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1588. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Avant la guerre, il était présenté comme un état anarchique menaçant pour une société qui se sentait minée par le relâchement de la discipline nécessaire à toute organisation sociale et qui mettait tout son espoir dans le bon exemple des détenteurs de l’autorité, dans le bon exemple du fonctionnaire. […] Cette double discipline de l’esprit et du cœur nous manquait d’ailleurs, à nous Français ; nous n’étions ni assez cultivés, ni assez religieux, de là cet état anarchique où nous vivions dans l’avant-guerre.

1589. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

La liberté, se ressaisissant tandis que la nécessité est aux prises avec elle-même, ramène alors la matière à l’état d’instrument. […] Si l’individu s’y oublie lui-même, la société oublie aussi sa destination ; l’un et l’autre, en état de somnambulisme, font et refont indéfiniment le tour du même cercle, au lieu de marcher, droit en avant, à une efficacité sociale plus grande et à une liberté individuelle plus complète.

1590. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Marx l’avait remarqué ; la Vielseitigkeit devient de plus en plus nécessaire au travailleur ; l’état, économique de l’industrie tend de lui-même à substituer, à l’individu qui n’est que partiellement développé et ne sait exercer toute sa vie qu’une fonction de détail (Theil Individuum), l’individu développé intégralement, capable d’exercer tour à tour des fonctions différentes. […] L’état économique de nos sociétés, par exemple, trouve ici un nouveau moyen de servir les idées égalitaires.

1591. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Ses ouvrages, et surtout ses qualités personnelles, lui avaient fait des enthousiastes : aussi était-il l’objet de l’envie de ceux qui n’étaient pas en état de l’estimer.

1592. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Cet état de tristesse, qui a bien sa douceur, serait celui du sage, s’il ne s’y glissait encore, il faut le dire, bien des amertumes de regrets, bien des aiguillons de désirs, bien des irritations sourdes, et si la misère de notre nature ne remuait au fond.

1593. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Ce n’est pas qu’entre nous il soit en état de commander une compagnie de grenadiers ; mais sa présence fera beaucoup ; le peuple aime son roi par habitude, et il sera enchanté de lui voir faire une démarche qui lui aura été soufflée.

1594. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

Celui-ci, malgré sa formation toute républicaine et conventionnelle, était lui-même en état de discorde intestine.

1595. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

En 1823, octogénaire, écrivant au général La Fayette avec un poignet perclus, il lui exprime cette forte pensée : « Des alliances saintes ou infernales, dit-il, peuvent se former et retarder l’époque de la délivrance ; elles peuvent gonfler les ruisseaux de sang qui doivent encore couler ; mais leur chute doit terminer ce drame, et laisser au genre humain le droit de se gouverner lui-même. » Comme nous ne voulons rien céler de l’opinion de l’illustre vieillard, et que son autorité ne saurait jamais avoir d’effet accablant pour nous, nous transcrirons ce qu’il ajoute : « Je doutais, vous le savez, dans le temps où je vivais avec vous, si l’état de la société en Europe comportait un gouvernement républicain, et j’en doute encore.

1596. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Dans un tel état d’incohérence, la critique a beau jeu ; elle s’évertue, elle triomphe ; sous prétexte de mettre le holà à droite ou à gauche, elle augmente souvent elle-même le tumulte ; elle prêche pour son saint, elle décrie, elle exalte ; elle parle bien haut et sans savoir toujours que dire, elle fait comme les avocats ou conseillers au parlement durant la fronde, attroupant le peuple autour d’eux sur le Pont-Neuf et l’embrouillant.

1597. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Il y avait sans doute une autre manière plus rigoureuse, plus analytique et scientifique de traiter ce sujet de l’influence de la philosophie sur la législation ; c’eût été, dans une sorte de dépouillement des écrits des philosophes, de dénombrer les propositions essentielles le plus applicables à la société selon l’ordre religieux, civil ou politique ; de suivre la fortune positive de ces propositions diverses depuis leur mise en circulation jusqu’à leur avènement régulier, depuis leur naissance à l’état d’idées jusqu’à leur terminaison en lois ; d’épier leur entrée plus ou moins incomplète dans les codes, et d’apprécier ceux-ci dans leur raison et leur mesure.

1598. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

N’ayant pas rapporté chaque partie au tout et aux autres parties, il ne taillera point chacune de ses pensées à la convenance du sujet, il leur laissera trop de largeur ou trop peu : il n’y touchera pas avec précision le point par lequel elles tiennent à sa matière ; elles garderont du vague et de l’incertitude : elles resteront plus ou moins à l’état de simulacres flottants et sans consistance, de silhouettes lumineuses parfois et vives, mais où l’on ne sentira point le solide soutien des muscles et des os.

1599. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Ses impressions se modifient, il revient au modèle, il s’y attaque avec une nouvelle rage, pour le fixer dans son état actuel, qui bientôt ne sera plus.

1600. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Il y a quelques œuvres surtout, où les caractères semblent vidés de toute réalité, à l’état de purs symboles : toute la Femme de Claude, et le principal rôle de l’Étrangère nous laissent l’impression de dessins apocalyptiques sous lesquels il ne faut chercher que des idées.

1601. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Son père Joseph et sa mère Marie étaient des gens de médiocre condition, des artisans vivant de leur travail 109, dans cet état si commun en Orient, qui n’est ni l’aisance ni la misère.

1602. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

De plus, une société, après de longues et terribles secousses, arrive parfois ù un état d’équilibre qui donne aux contemporains l’illusion d’un repos indéfini ; c’est ainsi que, dans la première partie du règne personnel de Louis XIV, la plupart des Français crurent la langue, les règles de la poésie et du bon goût, le régime politique et religieux aussi bien que le régime littéraire fixés en France pour l’éternité.

1603. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

Il se vantoit d’avoir eu quatre portiers tués à une de ses pièces, & disoit : « Je ne le céderai à Corneille que lorsqu’on en aura tué cinq au Cid ou aux Horaces. » Ce même homme, hors d’état de faire, de sentir, un seul beau vers de Corneille, eut la présomption de se porter pour son juge, & publia des observations sur le Cid.

1604. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

S’il n’en était ainsi, l’homme, en s’éloignant toujours de son origine, serait devenu une sorte de monstre ; mais, par une loi de la Providence, plus il se civilise, plus il se rapproche de son premier état : il advient que la science au plus haut degré est l’ignorance, et que les arts parfaits sont la nature.

1605. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Pigalle, le chapeau sur la tête et de son ton rustre que vous lui connaissez, s’adressa à un particulier qu’il prit pour un artiste et qui ne l’était pas, et lui demanda s’il était en état de juger mieux que lui ; ce particulier, enfonçant son chapeau sur sa tête, lui répondit qu’il ne s’entendait pas en bas-reliefs, mais qu’il se connaissait en insolens et qu’il en était un.

1606. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Le Correge qui n’étoit pas encore sorti de son état, quoiqu’il fut déja un grand peintre, étoit si rempli de ce qu’il entendoit dire de Raphaël, que les princes combloient à l’envi de présens et d’honneurs, qu’il s’étoit imaginé qu’il falloit que l’artisan, qui faisoit une si grande figure dans le monde, fût d’un mérite bien superieur au sien qui ne l’avoit pas encore tiré de sa médiocrité.

1607. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Ciceron, après avoir parlé de l’usage que les pythagoriciens faisoient de la musique dans leur régime, pour ainsi dire, et après avoir dit que Numa le second roi des romains, tenoit de l’école de Pythagore plusieurs usages qu’il avoit introduits dans son petit état, cite comme une preuve de ce qu’il venoit d’avancer la coutume de chanter à table les loüanges des grands hommes avec un accompagnement d’instrumens à vent.

1608. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Il y eut aussi du succès, et ce fut ce succès immobilisé, passé à l’état de pagode, qui donna à la Revue Contemporaine l’envie naturelle d’exister et de s’établir sur un plan qui avait si bien réussi.

1609. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Le livre de Champagny pourrait se résumer intégralement dans trois colonnes au plus : les prédictions de Jésus-Christ, l’état contemporain du monde, et la chronologie du siège de Jérusalem.

1610. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

Tout cela classé, récapitulé et réglé, comme, dans un herbier, des plantes mortes ; tout cela à l’état de faits morts aussi, qui n’engendrent pas une pensée dans la tête qui les relate et n’y appellent jamais une réflexion… Louis XVI n’est jamais là-dedans que le plus stérile des nomenclateurs, de la plus étonnante impassibilité.

1611. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Selon lui, le Paradis est la partie la plus belle du poème, comme l’Enfer doit rester littérairement la plus populaire, et les raisons que le jeune lauréat a données de son opinion sont d’une solidité et d’une sagacité qui font bien présager de ce sens critique que je vois poindre en lui et qui est encore à l’état d’aurore.

1612. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Mais ce qui la rend insupportable, ce n’est pas son horreur oratoire, qui pouvait produire un salutaire effet sur les oppresseurs de l’Irlande et les épouvanter de l’état de malheurs et de misère dans lequel ils tenaient ce pauvre pays, mais c’est le détail avec lequel elle est travaillée et retravaillée, pendant je ne sais combien de pages, comme un outil compliqué pourrait l’être par un ouvrier de Birmingham ou de Manchester, et c’est encore plus que tout le reste la froideur avec laquelle elle est travaillée.

1613. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Jourdain, ne nous y trompons pas, est de naissance comme d’état un philosophe.

1614. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Sympathique ou antipathique, le talent de l’auteur de La Comédie de la mort est passé à l’état de fait que tout le monde voit, une dure et brillante chose, plus brillante et plus dure encore que des émaux et des camées.

1615. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Je ne croirai jamais, pour mon compte, qu’on ait la vocation d’être Indien quand on est Français ; je ne croirai jamais qu’à l’état sain, sans opium et sans hatschich, un homme proprement organisé puisse être fasciné par les sentiments et les idées de l’Asie, cette rêveuse à vide, cette grande bête de l’Apocalypse ruminante !

1616. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

II Il nous est impossible de croire qu’il n’y a point pensé un peu… S’il ne nous avait donné que des poésies dans le livre qu’il publie aujourd’hui, nous dirions : « C’est une grâce d’état, une inspiration particulière que cette poésie perpétuellement grave, que cette cornemuse, perpétuellement enflée du même vent. » La poésie de M. de Laprade, grave et vide, ressemble à la barbe de cet ambassadeur de Venise, dont Paul III disait, croyant qu’il n’y avait rien derrière cette barbe, pleine de gravité : Bella barba !

1617. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre IV. De la méthode » pp. 81-92

Partant de ce principe, nous établissons que l’homme dans l’état bestial, n’aime que sa propre conservation ; il prend femme, il a des enfants, et il aime sa conservation en y joignant celle de sa famille ; arrivé à la vie civile, il cherche à la fois sa propre conservation et celle de la cité dont il fait partie ; lorsque les empires s’étendent sur plusieurs peuples, il cherche avec sa conservation celle des nations dont il est membre ; enfin quand les nations sont liées par les rapports des traités, du commerce, et de la guerre, il embrasse dans un même désir sa conservation et celle du genre humain.

1618. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Dans l’état qu’on appelle état de nature, et qui fut celui des familles, les pères de familles ne pouvant recourir à la protection des lois qui n’existaient point encore, en appelaient aux dieux des torts qu’ils souffraient, implorabant deorum fidem ; tel fut le premier sens, le sens propre de cette expression.

1619. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Comme si le triomphe de la doctrine, pour une large part, n’avait pas dépendu de l’état des idées ambiantes ! […] Perrault, qui mit fin, comme vous le savez, à la première phase de la querelle, et qui exprime, par conséquent, sur la question, le dernier état de la pensée de Boileau. […] Il ne va plus s’agir désormais de considérer les œuvres en elles-mêmes, pour elles-mêmes, mais par rapport aux états de civilisation dont elles sont le produit naturel. […] Il est désormais entendu que l’œuvre littéraire soutient d’étroites relations, qui peuvent aller jusqu’à l’entière dépendance, avec l’état social, avec l’état politique, avec les actions ou les, influences du dehors, et de tout enfin ce qu’on va bientôt appeler les « grandes pressions environnantes ». […] Elle en est aujourd’hui au point où la botanique en était avant Jussieu, et l’anatomie comparée avant Cuvier, à l’état pour ainsi dire anecdotique.

1620. (1888) Portraits de maîtres

Au commencement du siècle, dans l’état moral que nous avons indiqué, la mélancolie fut dominante. […] Or les idées ne vivent pas à l’état d’abstraction : il leur faut des soldats, et, pour diriger ces soldats, une élite d’hommes de pensée et d’action. […] À Paris des citoyens de tout âge et de tout état se prêtent cordialement à cette transmission du savoir. […] Ces montagnes nues, vrais prédicateurs, te donnent naïvement de leurs sommets arides la révélation trop vraie de l’état presque universel des hommes. […] C’est un livre de grand souffle et de haut vol, traversé d’un esprit large, digne du temps où le parti clérical n’existait qu’à l’état de minorité turbulente.

1621. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Ajoutons que l’état du « criminaloïde » ne se définit pas avec une exactitude catégorique. […] Pour passer à l’état littéraire, il faut que l’idée s’habille ; et, son vêtement, c’est le symbole. […] Cette nécessité impérieuse dépendait de l’état des choses, auquel le conquérant lui-même ne peut rien. […] Ailleurs, l’allégorie n’est plus commentée et, pour ainsi dire, traduite ; mais elle reste à l’état de symbole. […] On crut un instant qu’il s’établirait chez nous à l’état de religion.

1622. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

  À l’intérieur même de la Belgique, le sol appelait certaines conditions de vie sociale et politique qui existaient déjà à l’état d’ébauches avant les Romains, et qui ont atteint leur pleine réalisation dans la glorieuse Belgique de nos jours. […] Et il serait difficile de concevoir un état en apparence plus différent de l’état actuel. […] L’auteur de La Nuit a, si j’ose dire, des états d’âme de rechange ! […] Mockel se maintient constamment, selon l’expression imagée de Tancrède de Visan, en état « d’aspiration lyrique ». […] Ce besoin de hacher idées et sensations en parcelles ténues, s’allie, pour notre plus grande joie, à l’état de perpétuelle exaltation lyrique.

1623. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Cet état est-il bon ? […] L’état intellectuel que nous venons de marquer est celui qui suscite les idées en forçant pour ainsi dire l’homme à les chercher sans cesse5. […] On sent très bien ici que Commynes, quoiqu’il ne l’ait point dit, estime que l’homme politique doit connaître cet état d’équilibre des forces et s’en rendre compte, pour y adhérer. […] C’est l’excellence de l’homme, c’est son état de perfection, si ce mot n’est pas blasphématoire à lui appliquer, c’est ce qui le justifie, c’est par quoi il devient un juste. […] L’antiquité a connu l’amour à l’état de passion ardente ; elle ne l’a pas connu à l’état de sentiment tendre ; elle ne la pas connu comme une occupation de l’imagination jointe à l’attendrissement du cœur.

1624. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Pendant quatorze jours, Luther fut dans un tel état, qu’il ne put ni boire, ni manger, ni dormir. « Jour et nuit », les yeux fixés sur le texte de saint Paul, il voyait le juge et ses mains inévitables. […] Il faut écouter la liturgie au lit des mourants, au baptême des enfants, à la célébration des mariages. « Veux-tu prendre cette femme pour ta légitime épouse, afin de vivre ensemble selon le commandement de Dieu dans le saint état du mariage ? […] Vous voyez désormais l’état de ce cerveau enflammé. […] Cela me fit voir que tout le monde, malgré toute la justice qui est en lui, est dans un état de condamnation. […] » Et lorsqu’il aura grandi, il aura aidé Joseph dans son état de charpentier. » (Tischreden.)

1625. (1922) Gustave Flaubert

Dès son enfance, il vit à même le bourgeois, à l’état de révolte, et cherchant sa libération dans l’écriture, dans l’art, dans le passé. […] La seconde, Quidquid volueris, étale toutes sortes d’états de crime et de désespoir chez un être qui sans doute n’en a pas davantage, puisqu’il est le fils d’une femme et d’un singe. […] Il l’avait, conformément à sa promesse, ramené à sa mère à peu près en bon état, moins les cheveux dont Flaubert déplorait la chute. […] L’un et l’autre, évidemment, puisqu’il n’y a là qu’un seul état psychologique que nous dissocions par abstraction. […] Il vivait dans un état de malaise et d’exaspération que le Journal des Goncourt fait bien comprendre.

1626. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

On machine une ingénieuse conspiration pour éclairer sur l’état de leur cœur ces deux amoureux sans le savoir. […] Voici un description de son état composée par M.  […] Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? […] Comme Géronte, il a une fille, Suzette, laquelle aime un joli garçon, musicien de son état, Florisel. […] Voilà le vieux Claude dans tous ses états !

1627. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

À voir leurs frères, leurs congénères dans un état pire que le leur, les hommes s’indignent moins et sont soulagés. […] Précieuse méthode qui nous révèle un état cérébral, car Victor Hugo fut un improvisateur et suivit sa nature bien plus qu’il ne la guida. […] Il a sans trêve et à l’état habituel ce sens profond du verbe qui n’apparaît que rarement, fantôme annonciateur, aux plus subtils linguistes comme aux poètes les plus raffinés. […] Elle est cet état savoureux où le monde extérieur nous pénètre à notre demi-insu. […] Telle est la cause de l’état de lutte.

1628. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Le pire des états, c’est l’état populaire. […] — C’est vrai ; mais encore il devrait bien sentir qu’en tout état de cause ce n’est pas le moment de donner à son fils une ardente leçon de patriotisme. […] Un seul attire l’intérêt et la sympathie et aussi la curiosité psychologique, parce qu’il est injustement malheureux et parce qu’il y a une espèce d’évolution dans son état psychique et dans son état moral. […] « En d’autres termes, la misanthropie d’Alceste nous est-elle représentée, si je puis dire, comme à l’état statique, ou, en quelque sorte, à l’état dynamique ? […] Tel est l’état premier, l’état primitif du mélodrame, de 1800 environ à 1820.

1629. (1901) Figures et caractères

Existe-t-elle à l’état de fragments ou n’en reste-t-il que l’intention merveilleuse avec, çà et là, quelque indication ? […] Il les lui faut, car, en sa position, il n’est pas en état de se payer de mots. […] Au milieu de la brillante pléïade romantique, il fait petite figure et y tient mince état. […] Ils ne laissent pas d’autre histoire que leurs états de service. […] Ils se contentent qu’on leur montre l’état de l’existence contemporaine, avec ses passions coutumières et ses mœurs de tous les jours.

1630. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Mais on n’en voyait pas moins, — avec Auguste Comte et son école entière, — dans « l’état théologique », ce que j’appellerais volontiers la phase embryonnaire de la vie de l’intelligence, et peut-être quelques physiologistes ou quelques anthropologues croient-ils encore fermement à la réalité de cette métaphore. […] « Je crois avoir prouvé la possibilité, — écrivait Condorcet, il y a tout juste cent ans, — de rendre la justesse d’esprit une qualité presque universelle ; … de faire en sorte que l’état habituel de l’homme, dans unpeuple entier, soit d’être conduit par la vérité soumis dans sa conduite aux règles de la morale… se nourrissant de sentiments doux et purs. » Et il ajoutait : « Tel est le point où doivent infailliblement le conduire les travaux du génie et le progrès des lumières 5. » Me dira-t-on que Condorcet n’était après tout qu’un encyclopédiste ? […] J’avoue d’ailleurs sans difficulté que, dans l’état présent de l’érudition, on la sent, cette différence, plutôt qu’on ne saurait la définir. […] Pour le moment, dans l’état présent de la science, et après l’expérience que nous en avons faite, la question du libre arbitre, par exemple, ou celle de la responsabilité morale, ne sauraient dépendre des résultats de la physiologie.

1631. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

En passant d’ailleurs à l’état de représentation idéale et de symbole, les personnages ou les scènes, dont la première donnée était, pour ainsi dire, à terre, n’ont pu éviter, au moment indécis de leur métamorphose, de revêtir un caractère mixte et fantastique qui ne satisfait pas.

1632. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Le public demande de la critique, et il a raison puisqu’il n’y en a plus guère ; mais il ne sait pas combien ce qu’il demande est difficile, et, osons le dire, impossible presque aujourd’hui, pour une multitude de causes qui tiennent à l’état même de la société et à la constitution de la littérature.

1633. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Dans l’état de démocratie ou plutôt de classe moyenne où nous allons de plus en plus, il y a un écueil, un faux idéal tout à fait à éviter pour l’art et pour le goût.

1634. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Non pas certes que nous prétendions, dans cet état de la salle que nous appelons le vrai prologue du drame, avoir découvert rien qui ressemblât nulle part à de la malveillance prononcée contre l’auteur.

1635. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

L’âme, doucement ébranlée, se plaît dans la prolongation de cet état, aussi longtemps qu’il lui est possible de le supporter.

1636. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Le goût a ceci d’original, qu’il est subordonné à l’intelligence, mais à l’intelligence à l’état vague, non pas à telle ou à telle notion précise de l’intelligence.

1637. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !

1638. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Henri de Régnier a collaboré à presque toutes les « petites revues » tant françaises que belges, que suscita le mouvement dit « symboliste », et l’on trouvera en fin de ces lignes l’état à peu près complet de cette collaboration.

1639. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Le tour de force exquis, c’eût été, je crois, d’exprimer des idées et des « états d’âme » d’à présent, sans avoir recours au lexique de nos psychologues, et par les locutions très simples qui convenaient à un conte bleu.

1640. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

  Voici quelle était, en 1682, la composition de la troupe italienne, d’après « l’état de la dépense pour les comédies représentées devant Monseigneur le Dauphin, pendant le carnaval » : Les sieurs Octave, Cintio, Scaramouche, Dominique, Spezzafer (c’était probablement un nouvel acteur qui avait repris ce type disparu pendant quelque temps), le Docteur, Flautin (Giovanni Gherardi engagé en 1675).

1641. (1890) L’avenir de la science « I »

Que ce soit là une nécessité de l’état actuel de l’esprit humain, nul ne peut songer à le nier ; il faut toutefois reconnaître qu’un tel système de vie, bien qu’excusé par sa nécessité, est contraire à la dignité humaine et à la perfection de l’individu.

1642. (1890) L’avenir de la science « IX »

Il est indubitable aussi que l’apparition de l’humanité sur la terre s’est faite en vertu des lois permanentes de la nature 89 et que les premiers faits de sa vie psychologique et physiologique, bien que si étrangement différents de ceux qui caractérisent l’état actuel, étaient le développement pur et simple des lois qui règnent encore aujourd’hui, s’exerçant dans un milieu profondément différent.

1643. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Il semble à trois gredins dans leur petit cerveau, Que pour être imprimés et reliés en veau, Les voilà dans l’état d’importantes personnes, Qu’avec leur plume ils font le destin des couronnes, Que sur eux l’univers a la vue attachée.

1644. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Son château d’Akô fut confisqué, sa famille réduite à la misère, et ses gentilshommes tombés à l’état de ronins, de déclassés, de déchus, d’épaves, selon l’expression japonaise.

1645. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Il y a maintenant deux partis dans la littérature comme dans l’état ; et la guerre poétique ne paraît pas devoir être moins acharnée que la guerre sociale n’est furieuse.

1646. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Peuples, rois & papes le consultoient avec vénération ; & quoique simple abbé de Clairvaux, il gouvernoit l’église & l’état.

1647. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Aussitôt qu’il se sentit en cet état, il tourna toutes ses pensées du côté du Ciel ; un moment après il perdit la parole, et fut suffoqué en demie heure par l’abondance du sang qu’il perdit par la bouche.

1648. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Pourquoi cette sage-femme hors de son état ?

1649. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Elle fait perdre beaucoup de temps, et met encore un jeune artisan hors d’état de faire un bon usage de celui qu’elle lui laisse.

1650. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Cuvier sur les états antérieurs de la terre que nous habitons, sont une heureuse préparation à l’histoire géologique du globe, qui elle-même est le commencement tout naturel de l’histoire du genre humain.

1651. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

Il n’est rien d’impatientant comme la fausse gloire à tous les degrés… Mme Gay a vécu quatre-vingts ans à l’état de petite puissance littéraire… On la croyait presque une étoile, et ce n’était qu’un rat-de-cave, dont nous allons souffler le lumignon !

1652. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

C’est mettre quelque chose dans nos âmes qui n’y était pas… Saint-Victor, qui nous apprend Eschyle aujourd’hui, dans son premier volume, devient, en vertu de la faculté caméléonesque du talent regardant le génie, une espèce d’Eschyle, éclosant et fleurissant dans les racines du vieux tragique immortellement épanoui, et tellement que si, par miracle, le vieux Eschyle revenait au monde et qu’il lût le commentaire de Paul de Saint-Victor, il dirait comme Galathée, sortie de son état de marbre et touchant la poitrine de l’idolâtre Pygmalion : « C’est encore moi ! 

1653. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

De plus, il grattait le papier chez cette noble canaille apostate de cardinal Odet de Chatillon, qui se fit protestant et que Pie IV raya du nombre des cardinaux ; mais rien n’indique qu’il fût, comme Rabelais, par exemple, la tête au-dessus de son métier et de son état.

1654. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Les prêtres ont, par les habitudes et les servitudes de leur état, une personnalité plus élevée que les autres hommes.

1655. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

N’être pas niais dans un temps comme le xixe  siècle, où le génie lui-même peut glisser là-dedans… et où la niaiserie est passée presque à l’état de mysticité, halte-là !

1656. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

II En effet, ni philosophie positive, ni religion positive, et la manière de se passer de toutes les deux, élevée à l’état de théorie, voilà d’un mot tout le livre de M. 

1657. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Aujourd’hui que les assemblées commerciales n’existent pas, du moins à l’état d’organisation, l’effrayant phénomène des associations politiques se produit avec l’énergie d’une tempête.

1658. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

Roués retors, à l’âme de Scapin, qui ne voyaient dans toute l’histoire que grands comédiens et petits farceurs, Machiavels qui s’enfilaient sur leurs propres finesses quand ils auraient pu, dans l’état obscur où se trouvait alors l’histoire de l’Islamisme, s’attester la simplicité primitive de Mahomet, de ce beau berger comme David et Moïse, qui rêva quarante ans au désert avant d’entendre la voix de la Vocation s’élever dans son âme, comme un écho de la voix de Dieu, cette simplicité eût été pour eux une chose fermée, qui serait restée strictement fermée à leurs regards, à leurs lunettes et à leurs lorgnons !

1659. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

La coupe de porcelaine fine et transparente se fêle sous l’action des substances empoisonnées qu’on y verse… Gérard, fou un instant, et qui nous a donné, dans Le Rêve et la Vie, une photographie de son état de fou, enlevée par un procédé de mémoire rétrospective sur lequel on peut juger de ce qu’était en lui la faculté de la mémoire, retomba fou, après avoir guéri une première fois.

1660. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Si, dans tout état de cause, la littérature systématique est la pire des littératures, que faut-il penser de celle-là qui pour système a le réalisme ?

1661. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Son caractère ardent voulut donner à ses concitoyens un mouvement qu’ils n’étaient pas en état de suivre : leurs âmes, qui avaient perdu l’habitude des grandes choses, n’avaient plus que de l’imagination pour les sentir.

1662. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Il fut président et trésorier de France à Poitiers, et de plus orateur, poète, jurisconsulte, historien, servit sous quatre rois, fut sur le point d’être secrétaire d’État sous Henri III, mérita l’estime et l’amitié de Henri IV, se distingua aux États de Blois par son courage, à l’assemblée des notables de Rouen par ses lumières, dans une place d’intendant des finances par son intégrité ; et mêla toute sa vie l’activité courageuse des affaires, à ce goût des lettres que l’ignorance et quelquefois la prévention calomnient, que les vrais hommes d’état estiment, et qui donne encore plus de ressort et d’intrépidité aux âmes nobles.

1663. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Sans doute il comprenait avec raison sous cette dénomination les vagabonds sans lois et sans culte qui, pour échapper aux rixes continuelles de l’état bestial, cherchaient un asile dans les lieux forts occupés par les premières sociétés, faibles qu’ils étaient par leur isolement, et manquant de tous les biens que la civilisation assurait déjà aux hommes réunis par la religion.

1664. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Je suis par cela même réduit à cet état de défensive qui, comme nous le disions tout à l’heure, est jugé mauvais par tous les tacticiens. […] L’absolu lui semble un non-sens, et il ne l’admet pas même à l’état d’inconnaissable. […] Ribot (je m’efforce de citer exactement) un état de conscience final qui résulte de la coordination plus ou moins complexe d’un groupe d’états conscients, subconscients ou inconscients qui, tous réunis, se traduisent par une action ou un arrêt, état de conscience qui n’est la cause de rien, qui constate une situation, mais qui ne la constitue pas. […] Mais généralement la levée se faisait sans trop de ruse ni de violence, grâce aux paroles dorées du racoleur et au goût naturel du peuple pour l’état militaire. […] Tisseur définissait l’amour « un état supérieur de l’âme », et il y voyait « la recherche de l’infini ».

1665. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

De mémoire scrupuleusement aidée de document à tout instant, tels seront mes Souvenirs — où le tout s’allégera aussi du passant sourire de l’Anecdote, mais complémentaire d’états d’âme — et ainsi, avec quelques lettres rares et quelques extraits devenus assez amusants de la presse d’alors, que les « Dates et les Œuvres » prouvent par elles-mêmes, de véracité et de suggestion. […] On liait solidement, poitrine à poitrine, lèvre à lèvre, deux personnes au complet état de nudité, et on les précipitait ainsi dans la Loire. […] René Ghil doit être considéré comme le premier — ou alors l’un des tout premiers des Jeunes, et en tout état de cause le plus affirmé d’entre eux, le plus en dehors, le plus visible pour le sérieux, pour le grave, pour le poids et l’imposant de sa tentative … ». […] Une sorte d’idéo-naturisme où des aspects restreints et le moins matériels de la nature et des êtres ne lui sont que prétextes à1 émouvoir de personnels états d’âmes s’évadant des réalités, de nuance en nuance annihilées. […] Donc, c’est qu’ils devaient être philosophiques : des états d’âme généraux et d’émotion universelle exprimés en Symbole. « Fait spirituel », dit Mallarmé avec l’irritant laconisme dont il use devant ces questions, non résolues en son esprit certainement.

1666. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Le roi ne passe point par l’état de ver : il devient abeille tout d’abord. […] Tant que l’abeille est dans l’état de ver, elle rend des excréments, mais après cela elle n’en rend plus, à moins qu’elle ne soit pas encore sortie de son enveloppe, comme je l’ai déjà observé. […] Ils ne se laissent plus voir, comme n’étant plus en état de défense.

1667. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

En homme d’intelligence polie, il me parle dès d’abord de la mort, qu’il considère comme n’étant pas un état d’invisibilité pour nos organes. […] Vous avez vu des vieillards à la vue fatiguée, qui, pour regarder, soulèvent avec effort leurs lourdes paupières, eh bien, Théo, pour parler, a besoin d’un effort physique semblable de tout le bas du visage, et tout ce qui sort maintenant de lui, semble être arraché, par de la volonté douloureuse, à l’engourdissement d’un état comateux. […] En sortant, nous tombons sur Aubryet, qui nous apprend que Saint-Victor est de l’inauguration. « Eh bien, je n’irai pas à Vendôme, me dit Flaubert, non vraiment, la sensibilité est arrivée chez moi à un état maladif tel… je suis entamé au point que l’idée d’avoir la figure d’un monsieur désagréable, en chemin de fer, devant moi… ça m’est odieux, insupportable.

1668. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Jeudi 14 avril Chez Noël où je déjeune, j’ai à côté de moi deux enfants, au type juif, presque des bébés, qui causent avec leur précepteur, tout le temps du déjeuner, de l’état comparatif de la dette française avec la dette allemande. […] Et comme Deshayes me demande à la place de l’exemplaire sur hollande, un exemplaire sur japon, ainsi que Burty en a reçu un du premier volume, et que je lui dis que je ne sais pas, si vraiment maintenant je pourrai lui en procurer un, il m’engage à ne pas lui faire cette réponse, mais à lui faire espérer un exemplaire, comme il le désire, parce qu’il craint que dans l’état nerveux où il se trouve, ma réponse n’amène une crise. […] Et cela, toujours dit avec d’énormes difficultés, et des mots estropiés, comme Vichy, qui devient Vichin, et la physionomie d’un homme qui a l’air de trouver cela farce, s’entretenant avec une sorte de complaisance, de l’heureuse somnolence sans irritation, qu’il éprouvait dans cet état, et qui lui donnait, c’est son expression, comme des hallucinations de blanc, — l’entourant pour ainsi dire complètement de blancheur.

1669. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Mais son état de grossesse n’était pas encore assez avancé pour que la vue de son joli corps fût déplaisante. […] Et tous subissent aussi l’horrible et fameux état de besoin. […] Son amour était chez elle à l’état d’un rêve plein de douceur indéfiniment continué, d’une musique suave qui n’aurait eu qu’une note. Il n’y avait ni haut ni bas dans cet état de paix profonde. […] Son état de vague amour recevait des longues psalmodies du couvent une sorte d’excitation puissante et de renouvellement.

1670. (1924) Critiques et romanciers

C’est aussi que « le peuple » est une façon de dire assez vague et, en tout état de cause, le peuple une multitude assez vaste et amplement inconnue pour que nulle hypothèse à lui relative soit fausse. […] Ces mœurs ont des causes : les états de sensibilité que traduisent le roman, le drame et le poème dérivent de conditions sociales et politiques. […] Vous avez constaté que l’état politique et social d’une nation crée ou — c’est un mot qui ne me fait point un grand plaisir — « conditionne » les états de sensibilité que la littérature avoue et révèle. […] La barbarie n’est pas un état ancien, périmé, aboli, de l’humanité, mais un état permanent. […] Il est donc un million de Français en état de réfléchir pertinemment sur le cours des choses… » Eh !

1671. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Il est des vérités naissantes dans l’esprit de l’homme qui doivent rester encore longtemps à l’état de lueurs indécises, et qui, pour se révéler, ont besoin d’un état social complètement nouveau ; à plus forte raison, les rêves de sentiment, qui ont besoin de l’intervention divine pour se réaliser. […] La description des lieux successivement habités par le couple illustre est faite de main de maître, et devrait servir d’idéal à tous les romanciers dont c’est l’état. […] Cette guerre providentielle redeviendra l’état de paix et d’innocence irresponsable ordonné par la nature elle-même, et le soleil éclairera le paradis des âges antérieurs à l’homme. […] Béranger avait, disons-nous, une douce philosophie, c’est dire qu’il n’avait pas de théorie philosophique à l’état de religion sociale. […] Seulement, l’état maladif de son cœur et de son organisation m’a expliqué l’importance qu’il avait donnée à des motifs si nuls, que j’aurais pu les appeler imaginaires.

1672. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Il va à Montpellier pendant les états. […] Il retourne à Lyon ; va ensuite à Pézenas pour les états, et n’y reçoit qu’une partie de la somme que le prince loi avait allouée. […] Va à Béziers pour les états ; Le Dépit amoureux. — 1657. […] Aggravation de l’état de santé de Molière. […] lui dit le prince, que n’est-il en état de faire la vôtre ! 

1673. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

On ne doit point oublier qu’il fit très petit état des mathématiciens de Sicile, sous prétexte qu’ils ravalaient la science en la forçant de se prêter à des applications usuelles. […] Ce penchant est favorisé encore par la tendance qui porte l’esprit populaire à faire passer peu à peu la métaphore à l’état de réalité concrète, et qui l’empêche de bien distinguer ce qu’il voit, de ce qu’il imagine. […] Le Moyen-Âge nous en offrait certains indices ; nous n’en avons pas voulu faire état, parce qu’ils étaient trop rares et trop disséminés. […] Pendant que Napoléon marche sur Moscou, la noblesse et les marchands médaillés sont réunis dans le palais Slobodski ; c’est comme une assemblée d’états généraux. […] En cet état le paysan de Millet peut fraterniser sans déchoir avec le paysan de Courbet.

1674. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Tel fut, en général, au commencement du siecle dernier, l’état de nos connaissances & de nos progrès dans tout ce qui est du ressort du génie & du goût. […] Il rappella aussi & l’état où il avait trouvé notre scène comique & ce qu’il avait fait pour l’illustrer. […] Tel est l’état piteux où le Poëte nous offre son héroïne à la fin de son douzieme chant. […] Tels ont été, parmi nous, l’origine & les progrès de la Tragédie ; tel est son état actuel. […] Ils trouverent un public en état de se plier à leur goût.

1675. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Ne l’eût-elle dissuadé que « d’embrasser l’état ecclésiastique, sans autre disposition que d’y faire fortune », il lui en eût dû déjà quelque reconnaissance ; — et nous aussi. […] Il avait donc raison, lorsqu’il se plaignait à l’abbé Gerbet, au mois de janvier 1832, « que le pape ne sût rien des choses de ce monde, et qu’il n’eût aucune idée de l’état réel de l’Église » ? […] Paul Bourget mêle ensemble la description des lieux et l’analyse aiguë des états d’âme de ses personnages. […] Le passage des tribus israélites nomades à l’état fixe en a été une première, leur concentration, si l’on peut ainsi dire, à l’état national. […] Quoi de plus naturel, si jamais ni nulle part, on n’a rencontré l’homme isolé, ni la famille même autrement qu’à l’état de tribu ?

