L’absence de ce prince laissa le Tasse à Ferrare dans une familiarité plus recueillie avec sa sœur Léonora. […] Je suis poursuivi plus que jamais par elle ; ô grand prince ! […] Ses amis lui conseillèrent de s’éloigner pour éviter le juste ressentiment du prince. […] Il s’oublia néanmoins jusqu’à supplier ce prince d’être son asile et son port, comme il l’avait dit du duc de Ferrare. […] Vous vous retirez, dit-il, dans les États d’un prince juste, magnanime et affable.
On avait ménagé la protection de ce prince à l’auteur des fables, déjà vieux, presque sans fortune et dénué d’appui. […] L’auteur sait ce qu’il a voulu dire, et n’est pas obligé de s’en rapporter aux lumières d’un prince âgé de huit ans. […] Ce pronostic fut malheureusement bien démenti, puisque ce jeune prince mourut en 1685, deux ou trois ans peut-être après cette pièce. […] La voici : Des aventures de ce jeune prince à l’histoire de ma vieille gouvernante, il n’y a pas loin, car nous y voilà. […] Magistrats, princes et ministres, …………………………………………… Que le malheur abat, que le bonheur corrompt.
Le président de l’académie ne vouloit point de conseillers qui partagent sa considération dans le public, ni sa faveur auprès du prince. […] Ce grave président lui rapporta que M. de Voltaire, dans un souper avec le roi, avoit mal parlé du qu’En dira-t-on & de l’auteur ; qu’il avoit prétendu que cet ouvrage étoit injurieux à sa majesté, qu’on l’y « comparoit lui-même aux petits princes Allemands, & qu’on traitoit ses courtisans de nains & de bouffons ». […] On a prétendu que ce prince, en disgraciant l’homme de génie qu’il avoit le plus desiré d’avoir à sa cour, l’avoir accablé de ces paroles : « Je ne vous chasse point, parce que je vous ai appellé ; je ne vous ôte point votre pension, parce que je vous l’ai donnée : mais je vous défens de reparoître devant moi » : rien n’est plus faux. […] Son entrevue avec le prince en le quittant fut intéressante & singulière. […] Ce prince avoit auparavant entretenu avec lui, quinze ans entiers, un commerce de lettres ; commerce philosophique d’esprit, de goût, de vers & de prose ; commerce sans exemple entre un souverain & un particulier.
Elle avait affaire aussi au prince le plus gâté d’avance par le pire des défauts chez un roi, Tinertie, la mollesse, une timidité qui allait jusqu’à la lâcheté. […] Si, étant né prince, il eût reçu une bonne éducation, s’il se fût trouvé surtout dans des circonstances qui l’eussent obligé d’employer avec un peu d’énergie les facultés que la nature lui avait données, il est vraisemblable que peu de princes eussent mieux mérité du genre humain par la bonté qui aurait sûrement dirigé ses actions, si ses actions avaient été à lui. » C’est là qu’en était venu le Louis XV des derniers temps, celui qui disait : « Après moi le déluge ! […] Le malheur de la reine (qu’on hésite à appeler la jeune reine, puisqu’elle avait six ou sept ans de plus que le roi), ce fut de voir tomber, presque en arrivant, le prince ministre qui l’avait appelée, à qui elle devait reconnaissance, et de voir succéder celui qui la craignait avec une jalousie de vieillard et qui devait tout faire pour établir une glace entre les époux. […] Fleury ne cédait pas et s’arrangeait pour être toujours chez le roi une demi-heure avant que le prince y arrivât. […] Cela était nécessaire pour vaincre la timidité d’un prince encore novice, que la moindre réserve eût effarouché.
Les rois européens ne s’entendaient pas plus entre eux que le Roi de France avec les princes, que les princes avec la cour, et la grande noblesse avec la petite. […] … Il tâchait d’armer de son âme tous ces princes sans âme… Mais il ne, se fiait guères qu’à une seule, et c’était une âme de femme, qui le trompa : l’âme de Catherine II. […] « Après la mort du Roi, les princes vont faire mille bêtises », — dit-il sans adoucir le terme. Et ailleurs : « La conduite imbécille des princes leur a toujours fait repousser les gens utiles et accepter les inutiles. » Pauvre Fersen ! […] Un homme qui pesait plus que ces Majestés dégradées, Pitt, existait pourtant en Angleterre, mais l’Angleterre, la neutre Angleterre, immobile sous la carapace de ses intérêts, ne bougea pas non plus, et ce ne fut que plus tard, et grâce à l’argent de son pays, que Pitt fit cette coalition de princes possible contre l’Empereur, mais impossible pour le Roi !
Cependant plusieurs des panégyristes qui avaient loué le père célébrèrent le fils ; mais le père fut loué à titre de grand homme et le fils trop souvent à titre de prince ; ce n’est pas que Louis XIII n’eût des qualités d’un roi, mais aucune n’eut de l’éclat. […] Tel fut Louis XIII comme prince ; dans le particulier, on vit des contrastes aussi frappants ; son caractère le forçait à élever des favoris ; son caractère le forçait à les haïr. […] Flatter un jeune prince sur des qualités qu’il n’a point encore, c’est presque lui défendre de les acquérir, c’est immoler à la vanité d’un moment la félicité d’un demi-siècle. […] Il y montra la plus grande valeur, et cette intrépidité froide, qui dans les dangers honorerait tout autre même qu’un prince ; mais il fut plus aisé à Louis XIII d’avoir des succès que de la réputation. […] On peut dire que sous ce règne la gloire environna le trône sans parvenir jusqu’au prince.
Vis-à-vis de la princesse est le jeune prince, beau comme un ange, d’après nature aussi, entouré des Grâces et des Amours ; cette petite troupe est fort agréable. […] Sous les pieds du prince, c’est un vers de Virgile : Matre dea monstrante viam… Rien n’est mieux imaginé. […] s’écriait-il, si l’on veut me perdre auprès du roi, je prendrai la poste, j’irai le trouver ; je m’assure qu’un si grand monarque, et qui a tant de belles qualités personnelles, ne m’abandonnera point ; j’irai même servir de volontaire auprès de sa personne, en cas qu’il entreprenne quelque chose ; car j’ai fortement dans la tête de mériter son estime. » — « Mais, lui répondait-on, les princes comme Votre Altesse Royale n’ont point accoutumé d’aller ainsi ; une telle démarche surprendrait fort le roi de France. » — « Non, répliquait-il, je sais bien que je n’ai rien à craindre en me jetant entre les bras du roi, qui est aussi honnête homme que grand monarque. » Et Louis XIV, touché à l’endroit chatouilleux, s’adoucissait pour le jeune prince, dont les effusions lui arrivaient par le canal de M. de La Trousse et de Louvois, tandis que son envoyé officiel, l’abbé d’Estrades, lui écrivait dans le même temps : « L’on doit cette justice à M. le duc de Savoie que c’est un prince qui a beaucoup d’esprit, qui est fort éloigné de tous les amusements ordinaires aux personnes de son âge, et que toutes ses occupations marquent des sentiments fort élevés, et beaucoup d’inclination pour la guerre et pour les affaires. » Le duc de Savoie marchait sur ses dix-huit ans. […] On se perd dans ces mille artifices qui se croisent et se multiplient, jusqu’à ce qu’enfin l’hostilité se déclare et qu’il devienne et apparaisse, aux yeux de tous, ce qu’il est bien réellement quand il ose, un jeune prince glorieux, fier et obstiné. […] Mais le duc de Savoie est d’une race guerrière et lui-même un guerrier : il est brave et vaillant ; il a soif aussi de la gloire, ou du moins de cette considération qui, pour un prince, s’acquiert surtout l’épée à la main.
