact de Dieu : il mettra en eux son amour et sa joie.

1660. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

De se donner ou de se garder   Plus probablement ceci que cela, car une charmante figure mâle, ornée de fines moustaches et de grands yeux noirs à cils ombreux, couronnée de cheveux bruns coupés ras et poussant dru, passait dans la glace à chaque instant, montrant, dans un sourire très doux, des dents juvéniles, toutes blanches et au grand complet… Un dîner, une visite, cela suffit.

1661. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

c’est imbécile ; la philosophie n’y est plus, la science n’y est plus ; nous sommes des positivistes, des évolutionnistes, et nous garderions le mannequin littéraire des temps classiques, et nous continuerions à dévider les cheveux emmêlés de la raison pure !

1662. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Ces grandes dominations brutales, terribles dans la répression, n’étaient pas soupçonneuses comme le sont les puissances qui ont un dogme à garder.

1663. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Je ne sais quelle héroïne « filait sur l’Espagne, où jadis elle s’était compliquée d’une seconde fille, après la Russie, dont elle gardait un fils ».

1664. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Il est surtout « Drumont-le-Vermineux » et on lui en veut, plus que de tous ses crimes, de ce que « petit employé de l’Hôtel de Ville en 1867, il a gardé la crasse insaponifiable des bureaux ».

1665. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Dans les deux années qui avaient précédé (1800-1803), il s’était formé autour de Mme de Beaumont une petite réunion dont il a été parlé souvent, qui fut bien courte de durée, mais qui eut vie et action, et qui mérite de garder une place à part dans l’histoire littéraire.

1666. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Il ne garda rien pour lui.

1667. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

L’abbé Maury et l’abbé Geoffroy, chacun dans son genre et toute proportion gardée, sont deux exemples de natures très grossières, mais qui avaient puissance et talent.

1668. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Le père, j’allais dire l’amant, de Mme de Vieumesnil, de Mme de Beauséant, gardera sa place sur la tablette du boudoir la plus secrète et la plus choisie.

1669. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

En littérature, à proprement parler, je le définirai un élève de Racine, de Boileau et de L’Art poétique, mais qui a gardé quelque façon complaisante de périphrase que Pascal qu’il admire tant ne lui aurait guère passée.

1670. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Son rare bon sens corrigea ce que cette première éducation pouvait avoir d’un peu trop idéal et de trop poétique ; il n’en garda que cette habitude heureuse de tout faire et de tout dire avec fraîcheur et gaieté.

1671. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Vieille, incommodée par le froid dans ces vastes appartements, elle ne pouvait prendre sur elle de mettre un paravent autour de son fauteuil, car le roi y venait, et cette irrégularité de coup d’œil lui eût déplu : « Il fallait périr en symétrie. » Toutes les querelles, les zizanies, les complications de la famille royale retombaient sur elle : « Je viens d’être tirée, non à quatre chevaux, mais à quatre princes », disait-elle un jour dans son excès de fatigue ; et il fallait, avec l’art dont elle se piquait, qu’elle tournât tous ces ennuis en agrément et en manière de gaieté : elle n’en gardait, de son côté, que les épines.

1672. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Ainsi, ces discours, qui devinrent plus châtiés, plus académiques, et qui firent un genre à part, du moment qu’ils se prononcèrent en public, sont une des nouveautés qu’on doit à Perrault, et une de ces nouveautés qui sont assez dans les mœurs françaises pour avoir gardé de leur attrait au milieu de tous les changements qui se sont succédé depuis2.

1673. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

À l’une des cérémonies qui accompagnèrent sa première communion, comme elle était en toilette avec une robe longue et traînante qui l’embarrassait, et qu’elle se retournait souvent pour la rejeter en arrière, une de ses compagnes lui dit : « Cette Sophie est ennuyeuse avec sa tête et sa queue. » — « Toi, ça ne te gênera pas, répondit-elle, car tu n’as ni queue ni tête. » Toute la personne même de Mlle de Lavalette était celle d’une jolie brune piquante, avec des regards pleins de feu, plus faits encore pour exprimer l’ardeur ou la malice que la tendresse ; d’une charmante taille, qu’elle garda jusqu’à la fin, d’une taille et d’une tournure bien françaises.

1674. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Et puis, médecins, moralistes, vous tous qui ne faites pas des oraisons funèbres, n’oubliez pas ceci : il avait eu précédemment une maladie de foie assez grave, et il en avait gardé de l’irritabilité.

1675. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Mais je vous trouve trop circonspect ; fiez-vous à votre propre sens ; ne feignez point de dire en un besoin que tel bon écrivain a dit une sottise : surtout gardez-vous bien de croire que quelqu’un ait écrit en français depuis le règne de Louis XIV : la moindre femmelette de ce temps-là vaut mieux pour le langage que les Jean-Jacques, Diderot, d’Alembert, contemporains et postérieurs ; ceux-ci sont tous ânes bâtés sous le rapport de la langue, pour user d’une de leurs phrases ; vous ne devez pas seulement savoir qu’ils aient existé.

1676. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

On a cité quelques-uns des noms qui furent les derniers tenants et demeurants de la féodalité déjà détruite : lui, il est le dernier et le plus considérable des grands littérateurs provinciaux qui gardèrent jusque dans les idées nouvelles quelque chose de l’allure des siècles précédents.

1677. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Il put vivre avec les nobles exilés de Chanteloup, être fidèle, comme il le devait, à l’amitié, et garder un très beau revenu, dont il disposait généreusement et sans faste.

1678. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Il est loin de favoriser, comme on le croirait, les excès d’oraison, les élévations et les ravissements extatiques : « Voyez-vous, Philothée, ces perfections ne sont pas vertus, ce sont plutôt des récompenses que Dieu donne pour les vertus. » Le mieux donc, selon lui, est de laisser ces perfections aux anges et de commencer simplement, humblement et humainement par les petites vertus : car il faut se garder des illusions, et il arrive quelquefois « que ceux qui pensent être des anges ne sont pas seulement bons hommes ».

1679. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Mariée à dix-sept ans au duc d’Alençon, prince insignifiant, elle gardait tout son dévouement et toute son âme pour son frère ; aussi, lorsqu’à la dixième année du règne arriva le désastre de Pavie (25 février 1525), et que Marguerite et sa mère apprirent la destruction de l’armée française et la captivité de leur roi, on conçoit le coup qu’elles reçurent.

1680. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Nous l’avons déjà montré ailleurs79, l’usure sur un point, tandis que les autres points cérébraux ont gardé leur force, entraîne le mouvement perpétuel des idées, le cours des idées.

1681. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Une passion qui l’avait empoigné en quatrième, et qu’il garda, au fond de lui, en dépit des amours banales, jusqu’à trente-deux ans.

1682. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

N’ayez crainte qu’il les froisse ; elles garderont dans sa main toute la virginité et toute la poussière de leurs nuances.

1683. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Ils ont l’un et l’autre le nombre dans la phrase : Macaulay, plus de franc jeu et d’opulence dans l’image, et du Méril, qui a gardé un peu du collet monté qu’ils avaient au Globe en 1828, dont il était, je crois moins de naturel et plus d’ingéniosité.

1684. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Xavier Aubryet, qui a débuté par le journalisme, c’est-à-dire par l’improvisation et l’éparpillement, n’a point gardé sur sa pensée les vices de ce métier dépravant que je regarde comme la plus effroyable épreuve qui puisse être imposée au talent, dans cette obligation de publicité rapide et corruptrice en sa rapidité dont nous sommes tous plus ou moins les forçats.

1685. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Tout le temps qu’il garda pieusement ce pauvre don de Dieu, qui devait être son unique richesse, ce fut pour lui ce denier qui est tant compté dans l’Évangile, et qui s’y appelle le denier de la veuve et de l’orphelin.

1686. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Il me disait le mot de l’un d’eux après l’opération : « Gardez mon bout de bras en souvenir de moi, monsieur le major, quoique ce soit vraiment à la France et non à vous que je l’ai donné ! 

1687. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Les recettes de cuisine, que les ménagères gardaient autrefois mieux que des secrets d’État, ne font plus de jalouses.

1688. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Il faut se garder de confondre les sociétés « uniques » avec les sociétés « unifiées », comme les sociétés simples avec les sociétés synthétiques.

1689. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Il a creusé profondément, il a saisi dans un recoin obscur une idée singulière, il l’a pressée dans ses mains tenaces, il l’a gardée sous sa prise, toute glissante qu’elle fût, il en a exprimé tout le suc, et, avec cette liqueur étrange, il est venu tout dissoudre, psychologie, logique, métaphysique, pour tout recomposer par de nouvelles règles et sur un nouveau plan.

1690. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Gardons-nous, soit d’exagérer, soit de méconnaître le principe dominant de cette époque mémorable.

1691. (1932) Les idées politiques de la France

Déclassement politique du traditionalisme Le traditionalisme monarchiste et clérical (ce dernier terme signifiant contrôle du clergé sur la vie intellectuelle, la vie publique, la vie domestique et la vie scolaire) gardait encore, il y a cinquante ans, une grande part de puissance politique, puisqu’en 1885, aux élections législatives, le premier tour de scrutin lui donnait la majorité relative. […] Les catholiques gardaient leurs curés. […] Mais comme médire du Sénat est aussi déplacé chez le bon républicain qu’abîmer à l’excès l’Académie décèle un manque de tact chez l’homme de lettres, hâtons-nous d’ajouter que cette illusion ne manque pas d’utilité, qu’elle fait fonction d’antenne, et que, quand l’invalide sent des rhumatismes dans son membre absent, c’est que le temps va changer : les inquiétudes du Sénat au sujet de la laïcité signalent à un président du Conseil avisé qu’il cède immodérément à la réaction, pactise avec les ennemis du progrès, et que le coup de barre à gauche est nécessaire (enlevez de ces clichés ce qui se dit, et gardez-en ce qui reste). […] Il va de soi que le parti socialiste, surtout du fait qu’il est éloigné jusqu’ici des responsabilités du pouvoir, gardera dans la pensée plus d’indépendance, de jeu, et d’invention. […] Conclusion Devant les systèmes d’idées politiques que nous avons essayé de dénombrer et de peser, la maxime de Leibnitz : « Tous les systèmes sont vrais par ce qu’ils affirment et (aux par ce qu’ils nient », gardera sa valeur d’usage.

1692. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Samedi 9 février On cause à dîner, chez Daudet, de ce théâtre de Shakespeare, de ce théâtre hautement philosophique ; on parle de ces deux pièces de Macbeth et d’Hamlet d’une humanité si eschylienne, et dont le théâtre moderne n’a rien gardé, en son terre à terre d’aujourd’hui, et où les individualités sont si peu originales, si bourgeoisement petites. […] La collection serait gardée, tu n’en doutes pas, jusqu’à ma mort et après moi elle serait vendue d’après un catalogue très bien fait. […] Il me le montre, prenant goût aux études, et pouvant seulement être gardé par le collège, alors qu’il a connu les Géorgiques de Virgile et les Idylles de Théocrite.

1693. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Selon le mot admirable d’un poète contemporain, la langue de la musique est la seule qui permette à la pensée de garder ses voiles ; mais je tournerai en reproche cette belle expression que le poète appliquait en éloge. […] Tous tant que nous sommes, nous ne désirons pas autre chose que ce qu’il désire, nous n’aimons pas autre chose que ce qu’il aime, et si par hasard nos affections ont d’autres objets, nous nous taisons hypocritement et nous nous gardons bien d’en faire l’aveu. […] Une note héroïque a suffi pour le remettre au diapason normal de l’humanité et pour lui faire garder sa dignité et son rang. […] Jamais, depuis qu’Apollon fut contraint de garder les troupeaux d’Admète, les muses n’avaient entretenu commerce avec pareilles créatures. […] L’ennui a subi une transformation, comme toute chose autour de nous ; il eût été fort singulier en effet que lui seul n’eût pas changé, et que dans notre société matérialiste il eût gardé ses délicatesses de dilettante, de touriste grand seigneur et de poète allemand.

1694. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

D’ailleurs les artistes qui se recommandent de l’étiquette symboliste gardent chacun leur personnalité qui n’entre pas toujours exactement dans les bornes de la formule. […] Bernard Lazare, dans de très belles évocations en prose, a gardé toute la splendeur hiératique des visions du Sépher. […] Gardons-nous des faiseurs de règles ; n’acceptons aucune formule ; livrons-nous à nos tempéraments, soyons et restons libres. […] Cette Douleur, je l’ai gardée pour moi seul. […] J’ai été jadis élève en médecine, et de ces études, au moins, j’ai gardé ce besoin et cette habitude d’esprit de constater les faits d’abord.

1695. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

L’anonyme que l’auteur garda constamment tenait la curiosité en haleine. […] Le théâtre n’a-t-il pas une foule de convenances à garder ? […] Le Théâtre-Français ressemblait au sérail, où l’appartement d’une jolie sultane est gardé par un nègre hideux, l’effroi de la nature. […] Ces habitudes d’histrion convenaient à sa papauté philosophique ; bien loin de se déshonorer en criant, en gesticulant sur la scène, il gardait alors parfaitement son caractère et le décorum de son état. […] Crébillon a mieux su garder les convenances théâtrales : il s’est garanti de ce faux pathétique des conversions romanesques et de remords de parade, aujourd’hui si fort à la mode ; il nous a montré Sémiramis telle qu’elle était, telle qu’elle a dû être ; et, s’il n’a pas fait une bonne tragédie, il a du moins tracé un beau caractère.

1696. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Nous avons Carlyle, qu’il faut se garder d’imiter, M.  […] Pour peu qu’on se pique de se connaître en littérature on se gardera de rapprocher ces deux noms. […] Les Catholiques français n’ont point jugé à propos de garder les Huguenots chez eux, et ils ont révoqué l’Édit de Nantes. […] On connaît le secret jalousement gardé, et on peut se permettre de sourire on voyant l’anxiété tout à fait superflue que les marionnettes de la pièce croient de leur devoir de témoigner. […] Comme chacun gardait pour soi ce qu’il savait, le monde échappait au fléau du scepticisme, et comme chacun gardait ses vertus pour soi, personne ne se mêlait des affaires d’autrui.

1697. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

. — Théobald, d’accusateur devenu accusé, se sentit plus doux comme plus modeste, et fut reconnaissant à l’excès du silence qu’Émilie voulut bien garder. » La seconde partie des Trois Femmes, qui se compose de lettres écrites du château d’Altendorf par Constance à l’abbé de La Tour, ressemble souvent à des conversations qu’a dû offrir le monde de Mme de Charrière, en ces années 94 et 95, sur les affaires du temps. […] Faites, faites en vue d’autrui, et indépendamment de cet arrangement décent envers vous-même, de cette satisfaction morale, de cette propreté sans tache qu’il est beau de garder, mais qui n’est pas l’unique but ; tendez, tendez votre main à celui qui tombe, même quand vous la sentiriez moins blanche à offrir.

1698. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Tout le territoire, à dix lieues de Paris, est chasse gardée ; « on n’y saurait tirer un coup de fusil156, aussi voyez-vous dans toutes les plaines les perdrix, familiarisées avec l’homme, becqueter le grain tranquillement et ne point s’écarter quand il passe ». […] M. le duc de Duras a eu jusqu’à 200 000 livres par an pour celle de Madrid, outre cela 100 000 écus de gratification, 50 000 livres pour affaires secrètes, et on lui a prêté 400 000 ou 500 000 livres de meubles ou effets dont il a gardé la moitié203. » — Les dépenses et les traitements des ministres sont pareils.

1699. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Une dame ne peut être trop soigneuse de sa beauté, quand elle veut garder le cœur d’un personnage comme celui que vous avez conquis126. » Quand voulez-vous prendre médecine, madame ? […] Chute sur chute, honte sur honte, rien ne lui sert ; sa femme déclare qu’elle consent à le garder tel qu’il est. —  Le légiste propose une autre voie légale ; Morose obtiendra le divorce en prouvant que sa femme est infidèle.

1700. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Il ne manque pas, chez eux, de gens de talent et d’esprit ; on ne saurait leur dénier ni l’imagination, ni la virtuosité, puisqu’au travers du décousu lamentable de leurs ouvrages ils gardent encore cette force d’action, cette prise incontestable sur le cerveau de leurs lecteurs. […] Ils ont gardé la conviction que la foule ne prise en art que ce qui lui ressemble, qu’elle est trop affamée pour être friande et que toujours elle préférera la quantité à la qualité.