1676. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Les choses étaient en cet état en 1710 et la scène des Italiens abondait en critiques plus ou moins spirituelles sur l’état d’abandon dans lequel on laissait la Comédie-Française, ce n’étaient que quolibets, que pointes épigrammatiques, que parodies du répertoire de la troupe du roi, quand le directeur de la Comédie-Française, Dancourt, voulut essayer de ramener les Parisiens dans sa salle. […] Tout ce qui sort de la coulisse n’est-il pas à l’état de pastel vivant ? […] Un des acteurs qui tint le rôle du héros grec avait été menuisier de son état. […] Après tout, mon souci, dans l’état où nous sommes Ne devons-nous pas vivre autrement que les hommes ? […] Son premier état fut celui de clerc d’un avocat au Conseil.

1677. (1923) Nouvelles études et autres figures

Toutes les deux affirment quatre états de l’âme après la mort. […] Les deux états intermédiaires sont le Purgatoire et les Limbes. […] Ces monographies, où se reflètent, pendant des siècles, tous les états d’âme d’un pays, sont captivantes ; mais Louis-le-Grand a une autre importance que Sainte-Barbe. […] Mais elle se répand à l’état diffus. […] En 1870 l’enseignement supérieur était tombé dans un triste état de langueur, et des réformes s’imposaient.

1678. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Il lit Homère, il lit la Bible ; il associe les plus grands des cultes ; il en a pour toutes les heures et pour toutes les dispositions d’esprit, et chaque fois il parle de chaque chose dans un langage égal à ses sources : « Quand je suis dans l’état de force, je sens mon pouls qui bat héroïquement dans l’Iliade : malade, il bat sagement dans l’Odyssée ; cette lecture me charme. […] Il s’agit toujours du cinquième acte d'Hamlet : « Mon cher parrain, j’ai été fort malade depuis que je ne vous ai vu et hors d’état de remettre votre cinquième acte au net.

1679. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

C’est là la France ; ce n’est nullement ni l’Italie, ni l’Espagne… » On ne saurait analyser plus finement les causes de la renaissance religieuse de 1800, ni mieux définir l’état des esprits vers 1831, état qui est encore à peu près le nôtre.

1680. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Sieyès devient un songe-creux que Mirabeau pénètre en un clin d’œil, Sieyès qui, avant sa corruption, méritait d’être proclamé l’un des hommes les plus éclairés, les plus hardis et les plus sainement métaphysiques de l’époque, Sieyès qui du moins, devant la postérité, conservera l’honneur d’avoir le premier répondu à la question : « Qu’est-ce que le tiers état ?  […] Sans doute il ne suivit aucun plan général dans ses attaques, et ne les gouverna souvent qu’au gré de ses passions ou même de ses besoins ; et c’est en ce sens surtout qu’il est vrai de dire que sa mémoire publique, sa mémoire de grand citoyen a reçu d’irréparables atteintes ; mais il eut de rares et lumineuses inspirations sur l’état social profond et l’avenir où l’on se précipitait.

1681. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

La chaleur modérée de tant de nobles œuvres, l’épuration continue qui s’en était suivie, la constance enfin des astres et de la saison, avaient amené l’atmosphère des esprits à un état tellement limpide et lumineux, que du prochain beau livre qui saurait naître, pas un mot immanquablement ne serait perdu, pas une pensée ne resterait dans l’ombre, et que tout naîtrait dans son vrai jour. […] Ceux qui, par une certaine disposition trop rare de l’esprit et du cœur, sont en état, comme il dit, de se livrer au plaisir que donne la perfection d’un ouvrage, ceux-là éprouvent une émotion, d’eux seuls concevable, en ouvrant la petite édition in-12, d’un seul volume, année 1688, de trois cent soixante pages, en fort gros caractères, desquelles Théophraste, avec le discours préliminaire, occupe cent quarante-neuf, et en songeant que, sauf les perfectionnements réels et nombreux que reçurent les éditions suivantes, tout La Bruyère est déjà là.

1682. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Mais, du moment que les vers, ramenés à l’état de simple composition littéraire, devinrent un art plus précis, du moment que les rimes durent se coucher par écriture, et qu’il fallut, bon gré mal gré, et nonobstant toutes métaphores, noircir du papier, comme on dit, pour arriver à l’indispensable correction et à l’élégance, dès lors il fut à peu près impossible d’être à la fois roi et poëte avec bienséance. […] Il ne suffirait pas de se rejeter sur l’état de la poésie française, à cette date du règne de François Ier, pour expliquer uniquement par cette imperfection générale les singulières faiblesses et le rocailleux plus qu’ordinaire de la veine royale.

1683. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

« Voici Chateaubriand en prose : « La solitude absolue, le spectacle de la nature me plongèrent dans un état impossible à décrire ; sans parents, sans amis, pour ainsi dire, seul sur la terre, n’ayant point encore aimé, j’étais accablé d’une surabondance de vie. […] Sa vie jusque-là, son état moral se composait d’une suite de désenchantements sans cause précise : désormais il a son accident singulier entre tous, son fatal mystère.

1684. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Dans leur état plus naturel, c’est-à-dire plus ressemblant, personne en France n’eût été curieux de les voir. […] C’est là, je crois, l’état de la question entre Voltaire et Schiller, s’il peut y avoir en effet une question entre ces deux hommes.

1685. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Donnez aux provinces leurs libertés entières, faites-en des états fédérés dans l’État, et vous verrez aussitôt surgir une France nouvelle débarrassée à tout jamais des parasites qui la rongent, une France consciente d’elle-même, de sa valeur propre, des différentes faces de son génie, dans laquelle tous les éléments qui la composent auront la même fierté, et non ce lâche désir, cette attitude de chien battu qu’ils prennent en face de Paris, en face de la centralisation la plus monstrueuse que l’on ait jamais vue. […] Puisque tout est bien et doit rester en état, voici un ministre dont la fonction est devenue inutile ; qu’on le supprime.

1686. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

On avait reconnu un état de l’esprit meilleur que la curiosité, cet appétit un peu grossier, qui se jette sur toute sorte de nourriture ; meilleur que le doute, qui, après avoir été si doux, devient insupportable, à mesure que la curiosité s’affaiblit. […] Quand on considère l’état de la France alors, les guerres entre la royauté et la noblesse, entre le roi et sa mère, les meurtres et les intrigues, un gouvernement sans cesse contesté et flottant, quel genre d’écrit pouvait être plus goûté que des lettres, dont les plus longues l’étaient moins que le plus court traité ?

1687. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Il l’est par cet esprit sensé qui proportionne ses émotions à leur cause, droit, sincère, aimant la liberté pour soi et pour autrui ; s’arrêtant en beaucoup de choses au doute, à cause de la douceur de cet état ; plus vif que passionné ; hors de toute grimace comme de tout sentiment excessif ; sensible sans transports ; tenant le milieu en tout dans la spéculation et dans la conduite ; un second Montaigne, mais plus doux, plus aimable, plus naïf que le premier. […] L’école de Voiture, quand elle est exacte, inventorie ; ses descriptions sont des états de lieux.

1688. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

., et qui conduisirent le maître à un état de dénuement tel, que, littéralement, il n’avait plus de quoi manger. […] Je vous demande que, par une promesse concluante, vous me mettiez en état de regarder votre concours comme assuré et que vous me disiez eu même temps si vous demandez un dédommagement, et lequel.

1689. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Il les construit, pour ainsi dire, avec ces métaphores prodigieuses que lui reproche Euripide dans les Grenouilles d’Aristophane : « Grands mots empanachés, hauts comme des montagnes, vers ajustés comme les charpentes d’un navire, âmes doublées de sept cuirs de bœuf » La Barbarie antéhistorique revit dans ces types d’une humanité disparue, moitié monstres et moitié héros, dont la fureur est l’état normal. […] Mais dans les Sept Chefs, c’est la Nénie toute vive et toute haletante, à l’état d’explosion et d’effervescence, dardée du cœur comme un jet de sang d’une blessure, improvisée en face de deux corps fraîchement égorgés.

1690. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

* * * — Tous ces temps-ci, détente complète de l’activité physique et morale ; une somnolence qui irait à des nuits de dix-huit heures ; — dans l’éveil les yeux paresseux à voir, à observer ; — notre regard, sans notre pensée, feuilletant les livres et se traînant de l’un à l’autre ; — un grand effroi de faire moins que rien ; — la tête vide et pourtant lourde ; — le sang comme envahi par la lymphe ; — un lâche ennui ; — le remuement de la cervelle et du corps aussi durs pour nous que pour l’aï, qui passe une journée à se dérouler de son arbre ; — un état de l’âme sur lequel tout passe sans la secouer : les distractions, l’orgie, les grattements de vanité. — C’est la maladie qui vient aux activités retraitées, aux têtes qui restent trop longtemps à se reposer, à nous qui, depuis cinq mois, ne vivons pas dans une œuvre et pour une idée. […] » Et il s’approchait de l’élève pour le jeter dehors, mais, voyant le bambin se mettre en état de défense, on l’entendait s’écrier : « Madame Cerceau !

1691. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

L’école positiviste ne rejette pas ou ne peut pas rejeter la foi à ces vérités, car la foi est un état subjectif de l’âme, que l’on éprouve ou que l’on n’éprouve pas, et qui ne peut être l’objet ni d’une démonstration ni d’une réfutation. […] En un mot, il n’y a que deux états d’esprit qui donnent la certitude absolue : la foi et la science.

1692. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

. ; au dix-septiéme, les Universités & les études ; au dix-huitiéme, les Croisades & les Indulgences ; au dix-neuviéme, la juridiction essentielle à l’Eglise ; enfin au vingtiéme on trouve les réfléxions de l’auteur sur l’état des divers Ordres Religieux qui subsistoient au XIVme. siécle. […] Il a l’imagination vive, noble, élevée, & plus d’impartialité qu’on n’en devoit attendre d’un homme de son état.

1693. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Que m’importe à moi lecteur de savoir si Claude Frollo est fou ou non, si son vœu imprudent de chasteté a amené peu à peu à l’état d’idée fixe chez lui, jusqu’à obstruer son cerveau, l’obsession de la luxure ? […] Mais on les lit ailleurs qu’au ciel, en des endroits où l’on est moins en état de les contrôler et où du reste on ne demande pas mieux que de les croire sur parole.

1694. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Mais en passant à l’état de style et de poésie proprement dite, elles ont subi le plus souvent d’étranges violences.

1695. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

La révolution de 1830 a trouvé l’art en France à un certain état de développement qu’elle est venue du premier abord troubler et suspendre ; mais cette perturbation ne peut être que passagère : les destinées de l’art ne sont pas un accident qu’un autre accident supprime ; elles vont reprendre leur cours selon une pente nouvelle et se creuser un autre lit à travers la société plus magnifique et plus fertile.

1696. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Les uns analysent les passions, les caractères, les forces, les états de l’âme ; d’autres construisent les formes générales qui contiennent et classent l’infinie diversité des tempéraments individuels.

1697. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

— Je crois que l’humanité marche — quoique très lentement, avec des arrêts et des retours — vers un état meilleur où la justice sera moins incomplètement réalisée, la souffrance moindre, la vérité mieux connue, et, si vous le voulez, vers un idéal.

1698. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

C’est finalement l’obéissance docile de l’élite à la masse et, comme conséquence, ainsi que le dit Stuart Mill, la marche évidente et irrésistible vers un état “de similitude générale parmi les hommes ».

1699. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

La tactique ordinaire des réformateurs qui apparaissent dans l’état religieux que nous venons de décrire, et qu’on peut appeler « formalisme traditionnel », est d’opposer le « texte » des livres sacrés aux « traditions. » Le zèle religieux est toujours novateur, même quand il prétend être conservateur au plus haut degré.

1700. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

Elles constituent entre elles une hiérarchie et l’existence de cette hiérarchie de tendances suffit à créer un état de Bovarysme, dès que, sous l’influence de la notion imposée par le milieu, les termes en sont intervertis, dès que l’être humain, à l’instigation des images, donne le pas à des tendances plus faibles sur de plus fortes.

1701. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

A cet état de décomposition, pour ceux qui l’ont ainsi disséquée ou auxquels elle est présentée en ce morcellement, l’œuvre perd toute vertu d’opérer, toute influence émotionnelle ; elle est un mécanisme inefficace, une machine démontée, qui, examinée dans ses rouages, est nécessairement au repos, et par là même inconnue dans ce qui est sa raison d’être.

1702. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Prenez-le, de Montesquieu qui en fut le précurseur, et de Louis XVIII qui en fut le parrain et lui donna possession d’état par sa Charte, jusqu’à ce misérable moment où, mutilé dans son organisation même, éclopé par la République, il va, si on n’y remédie (et on a senti la nécessité d’y remédier !)

1703. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

II En effet, ceci, c’est mon métier, c’est de la critique littéraire… Dans ces deux volumes de Prévost-Paradol, intitulés : Essais de littérature et de politique, j’ai cherché vainement le soubassement nécessaire à tout livre de littérature et de critique un peu forte, je veux dire le symbole quelconque — religieux ou philosophique, s’il n’est pas religieux, — sur lequel doivent s’appuyer les œuvres intellectuelles des hommes, et je n’en ai trouvé aucun, même à l’état d’essai.

1704. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Les uns, par exemple, à la langue, que Villon a maniée en maître créateur, car il la créait en la maniant, cette langue qui n’était qu’à l’état de larve quand il écrivait ; les autres, à telle ou telle spéciale inspiration qui prend le cœur ou la pensée.

1705. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

III Cette vieille poétique, qui est probablement « la poétique de l’avenir », comme la raison philosophique de la Grèce doit être « la raison de l’avenir », cette vieille poétique n’est autre que la littérature des Grecs passée, après coup, à l’état de théorie, et qui a droit de retour et de despotisme si elle a l’absolu d’une vérité ; Or, pour M. 

1706. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Demandez plutôt à tous les peuples qui ont perdu le sens des choses de l’âme, et qui tiennent comme maintenant à l’état d’axiome que l’histoire d’une prospérité politique quelconque s’écrit comme un livre de commerce et s’établit par doit et avoir.

1707. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Elle ressemble à ces escaliers de l’Enfer, qu’on ne monte ni ne remonte jamais… Un écrivain de forte intelligence, qui se moque de tout, excepté des faits, Taine, que j’ai loué et que je suis prêt à louer encore, a écrit l’histoire de la Révolution, mais en la prenant par en bas, — dans la boue sanglante où elle s’est vautrée et où elle doit rester dans la mémoire des hommes, et cela fît, si l’on s’en souvient, un assez glorieux scandale… Les scélératesses et les canailleries révolutionnaires sont entassées dans le livre de Taine, à l’état compact, pour entrer, d’un seul coup, dans l’horreur des cœurs bien placés et des esprits bien faits.

1708. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Je vais vous lire encore… » « Votre état me touche (continuait-il en 1745), à mesure que je vois les productions de votre esprit si vrai, si naturel, si facile et quelquefois si sublime… » Et, en 1746, faisant toujours la boule de neige de ces incroyables éloges : « Je vais lire vos portraits, — lui mandait-il. — Si jamais je veux tracer celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas… » Ailleurs, à propos de cette détestable et ridicule déclamation, fausse comme les larmes d’un catafalque, sur la mort d’Hippolyte de Seytres, tué dans la campagne de Bohême, il avait déjà comparé Vauvenargues à… Bossuet !

1709. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

I Dans l’état présent des mœurs littéraires, — s’il y a encore des mœurs littéraires, — j’aime particulièrement les livres qui savent attendre l’heure de la Critique au lieu de la lui demander.

1710. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Voilà donc son bilan : elle fut incrédule, mais elle se moqua des philosophes et resta grande dame, ayant l’esprit de son état, quand toutes les grandes dames de son époque le perdaient, pour ne le retrouver que dix ans plus tard, — sur l’échafaud !

1711. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

En supposant que l’abbé Gorini n’eût pas été un prêtre, ayant l’esprit de son état, j’admettrais volontiers que ce milieu morne, désert, insalubre, dans lequel il fut obligé de vivre tout le temps qu’il fut l’humble curé de la Tranchère, l’aurait rejeté désespérément à la science pour l’arracher aux accablements de la solitude, mais de lui, je ne le crois pas.

1712. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Je vais vous lire encore… Votre état me touche (continuait-il en 1745), à mesure que je vois les productions de votre esprit si vrai, si naturel, si facile et quelquefois si sublime… » Et en 1746, faisant toujours la boule de neige de ces incroyables éloges : « Je vais lire vos portraits, lui mandait-il.

1713. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Rien donc de meilleur, rien de plus approprié à l’état des choses, que de reprendre l’âme de l’homme par la base et de le conduire jusqu’au faîte, de recommencer son éducation religieuse en revenant à ces éléments sacrés qu’il a oubliés ou méconnus.

1714. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

Les mœurs adoucies, restées longtemps féroces et insolentes (voir l’histoire de Vardes et de Bussy, pages 61 et 69), l’état moral, la corruption de la justice et celle des femmes, — qui n’ont rien d’ailleurs de commun avec la justice, — la désorganisation du clergé, telle que la plupart des prêtres ne savaient plus la formule de l’absolution et que saint Vincent de Paul raconte que, seulement à Saint-Germain, il a vu huit prêtres dire la messe de huit façons différentes, tous ces honteux et dégradants côtés du xviie  siècle sont arrachés ici aux solennelles draperies dont Bossuet, Voltaire et Cousin ont couvert successivement une époque qui n’a eu — ainsi que je l’ai dit plus haut — toute sa force et toute sa beauté que sous la toute-puissante compression de la main de Louis XIV, — de ce Louis XIV qui pouvait également dire : « L’État, c’est moi !

1715. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

On peut se demander qui est capable d’écrire un livre comme celui-là dans l’état présent du personnel de la littérature ?

1716. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

De là, en pensant aux hommes d’état qui ont agité les nations, une sorte de respect qui se joint quelquefois à la haine, et une admiration pénible, mêlée de plaisir et de crainte.

1717. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Et, les systèmes, on nous les présentait à l’état libre, à l’état sauvage, à l’état de véritable hostilité. […] On n’ignore pas ce que fut l’état du royaume à l’avènement de Louis XI. […] Il lui semble que la guerre est « l’état naturel » de la France. […] C’est que nous n’avons point d’état ; nous n’exerçons aucune profession ! […] Tout son effort, il le consacre à se garder en bel état pour les accueillir.

1718. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Je ne l’ai pas à l’état de petite vérole, je l’ai à l’état de vaccine : je n’en resterai pas gravé. […] Ces grands talents, sur tout sujet, ont besoin de changer haut et fort ; le vrai s’en accommode comme il peut. (1846) XLVI Ce qu’il y a surtout dans Lamartine, c’est le talent immense, l’instrument merveilleux et le besoin d’en jouer : jeune, à une heure sublime de mystère et d’amour, dans ses premières Méditations ; plus tard et déjà à l’état de sonate, dans les Harmonies ; et aujourd’hui, encore à l’état de sonate, dans la lice oratoire. […] Horace Walpole a dit : « La sottise est comme la petite vérole ; il faut que chacun l’ait une fois dans sa vie. » Bien, une fois ; mais qu’on ne l’ait pas toujours et à l’état fixe.

1719. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

En même temps que l’état de la société humaine, la forme de l’esprit humain a changé. […] Par malheur, il y portait, comme eux, les vices de son état et de son génie. […] Ses sensations étaient « celles d’un homme qui monte sur l’échafaud, toutes les fois qu’il mettait le pied dans le bureau ; pendant six mois il y vint tous les jours1187. » — « Dans cet état, dit-il, j’étais saisi par moments d’un tel accès de désespoir, que, seul dans ma chambre, je poussais des cris et maudissais l’heure de ma naissance, levant mes yeux au ciel, non pas en suppliant, mais avec un esprit infernal de haine envenimée et de reproche contre mon Créateur1188. » Le jour de l’examen approchait ; il espéra devenir fou pour s’y soustraire, et comme la raison tenait bon, il pensa même à se tuer. […] Mais il a donné à l’Écosse droit de cité dans la littérature ; j’entends à l’Écosse entière, paysages, monuments, maisons, chaumières, personnages de tout âge et de tout état, depuis le baron jusqu’au pêcheur, depuis l’avocat jusqu’au mendiant, depuis la dame jusqu’à la poissarde. […] Il n’y a que trois ou quatre événements en chacun de nous qui vaillent la peine d’être contés ; nos puissantes sensations méritent d’être montrées, parce qu’elles résument tout notre être, mais non les petits effets des petits ébranlements qui nous traversent et les oscillations imperceptibles de notre état quotidien.

1720. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Ainsi, deux écoles, dont l’une était sans discipline, et dont l’autre suivait une discipline fausse, Ronsard continué et Malherbe mal compris, tel était l’état de la poésie dans la première moitié du dix-septième siècle. […] Si les poètes de la première moitié du siècle étaient seuls responsables de l’état de la poésie, et seuls coupables de leurs propres mœurs, et si Boileau avait seul le mérite du grand art et de la belle conduite qu’il y opposa, il n’y aurait pas de termes pour le louer. […] Il s’imprimait des extraits d’auteurs où Molière figurait à côté de Scudéry et de Gomberville, et des livres portant ce titre : « Décret d’un cœur infidèle, suivi de l’état et de l’inventaire des meubles d’un cœur volage, et tordre de la distribution qui en fut faite. » Je ne conteste pas la maxime qu’il ne faut disputer ni des genres ni des goûts. […] On regrette qu’un esprit si viril, qui a enseigné l’art de travailler lentement, s’épuise à peindre un lutrin, à allumer poétiquement une chandelle, à parodier les plaintes de Didon dans le discours d’une perruquière délaissée, et les paroles d’or de Nestor dans la harangue de la Discorde aux amis du trésorier ; à décrire un combat à coup d’in-folio arrachés de la boutique de Barbin ; et l’on revient aux Satires, à l’Art poétique et aux Épîtres, « ces chefs-d’œuvre, dit Voltaire, de poésie autant que de raison175. » Dans une nation civilisée, où la poésie n’est point la forme naturelle et directe du discours, mais un art de convention difficile et savant, l’écrivain qui fait choix, pour s’exprimer, de la langue des vers, ne doit l’appliquer qu’à des pensées qui mettent l’esprit dans un haut état, et qui le disposent à entendre quelque chose d’exquis dans une langue inusitée. […] S’il s’impose le travail du poète pour dire précieusement des choses au-dessous de ce haut état, il fait ressembler la poésie à cet art qui donne à de viles matières le lustre de l’or, ou qui, par la richesse de l’enchâssement, simule des diamants avec des grains de verre.

1721. (1933) De mon temps…

On citait aussi de sa part des fantaisies singulières, ne fût-ce que celle de ces conférences sur des sujets érotiques, accompagnées de démonstrations physiques, que le romancier prononçait en petit comité, ayant pour tout vêtement un frac qui ne couvrait que la partie supérieure de sa personne, mais ces fanfaronnades et ces excès n’empêchaient pas Maupassant d’être un travailleur acharné et ponctuel, ainsi que le prouvait sa production incessante qu’activait encore l’abus des excitants qui eurent une si fâcheuse influence sur l’état d’une santé déjà menacée par une lourdes tares accidentelles. […] Une fois que je m’en entretenais avec Georges de Porto-Riche et que je faisais allusion à certains récits d’où l’on aurait pu tirer des indices sur l’état mental de Maupassant, et, en particulier, à la nouvelle intitulée Le Horla dont le fantastique hallucinatoire décelait un trouble avertisseur, Porto-Riche m’assura que Le Horla ne pouvait pas être la preuve de phénomènes morbides chez Maupassant, car c’était lui, Porto-Riche, qui avait donné à son ami le sujet de ce conte, et Maupassant s’était borné à en développer le thème accepté. […] Les choses restèrent en cet état jusqu’au jour où des démarches amicales y mirent fin. […] Paul Adam me parla plus d’une fois de ces écrits qui contenaient de grandes beautés, mais qui attestaient chez Poictevin un état d’exaltation et de tension spirituelles excessif. […] Déjà, à cette époque, cet ouvrage figurait rarement sur les catalogues, et l’exemplaire de Robert de Bonnières était en bel état.

1722. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Je n’examinerai point si la plupart d’entre eux n’étaient point intéressés par leur état à défendre cette opinion, ou déterminés à la suivre par une admiration trop souvent aveugle pour ce que les anciens ont pensé : il s’agit ici de raison et non pas d’autorité, et la question vaut bien la peine d’être examinée en elle-même. […] Sous prétexte que Jésus-Christ a dit qu’il faut toujours prier, quelques maîtres, et surtout ceux qui sont dans certains principes de rigorisme, voudraient que presque tout le temps destiné à l’étude se passât en méditations et en catéchismes ; comme si le travail et l’exactitude à remplir les devoirs de son état, n’étaient pas la prière la plus agréable à Dieu. […] En France, on sait peu de gré à quelqu’un de remplir les devoirs de son état ; on aime mieux qu’il soit frivole. Voilà ce que l’amour du bien public m’a inspiré de dire ici sur l’éducation, tant publique que privée : d’où il s’ensuit que l’éducation publique ne devrait être la ressource que des enfants dont les parents ne sont malheureusement pas en état de fournir à la dépense d’une éducation domestique. […] J’en dis autant de l’impropriété des tours : c’est aux gens de lettres à fixer la langue, parce que leur état est de l’étudier, de la comparer aux autres langues, et d’en faire l’usage le plus exact et le plus vrai dans leurs ouvrages.

1723. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Elle n’était certes pas ignorante à demi, la Foule, mais elle se l’avouait et cet aveu la constituait en état de perpétuelle réceptivité spirituelle : elle savait tout, de par la vertu sincère de son ignorance. […] que le développement d’un organe correspondant à son état morbifique43 ?  […] En aucun d’eux n’éclate ce génie dont parle Edgar Poe, « qui résulte d’une puissance mentale également répartie, disposée en un état de proportion absolue, de façon qu’aucune faculté n’ait de prédominance illégitime ». […] Mais où M. de Goncourt observe, avec une curiosité qui ne pense pas à conclure, un état et de réciproques influences du milieu social et de l’organisme physique, M.  […] » et de naïfs boulevardiers qui par état patronnent un romancier comme ils accréditent un confiseur, M. 

1724. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Son père, qui, outre son état, avait la charge de valet-de-chambre-tapissier du roi, destinait son fils à lui succéder, et le jeune Poquelin, mis de bonne heure en apprentissage dans la boutique, ne savait guère à quatorze ans que lire, écrire, compter, enfin les éléments utiles à sa profession. […] Cela l’engagea à lui dire : Mon pauvre monsieur Molière, vous voilà dans un pitoyable état. […] Pour moi, lui dit-il, je vous avoue que si j’étois assez malheureux pour me trouver en pareil état, et que je fusse persuadé que la même personne accordât des faveurs à d’autres, j’aurois tant de mépris pour elle, qu’il me guériroit infailliblement de ma passion. […] Or, supposez une nature très-lyrique, c’est-à-dire un peu singulière, exceptionnelle, chez laquelle les éléments de l’âme humaine fortement combinés ne sont pas dans les mêmes proportions que chez le commun des hommes ; chez laquelle, par exemple, l’imagination est double ou triple, la raison moindre, inégale, la logique opiniâtre et subtile, la sensibilité violente, ne se produisant jamais qu’à l’état héroïque de passion sans remplir doucement les intervalles.

1725. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Ce sujet même de la querelle des anciens et des modernes, dès le premier moment où il s’est produit à l’état de question et où il est devenu un fait d’histoire littéraire, veut être exactement circonscrit.

1726. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Deplace avait un sens droit, une instruction ecclésiastique et théologique fort étendue ; il savait avec précision l’état des esprits et des opinions en France sur ces matières ardentes ; il pouvait donner de bons renseignements à l’éloquent étranger, et tempérer sa fougue là où elle aurait trop choqué, même les amis : motos componere fluctus.

1727. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Mais pour réduire l’homme à cet état, il faut le tourmenter sans cesse ; car tendant toujours à y échapper par la force même de la nature, pour arrêter cette tendance, il faut le précipiter par la douleur dans l’abrutissement.

1728. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Exposer son sujet, c’est-à-dire indiquer le temps, le lieu, toutes les circonstances particulières, présenter les personnages, marquer les caractères, annoncer l’action qui va mettre aux prises ces personnages et ces caractères, en rappelant tous les événements antérieurs qu’il est nécessaire de connaître pour comprendre ce qui va se passer ensuite ; développer le sujet, c’est-à-dire montrer le jeu des caractères, l’évolution des idées et des sentiments, la série des faits qui résultent des états d’âme et qui les modifient aussi, faire agir en un mot et souffrir les personnages, dénouer enfin le sujet, c’est-à-dire pousser l’action et les caractères vers un but où l’une s’achève et les autres se complètent, de telle sorte que le lecteur n’ait plus rien à désirer et que toutes les promesses du début soient remplies, voilà la formule classique de l’œuvre dramatique, qui s’adapte merveilleusement aux conditions des brèves narrations.

1729. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

On aurait pu dire de son livre ce qu’on dit un jour de l’affreux Richard Cœur-de-Lion : « Prenez garde à vous, le diable est déchaîné » … Le livre des Blasphèmes est la conséquence très simple de l’état général des esprits.

1730. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Renard précise les petits états d’âme de ce gosse par une foule d’aventures ingénieuses et naturelles qui ont les chapitres du volume.

1731. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

L’atrocité particulière du supplice de la croix était qu’on pouvait vivre trois et quatre jours dans cet horrible état sur l’escabeau de douleur 1188.

1732. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Tandis que, chez nous, quelles nuances, quels degrés de l’un à l’autre des états. » Il ne soupçonne jamais que, s’il distingue les différences ici et non ailleurs, c’est qu’ici il connaît et ailleurs il ignore.

1733. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Ceux qui sçavent le mieux la musique et l’histoire de notre musique, que j’ai toujours consultez avant que de rien mettre sur le papier, m’ont assuré que l’état de notre musique étoit, il y a six vingt ans, tel que je le décris.

1734. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Alexandre, César, ce roi philosophe dont je viens de vous parler, tous d’aussi bonne maison que ces messieurs, et à ce que je crois, un peu plus grands hommes, seraient d’un autre avis, plus juste et plus flatteur pour celui dont je parle ; et le public, plus fort que tous les gens à la mode, le dédommagera, par son suffrage, de ceux qu’il n’aurait pas le bonheur d’obtenir : ce public, un peu dur quelquefois, mais toujours respectable, prendrait la liberté de dire à ses frivoles censeurs : Rien n’est si ridicule que de vouloir attacher du ridicule aux talents, et de paraître dédaigner ce qu’on n’est pas en état de faire.

1735. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Cette âme, cette spontanée est passée à l’état de chose académique.

1736. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Il oublie que la conversation est un genre de génie tout individuel, intransmissible, incommunicable, qui peut jeter sa flamme dans le monde comme elle peut la jeter partout ailleurs ; mais qu’elle ne tient à aucune atmosphère, qu’elle n’est ni une routine, ni une éducation, ni un procédé, et que quand elle devient une manière d’être générale elle n’est plus qu’une médaille effacée, tombée à l’état de monnaie qu’on se passe de main en main et que chaque main efface un peu plus !

1737. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Il n’y a aucune analogie entre notre état actuel et ces règles.

1738. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

Un tel résultat, dans l’état présent des connaissances historiques, ne se discute plus, tant il est visible, mais il peut s’éclairer encore.

1739. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

., etc. », il écrit avec aplomb que le prêtre « peut garder les petites facultés d’intrigue et de manège, mais les grandes facultés viriles, surtout l’invention, ne se développent jamais dans cet état maladif… Depuis cent cinquante ans surtout, il s’est énervé et n’a plus rien produit ».

1740. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Et non seulement ces Lavatériens de l’Histoire s’étaient servis des portraits d’une époque pour en connaître mieux les hommes, mais ils s’étaient emparés de tous les produits d’art laissés par les sociétés derrière elles pour expliquer l’état moral de ces sociétés.

1741. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Publiée immédiatement après nos défaites, l’étude sur Gœthe fut regardée par les journaux allemands de ce temps-là comme une vengeance tardive de vaincu ; mais les opinions qui y étaient exprimées n’étaient pas de la veille à l’état fixe dans la tête de l’auteur, et pas n’était besoin de la guerre pour les en faire sortir.

1742. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Lorsque le duc de Luynes, qui rapporte tout cela très correctement, avec la répétition d’une exactitude infatigable, lorsque le duc de Luynes écrivait de telles choses, il pouvait, en sa qualité de grand seigneur, parfaitement myope et naturellement fat, qui croyait la monarchie éternelle, se dire qu’il faisait là l’éducation de ses enfants, et qu’ils trouveraient dans ces récits paternels du goût, du parfum et de l’instruction, — l’instruction de ce singulier état de grand seigneur, tel qu’on l’entendait à Versailles, — et qu’ainsi, cela pouvait être utile, mais à présent et pour nous, à quoi cela est-il bon ?

1743. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Et nous autres critiques, obligés d’avaler les premiers, pour les déguster, de telles choses, nous qui, par état, sommes exposés à cette torture d’eau, — la pire des tortures, disait la Brinvilliers, n’avons-nous pas le droit d’élever des digues contre de pareilles inondations ?

1744. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Chez lui, le fantastique demeure à l’état subjectif et vague, et par là, sans qu’il le sût, la notion s’en trouve altérée ; car le fantastique doit être objectif, solide, vivant, réel enfin de sa surhumaine réalité !

1745. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

c’est la substance grise de l’encéphale tombant à l’état de détritus ! 

1746. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Caro, le professeur de philosophie, ne puisse se risquer à faire l’éloge de toutes les grandes philosophies qui s’en viennent scandaleusement d’au-delà du Rhin, et profite de l’occasion, quand elle lui est offerte, de louer les petites, qui ne sauraient le compromettre, et seulement pour rappeler qu’il est de l’état.

1747. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

dans l’état présent des compositions sur La Fontaine, les dessins d’Oudry, pour illustrer une édition de ses œuvres, étaient encore ce qu’il y avait de mieux.

1748. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

C’est le rêve, plat et borné, qui traduit exactement l’état actuel de la cervelle humaine.

1749. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

« Si ce n’est qu’impossible, cela se fera », la part de la physiologie dans le roman, cette part dont nous parlions au commencement de ce chapitre, demandera toujours, en tout état de cause, au romancier qui voudra la faire, une grande réserve, une prudence profonde, et en sûreté de lui-même, ce que je nomme la souveraineté de la main.

1750. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Rosette, la concubine d’Antoine Quérard, reste donc sa concubine, mais, comme elle aime Paul et qu’elle le lui a dit, elle se dégrade de plus en plus, et, dès cette heure, elle passe à l’état de bovarisme absolu.

1751. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Ces protestants, quand nous voyons leurs temples qui nous glacent et leurs prêches, toujours sur la morale, nous semblent des esprits calmes et modérés, raisonneurs au point qu’à les comparer avec les héros catholiques dont nous avons décrit les états de conscience violents et l’ivresse joyeuse, nous songions d’abord à parler de leur philosophie plutôt que de leur religion ; mais apprenons à mieux les connaître par l’amitié et l’admiration que nous inspirent de tels actes et de tels cris sublimes.‌

1752. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

L’homme, dans cet état, ressemble à un enfant timide, qui n’ose faire un pas sans les lisières qui le soutiennent.

1753. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

L’homme, dans cet état, fut condamné à l’ignorance et à la barbarie ; il devint sauvage comme le globe qu’il habitait.

1754. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Puisque la guerre durera autant que les intérêts et les passions humaines ; puisque les peuples seront toujours entre eux dans cet état sauvage de nature, où la force ne reconnaît d’autre justice que le meurtre, il importe à tous les gouvernements d’honorer la valeur.

1755. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Leur unique état est d’en parler ; et comme ils y pensent sans cesse et ne pensent pas à autre chose, qu’ils lisent tout ce qui s’en écrit, qu’ils écoutent tout ce qui s’en dit, qu’ils n’ont d’autre sujet de conversation et de discours et parlant d’autre langue, ils y acquièrent une facilité, une abondance de paroles, qui les mettent en crédit dans notre pauvre pays si amoureux de paroles, et persuadent à ceux qui consacrent toutes leurs facultés et tout leur temps à leur état, qu’il y a là une science qu’ils ignorent et une supériorité qu’ils doivent reconnaître. […] Quand j’entrai à la Chambre des députés, j’y trouvai à l’état de tradition établie l’opinion que M.  […] Un jour, que revenant au Palais, il passait devant les Halles, il avise des « oies jaunes laissant tomber leurs cous mélancoliques le long des états ». […] Nul état, nous dit-on, en soi ne déshonore, Et puisque pour office, on me fait « balayer « Ce ruisseau, le bon goût », nettoyer ses eaux pures De ce que le mauvais y vient jeter d’ordures. […] Il y avait au rez-de-chaussée de la maison que nous habitions, un petit marchand, que je savais mal disposé pour l’Empire par le mauvais état de ses affaires et par la lecture quotidienne des journaux à un sou.