Les succès de Henri IV dans cette première campagne, en prouvant aux princes lorrains leur impuissance quand ils étaient seuls, les poussèrent bon gré mal gré entre les bras de l’Espagne. […] Aussi certes, aux actions présentes, c’est le prince du monde qui a fait le moins de fautes, que je pense. […] Il a une pièce que peu de princes ont eue, et jamais nul ne l’eut qu’il ne fût grand prince : il sait souffrir qu’on lui dise vérité. […] Telle était la fin du règne du bon Henri IV, qui fut la fin de beaucoup de biens et le commencement d’une infinité de maux, quand une Furie enragée ôta la vie à ce grand prince. […] Ce regret venait du soin que ce prince avait eu de les faire vivre en paix37.
Cela doit bien faciliter l’éducation des princes ; je suis même étonné que cette réflexion ne l’ait pas fait supprimer entièrement. […] D’ailleurs, pourquoi le dire à un jeune prince ? […] Par malheur, il y a ici un petit inconvénient : c’est qu’il est inutile ou même absurde de parler de morale aux princes, tant qu’on leur dira de ces choses-là. […] D’ailleurs, un prince est moins obligé qu’un autre homme, de savoir tout. […] C’était d’ailleurs un prince très-instruit en littérature d’agrément.
Après la victoire de Théodose sur Maxime, parurent plusieurs autres panégyriques latins en l’honneur de ce prince. […] La réflexion, le sang-froid et les conseils mêlèrent quelquefois des mœurs plus douces à l’emportement d’un guerrier, et à la fierté d’un prince ; mais souvent le lion rompait sa chaîne, et cette fois-là il fut terrible. […] Quoi qu’il en soit, avant de prononcer tant de panégyriques en l’honneur de ce prince, il eût peut-être fallu en demander la permission aux enfants, aux pères et aux épouses de tous les malheureux que ses soldats avaient assassinés par son ordre. […] On est intéressé, en tout pays, à chercher les hommes célèbres pour l’éducation des princes. […] Ausone, pour remercier son bienfaiteur, son élève et son prince, prononça alors le panégyrique de Gratien.
Le prince en conclut qu’ils ne l’ont jamais dite. […] Sur quoi, le prince triomphe. […] Mérimée, nous raconte le prince, s’en plaignait aussi. […] Et le prince, à force de défendre son oncle, le diminue. […] Qu’est-ce que le prince nous dit donc, que M.
Nerva avait pour lui la plus grande estime, et le combla d’honneurs ; mais ce qui le touchait encore plus, c’était la tendre amitié de ce prince ; car les honneurs ne sont que le besoin des âmes vaines, mais l’amitié est le besoin des âmes sensibles. […] Nous n’avons point de panégyrique d’Antonin, qui cependant valait bien la peine d’être loué ; nous savons seulement qu’un orateur grec, nommé Gallinicus, auteur de plusieurs autres éloges, avait fait le panégyrique de ce prince ; mais rien de cet orateur ne nous est resté que son nom. […] Ce prince lui proposa un sujet, et il fut charmé de son éloquence. […] Il y a apparence que dans le même temps ce prince fut loué par un homme plus digne de lui ; c’était Cornélius Fronto, un des plus fameux orateurs qu’il y ait eu à Rome. […] Il se moquait hautement de tous ces panégyriques de princes ; et pendant treize ans qu’il régna, il ne voulut jamais souffrir qu’on lui rendît un honneur qui lui paraissait plus ridicule encore que dangereux : mais dans ses moments de loisir, il célébrait lui-même les princes les plus vertueux qui avaient régné à Rome.
Le prince arriva tard, à minuit, accompagné ou plutôt soutenu par un de ses compatriotes. […] Le prince n’était pas marié. […] Le ministre français successeur de M. de Choiseul, le duc d’Aiguillon, fit venir le prince à Paris, en 1771, et lui garantit une pension de la France moyennant qu’il épousât une jeune princesse de Stolberg, alliée des Fitz-James qui y mettaient un vif intérêt. On brusqua l’affaire, et c’est ainsi que le prince ivrogne, âgé de cinquante et un ans, épousa une jeune fille qui n’en avait que dix-neuf. […] Le prince avait le tic de dire, presque à chaque phrase : Ha capito !
Mme de Staël en 1809, et du vivant du prince, a donné un choix de ses Lettres et de ses Pensées. […] On plaisantait de tout, et l’on voudrait que l’aimable prince eût l’air lui-même de moins badiner sur ces sentiments de famille et de nature qu’il était fait pour ressentir. […] Il a écrit quelque part : « J’aime mieux une chanson d’Anacréon que l’Iliade, et le chevalier de Boufflers que le Dictionnaire encyclopédique. » J’ai noté (car j’aime jusque dans les gens aimables à saisir les côtés élevés ou sérieux) ce culte de religion militaire, qui transportait tout enfant le prince pour la gloire des Eugène et des Maurice de Saxe. […] Tout ce qui, à Belœil, était grand, régulier, dans le genre de Le Nôtre, venait du père du prince : lui, il s’occupa d’y jeter le varié et l’imprévu ; il ne lui manqua que plus de temps pour achever son œuvre, son poème. […] Le prince a le style le plus contraire à celui de certaines personnes de notre connaissance ; il a le style gai et qui laisse passer des rayons.