1701. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Le contre-amiral Layrle qui a fait autrefois une station de quatre ans au Japon, et qui vient d’y passer encore deux années, parlait du silence que gardaient les Japonais sur les événements politiques vis-à-vis des Européens, et il nous contait que le président du conseil et le ministre de la marine, avec lesquels il est lié, qu’il avait connus à son premier séjour très petits jeunes gens, très petits bonshommes, il ne pouvait en tirer que des monosyllabes et des exclamations sans signification, quand il les interrogeait. […] Eh bien, sous ces attaques, et plus tard dans le silence un peu voulu qui a suivi, renfonçant en lui l’amertume de sa carrière, et n’en faisant rejaillir rien sur les autres, Flaubert est resté bon, sans fiel contre les heureux de la littérature, ayant gardé son gros rire affectueux d’enfant, et cherchant toujours chez les confrères ce qui était à louer, et apportant à nos heures de découragement littéraire, la parole qui remonte, qui soulève, qui relève, cette parole d’une intelligence amie dont nous avons si souvent besoin, dans les hauts et les bas de notre métier.

1702. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Elle est restée un des charmes de l’Europe moderne cette langue éloquente et forte, qui suffit à tout dire, à tout comprendre, à tout garder : élégance, politesse, atticisme, urbanité, — habile à parler des choses de la guerre, ingénieuse et savante à parler des choses de l’amour ! […] Elle a disparu, cette maison de Bourbon, qui n’avait pas son égale sous le soleil, au dire de Bossuet, et nous avons gardé ce magasin de phrases toutes faites, et dont on se sert pour se féliciter les uns les autres.

1703. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Nous nous garderons donc d’attribuer aux quinzième, seizième et dix-huitième siècles (encore moins au dix-septième, si différent, et qu’on a considéré comme une parenthèse sublime) des préoccupations démocratiques comparables aux nôtres. […] Elle se donne une représentation spatiale de la vie intérieure ; elle étend à son nouvel objet l’image qu’elle a gardée de l’ancien : d’où les erreurs d’une psychologie atomistique des états de conscience ; d’où les inutiles efforts d’une philosophie qui prétend atteindre l’esprit sans le chercher dans la durée.

1704. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Quelques traits pourtant, dans ce décourageant tableau, sont à excepter : les soldats exténués de fatigue ont gardé leur bonne volonté et valent mieux que ceux qui les commandent.

1705. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Mais Mme Necker, à qui il ne craignait pas de s’ouvrir de ses tristesses, et en laquelle, vers la fin, il retrouvait une dernière amie comme elle avait été la première, lui disait : Gardez-vous, monsieur, de former un de ces liens tardifs : le mariage qui rend heureux dans l’âge mûr, c’est celui qui fut contracté dans la jeunesse.

1706. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Daru brilla de bonne heure dans ce genre d’exercice, et en garda toujours le goût.

1707. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

, a dit Voltaire par un mot qui résume tout, et qui insinue le correctif dans la louange ; il a dit autre part du président en des termes tout flatteurs : « Il a été dans l’histoire ce que Fontenelle a été dans la philosophie ; il l’a rendue familière. » Il faut bien, au reste, se garder de prendre à la lettre tous les éloges que Voltaire donne au président en ces années où il croyait avoir besoin de lui en Cour, le président étant devenu surintendant de la maison de la reine ; il ne l’appelle pas seulement un homme charmant, à qui il dit : « Vous êtes aimé comme Louis XV » ; il le déclare son maître, « le seul homme qui ait appris aux Français leur histoire », et qui y a trouvé encore le secret de plaire.

1708. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Girac exposait le procédé de l’archidiacre qui avait eu l’air de se piquer, au nom de tous les amis de Voiture, d’une dissertation ignorée qu’il avait été le premier à divulguer et à faire connaître : « Avouez le vrai, lui disait Girac, c’est que vous aviez besoin de matière pour exercer votre bel esprit, fût-ce aux dépens de vos meilleurs amis, et pour ne pas perdre tant de bons mots que vous gardiez dans vos recueils. » Observant la méthode que lui avait tracée Costar, Girac repassait en revue la plupart des assertions de l’adversaire ; il revenait par conséquent sur les défauts de Voiture et insistait particulièrement sur le peu de solidité de ce bel esprit en matière de science.

1709. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Gardons-nous d’oublier que ceux qui n’ont pas réussi ont contre eux bien des apparences et des commencements équivoques qui auraient un tout autre air moyennant une autre issue : un rayon de soleil tombant à propos change bien les aspects. « Mais pour ce que les histoires, dit quelque part Rohan, ne se font que par les victorieux, nous ne voyons ordinairement d’estimes que les enfants de la fortune. » Tout cela est vrai ; et toutefois c’est bien Richelieu qui dans cette lutte a raison, et qui a la conscience de la grande cause qu’il sert, de la noble monarchie qu’il continue, et de la France incomparable qu’il achève.

1710. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Elle avait gardé de lui un bon souvenir.

1711. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

On entrevoit par sa correspondance avec le chevalier Falkener quelles liaisons fortes et tendrement graves il y avait contractées, et combien intime et durable il en garda le souvenir.

1712. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Il fallait seulement masquer ce projet jusqu’au dernier moment, donner le change à Eugène, lui faire croire que c’était à lui et à ses lignes de circonvallation qu’on en voulait : c’est à quoi l’on réussit moyennant un grand secret gardé même avec plusieurs des généraux chargés de l’exécution.

1713. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Elle est, à propos de cette révérence d’étiquette, qualifiée de marquise dans le Journal du duc de Luynes, et, en effet, elle aurait eu droit dès lors à ce titre autant qu’à celui de comtesse, qu’elle ne garda peut-être que pour éviter une confusion avec l’autre marquise du même nom, et aussi pour ne rien devoir de plus à son mari.

1714. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

De là cette dent pleine de venin qu’on lui gardait.

1715. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

elle s’en garda bien, elle resta digne, fidèle au nom dont elle soutenait l’honneur par ses talents et par sa haute raison : elle eût près d’elle, dans les dernières années de sa maturité et jusque dans son extrême vieillesse, un ami constant, fidèle et sur, un autre Fabre, Fauriel.

1716. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Peu après, on vient la relever, car ce poste n’est gardé que la nuit.

1717. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Gardez tout cela pour vous ; on pourrait nous prendre pour des fous quand nous sommes des sages. » Tout cela est bien dit, bien conté et à la légère.

1718. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Alors les ambassadeurs représentèrent avec énergie l’impossibilité où ils étaient de leur porter secours autrement que par des négociations : « Vos vallées sont enclavées dans les États de vos ennemis ; tous les passages sont gardés ; aucune nation n’est en mesure de faire la guerre à la France dans votre seul intérêt ; nulle armée ne pourrait même pénétrer jusqu’ici, et vous seuls, enfin, vous avez à peine trois mille combattants.

1719. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Sur ce point seul ne suivez ni l’exemple ni les conseils de la famille ; c’est à vous à donner le ton à Versailles ; vous avez parfaitement réussi ; Dieu vous a comblée de tant de grâces, de tant de douceur et de docilité, que tout le monde doit vous aimer : c’est, un don de Dieu, il faut le conserver, ne point vous en glorifier, mais le conserver soigneusement pour votre propre bonheur, et pour celui de tous ceux qui vous appartiennent. (1er novembre 1770.) » Une des recommandations continuelles de Marie-Thérèse à sa fille et qui reviennent sans cesse et jusqu’à satiété, c’est, après celles qui regardent la santé et la vocation à être mère, de se garder des coteries, des apartés, des sociétés privées où le sans-façon domine, de ne jamais oublier qu’on est un personnage en vue, exposé sur un théâtre, ayant un rôle à remplir ; de ne se relâcher en rien, de se surveiller soi-même en tout, dans les petites choses comme dans les grandes ; de mépriser le qu’en dira-t-on, mais aussi de ne point prêter à de justes reproches.

1720. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Ses rapports sur toutes ces questions, éloquents et sensés, ont fait voir, dans le consul Lebrun, un sage traversant avec calme les orages révolutionnaires88. » Pour qualifier ceux de ses collègues honnêtes gens, mais qui ont gardé en eux du sectaire, tels que Rabaut-Saint-Étienne, le ministre protestant, et le janséniste Camus, il les reconnaît hommes de conscience, mais ils avaient, dit-il, la conscience factieuse.

1721. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Il n’en avait gardé, disait-il, que deux souvenirs : il se rappelait l’avoir vue réciter son chapelet et jouer du violon.

1722. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Quand on parle de goût et qu’on célèbre celui de l’ancienne société, celui de quelques hommes en particulier dont M. de Talleyrand était comme le type accompli, il faut bien s’entendre et se garder de confondre le goût social et le goût littéraire ; car en matière de littérature et surtout de poésie, ces gens d’esprit en étaient restés aux formes convenues de leur jeunesse et aux lieux communs de leur éducation première ; on en a une singulière preuve dans la lettre suivante : « 18 (août 1828) Bourbon.

1723. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

J’aurais bien fait, dans mes intérêts, de publier, après Lélia, un roman plus rapproché du genre de Walter Scott, mais cette Quintilia était avancée dans mon portefeuille, et le besoin d’argent ne m’a pas permis de l’y garder plus longtemps.

1724. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

L’auteur de Marie pourtant a gardé chaste et noué le long vêtement de la Muse ; espèce de Bion chrétien, de Synésius artiste, en nos jours troublés ; jeune poëte alexandrin qui a maintenant rêvé sous les fresques de Raphaël, et qui mêle sur son front aux plus douces fleurs des landes natales une feuille cueillie au tombeau de Virgile.

1725. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Le plus court et le plus sûr est de le renvoyer, car les Nouvelles ecclésiastiques 30 triompheront sur un homme de ce caractère… » J’ai cité cette lettre parce qu’elle me paraît caractériser à merveille, dans le ton paterne du bon octogénaire, le genre de libertinage, comme il disait, dont la muse de Gresset s’était rendue coupable ; c’est un petit libertinage léger et sans trop de fond, une gaieté de jeunesse très-émoustillée, et qui ne tire pas tellement à conséquence qu’elle ne fasse encore sourire le digne cardinal au moment où il la condamne : on sent que, s’il ne faut plus garder Gresset chez les jésuites, il n’est pas perdu sans ressources pour cela, et qu’il pourra revenir à résipiscence, comme y revint ce Vert-Vert lui-même qu’il a si gentiment chanté.

1726. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Caliste, qui avait gardé ce nom pour avoir débuté au théâtre dans The fair Penitent, vendue par une mère cupide à un lord, était promptement revenue au repentir, et à une vie aussi relevée par les talents et la grâce qu’irréprochable par la décence.

1727. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Non, cette folie n’est pas du nombre des miennes ; si nous gardons nos barbouillages, c’est pour nous faire rire quand nous n’aurons plus de dents. » Et encore, au moment des confidences les plus tendres et les plus secrètes d’un cœur qui se croit pris : « Décachète la lettre, fais-en lecture, songe à mes tourments, aux siens… et vois si tu dois l’envoyer.

1728. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Le Poète du bon sens, le législateur de notre Parnasse garda son rang suprême.

1729. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Le prêtre avait fini par sortir ; l’unique ami présent gardait les restes abandonnés.

1730. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Que celui que le chagrin mine s’enfonce dans les forêts ; qu’il erre sous leur voûte mobile ; qu’il gravisse la colline, d’où l’on découvre d’un côté de riches campagnes, de l’autre le soleil levant sur des mers étincelantes, dont le vert changeant se glace de cramoisi et de feu ; sa douleur ne tiendra point contre un pareil spectacle : non qu’il oublie ceux qu’il aima, car alors ses maux seraient préférables ; mais leur souvenir se fondra avec le calme des bois et des cieux : il gardera sa douceur et ne perdra que son amertume.

1731. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Pendant les dix ans qu’il garda son office de magistrat, Montesquieu se dégoûta du métier de juge, et s’intéressa à la science du droit.

1732. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Une foule de données spéciales, apprises plus ou moins péniblement, tombent d’elles-mêmes de la mémoire ; il faut pourtant se garder de croire que pour cela elles soient perdues.

1733. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Ces mêmes jugements, dont l’autorité est fragile si l’on prétend leur conférer une infaillibilité factice, gardent une valeur très réelle si on les considère seulement comme des présomptions.

1734. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Les Spartiates se gardaient de l’ivresse en se donnant le spectacle d’ilotes enivrés.

1735. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

C’est l’avantage que gardent sur lui dans l’histoire les Cromwell, les Guillaume d’Orange, et ce génie combiné de Pitt et de Wellington, qui finalement l’a vaincu.

1736. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

La présidente Le Jay prêta à cette petite troupe son hôtel, rue Garancière ; le beau monde y accourut ; on dit que la porte, gardée par huit suisses, fut forcée par la foule.

1737. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Comme caractère et comme homme, il semble avoir eu plus de qualités réelles et positives qu’aimables ; mais gardons-nous de le juger d’après Rousseau.

1738. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Quicherat, une Jeanne d’Arc exposée avec plus de tenue et de simplicité, et sur laquelle la critique pourtant sache garder assez de prise pour n’y guère rien laisser qui ne soit de nature à satisfaire les esprits à la fois généreux et judicieux.

1739. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Tout en regrettant de rencontrer trop souvent chez lui ce coin d’exagération que lui-même il accuse, le peu de discrétion et de sobriété, quelque licence de mœurs et de propos, et les taches de goût, nous rendons hommage à sa bonhomie, à sa sympathie, à sa cordialité d’intelligence, à sa finesse et à sa richesse de vues et de pinceaux, à la largeur, à la suavité de ses touches, et à l’adorable fraîcheur dont il avait gardé le secret à travers un labeur incessant.

1740. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Il avait gardé quelque chose de tranchant, même avec un fond de doute et de désabusement.

1741. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Pour prendre une comparaison qui n’est pas disproportionnée, et que ce terme de probité si souvent employé amène naturellement, on peut dire que Ninon, garda, à travers ses intrigues galantes, quelque chose de cette franchise et de cette droiture que la princesse Palatine sut observer dans la Fronde au milieu des factions politiques.

1742. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

monsieur, vous proposez à ma muse, qui aime tant le grand air et sa liberté, de s’enfermer dans une chambre close, gardée par quatre sentinelles qui ne laisseraient passer que des vivres, et, là, de traiter trois sujets donnés, en vingt-quatre heures !

1743. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Buffon, en causant, n’aimait ni les contradictions ni les interruptions ; il se taisait et gardait le silence à la première objection qu’on lui faisait : « Je ne puis me résoudre, disait-il, à continuer la conversation avec un homme qui se croit permis, en pensant à une chose pour la première fois, de contredire quelqu’un qui s’en est occupé toute sa vie. » Cela le conduisait à avoir des familiers et des admirateurs à domicile, qui ne le contredisaient jamais ; il les supportait aisément.

1744. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Mais tout cela dit, le tout examiné et débattu, Amyot garde sa place et la gardera ; et il la mérite.

1745. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

On ajoute qu’Andrieux, qui voulait faire un discours sur la tombe, garda son cahier en poche ; mais je n’en crois rien26.

1746. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Or, dans tout pays où il n’y a plus de service qui ne soit soldé, il y a réellement égalité politique en dépit des prétentions et des souvenirs. » Mais cette vérité de fait ne l’empêche pas de remarquer que l’opinion a gardé pourtant des restes bien légitimes de religion historique : « Des hommes qui ont leur nom dans l’histoire, qui se lient à tout le passé d’une nation, ne sont jamais nuls dans leur patrie. » Dans toutes ces notes de début, M. 

1747. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Car il gardera la plupart de ses idées ; seulement, dans ses futurs ouvrages, il ne les rendra pas de même, il les réfléchira autrement et ne parlera qu’avec sérieux, sentant de plus en plus la grandeur de l’invention sociale et désirant l’ennoblissement de la nature humaine.

1748. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Gardons-nous de cette méthode qui tire à soi un grand esprit et qui le détourne de sa large et propre voie.

1749. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

On était depuis 1640 sous une Fronde continuelle et en quelque sorte chronique, Fronde d’autant plus dangereuse qu’elle était plus voisine de la Ligue, et que les grands fauteurs de troubles avaient gardé plus entiers leurs éléments de puissance.