1756. (1913) Poètes et critiques

Au début de l’année 1833, il revenait à l’hôpital, très gravement atteint, et il y demeurait, dans le plus lamentable état, pendant deux mois entiers. […] Il empruntait les cadres, en effet, mais, pour se mettre seulement en état de les bien remplir, il s’y prenait d’une façon toute nouvelle. […] C’est donc du seul examen de leurs idées sur les ouvrages de l’esprit, sur la vie humaine, sur l’état social, sur la question religieuse, qu’il a fallu faire jaillir tout l’intérêt des pages consacrées à nous expliquer ce qu’ils pensent. […] Ces suppressions ont réduit à vingt le nombre des pièces : dans son premier état, le cahier devait en comprendre au moins vingt-deux. […] Émile Blémont, un des vrais amis de Verlaine, un des hommes les plus en état de nous fournir sur lui de sûres indications.

1757. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Point de satire générale ici, ni de satire particulière non plus, qui mette en scène un « état » ou une « condition » ; point de Ganaches ni de Faux Bonshommes, point d’Effrontés ni de Vieux Garçons. […] Un avare n’est avare qu’autant qu’il tient, comme l’a bien vu Molière, un certain état dans le monde, qu’autant qu’il est « à l’aise », comme nous disons, et qu’il jouit déjà de quelque superflu. […] Vous les… désarticulez alors, vous les désossez, vous les réduisez à l’état de fantoches, de mannequins, de poupées, ou de chiffons aptes à recevoir toutes les formes qu’il vous plaira de leur donner. […] Mais ce qui est vrai du physique l’est encore bien plus du moral, où ce ne sont pas, Messieurs, cinq ou six traits seulement, mais une infinité de traits qui s’entrecroisent « en mille manières différentes », comme dit La Bruyère, et qui forment ainsi tout autant de combinaisons nouvelles, — et de complétions, et d’états, et de conditions. […] Je ne la mis dans cet état qu’après l’avoir embrassée mille fois avec toute l’ardeur du plus parfait amour.

1758. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il voit le mal, il voit la souffrance, il s’insurge contre les injustices et les gênes de l’état social (le Joug) ; mais il ne désespère point de l’avenir et il attend la cité définitive des jours meilleurs (Dans la rue, la Parole). […] Je n’admets pas que tant d’êtres aient été sacrifiés pour me faire parvenir à l’état d’excellence où je suis. […] Tandis que les philosophes en prose ne nous donnent que les résultats de leur méditation, le poète nous fait assister à son effort, à son angoisse, nous fait suivre cette odyssée intérieure où chaque découverte partielle de la pensée a son écho dans le cœur et y fait naître une inquiétude, une terreur, une colère, un espoir, une joie ; où à chaque état successif du cerveau correspond un état sentimental : l’homme est ainsi tout entier, avec sa tête et avec ses entrailles, dans cette recherche méthodique et passionnée. […] Or l’état de sa mère allait en s’aggravant. […] Cela nous avertit qu’il ne s’agit pas précisément d’un système philosophique, d’une théorie de l’univers et de la vie, mais plutôt d’un état intellectuel et sentimental.

1759. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Souvenez-vous en quel état Louis de Bourbon entre au combat !  […] L’état de révolutionnaire était rude, au temps des vieilles barbes. […] Ce sont des antidotes contre des « états d’âme » ou contre des caractères organiques que nous considérions jusqu’ici comme les signes et comme les conditions de la santé. […] Si notre état est vraiment conforme à ce diagnostic, nous devons nous résigner à la paralysie générale. […] L’état lamentable de ce pays dévasté n’a pas découragé Loti.

1760. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

L’un compose des créatures à l’état neuf et virginal, — Adam et Eve ; — mais l’autre secoue des haillons devant nos yeux et nous raconte les souffrances humaines. […] Ce qui prouve bien l’état pitoyable de la sculpture, c’est que M.  […] Les singes sont les républicains de l’art, et l’état actuel de la peinture est le résultat d’une liberté anarchique qui glorifie l’individu, quelque faible qu’il soit, au détriment des associations, c’est-à-dire des écoles. […] Qu’était-ce que cette grande tradition, si ce n’est l’idéalisation ordinaire et accoutumée de la vie ancienne ; vie robuste et guerrière, état de défensive de chaque individu qui lui donnait l’habitude des mouvements sérieux, des attitudes majestueuses ou violentes. […] N’est-ce pas une chose nécessaire à toute comédie qui veut être gaie, et n’est-ce pas là un personnage passé à l’état de marquis ?

1761. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Comment oser la porter en cet état ? […] Permets, ma chère Eugénie, que je n’en dise pas davantage jusqu’à ce qu’il se soit un peu débrouillé et que je sois rentrée dans mon état ordinaire, supposé que j’y puisse rentrer. » En extrayant ces simples paroles, je ne puis m’empêcher de remarquer que je les emprunte précisément à l’exemplaire des Lettres Neuchâteloises qui a appartenu à Mme de Montolieu, et je songe au contraste de ce ton parfaitement uni et réel avec le genre romanesque, d’ailleurs fort touchant, de Caroline de Lichtfield. […] Elle s’appliquait tout bas ce qu’elle a rendu avec un accent pénétré, éloquent, en cet endroit des lettres de sa Constance : « …..Mme de Horst (quelque dame d’Osnabruck) y était (dans la compagnie) ; elle se plaignit de son état, de son ennui. — Et moi, suis-je sur des roses ?

1762. (1813) Réflexions sur le suicide

Quand ils sont en état d’irritation, ils maudissent le destin, comme les enfants battent la table contre laquelle ils se heurtent ; et quand ils sont satisfaits des événements de la vie, ils se les attribuent tout entiers, et se complaisant dans les moyens qu’ils ont employés pour les diriger, ils considèrent ces moyens comme l’unique source de leur félicité. […] Tantale est une assez juste image de l’âme dans cet état. […] L’on dirait qu’il a considéré les torts des passions comme des maladies de l’âme et non comme son état habituel, et qu’il s’est toujours plus appliqué à l’esprit général de la morale qu’aux préceptes qui peuvent dépendre des circonstances.

1763. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

En ce temps-là, il faut à un grand un grand état de maison ; son cortège et son décor font partie de sa personne il se manque à lui-même s’il ne les a pas aussi amples et aussi beaux qu’il le peut ; il serait choqué d’un vide dans sa maison comme nous d’un trou dans notre habit. […] En moyenne, ses déplacements exigent par an un demi-million et davantage162  Pour achever de concevoir ce prodigieux attirail, songez que « des artisans et marchands de tous les corps d’état sont obligés, par leur privilège, de suivre la cour » dans ses voyages, afin de la fournir sur place : « apothicaires, armuriers, arquebusiers, bonnetiers-vendeurs de bas de soie et de laine, bouchers, boulangers, brodeurs, cabaretiers, carreleurs de souliers, ceinturiers, chandeliers, chapeliers, charcutiers, chirurgiens, cordonniers, corroyeurs-baudroyeurs, cuisiniers, découpeurs-égratigneurs, doreurs et graveurs, éperonniers, épiciers-confituriers, fourbisseurs, fripiers, gantiers-parfumeurs, horlogers, libraires, lingers, marchands-vendeurs de vin en gros et en détail, menuisiers, merciers-joailliers-grossiers, orfèvres, parcheminiers, passementiers, poulaillers-rôtisseurs et poissonniers, proviseurs de foin, paille et avoine, quincailliers, selliers, tailleurs, vendeurs de pain d’épice et d’amidon, verduriers-fruitiers, verriers et violons163 ». […] D’ailleurs la règle est que, lorsqu’ils se retirent, le roi leur fait une pension de 20 000 livres et donne 200 000 francs de dot à leur fille  Ce n’est pas trop pour leur train. « Ils sont obligés de tenir un si grand état de maison, qu’ils ne peuvent guère s’enrichir dans leur place ; ils ont tous table ouverte à Paris au moins trois fois par semaine, et à Versailles, à Fontainebleau, table ouverte tous les jours205. » M. de Lamoignon étant nommé chancelier avec 100 000 livres d’appointements, on juge tout de suite qu’il se ruinera206 ; « car il a pris tous les officiers de cuisine de M. d’Aguesseau, dont la table seule allait à 80 000 livres.

1764. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Il comprit tout de suite que ce n’était plus le temps des affaires, mais des violences, dans sa patrie ; que ses opinions constitutionnelles et novatrices, son amitié avec Mirabeau, ne rachèteraient pas, aux yeux des girondins embarrassés de leur victoire, des jacobins exaltés, des cordeliers sanguinaires, les torts de sa naissance, de son état, de ses mœurs aristocratiques, de ses talents incriminés. […] Il met un obstacle invincible à l’unité de l’Allemagne, qui serait la décadence ou l’état de guerre perpétuel de la France pour son propre sol. […] Soit ressouvenir de son premier état, soit regret du scandale qu’il avait donné aux hommes religieux en sortant du sanctuaire, quoique affranchi de ses liens sacerdotaux par le souverain pontife, soit désir de laisser une mémoire en paix avec tout le monde, il négociait secrètement, depuis quelques années, une réconciliation consciencieuse ou politique avec l’Église, par l’intermédiaire de l’archevêque de Paris : il voulait une sépulture chrétienne en terre chrétienne.

1765. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Le temps peut-être lui a fait une partie de ces outrages ; mais il semble assez probable aussi que c’est l’auteur lui-même qui a laissé son œuvre dans ce fâcheux état. […] Platon a vingt fois répété que, pour bien connaître la véritable nature de l’âme, « on ne doit pas la considérer dans l’état de dégradation où la mettent son union avec le corps et d’autres maux ; et qu’il faut la contempler attentivement, des yeux de l’esprit, telle qu’elle est en elle-même, dégagée de tout ce qui lui est étranger ». […] La plupart des ouvrages aristotéliques ne nous sont arrivés que dans un état de désordre et de mutilation qui permet rarement d’en juger l’ensemble.

1766. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

C’est comme si l’on observait d’abord, à l’état d’humbles herbes et de fougères, ce qui sera plus tard de grands arbres et l’honneur de nos parcs et de nos forêts. […] Il m’écrivait un jour, pour me définir son triste état, que je ne savais pas si grave et si désespéré : « C’est la situation d’Augustin Thierry, à la gloire près.

1767. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Le caractère propre de l’idylle consiste à représenter l’homme dans un état de calme champêtre, d’innocence et de simplicité, où il jouisse librement de tout le bonheur naturel. […] Mais la difliculté d’une double langue en ce pays, et aussi la sévérité des habitudes catholiques, dans lesquelles l’amour humain chez le prêtre n’a point d’expression permise, n’ont pas laissé naître et grandir jusqu’à l’état de littérature ces instincts poétiques étouffés des pauvres clercs.

1768. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Cette impassibilité qu’on ne saurait nier, on voudrait savoir si elle est bien l’état naturel de l’âme de l’artiste. […] Il y a une volupté dans cet état d’insurrection, d’autant plus que le sens critique, véritable esprit du diable, ouvre un domaine spacieux et nouveau à l’imagination plastique et, en même temps que la joie de la révolte, nous donne celle de reconstruire et de contempler avec des yeux d’artiste l’immense tragédie humaine.

1769. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Il faut un état libre, il faut une « société », il faut une aristocratie, il faut un chef. […] On cherche à savoir la couleur de leurs opinions, de leur religion et on songe à leur état de fortune.

1770. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Le caractère de Montaigne, tel que nous le montrent les Essais, est celui d’un homme nonchalant par humeur, non moins que par la faveur d’une condition qui lui permettait le repos ; irrésolu, tantôt par l’effet des lumières, qui font voir autant de raisons pour s’abstenir que pour agir, tantôt par la fatigue de délibérer, détestant l’embarras des affaires domestiques, et préférant l’inconvénient d’être volé à l’ennui de veiller sur son bien ; ennemi de toute contrainte, jusqu’à regarder comme un gain d’être détaché de certaines personnes par leur ingratitude ; ne donnant prise sur lui à rien ni à personne, ne se mettant au travail qu’alléché par quelque plaisir simple, naïf, vrai avec lui-même et avec les autres ; ayant le droit de parler de sa facilité, de sa foi, de sa conscience, de sa haine pour la dissimulation, dans un temps où toutes ces qualités étaient autant de périls142 ; « ouvert, dit-il, jusqu’à décliner vers l’indiscrétion et l’incivilité » ; délicat à l’observation de ses promesses jusqu’à la superstition, et pour cela prenant soin de les faire en tous sujets incertaines et conditionnelles143 ; franc avec les grands, doux avec les petits ; le même homme que le besoin d’ouverture pouvait rendre incivil ; poussant la civilité jusqu’à être prodigue de bonnetades 144, notamment en été, dit-il, sans doute parce qu’on risque moins en cette saison de s’enrhumer en général, ayant les vertus de l’honnête homme, et sachant, en un cas pressant, en montrer ce qu’il en fallait, mais n’en cherchant pas l’occasion un mélange de naïveté et de finesse, d’ouverture et de prudence, de franchise et de souplesse ; modérant ses vertus comme d’autres modèrent leurs vices ; mettant pour frein à chacune ce grand amour de soi, dont il ne se cache pas et qui formait son état habituel ; enfin, s’il fut vain, ne l’étant guère moins de ses défauts que de ses qualités. […] Quatre ans après, aux états de Blois, il jouait, selon de Thou, le rôle de négociateur secret.

1771. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Le poète parle en son nom de tout ce qui l’a touché, peines, plaisirs, espérances, regrets, impressions des grands événements et des beautés de la nature, amour, enthousiasme, tentations du doute, rêveries, désenchantements, tout ce qui a passé par l’âme de René, René, le type de la poésie personnelle, l’aîné de cette noble famille qui le continue, non par imitation, mais parce que sa mélancolie est l’état des âmes d’élite au dix-neuvième siècle. […] Il aime les petits, non pour en faire les grands dans un état social imaginaire, mais pour les avoir vus de près, dévoués et contents, remplissant, à la place où Dieu les a mis, le beau rôle qui leur a été donné de soutiens, de défenseurs, de nourriciers des sociétés humaines.

1772. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Il notait ses états d’âme, et comme le chasseur à la passée il guettait la sensation rare. […] Et quand un échange entre les deux classes a lieu, de telle sorte que les familles et les individus moins affinés, moins intelligents, sont transplantés de la classe supérieure dans la classe inférieure et que, d’un autre côté, les hommes les plus libres de celle-ci obtiennent l’accès de la classe supérieure, on arrive à cet état au-delà duquel on ne voit plus que la vaste mer des désirs infinis.

1773. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Alors seulement commença pour le latin cet état de fixité qui dura jusqu’à sa mort définitive, après la longue traversée du moyen âge : il y a beaucoup moins loin de Prudence à Adam de Saint-Victor que de Plaute à Prudence. […] Si on la considère à des moments distants d’un demi-siècle, on trouve toujours que le dernier moment est en état de transformation, ou, puisqu’on pose le mot en principe, de déformation ; comparée au moment précédent, la période ultime semble bien plus bouillonnante, bien plus désordonnée.

1774. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Je rencontre un de mes vieux amis d’enfance dans un état, dans un équipage abominable, enfin suant la misère, et je lui dis : — Comment te trouves-tu dans un état pareil ?

1775. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Assurément, dans tout état de cause et dans tout autre moment nous n’aurions pas demandé à Villemain de la critique. […] Singulier essai, par un homme qui devait savoir par état la valeur des termes qu’il employait, et dont le talent n’était pas d’ailleurs à l’âge timide où l’on essaye !

1776. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

La Revue critique des Idées et des Livres était rédigée par une trentaine de jeunes écrivains, qui ne se fussent pas contentés que la vérité les envahît à l’état de sentiment. […] Il semble que notre vocabulaire formé sur les coteaux modérés de la vie et approprié à nos occupations quotidiennes manque de termes pour nommer ces états extraordinaires et solennels.

1777. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

L’esprit français, à l’état d’archétype comme dans Platon, est censé présider en personne à cette Histoire ; selon qu’il se reconnaît plus ou moins dans tel ou tel écrivain qui passe, il l’approuve ou le condamne, il l’élève ou le rabaisse.

1778. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

En décrivant cet état moral à la fois ému et apaisé, ce sentiment de délicieuse convalescence, et en osant ainsi proposer son âme pour exemple en réponse aux questions de son amie, il ne fait, dit-il, que lui rendre le fruit de ses soins et lui montrer son propre ouvrage.

1779. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

J’ai une méthode pourtant, et quoiqu’elle n’ait point préexisté et ne se soit point produite d’abord l’état de théorie, elle s’est formée chez moi de la pratique même, et une longue suite d’applications n’a fait que la confirmer à mes yeux.

1780. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Était-ce possible dans l’état d’esprit de Farinée, dans l’état de la France et de l’Europe ?

1781. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il a été frappé, avant tout, de l’état d’indifférence en matière de religion, de la tiédeur égoïste et de la corruption matérielle de la société ; tout son effort a tendu à rendre la vie et le souffle à ce qu’il voyait comme un cadavre.

1782. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Cette tristesse du ciel et de l’horizon, cette piété du poëte réduite à la famille, est un attrait, une convenance, une vérité de plus, en nos jours de ruine, au milieu d’une société dissoute, qui se trouve provisoirement retombée à l’état élémentaire de famille, à défaut de patrie et de Dieu.

1783. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

L’Auvergne, ce pays de montagnes où la féodalité était comme retranchée, nous représente en abrégé et dans un échantillon plus marquant l’état d’une grande partie de la France, au sortir des guerres civiles ; il fallut, pour asseoir bien incomplétement encore l’ordre administratif, que la souveraineté toute-puissante de Louis XIV passât là-dessus avec vigueur et rasât bien des châteaux.

1784. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Dans son morceau sur l’influence méridionale, sur la sonorité harmonieuse et un peu vaine de la langue et de la mélopée des troubadours, dans les hautes questions qu’il a posées sur les conditions d’une véritable et vivante épopée, dans sa définition brillante et presque flatteuse du peintre exclusif et du coloriste, il s’est montré un juge supérieur jusqu’au sein du panégyrique, et en même temps la plus religieuse amitié n’a pas eu un moment à se plaindre ; car s’il a eu le soin de maintenir et comme de suspendre ses critiques à l’état de théorie, il a mis le nom à chacun de ses éloges.

1785. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Si le saint-simonisme s’était maintenu plus longtemps à cet état vague de petite église, si le jeune Bucheille lui-même avait plus vécu, il est possible qu’il eût essayé d’en consacrer l’esprit et la couleur.

1786. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Troplong, ne possède aucun ouvrage qui renferme, sur l’état politique des Romains, les lumières qu’Aristote nous a données sur la république de Sparte, et Xénophon sur la république d’Athènes.

1787. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Pour que l’état politique et philosophique d’un pays réponde à l’intention de la nature, il faut que le lot de la médiocrité, dans ce pays, soit le meilleur de tous ; les hommes supérieurs, dans tous les genres, doivent être des hommes consacrés et sacrifiés même au bien général de l’espèce humaine.

1788. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Tout le plaisir que l’on trouve au spectacle tragique dépend de la fréquence de ces petits moments d’illusion, et de l’état d’émotion où, dans leurs intervalles, ils laissent l’âme du spectateur.

1789. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Cet état permanent des choses s’est peint dans les lettres d’une façon permanente.

1790. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Sans pain, sans feu, de la paille pour lit, entre une femme qui gémit, une nourrice qui veut ses gages, et un propriétaire qui réclame son loyer, voilà en quel état se présente à nous le triste Rutebeuf, qui trouve pourtant moyen de rire.

1791. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

L’Angleterre s’est francisée autant qu’elle pouvait l’être : cela la met en état de nous rendre l’équivalent de ce que nous lui avons prêté.

1792. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

A peine quelques vues sur le Père, le Fils, l’Esprit 845, dont on tirera plus tard la Trinité et l’Incarnation, mais qui restaient encore à l’état d’images indéterminées.

1793. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Le Dithyrambe était l’ode en état d’ivresse, le chant de vertige exhalé des outres crevées de Bacchus, la voix sortie du vin bouillonnant dans les veines et l’esprit de l’homme. — « C’est quand le vin a frappé mon âme de ses foudres et de ses éclairs, que je vais entonner le noble chant du roi Dionysos », — dit un fragment d’Archiloque. — Épicharme s’écriait dans son Philoctète : « Il n’y a pas de dithyrambe possible si on a bu de l’eau. » — Le désordre était la règle de ce lyrisme à outrance, il jetait des cris et des flammes.

1794. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Tous ses lugubres personnages reviennent dans la Trilogie d’Eschyle, à l’état de Mânes ; son atmosphère est saturée de leurs souffles, Cassandre et le Chœur ne cessent de les évoquer ; leurs haines posthumes attisent les haines vivantes de leurs descendants.

1795. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Ses jugements, si exquis à l’origine, sont difficiles à saisir dans leur conclusion ; il les faudrait surprendre comme au vol, à l’état d’épigrammes charmantes, ou les dégager soi-même des riches sinuosités où il les déploie.

1796. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

* * * — L’humanité a tout trouvé à l’état sauvage : les animaux, les fruits, l’amour.

1797. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Faire la critique de ces passages caractéristiques, c’est évidemment être encore de compagnie avec le génie qu’il s’agit de comprendre, c’est employer la méthode des physiologistes modernes qui étudient les fonctions organiques dans leurs perturbations afin de les mieux reconstituer à l’état normal.

1798. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Aujourd’hui que les grands fondateurs et organisateurs de cette philosophie ont disparu, que de nombreuses écoles se sont élevées en dehors d’elle, que l’opinion est partagée à son égard, il n’est pas sans opportunité de s’interroger sur son état présent et sa destinée dans l’avenir.

1799. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

En effet, l’ambition dans nos états modernes n’est guère que de l’avarice.

1800. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Pourquoi donc cet étonnement, ces marques de sensibilité et tous ces signes caractéristiques de la connaissance de l’état qui a précédé et du bienfait rendu, que les peintres ne manquent jamais de donner à leur ressuscité ?

1801. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Il paroît donc en lisant un passage de Quintilien, que pour venir à bout de mesurer, pour ainsi dire, l’action, et pour mettre en état celui qui faisoit les gestes, de suivre celui qui recitoit, on avoit imaginé une regle, qui étoit que trois mots valussent un geste.

1802. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Il demande à la géologie des résultats que, dans son état actuel, cette romanesque investigatrice est dans l’impuissance de donner.

1803. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Nous ne passons pas notre temps à foudroyer des tourterelles ; seulement il nous est impossible d’admettre, et nous vous défions de la supposer, l’innocence ou la moralité de ces comédies de société où le comédien est mandé pour apprendre le rôle à monsieur, et la comédienne pour l’apprendre à madame et à mademoiselle, et où, dans le laisser-aller de la coulisse, les professeurs peuvent faire échange de fonction et intervertir leur personnage avec la souplesse de leur art et les habitudes de leur état !

1804. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Le remède que l’auteur du Code nouveau emploie contre ce mal du duel, qu’il étudie dans ses développements historiques et dans son état actuel, est aussi général que le mal lui-même.

1805. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

Elle est vis-à-vis de l’autre en état d’infériorité pour la guerre.

1806. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

il voulait conserver l’état politique de son temps, parce qu’il voulait se conserver lui-même.

1807. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

, devenu vieux et passé à l’état d’idole japonaise du salon-chapelle de Mme Récamier, faisait confidence de ses Mémoires d’outre-tombe à quelques adorateurs, à la condition qu’ils feraient beaucoup d’indiscrétions.

1808. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

De son vivant, Montesquieu recouvrait son tuf d’une dignité extérieure due à la gravité de son état et à la beauté d’un talent formidable et grand.

1809. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Le mysticisme, cet état si spécialement élevé dans la croyance religieuse et ses surnaturelles illuminations, est tout ce qui doit faire le plus horreur, si ce n’est mépris, à la raison définitive de messieurs les hommes.

1810. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Au lieu du regard du xviiie  siècle, trop passionné par l’enthousiasme quand il n’était pas raccourci ou brouillé par la prévention, n’appartenait-il pas au xixe de porter le sien sur Rome, — le sien, désenchanté par les copies qu’on avait faites d’un état de choses dont on ne voyait pas les véritables rapports avec notre état de société ?

1811. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Savant, renseigné, déjà rompu au style et à la manière de l’histoire, car il est l’auteur d’un travail estimé sur Colbert qui, sans être irréprochable pourtant, nous fait mieux connaître ce grand ministre que tout ce qu’on a publié jusqu’ici, il pouvait, tout comme un autre, et même mieux qu’un autre, faire une large battue dans le passé, nous donner quelque histoire de la civilisation à telle époque, et recommencer cette chasse aux fantômes et aux choses vagues qu’il faut refaire tous les vingt ans si l’on veut rester, soi et son œuvre, autrement qu’à l’état de date et de livre dépassé dans l’esprit des générations !

1812. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Et, non contente de le peindre ainsi, jusque par la main soi-disant historique du romancier Walter Scott, le bric-à-brackiste d’Abbotsford, qui avait les mêmes manies que le Roi René, elle a fini par l’accuser d’avoir abandonné, pour muser dans quelque Musée, le soin de ses états, même contre une rente viagère !

1813. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Il y a, dans son livre, beaucoup de vrai historique, à côté de ce vrai humain dont il est si friand… Il sait évidemment — et très à fond — l’époque d’Auguste et les affreuses mœurs romaines, qui ne le troublent pas beaucoup, d’ailleurs, et contre lesquelles il ne fait jamais la moindre déclamation, le moindre petit signe de moralité indignée : les dandys n’étant, par état, ni des prudes ni des bégueules.

1814. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

… Avait-il le boutonné de son état ?

1815. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Pour qui regarde attentivement l’état des esprits à cette époque, il n’est nullement prouvé que Henri IV, même sans conversion, ne pût être Roi.

1816. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Le drame en est le mot écrit. » Et, comme le grimacier n’est jamais très loin de son théâtre et de ses habituelles préoccupations : « La tragédie — dit-il — est le nez du théâtre et le drame en est la figure. » Il y a un mot qu’on a rappelé immensément et qui est à l’état de légende incertaine dans les lettres.

1817. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Saint-Bonnet paraît seul avoir saisi la question là où elle est réellement, c’est-à-dire dans l’état effrayant de la pensée européenne et dans la nature de l’esprit humain.

1818. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Lacordaire, n’était qu’un simple dominicain peu sympathique d’état et d’opinion à messieurs les philosophes éclectiques ou voltairiens qui avaient la bonté d’élire des évêques ou des rois du temps, des avocats !

1819. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Certainement il y a de l’infini dans toute âme, mais il y est, et même dans les plus grandes, à l’état latent, mystérieux, sommeillant, comme l’Esprit sommeillait sur les Eaux, tandis que dans l’âme de Térèse l’infini déchire son mystère, se fait visible et passe dans le langage où la pensée déborde les mots.

1820. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Agrippa d’Aubigné était poétiquement à l’état fragmentaire.

1821. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Balzac au fond « était stérile. » Sans la gravité de son état qui l’empêche d’être pittoresque, M. 

1822. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Je le sais, et je ne m’en étonne pas ; mais qu’aujourd’hui, en plein dix-neuvième siècle, quand les passions et leur étude, et leurs beautés, et leurs laideurs, et jusqu’à leurs folies, ont pris dans la préoccupation générale la place qu’elles doivent occuper ; quand la littérature est devenue presque un art plastique, sans cesser d’être pour cela le grand art spirituel ; quand nous avons eu des creuseurs d’âme, des analyseurs de fibre humaine, des chirurgiens de cœur et de société, enfin qu’après Chateaubriand, Stendhal, Mérimée et Balzac, Balzac, le Christophe Colomb du roman, qui a découvert de nouveaux mondes, la vieille mystification continue et que la réputation de Gil Blas soit encore et toujours à l’état d’indéracinable préjugé classique, voilà ce qui doit étonner !

1823. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Il déguisa son nom et sa naissance, et vécut plusieurs années inconnu, errant de ville en ville, et de pays en pays, manquant de tout, réduit le plus souvent, pour subsister, à labourer la terre, ou à cultiver des jardins, maniant tour à tour la charrue et la bêche, et honorant cet état par son courage.

1824. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

L’homme, dans cet état, devient un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue.

1825. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

J’observe dans les Femmes savantes des traces de l’état pathologique de Molière, qui du reste n’ôtait rien à son génie. […] Je le veux bien ; mais comme dans la neurasthénie à l’état ordinaire il entre beaucoup d’un travers qui consiste à s’exagérer ses maux et du reste à exagérer tout ce qui peut nous chagriner, il y a une telle part d’imagination dans la neurasthénie que le neurasthénique est un malade au moins à moitié imaginaire. […] La nature enseigne et inspire des états d’âme bien divers. […] On dira peut-être plus tard que vous n’êtes point malade imaginaire, que vous êtes vraiment malade, d’une maladie qui tient des vapeurs, de l’état des nerfs, il est possible, je n’entre guère dans ces subtilités de la science ; je vois en vous un simple poltron qui a peur de la mort comme Orgon a peur de l’enfer. […] Il est sensuel, curieux et avide de mettre dans sa vie le plus de sensations neuves possible, et c’est déjà le libertin, mais le libertin jeune dont le libertinage ne vient pas de la méchanceté, ou dont la méchanceté est encore à l’état latent : « Quoi ?

1826. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Quelques-uns s’arrêtaient comme frappés de stupeur, et demeuraient dans un état d’immobilité presque incroyable. […] Ses disciples, à lui, seront les rêveurs, les visionnaires, les extatiques, les communistes de l’état populaire. […] Voudriez-vous nous dire les causes de cet état chaotique au temps de Gœthe ? […] Comment tant de lumière, d’amour et de vie produisent-ils dans l’âme de Gœthe l’état chaotique ? […] Perdre une certitude, quelle qu’elle soit (fût-ce la certitude de la damnation éternelle), sans pouvoir lui en substituer aussitôt une autre, paraît au plus grand nombre un état insupportable ; et cet état était général aussi bien dans les lettres que dans la philosophie.

1827. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Pousser sans faiblesse, comme Lamartine le fait souvent, des pages entières et des masses énormes de vers libres, aller ainsi droit devant soi, au hasard, et trouver son rythme à mesure, cela suppose une puissance inouïe de sensations et de sentiments, un involontaire et invincible débordement de l’âme, bref, cet état extraordinaire que notre poète exprime, précisément en vers libres, dans une de ses Harmonies :     Mon âme a l’oeil de l’aigle, et mes fortes pensées, Au but de leurs désirs volant comme des traits, Chaque fois que mon sein respire, plus pressées Que les colombes des forêts, Montent, montent toujours, par d’autres remplacées, Et ne redescendent jamais. […] Mon âme est un vent de l’aurore Qui s’élève avec le matin… Il est dans cet état de ravissement et d’allégresse divine où nous sommes tous entrés quelquefois, surtout parmi des paysages vastes et découverts, qui évoquaient en nous l’image de l’immensité et la beauté totale et la figure même de la planète, sur la montagne ou au bord de la mer lumineuse ; quand nous descendions, dans l’air léger, presque délivrés du sentiment de la pesanteur, vers les vallées doucement bruissantes de l’invisible sonnerie des troupeaux ; ou quand nous marchions l’été, dans une grande plaine, par un grand soleil, tout enveloppés de rayons et d’odeurs végétales. […] Lamartine a rapproché, a rendu contemporains l’un de l’autre, deux états de société radicalement différents en apparence : D’un côté, des tribus de pasteurs nomades, chez qui se dessinent les premiers linéaments de la civilisation. […] À peine de très vagues germes de « charité du genre humain »  Néanmoins, les mœurs ont de la grâce dans leur rudesse naïve ; ces pasteurs et ces chasseurs ont quelque sentiment de la beauté des choses, s’expriment par des images ingénues et fleuries… En somme, Lamartine n’a fait que simplifier, ramener tout près de ses origines et comme renfoncer vers un passé plus lointain l’état social dont l’Odyssée et les Travaux et les Jours nous présentent encore les traits essentiels. […] Le jour, en effet, où quelques privilégiés de la raison posséderaient le moyen de détruire la planète, leur souveraineté serait créée ; ces privilégiés régneraient par la terreur absolue, puisqu’ils auraient en leur main l’existence de tous ; on peut presque dire qu’ils seraient dieux et qu’alors l’état théologique rêvé par le poète pour l’humanité primitive serait une réalité.

1828. (1881) Le naturalisme au théatre

Je prendrai un exemple, pour établir nettement l’état des choses. […] L’indifférence absolue est un état où le critique arrive après quelques années de pontificat. […] Nous nous trouvons donc devant une conséquence de l’état social, qu’il serait trop long d’étudier. […] Dumas trop vrai, cela n’a d’autre intérêt pour nous que de nous renseigner sur l’état littéraire de nos voisins. […] Toujours il reste à l’état de type, jamais il n’est analysé comme individu.

1829. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Qu’il parle de lord Clive, de Warren Hastings, de sir William Temple, d’Addison, de Milton, ou de tout autre, il s’applique avant tout à mesurer exactement le nombre et la grandeur de leurs défauts ou de leurs vertus ; il s’interrompt au milieu d’une narration pour examiner si l’action qu’il raconte est juste ou injuste ; il la considère en légiste et en moraliste, d’après la loi positive et d’après la loi naturelle ; il tient compte au prévenu de l’état de l’opinion publique, des exemples qui l’entouraient, des principes qu’il professait, de l’éducation qu’il avait reçue ; il appuie son opinion sur des analogies qu’il tire de la vie ordinaire, de l’histoire de tous les peuples, de la législation de tous les pays ; il apporte tant de preuves, des faits si certains, des raisonnements si concluants, que le meilleur avocat pourrait trouver en lui un modèle, et quand enfin il prononce la sentence, on croit entendre le résumé d’un président de cour d’assises. […] Celui qui, exposé à toutes les influences d’un état de société semblable au nôtre, craint de s’exposer aux influences de quelques vers grecs et latins, agit selon nous, comme le voleur qui demandait aux shérifs de lui faire tenir un parapluie au-dessus de la tête, depuis la porte de Newgate jusqu’à la potence, parce que la matinée était pluvieuse et qu’il craignait de prendre froid1376. […] Les soldats étaient évidemment dans un état d’agitation ; et quelques-uns d’entre eux prononçaient des cris singuliers. […] Glenlyon et ses hommes étaient tous debout, et semblaient mettre leurs armes en état pour une action.

1830. (1904) Zangwill pp. 7-90

Un tel être n’existe pas encore, puisque nous n’avons que trois façons de constater l’existence d’un être, le voir, entendre parler de lui, voir son action, et qu’un être comme celui dont nous parlons n’est connu d’aucune de ces trois manières ; mais on conçoit la possibilité d’un état où, dans l’infinité de l’espace, tout vive. […] Il y a des états sociaux où le peuple jouit des plaisirs de ses nobles, se complaît en ses princes, dit : “nos princes”, fait de leur gloire sa gloire. […] Platon ne me paraît pas recevable quand il soutient que la mort est un bien, l’état philosophique par excellence. […] Tout cela suppose un Dieu moins affairé que vous ne croyez, un Dieu déjà arrivé, qui s’amuse et jouit d’un état acquis définitivement.

1831. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

On le rencontrait dans l’escalier porté par un domestique à l’état de ruine, d’ombre, de mort. […] C’est à se voiler la face… La tribaderie est à l’état normal, l’inceste en permanence et la bestialité… Taine. — Moi je connais assez bien les bourgeois. […] La petite Chose du Gymnase, avec 4 000 francs par an, me disait hier… Gautier. — La prostitution est l’état normal de la femme, je l’ai dit. […] C’est un état délicieux de pensée figée, de regard perdu, de rêve sans horizon, de jours à la dérive, d’idées qui suivent des vols de papillons blancs dans les choux.

1832. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Ceci, vous le voyez est passé à l’état d’idée fixe chez moi. […] Je ne pense pas qu’il y ait de Hollandais exact en état de lutter avec cette exactitude, cette vérité historique, comme disent les gens qui ne connaissent ni la vérité, ni l’histoire. […] Il ne faut donc pas seulement étudier l’homme, mais son milieu et son état social. […] Le critique de bonne compagnie aime mieux René et Adolphe parce que le premier résume un siècle, le second un état de l’âme et une situation de la vie. […] Mais que Werther, René, Oberman marquent l’état de l’humanité à cette époque !

1833. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Ces qualités qui vous frappent tiennent au caractère de la race et nullement à un état social raisonné et meilleur que le vôtre. […] Stupéfaction, tel fut l’état psychique où me mit la lecture de ce document… ah ! […] Alfred Jarry, il recueillait l’état psychique, essentiel et comparé, du citoyen Faberot. […] Il est en état permanent de magnificence. […] Mais ce sont ou des êtres anormaux, en état de révolte contre la nature, ou de simples reflets du mâle dont elles ont gardé, par le sexe, l’empreinte.