Cet aperçu (à moi presque aussi ignorant, il est vrai, que le prince) me paraît, à cette date, la justesse même. […] Le prince a une manière gaie et parfois polissonnante (c’est un de ses mots) de dire même des choses sérieuses. […] Il y a une lettre du prince à un émigré des plus distingués, M. de Meilhan, ancien administrateur, homme de lettres et homme d’esprit. […] pourquoi l’aimable prince ne se les accorde-t-il que si rarement ? […] L’auteur a ingénieusement construit cette notice avec les paroles mêmes, autant que possible, avec les expressions et les mots du prince : dans ce travail M. de Reiffenberg, à qui l’on a pu reprocher quelquefois des légèretés et des rapidités comme érudit, s’est montré de la plus agréable et de la plus française littérature.
Ce ne fut pas sans quelque difficulté que Frédéric réussit à se faire reconnaître un grand roi et le meilleur guide de la monarchie prussienne par les princes ses frères. […] Les jeunes princes s’unirent, ils s’accoutumèrent à rester liés et un peu ligués entre eux, à le révérer, à le craindre, et le prince Henri, le plus distingué des trois par l’esprit et par les talents, ne put s’empêcher de l’envier. […] Il le stimule et cherche à le porter aux études sérieuses, à l’application si nécessaire chez un prince qui peut être appelé à régner. […] Dans tous les cas, il n’était nullement jaloux de Henri, quoi qu’en aient dit les partisans de ce prince. […] Le prince avait réussi en Saxe, par des combinaisons habiles et lentes, à préparer immanquablement, à ce qu’il croyait, la retraite prochaine du maréchal Daun.
Le nom du duc d’Orléans (depuis Louis-Philippe) revient de temps en temps dans cette correspondance, et chaque fois Mallet parle de ce jeune prince avec une remarquable estime, avec une prévision singulière. […] Je vous proteste que, s’il y avait un prince étranger assez riche, assez habile, assez audacieux, vous verriez en France une révolution semblable à celle de 1688 en Angleterre. […] L’indépendance de Mallet du Pan dans les conseils qu’il donne aux princes de la maison de Bourbon est donc manifeste : elle n’éclate pas moins dans son attitude et son procédé à l’égard des ministres étrangers qui le consultent. […] Vous êtes le maître, monsieur, de faire part de mes sentiments à M. le prince de Condé et à qui vous semblera bon. […] C’est qu’à cette date il n’avait plus rien à apprendre sur les princes émigrés et sur leurs irrémédiables chimères, et qu’il pressentait que la solution prochaine, même quand elle produirait un roi et un maître, ne l’irait pas chercher de leur côté.
Ne m’en étant pas beaucoup senti, je me fis un plaisir d’être toujours auprès de M. le prince de Marcillac, quand il y allait la nuit avec beaucoup d’autres pour soutenir les travailleurs ». […] Mais bientôt la somme, à peu près entière, passa au service du prince. […] Mathier faisait sa recette, la lui prend pistolet au poing au nom de Messieurs les princes, et lui laisse pour toute consolation une quittance de huit mille livres à valoir sur qui de droit. […] Il fit comprendre au prince, par son attitude à la messe, qu’il avait à lui parler en particulier, et, au sortir de l’église, Son Altesse lui dit de la suivre, l’emmena en carrosse, et le garda à dîner en tête-à-tête. […] Sollicité indirectement par Louvois de se détacher du service particulier de ces princes pour être tout à fait au roi, il refusa en sage et en serviteur reconnaissant.
Le prince trouva le cheval du premier ministre tout contre le sien. […] Le coup ne l’avait pas tué ; il leur dit d’une voix basse: « Que vous ai-je fait, mes princes, et que me faites-vous sur mes vieux jours ? […] Les gens qui ont reçu quelque grâce du roi vont la baiser en pompe et en cérémonie, en mettant pied à terre, et se tenant debout contre, ils prient Dieu à haute voix pour la prospérité du prince. […] Ce prince prenait tant de plaisir à faire faire cette belle allée, qu’il ne voulait pas qu’on y plantât un arbre qu’en sa présence. […] Me l’eût-il celé à moi et à la lumière des femmes, à la duchesse, dis-je, mère du jeune prince ?
L’esprit des Concini, leur dévergondage, leur insolence, leur politique servirent de prétexte aux princes de Condé, aux princes de Vendôme, aux ducs de Mayenne, de Longueville, de Guise, de Nevers et de Bouillon, pour se soulever. […] L’histoire n’a pas expliqué comment Louis XIII, prince si doux, si timide, si jeune encore, a pu se laisser emporter à des partis aussi violents contre sa mère. […] M. s’étant levée, et lui avant fait la révérence, comme de coutume : J’aimerais mieux, va dire ce prince tout brusquement, qu’on ne me fît point tant de révérences, et qu’on ne me fît point fouetter. » (Journal du règne de Henri IV, t. […] M. de Souvray et le prince demeurèrent à se reposer, attendant que le cidre fût venu. On apporta deux bouteilles et deux verres ; M. de Souvray et le prince burent de furie de ces bouteilles.
Des orateurs, aujourd’hui très inconnus, firent les éloges de princes plus inconnus encore. Papes, évêques, cardinaux, princes d’Italie, princes d’Allemagne, ducs, margraves, électeurs, abbés même, pour peu qu’ils eussent l’honneur d’être souverains dans leur couvent, ne manquaient point d’avoir un orateur, qui, en phrases de Cicéron ou de Pline, les comparaît ou à César ou à Trajan. […] Il ne faut pas confondre, avec tous ces misérables panégyriques, prononcés dans de petites cours, pour de très petits princes, les éloges consacrés à quelques grands hommes de ce temps-là. […] Amie et disciple de Descartes, liée avec tous les savants de l’Europe, mécontente des intrigues et des petites passions qui trop souvent entourent les princes, on sait combien elle mettait l’art de s’éclairer, au-dessus des étiquettes et des cérémonies des cours. […] Il serait seulement à souhaiter que tous les panégyriques eussent cessé au moment du meurtre de Monaldeschi : ce serait en même temps et l’honneur des lettres et l’instruction des princes.