1750. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Grimm, dans une page écrite en 1762, et où il fait de Rousseau un portrait aussi neuf que vrai, le montre dans sa première forme, tel qu’il l’avait connu avant la célébrité, et puis au moment de sa transformation subite qu’opéra le succès de son discours à l’Académie de Dijon : Jusque-là, dit-il, il avait été complimenteur, galant et recherché, d’un commerce même mielleux et fatigant à force de tournures : tout à coup il prit le manteau de cynique, et, n’ayant point de naturel dans le caractère, il se livra à l’autre excès ; mais, en lançant ses sarcasmes, il savait toujours faire des exceptions en faveur de ceux avec lesquels il vivait, et il garda, avec son ton brusque et cynique, beaucoup de ce raffinement et de cet art de faire des compliments recherchés, surtout dans son commerce avec les femmes.

1751. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Si vous voulez, d’ailleurs, ne garder aucun faux respect, aucune considération intellectuelle pour ces prétendus philosophes, tels qu’Helvétius et d’Holbach, lisez Grimm : vous les voyez réduits à leur valeur personnelle par celui qui les a le mieux connus, et qui, en les peignant si au naturel, n’a songé nullement à les dénigrer.

1752. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Au milieu de ses succès de commerce, il avait gardé de l’enfance un trait de son caractère qui semblait en tout l’opposé de l’esprit d’entreprise.

1753. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

S’il n’était plus chrétien comme on lui avait appris à l’être en ses premières années, il avait emporté et gardé de son christianisme ce fort déisme qui allait à son royalisme, — qui est même le royalisme en philosophie, car Dieu, en métaphysique, c’est le Roi !

1754. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Mais quelque souvenir que la patrie de Luther ait gardé de son xve  siècle, elle se sent appelée à jouer un rôle nouveau dans le nouveau monde enfanté par la Révolution française.

1755. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Ce volume posthume n’est pas une chose nouvelle, un trésor gardé par un délicieux dragon-femme, comme l’ont été pendant de si longues années les manuscrits de Lord Byron.

1756. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Dans l’état actuel de la science et des grotesques respects qu’elle inspire à la plupart des hommes qui croient qu’elle leur donnera la clef de ce monde que Dieu a gardée, il n’était ni si indifférent ni si bouffon de confisquer Moïse au profit du sanscrit et de ramener la question de Dieu, si peu scientifique, à une simple question de dehors et de dedans, qui l’est beaucoup plus !

1757. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

J’aurais eu, moi, l’honneur d’être l’ami de Shakespeare, que je me serais bien gardé de lui faire, de son vivant, une préface pareille à celle que M. 

1758. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Par modestie d’abord, et par justice aussi pour les héros inconnus, je désire que le nom de mon fils soit par vous pieusement gardé sans être publié…‌ Je me conforme à regret à cette volonté ; je tairai le nom du héros, qui occupait une haute charge ; je me borne à analyser le petit dossier que l’on me communique.‌

1759. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Cousin, nous allons le transporter dans un autre siècle ; nous gardons l’homme, nous refaisons les circonstances ; et l’homme, aidé par les circonstances, devient plus heureux et plus grand.

1760. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Il faut seulement garder au cœur bonne espérance : il faut aussi que le nourrisson favori de Thèbes donne en tribut une fleur des grâces à la belle et vaillante Égine ; car Égine et Thèbes sont filles jumelles du même père113. » Je ne sais si ma passion de traducteur m’abuse en ce moment ; mais combien cette joie réservée du poëte, cette tristesse du Thébain mêlée au triomphe des Hellènes, sont patriotiques et touchantes !

1761. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Dante, presqu’au sortir de l’enfance, a senti l’amour pur, vrai, profond ; il en a rendu les illusions et la douleur, avec une force qui rejette bien loin toute la poésie convenue et le langage affecté du siècle ; il en a gardé l’ineffaçable souvenir, comme un sceau de Dieu sur lui ; il a été consacré poëte par la religion et par l’amour.

1762. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Disons le mot qu’il faut dire : ce sont toujours là des « tragi-comédies » ; genre hybride, genre confus, genre indéterminé, dont vous savez sans doute combien on a donné de définitions différentes, également contestables, et que je me garderai bien d’essayer de rectifier. […] Elle l’est par les détails de l’action, qui ne gardent plus rien d’au-delà les monts, qui sont même en leur genre tout à fait « parisiens » et de 1660. […] Aussi pourra-t-on bien désormais emprunter des sujets à l’Espagne ou à l’Italie, — et Molière lui-même, et Regnard après lui, ne s’en feront pas faute, — mais on les transposera toujours ; on n’en gardera que le corps, pour ainsi parler, comme dans Don Juan, que l’on habillera d’ailleurs à la française. […] Et, en vérité, ce pourrait l’être, si, le point faible de Tartufe une fois découvert ; le procédé ne changeait brusquement, et si, conformément à la loi du théâtre, Molière ne confiait à ses personnages le soin de conduire eux-mêmes vers le dénouement, une action dont il a jusqu’alors gardé tous les fils en sa main. […] La Popelinière était fermier général ; Samuel Bernard était quelque chose de mieux que cela ; reconnaissons que, si Dancourt a quelquefois égratigné les financiers dans ses pièces, les financiers, Mesdames et Messieurs, n’en ont pas gardé rancune à ses filles87.

1763. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Ils ont gardé la coutume de la presse maritime, la punition du fouet pour la marine, l’armée et les écoles publiques. […] Taine, mais gardez-vous de qualifier ainsi les idées qui lui servent de base. […] Ils n’ont pu sauver Prospero de l’adversité, ils ne lui ont été utiles et bons que dans l’île magique, et en la quittant il n’essaiera pas de les garder à son service pour gouverner le monde par leur aide. — Voilà des esprits qui ressemblent fort aux dons des poètes. […] Cette observation des impressions spontanées et naïves du public est comme un cours d’esthétique appliquée et, toute comparaison gardée, quelque chose de semblable pour l’étude de la littérature à ce que la pratique des affaires litigieuses est pour l’étude du droit. […] Nous ne savons rien des raisons qui poussèrent Sterne à sortir d’un repos qu’il avait gardé jusqu’à l’âge de cinquante ans.

1764. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Il n’avait gardé de nous le dire ; et, au fait, pourquoi nous l’eût-il dit, puisque toutes les « Révolution » et tous les « Bonaparte » sont également légitimes, je veux dire également vrais ? […] Maurice Spronck ; et il est vrai que lui-même, sauf peut-être sur l’article de Baudelaire, a gardé généralement la mesure. […] Elle avait compté sans son fils qui prétend, lui, garder l’enfant pour lui tout seul, et qui, pour le soustraire à l’envahissante affection de l’excellente grand-mère, n’imagine rien d’autre ni de mieux que de déménager. […] Je me garderai bien de le vouloir préciser. […] En empruntent aux médiévistes les résultats de leurs travaux, on se gardera soigneusement d’imiter leurs méthodes, et tout le monde en profitera : eux-mêmes, leurs études, et l’enseignement secondaire.

1765. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Encore une fois, leurs pensées, leurs sensations doivent garder le caractère de leur race, éviter à tout prix de se parisianiser. […] Ce livre désolant engourdit l’âme, use l’énergie, son charme malsain insinue un poison funeste… Oublions-le, pour garder intacte l’impression de belle santé gaillarde et fière que nous a donnée le roman belge. […] * * * Georges Rodenbach connut tôt la gloire parisienne : elle ne lui survécut guère… Pour réelle qu’ait été sur lui l’influence de Baudelaire et de François Coppée, gardons-nous de l’exagérer : son émotion porte une marque originale et nous rencontrerons dans cette étude peu de natures aussi affinées que la sienne. […] Et, en effet, dans ce délicieux poème, Van Lerberghe se gardera de rien préciser, il suggérera les sensations grâce à des sons, des couleurs, des arômes, des murmures, des frôlements, des effluves soudaines, éphémères, par quoi l’on dirait que s’accorde, une seconde, le Visible à l’Invisible, le Réel à l’Irréel, grâce à ces mille impressions menues et fuyantes qui font de la vie un tressaillement ininterrompu, et en nous continuera de chanter La Chanson d’Ève… Van Lerberghe s’évade délibérément de la métrique régulière qui nuit souvent au plein épanouissement de la nature ; il va moduler en vers libres les notes ailées, les gammes chatoyantes de sa musique sereine et tendre. […] Que cet amour pourtant ne ferme pas tes yeux À la réalité du monde spacieux, Et pour mieux te garder à ton pays fidèle, Qu’il ne réduise par l’ampleur de ton coup d’aile !

1766. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

. —  « L’autre secte, celle des dandies, affecte une grande pureté et le séparatisme, se distinguant par un costume particulier, et autant que possible par une langue particulière, ayant pour but principal de garder une vraie tenue nazaréenne, et de se préserver des souillures du monde. » Du reste, ils professent plusieurs articles de foi dont les principaux sont : « que les pantalons doivent être très-collants aux hanches ; qu’il est permis à l’humanité, sous certaines restrictions, de porter des gilets blancs ; —  que nulle licence de la mode ne peut autoriser un homme de goût délicat à adopter le luxe additionnel postérieur des Hottentots. » — « Une certaine nuance de manichéisme peut être discernée en cette secte, et aussi une ressemblance assez grande avec la superstition des moines du mont Athos, qui, à force de regarder de toute leur attention leur nombril, finissaient par y discerner la vraie Apocalypse de la nature et le ciel révélé. […] Et ce sentiment est le sentiment moral. « La seule fin1444, la seule essence, le seul usage de toute religion passée présente ou à venir, est de garder vivante et ardente notre conscience morale, qui est notre lumière intérieure. […] Nous avons pour aristocratie des marchands rapaces qui réduisent leur vie au calcul du prix de revient et du prix de vente, et des amateurs oisifs dont la grande préoccupation est de bien garder le gibier de leurs terres.

1767. (1896) Le livre des masques

« Ils mettent longtemps à mourir, et ils gardent les morts debout jusqu’à la chute en poussière. […] Les imbéciles deviennent fous et dans leur folie l’imbécilité demeure croupissante ou agitée ; dans la folie d’un homme de génie il reste souvent du génie : la forme de l’intelligence a été atteinte et non sa qualité ; le fruit s’est écrasé en tombant, mais il a gardé tout son parfum et toute la saveur de sa pulpe, à peine trop mûre. […] C’est à l’époque de la floraison du calvinisme que le nu commença d’être proscrit des mœurs et qu’il se réfugia dans l’art qui seul en garda la tradition.

1768. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Il est certain que tout cet ordre et toute cette harmonie n’en gardent pas moins la qualité inspiratrice qui y est providentiellement déposée ; mais, dans ce cas, faute d’une intelligence qu’elle pût inspirer, cette qualité serait comme si elle n’était pas. […] Je me garderai bien de citer ces noms ; la victime se sentirait peut-être aussi offensée que l’usurpateur. […] De plus, il est un des rares, le seul peut-être, qui ait gardé un profond sentiment de la construction , qui observe la valeur proportionnelle de chaque détail dans l’ensemble, et, s’il est permis de comparer la composition d’un paysage à la structure humaine, qui sache toujours où placer les ossements et quelle dimension il leur faut donner.

1769. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Né le 31 août 1601, au village de Houdan (ou Hodenc), à trois lieues de Beauvais, d’une honnête famille bourgeoise qui comptait parmi ses membres des marchands drapiers, des notaires, des avocats et même des conseillers au présidial16, Gui Patin garda toute sa vie la marque du franc Picard et de l’homme de race probe.

1770. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Duclos avait encore présentes certaines scènes de 1711, de 1712, et en avait gardé les poignantes émotions, comme nous avons eu celles de 1812 et de 1814 ; les victoires de Marlborough, les menaces et les outrageuses espérances du prince Eugène, l’épuisement de la France dans cette lutte extrême60, la carte du démembrement projeté, il rend cela avec nerf et dans un sentiment patriotique : c’est lorsqu’il en vient aux portraits des personnages qu’il s’en remet purement à Saint-Simon.

1771. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Mais je m’aperçois que j’ai à me garder moi-même d’aller l’imiter en le définissant.

1772. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

[NdA] Comme pendant et contrepartie de cette idée qu’on doit faire peu de confidences à l’âge où l’on vieillit et où l’on perd, M. de Meilhan avait dit, une autre fois, avec beaucoup de justesse : « L’homme a besoin, quand il est jeune, de se répandre ; il se plaît à faire des confidences ; il ne se connaît pas et se croit un être curieux et rare ; il n’a pas enfin la force de garder son secret, et la présomption le porte à croire qu’il inspire un intérêt sincère qui le fera écouter avec plaisir. »

1773. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Pour lui, au milieu de toutes ses douceurs de commerce et d’insinuation, il gardait toujours quelque chose de la dignité virile.

1774. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

M. de Chateaubriand, par exemple, qu’il eut occasion de voir vers l’époque d’Atala et du Génie du christianisme, et à qui il adressa de belles observations critiques dans son Ministère de l’homme-esprit (observations que M. de Chateaubriand ne lut jamais), n’avait gardé de Saint-Martin qu’un souvenir inexact et infidèle ; il lui est arrivé de travestir étrangement, dans un passage des Mémoires, la rencontre qu’il eut avec lui ; et lorsqu’il eut été averti par moi-même que Saint-Martin avait parlé précisément de cette rencontre et en des termes bien différents, il ne répara qu’à demi une légèreté dont il ne s’apercevait pas au degré où elle saute aujourd’hui à tous les yeux.

1775. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Louis XIV était trop loin, et d’ailleurs ce grand roi, qui envisageait les choses à un point de vue surtout politique et prudent, se fût bien gardé d’autoriser son général à une entreprise qui dépassait à ce point les horizons connus.

1776. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Il écrivit dans un journal (les 6, 7 et 8 messidor, an III, si je ne me trompe) trois articles ou lettres un peu réactionnaires contre l’idée qu’avait la Convention de se continuer et de garder un pied dans le gouvernement qui succédait.

1777. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Il se garda bien de donner dans aucune de ces théories absolues, de ces professions de foi excessives, qui ne servent qu’un jour et qu’une heure, et qui embarrassent dans toute la suite de la vie publique.

1778. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Yemeniz, ce riche et libéral amateur qui, dans sa cité de Lyon, a gardé une étincelle de la Grèce, sa première patrie : le volume imprimé par Perrin (1857), orné d’images et d’emblèmes, distribué petit, nombre et non mis en vente, consacre désormais le nom du trop heureux Papon, au rang de ces curiosités de bibliothèque qu’on enchâsse et qu’on ne lit pas.

1779. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Quelques instants après, il s’approcha tout à coup de moi, et me dit à l’oreille : « Il faut que nous fassions un échange, moi aussi je sais improviser. » Comme j’étais naturellement très-curieux de savoir ce qu’il entendait par là, il me répondit : « C’est mon secret. » Mais c’est un véritable enfant, et il ne sut pas garder son secret un quart d’heure.

1780. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

» logé dans les palais du prince ou chez les premiers seigneurs de l’empire, présenté par l’empereur dans les manœuvres comme étant de son État-major, l’accompagnant dans ses voyages à l’intérieur, traité par lui non comme un peintre, mais comme un ami, comme un fils, comme un enfant gâté, avec une confiance, un laisser-aller que les lettres n’exagèrent pas, et que les meilleurs témoins nous ont certifié, Horace sut garder sa tête, son bon sens, et ne pas se laisser enivrer ni enguirlander.

1781. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Le premier Recueil de ce genre dont on ait gardé souvenir était celui que Méléagre avait désigné du nom de Couronne, et qu’il avait tressée en effet de mille fleurs.

1782. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

C’était un de mes trésors bibliographiques dont j’étais le plus jaloux ; mais je m’étais bien promis de ne pas le garder pour moi seul et d’en faire part un jour au public.

1783. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Havet, un des maîtres accomplis, un des esprits les plus nets et les plus fermes de ce temps, a eu et a gardé sur lui une grande influence.

1784. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Cette fierté tenait à sa nouvelle situation, au désir de garder son rang.

1785. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Il le souhaite en dépit des docteurs de toute robe, de ceux qu’il nomme les « vénérables druides », et à leur barbe ; il rompt en visière aux savants jaloux et routiniers qui veulent garder sous verre leurs reliques.

1786. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Pasquier a gardé de lui un souvenir de sérieuse estime.

1787. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Quant à Bernardin de Saint-Pierre, on s’explique aisément l’enthousiasme avec lequel Mme de Krüdner le chercha d’abord et l’espèce de culte qu’elle lui garda toujours.