1834. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Toutes ces observations doivent être justes, comme celles que l’on peut encore vérifier ; mais elles ne concordent plus avec l’état actuel des lieux. […] Après avoir entendu le chevalier exprimer son admiration pour tout ce qu’il voyait, la reine lui dit : « Il y a plus encore, c’est que nous serons en l’état où vous nous voyez tant que le monde durera. […] Tous les vendredis à minuit chacune des dames se levait d’auprès de son compagnon et se rendait auprès de la reine, et toutes ensemble allaient s’enfermer dans des chambres disposées pour cela, où elles étaient jusqu’après la minuit de samedi « en état de couleuvres et de serpents ». […] On y a découvert un symbolisme plus transcendant encore : le Juif errant absorbe en lui Caïn, Wodan, Rudra, Xerxès, Jésus même et bien d’autres, et sa légende, « c’est l’évolution de la guerre, l’état originel de l’humanité, aboutissant à la paix, qui est son état typique102 ». […] C’est surtout dans la littérature écrite que notre conte, comme la plupart des récits à tendance morale, s’est transmis, en Orient aussi bien qu’en Occident ; on l’a cependant recueilli naguère à l’état de tradition orale chez les Avares, petit peuple de race tartare, aujourd’hui musulman et soumis à la Russie, qui habite la côte occidentale de la mer Caspienne, et qui est sans doute le débris, demeuré obscur, de ces fameuses hordes Avares qui firent trembler l’Europe pendant deux siècles.

1835. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

De tous ces états civils, reconstitués par M.  […] On a conservé, de lui, des lettres qui révèlent assez l’état de ses sentiments. […] L’hilarité (chacun sait cela) est un état de l’esprit et du corps singulièrement propice aux chutes. […] Elle se considéra comme en état de guerre avec le plus redoutable des guerriers. […] Quelques-uns le trompaient grossièrement sur l’état de leurs effectifs, sur le chiffre des morts.

1836. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Boire avant le déjeuner est absolument désastreux : quiconque le fait n’est plus en état de fournir de bon travail dans la journée. […] Il la garda jusqu’en 1873, où l’état de malaise dont il souffrait depuis longtemps se résolut enfin en une terrible attaque de paralysie. […] Mais pas un moment Walt Whitman ne s’est aperçu de l’affreux état de ce qui l’entourait. […] En Italie comme dans le reste de l’Europe, la Renaissance latine demeure encore à l’état d’hypothèse. […] Huret, avait naguère essayé de s’informer de l’état et des tendances de la littérature française.

1837. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Représentons-nous bien l’état littéraire de la France aux abords de l’année 1820. […] Cet état douteux a cessé depuis la publication de la pièce dans les Œuvres ; chacun peut lire, mais ce n’est qu’à une remise en scène qu’on en pourrait complétement juger. — Mlle Mars, qui représentait le principal personnage, avait bien tout le charme qui était nécessaire pour représenter doña Estrelle, mais il lui manquait la force et le pathétique.

1838. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Le propre des êtres sans forme est d’atteindre leur développement par les états contraires, d’être indifférents à l’issue de leur effort, de se continuer dans leurs voisins, et, par le manque de but et de limites, d’atteindre la perfection du calme et l’apparence de l’infinité. […] Nous les changeons par d’autres, nous les remplaçons selon notre état intérieur, et pour les besoins du moment.

1839. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Oracle pour les uns, idole pour les autres, il était passé à l’état de divinité. […] Les états généraux du royaume, comme tout esprit politique l’avait prévu excepté M. 

1840. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

« La solitude absolue, le spectacle de la nature me plongèrent bientôt dans un état presque impossible à décrire. […] « Toutefois cet état de calme et de trouble, d’indigence et de richesse, n’était pas sans quelques charmes : un jour je m’étais amusé à effeuiller une branche de saule sur un ruisseau, et à attacher une idée à chaque feuille que le courant entraînait.

1841. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Commynes eut pour département les affaires de Bourgogne, de Suisse, des Allemagnes, et celles de Madame de Savoie : en somme, tout ce dont son premier état lui avait donné une expérience particulière. […] Ils infestèrent la cour de Charles VIII, puis celle de Louis XII, et dans tous les états, de toutes les provinces, ils surgissent, tous plus vides de sens, et plus extravagants de forme les uns que les autres.

1842. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Ce mode enthousiaste s’accordait d’ailleurs à l’état des âmes encore tout exaltées du triomphe. […] Le dénombrement d’Hérodote repasse dans ses strophes, à l’état lyrique : les troupes de pied et les cavaliers, les chars et les navires, les archers et les rameurs innombrables.

1843. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Cinquante Érynnies composaient leur troupe ; la mythologie classique n’en compte que trois : Alecto, Mégère, Tisiphone : mais cette trinité infernale ne fut jamais fixée à l’état de dogme. […] Eschyle passa à l’état d’archaïque et de primitif ; toujours vénéré, mais peu fréquenté.

1844. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Zola, parlant de l’insuccès du Bouton de rose, joué il y a une dizaine de jours, s’écrie : « Cela me rajeunit… Cela me donne vingt ans… Le succès de L’Assommoir m’avait avachi… Vraiment, quand je pense à l’enfilade de romans qui me restent à fabriquer, je sens qu’il n’y a qu’un état de lutte et de colère, qui puisse me les faire faire !  […] * * * — Il me semble que je dois bien faire mon roman des deux clowns, me trouvant en ce moment, la cervelle dans un état vague et fluide, convenant à cette œuvre, un peu en dehors d’une réalité absolue.

1845. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Dans le vrai critique il y a toujours un poëte, fût-ce à l’état latent. […] Aristophane, châtiment sombre, est resté devant la postérité à l’état de génie méchant.

1846. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Les littératures qui retombent à l’état d’enfance peignent les objets comme les enfants les peignent, pour l’objet même, — l’objet isolé et en soi, — sans se soucier de l’ordre, de la pensée, de la logique, de la vraisemblance, de la perspective. […] Mais Flaubert écrit pour des hommes, et il a des défauts ennuyeux, malgré l’état troublé de son Saint qui lui permet tout et qui est tout aussi intellectuellement démantibulé qu’un fakir indien bourré d’opium.

1847. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Nul artiste, en effet, nul penseur, ne tire de sa tête, si riche qu’elle soit, la notion de l’élégance à l’état pur. […] Jusqu’ici cela est resté à l’état latent et obscur.

1848. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Cette tante indulgente, mais que les idées monastiques rendaient sévère, considérait le mariage comme un état de déchéance ou du moins d’infériorité, et elle ambitionnait quelque chose de mieux et de plus digne pour l’avenir de son neveu.

1849. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Il réglemente, avec une minutie comique, ce qui est encore à l’état de rêve et qui n’a chance d’arriver que dans le palo-post futur.

1850. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Il se dit qu’il dupe un mari, « qu’il trompe une cruelle4, et croit gagner des pardons à cela. » Il veut rire ; c’est là son état préféré, le but et l’emploi de sa vie.

1851. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Nous n’avons plus le mot, mais nous avons encore la chose : « Ne pas sourire respectueusement au seul nom de M. le préfet, disait Beyle, passe aux yeux des paysans de la Franche-Comté pour une imprudence signalée, et l’imprudence dans le pauvre est promptement punie par le manque de pain. » L’état des choses n’a guère changé, et les maximes qui en naissent n’ont pas changé davantage.

1852. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

si toutes les parties de l’univers sont solidaires dans une certaine mesure, un phénomène quelconque ne sera pas l’effet d’une cause unique, mais la résultante de causes infiniment nombreuses ; il est, dit-on souvent, la conséquence de l’état de l’univers un instant auparavant.

1853. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

On veillait surtout scrupuleusement à ce que personne n’entrât à l’état d’impureté légale dans les portiques intérieurs.

1854. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Pourtant, fût-on à même de dire avec une certitude parfaite à quelle mystérieuse combinaison de libres nerveuses celui-ci doit d’avoir été plutôt que celui-là doué du génie créateur ; est-on en état de déclarer à coup sûr : cet homme a eu telles aptitudes, parce que telle était la conformation ou la composition chimique de son cerveau ; ce serait sans doute une conquête inappréciable pour le psychologue, mais j’ose soutenir que l’historien n’en serait guère plus avancé.

1855. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Grâce à leurs saintes révélations, tour à tour la belle lune et les étoiles dansantes, la substance des prairies et les bonds de la mer, la pluie sur les feuilles rauques et le concave azur, la tempête ébranlant la nue horrible et noire, les grandes aubes, les feux balancés, la terre pivotant sur les pôles, les brumes, les molles saisons, l’aurore, l’air, la lumière, tout nous apparaît dans un état pur, comme si Dieu pénétrait encore les formes du monde.

1856. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

En répétant sans cesse : Nous autres catholiques, au lieu de dire : Nous tous catholiques, comme on faisait auparavant ; en se représentant lui et les siens comme dans un état d’oppression criante et d’isolement, il donna à penser que le catholicisme en France pourrait n’être bientôt plus qu’un grand parti, une grande secte.

1857. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Guillaume, savez-vous que vous gouverneriez très-bien un état ?

1858. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Quoique l’Allemagne soit aujourd’hui dans un état bien different de celui où elle étoit quand Tacite la décrivit, quoiqu’elle soit remplie de villes, au lieu qu’il n’y avoit que des villages dans l’ancienne Germanie, quoique les marais et la plûpart des forêts de la Germanie aïent été changez en prairies et en terres labourables, enfin quoique la maniere de vivre et de s’habiller des germains, soient differentes par cette raison en bien des choses de la maniere de vivre et de s’habiller des allemands, on reconnoît néanmoins le génie et le caractere d’esprit des anciens germains dans les allemands d’aujourd’hui.

1859. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Voudroit-on supposer que tous les habiles gens qui vivent ou qui ont vécu depuis que ces nations se sont polies aïent conspiré de mentir au désavantage de leurs concitoïens, dont la plûpart morts dès long-temps ne leur étoient connus que par leurs ouvrages, et cela pour faire honneur à des auteurs grecs et romains, qui n’étoient pas en état de leur sçavoir gré de cette prévarication.

1860. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Mais nous en sçavons encore assez pour concevoir que les anciens tiroient un grand service des masques qui mettoient les comediens en état de se faire entendre sur des théatres sans couverture solide, et où il y avoit plusieurs spectateurs qui étoient éloignez de douze toises de la scéne où l’on récitoit.

1861. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Ce qui n’avait été qu’à l’état de haute aspiration personnelle, dans Mme de Staël, prit tout à coup, sous l’action du saint-simonisme, l’impérieuse généralité et la décision incisive du dogme.

1862. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

C’est toujours dans leurs correspondances qu’on doit chercher les hommes, même ceux qui, par état et nécessité, font des livres.

1863. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

La toute-puissante situation qui élève souvent à son niveau les esprits les plus au-dessous d’elle et qui leur communique soudainement les grâces d’état les plus inattendues, n’avait point à faire à Léon XIII de ces fécondes violences.

1864. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Certainement, il y a de l’infini dans toute âme, mais il y est, et même dans les plus grandes, à l’état latent, mystérieux, sommeillant, comme l’Esprit sommeillait sur les eaux, tandis que dans l’âme de Térèse l’infini déchire son mystère, se fait visible, et passe dans le langage où la pensée déborde les mots.

1865. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Le stoïcisme et la philosophie platonicienne, dit joliment notre dandy, s’étaient donné le mot pour sauver « l’état social des dieux », et pour couvrir les bêtises de ces dieux, qui en faisaient beaucoup, on avait inventé les démons.

1866. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Encore une fois, nous ne tenons pas grand état d’une pareille donnée, inspirée plus par les études et les préoccupations littéraires de l’auteur que par son propre génie ; mais ce que nous estimons infiniment, ce sont deux ou trois courants d’aperçus, d’observations et de pensées, qui se rencontrent, se croisent et se mêlent dans ce livre, taillé trop à facettes et à pans coupés, et que nous eussions voulu plus large et plus simple.

1867. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

il a dédaigné, dans cet état, les bienfaits de l’usurpateur qui voulait le protéger.

1868. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Certes non, mais, je le répète, leur état de démence ou d’imbécillité, comme dit le Code, n’est pas l’état normal ; elles sont l’exception, tout comme les moutons à cinq pattes qui existent aussi, mais qui sont rares et sur lesquels jamais il n’est venu à l’idée de personne d’étudier l’espèce entière des moutons ; aussi le mouton est-il mieux connu que la femme. […] Si vous saviez combien je traverse d’états d’esprits qui font de moi des femmes si différentes, selon le temps, ma santé, ce que j’ai lu, ce qu’on m’a dit ! […] Une visite bienveillante et sollicitée de Mme de Burne vient remettre les choses dans l’état primitif ou à peu près. […] Dieu sait dans quel état ! […] Dans tous les pays et par tous les temps, la prolongation de cet état donnerait des maladies, à plus forte raison ici.

1869. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Ce roman, drame, comédie, ce poème traduisent des états de sensibilité. […] Quelles causes, sinon les conditions sociales et politiques où ces états de sensibilité sont apparus ? […] Flaubert croit obéir aux règles de la psychologie scientifique en constituant les âmes de ces personnages par des successions d’état de conscience, et ces états de conscience par une série d’images mentales. […] Il voyait les drames qu’il racontait, à l’état de rêve hallucinatoire. […] La science de l’esprit a une formule très précise pour cet état singulier.

1870. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Autant de chapitres, autant de documents d’un état intellectuel en mal de croissance, en pleine crise de développement. […] Tel est le mysticisme, comme état de l’âme. […] De temps en temps un bulletin leur arrive de Moréville (la maison de santé), sur lequel ils lisent que la santé physique de la malade ne laisse rien à désirer, mais que son état mental est toujours le même. […] Si dans une phrase malheureuse — et qui va sans doute au-delà de sa pensée — le romancier a prononcé le nom de la Sainte d’Avila, c’est qu’il lui manque la connaissance de quelque chose de l’humanité : l’âme religieuse à l’état de santé ne lui a jamais été révélée. […] Pas une ligne de plus chez les contemporains en état de juger la question.

1871. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Elle finit par tomber dans un état de somnolence invincible. […] Pour moi, j’avais le nez gelé. —  Dans cette triste situation, je me rappelai ma vie passée, ma jeunesse écoulée au milieu de mes chers camarades de l’Université ; je pensai à ce qu’aurait dit ma sœur, si elle m’eût aperçu dans cet état. […] Malheureusement le système du grossissement des objets de premier plan, vice littéraire que nous devons peut-être aux défauts de la photographie, est passé à l’état de principe, quand il faudrait constater qu’il n’est au fond que le résultat d’une infirmité. […] C’est moi, ajouta-t-elle, qui suis chargée de tenir en état le linge et les robes de la famille. […] C’était la première fois qu’un corps vivant de femme m’apparaissait dans un état de complète nudité : eh bien !

1872. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

La peinture est chez nous, au point de vue matériel, dans un état de prospérité exceptionnelle, prospérité qu’il faut attribuer en partie à l’abstention momentanée de puissantes rivales. […] Il a reconnu que les détails qui y sont rapportés s’adaptent parfaitement à l’état des lieux et a achevé de résoudre une question qui préoccupe vivement depuis plusieurs années le monde savant ». […] disait l’étranger, vous allez me mettre au courant de l’état de l’esprit public. — D’abord, nous n’avons plus d’esprit, ou du moins bien peu, et le peu que nous en avons n’est pas public. — Mais, enfin, que dit-on à Paris ? […] C’est quelque chose, si l’on se reporte à l’état de l’esprit public il y a seulement trois ou quatre ans. […] Le bon état que celui de missionnaire, quand on l’exerce avec des fusils en guise de cierges !

1873. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Puis il fait apporter du vin, s’enferme avec Edouard et, tout en buvant de grands coups, lui expose son véritable état, et qu’il « commence à recueillir l’héritage de ses pères », et qu’il est perdu, bien perdu, et qu’il en est sûr. […] Dumas connut alors l’état proprement « prophétique », où je ne crois pas qu’il se soit maintenu. […] Le tour de force exquis, c’eût été, je crois, d’exprimer des idées et des « états d’âme » d’à présent, sans avoir recours au lexique de nos psychologues, et par les locutions très simples qui convenaient à un conte bleu. […] C’est un gentil garçon, poète de son état : on est ce qu’on peut. […] Jugez par là de l’absurdité d’un état social qui interdit absolument l’obéissance à des lois aussi claires et aussi bienfaisantes.

1874. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Et, d’ailleurs, tu n’es pas en état d’établir cette balance. […] Ce livre, auquel on a peu rendu justice, me plaît infiniment par une sincérité qui ne craint pas de se contredire, estimant sans doute que nos prétendues contradictions ne sont que des états d’âme successifs, et que notre âme est d’autant plus riche, plus largement humaine, que ces états sont plus divers. […] En flirtant avec elle, je travaille de mon état, qui est celui de psychologue élégant. […] On ne se la figure pas un instant riant faux dans les soupers, allumant les hommes, s’appliquant à leur manger beaucoup d’argent, ni faisant aucune des choses qui concernent son état. […] L’impayable Prudence, Nichette et son petit homme, Des Rieux, Varville, Giray, Saint-Gaudens sont réduits à l’état de fugitifs comparses.

1875. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Mais, d’autre part, cet ours polaire a dirigé un théâtre, et c’est évidemment là un état dépourvu d’austérité. […] Cette crise, le malade la sent venir, et il sait que, si elle ne le tue pas, elle le laissera dans un état de complète imbécillité : « Ah ! […] Retourner pour ainsi dire à l’état de petit enfant : avoir besoin d’etre nourri, avoir besoin… Ah ! […] Ainsi un nouvel état social crée des vertus nouvelles ou modifie, tout au moins, la hiérarchie des vertus. […] Il sait que Piétrequin est un misérable et qu’il trompe Henriette en lui cachant l’état de ses affaires.

1876. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

» Poursuivant ses déductions, l’auteur s’appliquait à montrer que la liberté reconnue aux citoyens de communiquer entre eux et de prendre acte de leurs opinions (ce qui, dans un grand empire, ne peut se faire que par la presse) était le seul moyen de créer une pensée commune fondée sur un commun intérêt, de hâter la formation des masses, et, en dissipant les fantômes nés du conflit des souvenirs, d’éclairer la société entière sur son état réel, sur les forces qui avaient grandi et s’étaient développées chez elle en silence ; pour les faire tout aussitôt apparaître, il ne fallait qu’un gouvernement libre : la Restauration, disait-il vivement, a mis la France au grand jour. […] Une foule de vues justes, indépendantes de la philosophie même, portent sur l’époque présente et ouvrent des jours sur l’état des esprits. […] de Rémusat a passé définitivement lui-même à l’état de maître et d’homme du métier, au lieu d’amateur très-distingué qu’il était auparavant.

1877. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Frondeur et fantasque, Kléber avait désiré ardemment prendre part à l’expédition d’Égypte pour sortir de l’état de disgrâce dans lequel on l’avait laissé vivre sous le Directoire ; et maintenant il en était aux regrets d’avoir quitté les bords du Rhin pour ceux du Nil. […] Les négociations avec l’Autriche, celles avec la Prusse ; les premières agaceries diplomatiques de Bonaparte à Paul Ier, empereur de Russie ; le coup d’œil sur l’état intérieur et scandaleux de la cour de Madrid, livrée à un favori, Godoy, tracé d’une main qui charge les couleurs afin d’atténuer d’avance les torts du cabinet des Tuileries envers les Bourbons d’Espagne ; les négociations avec le Saint-Siège, préludes de négociations plus graves pour le Concordat ; la rupture des conférences par l’Autriche, les préparatifs de guerre repris des deux côtés avec une égale vigueur ; le tableau de la prospérité croissante de la France en dix mois d’un gouvernement personnifié dans un jeune dictateur ; l’analyse savante et pénétrante de la situation des différents clergés, séparés en sectes par les serments ou les refus de serments constitutionnels ; la rentrée rapide des émigrés, la statistique profondément étudiée des partis dans l’opinion et dans les assemblées ; les portraits de M. de Lafayette, de Fouché, de M. de Talleyrand, de Carnot, de Berthier, portraits finis et fermes, sans minutie comme sans recherche, où l’on voit que l’historien s’oublie lui-même pour ne penser qu’à son modèle, remplissent ce volume. […] « M. de Talleyrand, issu de la plus haute extraction, destiné aux armes par sa naissance, condamné à la prêtrise par un accident qui l’avait privé de l’usage d’un pied, n’ayant aucun goût pour cette profession imposée, devenu successivement prélat, homme de cour, révolutionnaire, émigré, puis enfin ministre des affaires étrangères du Directoire, M. de Talleyrand avait conservé quelque chose de tous ces états ; on trouvait en lui de l’évêque, du grand seigneur, du révolutionnaire.

1878. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Et le jour même des calendes de novembre, où tu te flattais de te rendre maître de Préneste, ne t’es-tu pas aperçu que j’avais pris mes mesures pour que cette colonie fût en état de défense ? […] Dans quel état est la république ! […] Aussi nous vous exhortons tous, et je vois que déjà vous vous y portez de vous-même, à marcher sur les pas des grands hommes dont vous prenez plaisir à reconnaître les vestiges. — Vous savez, dis-je alors à Pison, qu’il a déjà prévenu vos conseils ; mais je vous suis obligé des encouragements que vous lui donnez. — Il faut donc, reprit-il avec son extrême bienveillance, que nous tâchions tous de contribuer aux progrès de notre jeune ami ; il faut avant tout qu’il tourne ses études vers la philosophie, tant pour vous imiter, vous qu’il aime, que pour être en état de mieux réussir dans l’éloquence.

1879. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Garcia tué, l’état moral du meurtrier est peint en un mot, indirectement : « Nous l’enterrâmes, et nous allâmes placer notre camp deux cents pas plus loin. » Passons sur les autres petits incidents déterminés par la vie de contrebandier, laquelle a été déterminée elle-même par l’amour exclusif pour la bohémienne : nous arrivons au dénouement, qui est admirable parce est contenu à l’avance qu’il dans tous les événements qui précèdent comme une conséquence dans ses prémisses : — « Je suis las de tuer tous tes amants ; c’est toi que je tuerai. — Elle me regarda fixement de son regard sauvage et me dit : — J’ai toujours pensé que tu me tuerais…. — Carmencita, lui demandai-je, est-ce tu ne m’aimes que plus ? […] Je la mis dans la fosse auprès d’elle, avec une petite croix57. » Il n’y a qu a compliquer ainsi cette étude des actions et réactions entre les caractères, le milieu, l’époque, l’état social, pour arriver aux grands romans de Stendhal. […] Hugo, rejetant les règles arbitraires et les personnages de convention, disait dans la préface de Cromwell : « Le poète ne doit prendre conseil que de la nature, de la vérité, et de l’inspiration. » En s’essayant au roman historique dans Notre-Dame de Paris, Hugo avait déjà peint un état social et un ensemble de mœurs, quelque faiblesse qu’il ait montrée dans la conception des caractères individuels.

1880. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Les vrais poètes, je confesse les avoir aimés chaque et tous, selon l’heure et les états d’âme. […] Si celui qui répond le plus souvent au plus grand nombre de nos aspirations individuelles et de nos états d’âme doit être l’élu, à « l’inlassable bourdon de cathédrale » que fut Hugo, à la cloche de génie que fut Baudelaire, cloche « où des images de péché furent coulées dans le métal » je préférerais pour mon propre compte, la petite cloche de cristal de Verlaine, « impatiente du ciel », vibrant éperdumente à tous les sons sans sonorités fausses ou assourdies, en dépit des dires impudiques et calomniateurs dont on s’est plu ces derniers temps à outrager ce poète. […] Les petites jeunes filles quotidiennes qui nous la posent ne se doutent point qu’on ne peut être vraiment poète si l’on est en état d’y répondre.

1881. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Vous voyez que je ne suis pas si malheureux que vous dites, puisque j’ai l’esprit de mon état et de mon âge. […] Alexis Monteil a composé ses huit gros tomes de l’Histoire des Français des divers états. […] heureux état de ces âmes pacifiques et toutes remplies de la sécurité d’une société régulière, sous une loi facile, dans une patrie honorée ! […] Ce fut le 25 juin 1769 que vint au monde, en sa bonne ville de Rhodez, l’historien des Français des divers états. […] Notez bien que, malgré ses huit tomes de l’Histoire des divers états, M. 

1882. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Celui-ci n’avait pas tardé à être appelé à Pétersbourg pour prendre du service, et, jusqu’au jour où la mort vint le frapper, il avait tenu sa tante et sa sœur dans un état de dépendance humiliante. […] Il avait plus de trente ans, lorsque à la mort de son père il se trouva maître d’un héritage de deux mille paysans en parfait état ; il ne lui fallut pas longtemps pour dissiper ou vendre une partie de son bien, et gâter complètement ses nombreux domestiques. […] Mais il ne put dormir, et resta plongé dans cet état de torpeur mentale qui nous est si familière en voyage. […] Tout dans la maison était resté dans le même état ; les petits divans du salon, sur leurs pieds grêles, tendus de damas gris, lustrés, usés et défoncés, rappelaient le temps de l’impératrice Catherine.

1883. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

J’ai vraiment peur, quand arrivera la correction des épreuves de mon Journal, de n’être plus en état de faire cette correction. […] En sortant, La Gandara me fait la conduite jusqu’au Trocadéro, en me confessant son état nerveux, qui le rend incapable de travailler, pendant la semaine de l’ouverture de l’Exposition, m’avouant envoyer sa bonne, tous les matins, dès patron minette, acheter tous les journaux, et vouloir anxieusement découvrir d’un seul coup d’œil, si son nom y est. […] Vendredi 4 mai L’attente tous les jours, dans l’état de souffrance où je suis, et avec les quatre soupes au lait, que j’ai dans le ventre, depuis lundi, l’attente d’une lettre indignée ou injurieuse, à propos de tel ou tel paragraphe de mon Journal. […] Son esquisse en terre, après son premier travail, il la moule, et établit son médaillon fini, sur une suite d’épreuves semblables à des états d’eaux-fortes, et quelquefois, il va à six moulages.

1884. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Puis, comme c’est un matin froid Où l’eau gèle dans la rigole, Et comme il faut que l’enfant soit En état d’entrer à l’école, Écartant le vieux châle noir Dont la petite s’emmitoufle, L’aînée alors tire un mouchoir, Lui prend le nez et lui dit : « Souffle. » Et si vous ne saviez pas encore pourquoi la poésie a été inventée, vous le savez maintenant, c’est pour exprimer de pareilles opérations… Je crains donc que François Coppée ne se soit souvent trompé dans l’exécution, et qu’ayant eu une idée très juste, à savoir, que les humbles, les petits ont droit à la vie littéraire, il n’ait cherché l’intérêt de ses peintures dans l’extérieur, dans les détails qui, par eux-mêmes, n’ont rien d’intéressant, et non pas dans l’intérieur, dans les sentiments qui, eux seuls, méritent de nous arrêter. […] Leurs blouses sont très bien tirées, Leurs pantalons en bon état, Leurs chaussures toujours cirées ; Ils ont l’air sage et délicat. […] Des vers sont comparables à la musique, qui n’exprime pas des idées, mais qui suggère des sentiments, des états d’âme. […] Mais la musique vous jette dans certains états d’âme, à la fois très vagues, très troublants, très profonds, parfois douloureux, parfois délicieux. […] Ensuite, Verlaine en état de demi-ivresse.

1885. (1925) Portraits et souvenirs

Aussi sait-il bien qu’il doit passer pour irrésistible, et il s’est mis en état d’obtenir à coup sûr ce qu’on pourrait vouloir lui refuser. […] Il vécut, si l’on peut dire, dans un continuel état d’esprit poétique, et sa prose lui servit à exprimer cet état aussi bien et même peut-être mieux que les vers. […]   Il ne faudrait pourtant pas conclure de cet état de chose à l’infériorité de l’œuvre des Goncourt. […]   Si l’art de bâtir est, en France, dans une évidente décadence, celui de planter n’est pas dans un état beaucoup plus prospère. […] Dans ses états, Le Nôtre avait établi l’ordre et la discipline, la logique et l’unité.

1886. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

En Égypte, l’art est toujours dans le même état, imposant et absurde. […] Et gagne-t-on à se faire un présent triste pour se créer des bonheurs à l’état d’espérances… Ne me blâmez pas et au revoir. […] on prend une créature qui est attachée à ses maîtres, qui a parfois une intelligence bien supérieure à celle de certains bipèdes, mais qui n’est pas en état de se défendre, voilà le sublime de la petitesse et de la méchanceté. […] 1° Ne parlez jamais de droits qu’on vous accorde ou de faveurs qu’on ne vous refuse pas, ce qui est plus exact… 2° Ne renvoyez jamais de guitare en mauvais état. […] Chère maman, Je suis arrivée en très bon état.

1887. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

« Cependant, quoique je sois persuadé qu’elle étoit un excellent modèle d’une conversation sage, chrétienne et agréable, je ne laisse pas de croire que l’état d’une personne qui n’auroit rien de tout cela, et qui seroit sans esprit et sans agrément, mais qui sauroit bien se passer de la conversation du monde, et se tenir en silence devant Dieu en s’occupant de quelque petit travail, est beaucoup plus heureux et plus souhaitable que celui-là, parce qu’il est moins exposé à la vanité, et moins tenté par le spectacle des jugements favorables qu’on attire par ces belles qualités. » La fin de ce portrait est peut-être de trop pour nous autres jansénistes mondains, et qui ne faisons pas fi de l’agrément, même chez Mme de Longueville convertie. […] Un éloquent détail à ce sujet nous revient par les Mémoires de M. de Chateaubriand, en ce passage dont sa bienveillance nous a permis de nous décorer : « La princesse de Condé, près d’expirer, dit à Mme de Brienne : « Ma chère amie, mandez à cette pauvre misérable qui est à Stenay l’état où vous me voyez, et qu’elle apprenne à mourir. » Belles paroles !

1888. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Il nous a confessé ce misérable état dans le préambule de l’Arcadie  ; c’est la crise de quarante ans, que bien des organisations sensibles subissent : « … Je fus frappé d’un mal étrange ; des feux semblables à ceux des éclairs sillonnaient ma vue ; tous les objets se présentaient à moi doubles et mouvants : comme Oedipe, je voyais deux soleils… Dans le plus beau jour d’été, je ne pouvais traverser la Seine en bateau sans éprouver des anxiétés intolérables… Si je passais seulement dans un jardin public, près d’un bassin plein d’eau, j’éprouvais des mouvements de spasme et d’horreur… Je ne pouvais traverser une allée de jardin public où se trouvaient plusieurs personnes rassemblées. […] M. de Humboldt, de nos jours, pour les grandes observations végétales en divers climats, a donné sur plus d’un point consistance et réalité scientifique à ce qui n’existait chez Bernardin qu’à l’état de vue attrayante et passagère ; Lamartine, de son côté, a repris en pur poëte bien des inspirations de Bernardin, et les a rajeunies, fécondées.

1889. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

. — « Heureux, dit-il, celui à qui ses parents donnent une maison en bon état et qui réussit à la meubler plus richement ! […] , le monde physique comme le monde moral avait commencé par un état plus parfait, plus pur et plus lumineux, par un Éden dans lequel l’homme naissant avait entendu les confidences de Dieu par des révélateurs divins.

1890. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Ce ne fut qu’alors aussi qu’on remarqua dans quelques vers de l’Aminta une sorte de pressentiment secret et prophétique de l’état mental du poète, qui semblait décrire les premiers symptômes de sa mélancolie. […] Mais les lettres de l’écuyer, ami du Tasse, au grand-duc, à cette époque, disent que l’état de l’esprit du poète était plus affligeant que jamais, et qu’il « fatiguait ses confesseurs par des montagnes de folies, débitées comme des accusations contre lui-même ».

1891. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

En apprenant sa blessure, Marie monta à cheval, courut d’une seule course jusqu’à l’ermitage où l’on avait transporté Bothwell, s’assura par ses yeux de son état, et revint le même jour à Holyrood. « M. le comte de Bothwell est hors de danger, écrit, à cette date, l’ambassadeur de France à Catherine de Médicis ; de quoi la reine est fort aise ; ce ne lui eût pas été de peu de perte que de le perdre ! […] Elles informent Bothwell, jour par jour, de l’état de la santé de Darnley et ses supplications pour que la reine lui rende ses priviléges de roi et d’époux, des progrès que les blandices de Marie Stuart font dans la confiance du jeune roi bercé d’espérances, de sa résolution de revenir avec elle partout où elle voudra le conduire, même à la mort, pourvu qu’elle lui rende son cœur et ses droits d’époux.

1892. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

« Elle parut, dit la Chronique d’Édimbourg, à sa fenêtre qui donne sur Hightgat, s’adressant au peuple d’une voix forte et disant comment elle avait été jetée en prison par ses propres sujets qui l’avaient trahie ; elle se présenta plusieurs fois à la même fenêtre, dans un misérable état, ses cheveux épars sur ses épaules et sur son sein ; le corps nu et découvert presque jusqu’à la ceinture. « Par cette main royale », dit-elle à lord Ruthven et à Lindsay, qui avaient aidé au meurtre jamais pardonné de son premier favori, Rizzio, « j’aurai vos têtes, tôt ou tard !  […] « Je vous supplie, écrivit-elle, des frontières du Cumberland, à Élisabeth, de m’envoyer chercher le plus tôt possible que vous pourrez, car je suis en pitoyable état, non-seulement pour une reine, mais pour une gentille femme.

1893. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Elle était, en réalité, subordonnée à ses grandes stratégies littéraires, et parfois elle dut en souffrir, comme toute chose de premier ordre qu’on réduit à l’état de chose secondaire et qu’on sacrifie à un but préféré. […] Désiré Nisard Quand on parle de l’état des lettres dans la France contemporaine, on ne peut guère ne pas nommer M. 

1894. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Pour montrer à quelle hauteur Wagner a porté l’art de la musique, il est nécessaire de considérer l’état de dégradation où il est tombé dans notre théâtre moderne. […] Le décor agit par son éclairage, les principales directions de ses lignes, les quantités et les qualités de ses couleurs, ses états et ses mouvements.

1895. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

De l’état de la critique au commencement du XIXe siècle L’antiquité sans doute avait eu aussi sa critique ; mais celle-ci présentait des caractères différents de la nôtre. […] cette reproduction de l’état moral d’une société éteinte est devenue souvent, sous la plume de nos critiques, une œuvre digne à son tour des regards de la postérité.

1896. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

» — Admirable vue, mais qui reste à l’état de vue chez La Bruyère et dont il ne tire aucun parti.

1897. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Il célébrait les fêtes de la Cour avec beaucoup de régularité, en faisant faire le feu roulant à ces troupes-là ; outre cela, chaque jour on relevait la garde, c’est-à-dire que de chaque table on prenait les poupées qui étaient censées monter la garde ; il assistait à cette parade en uniforme, bottes, éperons, hausse-col et écharpe ; ceux de ses domestiques qui étaient admis à ce bel exercice étaient obligés d’y assister de même. » Dans l’état d’ivresse qui lui était habituel, il lui arriva plus d’une fois, vers ce temps, d’entrer chez la grande-duchesse et de tirer l’épée dans sa chambre, soit pour la menacer, soit sous prétexte de la défendre contre de chimériques ennemis : sans s’effrayer, elle le renvoyait cuver son vin et dormir.

1898. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Je résumerai en peu de mots l’état de la question et des études à son sujet, en remontant rapidement le cours de cette haute renommée.

1899. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Les Païens eux-mêmes, tels que Platon, Plutarque, Cicéron et beaucoup d’autres, sont mille fois préférables à la plupart de nos écrivains modernes ; c’étaient des gens religieux, pénétrés de respect pour la tradition… Depuis trois ou quatre siècles, la littérature est dans un état de rébellion contre la vérité. » Ainsi voilà trois siècles littéraires rayés d’autorité, et, ce qui est plaisant, rayés au nom de la tradition même.

1900. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Ce petit mémoire commence ainsi : « Depuis le 13 ventôse, mon mari est en état d’arrestation ; des méchants le poursuivent depuis dix-huit mois avec un acharnement criminel.

1901. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

A sept ans et demi, elle perdit sa mère, qui avait voulu aller mourir à Metz au milieu de sa famille ; car, atteinte d’une maladie de poitrine incurable, cette femme de vertu ne s’abusa pas un moment sur son état, et se disposa à la mort avec calme, comme pour un voyage.

1902. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Qu’on me rende un peu de justice, on conviendra que je n’étois nullement propre à l’état monastique, et tous ceux qui ont su le secret de ma vocation n’en ont jamais bien auguré.

1903. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Un des plus grands politiques, et qu’il est bon quelquefois de relire, le cardinal de Retz faisant le récit de la Fronde, ne peut s’empêcher de se demander, lui aussi, comment de l’état de somnolence et de léthargie où l’on était tombé, où l’on était encore « trois mois avant la petite pointe des troubles » qui faillirent bouleverser tout l’État et l’ordre même de la monarchie en France, on passa presque subitement à une commotion violente et universelle.

1904. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Elle n’est pas étouffée : elle subsiste encore en partie à l’état d’Idée-Force ; et l’artiste qui, ayant pleuré, rappelle ses larmes, ayant péché avoue sa faiblesse, est encore, à l’instant même de son aveu, sanglotant et ému.