Tandis que dans l’Occident tout penchait vers sa décadence, tandis que les malheurs de l’empire, les invasions des Barbares, le mélange des peuples, le despotisme ou l’incapacité des princes, la terreur des sujets, l’esprit d’esclavage, le contraste même de l’ancienne grandeur, qui ajoute toujours à la petitesse présente, corrompaient le goût, et rétrécissaient à la fois les esprits et les âmes, on vit paraître un homme né avec une imagination brillante et forte, et à qui, peut-être, pour avoir les plus grands talents, il ne manqua que d’être né dans un autre siècle : c’était Claudien. […] On conçoit comment il put louer Stilicon, qui n’était pas à la vérité un citoyen, mais qui était à la fois et un ministre et un général ; mais Honorius, qui toute sa vie fut, comme son frère, un enfant sur le trône ; qui, mené par les événements, n’en dirigea jamais aucun ; qui ne sut ni ordonner, ni prévoir, ni exécuter, ni comprendre ; empereur qui n’avait pas même assez d’esprit pour être un bon esclave ; qui, ayant le besoin d’obéir, n’eut pas même le mérite de choisir ses maîtres ; à qui on donnait un favori, à qui on l’ôtait, à qui on le rendait ; incapable d’avoir une fois du courage, même par orgueil ; qui, dans la guerre et au milieu des périls, ne savait que s’agiter, prêter l’oreille, fuir, revenir pour fuir encore, négocier de loin sa honte avec ses ennemis, et leur donner de l’argent ou des dignités au lieu de combattre ; Honorius, qui, vingt-huit ans sur le trône, fut pendant vingt-huit ans près d’en tomber ; qui eut de son vivant six successeurs, et ne fut jamais sauvé que par le hasard, ou la pitié, ou le mépris ; il est assez difficile de concevoir comment un homme qui a du génie, peut se donner la peine de faire deux mille vers en l’honneur d’un pareil prince. […] Le talent du ministre couvrait l’enfance du prince. […] Cette pompe étrangère disparaît, et jamais la faveur des princes n’a corrompu la postérité sur des ouvrages. […] Il est affreux qu’il n’y ait presque pas un prince célèbre qui n’ait des taches.
LXVIII-LXIX) ; les consuls et les prêtres font des vœux pour la santé d’un prince déjà. mort. […] « Et comment supposer que Sénèque n’ait pas approuvé la passion du prince ? […] Suilius a été questeur de Germanicus ; Sénèque, corrupteur de la maison de ce prince. […] On jugera mal la position et la conduite des honnêtes gens que leur mauvais destin avait approchés de Néron, si l’on oublie à quel prince ils avaient affaire ; qu’on ne s’explique pas avec son prince comme avec son ami, ni avec un Néron comme avec un autre prince. […] Voyez, là même, le jugement absurde que ce prince porte de ces auteurs.
Il faut serrer les choses de plus près ; il faut placer chaque trait de caractère du jeune prince en regard de chaque particularité de son éducation. […] Fénelon ménage-t-il du moins la conscience du jeune prince sur les querelles théologiques du temps ? […] De ce que le prince est d’accord avec lui sur la part qu’il faut faire aux ducs. […] Il conseilla une piété moins disproportionnée à l’état du prince, il critiqua ses habitudes d’isolement, il l’exhorta au commerce des hommes, à l’activité. […] Le jeune prince avait l’imagination accoutumée aux dieux d’Homère et de Virgile.
Il y est moins question d’ombre et de nuages, d’astre fortuné, de fleuve fécond, d’océan qui se déborde, d’aigle, d’aiglon, d’apostrophe au grand prince ou à la grande princesse, ou à l’épée flamboyante du Seigneur, et tous ces lieux communs de déclamation et d’ennui, qu’on a pris si longtemps, et chez tant de peuples, pour de la poésie et de l’éloquence. […] Elle va descendre à ces sombres lieux, à ces demeures souterraines, pour y dormir dans la poussière avec les grands de la terre, avec ces rois et ces princes anéantis, parmi lesquels à peine peut-on la placer, tant les rangs y sont pressés ! […] Il invite tous ceux qui sont présents, princes, peuple, guerriers, et surtout les amis de ce prince, à environner son monument, et à venir pleurer sur la cendre d’un grand homme. […] « Pour moi, s’il m’est permis, après tous les autres, de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô prince ! […] Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte.
Sûrement, il y a autre chose… » Le second acte original du jeune Empereur, ç’a été de briser l’homme qui représentait sans doute, en Allemagne, la politique nationale, mais aussi la vieille politique, celle des Richelieu, des Frédéric, des Napoléon, celle qui d’ailleurs a duré beaucoup plus longtemps que les conditions historiques qui la justifiaient, la politique du temps où les groupes humains étaient imparfaitement constitués, où les patries étaient multiples et incertaines, où les peuples pouvaient encore être considérés comme des fiefs et des héritages, où les guerres étaient guerres de princes et non de peuples. […] Je ne crois pas qu’un prince ait jamais affirmé plus hautement ses devoirs et, parmi ses devoirs, celui auquel les princes pensent généralement le moins. […] Bref, il est dans un état d’esprit auquel, depuis des siècles, les souverains sont restés à peu près étrangers, et qui n’a guère été connu, dans sa plénitude, que de certains princes religieux du moyen âge. Or et nous entrons ici dans le rêve que pourrait-on attendre aujourd’hui d’un monarque absolu qui, un siècle après la Révolution, aurait, au fond, la même notion du pouvoir royal et le même genre de sérieux et de bonne volonté que les rois-prêtres de jadis, qu’un Philippe-Auguste, un Louis IX ou un Charles V, et qui, jeté dans un monde totalement différent du leur, joindrait à cela les lumières auxquelles est parvenue, depuis ces grands princes, la conscience de l’humanité ?
Comment arrive-t-il que des princes, décriés par leur barbarie, soient touchés de l’amour des lettres ? […] Rien ne put fléchir Néron en sa faveur, ni lui faire oublier un vers* d’autant plus offensant pour ce prince, qu’il étoit louche, & qu’il avoit le regard affreux. […] Quel ridicule il jette sur ce prince ; sur son affectation à composer des vers emmiellés, doucereux, cadencés & chargés d’épithètes ; des vers forcés, ignobles & ridicules, sans génie, sans chaleur & sans force, & qui n’avoient que de l’enflure & de l’harmonie, tels que les suivans* : On entend bourdonner les cornes tortueuses. […] Les Romains, excédés du fréquent récit des poësies de leur prince, le reconnoissoient aisément à ces vers, de même qu’à cet autre, cité par Sénéque, dans le premier livre de ses questions naturelles** : On voit briller le cou de l’oiseau de Cythère. […] Il n’a été donné qu’à un seul prince d’écrire aussi bien qu’il gouverne, de mêler les lauriers de Mars à ceux d’Apollon.
Les deux amants blasés s’entendirent contre le prince : le comte pour lui vendre cher la place, et la dame pour achever de lui tourner la tête. […] Madame de Montesson fut donc louée de toutes les bouches ; sa harpe, sa voix, ses petits vers, sonnaient sans cesse dans la conversation aux oreilles du prince, et l’enivraient d’une tendresse pleine d’estime. […] Le pauvre prince n’y tenait plus ; il accorda tout pour tout obtenir. […] Madame de Montesson eut le premier prince du sang ; M. de Guines, l’ambassade de Berlin ; ces dames, une société ; et madame de Genlis, une place près de la duchesse de Chartres.