1788. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Je les gardai longtemps avec les siennes comme deux reliques qui ne formaient qu’un seul être, et un jour que je me sentis près de mourir moi-même, je pris mon grand courage et je brûlai ces deux rouleaux, qui formaient deux volumes, pour que les deux cendres ne restassent pas après nous sur cette terre, mais que nous les retrouvassions au ciel où elles allaient avant nous.

1789. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

De là vient que les mêmes poètes n’étaient point embarrassés pour rimer de la même plume les défaites des infidèles et les accidents des ménages : le Picard Jean Bodel, dont on a la Chanson des Saxons, est (selon une hypothèse fort plausible) l’auteur d’une dizaine de contes vulgaires ou obscènes qui nous sont parvenus : toute proportion gardée, c’est comme si Corneille s’était délassé du Cid par les Rémois ou le Berceau.

1790. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Il se sentait gardé du côté de la France.

1791. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Octave Feuillet a gardé le don, le précieux don du romanesque.

1792. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Mais de même que, dans toutes ces diverses situations, Sganarelle conserve quelque trait de son caractère et de sa physionomie, il est probable qu’il gardait toujours dans son costume quelque chose qui rappelait le type originel, tant la tradition avait de puissance dans ce domaine où l’on serait tenté de croire que la fantaisie était souveraine absolue.

1793. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

C’est qu’en 1696 les dévots gouvernaient ; il fallait se garder de leur donner prise.

1794. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Qui dira le labeur, les servitudes, les humiliations souvent, auxquelles il faut se contraindre, en régime bourgeois, pour acquérir et garder le cher argent ?

1795. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Peut-être devrons-nous conclure au « primat » de l’action ; toujours est-il que c’est notre intelligence qui conclura ainsi ; en cédant le pas à l’action, elle gardera de la sorte la supériorité du roseau pensant.

1796. (1890) L’avenir de la science « II »

Mais il faut se garder de prendre cette nature, d’une façon étroite et mesquine, pour les usages, les coutumes, l’ordre que l’on a sous les yeux.

1797. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Or, toute proportion gardée, ils ne redoutent pas moins le préjudice que leur causeraient Benvenuto et les Troyens.

1798. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Il leur en demeura à jamais reconnaissant ; il garda avec eux de tout temps tous ses liens : et vieux, affaibli de corps, ce fut chez eux à Paris, dans leur maison de la rue Saint-Antoine, qu’il voulut achever de vieillir et qu’il vint mourir.

1799. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Parce que M. de Pontmartin a gardé un reste de cocarde blanche et que moi je n’en ai pas de cocarde (car je n’en ai pas), il se croit un singulier droit, et il abuse étrangement de son symbole.

1800. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Mais il n’eut dans le premier cabinet (11 août 1830) que le portefeuille de l’Instruction publique, et il le garda seulement quelques mois.

1801. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Il est vrai que Mme de Caylus est si parfaite, si respectueuse à la fois et si familière ; elle sait si bien la mesure qu’il faut garder en lui écrivant, le degré d’information qu’il faut tenir, les tristes nouvelles du monde, les vérités fâcheuses qu’il ne faut pas lui cacher, et celles sur lesquelles il est inutile de s’étendre ; elle sait si bien être sérieuse en courant : « Je ne vous dis rien de la beauté de vos lettres, lui écrivait Mme de Maintenon(1716) ; je vous paraîtrais flatteuse, et, à mon âge, il ne faut pas changer de caractère. » On prendrait pourtant de Mme de Caylus, si l’on s’en tenait à ses lettres, une idée un peu trop sérieuse.

1802. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Elle avait pris à son service, dans l’automne de 1711, à titre de femme de chambre, une personne de mérite qui n’eût été au-dessous d’aucun rang, faite pour être l’égale et la rivale des plus distinguées d’alors par l’esprit, unissant le sérieux à l’enjouement, et d’un cœur qui garda encore de son prix, même lorsqu’il se fut desséché.

1803. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

En exposant le vaste système de vues et d’idées de cet ami et de ce maître, son aîné de quinze ans, et pour qui il avait un véritable culte, il expose le plus souvent ses propres pensées ; mais ici, plus voisines de leur source, elles ont gardé quelque chose de plus net et de plus lumineux.

1804. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Partie des salons de la haute aristocratie sous la Restauration, de ces salons exclusifs où elle gardera toujours un pied et où elle aura ses entrées franches, Mme de Girardin se trouve, à un moment, jetée dans le monde tout artiste, tout littéraire et, à sa manière, artificiel aussi, du journalisme.

1805. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Le vent d’hiver pleura sous le parvis sonore, Et soudain je sentis que je gardais encore Dans le fond de mon cœur, de moi-même ignoré, Un peu de vieille foi, parfum évaporé.

1806. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Et quant à tous ces autres noms qu’on cite (je n’en excepte aucun, ni Fléchier, ni Mascaron, ni Bouhours), ce n’est point qu’on veuille le remarquer, par le bon goût, par le goût sain et judicieux qu’ils brillent ; ils ont tous plus ou moins gardé une teinte prononcée de l’hôtel Rambouillet, et ils retardaient à certains égards sur leur siècle.

1807. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Le comte Joseph de Maistre, né en 1754, à Chambéry, en Savoie, dans une famille de haute magistrature, l’aîné de dix enfants, avait été élevé selon l’esprit de la sévérité antique, et il en garda toujours le cachet dans ses mœurs et dans son caractère : Le trait principal de l’enfance du comte de Maistre, nous dit son fils dans la Notice biographique, fut une soumission amoureuse pour ses parents.

1808. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Mariée en 1666 au marquis de Lambert, officier de mérite qui devint plus tard lieutenant-général, et dont le père l’avait été, elle entra dans un monde plus conforme à ses instincts élevés, et elle ne garda de son premier entourage que le goût très vif des choses de l’esprit.

1809. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Navarre, receveur des tailles à Soissons, était, nous dit un homme non amoureux (Grosley), la plus brillante partie de sa famille ; elle visait au grand, à l’extraordinaire, et se fit aimer du maréchal de Saxe : « La beauté, les grâces, les talents, un esprit délicat, un cœur tendre, l’appelaient à cette brillante conquête… Sa conversation était délicieuse70. » Marmontel nous la montre de plus imprévue, capricieuse, avec plus d’éclat encore que de beauté : « Vêtue en Polonaise, de la manière la plus galante, deux longues tresses flottaient sur ses épaules ; et sur sa tête des fleurs jonquille, mêlées parmi ses cheveux, relevaient merveilleusement l’éclat de ce beau teint de brune qu’animaient de leurs feux deux yeux étincelants. » C’est cette amazone, cette belle guerrière qui, sacrifiant l’illustre maréchal au jeune poète, enleva un matin Marmontel à ses sociétés de Paris et le transporta d’un coup de baguette dans sa solitude d’Avenay, où elle le garda plusieurs mois enfermé au milieu des vignes de Champagne comme dans une île de Calypso.

1810. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Au dessert, les vins de Malvoisie et de Constance ajoutaient à la gaieté de bonne compagnie cette sorte de liberté qui n’en gardait pas toujours le ton : on en était alors venu dans le monde au point où tout est permis pour faire rire.

1811. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Hennin ne l’en a pas moins obligé sans d’abord l’avertir de ce qu’il savait, il lui dit : Vous m’avez donné à Vienne, monsieur, une forte preuve de votre amitié ; mais le silence que vous avez gardé ne m’a pas prouvé votre estime.

1812. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Dans notre jeunesse, et quand le Moyen Âge était à la mode, je me rappelle avoir entendu regretter, au sujet de Volney, qu’au lieu de ce nom qui siérait aussi bien à un personnage de roman, il n’eût point gardé ce premier nom pittoresque de Chassebœuf, qui rappelait un chevalier et haut baron poursuivant dans la plaine le vilain et piquant les troupeaux de sa lance : mais le commun du monde y voyait naturellement le vilain et le bouvier encore plus que le chevalier.

1813. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Il était sénateur pendant le Consulat, et il continua de l’être avec l’Empire ; une démission qu’il avait envoyée ne fut point acceptée, et il s’accommoda très bien de garder son siège bientôt doté, blasonné et anobli.

1814. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Ces hommes ont blessé le genre humain dans ses génies ; ces misérables mains gardent à jamais la couleur de la poignée de boue qu’elles ont jetée.

1815. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Voltaire a perdu de sa gloire le faux, et gardé le vrai.

1816. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

La biologie doit prendre aux sciences physico-chimiques la méthode expérimentale, mais garder ses phénomènes spéciaux et ses lois propres. » Arrivera-t-on un jour à réduire tous les phénomènes vitaux aux phénomènes physico-chimiques, comme on l’a fait déjà pour quelques-uns d’entre eux ?

1817. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Remy de Gourmont disait autrefois : « L’instinct abolit le génie… » Nous pourrions ajouter : « la France est un pays de tradition, d’élégance, de méthode… Elle a préparé la victoire d’un art aux lignes parfaitement délimitées… » Gardons-nous de l’oublier.

1818. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Gardez-vous en bien, mon pere, lui répondit Despreaux ; ce seroit alors qu’ils auroient raison de dire que vous n’avez pas entendu le sens de votre original, qui ne prêche par-tout que le pardon des ennemis.

1819. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Cette immobilité de la parole écrite, ce silence qu’elle est obligée de garder lorsqu’elle est attaquée, disent avec quelque éloquence sans doute les raisons qui ont engagé l’Église à refuser de reconnaître jusqu’à présent les traductions de l’Écriture sainte en langue vulgaire.

1820. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Les faits à l’appui de ces deux négations, qui gardent l’entrée de son livre, sont aussi péremptoires que nombreux, et non seulement ils enlèvent à la Révolution le caractère grandiose dont elle se trouvait revêtue quand on la croyait le résultat d’une gestation séculaire dans les entrailles de l’esprit humain, mais ils la privent encore de ses lettres de noblesse intellectuelle et lui interdisent la fastueuse prétention d’être une idée.

1821. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Elle a exhalé le dernier soupir qu’elle gardât dans le trésor de ses harmonies les plus secrètes, sous la pression magistrale, despotique et inspirée d’un très grand artiste qui joue des mots comme Paganini du violon et qui, comme Paganini, joue sur une seule corde, car il fait des vers d’une seule syllabe dans des poëmes qui durent plus longtemps que l’exécution d’une sonate ; homme étonnant qui n’a besoin que d’une syllabe pour vous enchanter, si vous avez en vous écho de poète, — qui serait Liszt encore sur une épinette et Tulou dans un mirliton.

1822. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Ce n’est pas seulement pour avoir gardé profondément l’empreinte sculpturale et la prétention au style de cette époque, ce n’est pas seulement, dis-je, au point de vue historique que les caricatures de Carle Vernet ont une grande valeur, elles ont aussi un prix artistique certain.

1823. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Ils ont gardé, jusque dans leur plus mystérieux tréfonds, le caractère indélébile de leur renonciation, et tout ce qui sort d’eux s’en ressent.

1824. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Elle consiste à garder les yeux fermés quand on se réveille, et à retenir pendant quelques instants le rêve qui va s’envoler — s’envoler du champ de la vision et bientôt aussi, sans doute, de celui de la mémoire.

1825. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Maintenant cette poésie, séparée de son ciel, de son idiome, de la voix qui en est, pour ainsi dire, l’instrument natal et sonore, gardera-t-elle le même charme et la même puissance ?

1826. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

En parlant ainsi, il lui remit une des deux couronnes que le Génie venait de lui donner, & garda l’autre pour lui. […] Peignez la volupté, disait-il aux Auteurs ; mais gardez-vous de peindre la débauche. […] Apollon placera l’un dans sa galerie ; l’Amour gardera soigneusement l’autre dans son cabinet. […] à tant de barbaries O Graces, gardez-vous de vous associer ! […] Elles lui valurent une place à côté de Quinaut, qui, cependant, garda toujours la premiere.

1827. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Ne vous paraîtrait-il pas naturel qu’un honnête homme, comme Chrysale, eût, à un moment donné, et je dis en passant, sans une insistance qui serait parfaitement mal à propos, un mot qui indiquerait qu’il a reçu une éducation religieuse et qu’il en a gardé des traces ? […] Pour ce qu’elles ont de bon, on peut les garder, chacun la sienne et, tout compte fait, je garde celle dans laquelle on m’a élevé. » Oui, un homme naissant après le xvie  siècle, en France, pouvait raisonner à peu près de cette façon. […] Le péril est donc grand, pour qui veut détruire Dieu, de prétendre garder la morale ; comme il serait grand pour qui voudrait détruire la morale de prétendre garder Dieu ; et les religions qui ont été immorales et qui n’ont pas suivi la morale dans son développement et dans son progrès ont dû périr et ont péri. […] Ce que les âmes croyantes et pieuses ne peuvent aimer que d’une affection tiède, c’est une Église confondue avec l’État et soldée et dirigée par le gouvernement, une Église de fonctionnaires timides, craintifs, pliés aux habitudes bureaucratiques et à l’obéissance, et, sinon terrorisés, du moins assagis par la considération des honoraires à garder ou à perdre. […] C’est à nous à ne point nous prêter bénévolement à ce que ce malentendu, cette brouille, qui, je l’espère, sera aussi courte que possible, puisse donner à nos concurrents dans le monde des avantages qu’il vaut mieux garder pour nous… J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt le discours de l’honorable M. 

1828. (1902) La poésie nouvelle

Mallarmé qui faillit, à d’autres égards, les induire en erreur, leur apprit la dignité de l’art et la hautaine indifférence qu’il faut garder vis-à-vis des incompréhensions du public. […] Cette sale langue, etc… » Il ne garda de cette époque qu’une impression de dégoût. […] Il en avait composé encore un troisième qui, sous le titre Des fleurs de bonne volonté, dut paraître en 1887 ; mais Laforgue, changeant d’intention, décida de garder à part lui ce recueil et de le remanier. […] Enfin, il fut attentif à conserver intact le sens qu’il avait du mystère, et comme Hamlet, son héros de prédilection, il tint à garder, vis-à-vis des êtres et de l’Univers l’attitude de l’étonnement… « Ah ! […] Mais le tenace et vieux passeur garda tout de même, pour Dieu sait quand, ‌ le roseau vert entre les dents.‌

1829. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Il gardera tousjours place à une plus forte raison, ne jurant à rien. […] Tout compté, il y a plus de peine à garder l’argent qu’à l’acquerir. […] On rencontre dans ce chapitre cette maxime, qu’il est utile de comparer à celle de Charron qui y correspond : « Il ne faut pas mesurer la loy de nature aux actions des hommes, quoyqu’elles soient inveterees. » Et il ajoute : « Ni conclurre pour cela que la servitude des esclaves soit de droit naturel, et encore moins y a de charité de garder les captifs pour en tirer gain et proffit comme de bestes129. » Le chapitre entier présente de l’intérêt. […] n’ayez pas peur ; l’homme s’en gardera bien ; il se trompera toujours là-dessus, parce qu’il a besoin de s’y tromper. […] Aussi ne trouve-t-on guère d’ingrats, tant qu’on est en état de faire du bien241. » Du reste, gardons-nous de trop exiger ; il n’est en vérité pas toujours aisé d’être reconnaissant.

1830. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

XV « Romains, je garderai religieusement la mémoire de ce que je vous dois, tant que je jouirai de la vie ; et, lors même que j’aurai cessé de vivre, des monuments certains attesteront les bienfaits que j’ai reçus de vous. […] Sera-ce garder suffisamment la pudeur que de prendre sans témoins des plaisirs honteux ?

1831. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Thiers, en trouva sur l’heure la vraie formule. « Gardons la république, car c’est le gouvernement qui nous divise le moins. » C’est la pensée que j’avais exprimée autrement en entrant le jour même à l’hôtel de ville, ces Tuileries du peuple. […] Je ne voulais pas par honneur m’y affilier ; je voulais lui garder mes rancunes décentes de royaliste tombé avec les regrets de 1830 ; l’attitude me semblait obligée, le nom d’apostat du malheur m’eût déshonoré à mes propres yeux.