1905. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Si c’est avec un esprit borné qu’on veut atteindre à une place élevée, est-il un état plus pénible que ces avertissements continuels donnés par l’intérêt à l’amour propre ?

1906. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Ce n’est pas d’abord à satisfaire des sentiments de haine et de fureur que des décrets barbares ont été consacrés, c’est aux battements de mains des tribunes ; ce bruit enivrait les orateurs et les jetait dans l’état où les liqueurs fortes plongent les sauvages ; et les spectateurs eux-mêmes qui applaudissaient, voulaient par ces signes d’approbation, faire effet sur leurs voisins, et jouissaient d’exercer de l’influence sur leurs représentants : sans doute, l’ascendant de la peur a succédé à l’émulation de la vanité, mais la vanité avait créé cette puissance qui a anéanti, pendant un temps, tous les mouvements spontanés des hommes.

1907. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Tout le xviie  siècle devait réagir, et même parfois avec un peu d’excès, contre cette doctrine ; mais vers 1550, dans l’état de la langue, l’erreur était et nécessaire et bienfaisante.

1908. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

De cette disposition surhumaine, Renan donne ces explications : « L’exaltation et la joie de souffrir ensemble les mettaient dans un état de quasi anesthésie.

1909. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Elles sont construites selon un plan déterminé dont l’auteur ne s’écarte pas ; la rime, si difficile qu’elle peut se présenter, ne l’entraîne jamais hors de la voie qu’il s’est tracée, car il la force à obéir et elle obéit, venant, à point nommé, compléter sa pensée, selon la forme voulue et le rythme choisi… Dans ses poésies, aussi bien dans celles de la jeunesse que dans celles de l’âge mur, Gautier a une qualité rare, si rare, que je ne la rencontre, à l’état permanent, que chez lui : je veux parler de la correction grammaticale… De tous ceux qui sont entrés dans la famille dont Goethe, Schiller, Chateaubriand, Byron ont été les ancêtres, dont Victor Hugo a été le père, ceux-là seuls ont été supérieurs qui ont fait bande à part… J’ai déjà cité Théophile Gautier et Alfred de Musset, qui eurent à peine le temps d’être des disciples qu’ils étaient déjà des maîtres.

1910. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Cette imagination des états de l’âme, si exclusivement dominatrice dans cette tête de songeur, est la cause que ces poèmes expriment non pas une âme individuelle et spéciale, mais l’Âme elle-même, la Psyché vagabonde et nostalgique et son dialogue immortel avec Dieu, avec l’Amour, avec la Nature.

1911. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Le Forgeron hait le Forgeron, la faim lui dicte son inimitié ; mais vous qui pretendez à la gloire, imiterez-vous l’homme venal dont l’ame répond à la bassesse de son état ?

1912. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Les Français, qui étaient alors des acteurs de profession et qui avaient renouvelé leur répertoire, étaient plus en état de lutter avec les Italiens et aussi de profiter de leurs leçons.

1913. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

La forteresse était juste à la limite des états de Hâreth et d’Antipas.

1914. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Une seule barque, dans le plus misérable état, sillonne aujourd’hui ces flots jadis si riches de vie et de joie.

1915. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

XVII, qui expriment bien un côté de l’état psychologique de Jésus, quoiqu’on ne puisse les envisager comme de vrais documents historiques.

1916. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Le mort, que ce tombeau recouvre, l’habite, en effet, non point à l’état abstrait de mémoire et de souvenir, mais en présence réelle, selon la croyance primitive.

1917. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Enfin la joie est l’état véritable de votre âme, et le chagrin vous est plus contraire qu’à qui que ce soit.

1918. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Il y aura de plus en plus de quoi souffrir pour ces esprits-là, surtout s’ils venaient à être dépaysés et déportés dans un état de soi-disant civilisation où le cri l’emporte sur le sourire, où il faille, appuyer de toute sa force sur chaque chose, et où la plaisanterie ait souvent besoin d’un porte-voix.

1919. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

L’école, c’est la résultante des pédantismes ; l’école, c’est l’excroissance littéraire du budget ; l’école, c’est le mandarinat intellectuel dominant dans les divers enseignements autorisés et officiels, soit de la presse, soit de l’état, depuis le feuilleton de théâtre de la préfecture jusqu’aux Biographies et Encyclopédies vérifiées, estampillées et colportées, et faites parfois, raffinement, par des républicains agréables à la police ; l’école, c’est l’orthodoxie classique et scolastique à enceinte continue, l’antiquité homérique et virgilienne exploitée par des lettrés fonctionnaires et patentés, une espèce de Chine soi-disant Grèce ; l’école, c’est, résumées dans une concrétion qui fait partie de l’ordre public, toute la science des pédagogues, toute l’histoire des historiographes, toute la poésie des lauréats, toute la philosophie des sophistes, toute la critique des magisters, toute la férule des ignorantins, toute la religion des bigots, toute la pudeur des prudes, toute la métaphysique des ralliés, toute la justice des salariés, toute la vieillesse des petits jeunes gens qui ont subi l’opération, toute la flatterie des courtisans, toute la diatribe des thuriféraires, toute l’indépendance des domestiques, toute la certitude des vues basses et des âmes basses.

1920. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

On a fait observer, à l’appui de la phrénologie, que dans la folie les facultés peuvent être surprises dans un certain état d’isolement.

1921. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Je ne m’occupe pas le moins du monde de savoir si les Planche, les Chasles et les Sainte-Beuve, qui furent les contemporains de Janin et qui ne furent non plus que des critiques à l’état fragmentaire, l’auraient docilement accepté pour leur Roi de la main fort peu consacrée de M. 

1922. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Mais cela devient au contraire très simple et tout naturel, si l’on prend pour substitut du temps une ligne de lumière extensible, et si l’on appelle simultanéité et succession des cas d’égalité et d’inégalité entre lignes de lumière dont la relation entre elles change évidemment selon l’état de repos ou de mouvement du système.

1923. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Le dernier a même trouvé une veine comique fort drue dans existences (la première partie du moins, car la seconde reste à l’état de brouillon).

1924. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

les trésors ne leur suffisaient pas ; ils avaient l’audace de s’indigner s’ils ne partageaient point la considération attachée à la dignité, croyant voiler ainsi leur servitude… L’empereur chassa du palais ces animaux dévorants, ces monstres à cent têtes, et voulut qu’ils regardassent comme une grâce la vie qu’il leur laissait. » Il était difficile, sans doute, de mieux peindre la corruption profonde de la cour de Byzance, cette chaîne de brigandage et d’oppression, et l’abus du crédit, dans une classe d’hommes qui, voués par état à des emplois obscurs, mais approchant du prince, ou paraissant en approcher, imprimaient de loin l’épouvante, parce qu’ils habitaient le lieu où réside le pouvoir.

1925. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

On sent ce qu’ont de sérieux ces communications entre les premiers peuples, qui, à peine sortis de l’état sauvage, vivaient ignorés même de leurs voisins, et n’avaient connaissance les uns des autres qu’autant que la guerre ou le commerce leur en donnait l’occasion.Ce que nous disons de l’isolement des premiers peuples s’applique particulièrement aux Hébreux. — Lactance assure que Pythagore n’a pu être disciple d’Isaïe. — Un passage de Josèphe prouve que les Hébreux, au temps d’Homère et de Pythagore, vivaient inconnus à leurs voisins de l’intérieur des terres, et à plus forte raison aux nations éloignées dont la mer les séparait. — Ptolémée Philadelphe s’étonnant qu’aucun poète, aucun historien n’eût fait mention des lois de Moïse, le juif Démétrius lui répondit que ceux qui avaient tenté de les faire connaître aux Gentils, avaient été punis miraculeusement, tels que Théopompe qui en perdit le sens, et Théodecte qui fut privé de la vue. — Aussi Josèphe ne craint point d’avouer cette longue obscurité des Juifs, et il l’explique de la manière suivante : Nous n’habitons point les rivages ; nous n’aimons point à faire le négoce et à commercer avec les étrangers.

1926. (1888) Poètes et romanciers

Mais il y a des convenances d’état, si je puis dire, et quoique je ne prenne pas au sérieux le sacerdoce de M.  […] Il n’aurait fait, dit-il, qu’un soldat d’hôpital, et son père était hors d’état de payer un remplaçant. […] Malgré tout, c’est là une sorte de gymnastique qui a pu n’être pas sans utilité pour assouplir le style de l’écrivain et le plier aux grands efforts. — Cet essai de traduction est précédé d’une préface étendue où le poète examine l’état et l’avenir de la philosophie. […] Ni l’expérience externe ni l’expérience interne, nos seules lumières, ne sont en état de résoudre le problème de la substance ; il leur est donc impossible d’en attester la division et la pluralité. […] Mais elle est une conséquence, un effet de cet état morbide, plus souvent qu’un principe et qu’une cause. — Personne, avant M. 

1927. (1902) Propos littéraires. Première série

Paul Adam est durement et véhémentement pessimiste, très hostile surtout, sinon à rétablissement social, du moins à tout ce que l’état social a créé de gênes pour l’expansion de l’individu, et de conventions et hypocrisies dans le commerce des hommes. […] Leur état de dépaysés dans le berceau est très amusant. […] Il nous prévient que le mouvement anglo-catholique a eu son retentissement sur l’état politique, social, littéraire et artistique du Royaume-Uni. […] Et elle finit par comprendre ces deux états d’âme si différents, et la raison de cette différence : « “Un jour j’ai voulu mourir avec lui. […] Toujours est-il que, depuis quelques années déjà, Claire et Gérard vivent dans cet état conjugal qu’on peut appeler en style diplomatique une cordiale neutralité.

1928. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Je crois que pour le coup on aura sous les yeux des êtres vivants, et non ces pâles fantômes sans vie, passés à l’état abstrait et complètement typifiés. […] Les écrivains, très honorables d’ailleurs, du Petit Journal, sont donc, pour l’historien, les expressions précieuses, les plus précieuses, de l’état intellectuel de la France moderne, et, si la théorie est juste, ils sont les vrais auteurs français du xixe  siècle dignes d’être étudiés. […] C’était très probablement l’esprit du temps qui en souffrait quelquefois, et, de fait, pour avoir pris la haute littérature du xviie  siècle comme expression de l’état des mœurs françaises au xviie  siècle, il s’est fait de l’état social au xviie  siècle une idée assez étrange. […] Et ce poète épique est devenu sur le tard un moraliste rigoureux et sévère, mystique et exalté, affamé de perfection et d’absolue pureté morale, une sorte d’édénien, trouvant le christianisme beaucoup trop mêlé pour lui, et n’en prenant que ce qu’il a de plus pur, et non seulement de plus pur, mais les outrances et excès, délicieux et chimériques, la partie la plus angélique du christianisme à l’état primitif et essentiel. […] Neyrac est de ces derniers, surtout dans l’état d’exaltation psychique où il se trouve depuis trois mois.

1929. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Malgré la fécondité de son imagination, il a senti qu’il valait mieux prendre sa pensée à l’état naissant que de remanier la forme déjà trouvée. […] En quel état vous avez mis le secrétaire de grand’maman !  […] Nous sommes tout près de dire au père, non pas : « Vous avez raison », non ; mais : « Mon Dieu, la crise est arrivée à l’état aigu. […] Helbig ; d’abord parce que Lauffen est son supérieur ; ensuite parce qu’il semble bien que Helbig a fait irruption chez Lauffen, l’a violenté et que Lauffen n’a frappé qu’en état de légitime défense. […] Les différents états d’âme par lesquels a dû passer un Français de moyen ordre né vers 1860 et qui a vu l’invasion, la Commune, la préparation de la revanche (hélas !)

1930. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Et par quel moyen simule-t-elle cet état ? […] Les personnages ne seront que les représentants des diverses classes sociales et de leurs divers états d’esprit. […] Ce sont les personnages que Watteau embarque pour Cythère dans le tableau que vous savez : voilà tout leur état social. […] Il m’eût plu de voir Rolande traverser divers états d’esprit, et peu à peu, parmi des doutes et des déchirements de conscience, passer, par piété filiale, de la fermeté résignée du commencement à l’indignation désespérée et à la sainte impiété de la fin. […] Et ils le racontent avec des insistances telles, qu’on se demande dans quel état une pareille concentration d’esprit sur un seul objet, et sur cet objet-là, a pu laisser les auteurs.

1931. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Leurs sentiments s’exaltent d’eux-mêmes, s’amplifient en s’exprimant, et arrivent bien vite à ce qu’on pourrait appeler l’état lyrique. […] Je comprends qu’on ait supplié l’artiste de n’y plus toucher : car l’état dans lequel il a été laissé est ce qu’on pourrait appeler le moment merveilleux. […] Pour lui et pour les imaginatifs de sa force, la statue est au point, c’est-à-dire dans l’état où elle produit son maximum d’effet. […] Les choses doivent donc rester dans l’état. […] Nous sommes maintenant en état de répondre à la question que nous nous étions posée.

1932. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Et tout cela m’est la même chose, étant résolu de ne faire non plus d’état de mes prétendues assurances que de mon incertitude même. […] Racine corrigea ; Chapelain parla à Colbert ; et « ce ministre envoya au jeune poète cent louis de la part du roi, et peu après le fit mettre sur l’état pour une pension de six cents livres en qualité d’homme de lettres ». […] Notez, quoi que j’aie pu dire tout à l’heure des différences essentielles de la conception chrétienne et de la païenne, que ces rapprochements ne paraissent point si forcés, tant le dogme chrétien correspond à des états ou besoins permanents de l’âme humaine ! […] Elle terminait en lui déclarant que, tant qu’il serait dans un état si déplorable et si contraire au christianisme, « il ne devait pas penser à venir la voir ». […] dans l’état funeste où ma chute m’a mis, Est-ce que mon malheur m’a laissé trop d’amis ?

1933. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Mais ne leur parlez pas des états médiocres ; ils ne veulent voir agir que des seigneurs, des princes, des rois, ou du moins des personnes qui aient fait grande figure. […] Ne pourront être admis aux débats critiques que les gens qui sont en état de produire. […] » Ce dernier cri n’est-il pas préférable à toute tirade, ne peint-il pas complètement l’état de Gérard ? […] Du reste, je puis vous faire un aveu : je me suis trouvé tout à coup, en fondant ce journal, aux prises avec des idées qui étaient en moi bien plutôt encore à l’état de sentiments que d’idées. […] Il n’y en a pas un qui les ait dans un état normal.

1934. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Leur état normal est la sérénité mélancolique. […] * * * — Dernièrement, le fils d’une femme du peuple a quitté la maison de commerce où il était, en disant que c’était « un état où on ne parlait jamais de vous ». […] * * * — Fournisseur de rébus pour assiettes, — c’est un état à Paris.

1935. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Bergson en particulier, nous ont permis de concevoir comment, non seulement ces âmes individuelles existent en soi à l’état de monade, mais comment elles vivent. […] Je me suis attaché à montrer principalement que les âmes humaines se développent suivant un rythme qui leur est propre, et que la poésie n’est pas autre chose que la traduction harmonique des rapports spontanés qui s’établissent entre les états successifs d’une même âme, et qui représentent des aspects divers de la vie et du développement de cette âme. Ces états peuvent être purement subjectifs ; ils peuvent aussi être la représentation des concordances mystérieuses qui s’établissent entre un rythme individuel et celui des autres âmes ou entre l’âme du poète et le rythme universel, et j’ai cherché surtout à faire ressortir que le poème de génie est en définitive une loi, une loi vivante et vraie qui correspond aux rapports réels des êtres, et qui domine par sa puissance les ordinaires existences individuelles, les ordinaires lois du milieu humain.

1936. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Permettez-moi en terminant de vous présenter, monsieur le Ministre, quelques réflexions générales sur le caractère de la littérature actuelle, sur son état présent et sur son avenir. […] Le ton du livre est tout à fait moderne et représente assez justement l’état actuel de la poésie. […] Et la mère de l’enfant s’approche, et Charlotte Corday l’interroge doucement sur son état, sur l’état de son mari, sur ce qu’ils ont, sur ce qu’ils désirent, et il se trouve que ce petit ménage, si peu qu’il ait, a cependant assez et ne désire pas davantage. […] Pour l’ordinaire, lorsque la mort intervient sur le théâtre, elle atteint le méchant, qu’elle met hors d’état d’achever son crime, elle venge la société et soulage la conscience publique. […] Le marquis d’Auberive le rencontre dans ce piteux état.

1937. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Si vous étiez mon débiteur aujourd’hui, je serais obligé, par mon état de gêne, de vous traiter avec la plus grande rigueur. *** Un de nos amis se trouvait pas hasard à dîner chez un monsieur dont l’état de sganarellisme n’est un mystère pour personne, — pas même pour lui. […] S’il possède un caractère irritable, il devra le tamponner de patience, s’il ne veut pas souffrir des ruades et rebuffades qui pourront résulter de la mauvaise humeur de l’homme célèbre, quand celui-ci aura éprouvé des désagréments familiers à son état. […] Si M. de Rambuteau eût été lord-maire, il est certain que cet état de chose l’eût frappé, et sans doute il aurait pensé à utiliser au profit de la population de Londres les nombreuses colonnes monumentales qui font ressembler cette ville à un immense jeu de quilles dont le dôme de Saint-Paul est la boule. […] Le nom de ce quartier indique suffisamment l’industrie qu’on y exerce, et que les habitants ne songent même pas à dissimuler, car j’ai vu des enseignes où on lisait : À la renommée du point d’Angleterre un tel, receleur, Tient tout ce qui concerne son état.

1938. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

C’est un état d’ivresse, mais d’ivresse divine, qui n’altère ni ne déshonore la raison, mais qui l’emporte comme un aigle emporte un enfant de roi dans la tempête, dans le tonnerre, dans ces espaces illimités qui prolongent jusqu’à notre planète le regard de Dieu. […] Le pauvre Bien-Aimé n’était pas de force à sortir jamais de ce cercle de Popilius : un coup d’état ou la vertu. […] C’était très beau, cette viande vivante qui s’en allait en visite chez la viande morte, sans qu’aucune créature humaine ou angélique fût en état de prononcer pour quelle raison elle y allait. […] Il vingt trouver le grand artiste dans sa solitude de la rue Rousselet et lui dit des choses telles que ceci : « Cher maître, voyez l’état de mon cœur, je sens que votre Dieu agit en moi et que je vais vous appartenir, à vous autres catholiques. […] À le croire, ce mot qui exprime l’état le plus haut de l’âme, escortée de toutes ses puissances, quand elle gravite magnifiquement vers son centre, dans les splendeurs sidérales de l’inspiration : ce mot signifierait la béate et immobile stupidité d’une contemplation imbécile.

1939. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

XXVII « Chez les peuples religieux, et en général dans les pays où le développement individuel est entravé par l’état social, l’architecture est l’art dominant. […] Les temples-cavernes de l’Inde antique, ornés de sculptures bizarres, représentent l’état le moins avancé de l’architecture et de la plastique.

1940. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Il faut le reconnaître ou s’appeler Titan ; tout remettre en question, comme les utopistes ; se constituer en état de révolte radicale contre la forme de l’humanité tout entière, c’est-à-dire en état de démence et de frénésie contre la force des choses, cette souveraineté absolue de Dieu.

1941. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Molière use de même du temps : le temps est réel dans le Misanthrope ; Alceste est pris en un état de crise qui ne doit pas durer, et une journée de la vie mondaine peut suffire aux affaires de la comédie. […] Les Précieuses ne sont qu’une farce, qui a créé la comédie de caractère : outre la satire d’un ridicule du xviie  siècle, elle découvre certains états de sentiment et d’esprit qui sont aussi bien de notre temps.

1942. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

De cet amour éphémère, si vite rompu par la mort, et des états de sensibilité qu’il détermina, sortit le recueil des Premières Méditations 750 (1820). […] Comme toutes ces formes narratives et dramatiques lui servaient à enfermer, à révéler son intime état de souffrance ou de volonté, ainsi ses poèmes, où il semblait devoir s’exprimer plus directement, ne sont lyriques aussi que par l’émotion subjective qui les a fait germer : ce sont des légendes mystiques, des contes épiques, des récits dramatiques.

1943. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

ces outils de renouvellement, je les trouve… à l’état embryonnaire bien certainement, mais je les trouve dans Henriette Maréchal, dans cette pièce qui est un début, — et un début ne produit jamais une œuvre tout à fait supérieure. […] Du haut de ces prétendus paradoxes passés à l’état de vérités, de truism, voici aujourd’hui ma vaticination sur le théâtre.

1944. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Non, je ne crains pas d’affirmer, après les avoir étudiées dans tous les états et dans tous les pays, que la vie ne vaut pas le prix de travail, de misère, de peines, de supplices par lequel on achète la vie, et que, si on mettait, au dernier jour, dans les deux bassins d’une balance, d’un côté la vie physique, et de l’autre ce que coûte le pain qui a alimenté la vie physique, le prix que l’existence physique coûte ne parût supérieur à ce qu’elle vaut, et qu’à fin de compte ce ne fût la peine qui fût redevable à la vie ! […] dans quel état de frissonnement, de terreur et d’horreur, reviendra-t-elle se réfugier dans le sein d’où elle sera partie, après ce voyage à travers le doute sur la première des certitudes nécessaires à l’homme, la certitude de son Dieu ?

1945. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

C’est une vérité acquise que rien ne naît, ne se forme, ne se développe, ne vit et ne dure à l’état d’isolement et d’abstraction, pas plus dans la vie des peuples que dans celle des individus. […] Tandis que l’ancienne école historique se borne à déplorer le fait au nom de la dignité humaine, la nouvelle l’explique de manière à faire voir que, l’état de la Grèce étant donnée au temps de Philippe et d’Alexandre, les choses ne pouvaient se passer autrement, quels que fussent le talent et le patriotisme de quelques bons citoyens.

1946. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Sachons-le : Duclos a été maire de Dinan pendant plusieurs années ; il a trouvé moyen de concilier cette vie bretonne avec son existence parisienne ; il a été membre des états de sa province ; c’est un homme de lettres qui a de la pratique administrative, et qui a connu un coin de vie parlementaire et politique.

1947. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Fagon, son premier médecin : « Faites, monsieur, pour M. de Luxembourg tout ce que vous feriez pour moi-même si j’étais dans l’état où il est. » Louis XIV n’offre pas d’abord des trésors à celui qui sauvera M. de Luxembourg ; il dit ce simple mot humain : Faites comme pour moi-même.

1948. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

En revanche, il s’élève contre les écrivains de nos jours, semblables, dit-il, « à ces pianistes qui exécutent des impossibilités incompréhensibles, mais qui sont hors d’état d’inventer une mélodie, une ariette, une note. » Il s’élève contre les adorateurs idolâtres de la forme : « Cette forme il a fallu la changer, la varier, la modifier à l’infini ; il a fallu la rendre bien feuillue, bien plantureuse, bien luxuriante, afin qu’elle pût cacher le vide sans fond qu'elle recouvrait… Le gothique flamboyant fut le dernier effort de l’ogive mourante ; nous en sommes arrivés à la littérature flamboyante… » Mais prenez garde !

1949. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Ce Vauvenargues plus intime et plus essentiel que l’autre éclate dans une de ses dernières lettres à Saint-Vincens, lorsque, apprenant l’invasion de la Provence par les Autrichiens et les Piémontais dans l’automne de 1746, il s’écrie : J’ai besoin de votre amitié, mon cher Saint-Vincens : toute la Provence est armée, et je suis ici bien tranquillement au coin de mon feu ; le mauvais état de mes yeux et de ma santé ne me justifient point assez, et je devrais être où sont tous les gentilshommes de la province.

1950. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Je ne suis pas insensible à voir la France dans un tel état de considération au dehors et de prospérité au dedans, et de penser que la gloire et le bonheur de ma patrie datent de mon entrée au ministère ; mais, si vous m’ôtez cette satisfaction d’un honnête homme, il ne me reste qu’un profond ennui de ma place, de la lassitude de tout, du mépris pour les hommes beaucoup augmenté, et l’envie d’aller mourir loin du bruit, en paix et oublié dans quelque coin du monde : voilà l’effet de l’encens sur moi.

1951. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

C’était M. de Louvois qui avait proposé au roi de donner ce carrousel ; la proposition aurait assez plu à Louis XIV sans la dépense, qu’il regardait comme considérable et qu’il n’était pas en état de faire alors.

1952. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Il s’y montre fort réconcilié avec l’état militaire, qu’il avait moins honoré avant de levoir à l’œuvre et en action.

1953. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Pecquet était avec moi, qui dit l’état de l’enfant.

1954. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

De même que, dans le sein de la mère, à l’état d’embryon, l’enfant parcourt rapidement, avant de naître, tous les degrés de l’organisation animale, de même, éclos et né, il tend à parcourir en abrégé les premiers âges de l’histoire et d’avant l’histoire.

1955. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Je compare l’état actuel de la littérature à une forte fièvre qui en elle-même n’est ni bonne ni désirable, mais qui a pour heureuse conséquence une meilleure santé.

1956. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

À son état mondain, il apparaît richement habillé, sur le pied de chevalier, son oiseau sur le poing, et Brunamont, son page, mène ses chiens après lui.

1957. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Comme il convient de se bien définir à soi-même les termes, même les plus courants et les plus connus, on appelait proprement dragonnades l’opération, en apparence très-simple, qui consistait à faire arriver dans un pays des dragons ou tout autre corps de cavalerie, à les loger chez des bourgeois, métayers ou fermiers protestants, ou même des nobles, et à les ruiner par ces logements prolongés qui, dans l’état encore très-neuf de la discipline militaire d’alors, et surtout quand on voulait bien y donner les mains et fermer les yeux, étaient accompagnés de quantités d’exactions, vexations, coups, viols, sévices et parfois meurtres ; on exemptait qui l’on voulait de ces logements, et on écrasait les autres.

1958. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Cervantes le suivit à Rome et fit partie de sa maison en qualité de chambellan ou valet de chambre ; mais cet état de domesticité, réputé honorable, paraît lui avoir peu convenu, et, au lieu de pousser sa fortune près de son patron, de devenir signor abbate et le reste, on le voit bientôt engagé soldat au service de la ligue conclue entre le pape, Philippe II et les Vénitiens, dans cette espèce de sainte croisade commandée par Don Juan d’Autriche contre les Turcs.

1959. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Le duché de Varsovie appartenait entièrement au système de la France ; il était son avant-garde du côté de la Russie ; ses moyens, son armée, devenaient nôtres par la force des choses ; et, s’il ne se suffisait pas à lui-même, il nous fallait y suppléer. » Il nous expose l’état du gouvernement, à cette date, dans le grand-duché, et il nous en décrit le personnel en parfaite connaissance de cause.

1960. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Il s’était passé dans l’intervalle un grand événement domestique que l’état de sa santé l’avait averti sans doute de conclure sans trop de retard.

1961. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

J’ai reposé un peu ma goutte aujourd’hui, et je suis en état de sauter vingt-quatre semelles pour votre, service.

1962. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

On sait, en effet, qu’à peine mis à la tête de son armée du Nord, Richelieu, pressé d’en finir et poussant le duc de Cumberland qu’il surprenait dans un état de lassitude et de décomposition morale, se hâta de conclure avec lui, par l’entremise d’un ambassadeur de Danemark, le comte de Lynar, espèce de fou mystique, la Convention dite de Kloster-Zeven, en vertu de laquelle toute l’armée ennemie alliée devait se disperser.

1963. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il ne s’est pas contenté de saisir cet aperçu à l’état moral, il l’a voulu suivre sous forme théologique : il a chanté le sacré triangle, c’est trop.

1964. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

La division des états excluant une capitale unique, où toutes les ressources de la nation se concentrent, où tous les hommes distingués se réunissent, le goût doit se former plus difficilement en Allemagne qu’en France.

1965. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Le principal intérêt de tous ces ouvrages, c’est de nous montrer souvent à l’état brut ou mal dégrossis encore des matériaux que le bonhomme recueille de ci de là, au hasard de ses expériences et de ses rencontres, et qu’il essaie, affine, concentre peu à peu, pour en faire ensuite les éléments de ses chefs-d’œuvre.

1966. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Quand on est à ce point convaincu de l’injustice, de l’absurdité, de la monstruosité de l’état social, on ne doit guère trouver que cela prête à rire ; du moins on ne doit pas rire toujours.

1967. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Quand Molière et ses acteurs allèrent représenter la comédie-ballet du Bourgeois gentilhomme à Chambord, puis à Saint-Germain, en octobre et novembre 1670, nous voyons, d’après l’état officiel47, les dépenses accessoires s’élever à la somme considérable de 49 404 livres, 18 sous.

1968. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Chaque page est une œuvre d’art distincte, pourrait être (a même été, en premier état, aux périodiques) publiée à part, et mériterait en l’espèce d’être encadrée à part.

1969. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

L’un est fait de tous les états mentaux qui ne se rapportent qu’à nous-mêmes et aux événements de notre vie personnelle.

1970. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

La situation était à peu près celle des villes saintes de l’Inde sous la domination anglaise, ou bien encore ce que serait l’état de Damas, le lendemain du jour où la Syrie serait conquise par une nation européenne.

1971. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Ou, au contraire, est-ce qu’il représente plutôt les ensembles confus, accidentés, tourmentés, chaotiques, comme ceux qu’offre parfois l’art gothique ou la nature à l’état sauvage ?

1972. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Or, on sent à tout moment dans Raphaël l’altération, le renchérissement subtil et sophistique de ce qui a dû exister à l’état de passion plus simple ; on sent la fable qui s’insinue.

1973. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Dès les premières semaines, on peut voir l’idée qu’il se faisait de l’état réel du parti par les conversations très belles et très sérieuses qu’il tint avec le duc de Bouillon, le frère aîné de Turenne, et la meilleure tête entre tous ces grands qui s’étaient mis de la faction.

1974. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Son établissement miraculeux, son triomphe sur les démons & sur les passions des hommes, la violence qu’elle nous commande de faire à nos desirs, la réformation du cœur, la sublimité de ses mystères & de ses dogmes, l’éternité de gloire & de supplices qu’elle nous présente, l’héroisme de ses généreux athlètes  ; toutes ces idées, véritablement grandes, prêtent plus à l’éloquence, au génie heureusement né pour l’art oratoire, que les intérêts des plus grands états.

1975. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Nous savons bien qu’une langue ne sera jamais fixée ; mais pourtant nous paraît-il (avantageux qu’elle garantisse une. certaine stabilité sans être comme l’allemand sans cesse à l’état malléable, fluide pour ainsi dire, et, suivant une des expressions de la philosophie germanique, « dans un éternel devenir ».

1976. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

En effet : la vie nationale de l’Italie, entravée déjà au cours de la première et de la deuxième ère par des circonstances spéciales, aurait dû commencer du moins au lendemain de la Révolution française ; on sait que Napoléon Ier encouragea cette espérance jusqu’à un certain point ; mais la Restauration paralysa le mouvement : il ne s’est pleinement réalisé qu’avec la prise de Rome ; politiquement ; restaient d’énormes difficultés sociales et morales ; l’Italie, maîtresse de ses destinées, assagie par sa défaite en Érythrée, ne marche sûrement au triomphe que depuis 1900 environ ; à cet état des choses, à cet état d’âme, devrait correspondre une floraison épique.

1977. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

On peut rêver à plaisir le pouvoir absolu ; on peut le prétendre un mal nécessaire, dans certain état du monde.

1978. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

C’est la terre à l’état sauvage, livrée aux énergies aveugles de la production avant que l’homme ait défriché sa glèbe et discipliné son règne animal. […] Ce qui le caractérise, c’est la rage passée à l’état chronique. […] C’étoit un état bien triste et bien contraignant pour cette jeune reyne », de se trouver ainsi éloignée tout d’un coup des personnes qui auroient pu lui donner de la consolation, du plaisir et même des conseils utiles. […] Le roi, qui était promptement descendu pour voir en quel état elle étoit, témoigna une joie extrême qu’elle ne fût pas blessée, et il reçut très bien la prière qu’on lui fit pour ces généreux coupables27 . » — Ainsi : « Ne touchez pas à la reine !  […] Un portrait de Carreno, peint vers cette époque, le montre à l’état presque cadavérique : les joues creuses, l’œil fou, les cheveux pendants, la bouche convulsée.

1979. (1902) La poésie nouvelle

Mais elle n’est pas là morte et froide, cette mythologie, à l’état de vain ornement traditionnel. […] Ailleurs, il constate que ses « angoisses métaphysiques » lui passent « à l’état de chagrins domestiques ». […] Cet instant est celui qu’il faut noter, qu’il faut « clicher », parce qu’il synthétise une multitude variée d’états de conscience et c’est à synthétiser que consiste le travail effectif du poète. […] Mais l’étude minutieuse des origines de notre langue, la connaissance approfondie de son vocabulaire et de sa syntaxe dans leur premier état et dans leur développement, l’ont muni d’une forme verbale vraiment classique. […] Dans les Sites, le sentiment ne se présentait déjà plus avec une telle spontanéité et, pour ainsi dire, dans un tel état de nudité ingénue.

1980. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

L’attente ordinaire, l’attente permanente, c’est-à-dire l’état où nous nous trouvons continuellement suffit très bien. En cet état, la chose imprévue, si elle n’est pas effrayante ou douloureuse, nous fait rire. […] Il vous vaudra une bonne nuit et à moi aussi. » La fin de la vie de Casimir Delavigne fut attristée par un état maladif continuel, par des tracas d’argent et par des insuccès dont la plupart furent parfaitement immérités. […] Sachez que toute ma vie j’ai regretté d’avoir été forcé par mes parents de quitter la profession d’imprimeur ; cet état eût assuré mon indépendance, et il faut être indépendant pour être poète. […] Il prouve que cet état social est arrivé à sa décomposition et qu’il faudra le changer très radicalement.

1981. (1876) Romanciers contemporains

L’incomparable fécondité de ce cerveau tout bouillonnant, cette intensité de vie indicible, cet état incessant de fièvre productrice, d’hallucination désordonnée, ce mouvement perpétuel de la pensée en ébullition, tout cela est du ressort du physiologiste constatant jusqu’où peuvent aller les forces intellectuelles de l’homme. […] Il n’a rien déguisé, rien fardé, et a montré le cœur humain dans tous ses états. […] Dès lors, leurs actes, leurs tendances, leur état physiologique ne sauraient jamais servir de base solide à une théorie scientifique. […] Si Gabriel Ferry était trop peu connu de la génération actuelle, on ne peut pas dire qu’il en soit ainsi de Gaboriau : il est mal connu, ce qui est pire, car, dans ce pays aux opinions accréditées et toutes faites, il est plus facile de passer de l’état d’inconnu à la notoriété que de sortir d’une classification admise pour aller dans une autre. […] Par un effort prodigieux d’invention et un véritable tour de force de combinaisons ingénieuses, il est parvenu, après nous avoir mis, dès les premières scènes de ses livres, en face d’une situation intéressante au plus haut degré, à maintenir jusqu’au bout, et dans le même état enfiévré, notre curiosité haletante.

1982. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

« Je ne reviens pas du culte que j’ai rendu à Rousseau (car c’en était un), écrivait Mme de Boufflers, et il me paraît que ses Confessions pourraient être celles d’un valet de basse-cour, et même au-dessous de cet état » [Lettre à Gustave III, du 1er mai 1782]. […] Comme d’ailleurs aucun cerveau ne saurait faire ainsi, de lui-même, naturellement, spontanément, œuvre ou « métier de chambre noire », une conséquence résulte du principe, laquelle est que nous commencerons par nous mettre en état de ne mêler à nos impressions que le moins que nous pourrons nous-mêmes de nous-mêmes. […] 3º Les Œuvres. — Les Œuvres essentielles de Bonald sont : la Théorie du pouvoir politique et religieux dans la société civile, 1796 ; — son Essai analytique sur les lois de l’ordre social, 1800 ; — son Divorce considéré relativement à l’état domestique et à l’état de société, 1801 ; — sa Législation primitive, 1802 ; — ses Recherches philosophiques sur les premiers objets de nos connaissances morales, 1818 ; — deux volumes de Mélanges, 1819, formés d’articles parus dans le Mercure de France, de 1801 à 1810 ; — quelques discours, et différents opuscules politiques ou religieux. […] Origine et première éducation de Lamennais. — Ses premiers écrits : les Réflexions sur l’état de l’Église en 1808, supprimées par la police impériale ; — et le livre de la Tradition de l’Église sur l’institution des évêques, 1814. — Séjour en Angleterre, 1814-1815 ; — et publication du premier volume de l’Essai sur l’indifférence en matière de religion, 1817. — Émotion qu’il excite ; — et qui augmente encore par la publication du second volume en 1821 […] Les premiers travaux de Renan ; — Averroès et l’averroïsme, 1852 ; — Histoire générale des langues sémitiques, 1857 ; — Études d’histoire religieuse, 1848-1857 ; — Essai sur l’origine du langage, 1858 ; — et que ces travaux ne sont pas les moins remarquables qui nous restent de lui. — Le caractère commun en est d’avoir voulu sauver de la « religion » tout ce qu’on en peut sauver sans croire à cette religion même ; — ce qui serait tout simplement du Voltaire ; — si ce n’était plutôt encore du Chateaubriand ; — à cause de la sincérité sentimentale dont Renan a fait preuve dans cette partie de son œuvre ; — et du charme infini de style dont il a enveloppé ce que son entreprise avait de contradictoire. — Un autre caractère de ces premiers travaux en est la solidité scientifique [Cf. le Livre de Job, 1858 ; le Cantique des Cantiques, 1860 ; et surtout le Discours sur l’état des beaux-arts au xive  siècle]. — Collaboration de Renan à l’Histoire littéraire de la France. — Comment tous ces travaux ont contribué à étendre sensiblement le domaine de la littérature, — en y faisant entrer, par l’intermédiaire du style, — les résultats de l’érudition, de la philosophie, et de l’exégèse.