Un de leurs princes l’eût fait traduire en grec, ainsi qu’on dit qu’un des Ptolomées y fit mettre la bible, quoique ce prince païen ne la regardât que comme un livre que des hommes auroient été capables de composer. […] Le Brun avoit déja quarante ans, et si la magnificence du prince l’a excité à travailler, ce n’est point elle qui l’a rendu capable d’exceller. […] La plûpart de ces princes se piquoient d’être orateurs, et plusieurs d’entr’eux vouloient être poëtes. […] Il est vrai que plusieurs empereurs furent des tyrans, et que les guerres civiles, par le moïen desquelles un grand nombre de ces princes parvint à l’empire ou le perdit, furent très-fréquentes. […] Quels princes que Philippe roi de Macedoine et son fils.
Le sourire, que nous ne pouvons retenir à certains endroits où il abonde dans l’idée de sa gloire, expire bientôt sur les lèvres et fait place à un sentiment supérieur quand on sait qu’il faut, après tout, des ressorts à toutes les âmes, et qu’un prince qui douterait de lui-même, un roi sceptique, serait le pire des rois. […] Il veut que les princes véritablement habiles sachent se transformer et se renouveler selon les conjonctures. […] Il est des princes qui ont raison de craindre de se laisser aborder de trop près et de se communiquer aux autres : il ne croit pas être de ceux-là, et, sûr qu’il est de lui-même, et de ne prêter jamais à aucune surprise, il gagne à cette communication aisée de pénétrer plus à fond ceux à qui il parle, et de connaître par lui-même les plus honnêtes gens de son royaume. […] C’est un discours sur la gloire et sur les mobiles qui remplissaient l’âme de ce prince à ce moment. […] De temps en temps, dans ses propres discours, on le voit qui s’arrête et se retourne vers lui-même pour se congratuler avec raisonnement et réflexion ; il se prend naturellement comme type et figure du prince accompli ; il se voit en pied déjà et en attitude devant la postérité.
On pourrait faire un ouvrage également curieux et instructif sur la manière dont ce grand prince présida aux études de ses enfants et les dirigea. […] Ces registres ou journaux sont la censure la plus impartiale, la plus efficace et la plus redoutée des princes. […] Voici ce manifeste du prince, ou plutôt cette confidence impériale du père avec ses peuples. […] Voilà donc quatre princes héréditaires que j’aurais fait installer solennellement si je m’étais conformé à l’ancienne coutume. […] Me donnerais-je le ridicule de demander une des filles du prince mantchou, pour la placer à côté de moi à la tête de l’empire ?
Sur la fin de l’année 1543, M. de Botières, qui commandait un peu mollement en Piémont, fut remplacé par le comte d’Enghien, jeune prince de qui l’on attendait beaucoup et qui rendit à l’armée de vives espérances. […] Ce jeune prince était si fort au désespoir, « que deux fois il se donna de la pointe de l’épée dans son gorgerin, se voulant offenser soi-même. […] Voyant Montluc près de lui, il se baissa pour l’embrasser et le fit chevalier sur l’heure : « dont je me sentirai toute ma vie honoré, nous dit celui-ci, pour l’avoir été en ce jour de bataille, et de la main d’un tel prince. » Un mécompte amer suivit de près cette joie ; Montluc demanda pour grâce au prince d’être chargé de porter la nouvelle de la victoire au roi : cela lui était bien dû. […] L’idée et la doctrine de Montluc, tout gentilhomme qu’il est, c’est que tout ce qui sert à la guerre, tout ce qui est utile et commandé par les besoins de l’armée, travail de main de quelque genre que ce soit, ne peut faire tache au guerrier et ne peut que procurer honneur aux capitaines et aux princes comme aux soldats. […] un prince ne doit point dédaigner au besoin de servir de pionnier : voici besogne pour tous. » Ainsi Monlluc comprenait en toutes les parties et maintenait en égal honneur tout ce qui constitue le noble métier de soldat.
Avant de passer au service de Louis XI, Commynes était donc attaché à l’héritier de Bourgogne, au prince qui allait être Charles le Téméraire. Louis XI, en montant sur le trône, avait soulevé toutes les méfiances de la noblesse, qui sentait d’instinct qu’elle avait affaire à un prince non chevaleresque. […] Tel était le prince auprès duquel il se trouva placé, presque au retour de cette expédition, en qualité de chambellan et de conseiller. […] Commynes s’élève en maint endroit contre la bestialité des princes, et sans cesse il oppose les insensés aux sages. […] Il est facile de voir, du premier moment qu’il parle de celui-ci, que ce sera le prince de son choix.
Depuis la prise de Constantinople, tous les chevaliers comptaient devenir princes. […] Après la mort de ce prince, Joinville vit successivement deux règnes et le commencement d’un troisième. […] Quant à la France, elle souffre des guerres ou elle s’amuse des fêtes, sans voir plus loin dans l’avenir que les princes qui s’y disputent l’empire. […] Le duc de Bourgogne, père de ce prince, en donna, dit-on, l’idée à Christine de Pisan. […] Quant à Charles VIII, quoiqu’il en ait été d’abord maltraité, et qu’il n’ait jamais eu complétement sa faveur, il juge ce jeune prince avec indulgence, et ne lui « sait pas mauvais gré de ses rudesses », dit-il quelque part, « connoissant que c’estoit en sa jeunesse, et qu’il ne venoit pas de lui. » De ces trois princes, celui qui devait le plus l’occuper, c’est Louis XI.
Les princes eux-mêmes étaient soumis au jugement, comme le reste des hommes, et ils n’étaient loués que lorsqu’ils l’avaient mérité. Il est juste que la tombe soit une barrière entre la flatterie et le prince, et que la vérité commence où le pouvoir cesse. […] Lorsqu’un de ces princes était mort, et que le peuple était assemblé, il paraissait alors différents accusateurs pour déposer contre sa mémoire. […] Mais aussi lorsqu’un prince humain et bienfaisant, tel qu’il y en eut plusieurs, avait cessé de vivre, et que les prêtres récitaient ses actions en présence du peuple, les larmes et les acclamations se mêlaient aux éloges ; chacun bénissait sa mémoire, et on l’accompagnait en pleurant vers la pyramide où il devait éternellement reposer… Depuis trois mille ans, ces usages ne subsistent plus, et il n’y a dans aucun pays du monde, des magistrats établis pour juger la mémoire des rois ; mais la renommée fait la fonction de ce tribunal ; plus terrible, parce qu’on ne peut la corrompre, elle dicte les arrêts, la postérité les écoute, et l’histoire les écrit.