1832. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Ce perfectionnement, ce point suprême au-delà duquel l’esprit humain est condamné à déchoir, c’est Racine qui l’atteignit ; Racine, un de ces génies accomplis de la famille des Virgile, des Raphaël, des Mozart, non moins étonnants pour s’être gardés de tous les défauts que pour avoir réuni toutes les qualités ; lumières douces et pénétrantes, qui éclairent les plus ignorants comme les plus versés dans la science des choses humaines, et qui n’éblouissent personne ; esprits harmonieux, chez qui nulle qualité n’est poussée jusqu’à son défaut, mais qui possèdent une qualité supérieure et charmante par laquelle ils sont les premiers parmi les hommes de génie, la sensibilité. […] L’une veut retenir le pouvoir qui lui échappe : l’autre, reine par le meurtre, veut garder le pouvoir qu’elle a usurpé.

1833. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Villard m’entretenait d’un voyage qu’il avait fait en Norvège, où il était tombé dans une verrerie, qui était une colonie française, réfugiée là, à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, ayant conservé très reconnaissable le type français, mais n’ayant gardé de leur ancienne langue, que le mot « Sacré nom de Dieu ». […] Dimanche 26 novembre J’ai écrit à Sarah Bernhardt de me renvoyer ma pièce, et j’ai reçu d’elle aujourd’hui un petit bleu, où elle me dit qu’elle a un tel désir de jouer quelque chose de moi, qu’elle me demande de garder encore ma pièce six semaines, pour la lire, à tête reposée.

1834. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

C’est d’abord l’évasion de Carmen suivie de l’emprisonnement du dragon : « Dans la prison, je ne pouvais m’empêcher de penser à elle… Ses bas de soie tout troués qu’elle me faisait voir tout entiers en s’enfuyant, je les avais toujours devant les yeux… Et puis, malgré moi, je sentais la fleur de cassie qu’elle m’avait jetée, et qui, sèche, gardait toujours sa bonne odeur. » C’est la dégradation, c’est la faction humiliante comme simple soldat, à la porte du colonel, un jour où précisément Carmen vient danser dans le patio : « Parfois j’apercevais sa tête à travers la grille quand elle sautait avec son tambour. » C’est la journée folle chez Lillas Pastia. […] Si, par bonheur, il est doué d’un sens droit, la mesure sera gardée ; mais il en est beaucoup que leur imagination déborde, et alors ils ont plus d’un rapport avec les romantiques tant décriés par eux.

1835. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

C’est mon diadème, et je l’ai gardé pour toi. » 7. […]      Ajoutons que l’église, Cette vaste église qui l’enveloppait de toutes parts,      Qui la gardait, qui la sauvait, Etait elle-même un souverain calmant.

1836. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

De même que nous avons vu dans le dernier chapitre que quelques formes ont gardé à peu près le même caractère depuis une période géologique extrêmement éloignée, de même certaines espèces ont émigré de contrée en contrée à de grandes distances, sans qu’elles se soient beaucoup modifiées ou même sans avoir subi aucun changement. […] Après avoir rempli de graines de plusieurs sortes l’estomac de poissons morts, je donnai leurs cadavres à des Aigles pêcheurs, à des Cigognes et à des Pélicans ; après de longues heures, ces oiseaux dégorgèrent les graines en pelote ouïes rejetèrent avec leurs excréments, et plusieurs de ces graines se trouvèrent avoir gardé leur faculté de germination.

1837. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

» — Puis, comme le délicat scrupule du promeneur ne me répondait qu’à demi, je me gardai d’insister. […] Pur écrivain de société, il ne va au fond de rien, et quand il a une plaisanterie, il la délaie ; ce qui ôte aussi de la gentillesse. — Mme de Staël, qui, du reste, gardait si peu de ressentiment, en voulut, par exception, à M. de Feletz. […] Gardons-nous de défaire sans raison et d’aller gâter les justes admirations, les religions bien fondées de notre jeunesse.

1838. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Jusqu’au jour où il en fut tiré par la réputation qu’il avait pensé fuir, il garda l’âpreté du docteur, et, le dirai-je ? […] Son bon sens ne s’inquiétait que des difficultés qui se peuvent résoudre ; pour les autres, il se faisait honneur de les négliger, afin de garder le droit de condamner dans autrui la prétention téméraire de les trancher. […] Et de même qu’il avait besoin d’une force prodigieuse d’esprit pour se tenir suspendu sur l’abîme du quiétisme, de même ne lui fallait-il pas la vertu des anges et des solitaires pour garder la pureté dans une amitié avec une femme jeune et passionnée, qui empruntait à la langue de l’amour humain tous les termes de sa spiritualité ?

1839. (1923) Paul Valéry

Chez Valéry comme chez Mallarmé, trois éléments contribuent à garder dans l’œuvre terrestre cette fraîcheur glaciale de neige et d’espace vierge incorporée à la page blanche. […] Je les gardais en moi, en tant que mes doutes et mes contradictions… Parfois ces germes de personnes sont favorisés par l’occasion, et nous voici très près de changer de nature. […] Mais de ces « idées » métaphysiques il peut dire ce que dit Socrate de ces autres Socrates « ils ont été refusés, je les gardais en moi, en tant que mes doutes et mes contradictions. » Le Valéry réel qui a passé, qui a réussi, qui a trouvé son corps et sa technique, c’est celui du quatrain que je viens de citer.

1840. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

J’aurais gardé votre lettre comme celle d’un homme de beaucoup d’esprit, mais je la garde bien plus précieusement comme la preuve d’un cœur admirable. […] Si je n’avais eu ni estime ni amitié pour vous, j’aurais gardé froidement pour moi ou pour les autres ce que je vous ai dit à vous-même. […] Il ne serait même pas déraisonnable d’affirmer que l’histoire proprement dite des différentes époques est moins instructive que leurs fables… Gardons-nous de croire avec les esprits chagrins que l’homme aime et embrasse l’erreur pour l’erreur elle-même : il n’y a pas, et même il ne peut y avoir de folie qui n’ait son coin de vérité, qui ne tienne à des idées justes sous quelques rapports, mais mal circirconscrites et mal liées à leurs conséquences 61. » En ce qui concerne le stoïcisme, Cabanis ne fait en quelque sorte, dans cette lettre, que poser la doctrine d’un stoïcisme moderne plus perfectionné, et traduire, interpréter dans le langage direct de la science, et sous forme de conjectures plus ou moins probables, les conceptions antiques de cette respectable école sur Dieu, sur l’âme, sur l’ordre du monde, sur la vertu. […] Dès qu’il en trouvait prétexte dans ses cours, il se permettait des excursions vers ces époques préférées, et si, sur son chemin des Provençaux, il pouvait faire à l’occasion le grand tour par les Nibelungen jusqu’à l’Edda, il se gardait bien d’y manquer.

1841. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Le poète (car ici, mais ici seulement, Tola Dorian mérite ce titre) s’adresse à Ishmaël, fils d’Agar et d’Abraham, chassé au désert par son père : Tes fils, pareils aux fils des louves et des merles, Ne gardent pas le souvenir de leurs berceaux : Ils ignorent la terre où dormiront leurs os : Ta race est un collier d’où s’égrènent les perles Qui roulent sur le sable, ou sombrent sous les flots. […] Ses réflexions non plus ne sont jamais celles que ferait un homme ; elles peuvent êtres voisines, parentes, gardent toujours une grâce propre, une émotion et une souplesse différentes, la marque d’une tout autre allure d’esprit. « Voici, dans une chapelle, la tombe de Marie Stuart. […] Ces êtres, déplaisants quand ils gardent leur ton rogue, plus déplaisants lorsqu’ils sourient, m’arrêteront peu. […] Et j’ai regretté que ce fruit du Quercy n’eût pas gardé sa saveur naturelle. […] fallait pas te marier, si tu voulais garder le nom de ton papa !

1842. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Racine s’est bien gardé d’occuper par des paroles le premier moment de cette situation. […] Qu’il est heureux, dira un souverain, de n’avoir que des moutons à garder ! […] Ceux même qui s’y enrichissent se gardent bien de les faire connoître. […] Ce n’est pas que dans ces sujets même il n’y ait une sorte de vraissemblance à garder, mais elle est relative au poëte. […] Qu’on s’imagine voir exprimés sur la toile Clitemnestre, Iphigénie, Achille, Eriphile, & Arcas, dans le moment où celui-ci leur dit : Gardez-vous d’envoyer la princesse à son pere. ...

1843. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Gardons-nous de croire, cependant, que la vérité, fonds commun de l’artiste et du philosophe, doive être envisagée de la même façon par tous les deux, et saisie par le poète sous sa forme philosophique. […] Les hommes, les lieux et les choses de la Grèce ont gardé pour moi l’ardent attrait des souvenirs de famille ; il m’a toujours semblé que leur histoire était le commencement de nos traditions nationales. […] La poésie, c’est-à-dire la parole, fut donc le premier des arts et il renferma d’abord tous les autres arts dans son sein ; il les garda longtemps indissolublement unis dans la synthèse du culte et de l’enseignement social. […] De toutes les ressources extérieures qu’elle possédait autrefois pour frapper l’imagination et la sensibilité, la poésie écrite n’a plus gardé que la versification. […] Elle a gardé un certain mouvement, mais elle n’a plus ni l’éclat de l’image, ni la solidité du contour.

1844. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

En littérature française, jeune il avait causé avec M. de Malherbe, et il le citait quelquefois ; mais il en avait gardé mémoire bien moins pour ses odes ou sa réforme de la langue que pour ses gaillardises.

1845. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

S’il est beau par-dessus tout au héros militaire et civil d’inspirer de tels sentiments d’admiration à ceux qui l’approchent, il n’est pas moins honorable à l’homme politique déjà éprouvé par les révolutions d’avoir gardé son esprit assez ferme et assez intègre pour être capable de les ressentir.

1846. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Quand on l’aurait présenté comme le narrateur le plus varié et le plus piquant des entreprises d’armes et de toutes les chevaleries d’alors, il y aurait à se garder encore de le trop circonscrire et de lui refuser l’intelligence du reste ; car, s’il entend par excellence le fait des chevaliers et gentilshommes, il a montré dans ses récits des affaires et des troubles de Flandre qu’il n’entendait pas moins bien le tribun du peuple, le factieux de la bourgeoisie et de la commune, le chef des chaperons blancs, c’est-à-dire des bonnets rouges de ce temps-là.

1847. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Le mot ainsi expliqué, gardons-nous de faire de Lassay un misanthrope.

1848. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

La pensée politique dominait ce monarque ; il sentait l’importance de garder l’électeur de Bavière pour allié au centre de l’empire, et il voulait à tout prix lui prouver qu’il ne négligeait rien pour occuper les forces du prince Louis de Bade, et pour faire pénétrer un corps d’armée jusqu’à lui.

1849. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

À mon retour de la Suisse française où j’avais gardé des amis, vers 1840, je concevais un parfait journal littéraire dont il y aurait eu un rédacteur double, l’un à Paris pour tout savoir, l’autre à Lausanne ou à Neuchâtel pour tout dire, — j’entends tout ce qui se peut dire honnêtement et avec convenance.

1850. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Il faut que ceux qui marchent à la tête d’une pareille nation y gardent toujours une attitude fière, s’ils ne veulent laisser tomber très-bas le niveau des mœurs nationales.

1851. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Mais la recette avec La Mennais était insuffisante : il versait du noir avec éclat dans ses pages, et il en gardait encore de reste dans son esprit.

1852. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Mon cœur seul peut recevoir et garder d’un tel bienfait tout ce qu’il y a de précieux et de consolant, le souvenir du bienfaiteur et la reconnaissance sans le poids de l’or.

1853. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Gilbert : il a pris Saint-Évremond de plus haut, et il n’a pas su se garder de le traiter, selon moi, avec une sévérité excessive.

1854. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Cette position centrale de haute administration et d’études est celle que l’historien a gardée depuis, et qu’il a même su défendre au besoin contre les tentations politiques dont plus d’une l’est venue chercher.

1855. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Avec infiniment moins d’ambition qu’aucun, il a son point sur lequel il est autant hors de ligne : Manon Lescaut subsiste à jamais, et, en dépit des révolutions du goût et des modes sans nombre qui en éclipsent le vrai règne, elle peut garder au fond sur son propre sort cette indifférence folâtre et languissante qu’on lui connaît.

1856. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

de Penthièvre, s’étaient déterminés à garder le roi et à s’enfermer avec lui.

1857. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

De toutes les paroles qui m’ont assailli dans une autre circonstance et dont je n’ai gardé aucun amer souvenir, une seule, je vous l’avouerai, m’est restée sur le cœur.

1858. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Elles cessent toutes pour le dormeur ordinaire ; pour le rêveur, celles-là seules subsistent qui concordent avec son rêve ; le somnambule et l’hypnotisé n’en gardent non plus qu’une série, celles qu’on nomme musculaires ou celles des sons proférés par l’opérateur.

1859. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Ces arbres rares gardent un pan de leur ombre aux troupeaux sur ce sol calciné.

1860. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Le magnifique palais Pitti, qui ne garda que son nom, ne put être achevé alors et devint plus tard le palais des Médicis.

1861. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Il fait ses études à Louis-le-Grand, chez les Jésuites, où il a pour préfet des études l’abbé d’Olivet : on pourra juger de quelle prise la Société saisit les esprits, si l’on songe que Voltaire même gardera toujours des sentiments de respect et d’amitié pour ses anciens maîtres ; et jamais il ne se défera des principes littéraires qu’ils lui ont donnés, de leur goût étroit et pur.

1862. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Et puis, quand, grâce à l’équité de nos « doux juges », on a payé des dommages-intérêts à la Sainte-Enfance et qu’on figure malgré soi sur ses registres comme un des plus gros donateurs pour n’avoir pas cru que ce fût en Chine un usage courant d’engraisser des cochons violets avec la chair des petits enfants, on a bien le droit d’en garder quelque rancune.

1863. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Ils sont notre trésor dans nos moments de honte, Dans nos abaissements et dans nos abandons : C’est vous qui les portez, c’est nous qui les gardons.

1864. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Nordau : je m’étais interdit, pour garder à des dires une généralité, de nommer personne et ne crois pas avoir, présentement, enfreint mon souci.

1865. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Les Dieux nous gardent d’un critique académique ou universitaire.

1866. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Pouchkine, dans Rousslan et Lioudmila, est un épicurien incrédule qui ne sait pas garder son sérieux en débitant ses contes.

1867. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Qu’il le veuille ou non, René Ghil appartient à l’histoire du mouvement symboliste et les anthologies le prou vent, qui n’ont gardé de l’oublier dans le dénombrement des poètes de l’École.

1868. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Je me garderai de suivre l’économie politique dans ses déductions ; les économistes attribueraient sans doute à mon incompétence les défiances que ces déductions m’inspirent ; mais je suis compétent en morale et en philosophie de l’humanité.

1869. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Il faut se garder, mon cher ami, de croire sur le bonheur certaines généralités très fausses, supposant toutes qu’on ne peut être heureux que conséquemment et avec un système intellectuel parfaitement harmonisé.

1870. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Mais c’est garder trop pieusement un legs de ce moyen âge chrétien qui plaça son idéal dans la vie monastique, glorifia le célibat, l’imposa aux prêtres, le conseilla comme le plus sûr moyen de gagner le paradis.

1871. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Quand même ni l’une ni l’autre de ces deux races n’auraient de libre arbitre, nous ne pourrions nous empêcher d’honorer les premiers comme des demi-dieux, et de traiter les autres comme des bêtes nuisibles, de les garder à distance ou même de les tuer s’il n’y a pas d’autre moyen de s’en débarrasser.

1872. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Si cette Foi étoit de l’invention de l’Homme, l’Homme n’auroit-il pas gardé pour lui-même un hommage qu’il est obligé de faire remonter jusqu’au Dieu dont il est la créature ?

1873. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Monteprade ainsi transformé, ne pouvait garder le rôle qu’il joue dans la première version de la comédie.

1874. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

C’est une de ces positions où il faut se garder de mettre un personnage sur lequel on veut porter l’intérêt.

1875. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Il garda toujours de grandes mesures avec les gens de lettres, et, tout en affectant bien de s’en distinguer, il les traita avec une déférence parfaite.

1876. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Quoi qu’il en soit, Mirabeau arrivait au fort de Joux près Pontarlier dans le Jura, pour y être gardé sévèrement et pour s’y morigéner dans la solitude.

1877. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Si toutefois après avoir idéalisé son être véritable, après en avoir fait un signe, elle eût su ne le mettre aux prises qu’avec d’autres signes également imaginés par elle, si elle se fût gardée de le commettre avec la réalité commune, Mme Bovary eût pu être quelque grande mystique, à la façon d’une sainte Thérèse ou, avec un don d’exécution, une artiste.