1983. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Cette vérité est prouvée par l’histoire de la littérature anglaise ; et remarquez que l’état où nous sommes dure en Angleterre depuis la restauration de 1660. […] Depuis que M. de Châteaubriand a défendu la religion comme jolie, d’autres hommes avec plus de succès ont défendu les rois comme utiles au bonheur des peuples, comme nécessaires dans notre état de civilisation : le Français ne passe pas sa vie au Forum comme le Grec ou le Romain, il regarde même le jury comme une corvée, etc. […] Au retour de l’ordre, chacun songea d’abord à avoir un état, l’ambition fut une fièvre.

1984. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Ses réfléxions sont pensées, mais communes ; & il paroît infiniment mieux instruit des affaires militaires, où un homme de son état se trompe presque toujours, que de celles du cabinet. […] Les Mémoires de l’état de la France sous Charles IX. depuis l’Edit de pacification en 1570. […] Il consulta non seulement des voyageurs & des négocians, mais des missionnaires d’un esprit solide, qui ayant passé la plus grande partie de leur vie, soit dans la capitale, soit dans les différentes provinces de cet Empire, étoient en état de donner des instructions sures.

1985. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Un travail bibliographique sur mon compte est donc chose toute nouvelle, et je n’oserais vous promettre de l’exécuter moi-même convenablement, surtout dans l’état de santé où je suis depuis plus d’une année. […] Sainte-Beuve a laissé à l’état de projet l’indication suivante tracée en quelques mots au crayon : « Ici le passage sur ce que dit M. 

1986. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

C’est pareille à elle que Médée se lamentait. » Mais une suivante de Médée l’aperçoit en cet état et va en prévenir sa sœur. […] Tel qu’il s’observe en luis même à l’état de maladie, et soit qu’il éclate en la Religieuse portugaise ou en Médée, il n’est ni l’une ni l’autre de ces choses.

1987. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Nous voyons la fable dans ses deux états, prosaïque, puis poétique ; nous n’avons qu’à retrancher l’un de l’autre, pour savoir exactement en quoi consiste la poésie. […] Mercure étant apparu aussitôt et ayant demandé la cause de ces larmes, chacun d’eux répondit qu’il avait perdu sa hache dans le fleuve, etc. »172 Je suppose qu’arrivé là, La Fontaine s’est mis à bâiller, respectueusement sans doute, en se disant, par conscience, qu’Esope était un grand homme, et « méritait des autels. » Mais en faisant ces réflexions décentes, sa main allait chercher au bout de la table un petit volume, assez mal famé, et qu’il aimait trop ; il ouvrait maître Rabelais et y lisait le même conte, l’imagination allumée par tout ce que le grand rieur lui faisait voir : « De son temps était un pauvre homme villageois, natif de Gravot, abatteur et fendeur de bois, et en cettuy état gagnait cahin-caha sa pauvre vie.

1988. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Réduit à l’inaction depuis que l’état de la république exige qu’elle soit gouvernée par une seule tête, j’ai cru qu’il serait utile de mettre nos citoyens au fait de la philosophie, et que d’ailleurs il y allait de notre gloire, que de si belles et de si grandes matières fussent aussi traitées en notre langue. […] « Quand ma patrie fut tombée dans ce dernier état, dépouillé de mes anciennes fonctions, je repris ces études, qui, tout en calmant mes douleurs, m’offraient de plus le seul moyen qui me restât d’être encore utile à mes concitoyens.

1989. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

XXII « L’âme, continue-t-il, qui est immatérielle, qui va dans un autre séjour, de même nature qu’elle, séjour parfait, pur, immatériel, et que nous appelons pour cette raison l’autre monde, auprès d’un Dieu parfait et bon (où bientôt, s’il plaît à Dieu, mon âme va se rendre aussi), l’âme, si elle sort pure, sans rien emporter du corps avec elle, comme celle qui pendant sa vie n’a eu aucune faiblesse pour ce corps, qui l’a vaincu et subjugué au contraire, qui s’est recueillie en elle-même, faisant de ce divorce son principal soin, et ce soin est précisément ce que j’appelle bien philosopher ou s’exercer à mourir ; « L’âme donc, en cet état, se rend vers ce qui est semblable à elle, immatériel, divin, immortel et sage, et là elle est heureuse, affranchie de l’ignorance, de l’erreur, de la folie, des craintes, des amours déréglées et de tous les maux des humains, et, comme on le dit des initiés, elle passe véritablement l’éternité avec les dieux (les êtres divins). […] Ses hypothèses sur l’état des âmes après la mort se rapprochent des fables homériques au sujet des enfers, et pressentent le purgatoire des chrétiens.

1990. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Sans doute beaucoup des réformes préconisées par lui et par d’autres restent longtemps à l’état d’utopies. […] Il s’est formé en elle deux Frances qui se dressent menaçantes en face l’une de l’autre, deux nations différant de principes, de convictions politiques, de préférences littéraires, celle-ci tournée avec regret vers l’ancien régime, favorable aux prétentions de l’Eglise, admiratrice forcenée de Bossuet, du xviie  siècle, de tout ce qui prêche la soumission aux puissances d’autrefois, celle-là répudiant le vieil idéal catholique et monarchique, proclamant que le xviiie  siècle est « le grand siècle » et la Révolution le point de départ d’une ère nouvelle, appelant de tous ses vœux un état social où achèvent de disparaître les privilèges et les entraves du passé.

1991. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

« Ainsi la musique a quitté son état d’innocence sublime ; elle a perdu son pouvoir, le pouvoir qui rachetait l’homme du Péché de l’Apparence ; elle a cessé d’être la révélatrice de la Nature réelle, et s’est jetée dans cette illusion de la Représentation, dont elle devait nous sauver (p. 100). […] Toutes les parties de cette musique nous montrent, — lorsque nous avons l’esprit dans l’état de veille, et les sens à jeun, — uniquement, un art d’accordance technique avec les lois de la Forme ; maintenant, se révèle à nous une vie tout faite d’esprit, une sensibilité douce tantôt, tantôt effrayante ; nous éprouvons, fiévreusement, le trouble, puis la paix, et les soupirs, et l’angoisse, et la plainte, et le transport ; tout cela semble avoir été pris au sol le plus profond de notre âme, et lui être rendu.

1992. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Il est désolé, et me dit qu’il était décidé à faire cette illustration, lorsque son médecin lui a déclaré, que s’il faisait de l’eau-forte, dans l’état où sont ses yeux, il perdrait la vue. […] corrompre la Belgique, ce pays, où après dîner chez des bourgeois, vos honnêtes amphitryons ne trouvent rien de plus moral, que de vous emmener passer la soirée au b… Dimanche 18 mai Je suis dans un tel état de nervosité, que les articles, qui parlent — en bien ou en mal de moi, il m’est impossible d’y apporter l’attention tranquille, l’épellement reposé, qu’il faut pour lire, j’en perçois en gros l’éloge ou l’injure, mais je ne les ai pas vraiment lus.

1993. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Or, voici sur ce point ce qui me semble : Supposez un homme assis au bord d’une rivière ou au bassin d’une source, qui s’appliquerait à considérer avant tout la réflexion des objets dans l’eau, à en saisir tous les reflets, les nuances, à en déterminer les rapports, les plans, les perspectives et les profondeurs apparentes ; que penseriez-vous de cet homme s’il posait comme premier principe que les reflets qu’il observe n’ont rien de commun avec les objets du rivage, avec l’état des bords ou du fond, que son étude ne se rattache en rien à cette partie de la physique qu’on appelle l’optique, et qu’il n’a rien de mieux à faire que de s’en passer ?

1994. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

En les citant, j’altère le moins possible ces espèces d’alexandrins qui sont à l’état brut.

1995. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Töpffer était né peintre, paysagiste, et son père l’était ; mais, forcé par les circonstances, et surtout par le mauvais état de sa vue, de se détourner de l’expression directe que réclamait son talent et où le conviait l’exemple paternel, il n’y revint que moyennant détour, à travers la littérature et plume en main : cette plume lui servit à deux fins, à écrire des pages vives et à tracer, dans les intervalles, des dessins pleins d’expression et de physionomie.

1996. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Et qu’on me permette ici une réflexion générale qui s’applique à cette époque et à beaucoup d’autres : il y a, dans les divers états de la société et aux divers degrés de la civilisation, des facultés nécessaires et des talents qui, répandus par la nature sur certains hommes, diffèrent beaucoup moins qu’on ne suppose de ces mêmes talents, développés à des époques en apparence plus favorisées.

1997. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

C’est l’objet des vœux et des regrets du monde : des regrets supposent nécessairement une perte un changement, un ancien état détruit. » Il analyse ce qui pour chacun en particulier, à mesure qu’on avance dans la vie, peut s’appeler l’âge d’or : Qui ne regrette pas, s’écrie-t-il, le temps de sa jeunesse ?

1998. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Marcotte, ce que Mme Walckenaer m’a dit souvent, que les soucis, les chagrins que l’on peut trouver dans l’état du mariage sont si vifs, qu’elle n’oserait conseiller à personne de prendre l’obligation si sérieuse d’élever une famille !

1999. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Quand Louis XIV fut mort, que ses dernières volontés eurent été cassées et les têtes les plus chères au feu roi compromises dans des conspirations où étaient impliqués des parents de Dangeau lui-même, Mme de Maintenon, écrivant un jour à Mme de Dangeau, lui disait : « Comment M. de Dangeau se tire-t-il de l’état présent du monde, lui qui ne veut rien blâmer ? 

2000. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Saint-Amant mourut le 29 décembre 1661, rue de Seine, où il s’était venu loger, et dans un état que la tradition présente comme voisin de la pénurie29.

2001. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Il annonçait du goût pour l’état ecclésiastique.

2002. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Voltaire, dont notre Révolution eût fait le désespoir (car jamais esprit ne fut à la fois plus aristocratique et plus libéral), excitait ses disciples de Cour à mêler aux discussions littéraires l’examen de l’état social de leur époque ; ce puissant intérêt, tout nouveau pour des esprits légers, les élevait à leurs propres yeux, en même temps qu’il ouvrait à leur curieuse ardeur un champ inconnu et sans bornes.

2003. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Tout en envisageant ces dignités ecclésiastiques d’une manière beaucoup trop mondaine, il eut pourtant le bon sens de reconnaître ses limites et de sentir qu’il n’avait rien de la capacité ni de la vocation épiscopale : « Car pour en dire la vérité, bien que je tinsse à honneur d’avoir été proposé pour un état si sublime, si est-ce que, ne m’en trouvant pas digne, je me contentais seulement d’avoir donné sujet d’en parler. » C’était déjà, en effet, beaucoup d’honneur pour lui qu’on eût songé, un moment, à en faire un évêque.

2004. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Après les premières années passées à Berne, dans un état de contrainte et de souffrance due à la rudesse des mœurs domestiques, et à la grossièreté des mœurs scolaires, le jeune Bonstetten, vers l’âge de quatorze ans, fut placé à la campagne près d’Yverdun, dans une famille composée de trois sœurs et de deux frères, « tous aimables, bons, tous le chérissant comme leur enfant ».

2005. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Né sous le beau ciel du Midi, d’une ancienne famille noble et pauvre, Maurice de Guérin, rêveur dès l’enfance, fut tourné de bonne heure vers les idées religieuses et inclina, sans effort, à la pensée de l’état ecclésiastique.

2006. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Molé : « La Coalition vient de porter un terrible coup au trône, et ce qu’il y a de curieux, ce sont des monarchiens qui l’ont réduite a ce piteux état… Ah !

2007. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Au-dedans, la famine et la terreur ; la Vendée, Lyon, Marseille, en état de révolte.

2008. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

que cet état plaît à Dieu ! 

2009. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Il n’y aurait pour cela qu’à partir de quelques principes généraux et convenus, à se montrer rigide et inexorable pour tout ce qui s’écarte de nos mœurs, de notre état de société et de civilisation, à faire la leçon d’un bout à l’autre, à condamner au nom d’un symbole whig ou d’un catéchisme libéral tout ce qui s’écarte de la droite ligne, une fois tirée : on arriverait ainsi à un effet certain et à une unité de conclusion qui séduit et satisfait toujours à première vue les lecteurs superficiels et les esprits tout d’une pièce.

2010. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Tandis que son Ombre continuait de planer sur les monts et les lacs de la nuageuse Écosse, et que l’héroïque fantôme, pareil à ceux d’Ossian, ne cessait d’y grandir et d’y régner à l’état de légende, lui, devenu tout chair et matière, et comme s’il n’était plus que la dépouille de lui-même, s’accoutumait à végéter sur le continent, livré au vin et à la débauche, dans des habitudes crapuleuses qui le menèrent à l’abrutissement.

2011. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Sont-ce là, en un mot, des spécialités inhérentes à la race, et les différences en ce genre tiennent-elles à une autre cause qu’à l’état des matières premières qu’on avait sous la main dans des lieux différents ?

2012. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Nous voyons là à l’état de symptôme littéraire ce qui a fait ailleurs les saints et les dieux.

2013. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

La suite du peuple de Dieu, comprenons bien toute la force de ces mots dans la langue de Bossuet ; suite, c’est-à-dire enchaînement étroit, dont pas un anneau n’est laissé flottant ni au hasard, un seul et même spectacle dès l’origine, sous des aspects et à des états différents : le Judaïsme n’est que le Christianisme antérieur et expectant.

2014. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Ce vague et indéfinissable état d’ennui dévorant, d’extases, de fureurs solitaires, dure deux jours entiers ; enfin Le second jour a fui.

2015. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Un de nos amis les plus chers, qui, pour être romantique, à ce qu’on dit, n’en garde pas moins à Racine un respect profond et un sincère amour, a essayé de retracer l’état intérieur de cette belle âme dans une pièce de vers qu’il ne nous est pas permis de louer, mais que nous insérons ici comme achevant de mettre en lumière notre point de vue critique.

2016. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Ses études terminées, le jeune homme songea à prendre un état ; il essaya du barreau et entra quelque temps dans une étude de procureur.

2017. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Sieyès, devenu célèbre par une brochure radicale au commencement des États généraux, avait été du premier bond au fond de la question, et, prenant uniquement pour logique le droit et l’intérêt du grand nombre, avait conclu dans son titre même : Qu’est-ce que le tiers état ?

2018. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Les misères et l’oppression du peuple, à la fin du règne de Louis XIV, avaient excité des patriotes tels que Vauban et Boisguilbert à chercher, en dehors de toute doctrine politique et de toute intention révolutionnaire, les moyens d’améliorer l’état matériel du royaume.

2019. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Si Phérécide passe pour être guéri des femmes, ou Phérénice pour être fidèle à son mari, ce leur est assez : laissez les jouer un jeu ruineux, faire perdre leurs créanciers, se réjouir du malheur d’autrui et en profiter, idolâtrer les grands, mépriser les petits, s’enivrer de leur propre mérite, sécher d’envie, mentir, médire, cabaler, nuire : c’est leur état. » À plus forte raison laissez-les manger à leur appétit et boire à leur soif, et un peu au-delà.

2020. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Desjardins cesse d’être théorique et ennuyeux, pour devenir pratique et dangereux : « Nous travaillerons dans le sens de la démocratie libérale… Le protectionnisme et toutes les formes du socialisme d’état nous le combattrons… Une société de secours moral se formera ; ce sera le commencement d’une période militante ; ce que fera cette Société, je ne suis ni capable ni digne de l’exprimer.

2021. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Salie et réduite à l’état de loque, par l’usage, elle n’avait rien perdu à ses yeux de son prestige premier.

2022. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Il est assez difficile aujourd’hui, d’après l’état incomplet des documents, de se faire une idée très précise du caractère de Mme de Mondonville ; mais tout ce qu’on sait prouve, encore une fois, que ce dut être une personne d’une haute distinction, d’un caractère ferme, élevé, née pour le commandement, et d’une grande habileté de domination.

2023. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Après quoi le précepteur emmène son élève, et lui montre l’état du ciel qu’ils avaient également observé la veille au soir avant de se coucher ; il lui fait remarquer les différences de position, les changements des constellations et des astres, car chez Rabelais, l’astronome, celui qui avait publié des almanachs, n’est pas moins habile que le médecin, et il ne veut considérer comme étrangère aucune science, aucune connaissance humaine et naturelle.

2024. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Cette faculté d’espérance, qui l’a tant de fois trompée, lui devient ici une grâce d’état et une vertu.

2025. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Elle ne craint pas d’y indiquer quelques-uns des officiers municipaux qui, étant de garde à leur tour, entraient dans les chagrins de la famille royale et les adoucissaient par leurs égards et leur sensibilité : Nous connaissions de suite à qui nous avions affaire, dit-elle, ma mère surtout, qui nous a préservés plusieurs fois de nous livrer à de faux témoignages d’intérêt… Je connais tous ceux qui s’intéressèrent à nous ; je ne les nomme pas, de peur de les compromettre dans l’état où sont les choses, mais leur souvenir est gravé dans mon cœur ; si je ne puis leur en marquer ma reconnaissance, Dieu les récompensera ; mais si un jour je puis les nommer, ils seront aimés et estimés de toutes les personnes vertueuses.

2026. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Campenon, m’est toujours restée dans l’esprit à l’état d’image charmante ; et, comme un peu de malice n’est pas défendu, ce qui ajoute, pour moi, à la grâce de cette petite scène, c’est de voir M. 

2027. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

On sait que Moreau de Tours [Jacques-Joseph Moreau de Tours (1804-1884) : ce médecin aliéniste, à côté de ses recherches sur la folie, étudiée dans son rapport avec l’activité onirique (De l’identité de l’état de rêve et de la folie, Martinet, 1855), s’est intéressé à la question de l’hallucination et des effets des psychotropes sur le système nerveux.

2028. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Il se résume, semble-t-il, en une série de facultés perceptives de moins en moins étendues, provoquant des états émotionnels de plus en plus intenses.

2029. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Il est de la plus grande vérité de caractère, c’est un personnage réel, il est grand sans être exagéré ; il est beau, quoiqu’il ait le nez gros et les joues creuses et décharnées, parce qu’il a le caractère de son état, et l’expression de son ministère.

2030. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

De même on l’a accusé de louer, d’autoriser et de recommander « la plus infâme complaisance chez les maris », parce que c’est le personnage raisonnable de l’École des Femmes qui, à un certain moment, vante à Arnolphe les délices de l’état de mari trompé.

2031. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Nous pourrions à présent jeter un coup d’œil sur les autres peuples de l’Europe ; sur cette Italie qui a régné successivement par la puissance des armes et par les conquêtes pacifiques des arts de l’imagination, et qui, divisée en une foule de petits états, est réunie par un même esprit public ; sur cette Allemagne, dont la langue, encore dans le travail de son perfectionnement, est si favorable à la fermentation de toutes les idées : mais on ne peut pas tout épuiser dans un chapitre.

2032. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Comme talent donc, tout le monde lui a donné ; et la possession d’état dans la célébrité a été toujours s’accroissant pour elle et est devenues !

2033. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Les fourberies, les bassesses et les efforts de Scapin-Larreau pour avoir son miracle, pour le lancer, pour le rattraper quand il lui échappe, pour le relancer, pour le tenir droit devant l’opinion, comme un Saint-Sacrement, pour le faire passer à l’état incontesté et fulgurant, enveloppent tous les personnages du roman, qui sont nombreux, comme d’un moulinet de roueries, et, pendant toute la durée du livre, c’est dans ce vaste moulinet qu’on les voit.

2034. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Dans l’état présent de la littérature, les journaux, qui sont les espaliers du roman, n’aiment à en étaler que dans des proportions formidables.

2035. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Et qui détermine ce ton, sinon l’état ordinaire de l’esprit ?

2036. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

On frémit de penser que lorsqu’il s’agissait de dresser l’état des pensions, Chapelain restait le grand dispensateur des bienfaits du roi, et Perrault « n’était pas sans crédit ». […] Je crois même qu’on ne s’instruit pleinement et qu’on ne juge en connaissance de cause qu’après avoir passé par cet état émotif ou imaginatif, qui est la base de l’enquête ou de l’étude critique. […] Leur politique intérieure fut tyrannique, mais provisoirement excusée par l’état de crise, comme la dictature sous la République romaine. […] On ne la reçoit pas, ou bien on lui fait des avanies, évidemment cruelles et presque toujours hypocrites, mais qu’elle devait prévoir et partant éviter, connaissant l’état des mœurs et des préjugés. […] Qu’est-ce que c’est que ces « états de la matière qui nous sont révélés par la métapsychique » ?

2037. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

»), que les jeunes travaillent au lieu de protester, et gardent les injures à ceux qui sont arrivés pour le jour où leur printemps sera parti et que de fruits verts ils seront passés à l’état de fruits secs. […] Dans ces livres que je ne veux pas désigner autrement, on trouve à l’état habituel des jeunes gens qui tombent pâmés devant des chairs ; jamais la femme, mais des chairs ! […] Chemin faisant, je trouve ce lamentable tableau d’un état de misère qu’on ne rencontre que trop souvent dans notre pays : Le père et le fils étaient morts au commencement de la semaine. […]   Un désir indéniable à l’époque est de séparer, comme en vue d’attributions différentes, le double état de la parole, brut ou immédiat ici, là essentiel. […] — « C’est, a-t-il dit, la description limpide de l’état mental d’une femme qui va mourir en regardant le soleil. » Il prit ensuite chaque mot l’un après l’autre en extrayant de chacun un sens inattendu, et conclut effectivement à un suicide féminin.

2038. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Il a gardé, ce régime, un nom par lui-même très élogieux, « Restauration », dit le dictionnaire : « action de remettre en bon état ». […] Il en résulte que la littérature biographique est d’autant plus significative qu’elle réduit à leur minimum ces anecdotes et ces témoignages et qu’elle s’applique surtout à peindre des états de l’âme. […] Du moment que tous nos états intérieurs sont commandés par des nécessités inéluctables, à quelle faculté de notre âme s’adresse cet impératif catégorique ? […] Si telle était chez le ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne l’imprévoyance sur un problème aussi précis, quels devaient être son état d’incertitude et celui de tous ses collègues sur les autres problèmes si redoutablement complexes de la situation européenne ! […] Pour Amiel, si intimement teinté de panthéisme, il y a dans le paysage comme un psychisme préalable que l’âme reconnaît ou ne reconnaît pas, suivant l’état où elle se trouve elle-même.

2039. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Ceux-ci n’ont qu’une valeur symbolique pour ainsi dire, en ce qu’ils caractérisent un état social ou un état d’âme. […] L’état de prêtre lui souriait ; il avait reçu avec une joie pieuse les ordres mineurs, et aucune des obligations morales de la vocation ecclésiastique ne lui pesait. […] Il voulut aller encore une fois voir sa chère Bretagne ; sentant son état s’aggraver, il tint à revenir à Paris à la fin de septembre, pour mourir à son poste, dans ce Collège de France dont il était administrateur. […] Combinées avec le fâcheux état des affaires publiques, elles ont produit la catastrophe de 1789 et la très imparfaite réorganisation de 1800. […] Comment dire l’état de rêve ou me jetèrent ces premières paroles de l’Imitation ?

2040. (1802) Études sur Molière pp. -355

C’est là que le jeune Pocquelin puise et l’amour de l’étude, et une haine insurmontable pour l’état auquel on le destine : il devient inquiet, rêveur, sa santé en est altérée ; ses parents alarmés cèdent à ses instances, et le confient à un maître de pension qui l’envoie externe aux Jésuites. […] Relisez la pièce, hommes superficiels, et vous verrez que jamais comédie ne donna plus de leçons utiles ; il y en a pour tous les sexes, pour tous les états : et dans ce siècle même, nous n’avons qu’à mettre les adresses. […] » les autres en répétant, d’après madame Pernelle : Vous êtes dépensière, et cet état me blesse, Que vous alliez vêtue ainsi qu’une princesse. […] Le genre. — De caractère ; mais de tous les temps, de tous les lieux, de tous les états. […] Le style. — Chaque personnage a celui de son état.

2041. (1886) Le naturalisme

A force de s’inspirer des modèles classiques, de s’assujettir servilement aux règles des préceptistes, et de prétendre à la majesté, à la prosopopée et à l’élégance, les lettres en étaient venues à un tel état de décadence que le naturel était considéré comme un délit, que c’était un sacrilège d’appeler les choses par leur nom et que les neuf dixièmes des mots français étaient proscrits, sous prétexte de ne profaner point la noblesse du style. […] A l’état très rudimentaire, les livres de chevalerie et le roman historique étaient là, tout comme les chroniques des saints et les légendes, dorées renfermaient le germe du roman psychologique, avec moins d’action et de mouvement, mais plus délicat, plus ému. […] Pénétré de l’excellence et des avantages de l’état sauvage et primitif, Rousseau défendit sa thèse jusqu’à donner envie de marcher à quatre pattes, disait spirituellement Voltaire, et il demanda que l’égalité fût appliquée d’une manière si illimitée que le fils du roi épousât la fille du bourreau. […] Tandis que Dumas pouvait gaspiller en folies des fortunes gagnées par sa plume de romancier, Balzac luttait corps à corps avec la misère, sans atteindre jamais un état de fortune moyen. […] Considérez l’état moral de Balzac quand il écrivait, et comparez-le, par exemple, à celui de son successeur Flaubert.

2042. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Théocrite n’était plus sans doute dans cet état d’innocence et de naïveté dont il nous a reproduit plus d’un tableau ; il venait à la fin d’une littérature très-cultivée ; il vivait, dit-on, à la cour des rois. […] Cet homme d’esprit, qui manquait de plusieurs sens, se croyait fort en état de juger des diverses sortes de peintures, et en particulier de celles de l’amour : « Les anciens, dit-il dans son discours sur l’Églogue, n’ont guère traité l’amour que par ce qu’il a de physique et de grossier ; ils n’y ont presque vu qu’un besoin animal qu’ils ont daigné rarement déguiser sous les couleurs d’une tendresse délicate.

2043. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Il n’y a rien de si paresseux que le bien-être ; le kef des Orientaux, cet état des sens où l’âme contemplative se détache du corps pour planer dans l’espace imaginaire, est l’état naturel de l’Allemagne.

2044. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Et, quant aux compositions avec les événements et avec les tyrannies qu’on reproche de loin à Cicéron, il faut se reporter à l’état de la république romaine, à la corruption des mœurs, à la lâcheté du peuple, à l’énervation des caractères de son temps, pour être juste envers ce grand homme. […] Tel était l’état de la république romaine quand le jeune Cicéron revêtit la robe virile pour prendre son rôle de citoyen, d’orateur, de magistrat sur la scène du temps.

2045. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

J’entendais ronfler ces boulets et siffler les balles ; enfin j’étais dans un état pitoyable. […] Mais voici neuf heures et demi qui sonnent : Werner est venu me prévenir hier que tu passerais à dix heures… Ainsi, dépêche-toi. » Il me faut donc partir en cet état ; le feu du vinaigre me sortait des joues.

2046. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

exclusivement — une certaine anarchie a cet heureux effet d’arracher à l’homme des cris qu’il n’eût pas poussés dans un bon état. […] Outre leur incontestable valeur esthétique, les chefs-d’œuvre romantiques ont encore pour l’historien littéraire une valeur documentaire de premier ordre sur l’esprit en France : pendant vingt-cinq ans, sous la Révolution et l’Empire, comme un sol qui absorbe lentement les pluies pour les rendre plus tard à l’état de sources, de fraîcheur, et de richesse, l’âme française s’était profondément pénétrée de toutes les larmes et de tout le sang qui avaient longuement coulé sur le pays.

2047. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Si beaucoup d’érudits l’ont entendu autrement, et si Marot notamment, qui en a donné une édition ou plutôt une version, a vu dans la rose, soit « l’état de sapience » soit « l’état de grâce », soit « le souverain bien infini », soit enfin la glorieuse vie de Marie elle-même, c’est que le plan, fort peu clair dans la première partie, est encore plus obscur dans la continuation de Jean de Meung, et que parmi ces personnages allégoriques, il en est plusieurs dont le rôle ne correspond pas toujours à une circonstance bien déterminée, soit de l’amour, soit des passions dont il est le mobile. […] Que la lecture en soit interdite à jamais, spécialement dans les endroits où le poëte met en scène des personnes infâmes comme cette vieille damnée, à qui l’on devrait infliger le supplice du pilori. » « L’Éloquence, ajoute Gerson, qui reprend son récit, venait d’achever son discours, quand je sentis l’heure où mon cœur retournait à son ancien état ; et, m’étant levé, je passai dans ma bibliothèque. » 1402, 18 mai.

2048. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Homme de son temps par la confiance naïve qu’il témoigne aux passions, par son peu de goût pour les règles trop sévères, combien n’est-il pas meilleur que son temps par sa candeur, par sa bonté, par une intégrité de vie que rendait si difficile et si méritoire la pire des pauvretés, celle d’un gentilhomme qui ne peut pas soutenir son état ! […] Ainsi, dans le sermon sur la Conception de la Vierge, il admire dans Marie « la fidélité de précaution et la fidélité de correspondance », et dans cette seconde sorte de fidélité, « une correspondance de perfection, une correspondance d’état, une correspondance de persévérance. » 73.

2049. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Depuis lors, Taine127 a brillamment interprété des sonates de Beethoven, non sans faire remarquer avec justesse que la musique, évoquant, non des formes distinctes ni des idées précises, mais des états d’âme et des nuances de sentiment, laisse à l’interprétation une liberté des plus larges. […] Et, parfois, le défaut qu’elle a d’être vague devient une qualité précieuse ; elle excelle à rendre sensibles certains états d’âme imprécis et crépusculaires ; elle est le langage de la rêverie, de l’indéterminé, de l’indéfinissable130.

2050. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

A Dresde il en était arrivé à un état d’abattement moral terrible, il ne pouvait descendre plus bas sans cesser pour toujours d’être artiste (IV, 360, 370 ; VII, 163, etc. ; Tapperl, Biogr. 48 ; Glasenapp, Biogr. […] Jullien parle de « l’état d’isolement douloureux et d’absolu découragement où il se trouvait en exil » (page 148) !

2051. (1909) De la poésie scientifique

. — Et le triomphe n’était pas pour eux, qui ainsi ont donné l’exemple de la régression, et presque sanctionné par avance la réaction7… Or, sans insister, de cette « réaction » organisée et non exempte de petitesse morale, il ressort ceci : C’est que les habiletés, les emprunts déguisés et incohérents, les demi-assertions, le tout ouvertement ou occultement patronné par des hommes d’étroite conception philosophique et artistique (qui donc, soutiennent encore dogmatiquement la persistance de l’Énergie en de mêmes modes ou son retour à d’antérieurs états), ont seulement démontré que les idées émises et les œuvres des Devanciers sont viables et nécessaires, puisqu’ainsi l’on s’en avoue maladroitement tes prisonniers incapables d’apport personnel. […] Mouvement nécessaire au progrès, et qui cependant, après avoir maintenu l’équilibre instable propre aux mutations, amène en toutes choses le ralentissement et l’immobilité relative, la déchéance et la mort  inertie que de nouveaux états réveilleront encore en leurs expansions natives… Tout devient selon un Rythme elliptique  La Matière étant éternelle et illimitée est représentée virtuellement par le Cercle, qui, si grand qu’il s’élargisse, demeure illimité, de la nature même de la matière.

2052. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

ça ne fait rien, ça me fait rire… Pour moi, la littérature est un état violent dans lequel on ne se maintient que par des moyens excessifs. […] Il faut des jours réguliers, calmes, apaisés, un état bourgeois de tout l’être, un recueillement bonnet de coton, pour mettre au jour du grand, du tourmenté, du dramatique.

2053. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Et dans le fouillis des choses, la presse des objets, la confusion des formes et des couleurs, l’on entrevoit encore des photographies de l’Empereur Napoléon III, dans toutes les phases de sa bonne ou de sa mauvaise fortune ; on entrevoit les éclairs de rubis et d’émeraude de toute une collection d’oiseaux-mouches dans l’ombre d’une armoire ; on entrevoit des aquarelles drolatiques de Giraud représentant des scènes de l’intérieur de la princesse ; on entrevoit d’élégiaques têtes d’études d’Amaury Duval ; on entrevoit de vieilles gravures représentant Napoléon Ier en costume troubadouresque ; on entrevoit des mécaniques en bronze doré pour tenir horizontalement une branche, on entrevoit par l’entrebâillement des panneaux, des tiroirs, des albums, des blocs de papiers à aquarelle, des cornets de cristal hérissés de pinceaux, des tubes, des vessies, une armée de bouteilles d’encres de couleur avec leurs floquets de ruban rouge : tous les ustensiles et tous les outils de la peinture à l’huile, de l’aquarelle, du pastel, du crayonnage, — à l’état de provisions. […] C’est gentil un jeune ménage, dans un appartement qui n’est pas complètement meublé, dans un intérieur où le tapissier n’a pas posé le dernier clou, et où le premier enfant apparaît à l’état de ronde bosse.

2054. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Les livres ne charment et ne passionnent, n’exercent leur effet proprement artistique qu’en présentant les lieux, les gens, les scènes, les idées, non pas comme des objets de science ou d’expérience, selon les catégories de la connaissance, mais comme des objets de sentiment, connus chacun longuement et isolément, simplement et immédiatement, par un acte qui les suscite dans l’esprit, du lecteur, non comparés de suite et envisagés comme parties d’une classe, d’une loi, d’un système, et perçus ainsi par rapports, mais uniques, sentis en eux-mêmes, avec le sourd ébranlement des états de conscience continus ; l’âme éprouve alors non pas la succession rapide de ses pensées, de ses transitions, mais la vibration même de chacun de ses heurts ; se déprenant de l’ascendant des phénomènes, de l’oubli d’elle-même où ils l’entraînent, elle le rencontre et se sait exister dans ces atteintes plus intenses, pénètre ce qu’ils lui sont et frémit aussitôt de haine ou d’amour, d’aversions ou de sympathies, que le mensonge de l’art rend innocentes mais laisse violentes. […] Maintenant qu’une intelligence ainsi douce pour la perception, le souvenir, la divination des esprits, soit telle que toutes ces notions sur le monde ne s’accompagnent pas des mêmes sentiments, des mêmes émotions ; que les sentiments agréables d’élation, de joie, d’acquiescement, suivent plus particulièrement la vue et le souvenir d’actes immédiatement bienfaisants à l’homme, que l’écrivain consolidant progressivement ce sentiment, lui laisse déterminer ses propres actes et ses mobiles, aussitôt le spectacle du monde étant mêlé de mal et de bien, toute une partie de la réalité sera envisagée avec des dispositions pénibles d’aversion, d’inquiétude, d’angoisse, de désespoir ; l’écrivain négligera le plus qu’il pourra de prêter attention à cette part de la réalité, l’omettra de sa mémoire, de son imagination, de son œuvre ; mais comme on ne peut éviter de la connaître, comme ses facultés d’observateur la lui représenteront sans cesse, il en viendra peu à peu à un état de trouble, d’éloignement pour le spectacle qu’il semblait destiné à connaître et à goûter pleinement.

2055. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Quelques êtres pourtant résistent à la germination universelle, et alors ils sont dans cet état particulier où l’inspiration monstrueuse peut s’abattre sur eux. […] L’idée assez homme pour subir l’expiation, c’est le fantôme ; une forme qui est de l’ombre ; l’impalpable, mais non l’invisible ; une apparence où il reste une quantité de réalité suffisante pour que le châtiment y ait prise ; la faute à l’état abstrait ayant conservé la figure humaine.

2056. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Nous ne croyons pas un mot de tout cela ; nous sommes convaincu que l’état sauvage est une maladie de l’humanité, et nullement son état originaire et normal.

2057. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

On y lit, dès le début, des paroles bien touchantes sur la souffrance universelle, apparente ou cachée, qui est de toutes les conditions, de tous les états, de toutes les âmes.

2058. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Elle publia, avant la fin de cette même année 1714, son livre intitulé Des causes de la corruption du goût, une des productions solides de l’ancienne critique française, et où il y a plus d’esprit qu’on ne pense : La douleur, dit-elle en commençant, de voir ce poète si indignement traité, m’a fait résoudre à le défendre, quoique cette sorte d’ouvrage soit très opposée à mon humeur, car je suis très paresseuse et très pacifique, et le seul nom de guerre me fait peur ; mais le moyen de voir dans un si pitoyable état ce qu’on aime et de ne pas courir à son secours !