Il aborda le prince avec une contenance respectueuse et attendrie. […] Tous les regards cherchaient le prince, les uns comme une vengeance, les autres comme une expiation. […] Il était redevenu prince par le sentiment de mourir en citoyen. […] Le prince était vêtu avec élégance et avec cette imitation du costume étranger qu’il avait affectée dès sa jeunesse. […] Tout est resté inexplicable de ce prince.
Sans la France cette maison de Savoie allait succomber une troisième fois sous le poids d’une armée de Germains, provoquée par l’inquiétude patriotique de ces princes ! […] Ces deux caractères de pontife et de prince dans un même homme ne se confondent pas, quoi qu’on en dise avec plus de politique que de foi. Le prince pourrait subsister sans être pontife ; le pontife pourrait subsister sans être prince. Le prince est prince de droit public, le pontife est pontife de droit divin. […] Le danger d’un tel état de choses a dû frapper de bonne heure les princes et les peuples : quel remède ?
Au premier rang est le petit prince provincial, glorieux d’être parent du roi, et qui croit que le monde a les yeux sur sa bicoque. […] Pareillement la mouche « hante le palais, s’assied à la table » du prince. […] Nous savons maintenant à quoi nous en tenir sur l’esprit militaire de la bourgeoisie : à la vue du prince elle rentre dans son trou. […] Quelqu’un a-t-il parlé des hommes avec plus de compassion, et de la vie avec plus de tristesse, que « le prince des moqueurs », Voltaire ? […] Le prince aux cris s’abandonna, Et tout son antre en résonna.
La Grèce, qui dans ce siècle produisit une foule de grands hommes, n’en a point eu qui ait été plus souvent, ni mieux loué que Socrate ; il est même à remarquer qu’un simple citoyen d’Athènes est devenu plus célèbre que beaucoup de princes qui, les armes à la main, ont changé une partie du monde. […] Xénophon, passionné pour ce gouvernement et pour les vertus, avait suivi Agésilas en Asie, lorsque ce prince y alla combattre et vaincre. […] Dans la suite il célébra les vertus dont il avait été le témoin : ce prince, par un sentiment ou bien vain ou bien grand, avait défendu qu’on lui élevât aucune statue ; Xénophon lui éleva un monument plus durable. Son éloge d’Agésilas est divisé en deux parties ; la première n’est qu’une espèce de récit historique ; l’orateur parcourt toutes les grandes actions de ce prince, ses guerres, ses victoires et les principaux événements de sa vie. […] « Évoque devant moi les grands hommes ; je veux les voir et converser avec eux, disait un jeune prince plein d’imagination et d’enthousiasme, à une Pythonisse célèbre qui passait dans l’Orient pour évoquer les morts. » Un sage qui n’était pas loin de là, et qui passait sa vie dans la retraite, approcha et lui dit : « Je vais exécuter ce que tu demandes.
« Le prince (le duc du Maine) est l’idole du roi. […] Quand Louis s’en retournait, en 1672, désespéré, mais non rebuté, les désirs des sens étaient repoussés, le besoin, l’espérance de plaire commençaient à se faire sentir ; le prince, jeune et ardent, était désespéré ; le prince, aimable et charmé, n’était pas rebuté, ou ne se rebutait pas. Mais en 1680, à Versailles, le prince galant et libertin était affligé ; le prince aimable et amoureux était aimé, il savait l’être, et il n’était pas désespéré. […] L’orgueil du prince le plus jaloux de son autorité étant intéressé par ces accusations à la persécution des protestants, d’autres circonstances vinrent l’irriter. […] Il a en ce moment entre ses bras le petit prince ; il a félicité monseigneur comme un ami ; il en a donné les premières nouvelles à la reine.
Il avait tiré un parti très habile du malheur de la monarchie et de la fréquentation des princes pendant leur exil. […] Là, j’avais l’honneur d’avoir avec le prince des entretiens confidentiels sur la politique, qui m’ont laissé, pour ses principes et pour ses vertus, une éternelle admiration. […] J’en sortais pénétré d’une véritable estime pour le prince, d’une vénération enthousiaste pour la princesse. […] Si ce prince, maintenant méconnu et exilé, lit par hasard ces lignes, il y retrouvera, après tant d’années et de vicissitudes, les mêmes sentiments de respect et d’estime. […] Le prince avait été séduit par la jeunesse, la beauté et les grâces intellectuelles de sa compagne ; il l’avait aimée, mais il n’avait pu conserver son estime, encore moins son amour.
Ces seigneurs en perruques majestueuses, ces princesses aux coiffures étagées, aux robes traînantes, ces magistrats, ces prélats agrandis par les magnifiques plis de leurs robes violettes, ne s’entretenaient que des plus beaux sujets qui puissent intéresser l’homme ; et si parfois des hauteurs de la religion, de la politique, de la philosophie, de la littérature, ils daignaient s’abaisser au badinage, c’était avec la condescendance et la mesure de princes nés académiciens. […] Nous ne savions pas qu’un prince eût l’âme et les mœurs d’un laquais. […] Un prince lui offre la chemise. […] voir les princes, sans avoir vu d’abord les ministres ! […] Le roi confère gravement, longuement, comme d’une affaire d’État, du rang des bâtards ; et pour établir ce rang, voici ce qu’on imagine : « Il faut donner à M. le duc du Maine « le bonnet comme aux princes du sang qui depuis longtemps ne l’est plus aux pairs, mais lui faire prêter le même serment des pairs, sans aucune différence de la forme ni du cérémonial, pour en laisser une entière à l’avantage des princes du sang qui n’en prêtent point ; et pareillement le faire entrer et sortir de séance tout comme les pairs, au lieu que les princes du sang traversent le parquet ; l’appeler par son nom comme les autres pairs, en lui demandant son avis, mais avec le bonnet à la main un peu moins baissé que pour les princes du sang qui ne sont que regardés sans être nommés ; enfin le faire recevoir et conduire en carrosse par un seul huissier à chaque fois qu’il viendra au Parlement, à la différence des princes du sang qui le sont par deux, et des pairs dont aucun n’est reçu par un huissier au carrosse que le jour de sa réception, et qui, sortant de la séance deux à deux, sont conduits par un huissier jusqu’à la sortie de la grande salle seulement. » N’allons pas plus loin : de 1689, on aperçoit 1789.
La mère de ma mère était sous-gouvernante de ces enfants, des princes du sang et de la fille du vénérable duc de Penthièvre. […] Elle portait à leurs yeux, quoique innocente des antécédents, la responsabilité du prince complice de 1793, puni d’un vote fatal par la hache du même bourreau. […] Je n’hésitai pas : les vers et la requête du prince étaient secrets, il n’y avait aucune vile complaisance à moi de sacrifier, aux susceptibilités d’un prince que je n’avais pas eu l’intention de blesser, quelques mauvais vers de circonstance qu’il me priait d’effacer par la voix toute-puissante de ma mère. […] Mais le prince avait dans les journaux ennemis des Bourbons des confidents trop informés et des serviteurs trop complaisants de ses colères. […] Ce prince en ce moment faisait pitié même à ses ennemis.