1878. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Et les quatre malheureux étaient là, prisonniers, captifs de la loi, gardés par trois cents cocardes tricolores sous les belles ogives de Vincennes.

1879. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Pour l’unité de lieu, il n’a pas cru qu’il lui fût possible de la garder sans ôter le merveilleux, & sans tronquer les intrigues.

1880. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

La traduction a été aussi littérale que possible, tout en tâchant de garder à ces contes faits pour être dits à haute voix toute la saveur qu’y ajoute la mimique expressive des conteurs.

1881. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Il l’a bien vu  je me garderai de dire tel qu’il est  mais enfin, tel que l’ont vu la plupart des pessimistes et des satiriques.

1882. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Je dis plus ; il ne serait peut-être pas difficile de montrer par des exemples, qu’un écrivain français, qui pour paraître bien posséder sa langue affecterait dans ses ouvrages beaucoup de gallicismes (même de ceux qu’on peut se permettre en écrivant), se ferait un style qu’il faudrait bien se garder d’imiter.

1883. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Nous dirions que le peuple aura sa part de toute chose, sauf de la littérature et de l’art, domaine réservé, chasse gardée, pièges dans la propriété ?

1884. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Les ordres privilégiés pressentent bien, d’ailleurs, l’effet de ces croisements, puisque, le plus souvent, pour sauver leur prestige et garder leurs distances, ils recommandent à leurs membres de ne pas se commettre avec ceux des autres ordres : lier partie avec un inférieur, c’est déjà déroger.

1885. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Et, si on songe que tout le reste de cette ode est rempli par une peinture du bonheur de l’autre vie pour ceux qui se complairont au respect du serment et auront su garder leur âme de toute injustice, qu’à ce prix seul le poëte les voit cheminant, par la route de Jupiter, jusqu’au palais de Saturne, où les brises de l’Océan soufflent autour de l’île des bienheureux, où des fleurs d’or étincellent, et où ils tressent de leurs mains des guirlandes et des couronnes, ne reconnaît-on pas encore là ce génie religieux qui, en voulant l’unité du pouvoir pour l’ordre stable des États, la réglait en espérance sur l’immortelle justice de la Cité céleste, dont il proposait le bonheur pour récompense aux vertus des puissants et des rois ?

1886. (1890) Nouvelles questions de critique

Gardons-nous donc du fâcheux abus qui se fait aujourd’hui de ces mots de « science » et de « scientifique ». […] Le Petit aurait bien fait de s’en tenir à la description bibliographique du livre, et notamment de garder pour lui quelques phrases trop extraordinaires. […] Mais combien sont-ils, ces prédicateurs dont l’histoire ait gardé le souvenir ? […] Il y a des cas où l’écrivain doit garder ses « notes » pour lui ; il y en a d’autres où elles sont la preuve, nécessaire à fournir, de la justesse de ses conclusions. […] Ai-je besoin maintenant de faire observer qu’en acceptant l’esprit de ces définitions, il faudrait se garder d’en serrer la lettre de trop près, comme on fait celle de la circonférence de cercle ou de la sphère ?

1887. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il est peu inventif, et ne se prodigue pas en conversation ; « en un jour il ne dit pas deux mots. » Pourtant il est bonne bête et fidèle, solide ami, se rabattant à des emplois de veneur ou de gendarme, comme en effet il lui convient. « Il va à la chasse, apporté du gibier, et quand son camarade dort, écarte les mouches. »66 C’est la consigne qu’il s’est donnée, il n’en démordra pas, et la gardera aussi lourdement qu’un Suisse. […] IV, le curé — le moine Il fallait donner le pas au seigneur du village : il est bon de garder l’étiquette, et nous devons maintenir les rangs dans cette procession de portraits.

1888. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Les sofis23 sont les gardes du corps du roi, lorsqu’il sort du palais, à moins qu’il ne sorte avec ses femmes ; car, alors, ce sont les eunuques seulement qui gardent sa personne, de même qu’ils font dans tout le palais, soit aux lieux où les homme entrent, soit dans ceux où ils n’entrent pas. […] On n’entre dans ces sortes de lieux que par une très-grande faveur, et encore faut-il que ce soit en se déguisant en homme de métier, et par occasion, comme lorsqu’il y faut faire quelque réparation ; car alors on fait passer tout le monde d’une partie du sérail dans l’autre, et les ouvriers entrent dans celle qui est vide et y travaillent, étant conduits et gardés par des eunuques, qui ne permettent pas qu’on regarde autre part que devant soi.

1889. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Et quoi de plus artiste dans cette tête, aux dessous et aux plans précieusement modelés, que ces coups de ciseau qui ont gardé la rudesse de l’ébauche, et griffent cette tête des fortes rayures de la vie et des années ? […] Les dernières bandes sont arrachées, la toile est à son dernier bout, et voilà un morceau de chair, il est tout noir, et fait presque un étonnement, tant on s’attendait, sous ce linge si bien conservé, à trouver la vie de la mort et l’éternité du cadavre gardée.

1890. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Se jetter dans les extrêmes, voilà la règle du poëte, garder en tout un juste milieu, voilà la règle du bonheur. […] Combien le silence est nécessaire, et combien il est rarement gardé autour d’une table de jeu !

1891. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Mais nous gardons nos pensées, nos souvenirs, l’intention ou l’espoir qui guide notre marche, et, pour cela, il n’est pas besoin d’un second jugement, corrélatif du premier ; la perception externe suffît à la tâche : car une seule ligne tracée sur un plan le partage en deux parties ; ce que je n’ai pas perdu, je l’ai encore ; ce que je ne refuse pas, je l’accepte ; ce qui n’est pas non-mien est mien. […] On remarquera que, dans tout le cours de cette étude, nous employons le mot extériorité et les mots de la même famille, comme externer, etc., pour désigner une tout autre idée que celle de l’étendue : externer = aliéner, déclarer non-moi ; extérieur = aliéné par le moi, étranger au moi, ou cru tel ; extériorité remplace les barbarismes non-moi-ité, atién-ité, étranger-ité ; on voit que la langue française ne nous fournissait aucune famille de mots préférable, pour énoncer cet ordre d’idées, à celle que nous avons adoptée en désespoir de cause ; les termes aliéner et étranger sont excellents, mais isolés dans la langue, et ne suffiraient pas à un exposé doctrinal suivi. — L’inconvénient des mots externer, etc., vient de leur origine ; ils ont reçu leur sens actuel de l’association même que nous essayons de dissoudre, et, bien que la philosophie les emploie surtout (dans les locutions comme perception externe) pour désigner la non-moi-ité, ils gardent encore, même chez les philosophes, quelque chose de leur sens primitif ; ce sont des métaphores, des mots à sens mixte, et, par suite, équivoques ; ils signifient, dans leur acception usuelle, le non-moi spatial, et non pas le non-moi, abstraction faite de la spatialité.

1892. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Combien de poètes aussi qui gardent jalousement, avec une pudeur virginale, le velouté de leurs rêves, ne consentiront jamais non plus à venir offrir leur âme nue aux regards indiscrets et peut-être ironiques de quelques hommes de lettres parisiens ! […] D’autres mouvements de l’âme plus spontanés, moins réfléchis, garderont leur spontanéité et leur naturel en s’énonçant en vers libres.

1893. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Cette dernière circonstance paraît même assez clairement indiquée dans la scène où l’on insiste principalement sur la continence qu’ont promis de garder les jeunes époux jusqu’au parfait accomplissement de toutes les cérémonies nécessaires. […] Des magiciens l’avaient averti de se garder de Macduff, dont la puissance d’ailleurs lui faisait ombrage, et sa haine contre lui ne cherchait qu’un prétexte. […] Fénicia était tellement changée, qu’elle ne fut reconnue qu’à la fin de la noce, et lorsqu’une tante de la mariée ne put garder plus longtemps le secret » ; tel est l’extrait succinct de la nouvelle du prolixe Bandello. […] Pandosto furieux tourna toute sa vengeance contre la reine, l’accusa publiquement d’adultère, la fit garder à vue pendant sa grossesse, et, dès qu’elle fut accouchée, il envoya chercher l’enfant dans la prison, le fit mettre dans un berceau et l’exposa à la mer pendant une tempête. […] --Bien, dit le prince, si vous mourez roi, j’aurai la couronne, et je me fie de la garder avec mon épée contre tous mes ennemis, comme vous avez fait.

1894. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Je m’en suis bien gardé à l’égard d’Homere, quoique j’aye conservé d’ailleurs la modération que Quintilien récommande. […] présentement tu viens ici débiter aux grecs tes prétendus oracles d’Apollon, que les malheurs que ce dieu leur a envoyez viennent de ce que je n’ai pas voulu recevoir les grands présens qu’on m’offroit pour la rançon de Chryseis : en effet j’aimerois beaucoup mieux la garder : et je la préfere même à la reine Clytemnestre ma femme, aussi ne lui est-elle inférieure, ni en beauté, ni en esprit, ni en adresse pour les beaux ouvrages. […] en effet, j’aimerois beaucoup mieux la garder, et je la préfere même à la reine Clytemnestre ma femme. […] du discours d’Ulisse à Achille . la gloire vous attend, mon fils ; mais gardez-vous d’écouter les conseils d’un imprudent courroux.

1895. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Le front mâle et fier, la joue en fleur et qui gardait encore les roses de l’enfance, la narine enflée du souffle du désir, il avançait le talon sonnant et l’œil au ciel, comme assuré de sa conquête et tout plein de l’orgueil de la vie. » Et lui-même, Alfred de Musset, un peu plus tard, fatigué, lassé de beaucoup de choses, se revoit dans le passé tel qu’il était alors : Il était gai, jeune et hardi, Il se jetait en étourdi          À l’aventure. […] Il a horreur de ce qu’il y a d’impudique, pourrait-on dire, dans cette façon d’aller faire les honneurs de soi-même à tout le monde, d’aller se raconter à tout venant, de se traîner sur la scène et d’y étaler ce qui devrait être le plus intime, ce qu’on devrait justement garder pour soi. […] Cette soirée, dont j’ai gardé un souvenir très net, pourrait se diviser en trois parties.

1896. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Ducis, le bon et le grandiose, a gardé plus d’amis qu’on ne croit en bien des coins et dans bien des cœurs.

1897. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Nommé colonel de la garde nationale de Versailles, il fit son devoir en parfait grognard, et ceux qui l’ont vu à cette époque, qui l’ont rencontré à Paris dans les journées de juin 1848 au poste de l’Institut qu’il était chargé de garder, savent à quel point il était dans son rôle de citoyen en armes ou plutôt de vieille moustache, strict et ferré sur la discipline.

1898. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Il avait un serrurier si mauvais et si maladroit, que tout le monde l’avait quitté ; il ne laissa pas de le garder jusqu’à la fin, malgré tous ses dégâts, pour ne pas lui faire perdre sa dernière pratique.

1899. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

On a vu de reste toutes ses douces superstitions légendaires et les crédulités qu’elle avait gardées du pays natal ; mais il est un point sur lequel elle ne fléchit pas ; si elle est catholique d’imagination, elle a, si je puis dire, le catholicisme individuel ; elle n’entend y faire intervenir personne ; elle est surtout pour qu’on respecte la paix des mourants, et elle écrit à sa nièce, fille d’Eugénie, de se bien garder d’alarmer sa mère à l’instant suprême : « (5 septembre 1850)… J’attends une lettre avec la plus grande anxiété, et votre silence me jette dans l’effroi.

1900. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

La différence est à la vue comme dans les noms. » Le sonnet de Du Bellay est la contrepartie du mot de Courier : il montre que la poésie, à qui sait la cueillir, est partout, et que les lieux les plus humbles, sous la vérité de l’impression, ne le cèdent en rien aux plus beaux, mais gardent d’autant mieux leur physionomie attachante.

1901. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Noble vie, magnanime destinée, à coup sûr, que celle qui se trouve tout naturellement et comme forcément amenée à produire l’épopée de son siècle en se racontant elle-même, tant elle a été mêlée à tout, à la nature, aux catastrophes, aux hommes, tant son rôle extérieur a été grand, bien qu’elle ait gardé plus d’un mystère !

1902. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Béranger, le poëte, me disait un jour qu’une fois que les hommes, les grands hommes vivants, étaient faits types et statues (et il m’en citait quelques-uns), il fallait bien se garder de les briser, de les rabaisser pour le plaisir de les trouver plus ressemblants dans le détail ; car, même en ne ressemblant pas exactement à la personne réelle, ces statues consacrées et meilleures deviennent une noble image de plus offerte à l’admiration des hommes.

1903. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

» Et pourtant, malgré ces entraînements passionnés, téméraires, elle gardait une netteté de vue plus digne de son intelligence supérieure.

1904. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Mais il ne s’agit point de cela : c’est surtout le silence obstinément gardé par les journaux intimidés ou mécontents, et qui y mettent, j’en conviens, une certaine malice, c’est leur silence sur ce qui se passe dans les Chambres et sur ce qui méritait le plus d’être signalé à l’attention publique, c’est cela qui est le mal.

1905. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Elle renonça au mariage pour garder toutes ses pensées à Dieu.

1906. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Charles X avait un décorum à garder devant ce visiteur équivoque, mais il ne s’y trompait pas, et il nourrit jusqu’à sa mort une animadversion très fondée contre M. de Chateaubriand.

1907. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Genoude, pourtant, n’avait trompé personne ; mais, cherchant fortune sur la route du monde, il avait d’abord été lié avec des groupes d’ecclésiastiques ; puis, ayant rencontré des groupes de royalistes qui lui offraient la naissance, la fortune et l’amour dans l’union d’une jeune personne inespérée, il s’était laissé séduire et avait abandonné ses premiers patrons, mais il avait gardé l’estime de ceux qui étaient plus sensibles à l’amitié qu’à l’esprit de parti.

1908. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Elvire meurt : De son pieux espoir son front gardait la trace, Et sur ses traits frappés d’une auguste beauté La douleur fugitive avait empreint sa grâce, La mort sa majesté.

1909. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Ducis s’est bien gardé d’emprunter ce trait à Shakespeare, et n’en a pas excité moins d’intérêt pour Hédelmone ; il a fait pleurer sur elle des spectateurs plus délicats.

1910. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

L’orgueil guérit les mécomptes de sa vie politique : quand on ne lui donnait rien, si je voulais, disait-il ; quand on lui avait retiré, si j’avais voulu ; et la certitude qu’il avait pu tout prendre, tout garder, et qu’il avait tout méprisé, le consolait.

1911. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Deux exemples suffiront : Ronsard triomphe de l’impuissance des derniers imitateurs de Marot, le romantisme éploie ses oriflammes sur les décombres classiques mal gardés par Baour-Lormian et Étienne de Jouy.

1912. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Ces mots désignent des régions de l’esprit humain entre lesquelles il faut se garder de tracer des démarcations trop rigoureuses.

1913. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Adolphe Grossan, aujourd’hui l’exécuteur testamentaire de Wagner, après avoir par son concours assidu permis au maître de mettre en pratique à Bayreuth l’œuvre qu’il avait connue, a su, depuis au moment où chacun désespérait de les voir renouvelées, continuer les Fêtes et les garder dignes absolument de leur glorieux fondateur.

1914. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

En outre, il aurait été essentiel, pour le chant, de garder la voyelle o à la place de Eu.

1915. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Après avoir d'abord gardé quelques mesures, il a méconnu toutes les bienséances, & a insulté sa Nation, ou plutôt toutes les Nations, dès qu'il en a été mécontent : on peut en juger par son Discours aux Welches, ses Stances sur les Italiens, ses Satires contre les Allemands, ses Plaisanteries sur les Espagnols & les Portugais.

1916. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Flaubert connaîtra l’art du clair-obscur, il ne donnera plus la même valeur aux choses les plus disparates, il n’entassera plus tous les objets sur le même plan, et s’il trouve quelque inspiration heureuse, quelque motif ingénieux ou grandiose, il se gardera bien de le noyer au sein de cette lumière dure, âpre, métallique, qui efface toutes les teintes et confond toutes les formes.

1917. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Là, en t’apercevant, je croirai retourner aux jours de ma jeunesse… Le pauvre Carlin n’a gardé de manquer au saint rendez-vous, et il ne sait comment exprimer dans sa lettre prochaine les divers sentiments qui se partageaient son âme à ce grand moment : « Quel a été mon trouble à la vue de cette majestueuse solennité !