2059. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Magdeleine de Saint-Agy, on trouve une appréciation étendue de Buffon, et les critiques qu’on a cru devoir lui faire sur ses systèmes hasardés sont rachetées par cette conclusion éloquente : Mais, en compensation, il a donné par ses hypothèses mêmes une immense impulsion à la géologie ; il a le premier fait sentir généralement que l’état actuel du globe est le résultat d’une succession de changements dont il est possible de saisir les traces ; et il a ainsi rendu tous les observateurs attentifs aux phénomènes d’où l’on peut remonter à ces changements.

2060. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

J’ai cent projets qui se contrarient les uns les autres, et qui me mettent dans cet état d’incertitude qui m’empêche souvent d’agir.

2061. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Il n’avait que dédain pour ceux qui rapportaient l’origine d’une si grande secousse à tel objet particulier de leur dépit ou de leur aversion : L’heure des révolutions sonne, messieurs, disait-il (et c’est dans un discours qu’il eut à prononcer comme préfet à l’ouverture du lycée de Clermont sous l’Empire), — l’heure des révolutions sonne quand la succession des temps a changé la valeur des forces qui concourent au maintien de l’ordre social, quand les modifications que ces forces ont subies sont de telle nature qu’elles portent atteinte à l’équilibre des pouvoirs ; quand les changements, imperceptiblement survenus dans les mœurs des peuples et la direction des esprits, sont arrivés à tel point qu’il y a contradiction inconciliable et manifeste entre le but et les moyens de la société, entre les institutions et les habitudes, entre la loi et l’opinion, entre les intérêts de chacun et les intérêts de tous ; quand enfin tous les éléments sont parvenus à un tel état de discorde qu’il n’y a plus qu’un conflit général qui, en les soumettant à une nouvelle épreuve, puisse assigner à chaque force sa mesure, à chaque puissance sa place, à chaque prétention ses bornes… Cette manière élevée de considérer les choses contemporaines comme si elles étaient déjà de l’histoire, dispense de bien des regrets dans le passé et de bien des récriminations en arrière.

2062. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Je fais état de faire venir ma sœur bientôt ; résolvez-vous de venir avec elle.

2063. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Mais la mémoire du bon roi et des mérites de son règne demeura à l’état de culte chez quelques hommes instruits, sensibles aux perfectionnements et aux arts de la paix, et au bien-être du peuple.

2064. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Mais il faut raconter tout cela par ordre et avec méthode, et mettre chacun à même de bien juger de l’état au moins de la question.

2065. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Cette suite de mécontentements, de plans contrariés et rentrés ; et, selon lui, d’injustices, amenèrent le prince Henri à vouloir se retirer, vers l’été de l’année suivante (1760) : il allégua l’état de ses nerfs et sa santé.

2066. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Car ses idées à elle ne sont pas, un seul instant, à l’état de rêves et de chimères ; elles prennent forme aussitôt et consistance, et ont, en naissant, de quoi faire leur chemin.

2067. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

 » La vieillesse est « une sorte de noviciat de la spiritualité. » — Il y a, dans ce que j’abrège ici et que je donne presque à l’état de litanies, bien des choses très heureusement trouvées et heureusement dites.

2068. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Je mets tous mes soins à me faire une idée nette de l’état de la littérature française contemporaine, et si je réussis, je veux un jour dire ce que j’en pense.

2069. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

D’abord il se passe dans le sanctuaire et dans l’église, et est tout latin ; Puis, dans son premier mélange, à l’état de drame farci, c’est-à-dire dans son latin entrelardé de français, il se tient dans l’église encore ; Puis, tout en français, mais encore timide, s’écartant peu des textes, sacrés et, pour ainsi dire, attenant, à l’église, il se joue tout contre et devant.

2070. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Pour être à l’état de paradoxe et d’éclatante insulte dans les écrits de M. de Maistre, la doctrine de l’autorité n’en était pas moins frappante et donnait à réfléchir à tous les esprits qui ne faisaient point leur catéchisme des œuvres de Voltaire.

2071. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Ce n’est pas sans bien des précautions qu’il risque sa remontrance : « Quoiqu’il n’y ait que bien peu de temps que nous nous connaissions, depuis que vous avez acheté ce champ proche du mien, et qu’il n’y ait guère rien eu jamais de plus entre nous, cependant, soit votre mérite, soit le voisinage, que je fais bien entrer pour quelque chose dans l’amitié, m’oblige à vous dire tout hardiment et en ami que vous me paraissez faire au-delà de votre âge et plus que votre état de fortune ne l’exige… » Et en effet, ce Ménédème à qui il s’adresse paraît avoir soixante ans et plus ; il a un fonds de terre excellent, des esclaves en nombre, et il fait la besogne d’eux tous comme s’il était seul.

2072. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Certes, quoi qu’en disent ceux qui se contenteraient volontiers de l’état vague antérieur, M. 

2073. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Marie-Antoinette ne parle en tout ceci que d’après Marie-Thérèse, sans élever ni admettre aucune objection, et l’on peut dire que, cette fois, c’est en obéissant trop docilement à son illustre mère qu’elle manque à faire son métier de reine : « Après avoir causé avec Mercy sur le mauvais état des affaires, j’ai fait venir MM. de Maurepas et de Vergennes ; je leur ai parlé un peu fortement, et je crois leur avoir fait impression, surtout au dernier.

2074. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Cet état de guerre, « qui contient et arrête les autres peuples, ouvrait au contraire au peuple anglais une sphère d’ambition sans limite et ne l’exposait presque à aucun péril. » Aussi il s’y était engagé avec tout le feu de la cupidité et de la passion.

2075. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Or la société moderne française est loin de là: les sommités officielles d’un état dit égalitaire et démocratique se montrent fort jalouses de ce même titre qui faisait les rebuts de la cour de Louis XV.

2076. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Quand je dis que cette langue romane des xie et xiie  siècles est sortie du latin vulgaire et populaire graduellement altéré, j’ai peur de me faire des querelles ; car, d’après les modernes historiens philologues, les transformations du latin vulgaire ne seraient point, à proprement parler, des altérations : ce seraient plutôt des développements, des métamorphoses, des états successifs soumis à des lois naturelles, et qui devinrent décidément progressifs à partir d’un certain moment : il en naquit comme par voie de végétation, vers le xe  siècle, une langue heureuse, assez riche déjà, bien formée, toute une flore vivante que ceux qui l’ont vue poindre, éclore et s’épanouir, sont presque tentés de préférer à la langue plus savante et plus forte, mais plus compliquée et moins naïve, des âges suivants.

2077. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Il y a dans sa conduite d’alors et dans sa tendance d’aujourd’hui cette véritable, cette seule ressemblance, à savoir qu’il ne s’est jamais borné et même qu’il n’a guère jamais aimé à envisager le christianisme, comme tant de grands saints l’ont fait, par le côté purement intérieur et individuel, par le point de vue du salut de l’âme et des âmes prises une à une, mais qui l’a embrassé toujours de préférence (et en exceptant, si l’on veut, son Commentaire sur l’Imitation et sa traduction de Louis de Blois) par le côté social, par son influence sur la masse et sur l’organisation de la société ; et c’est ainsi qu’il se portait avant tout pour la défense des grands papes et des institutions catholiques. « Jésus-Christ, disait-il en 1826, ne changea ni la religion, ni les droits, ni les devoirs ; mais, en développant la loi primitive, en l’accomplissant, il éleva la société religieuse à l’état public, il la constitua extérieurement par l’institution d’une merveilleuse police, etc. » Toutefois les moyens que M. de La Mennais proposait et exaltait jusqu’à la veille de juillet 1830 étaient, il faut le dire, séparés du temps actuel et de sa manière de penser présente par un abîme.

2078. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Chez l’un comme chez l’autre, même procédé chaud, vigoureux et libre ; même luxe et même aisance de pensée, qui pousse en tous sens et se développe en pleine végétation, avec tous ses embranchements de relatifs et d’incidences entre-croisées ou pendantes ; même profusion d’irrégularités heureuses et familières, d’idiotismes qui sentent leur fruit, grâces et ornements inexplicables qu’ont sottement émondés les grammairiens, les rhéteurs et les analystes ; même promptitude et sagacité de coup d’œil à suivre l’idée courante sous la transparence des images, et à ne pas la laisser fuir, dans son court trajet de telle figure à telle autre ; même art prodigieux enfin à mener à extrémité une métaphore, à la pousser de tranchée en tranchée, et à la forcer de rendre, sans capitulation, tout ce qu’elle contient ; à la prendre à l’état de filet d’eau, à l’épandre, à la chasser devant soi, à la grossir de toutes les affluences d’alentour, jusqu’à ce qu’elle s’enfle et roule comme un grand fleuve.

2079. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Trop souvent, je le sais, la poésie dans sa forme directe, et à l’état de vers, trouve peu d’accès et a peu de chances favorables auprès d’hommes mûrs, occupés d’affaires et partis de points de vue différents.

2080. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Pour toutes ces raisons, il ne sera pas descriptif, il ne cueillera point dans la nature des impressions, il ne se fera point avec les choses des états d’âme.

2081. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

La comédie essaya bien de se mettre d’accord avec cette disposition des esprits ; mais la difficulté de représenter matériellement les formes de la vie, lieux, meubles, costumes, toutes ces choses où les mœurs générales et les tempéraments individuels mettent leur empreinte, paralysait l’effort des auteurs, dans l’état où était encore l’art de la mise en scène ; et tout le siècle s’écoule sans arriver à créer la pièce réaliste.

2082. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

La plupart des esprits mêlent confusément, sans distinguer, Diderot, Voltaire, Rousseau, et se font un amalgame d’idées hétérogènes, dont l’unité réside dans la commune propriété de dissoudre l’état présent de la société.

2083. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Il me fait trop de plaisir, et un plaisir trop aigu et qui s’enfonce trop dans ma chair, pour que je sois en état de le juger.

2084. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Ainsi Mérimée, pour n’en pas citer d’autre, plus enclin à regarder au dedans qu’au dehors, se plaisait à décrire en style assorti des états d’âme violents, des caractères âpres, des éclats de passion sauvages pareils aux paysages que les descriptifs et les peintres d’alors jetaient sur le papier ou sur la toile.

2085. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Ce que j’ai entendu a suffi toutefois pour m’édifier sur l’état présent des choses.

2086. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Portalis qualifiait ce décret du 3 Brumaire « un véritable Code révolutionnaire sur l’état des personnes. » Il montrait que le régime révolutionnaire avait dû être détruit par la Constitution : « Et au lieu de cela, c’est la Constitution que l’on veut mettre sous la tutelle du régime révolutionnaire. » La suite et l’enchaînement régulier de la discussion s’animait chemin faisant, sur ses lèvres, d’expressions heureuses à force de justesse : « Avec la facilité que l’on a, disait-il, d’inscrire qui l’on veut sur des listes, on peut à chaque instant faire de nouvelles émissions d’émigrés. » Il demandait pour la Constitution de la patience et du temps : « Il faut que l’on se plie insensiblement au joug de la félicité publique. » Il observait que jamais nation ne devient libre quand l’Assemblée qui la représente ne procède ainsi que par des coups d’autorité : « Les institutions forment les hommes, si les hommes sont fidèles aux institutions ; mais si nous conservons l’habitude de révolutionner, rien ne pourra jamais s’établir, et nos décrets ne seront jamais que des piliers flottants au milieu d’une mer orageuse. » On entrevoit par ces passages que Portalis n’était pas dénué d’une certaine imagination sobre et grave qui convenait à la nature et à l’ordre de ses idées législatrices.

2087. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Dans l’état des partis, ce rôle personnel et d’isolement armé n’était pas longtemps possible.

2088. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

L’Angleterre politique, évoquée dans ce volume et considérée dans quelques-uns de ses écrivains politiques et littéraires, a ravivé l’Anglais qui était entré dans Chasles avec la profondeur des premières impressions de sa jeunesse, passée à Londres, et qu’on retrouvait parfois dans les réfléchissements et les scintillements d’une nature essentiellement réverbérante, mais qui n’y était qu’à l’état de rayon, intersecté par tant d’autres rayons.

2089. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

La grenouille à l’état de têtard est aquatique, et respire par des branchies ; devenue adulte et terrestre, ses branchies s’effacent ; elle respire par la peau et par les poumons.

2090. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Ou, si cela existait, c’était à un tel état de vie obscure, de vie embryonnaire, qu’on pouvait affirmer que, réellement, ça n’existait pas. […] Tout l’art si absolument réalisé depuis dans La Princesse Maleine s’y trouve contenu, à l’état de minerai, pour ainsi dire, mais un minerai d’une abondance incroyable et d’une excessive richesse. […] Pour le comprendre en l’intimité de sa pensée et l’étrangeté de ses analogies, il faut, en quelque sorte, épouser ses états d’âme et se vivre en lui comme lui-même se vit dans les choses. […] Elle demeure, immuablement, à l’état de divertissement public. […] Tel est l’état actuel de la littérature.

2091. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Ainsi, pour le commencement de l’ouvrage, si l’on veut se rendre compte de son état primitif, il faut rechercher une publication faite il y a quelque trente ans. […] Naturalistes, reprirent diversement le procédé de Chateaubriand… « Ma jeunesse revient à cette heure ; elle ressuscite les jours écoulés, que le temps à réduits à l’état de fantômes. » Chateaubriand efface état pour le remplacer par inconsistance. […] Dans quel état les a mises Ton passage, hiver maudit ! […] Achevez plutôt tel de vos poèmes qui en vaut la peine, et que vous laissez à l’état de projet. […] Les Athéniens sont des hommes, et Voltaire a raison : « Les cabales… la littérature en sera toujours troublée, ainsi que tous les autres états de la vie. » M. 

2092. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Cet état d’esprit tient lui-même à un état des mœurs, si bien que l’histoire d’une littérature, interprétée par les causes, n’est rien de moins que l’histoire même d’un pays. […] Pour sortir de cet état, les peuples de l’avenir ne devront compter que sur un seul guide, la raison, afin de comprendre enfin la place de l’homme dans la nature. » Par raison entendez la théorie de l’univers, telle que Haeckel l’a formulée. […] Il y a tout un ordre de phénomènes mentaux mal connus, qui constituent de véritables psychoses collectives, je veux dire des états de déséquilibre communs à tout un groupe national. […] Dans la mesure où les comparaisons sont permises entre les organismes individuels et ces autres organismes d’une complexité toute spéciale qui sont les nations, cet état de désordre mental paraît être celui de l’Allemagne actuelle. […] Chacun de ces facteurs entre pour une part dans cet extraordinaire état mental, qu’aucun n’aurait produit cependant, si ces actions d’ordre physiologique, politique ou économique, ne s’exerçaient sur des esprits préparés à les subir par des influences d’ordre psychologique.

2093. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Je conclus que c’est avec tout le courage de l’espérance, mais avec toute l’attention de l’analyse, que la Convention nationale doit faire une constitution… » Ces termes de sensation, d’expérience et d’analyse, ces traces de Condillac et de Lavoisier reparaissent perpétuellement : ils sont là à l’état d’éruption, si l’on veut ; mais le style en resta gravé. […] On a beaucoup cité son Discours sur l’état des lettres en France au treizième siècle, qui est, en effet, le plus beau frontispice qui se puisse mettre à l’un des corps d’une histoire monumentale, non originale ; ce discours forme, à lui seul, tout un ouvrage. […] Cet état n’est pas sans charme ; je ne sais qui a dit : « Étudier de mieux en mieux les choses qu’on sait, voir et revoir les gens qu’on aime, délices de la maturité. » M.

2094. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Nous sommes honteux d’un certain état nerveux d’émotion. […] c’est bien malheureux de n’avoir pas une force physique adéquate à sa force morale… Se dire qu’il est insensé d’avoir peur, qu’une poursuite, même non arrêtée, est une plaisanterie ; se dire encore que le succès immédiat nous importe peu, que nous sommes sûrs d’avoir été agrégés et jumellés pour un but et un résultat, et que ce que nous faisons, tôt ou tard sera reconnu… et pourtant passer par des découragements, avoir les entrailles inquiètes : c’est la misère de nos natures si fermes dans leurs audaces, dans leurs vouloirs, dans leur poussée vers le vrai, mais trahies par cette loque en mauvais état, qui est notre corps. […] — En notre état de maladie, de souffrance, une espèce d’insapidité de tout, et des impressions pâteuses des choses dans l’esprit comme dans la bouche.

2095. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Ils ont publié Diderot parce que c’est Diderot et que Diderot est un gros personnage, enflé comme une bulle de savon par la Critique moderne, et même à l’état du ballon pour l’énormité… La Critique moderne, la Critique romantique, a placé Diderot à une hauteur où son propre siècle — le siècle de l’Encyclopédie pourtant ! […] « La raison, — dit-il, — la raison seule fait des croyants » ; ce qui, en tout état de cause, est une bêtise. […] L’Encyclopédie est, dans l’ordre de la pensée et de l’érudition philosophiques, ce que furent, dans l’ordre de l’art, les cathédrales du moyen âge, — mais avec cette formidable différence que le sentiment qui animait les grands artistes du moyen âge a eu beau perdre de son énergie, de sa profondeur et de sa beauté dans le cœur des nations modernes, les magnifiques chefs-d’œuvre qu’on leur doit n’en existent pas moins à l’état de chefs-d’œuvre, enlevant d’admiration ceux qui les contemplent, tandis que l’Encyclopédie, dont on croyait faire quelque chose comme une cathédrale de Cologne ou de Strasbourg de l’impiété, ne fait plus guères l’effet que d’une masse informe, incohérente, sans grandeur réelle, dont se détournent également à cette heure l’imagination et la raison des hommes.

2096. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Cette vie oisive et sans but déplaît au père de Benjamin : il veut que son fils, qui aura dans quelques mois ses vingt ans accomplis, embrasse un état ; il lui enjoint de quitter Paris et de venir le retrouver sur-le-champ dans sa garnison de Bois-le-Duc102, où le jeune homme sera sommé de choisir entre la robe ou l’épée, entre la diplomatie ou la finance. […] « En fouillant dans d’autres papiers, je trouvai une autre lettre d’une de mes parentes, qui, en me parlant de mon père, me peignait son mécontentement de ce que je n’avais point d’état, ses inquiétudes sur l’avenir, et me rappelait ses soins pour mon bonheur et l’intérêt qu’il y mettait. […] Quand on est actif, on l’est dans tous les états, et quand on est aussi paresseux et décousu que je suis, on l’est aussi dans tous les états.

2097. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Ils sentent trop profondément leurs biens et leurs maux, ils amplifient trop largement par une sorte de roman involontaire chaque état de leur âme. […] Tu sais qu’Adam, dans l’état d’innocence, tomba. […] Il est clair que cet état est une maladie, et que l’homme ne vivra pas. […] Parcourez ces groupes, et vous n’y trouverez que des formes diverses et des états divers d’une puissance unique.

2098. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Jal étaient fort en état de former la première assise du Constitutionnel. […] C’était une espèce de tour de force pour l’état des idées de l’écrivain, mais la bizarrerie de la situation, et peut-être aussi la libéralité de cette proposition le firent céder. […] Méry lui avait peut-être inspiré : Bienheureux est l’homme indigène, Qui du ciel a reçu le don, De dormir dans l’état de gêne Que cause un pareil édredon. […] Avant cinq ans, il y aura un ministre des beaux-arts, un ministre de l’intérieur, des sous-secrétaires d’état et une foule de chefs de division, parmi les hommes que mes huit lettres ont passés en revue.

2099. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Que cette prétention, encore à l’état de nébuleuse, prenne pour cocarde le mot de réalisme, il n’y a pas grand mal. […] Nous avons eu successivement, sous Louis XIV, la dispute des anciens et des modernes ; sous Louis XV, celle des Piccinistes et des Gluckistes ; sous la Restauration, celle des classiques et des romantiques ; en même temps, les luttes de la foi et de la raison, de l’autorité et de la liberté, les controverses économiques et constitutionnelles, Depuis soixante ans, il y a eu dans le gouvernement français douze révolutions et seize coups d’état, exécutés tantôt par le pouvoir, tantôt par le peuple. […] Au surplus, ce n’est là qu’un état transitoire. […] Belle recommandation en vérité pour nous, le faire avaler, à nous autres qui, par état, détestons les tricheurs !

2100. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Porté à la tête des finances dans le temps même où la paix de Vervins (1598) permettait de réduire les dépenses extraordinaires et d’établir un ordre régulier, il s’appliqua à dresser de nouveau un état général sur des bases plus sûres qu’il ne l’avait pu faire jusque-là, et en ne se fiant cette fois qu’à lui-même.

2101. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Saint Louis, né le 25 avril 1214 ou 121588, roi en 1226 à l’âge de douze ans sous la tutelle de sa sage et prudente mère, arrivé à sa majorité vers 1236, avait grandement commencé à ordonner son royaume d’après de bonnes lois, à y réprimer les entreprises des seigneurs, à y faire prévaloir la justice, la piété, à se faire respecter de ses voisins pour son amour de la paix et sa fidélité à ses engagements, lorsque, ayant été pris d’une grande maladie (décembre 1244), et étant tombé dans un tel état qu’on le crut mort, et qu’une dame qui le gardait voulait déjà lui tirer le drap sur le visage, il conçut au fond de son âme la pensée de se croiser ; au premier moment où il se sentit mieux et où il recouvra l’usage de ses sens, il appela à son lit l’évêque de Paris.

2102. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Suivre par la pensée leurs masses diverses dans tous ces mouvements compliqués que leur imprime le génie du chef ; calculer à chaque moment leur nombre sur chaque point ; distribuer avec précision le matériel dont on dispose, apprécier celui que peut fournir le pays ; tenir compte des distances, de l’état des routes, y proportionner ses moyens de transport, pour qu’à jour nommé chaque corps, la plus petite troupe, reçoive exactement ce qui lui est nécessaire : voilà une faible idée des devoirs de l’administrateur militaire.

2103. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Or, Bernier, homme de sens, qui a beaucoup vu, et qui, en vertu même d’un sage scepticisme, est devenu plus ouvert à des doctrines supérieures, croit devoir avertir son ami et camarade, qui, en passant par le cabaret, est resté plus qu’il ne croit dans l’école ; le voyant prêt à vouloir s’enfoncer dans une philosophie abstruse et prétendre à expliquer physiquement la nature des choses et celle même de l’âme, il lui rappelle que c’est là une présomption et une vanité d’esprit fort ; mais si cette explication directe est impossible, et si connaître en cette manière son propre principe n’est pas accordé à l’homme dans cet état mortel, néanmoins, ajoute-t-il en terminant, nous devons prendre une plus haute idée de nous-mêmes et ne faire pas notre âme de si basse étoffe que ces grands philosophes, trop corporels en ce point ; nous devons croire pour certain que nous sommes infiniment plus nobles et plus parfaits qu’ils ne veulent, et soutenir hardiment que, si bien nous ne pouvons pas savoir au vrai ce que nous sommes, du moins savons-nous très bien et très assurément ce que nous ne sommes pas ; que nous ne sommes pas ainsi entièrement de la boue et de la fange, comme ils prétendent. — Adieu.

2104. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Newton, il comparera l’état de son esprit en lui écrivant à une planche sous le rabot ; les premières pensées qui lui viennent, les pensées de dessus, ce sont les copeaux, etc.

2105. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

[NdA] Un biographe qui aurait du loisir ne ferait pas mal de vérifier ce qu’on rapporte des services diplomatiques du père de Besenval, de même que de relever, s’il est possible, ses propres états de service à lui-même dans le militaire.

2106. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Linguet veut expliquer à ses contemporains comment Voltaire a pu être et paraître si universel, et par quel enchaînement de circonstances, par quelle suite d’événements qui ne furent des épreuves que le moins possible, la destinée le favorisa en lui donnant une jeunesse si aisée, si répandue, si bien servie de tous les secours, et en lui ménageant à Ferney une longue vieillesse si retirée et si garantie du tourbillon : « La jeunesse de presque tous les écrivains célèbres, disait Linguet, se consume ordinairement, ou dans les angoisses du malaise, ou dans les embarras attachés à ce qu’on appelle le choix d’un état.

2107. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Mme du Deffand, au reste, était tout à fait de cet avis ; depuis surtout que Mlle de Lespinasse avait fait défection et s’était retirée d’auprès d’elle, emmenant à sa suite quelques-uns des coryphées de l’école encyclopédiste, elle était très opposée à tout ce qui ressemblait à des intérêts de parti philosophique ou littéraire : et comme Voltaire, dont c’était le malin plaisir, essayait de provoquer Walpole, de l’amener, par pique et par agacerie, à une discussion en règle sur le mérite de Racine et de Shakespeare, comme de plus il paraissait d’humeur à chicaner les deux dames au sujet de La Bletterie qu’elles protégeaient et qu’il n’aimait pas, Mme de Choiseul écrivait encore à sa vieille amie : Je crois que nous ferons bien de le laisser tranquille ; car, pour moi, je ne veux pas entrer dans une dispute littéraire : je ne me sens pas en état de tenir tête à Voltaire.

2108. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Ce journal lui fait beaucoup d’honneur en ce que, sans que l’auteur vise à aucun effet ou songe à aucun lecteur futur, on y voit clairement, naïvement, l’état perplexe de sa croyance et la force de conscience qu’il lui fallut, modéré et timide comme il était, pour résister à des assauts aussi répétés que ceux qu’on lui livrait.

2109. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Un seul ami, à qui il s’ouvrit de son état moral, accourut, lui chercha, en toute hâte, une retraite qu’il trouva aux environs de Paris (à Fontenay-sous-Bois) ; et là, pendant des mois, Béranger seul, caché sous le nom de M. 

2110. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

. — M. de Montaigne disait : « Qu’il s’était toute sa vie méfié du jugement d’autrui sur le discours des commodités des pays étrangers, chacun ne sachant goûter que selon l’ordonnance de sa coutume et de l’usage de son village, et avoir fait fort peu d’état des avertissements que les voyageurs lui donnaient : mais en ce lieu, il s’émerveillait encore plus de leur bêtise, ayant, et notamment en ce voyagé, ouï dire que l’entre-deux des Alpes en cet endroit était plein de difficultés, les mœurs des hommes étranges, chemins inaccessibles, logis sauvages, l’air insupportable.

2111. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Deleyre vient y passer quelques jours en tiers avec Ducis et s’en trouve bien ; une lettre qu’il a écrite au retour respire un certain calme, une certaine paix de l’esprit qui prouve que le bonheur n’est pas chose tout à fait étrangère à sa nature ; Ducis lui répond : « Vous voilà bien, mon cher Deleyre, conservez-vous dans cet état.

2112. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Soulié nous a exposé brièvement, dans son Introduction, comment il parvint à trouver cette première pièce quelconque (un titre de propriété), laquelle le renvoya à d’autres, à des actes passés à Paris, et comment, de contrat en contrat, de testament en testament, de fil en aiguille, il en vint à reconquérir péniblement, mais avec une joie indicible, quelques faits précis et certains sur l’état de maison, la famille, les obligations de théâtre, les dettes, et les mœurs domestiques du grand poète chef de troupe.

2113. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

En quelque fâcheuse condition où sa destinée le réduise, vous le verrez également éloigné de la faiblesse et de la fausse fermeté, se possédant sans crainte dans l’état le plus dangereux, mais ne s’opiniâtrant pas dans une affaire ruineuse, par l’aigreur d’un ressentiment, ou par quelque fierté mal entendue.

2114. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Chez Gavarni, cet amateur de fleurs a son grand arbre, son cèdre empoté et à l’état de bouture : il le tient à la main et se sourit de plaisir à lui-même en le contemplant.

2115. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

La peinture anglaise, à l’état d’école libre et individuelle, produisit sur lui dès l’abord une très-grande impression, et il a été des premiers en 1855 à lui rendre justice, tout en luttant de lustre et d’éclat avec elle, dans une série d’articles de son meilleur et de son plus neuf vocabulaire.

2116. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

La seconde ne lui semble pas digne de quiconque a reçu de la nature une ambition véritable : « Si vous avez ce véritable orgueil indépendant des circonstances, cet élan du mérite ; si vous avez un cœur doué de sensibilité, ne souhaitez jamais cet état intermédiaire qui place entre les grands qu’il faut être attentif à ménager et les pauvres que l’on est impuissant à secourir, entre le ton protecteur qui blesse et la prière qui afflige… » J’ai noté ce passage, parce qu’il est empreint de la marque de Jean-Jacques.

2117. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Quand je vois, vers la fin du siècle, que tant de soupers charmants où la beauté, l’esprit, la poésie en personne (André Chénier en était), l’éloquence déjà elle-même et la politique à l’état d’utopie et de rêve, se cotisaient à l’envi pour payer leur écot, quand je vois que ces réunions d’élite n’ont eu pour annotateur qu’un Rétif de La Bretonne, j’en rougis pour les délicats convives ; un valet de chambre en eût mieux parlé.

2118. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Dans la préface de ses Nouvelles, supposant qu’un de ses amis aurait bien pu faire graver son portrait pour le placer en tête du livre, il donne de lui-même, et de ce portrait absent, la description suivante, quand il avait soixante-six ans (1613) : « Celui que vous voyez ici à la mine d’aigle, les cheveux châtains, le front uni et ouvert, les yeux gais, le nez courbé, quoique bien proportionné, la barbe d’argent (il n’y a pas vingt ans qu’elle était d’or), la moustache grande, la bouche petite, les dents pas plus qu’il n’en faut, puisqu’il n’en a que six, et celles-ci en mauvais état et encore plus mal placées, puisqu’elles ne correspondent pas les unes aux autres ; la taille entre les deux, ni grande ni petite, le teint vif, plutôt blanc que brun ; un peu haut des épaules sans en être plus léger des pieds ; celui-là, je dis que c’est l’auteur de la Galatée, de Don Quichotte de la Manche, le même qui a fait le Voyage du Parnasse et d’autres ouvrages qui courent le monde de çà de là, peut-être sans le nom de leur maître.

2119. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Cette barbarie, cette demi-civilisation saxonne, croisée d’habileté et de finesse normande, le tout enfermé, tassé dans son île, travaillé, trituré, pétri et mûri durant des siècles, selon ce que l’auteur nous a si bien fait voir, se retrouve, dans la conclusion, à l’état de la plus forte, de la plus solide, de la plus sensée, de la mieux tenue, de la mieux pondérée, de la plus positive et de la plus poétique des nations libres.

2120. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

» Pour être un bon et parfait critique, Pope le savait bien, il ne suffit pas de cultiver et d’étendre son intelligence, il faut encore purger à tout instant son esprit de toute passion mauvaise, de tout sentiment équivoque ; il faut tenir son âme en bon et loyal état.

2121. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

L’énergie, le soin et la vigilance dont elles ont eu besoin pour se former et s’élever, pour conquérir l’éducation et la perfection du bien penser et du bien dire, laissent des marques et passent à l’état d’habitude, lors même qu’il n’y a plus d’effort à faire : que vous dirai-je ?

2122. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Le profond moraliste se retrouve dans un dernier trait : « Le nom qu’un infatigable bonheur lui a acquis pour des temps à venir m’a souvent, dit-il, dégoûté de l’histoire, et j’ai trouvé une infinité de gens dans cette réflexion. » Combien de guerriers, de héros d’un jour, se survivant à l’état de paix et n’ayant gardé à la fin que l’ostentation et le fracas de leurs vices, ont produit ce même effet sur des esprits honnêtes et sages, qui ont pu se dire comme Saint-Simon : « C’est à dégoûter de l’histoire ! 

2123. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Il avait non-seulement l’air de Vulteius, mais celui de Vespasien (faciem nitentis), et toutes les fois qu’on le voyait, on était tenté de lui dire : Utere lactucis et mollibus… « C’était, un bonhomme dans le fond, mais que la crainte de paraître pédant avait jeté dans un autre ridicule opposé, qu’on ne saurait définir ; en sorte que pendant tout le temps qu’il a passé chez M. le Duc, où il est mort, on s’y est toujours moqué de lui. » Pour bien entendre ce jugement de Valincour, il faut d’abord relire l’Épître d’Horace (la septième du livre I) où il est question de ce Vulteius, lequel, ayant changé d’état, change aussi d’humeur, devient inquiet, rêveur et a l’air dépaysé.

2124. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

On peut dire qu’après le règne plus régulier et composé des xviie et xviiie  siècles, nous sommes revenus, retombés, à quelques égards, dans un état analogue à celui du xvie , pour la confusion, la multiplicité.

2125. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Mme de La Fayette lui écrivait : « Votre présence augmente les divertissements, et les divertissements augmentent votre beauté lorsqu’ils vous environnent ; enfin la joie est l’état véritable de votre âme, et le chagrin vous est plus contraire qu’à personne du monde. » Mme de Sévigné avait ce qu’on peut appeler de l’humeur, dans le sens d’humour, mais une belle humeur à chaque instant colorée et variée de la plus vive imagination.

2126. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

On ignore si cet homme connaissait ou ignorait l’état de Crithéis, qui passait sans doute pour veuve ou pour mariée à Cymé.

2127. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Ajoutons que ces chefs-d’œuvre mêmes ne sont pas absolus, mais relatifs à l’état social et à l’âge plus ou moins avancé des peuples pour lesquels l’historien a écrit son histoire.

2128. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Quand elle m’eut regardée un moment et interrogée sur mon état de grossesse, qui rendait ma présence au couvent suspecte et inconvenante, sa figure se rembrunit : — Non, dit-elle, mon enfant, la duchesse n’y a pas pensé !

2129. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Boileau ne le fit pas, et n’alla point au-delà des idées littéraires proprement dites : il ne regarda point les réalités psychologiques qui se cachent derrière ces abstractions, une langue, un genre : il n’y vit point les expressions de ces consciences collectives qu’on appelle des peuples, et ne se rendit pas compte que chaque nation façonne sa langue à son image, et que l’apparition et la disparition, la perfection et la décadence de ces formes organiques qui sont les genres, représentent la succession des états d’âme, la diversité des aptitudes intellectuelles et des aspirations morales des divers groupes de l’humanité.

2130. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Généralement elle contient en germe une comparaison, et manifeste une certaine communauté de nature ou d’état entre les deux objets qu’elle accouple.

2131. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Richepin, dont les prodigieux effets de vocabulaire et de métrique, dans le néant brutal du sens, représentent le dernier état du pur romantisme.

2132. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Et que les états de certaines âmes sont plus intéressants en eux-mêmes que les événements extérieurs qui les « conditionnent » !

2133. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Il était sincère, ce défenseur fortuit de la justice, quand il proclamait : « Votre très légitime inquiétude est l’état déplorable dans lequel sont tombées les affaires. » Les affaires, dans la pensée de ce bourgeois comme dans celle des douze autres, voilà le dieu légitime qui mérite toutes les adorations et toutes les immolations.

2134. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Les vicomtesses, vouées par état à la louange des corsets élastiques et de la pâte des Sultanes, ne se savaient pas si terribles.

2135. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Mais ils comprenaient leur temps ; les vues et les efforts de leur politique étaient en harmonie avec ses besoins, avec l’état et le mouvement général des esprits.

2136. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Combien de fois n’a-t-elle pas fait passer leurs ennuyeux paradoxes à l’état de magnifiques lieux communs !

2137. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Ce que Chateaubriand est là dans ses écrits à l’état idéal, il l’était aussi plus ou moins dans la vie, auprès des femmes qu’il désirait et dont il voulait se faire aimer.

2138. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Ses personnages ne vivent pas d’un bout à l’autre ; il y a un moment où ils passent à l’état de type.

2139. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Considérant l’espèce d’état de fausse paix et de trêve précaire, le régime de sourde et profonde corruption qui avait précédé les derniers troubles, il se félicitait presque aussi de le voir cesser ; car « c’étoit, dit-il de ce régime de Henri III, une jointure universelle de membres gâtés en particulier, à l’envi les uns des autres, et, la plupart, d’ulcères envieillis, qui ne recevoient plus ni ne demandoient guérison.

2140. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Vers ce temps, le jeune élève, ou qui cessait à peine de l’être, fut accusé d’une action odieuse qu’on a souvent réveillée contre lui : il eut l’imprudence de faire, en société avec quelques-uns de ses camarades, plusieurs couplets contre divers membres du collège d’Harcourt ; mais ce n’était « ni contre ses maîtres ni contre ses bienfaiteurs », assure Boissy d’Anglas : « Cette plaisanterie était l’ouvrage de plusieurs jeunes gens, et M. de La Harpe fut le seul puni parce qu’il était pauvre, sans appui, sans état, sans protecteur, et parce qu’il eut le courage de garder à ses compagnons le secret le plus inviolable. » Ce récit, qui est selon la vraisemblance, réduit cette peccadille de jeunesse à sa juste proportion.

2141. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

On jugea donc que personne aussi bien que Mme des Ursins n’était en état de remplir la place de camarera mayor ou de surintendante de la maison de la reine.

2142. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Plus Charles IX a de succès, plus mon observation acquerra de force ; car la pièce aura été vue par des gens de tous les états.

2143. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Courier est là loin du centre, obéissant à des ordres souvent contradictoires, sans chances d’avancement, en danger d’être pris et pendu, n’échappant qu’à force de présence d’esprit et parce qu’il parle bien l’italien, perdant ses chevaux, son domestique, sa valise et ses nippes, toutes choses dont il croit devoir nous détailler le compte (triste état de services !)