Le bruit que firent ces poésies en Italie parvint jusqu’à Ferrante Sanseverino, prince de Salerne ; ce prince lettré appela Bernardo à sa cour. […] Un maître illustre, Corrado, présidait à l’éducation du prince et du gentilhomme. […] Le prince régnant à Ferrare, au moment où le Tasse entrait au service du cardinal d’Este son frère, était Alphonse II, fils et successeur d’Hercule II. […] Ses charmes, plus voilés, n’en avaient que plus de prestige : elle était la divinité cachée de tous les courtisans, de tous les princes, de tous les poètes de Ferrare ou de l’Italie. […] Le Tasse suivit son prince à la cour de Charles IX, il s’y lia d’une amitié littéraire avec le poète français Ronsard.
» Et ensuite une prière à la fortune, pour qu’elle veuille bien permettre « qu’un si grand empereur remédie aux maux du genre humain désolé… Si elle regarde Rome en pitié, si elle n’a pas encore résolu d’anéantir le monde, ce prince, envoyé pour consoler l’univers, sera aussi sacré pour elle, qu’il l’est déjà pour tous les mortels26 ». […] Le prince qui dit, Je voudrais ne point savoir écrire , n’était pas le même que celui qui fit périr et son frère, et sa femme, et sa mère, et une foule de Romains. […] Ce n’est pas tout ; nous avons encore de lui trois ou quatre pièces, ou panégyriques en vers ; l’un intitulé Le Cheval de Domitien ; l’autre où, selon son expression, il adore le dix-septième consulat du prince ; le troisième, où il rend grâces de ce qu’il a été honoré de sa table très sacrée . […] On y apprend qu’il n’y eut jamais dans Rome, ni de temps si heureux, ni de succès si brillants, ni tant de liberté accordée par le prince aux citoyens, ni tant d’amour des citoyens pour le prince, que sous Domitien.
C’est de ce jour que le prince, jusque-là indulgent et même généreux, mérita et assuma sur son nom les malédictions de la postérité. […] Dieu, qui a donné le génie en garde aux princes ou aux nations, ne le donna pas comme un jouet que ces princes ou ces nations peuvent rejeter ou briser selon leur caprice, mais comme un dépôt dont ils doivent compte à la postérité. […] Ce prince, charmé du rétablissement du poète, demanda le Tasse au duc de Ferrare. […] Les Gonzagues, alliés aux Médicis, étaient précisément les princes dont il aurait eu le plus à redouter le patronage pour le Tasse. […] Ce prince s’efforça, même par des refus d’argent, de le détourner de son voyage de Rome.
Ce maître était le prince, bientôt roi de Navarre, le futur Henri IV, dont le mariage était alors décidé avec Marguerite, sœur de Henri III. […] Et ici, comme nous sommes au xvie siècle, il est nécessaire de remarquer qu’un des précepteurs de Sully, nommé La Brosse, qui se mêlait de tirer des horoscopes et de prédire des nativités, voyant que son élève, de six ans plus jeune que Henri de Navarre, était né, comme ce prince, le 12 ou 13 décembre, jour de Sainte-Luce, l’avait plus d’une fois assuré, avec de grands serments, que le prince, après maint labeur, serait un jour roi de France, et que lui Rosny serait des plus avant dans sa faveur et des mieux participants de sa prospérité. […] Ce que fit soigneusement Rosny : dans les diverses alternatives et boutades de cour qui suivirent cette sanglante catastrophe, lorsque Henri était traité avec plus d’égards et que ses domestiques avaient liberté de le venir servir, Rosny ne manquait pas à son devoir ; lorsque le prince était retenu en prison et séparé de ses serviteurs, le jeune homme se tenait à l’écart et dans l’attente : Mais, en quelque condition que vous fussiez, lui disent ses secrétaires ; vous preniez toujours le temps de continuer vos études, surtout de l’histoire (de laquelle vous faisiez déjà des extraits tant pour les mœurs que les choses naturelles), et des mathématiques, lesquelles occupations faisaient paraître votre inclination à la vertu. […] Il y a des moments, dès les premières années, où il est en altercation assez vive avec Henri, et où la colère du prince qui est prompte rencontre l’humeur de Rosny qui n’est pas endurante. Rosny s’attache dans un temps et pendant une trêve à Monsieur, duc d’Alençon ou d’Anjou, et l’accompagne en Flandre où lui-même il retrouve des alliances, des branches parentes de la famille de Béthune restées catholiques : il semble alors que si ce prince, duc d’Alençon, avait valu un peu mieux, il aurait pu s’affectionner Rosny et le débaucher peut-être du roi de Navarre.
À quelques jours de là, le prince lui ayant envoyé un panier de gibier, Rousseau le reçut assez poliment ; mais, à un second envoi, quoiqu’il lui fût dit expressément que c’était de la chasse de Son Altesse, il s’en fâcha comme d’une injure et écrivit une lettre rogue à Mme de Boufflers : « J’aime mieux, disait-il du prince, sa conversation que ses dons. » Voilà l’homme. […] Je vous ai mandé en deux mots la substance de ce que M. le prince de Conti voulait me charger de vous dire. […] Pensez-y bien, Monsieur : peut-on regarder comme un présent qui tire à conséquence quelques pièces de gibier envoyées par M. le prince de Conti ? […] En effet, étant partie hier très inquiète de ce qu’on ne recevait rien de vous, en arrivant à Paris, on m’a remis votre lettre pour M. le prince de Conti. […] M. le prince de Conti l’a envoyé chercher.
Elle avait entouré la fin du prince des soins les plus constants et les plus tendres. […] Le jeune prince avait passé quelque temps chez elle à Auteuil, à la condition qu’elle lui rendrait sa visite à Stockholm. […] cette femme si répandue, si fêtée et adorée, cette Idole, pour l’appeler encore une fois par son nom, qui, dans le plus éclairé des siècles, s’était attachée, par les liens durables de l’estime, des princes et des monarques, des philosophes et des lettrés célèbres ; qui faisait les délices ou l’envie du beau monde qui l’entourait ; que l’on cultivait et que l’on courtisai ! […] Je fus confirmé dans mon opinion en la voyant, après que le prince lui eut parlé, faire le tour du cercle, en faire les honneurs. […] » Malgré ces infidélités extérieures, Mme de Boufflers n’était pas moins restée pour le prince l’amie essentielle et honorable, celle de tous les jours et des derniers instants.