1918. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Alors seulement elles recommenceront à façonner, au lieu de ses plats commodes pour les seuls renards, des amphores profondes, au col étroit, adaptées à la forme de leur cou et qui garderont pour elles quelques bons morceaux.

1919. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Barrière avait gardé de son enfance des soldats de plomb.

1920. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Ce toele nous rappelle que l’anglais tale (conter) a eu primitivement la signification de compter ; il l’a perdue en partie, quand le mot account est entré dans la langue ; mais account a gardé, en partie, un peu du sens de tale.

1921. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Ensuite il faut garder le silence : A voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse, Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse… … Si tu peux, fais que ton âme arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu’à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les bois, j’ai tout d’abord monté.

1922. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Mais, malgré tout, cet élément de la pensée est bien une parole ; s’il a perdu les caractères accessoires de la parole physique, il en a gardé tous les caractères intrinsèques ; c’est une parole affaiblie, purifiée de tout mélange, et incorporée à la pensée ; mieux vaut donc continuer à l’appeler une parole.

1923. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Au défaut, je fus longtemps à considérer la porte et me fis conter la manière dont le prisonnier était gardé.

1924. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Ensuite, je conclurai sur La Fontaine ; c’est-à-dire je vous donnerai sur le génie de La Fontaine les idées générales qu’il convient, je crois, de garder dans son souvenir.

1925. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan, porté en haut aussi par les canards de sa renommée, est tombé de cette hauteur pour n’avoir pas voulu garder le silence… Il a crevé son écaille, et le reptile dénudé nous apparaît.

1926. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Personne n’a fait à ces idées, quand il les exprima pour la première fois, l’honneur de les traiter comme un système et de voir en elles autre chose que ce qu’il y avait, — c’est-à-dire les tableaux d’un Musée secret pour l’imagination, les tableaux plus ou moins corrupteurs d’un Albane meurtri ou d’un Corrège dépravé qui avait laissé tomber sa palette dans les plus impurs vermillons, mais qui y gardait, malgré tout, le divin rayon d’une chasteté profanée !

1927. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Oui, le petit peuple de la rue, le peuple de l’usine et de la ferme, le bourgeois qui lutte pour garder le pouvoir, le salarié qui exige un partage plus équitable des bénéfices, toute l’humanité contemporaine en transformation, c’est là le champ qui suffit à mon effort.

1928. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Gardons-nous de retomber à ce propos dans l’erreur cent fois énoncée qui « met la charrue avant les bœufs » : une société ne peut naître de contrats entre individus ; les contrats entre individus supposent au contraire, pour être valables et produire un effet social, l’existence d’une société selon les règles de laquelle ils sont formulés et par la puissance de laquelle, une fois formulés, ils sont garantis.

1929. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Il faut envoyer le Tasse dans le désert d’Armide ; exiler Chimene & Camille, malgré le respect dû à Corneille ; brûler presque tous les chefs-d’œuvre de Racine ; se bien garder de voir ni d’entendre Zaïre, &c.

1930. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Pour exprimer, en effet, l’orgueil et l’art du poëte antique, pour trouver dans nos langues modernes un écho de l’harmonie des Hellènes, je ne sais si notre poésie peut donner rien de préférable à ces vers du vieux Malherbe : Apollon, à portes ouvertes, Laisse indifféremment cueillir Ces belles feuilles toujours vertes Qui gardent les noms de vieillir : Mais l’art d’en faire des couronnes N’est pas su de toutes personnes ; Et trois ou quatre seulement, Au nombre desquels on me range, Peuvent donner une louange Qui demeure éternellement.

1931. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Il en est de même chez les malades qui ont été soumis à une médication cuivreuse, mercurielle ou arsenicale ; ils gardent pendant fort longtemps dans le tissu hépatique des quantités plus ou moins considérables de ces substances. C’est d’après la connaissance de cette propriété du foie pour retenir ces substances minérales, qu’on a voulu induire qu’il aurait aussi celle de garder le sucre pendant un temps plus ou moins considérable, et que les chiens, par exemple, que l’on soumet à l’expérience, ont dû, à une certaine époque, manger du pain, lequel s’est transformé en sucre dans l’intestin et s’est localisé dans le foie, où nous le retrouvons ensuite. […] Si l’on n’avait pas pris cette précaution, il faudrait se garder d’injecter les dernières parties du liquide qui pourraient contenir de l’air et causer la mort de l’animal. […] Vous voyez donc encore ici combien il importe de déterminer exactement les conditions d’une expérience, et combien il faut se garder de généraliser trop vite, quand on n’a observé qu’un petit nombre de cas. Cela vous prouve une fois de plus combien un problème physiologique est complexe, et quelle circonspection il faut garder dans les conclusions qu’on peut tirer de faits isolés.

1932. (1864) Le roman contemporain

Nous étions suivis d’un sapin qu’il avait pris à l’heure pour aller je ne sais où et qu’il garda jusqu’à minuit sans pouvoir se dépêtrer de notre folle compagnie. […] Cette monomanie va si loin, que Maxime, qui a encore quatre ou cinq mille francs chez son notaire, toutes les dettes de la succession d’un père prodigue étant payées, qui est connu dans plusieurs restaurants où il a l’habitude de dîner, et peut se faire garder sa carte à payer jusqu’au retour de ce notaire, ami de sa famille, se donne le plaisir de mourir de faim pendant deux jours, à la manière de don Quichotte, commençant sa carrière de chevalier errant en se livrant à cette série d’épreuves dont le bon sens de Sancho Pansa, ce représentant un peu épais de la réalité, se montre si surpris. […] N’avez-vous pas vu des hommes, pour demeurer fidèles à leurs opinions, briser leur carrière, renoncer à la fortune, et, à travers toutes les vicissitudes, garder invariablement au malheur la foi qu’ils lui avaient engagée ? […] J’admire déjà moins l’évêque qui ne veut pas que sa maison soit fermée la nuit, sous prétexte qu’il est écrit que si Dieu ne garde pas une maison, elle ne sera jamais bien gardée.

1933. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

« Voici un pigeon qui a les lobes cérébraux parfaitement enlevés, mais qui a gardé les tubercules bijumeaux ; lorsque j’approche brusquement le poing, il fait un léger mouvement de tête comme pour éviter le danger qui le menace. […] Enfin, dès qu’une perception revient, toutes reviennent, et, dès qu’une faculté reparaît, toutes reparaissent. » Une grenouille à qui l’on n’avait laissé qu’un fragment de ses lobes postérieurs, environ un huitième du cerveau tout entier, avait gardé l’attitude d’une grenouille saine.

1934. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Ils gardent d’autant moins d’intérêt que plus d’émotions les exaltent, car ces émotions les détournent des rites. […] Pétris de la poussière, du sang et de la chair de toute une race, ils en gardent la mémoire auguste, et ils y sont consubstantiels. » Ainsi dans les tragédies qu’il rêve, M. de Bouhélier ne placera point des personnages légendaires ou allégoriques.

1935. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Puis, trouvant le manteau à son gré, elle le gardait, disant à la propriétaire du manteau, que pour la dédommager du prêt, elle prît la petite table qui était là, et que sa belle-fille trouvait jolie. […] Il me parle d’un certain tapis vert acheté par l’un d’eux, qu’on ne pouvait pas voir, tapis auquel, si on faisait allusion, le Persan levait les mains à la hauteur de la tête, avec un chut de la bouche, réclamant une discrétion facile à garder.

1936. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Gardez-vous bien de leur ressembler. […] L’Aretin lui-même a soin de nous dire que quand il donne des louanges il étoit bien payé pour le faire, & qu’il falloit pour l’obliger à parler que la récompense fut grande, puisqu’on lui en donnoit déjà beaucoup pour garder le silence.”

1937. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Toutes ses fibres se sont trop usées sur la Chimère pour n’en avoir pas gardé une impuissance définitive aux émotions et aux activités naturelles. […] Ses intimes seuls eussent aperçu le masque, encore chacun aurait-il pu, comme il arrive, garder pour lui seul la découverte. […] Ce qui le distingue de son père, c’est qu’il a plus d’esprit, qu’il a gardé de l’héréditaire discipline la sécheresse et l’impuissance sans la règle, qu’il plaisante avec sa misère. […] Mais il a gardé de la corruption sentimentale inaugurée par la Nouvelle Héloïse, l’essentiel : ce que j’appellerai le libertinage transcendant. […] Or cette âme, ôtez René, et gardez les phrases.

1938. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

À présent que la hache et l’épée des guerres civiles ont abattu la noblesse indépendante, et que l’abolition du droit de maintenance a ruiné la petite royauté solitaire de chaque grand baron féodal, les seigneurs quittent leurs noirs châteaux, forteresses crénelées, entourées d’eaux stagnantes, percées d’étroites fenêtres, sortes de cuirasses de pierre qui n’étaient bonnes qu’à garder la vie de leurs maîtres. […] Elles ressemblaient à deux beaux piliers de marbre — qui supportent un temple des dieux,  — que tout le peuple orne de guirlandes vertes — et honore dans ses assemblées de fête. —  Avec une grâce imposante et un port de princesse,  — elle ralentissait leur démarche quand elle voulait garder sa majesté. —  Mais quand elle jouait avec les nymphes des bois,  — ou qu’elle chassait le léopard fuyant,  — elle les mouvait agilement, et volait dans les campagnes. […] Plus chèrement que sa vie elle gardait la rose délicate,  — fille de son matin, dont la fleur — ornait la couronne de sa renommée. —  Elle ne souffrait point que le soleil brûlant du midi,  — ni que le vent perçant du nord vint s’abattre sur son calice. —  Elle repliait d’abord ses feuilles de soie avec un soin pudique,  — quand le ciel inclément commençait à menacer. —  Mais sitôt que se calmait l’air de cristal,  — elle s’épanouissait et laissait fleurir toute sa beauté331. […] C’est que les grandes idées qui mènent un siècle finissent, en s’épuisant, par ne garder d’elles-mêmes que leurs vices ; le superbe sentiment de la vie naturelle devient le vulgaire appel aux sens.

1939. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Mais parce que la conoissance des autres mots qui signifient des abstractions ou des opérations de l’esprit, ne nous a pas été donée d’une maniére aussi sensible ; que d’ailleurs la vie des homes est courte, et qu’ils sont plus ocupés de leurs besoins et de leur bien être, que de cultiver leur esprit et de perfectioner leur langage ; come il y a tant de variété et d’inconstance dans leur situation, dans leur état, dans leur imagination, dans les diférentes rélations qu’ils ont les uns avec les autres ; que par la dificulté que les homes trouvent à prendre les idées précises de ceux qui parlent, ils retranchent ou ajoutent presque toujours à ce qu’on leur dit ; que d’ailleurs la mémoire n’est ni assez fidèle ni assez scrupuleuse pour retenir et rendre exactement les mêmes mots et les mêmes sons, et que les organes de la parole n’ont pas dans tous les homes une conformation assez uniforme pour exprimer les sons précisément de la même manière ; enfin come les langues ne sont point assez fécondes pour fournir à chaque idée un mot précis qui y réponde : de tout cela il est arivé que les enfans se sont insensiblement écartés de la manière de parler de leurs péres, come ils se sont écartés de leur manière de vivre et de s’habiller ; ils ont lié au même mot des idées diférentes et éloignées, ils ont doné à ce même mot des significations empruntées, et y ont ataché un tour diférent d’imagination ; ainsi les mots n’ont pu garder long-tems une simplicité qui les restraignit à un seul usage ; c’est ce qui a causé plusieurs irrégularités aparentes dans la grammaire et dans le régime des mots ; on n’en peut rendre raison que par la conoissance de leur première origine, et de l’écart, pour ainsi dire, qu’un mot a fait de sa première signification et de son premier usage : ainsi cette figure mérite une atention particulière ; elle regne en quelque sorte sur toutes les autres figures. […] On étoit averti au comencement du sacrifice ou de la cérémonie, de prendre garde de prononcer aucun mot qui put atirer quelque malheur, de ne dire que de bones paroles, (…), enfin d’être favorable de la langue, (…) ; et de garder plutot le silence, que de prononcer quelque mot funeste qui put déplaire aux dieux : et c’est delà que (…) signifie par extension faites silence. […] Subordination des tropes Quintilien dit que les grammairiens aussi-bien que les philosophes disputent beaucoup entre eux pour savoir combien il y a de diférentes classes de tropes, combien chaque classe renferme d’espèces particulières, et enfin quel est l’ordre qu’on doit garder entre ces classes et ces espèces. […] Il faut bien se garder, dit S.

1940. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Partout elle est présente en cette œuvre d’agrément et de perdition ; l’écho du théâtre a gardé les enchantements de cette voix divine ; les trumeaux de ces salons, disposés pour la société du grand siècle, ont conservé le profil incertain de cette image et le charme piquant de son sourire. […] Ces braves gens ont gardé la mémoire de Rosambeau ; de cette vie abandonnée à l’heure présente, ils n’ont pas été étonnés que je sache. […] Ces fortunes ne sont faites que pour le vice, et celui-là se tromperait qui voudrait y atteindre honnêtement ; ainsi, croyez-moi, esprit ou génie, ou courage, ou talent, n’usez pas votre tête et votre cœur dans les travaux de la science, gardez-vous de remporter des batailles ou d’écrire ces beaux poèmes que chante l’avenir, soyez tout simplement un comédien quelque peu aimé du public, une danseuse au tendre sourire, un bouffon amusant, un tragédien qui fait pleurer. […] Dans ces lieux témoins de tant de rêves, où tant de rêves ont abouti, est mort à son tour entouré des soins les plus tendres, Étienne Becquet, mon cher confrère ; il avait à peine trente-six ans, il avait, lui aussi, gardé tout son esprit, il venait d’entrer dans la grande fortune de son père ; il m’avait précédé dans cette œuvre futile qui ne vous demande guère que votre vie entière, — il est mort, sous ce toit bienveillant, en murmurant une ode d’Horace, en guise de prière suprême. […] reprend le fils, si je n’ai pas d’enfants, je vais donc garder pour moi les coups que vous m’avez donnés ?

1941. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

On n’en gardera plus ni les murs ni les portes ; Les veilles cesseront, au sommet de nos tours ; Le fer mieux employé cultivera la terre : Et le peuple qui tremble aux frayeurs de la guerre. […] De même que les pyrrhoniens se sont donc bien gardés d’étendre jusqu’à la vie pratique l’universalité de leur doute, il faut philosopher, mais il ne faut pas demander à la philosophie, non plus qu’à la raison philosophique, de nous donner des règles de conduite. […] N’était-ce pas aussi, de leur côté, pour une raison du même genre — parce qu’ils sentaient grandir l’indifférence autour d’eux, pour eux, et pour leurs idées, — que Bossuet gardait en portefeuille sa Défense de la Tradition et Fénelon sa Réfutation du Truité de la Nature et de la Grâce ? […] Les artistes, eux, s’étaient gardés de commettre la même erreur, les peintres notamment, Raphaël et Titien, Rubens dans les Flandres, Rembrandt en Hollande, Poussin même et Le Sueur en France. […] « Petite, point belle, mais les yeux vifs et fins, et une conversation si charmante qu’on ne pouvait la quitter », elle avait eu pourtant son heure, et, quand Marais la connut, aux environs de 1706, « elle gardait dans le cœur une passion pour un homme qui avait été tué à la guerre ».

1942. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Vantez-leur Rousseau, Montesquieu, Chateaubriand, l’Émile, la Vie de Rancé, ils répondent dédaigneusement, faute d’avoir lu, et ils aiment mieux garder leur fausse opinion que d’avouer qu’ils n’ont pas le droit d’en avoir. […] Il fait son morceau de rhétorique et décrit cette désolation comme eût pu le faire un élève de seconde : Ici on pleure sa mort ; là on bénit sa mémoire ; l’un a vu ses récoltes sauvées par lui ; l’autre a gardé l’héritage de ses pères, etc. […] Son mausolée est au moins utile à ses cendres ; mais ses palais gardent-ils quelque chose de ses plaisirs ? […] Gardons-nous de nous laisser rebuter par son vieux français, sous lequel palpite un style aussi vivant que s’il datait d’hier.

1943. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Tous ont leurs lois à part, et toutes ces lois diverses tendent à une loi commune et forment l’univers… Mais ces soleils assis dans leur centre brûlant, Et chacun roi d’un monde autour de lui roulant, Ne gardent point eux-même une immobile place : Chacun avec son monde emporté dans l’espace, Ils cheminent eux-même : un invincible poids Les courbe sous le joug d’infatigables lois, Dont le pouvoir sacré, nécessaire, inflexible, Leur fait poursuivre à tous un centre irrésistible. » C’était une bien grande idée à André que de consacrer ainsi ce troisième chant à la description de l’ordre dans la société d’abord, puis à l’exposé de l’ordre dans le système du monde, qui devenait l’idéal réfléchissant et suprême.