2144. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Dans un admirable portrait de Wallenstein, ce glorieux généralissime de l’Empire assassiné par ordre de son maître, Richelieu, qui se reporte à sa propre situation de ministre calomnié et sans cesse menacé de ruine, trouve de magnifiques paroles pour caractériser l’infidélité et l’ingratitude des hommes ; et, après avoir raconté la vie de ce grand guerrier, après nous l’avoir montré avec vérité dans sa personne et dans son habitude ordinaire, il ajoute en une langue que Bossuet ne surpassera point : Tel le blâma après sa mort, qui l’eût loué s’il eût vécu : on accuse facilement ceux qui ne sont pas en état de se défendre.

2145. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Une pensée plus haute le préoccupait : il amena ses parents, et son père en particulier qui résistait, à permettre qu’il embrassât l’état ecclésiastique, et qu’il devînt le bras droit et le prévôt de l’évêque de Genève, alors résidant à Annecy.

2146. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Arrivée à Béziers, elle est entourée de tous, « vous assurant, Monseigneur, écrit-elle à son frère, que quand je cuide (je crois) parler de vous à deux ou trois, sitôt que je nomme le roi, tout le monde s’approche pour m’écouter ; en sorte que je suis contrainte leur dire de vos nouvelles, dont je ne ferme le propos qu’il ne soit accompagné de larmes des gens de tous états ».

2147. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Sans elle, nous sommes les êtres de l’univers les plus à plaindre… Comme on ne connaît la nécessité de la valeur que dans le péril, on ne peut connaître l’avantage consolant qu’on retire de la religion que dans l’état de souffrance.

2148. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Voici un homme qui remplit le monde de son nom, dont les livres se vendent à cent mille, qui a peut-être de tous les auteurs fait le plus gros bruit de son vivant, eh bien, par cet état maladif, par la tendance hypocondriaque de son esprit, il est plus malheureux, il est plus désolé, il est plus noir, que le plus déshérité des fruits secs.

2149. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Le vers libre, à son sens, serait la technique désignée pour l’autobiographie du soi, la fixation d’états d’âmes, pour l’arabesque personnelle que le poète doit tracer autour de son caractère propre.

2150. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Jusqu’au dernier moment, à l’envi, on s’était efforcé de cacher à Augier la gravité de son état ; on s’était interdit de l’alarmer par la moindre des questions ; on avait évité même de s’assembler autour de son lit.

2151. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Il est clair que, si Hernani n’avait pas eu de sombrero, Baudelaire ne l’aurait pas volé et réduit en ce piteux état.

2152. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Dans cet état moral et politique de notre société reconstituée, il est d’une conséquence nécessaire que la littérature réponde aux besoins des âmes et des esprits.

2153. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

. — En vain du Méril épuise-t-il toutes les ressources du génie de la recherche et du renseignement sur les pays qui sont placés le plus loin de nous, comme, par exemple, la Chine et l’Inde, il écrit bien moins l’histoire de leurs théâtres que l’histoire des impossibilités d’avoir un théâtre chez ces nations immobiles, stupéfiées par des états sociaux monstrueux… J’ai parlé plus haut d’historien humain retrouvé dans l’historien des mots, dans l’anatomiste des langues.

2154. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

on ne retrouve, à l’état de revenant sorti de la tombe, que ce grand maigre, planté assez sinistrement sur ses échalas, que nous avons connu vivant, dans sa sécheresse de parchemin et de papyrus et sa face pâle de cheval de l’Apocalypse (qui était une rosse), et auquel il s’est lui-même comparé.

2155. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

L’auteur du Guillaume III et du Jacques II, qui n’est, après tout, que l’avocat très instruit, très ardent et aussi retors que s’il était froid, d’un parti, avait mieux à faire, pour l’état de services de sa gloire, qu’une histoire qui pourrait bien n’être, au fond, sous des formes larges et décevantes, que le plus éloquent des pamphlets.

2156. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il a eu son rayonnement dans quelques esprits trop peu nombreux qu’il a frappés par les qualités transcendantes dont il brille ; mais parmi les Critiques d’état, les journalistes, doseurs de gloire, on en a très peu parlé.

2157. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Le livre des Blasphèmes est la conséquence très simple de l’état général des esprits.

2158. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Supposez qu’un physiologiste chargé de décrire l’estomac s’amuse à raconter les différents états de la puissance digestive et des capacités motrices, sécrétives, innervatrices, au lieu de remarquer que l’organe est une poche en forme de cornemuse, formée par quatre tuniques, munie de trois sortes de glandes, aboutissant d’un côté au cardia et de l’autre au pylore, animée par des rameaux du nerf pneumogastrique et du plexus solaire ; non-seulement il aura fait des barbarismes, mais il n’aura rien dit.

2159. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Ce principe, ce ne fut ni la volonté créatrice, ni la dictature d’un homme : ce fut la rencontre heureuse de l’état moral des Romains avec l’intérêt de leur chef, cette trêve de Dieu sur le monde qui permit à la nation conquérante, toute pleine encore de jeunesse et de génie, et aux nations assujetties qu’elle éleva bientôt jusqu’à elle, de se reposer dans une paix active de quarante années, embellie par la richesse et les arts.

2160. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

L’état du monde, la science de l’apôtre, le lieu de sa mission, la forme de son sacrifice, tout est bien changé, bien divers : ce sont les horizons de feu, les diamants de Golconde, le luxe de Calcutta, les palais des princes déchus, au lieu des huttes éparses sur les bords du Rhin et dans les forêts de la Thuringe ; mais l’âme du charitable apôtre est la même.

2161. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Il a fait sur la multiplication des filous et des voleurs des recherches ingénieuses et profondes, et plusieurs de ses idées à ce sujet ont été adoptées par les hommes d’état. […] Bulwer a voulu peindre, j’avais lu son livre comme distraction et comme étude, pour compléter mes renseignements sur l’état présent de la littérature anglaise, mais sans y attacher aucune importance sociale. […] Lautrec se brouille avec Doria, qui décide la défection des autres états de l’Italie. […] Il considère la Saint-Barthélemy comme une boutade improvisée, et nie formellement que le coup d’état ait été prémédité longtemps à l’avance. […] La défense du premier contre les huguenots, et celle du second contre les démocrates, avaient acculé les deux rois à la nécessité d’un coup d’état.

2162. (1898) Essai sur Goethe

En revanche, on y remarque une longue et savante dissertation sur l’état des lettres allemandes à ce moment-là : dissertation que le jeune étudiant francfortois eût été bien embarrassé, je crois, de concevoir alors ; jugement mûri et raisonné, qu’il ne formula certainement que beaucoup plus tard, quand les œuvres dont il parle eurent pris, en reculant dans le passé, leur véritable importance et leur véritable signification. […] Goethe, en réalité, ne se détachait des Français que pour tomber sous d’autres influences ; il l’a reconnu, en partie du moins, car s’il ne confesse pas assez clairement peut-être la part qui revient à Rousseau dans son nouveau catéchisme, du moins proclame-t-il que Shakespeare fut son véritable éducateur et l’empêcha de retomber, de parti pris, dans l’état sauvage. […] Et est-ce que des milliers et des milliers d’hommes n’ont pas cela dans chaque état ? […] Lotte, dans quel état était mon cœur à tes paroles, quand je savais que c’est la dernière fois que je te vois. […] Je ne suis pas en état de te dire moi-même d’où je viens, qui m’a envoyé ; j’ai échoué ici de mes régions étrangères, et j’y suis retenu par les liens de l’amitié.

2163. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Ne pourriez-vous vous demander à ce propos si vos inquiétudes avaient raison et s’il n’y aurait pas une beauté et une noblesse de vie compatibles avec l’état social qui vous a, plus d’une fois, inspiré tant de méfiance ? […] Cette tour qui est inutile, et qui, cependant, est construite comme une machine utile et n’admet aucun ornement superflu, cette tour est bien le monument symbolique du plus récent état de civilisation, le Parthénon de fer d’une société démocratique et industrielle. […] Il y a comme cela, paraît-il, dans celle mystérieuse Afrique, des peuples innombrables, pas plus méchants que nous, qui jouissent paisiblement de l’air du ciel et des fruits de la terre, qui vivent dans un état de paresseuse demi-civilisation agricole et pastorale, et qui depuis sept mille ans n’avaient point fait parler d’eux. […] Je vous prie seulement de ne pas trop vous arrêter à notre état politique et de ne pas nous juger sur ce que vous pourrez en apercevoir. […] Si vous me demandez leur état et leur nom, J’appelle l’un amour et l’autre ambition.

2164. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

si Molière n’a jamais composé de sermons, c’est qu’il n’était pas prédicateur de son état, et qu’une homélie n’eût pas été à sa place sur la scène. […] Il revient à dire : vous êtes prédicateur, c’est votre état de tonner contre les vices ; tonnez, mon ami, tonnez. […] Il a accrédité les unes, qui ont dû précisément à la moquerie qu’il en faisait de s’insinuer dans la conversation ordinaire ; les autres ont passé à l’état d’antiquailles. […] Jourdain dont le seul tort après tout était de vouloir apprendre les belles manières et s’élever au-dessus de son état ; il l’a livré aux risées du public, victime d’une mystification odieuse. […] Il eût fallu les justifier au moins, en donnant à Harpagon un état dans le monde, un rang à soutenir, en mettant son avarice aux prises avec sa condition sociale.

2165. (1883) Le roman naturaliste

Il est certain que nulle autre cause, — même sans parler de celles dont l’enchaînement tient la littérature dans une dépendance étroite, mais non pas absolue, de l’état social et politique, — n’a contribué davantage à pousser de nos jours le roman dans les voies du réalisme. […] Ils commencent par faire une espèce d’enquête générale sur l’état de l’opinion. […] Ce n’est pas une histoire à conter qui le hante ; ce ne sont pas des figures entrevues ou rencontrées qui l’obsèdent jusqu’à ce qu’il les ait fixées, pour s’en débarrasser, dans une action dramatique ou dans une intrigue de roman ; ce n’est pas enfin quelque remarquable et singulier état de l’âme ou de la conscience humaine dont il éprouverait le besoin de retrouver les antécédents ou de déterminer les conséquences psychologiques. […] Mais, incontestablement, c’est sur l’état de l’opinion et sur le mouvement de la curiosité qu’il règle lui-même ou qu’il croit régler son article ; et son principal souci, c’est de donner une forme, une figure, une voix à ce que pense, comme lui, toute une catégorie de lecteurs. […] Vous le trouverez, non plus à l’état de simple et rapide indication, comme ici, mais à l’état de tableau complet, dans plusieurs endroits de Salammbô.

2166. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Ils exprimaient jadis l’état de l’esprit, désormais ils le démentirent. […] Ils veulent bien accorder que votre compère Jean et votre compère Jacques parlent selon leur état ; mais ils ne s’amusent point de leurs pots à bière et de leurs guenilles701. » C’est pour eux maintenant qu’on doit écrire, et surtout pour les plus instruits702 ; car ce n’est pas assez d’avoir de l’esprit ou d’aimer la tragédie pour être bon juge : il faut encore posséder une solide science et une haute raison, connaître Aristote, Horace, Longin, et prononcer d’après leurs règles. […] Celle-ci, égarée hors du sien et entravée d’abord par l’imitation étrangère, ne forme que lentement sa littérature classique ; elle ne l’atteindra qu’après avoir transformé son état religieux et politique : ce sera le règne de la raison anglaise.

2167. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Quand j’ai lu hier dans un journal que l’état du malade de Chislehurst était grave, j’ai senti qu’il était mort au moment où nous lisions cette dépêche. « N’était-il pas déjà mort à Sedan ? […] Ce sentiment de gêne en face de la perfection existe partout où il y a des créatures humaines, dans l’état ecclésiastique comme ailleurs, et je l’ai trouvé au fond des solitudes habitées par les saints. […] Je me résume : Abusant d’un état de somnambulisme dans lequel était tombée Lasthénie, le capucin, avant de quitter la maison, l’avait déshonorée, sans que la pureté morale de la jeune fille eût été flétrie de cette souillure mystérieuse. […] À côté d’études approfondies sur l’état social au dix-huitième siècle, il renferme des chapitres tout à fait piquants. […] Nous ne le connaissons que dompté, apprivoisé en cet état qui s’appelle civilisation : aussi reculons-nous d’effroi devant les explosions accidentelles de sa nature.

2168. (1930) Le roman français pp. 1-197

Viennet, membre de l’Académie française, ancien lieutenant-colonel d’artillerie, très brave soldat, ses états de service en font foi, excellent académicien, je suppose, auteur d’une tragédie d’Arbogaste que personne ne lit plus, et de Promenades au Père Lachaise également tombées dans l’oubli, malgré l’allécherie de ce titre macabre, bien étonnant sous la plume de ce furieux adversaire du romantisme. […] Le réalisme pessimiste de l’école Goncourt règne seul dans Bouvard et Pécuchet, le romantisme, condensé, ramassé, mais d’autant plus violent dans Salammbô, les trois états successifs de La Tentation de saint Antoine et les deux premiers des Trois contes, Hérodiade, et Saint Julien l’Hospitalier. […] Je n’aime pas beaucoup insister sur ces réactions d’un état morbide sur le talent. […] Mais c’est en vérité, malgré la lucidité pure, candide, du style, à l’état de rêve : si le rêveur disparaissait, il n’y aurait plus rien, plus, d’univers. […] Elle fait lire par France ce premier état de Thaïs devant un petit aréopage où se trouve, je crois, Paul Bourget.

2169. (1911) Études pp. 9-261

Il manifeste ainsi à chaque instant, par sa longueur et sa mesure même, l’état profond de qui le prononce : car comme l’amplitude du rythme respiratoire varie avec la qualité de l’émotion, il se dilate et se contracte tour à tour : il suit le contour de la sensibilité intime : par ses ondulations il en trahit fidèlement les moindres vicissitudes. […] Or le mouvement qui fait chaque objet, rencontre d’autres objets, c’est-à-dire d’autres mouvements, qui résistent et l’arrêtent ; il est forcé de se replier sur lui-même au contact des êtres voisins et, comme il ne peut cesser, il devient vibration, va-et-vient à l’intérieur d’une certaine limite que tracent les présences externes et qui est une forme : « La vibration, c’est le mouvement prisonnier de la forme73. » Chaque objet étant dans son essence un mouvement circonscrit, c’est-à-dire une vibration, travaille à créer sa forme : « Tout mouvement a pour résultat la création ou le maintien d’un état d’équilibre. […] Le péché originel et la rédemption Mais en réalité l’ordre n’est pas dans le monde : « Nous vivons… dans un état de désordre. […] En chacune de partout on aperçoit « le flamboyant Autel179 », « le Buisson ardent180 », « le Centre sacré dans les flammes181 » et, comme chacune s’appareille et s’accommode à un état de notre âme, ainsi toutes convergent vers la vision unique, vers l’ineffable incendie.

2170. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

dans quel état te vois-je, ô très-belle Dame ! […] Durant les six années qui suivirent (1831-1837), une correspondance aussi fréquente que le permettait l’état de santé de Leopardi se continua entre eux.

2171. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Je ne puis vivre en l’état où je suis, et je n’ai plus à garder ni mesure, ni bienséance. — Je savois que son mari avoit deux enfants encore jeunes, d’une première femme, et je m’allai mettre dans l’esprit de feindre que j’étois de ces précepteurs libertins qui courent, le monde. […] Voir la lettre 11e, où il se montre comme assiégé par les créanciers, qui l’empêchaient, de sortir de chez lui et de faire des visites ; la lettre 37e, sur le triste état de ses affaires ; la lettre 8e, sur une dette de jeu.

2172. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Figurez-vous, au lieu de cette pauvre idée sèche, étayée par cette misérable logique d’arpenteur, une image complète, c’est-à-dire une représentation intérieure, si abondante et si pleine qu’elle épuise toutes les propriétés et toutes les attaches de l’objet, tous ses dedans et tous ses dehors ; qu’elle les épuise en un instant ; qu’elle figure l’animal entier, sa couleur, le jeu de la lumière sur son poil, sa forme, le tressaillement de ses membres tendus, l’éclair de ses yeux, et en même temps sa passion présente, son agitation, son élan, puis par-dessous tout cela ses instincts, leur structure, leurs causes, leur passé, en telle sorte que les cent mille caractères qui composent son état et sa nature trouvent leurs correspondants dans l’imagination qui les concentre et les réfléchit : voilà la conception de l’artiste, du poëte, de Shakspeare, si supérieure à celle du logicien, du simple savant ou de l’homme du monde, seule capable de pénétrer jusqu’au fond des êtres, de démêler l’homme intérieur sous l’homme extérieur, de sentir par sympathie et d’imiter sans effort le va-et-vient désordonné des imaginations et des impressions humaines, de reproduire la vie avec ses ondoiements infinis, avec ses contradictions apparentes, avec sa logique cachée, bref de créer comme la nature. […] Stewart : La conception à son état naturel est croyance.

2173. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Lorsque nous serons de retour à Salzbourg, il sera en état de servir la cour du prince-évêque. […] Je le prie tous les jours de me donner la grâce de persévérer ici, afin que je fasse honneur à toute la nation allemande, que je gagne quelque argent pour être en état de vous venir en aide, qu’en un mot nous nous réunissions tous les quatre, et que nous passions le reste de nos jours dans la paix et dans la joie. » XV Cette paix et cette joie, qu’il aimait à voir en perspective, se changèrent peu de jours après en larmes éternelles et en complet isolement : la seule joie de sa solitude, sa mère, malade de tristesse et d’exil, lui donnait de temps en temps des appréhensions sur sa santé ; il la soignait comme le souffle de ses lèvres, il passait seul les jours et les nuits à composer, à prier, à espérer et à désespérer à son chevet.

2174. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Il dit que chaque endroit avait son atmosphère particulière, mais que cependant l’état barométrique de l’Europe avait une grande uniformité. […] — C’est certainement une loi générale, dis-je, car j’ai observé aussi cette charité et cette pitié pour les abandonnés chez des oiseaux à l’état libre.

2175. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Dépossédé par ce fougueux conquérant, le vieil Océanos tomba par degrés à l’état de divinité honoraire. […] Prométhée rattaché aux deux Testaments par ces analogies mystiques, baptisé par le feu du tonnerre païen qui consomma son martyre, passa ainsi à l’état de révélateur et d’annonciateur.

2176. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Ils sont passés à l’état des fossiles, ces courtisans, la honte de l’espèce humaine. — Ils étaient cependant les maîtres absolus de ce monde en proie à leur caprices ; il en étaient les arbitres, les héros, les demi-dieux, les gardes-du-corps ; ils touchaient, de très près, les Princes Lorrains, les Rohan, les Foix, les Châtillon, les Montmorency — ces dieux ! […] Est-ce vivre, en effet, que de passer à l’état d’une langue morte, d’un chef-d’œuvre oublié, d’une curiosité littéraire ?

2177. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

C’est ainsi que Mirabeau s’était fait marchand de drap à Marseille pour se confondre dans le tiers état ; et, si nous remontons plus haut, c’est ainsi que Tibérius Gracchus s’était fait plèbe à Rome pour faire trembler l’aristocratie de son pays. […] Non seulement c’était une femme du cœur le plus maternel pour moi, qu’elle traitait comme son propre fils, mais c’était une femme d’une éducation supérieure à son état ; je lui dois tout ce qui a pu germer ou fleurir plus tard en moi de bons instincts, de haute raison, de tardive sagesse.

2178. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

A la place des Originaux, que peu de personnes sont en état de lire aujourdhui, c’est une ressource pour notre paresse & notre ignorance, de les trouver tellement traduits & expliqués par le P. […] Et quand même il auroit connu le monde, son état lui auroit peut-être interdit la liberté de donner à ses peintures toute l’énergie qu’un laïque peut se permettre sans conséquence.

2179. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

À ces conseils littéraires il en joignait un supérieur, et qui est de morale sociale : « Vous êtes heureux d’avoir embrassé un état qui vous donne du loisir.

2180. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

» La préface de la première édition de l’Iliade se terminait par une page touchante et souvent citée, mais qui montre trop bien Mme Dacier au naturel pour devoir être omise toutes les fois qu’on veut lui faire honneur : Après avoir fini cette préface, disait-elle, je me préparais à reprendre l’Odyssée et à la mettre en état de suivre l’Iliade de près ; mais, frappée d’un coup funeste qui m’accable, je ne puis rien promettre de moi, je n’ai plus de force que pour me plaindre.

2181. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Je ne suis pas au bout de ma liste35 : c’en est plus qu’assez, ce me semble, pour prémunir le public, et aussi pour avertir l’éditeur de vouloir bien, après révision, après collation totale de l’imprimé avec le manuscrit, ajouter au plus vite un ample Errata, accompagné de quelques cartons, à un ouvrage qui, dans son état actuel, fourmille d’erreurs, et est certes le moins digne d’un homme comme le président Hénault, qui a consacré la meilleure part de ses loisirs à étudier l’histoire et à en répandre des notions exactes.

2182. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Il reprocha à Costar (qui s’appelait primitivement Cousiart) son nom, sa naissance, l’état de ses père et mère, et jusqu’à celui de son grand-père, qui apparemment n’était pas en parfaite odeur.

2183. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

En revanche, Rohan se plaît fort à célébrer une action héroïque de sept soldats de Foix qui, s’enfermant dans une bicoque auprès de Carlat, arrêtèrent le maréchal et toute son armée deux jours entiers, et, après lui avoir tué plus de quarante hommes, se sauvèrent au nombre de quatre ; trois sur les sept, trois proches parents, voulurent demeurer et se sacrifier, parce que l’un était blessé et hors d’état de sortir : « Ainsi les quatre autres, dit Rohan, à la sollicitation de ceux-ci et à la faveur de la nuit, après s’être embrassés, se sauvent, et ces trois-ci se mettent à la porte, chargent leurs arquebuses, attendent patiemment la venue du jour, et reçoivent courageusement les ennemis, desquels en ayant tué plusieurs, meurent libres. » Ce sont là les seuls éclairs du récit chez Rohan, qui voudrait bien assurer aux noms de ces braves soldats une immortalité dont il n’est pas le dispensateur : il fallait de certains échos particuliers, et qui ne se retrouvent pas deux fois, pour nous renvoyer les glorieux noms qui ont illustré les Thermopyles.

2184. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Les lettres telles qu’il vient de les définir, c’est une espèce de paisible et magnifique hôtel des Invalides pour les passions ; elles n’y sont plus qu’à l’état de goûts innocents, comme dans les champs Élysées du poète.

2185. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Mais, tout bien considéré, ces mots, j’ai été à l’extrémité, se rapportent peut-être mieux à une maladie qu’il eut en effet en 1724, après avoir pris les eaux de Forges, et conviennent moins à l’état où l’aurait mis l’indigne guet-apens du chevalier de Rohan.

2186. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Louis XIV, en le recevant à Marly dans le courant de mars, au plus fort de tous ses deuils de famille, lui avait dit ces paroles qu’il faut savoir gré au maréchal de nous avoir textuellement conservées : Vous voyez mon état, monsieur le maréchal.

2187. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Mirabeau faisait alors des vers, des tragédies ou des comédies ; il cultivait, comme il dit, Melpomène ; il commençait à s’occuper d’économie politique et rurale ; il avait des maîtresses, des passions de rechange, toutes les sortes d’ambition ; enfin il était (ce qu’il sera souvent) dans un état volcanique.

2188. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Né dans cette cité dont le nom ne se sépare plus du sien, en septembre 1762, fils d’un procureur au bailliage, destiné d’abord à l’état ecclésiastique (comme on le verra), puis changeant de robe, avocat plaidant et bientôt estimé des anciens, il avait vingt-cinq ans à l’époque où s’ouvrait l’Assemblée des Notables : il reçut vivement, lui et ses frères, le souffle embrasé qui traversait l’air à ce moment.

2189. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Vous dire comment une particularité de si peu de valeur a pu se fixer dans ma mémoire, avec la date précise de l’année et, peut-être bien, du jour, au point de trouver sa place en ce moment dans la conversation d’un homme plus que mûr, je l’ignore ; mais si je vous cite ce fait entre mille autres, c’est afin de vous indiquer que quelque chose se dégageait déjà de ma vie extérieure, et qu’il se formait en moi je ne sais quelle mémoire spéciale assez peu sensible aux faits, mais d’une aptitude singulière à se pénétrer des impressions. » Un précepteur qu’on lui donne, pour le mettre en état d’entrer bientôt au collège, ne réussit qu’à partager l’esprit du jeune enfant et à y introduire un élément d’étude régulière, sans rien supprimer d’une sensibilité vague et discrète qui ne se laissait pas soupçonner.

2190. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Coulmann retombe à son état d’opposant ; il en est quitte pour se mêler des élections et pour être, avec les jeunes hommes de son âge, de toutes les parlottes et les conférences parlementaires de ces chaudes années.

2191. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Vous savez comme on est gêné par la figure des gens,… et juger n’est pas mon état.

2192. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Aussi, nous qui regrettons personnellement, et regretterons jusqu’au bout, comme y ayant le plus gagné à cet âge de notre meilleure jeunesse, les commencements lyriques où un groupe uni de poëtes se fit jour dans le siècle étonné, — pour nous, qui de l’illusion exagérée de ces orages littéraires, à défaut d’orages plus dévorants, emportions alors au fond du cœur quelque impression presque grandiose et solennelle, comme le jeune Riouffe de sa nuit passée avec les Girondins (car les sentiments réels que l’âme recueille sont moins en raison des choses elles-mêmes qu’en proportion de l’enthousiasme qu’elle y a semé) ; nous donc, qui avons eu surtout à souffrir de l’isolement qui s’est fait en poésie, nous reconnaissons volontiers combien l’entière diffusion d’aujourd’hui est plus favorable au développement ultérieur de chacun, et combien, à certains égards, cette sorte d’anarchie assez pacifique, qui a succédé au groupe militant, exprime avec plus de vérité l’état poétique de l’époque.

2193. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Or, pour qui sait voir et observer, ces deux faits (que je n’entends encore une fois ni égaler ni juger en eux-mêmes) sont un grand enseignement, une mesure très-sensible de l’état du goût, du degré de température, et du niveau d’aujourd’hui.

2194. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Il y eut peu d’âmes plus belles, plus fortes, que celle de ce magistrat, qui mourut évêque : il eut, de ses deux états, la justice et la charité.

2195. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Et en effet, toutes les fois que M. de Glouvet décrit, on dirait qu’il s’est « transporté sur les lieux » pour en « dresser l’état ».

2196. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Au nom de ce principe, nous pouvons approuver les formes les plus différentes : la phrase ample et majestueuse de Bossuet déroulant les destinées des empires et le caquetage vif, sautillant, coupé, le style parlé de Marivaux analysant les menus états d’esprit d’une jeune fille ; les vers aisés, inégaux et sinueux, qui se moulent avec tant de souplesse sur la pensée de La Fontaine, et les larges vagues de mélodieux alexandrins où se berce mollement la rêverie de Lamartine.

2197. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Bazin plus que de personne : esprit sceptique, sans enthousiasme, fort léger de croyances, il était sincèrement royaliste, comme l’eût été un voltairien du xviiie  siècle, comme le doit être en général celui qui estime la majorité des hommes peu en état de se conduire raisonnablement elle-même.

2198. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Après avoir mis assez adroitement le Saint-Esprit de son côté, puisque le Saint-Esprit lui-même n’a pas dédaigné de dicter les premières histoires, il en conclut qu’il est permis de regarder autour de soi, d’avoir pour soi-même cette charité bien ordonnée qui consiste à ne pas rester, en présence des intrigants, à l’état d’aveugles, d’hébétés et de dupes continuelles : « Les mauvais qui, dans ce monde, ont déjà tant d’avantages sur les bons, en auraient un autre bien étrange contre eux s’il n’était pas permis aux bons de les discerner, de les connaître, par conséquent de s’en garer… » Enfin, la charité, qui impose tant d’obligations, ne saurait imposer « celle de ne pas voir les choses et les gens tels qu’ils sont ».

2199. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Il y a le Fontenelle bel esprit, coquet, pincé, damoiseau, fade auteur d’églogues et d’opéras, rédacteur du Mercure galant, en guerre ou en chicane avec les Racine, les Despréaux, les La Fontaine ; le Fontenelle loué par de Visé et flagellé par La Bruyère ; et à travers ce Fontenelle primitif, à l’esprit mince, au goût détestable, il y en a un autre qui s’annonce de bonne heure et se dégage lentement, patiemment, mais avec suite, fermeté et certitude ; le Fontenelle disciple de Descartes en liberté d’esprit et en étendue d’horizon, l’homme le plus dénué de toute idée préconçue, de toute prévention dans l’ordre de la pensée et dans les matières de l’entendement ; comprenant le monde moderne et l’instrument, en partie nouveau, de raisonnement exact et perfectionné qu’on y exige, s’en servant avec finesse, avec justesse et précision, y insinuant l’agrément qui fait pardonner la rigueur, et qui y réconcilie les moins sévères ; en un mot, il y a le Fontenelle, non plus des ruelles ni de l’Opéra, mais de l’Académie des sciences, le premier et le plus digne organe, de ces corps savants que lui-même a conçus dans toute leur grandeur et leur universalité quand il les a nommés les états généraux de la littérature et de l’intelligence.

2200. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Un tel état de société est fait pour tenir en éveil et pour donner toute la prudence.

2201. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Fit-il bien d’attendre si longtemps avant de se déclarer pour la double représentation du tiers état ?

2202. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

M. de Suhm, avant de se croire en état d’y satisfaire, développe au prince quelques considérations générales, « dont sa pénétration, dit-il, saura d’elle-même tirer les conséquences particulières ».

2203. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Il a esquissé le mal dans Pères et Enfants, comme nu état mental à peine caractérisé et sans grandes conséquences ; il l’avait décrit auparavant à un stage plus avancé, dans Dmitri Roudine, et ici c’est toute l’existence morale du sujet qui est altérée et ruinée.

2204. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

On trouve sur le registre de Lagrange, au mois d’avril 1663, cette mention : « vers le même temps, M. de Molière reçut une pension du roi en qualité de bel esprit, et a été couché sur l’état pour la somme de mille livres. » Plus tard, quand Molière fut mort, et enterré à Saint-Joseph, « aide de la paroisse Saint-Eustache », le roi poussa la protection jusqu’à permettre que sa tombe fût « élevée d’un pied hors de terre. » § VI Shakespeare, on vient de le voir, resta longtemps sur le seuil du théâtre, dehors, dans la rue.

2205. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

On est utopique en considérant comme un idéal absolu et éternel l’état de choses dans lequel on vit ; on l’est en rêvant un état nouveau : Bossuet est utopique de la première manière, Fénelon de la seconde.

2206. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

À distance, et dans l’état de l’opinion sur Rivarol, l’aurait-on dit ?

2207. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

J’ai réussi jusqu’à présent à me maintenir dans un état d’égalité et d’insouciance philosophique, de constante acceptation.‌

2208. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Seuls, des signaux lancés à travers l’éther répondent à cette exigence : toute transmission par la matière pondérable dépend de l’état de cette matière et des mille circonstances qui le modifient à chaque instant.

2209. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Je ne puis entrer ici dans le détail d’une démonstration que j’ai tentée autrefois : qu’il me suffise de rappeler que tout devient obscur, et même incompréhensible, si l’on considère les centres cérébraux comme des organes capables de transformer en états conscients des ébranlements matériels, que tout s’éclaircit au contraire si l’on voit simplement dans ces centres (et dans les dispositifs sensoriels auxquels ils sont liés) des instruments de sélection chargés de choisir, dans le champ immense de nos perceptions virtuelles, celles qui devront s’actualiser.

2210. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Les habitudes de l’homme intérieur, ayant formé le philosophe, formèrent sa philosophie ; son système du monde fut produit par l’état de son âme ; sans le savoir ni le vouloir, il construisit les choses d’après un besoin personnel, Ce genre d’illusion est presque inévitable ; nous ressemblons à ces insectes qui, selon la diversité de la nourriture, filent des cocons de diverses couleurs.

2211. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Une autre poésie s’était élevée, depuis plus d’un siècle, puissance bien assortie aux troubles des états libres, n’épargnant ni le vice ni la vertu, et promenant de Paros à Corinthe son fouet injurieux.

2212. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Il faut qu’il y ait des grâces d’état. […] J’ajoute que cette méthode érudite est peut-être le moyen d’écrire des livres parfaitement ennuyeux : témoin Alexis Monteil et son Histoire des Français des divers états, précisément conçue dans ce système de « restitution » du passé. […] Il a pu, dans tel fragment célèbre, l’un des plus considérables et des plus laborieusement travaillés du manuscrit, retrouver, sous les surcharges et les ratures, les différents états du style de Pascal, et nous montrer ainsi le grand écrivain à l’œuvre. […] On pourra cesser aussi de s’apitoyer, comme l’ont fait, comme le font encore bénévolement quelques moliéristes, sur le sort de cet enfant de génie condamné par un père barbare à l’apprentissage du métier de tapissier, car enfin, ce n’est que l’événement qui déclare le génie, la longueur du temps qui le consacre ; et le digne Pocquelin n’est pas excusable seulement, il est louable d’avoir voulu mettre son fils en état d’exercer un métier lucratif et de tenir un jour une charge honorable. […] Je ne parle même pas de cette hospitalité de Ferney, libéralement ouverte à tout venant ; ce n’était là qu’une nécessité d’état, en quelque sorte, une manière de tenir son rang, d’étendre son influence, d’affirmer sa royauté littéraire.

2213. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Pendant quelque temps, nous avons été aimées, belles, jeunes, gracieuses maintenant nous sommes réduites à un tel état, que cette femme bat des ailes pour retourner à son antique asile. […] Louise de La Vallière n’ose dire, ni à sa mère ni à son amant, le véritable état de son cœur : elle s’exprime en termes ambigus ; et il semblerait naturel que la mère et l’amant se réunissent, sinon pour empêcher, du moins pour retarder le départ de Louise. […] Guizot a très bien montré que, derrière chaque parti politique, se trouvait un parti religieux, et que la réforme de l’état était liée très étroitement à la réforme de l’église. […] Et cet état si contraire au développement, à l’exercice du sens historique, est devenu son état normal. […] Au second acte, le père Remy veut partir et emmener sa fille ; la Grand’Rose, bonne et compatissante, s’obstine à le garder, car il n’est pas encore en état de faire une longue route.

2214. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Mais le grand air, le repos, le milieu caressant de la famille, les distractions qu’on le forçait de prendre et l’énergique sève de l’adolescence eurent bientôt triomphé de cet état maladif. […] Ainsi, rien n’était résulté de cette claustration rigoureuse, de cette vie d’ermite dans la Thébaïde dont Raphaël trace le budget : « Trois sous de pain, deux sous de lait, trois sous de charcuterie m’empêchaient de mourir de faim et tenaient mon esprit dans un état de lucidité singulière. […] » Les magnificences des Jardies n’existaient guère qu’à l’état de rêve. […] Sans doute, les étrangers y venaient comme en tout temps chercher le plaisir ou l’instruction ; mais les moyens de transport étaient difficiles, l’idéal de la rapidité ne dépassait pas la classique malle-poste, et la locomotive ne s’ébauchait pas encore, même à l’état de chimère, dans les brumes de l’avenir. […] On a bien voulu nous montrer les études et les tableaux que Marilhat a laissés à sa mort, ou plutôt dès le commencement de sa funeste maladie, à un état d’ébauche plus ou moins avancé.

2215. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Cet homme-là n’était pas fait pour l’état d’inflammation politique violente auquel se complaisent ceux qui l’ont depuis si bruyamment adopté.

2216. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’objet de M. de Meilhan est de présenter un tableau général exact du gouvernement de la France et de la société avant la Révolution, et de montrer qu’il n’y avait pas lieu ni motif à la révolte, qu’il y aurait eu moyen de la conjurer si on l’avait su craindre, et que lorsque la crainte est venue après l’extrême confiance, elle a, par son excès même, paralysé les moyens : « La légèreté d’esprit dans les classes supérieures a commencé la Révolution, la faiblesse du gouvernement l’a laissée faire des progrès, et la terreur a consommé l’ouvrage. » La description que donne l’auteur de l’ancien gouvernement de la France, de cette Constitution non écrite, éparse et flottante, mais réelle toutefois, est des plus fidèles ; il fait parfaitement sentir en quoi la France d’avant 89 ne pouvait nullement être considérée comme, un État despotique proprement dit ; il parle du roi et de la reine, du clergé, de la noblesse, du tiers état et du rapprochement des diverses conditions, des parlements, du mécanisme de l’administration, des lettres de cachet, de la dette, de l’influence des gens de lettres sous Louis XVI, avec une justesse et une précision qui me font considérer cet ouvrage comme la meilleure production de M. de Meilhan, après ses Considérations sur l’esprit et les mœurs, et comme pouvant se joindre à titre de supplément utile à l’Abrégé chronologique du président Hénault.

2217. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Fagon (intendant des finances), mais qui est content de son état et ne voudra jamais sortir de la finance.

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