1944. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Le terme expiré, à l’heure et à la minute, la contrainte marche, et les collecteurs, quoique aisés, se gardent bien de la renvoyer en la payant, quoique, au fond, cette garnison soit fort chère.

1945. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Les visiteurs et les enfants du château s’ingéniaient à chercher des yeux, à appeler de la voix ces petits bergers invisibles, et qui se gardaient bien de se montrer, quand j’arrivai moi-même au rendez-vous par le sentier opposé de la montagne.

1946. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Robespierre l’avait nommé médecin en chef et en même temps agent principal de sa confiance à cette École de Mars, corps de jeunes janissaires personnels de Robespierre, logés au Champ de Mars, qui gardaient de loin la Convention et veillaient surtout sur Robespierre lui-même, prêts à voler à son secours dans le cas où ses collègues, fatigués de sa domination, viendraient à lui livrer combat dans l’Assemblée ou dans la capitale.

1947. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

« Pourtant Napoléon du monde était le faîte, « Ses pieds éperonnés des rois pliaient la tête,         « Et leur tête gardait le pli.

1948. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

J’ai gardé les deux petites pattes de devant si souvent posées sur ma main, sur mes pieds, sur mes genoux.

1949. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Cependant les événements arrivés étant un effet des principes consacrés, ces événements eussent été les mêmes si j’avais gardé le pouvoir.

1950. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

., etc. » D’autres, selon M. de Laplace lui-même, sont des astres non détruits, mais éteints, qui gardent leur place dans le ciel et éclipsent les autres.

1951. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

LV Il lui fallait, cependant, une amie à laquelle il pût offrir, au moins en apparence, ce culte qu’il avait sans cesse gardé à la beauté et à l’esprit.

1952. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

La Chronique de Charles IX (1829), d’une facture sobre et serrée, a gardé une couleur plus fraîche : c’est d’un homme qui a le sens de l’archéologie, qui sait la valeur et l’emploi du petit fait unique, documentaire, apte à représenter toute une série.

1953. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Cette proposition, que je hasarde timidement, ne serait plus que folie si on prétendait la raidir jusqu’à une affirmation catégorique ; aussi m’en suis-je bien gardé.

1954. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Saint-Gelais, ce fut Marot affadi, épuré par un prélat bel esprit, pour l’usage d’une cour devenue bigote ; Marot, moins son enjouement naïf, mais ayant gardé quelque chose de la fine moquerie qui éclate dans ses épigrammes contre les juges, les dévots et les maris.

1955. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Si Flaubert avait gardé pour lui ce genre exécrable, on lui eût pardonné, mais il est devenu chef d’école.

1956. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Mais je ne voudrais pas contrister ceux qui leur ont dû quelques vives impressions d’enfance et leur gardent dès lors un souvenir reconnaissant.

1957. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Émanant de la religion, elle reçut ses premiers grands mouvements du catholicisme qui a gardé de l’antiquité la plasticité, et du moyen-âge la magnificence des couleurs, et se développa plus tard dans l’Allemagne protestante.

1958. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Vous rencontrerez beaucoup de paresse et d’inexactitude ; mais, probablement, comme moi vous garderez cette confiance, qu’enfin nos bons Allemands doivent arriver et arriveront à quelque chose. » 5° Après la fête du 22 Mai 1872, adresse de Wagner.

1959. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Sa naïve langue nous est devenus incompréhensible ; mais peu gardèrent un si admirable souci de l’expression rigoureuse, Après lui Rameau, artiste bien moindre, acquit au vocabulaire musical des significations un peu rapides, tôt perdues.

1960. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Trop de remembrances l’y poursuivaient : D’ailleurs, je sais ton spectre épars aux moindres choses, C’est ton âme qui meurt dans le parfum des roses, L’oreiller se souvient des courbes de ton bras Et mon lit a gardé ta forme aux plis des draps.

1961. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

— Mais c’est… — Oui c’est… et il se servit du mot scientifique… et avec cela on a le cancer… j’ai le cancer… oui je l’ai… maintenant gardez cela pour vous, et merci.

1962. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Ils trouvent d’un côté des raisons ingénieuses pour justifier les anciens de ce qu’on leur reproche, tandis que de l’autre ils se gardent bien d’imiter ce qu’ils loüent.

1963. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

La vérité, c’est l’acquêt de l’expérience humaine, que d’ailleurs il faut bien se garder de confondre avec le « consentement universel. » Le consentement universel n’est souvent que l’erreur commune, et il n’est dans presque tous les cas que rencontre ou coïncidence fortuite, mais l’expérience, c’est le consentement universel passé pour ainsi dire au crible de la critique et de l’histoire ; — c’est le consentement universel dégagé des circonstances qui le déterminent, à peu près comme la loi d’un fait n’est sans doute que ce fait lui-même, dépouillé ou abstrait des conditions qui le particularisent ; — c’est le consentement universel, jugé, et tantôt confirmé, mais tantôt condamné, par ceux qui ont autorité pour le faire, et qui sont, en tout ordre de choses, les spécialistes de la chose.

1964. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

S’il y en a et si le concept formé par le groupement des faits ainsi rapprochés coïncide, sinon totalement (ce qui est rare), du moins en majeure partie, avec le concept vulgaire, on pourra continuer à désigner le premier par le même mot que le second et garder dans la science l’expression usitée dans la langue courante.

1965. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Ces traductions choisies, mais qui sont faites avec la fidélité de l’expression, le respect du tour, la conservation pieuse de la couleur, auraient dû dégriser à ce qu’il semble Villemain de cette admiration démesurée pour Pindare, étonnante chez lui comme une ivresse si elle ne s’expliquait par quelque chose qui explique tout, — l’analogie de nature entre le critique et le poète, proportion gardée entre la force de l’un et de l’autre.

1966. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Nous nous souvenons que nous avons, pas bien longtemps auparavant, assisté à ces évocations grandioses, à ces fantasmagories formidables, affaiblies maintenant, pâlies, devenues fantômes dans le jour lumineux de l’énergique souvenir que nous en avions gardé.

1967. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

A-t-il su se garder de ces inconvénients qu’il signale, parti-pris, dédain, ironie, idées absolues ? […] Il eut aussi de M. de Falloux une place de conservateur à la Bibliothèque Mazarine, qu’il ne garda pas longtemps.

1968. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Outre l’école américaine, il y a eu l’école anglaise, et celle d’une dictature plus ou moins démocratique, à laquelle on peut rapporter, à certains égards et toute restriction gardée, la Convention et l’Empire. […] De toutes parts il s’agit pour lui de garder une difficile et presque impossible mesure, d’être républicain sans abjurer tout à fait son respect au trône, d’être du peuple sans insulter chez les autres ni en lui le gentilhomme.

1969. (1927) André Gide pp. 8-126

Il doit tout lire, garder tout ce qui en vaut littérairement la peine, et compter sur peu d’amis, Mais Gide n’a fait de critique que par occasion : c’est un poète, un conteur, un analyste, du plus beau talent du resté, mais assez subjectif comme la plupart de ceux d’aujourd’hui. […] Celui-ci n’eut gardé et prit très philosophiquement sa disgrâce relative.

1970. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Elle veut garder trop de décorum. […] Il sera loyal envers sa maîtresse, et lui gardera sa fidélité, en dépit de toutes les offres, dans le pire dénûment et sans la moindre espérance de l’obtenir.

1971. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

. —  Alors que gardez-vous ? […] Autour d’elles comme pour les garder, des arbres énormes, vieux de quatre siècles, allongeaient leur files régulières ; et j’y trouvais une nouvelle trace de ce bon sens pratique qui a accompli des révolutions sans commettre de ravages, qui, en améliorant tout, n’a rien renversé, qui a conservé ses arbres comme sa constitution, qui a élagué les vieilles branches sans abattre le tronc ; qui seul aujourd’hui, entre tous les peuples, jouit non-seulement du présent, mais du passé.

1972. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Napoléon, à son tour, parcourant rapidement les phases de l’histoire, finit par prendre modèle sur le Moyen-Âge et sur Charlemagne ; et, accomplissant au dehors son œuvre de conquérant et de civilisateur, il garda la France militairement, comme on garde une ville en état de siège. […] N’est-il pas vrai que si tu aimais sur la terre, tu saurais réellement aimer, que tu garderais ta foi, que tu subirais toutes les tortures pour ton amant, que tu voudrais mourir pour lui à tous les instants de ta vie ?

1973. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Mais en revanche, le livre à peine rétribué là-bas et rapportant tout au plus 4 000 francs… Sur le nom de Henri Heine, prononcé par Tourguéneff, comme nous affirmons très haut notre admiration pour le poète allemand, Sainte-Beuve, qui dit l’avoir beaucoup connu, s’écrie que c’était un misérable, un coquin, puis sur le tolle général de la table, se tait, se dissimulant derrière ses deux mains qu’il gardé sur son visage, tout le temps que dure l’éloge. […] Lors de cette réception, il avait une cravate noire, et rencontrant dans la bibliothèque Spontini, qui avait gardé l’étiquette du costume impérial, il lui jette en passant : “L’uniforme est dans la nature, Spontini !

1974. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Alors que gardez-vous ? […] Autour d’elles comme pour les garder, des arbres énormes, vieux de quatre siècles, allongeaient leurs files régulières ; et j’y trouvais une nouvelle trace de ce bon sens pratique qui a accompli des révolutions sans commettre de ravages, qui, en améliorant tout, n’a rien renversé ; qui a conservé ses arbres comme sa constitution, qui a élagué les vieilles branches sans abattre le tronc ; qui seul aujourd’hui, entre tous les peuples, jouit non-seulement du présent, mais du passé.

1975. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Concevez-vous un être moral qui ne reconnaisse au fond de sa conscience que la raison doit commander à la passion, qu’il faut garder la foi jurée, et, contre l’intérêt le plus pressant, restituer le dépôt qui nous a été confié ? […] Mais au milieu de ces hautes considérations, gardons-nous bien de deux erreurs opposées dont de beaux génies n’ont pas toujours su se défendre : ou faire la raison de l’homme purement individuelle, ou la confondre avec la vérité et avec la raison divine59. […] La musique bien conseillée se gardera de lutter contre l’impossible ; elle n’entreprendra pas d’exprimer le soulèvement et la chute des vagues, et d’autres phénomènes semblables ; elle fera mieux : avec des sons elle fera passer dans notre âme les sentiments qui se succèdent en nous pendant les scènes diverses de la tempête. […] Corneille parle la langue des hommes d’État, des capitaines, des théologiens, des philosophes, des femmes fortes, de Richelieu, de Rohan, de Saint-Cyran, de Descartes et de Pascal, de la mère Angélique Arnaud et de la mère Madeleine de Saint-Joseph, la langue que parla encore Molière, et que Bossuet a gardée jusqu’à son dernier soupir. […] Je n’ai donc aucun motif pour garder la fidélité à un ami.

1976. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Sue paraît avoir pris à tâche de renchérir sur Saint-Simon, car il a supprimé tous les traits avantageux du modèle pour ne garder que les traits misérables et grossiers. […] Dans le tableau de la chasse à courre il n’a pas su garder la même mesure. […] L’Essai historique sur les révolutions, où les belles pages sont rares, réimprimé sous la Restauration pour imposer silence aux récriminations calomnieuses, révèle chez l’écrivain de vingt-sept ans le goût d’érudition hâtive que M. de Chateaubriand devait garder toute sa vie. […] S’il consentait à garder le titre d’ami, lorsqu’il ne peut plus exprimer franchement son avis, il se rendrait coupable de lâcheté ; il perdrait sa propre estime et n’obtiendrait pour prix de sa complaisance, qu’un sourire dédaigneux ; il revêtirait la livrée d’un valet, et n’aurait pas même la reconnaissance du maître qu’il se serait donné.

1977. (1903) Le problème de l’avenir latin

Le Celte ayant cessé sa course héroïque à travers le monde et définitivement établi en Gaule — le Celte, effroi de tous, et dont les Romains avaient gardé une terreur telle qu’ils avaient créé une formule spéciale pour exprimer leur épouvante à son approche — se laisse réduire avec la plus stupéfiante facilité. […] L’Etat doit prendre en main la cause de l’enfant, écarter de lui les mauvais conseillers, le garder pur des contacts flétrisseurs, lui donner comme aliment intellectuel un enseignement de vérité destiné à l’orienter vers une vie mentale saine, normale, vigoureuse, exempte de sophismes et de préjugés. […] Il faudrait bien se garder, par exemple, de s’inspirer des ignobles pratiques inventées sous Louis XIV et Bossuet par Louvois, contre les Huguenots, durant les années qui précédèrent la Révocation de l’Edit de Nantes. […] Et surtout qui se risquerait à tenter une dictature chez des peuples qui gardent au fond d’eux-mêmes une si forte tendance atavique à l’obéissance, et dont on ne peut jamais affirmer qu’ils ne sont pas à la veille de se donner un maître ?

1978. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Lorsque j’eus à mon tour un article à écrire, je me gardai bien d’aller consulter De Vigny ni de l’interroger sur ses antécédents : j’eusse été obligé, sous peine de le froisser directement, de suivre sa version et de prêter les mains à une genèse poétique par trop complaisante.

1979. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Bertin et Parny se souviennent trop peu, dans leurs vers, de l’île et de la nature où ils sont nés ; ils en ont pourtant gardé quelque flamme.

1980. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Nous nous garderons bien de traduire ici cette comparaison trop suivie de la petite Timo avec quelque carène délabrée de Tyr, et mieux vaut passer à la petite Fanie.

1981. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Cette opinion avait fait du chemin depuis ; mais je crois qu’elle ne résiste pas à l’examen et que Villon gardera son rang, qui est le premier.

1982. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

— Prenons-y garde pourtant : la gaieté est encore un ressort, le dernier en France qui maintienne l’homme debout, le meilleur pour garder à l’âme son ton, sa résistance et sa force, le plus intact dans un siècle où les hommes, les femmes elles-mêmes, se croyaient tenus de mourir en personnes de bonne compagnie, avec un sourire et sur un bon mot475.

1983. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Les brahmes en gardent encore les monuments écrits dans leurs livres.

1984. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

CXIV Un jour que nous étions sans défiance, ma sœur auprès de sa quenouille sur le seuil de la cabane ; moi occupé à tresser des nattes de sparteria avec des joncs devant la porte, assis au soleil ; Hyeronimo à retourner les figues qui séchaient sur le toit ; Fior d’Aliza et le chien, à garder ses chèvres et ses chevreaux, bien loin derrière les châtaigniers, dans les bruyères qui touchent à notre ancien champ de maïs, sa chèvre entraîna par son exemple ses chevreaux à descendre du rocher dans le maïs et à brouter les mauvaises herbes entre les cannes déjà mûres ; cela ne faisait aucun mal, monsieur, car les feuilles des cannes étaient déjà jaunes et sèches, et les chevreaux ne les mordillaient seulement pas ; le petit chien Zampogna s’amusait innocemment à courir à travers les cannes après les alouettes, et à revenir tout joyeux vers Fior d’Aliza qui lui jetait des noisettes pour les lui faire rapporter dans son tablier.

1985. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Comment, vermisseau comme elle était, ainsi que nous, aux yeux des riches et des puissants, parviendrait-elle soit à pénétrer vers son cousin dans des cachots, soit à s’introduire dans des palais gardés par des sentinelles, pour tomber à genoux devant monseigneur le duc ?

1986. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Au milieu de l’incrédulité révolutionnaire, Lamennais avait gardé sa foi : à vingt-deux ans, il faisait sa première communion, avec une irrave simplicité de petit enfant.

1987. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Les deux lettres (la seconde non publiée, mais gardée en portefeuille par une faiblesse bien humaine) sont assurément regrettables : c’est beaucoup trop d’aller, en en parlant, jusqu’à l’indignation.

1988. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Il a gardé une âme aussi neuve que celle d’Adam ouvrant les yeux à la lumière.

1989. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Il vendait un office de receveur des amendes à la cour des comptes et en laissait perdre le prix ; il gagnait de l’argent au système de Law et ne savait pas le garder.

/ 2156