Les princes de la maison de Corrége lui firent donner la place lucrative d’archidiacre de Parme. […] En passant à Parme, cette nombreuse ambassade de princes romains s’adjoignit Pétrarque comme orateur de Rome. […] etc., pour conjurer les princes d’Italie à la concorde et à l’union. […] Les princes délivrés avaient accompagné le tribun comme un triomphateur dans les rues de Rome. Bientôt les princes sortis de prison étaient rentrés dans leurs villes fortes, avaient levé leurs vassaux et marché contre le tribun.
Elle a fait suivre par une camériste dévouée le prince qui l’a quittée, la veille, en lui disant qu’il allait chasser, à Versailles. […] Le prince et la comtesse sont montés dans la même voiture et ont passé la nuit dans le même hôtel. […] En vérité, devant ce prince si monstrueusement dégradé, je me rappelle Saint-Simon nous rapportant le mot indigné qui échappa à mademoiselle de Sabran, dans une orgie de la Régence. Prise d’une nausée amère, à la vue de ces princes du sang, de ces grands seigneurs avilis par l’ivresse et par la luxure, elle s’écria que les princes et les laquais « avaient été faits de la même pâte, que Dieu avait, dans la création, séparée de celle dont il avait tiré tous les autres hommes. » Il va donc aller à ce rendez-vous où l’attend la mort ; la princesse n’a qu’à le laisser partir pour être vengée. […] Séverine aura beau pardonner, — et le pardon est pour elle l’abjuration de son être, — le prince aura beau se repentir, — et il paraît incapable d’un sérieux retour, — toute intimité est, entre eux, à jamais détruite.
Ne manquant ni d’idées ni d’une certaine hardiesse qui fait souvent réussir dans une position subalterne, il avait acquis du crédit auprès de M. de Talleyrand, qui se servait de lui pour ses affaires d’argent avec les princes d’Allemagne. Ce fut par ce moyen que les princes de Schwarzbourg, de Waldeck, de Lippe et de Reuss obtinrent à Varsovie leur admission à la Confédération du Rhin. […] Je relèverai pourtant une lettre sévère datée de Saint-Cloud (29 août 1810) ; un chef d’État, si rude qu’il soit, n’écrit point dans ces termes à qui ne l’a point mérité : « Monsieur le prince de Bénévent, j’ai reçu votre lettre. […] J’envoie le billet à l’heure du réveil, et pour ne pas laisser au prince le temps de réfléchir, d’hésiter à me recevoir oui ou non je suis la lettre à cinq minutes de distance. […] — Le prince était orné de quatorze bonnets superposés les uns sur les autres, ce qui formait plaisamment un grand édifice sur sa petite figure30. — Comme je l’avais pressenti, il fut causeur, et je sus tout.
Je laisse de côté quelques essais et quelques saillies de Frédéric très jeune et prince royal ; mais, du moment qu’il conçut son rôle de roi, je trouve tout l’homme d’accord avec lui-même, je le trouve vrai. […] En racontant l’histoire de ce souverain habile et brave, qui « à la fortune médiocre d’un électeur sut unir le cœur et les mérites d’un grand roi », en nous parlant de ce prince « l’honneur et la gloire de sa maison, le défenseur et le restaurateur de la patrie », plus grand que son cadre, et de qui date sa postérité, on sent que Frédéric a trouvé son idéal et son modèle : ce que le Grand Électeur a été comme simple prince et membre de l’Empire, lui il le sera comme roi. […] Sa première pensée fut qu’un prince doit faire respecter sa personne, surtout sa nation ; que la modération est une vertu que les hommes d’État ne doivent pas toujours pratiquer à la rigueur, à cause de la corruption du siècle, et que, dans un changement de règne, il est plus convenable de donner des marques de fermeté que de douceur. […] Il oublia sa propre maxime : « La réputation de fourbe est aussi flétrissante pour le prince même, que désavantageuse à ses intérêts. » Mais ici l’intérêt considérable du moment et de l’avenir, l’instinct de l’accroissement naturel, l’emporta. […] Si cette grande entreprise avait manqué, le roi aurait passé pour un prince inconsidéré, qui avait entrepris au-delà de ses forces : le succès le fit regarder comme habile autant qu’heureux.
D’une santé délicate, d’un cœur aimant, ayant perdu une épouse qui lui était chère, et au retour d’un voyage de consolation et d’étude qu’il avait fait en France, en Angleterre et en Hollande, il attira l’attention de Frédéric, alors prince royal, qui se l’attacha. […] La correspondance de Frédéric et de Jordan commence en mai 1738, avant que Frédéric soit devenu roi ; ce sont des vers que le prince lui envoie à corriger et à raturer, des plaisanteries de société, des riens. […] Ce n’est pas la guerre pour la guerre qu’aime Frédéric, ce n’est pas même la guerre pour la conquête : « J’aime la guerre pour la gloire, dit-il ; mais si je n’étais pas prince, je ne serais que philosophe. […] Il y a tout à côté, dira-t-on, des railleries et des sarcasmes appelés jeux de prince, des coups de griffe du lion qui compensent bien des douceurs. […] Ce sont des armes indignes que les grands princes ne devraient jamais employer contre leurs égaux : c’est se dégrader mutuellement.
C’est le prince des philosophes nonchalants ; sa seule passion, c’est la pensée. […] On y voit Adam dignement récompensé par le prince. […] Égisthus, roi de Sicile, son ami, vint le féliciter sur la naissance du jeune prince. […] Le prince demanda la punition de ses accusateurs ; le roi répondit que la prudence exigeait quelques délais, et ne punit point. […] --Bien, dit le prince, si vous mourez roi, j’aurai la couronne, et je me fie de la garder avec mon épée contre tous mes ennemis, comme vous avez fait.
Le prince en avoit demandé la lecture avec empressement ; & sa curiosité fut mal satisfaite. […] L’idée d’avoir manqué sa fortune, d’avoir perdu l’estime de son prince & l’espoir de ses libéralités, faisoit son tourment. […] Les princes du Parnasse étant réconciliés, tout le reste sembloit devoir se règler sur eux. […] « Ce grand Ronsard, dit-il, ce prince des poëtes François, l’ornement non seulement de la France, mais de tout l’univers, n’a pu lui-même éviter les sagettes de la censure.
Quand l’huissier annonça « le prince » (car il était prince, même à l’Académie), ce fut une grande attente. […] Droz demanda au prince s’il n’était pas fatigué, et s’il ne voulait pas prendre le temps de se reposer avant de commencer sa lecture. […] Mignet prenait garde de peur que le prince ne fît un faux pas. […] Il les considérait comme des truchements et, jusqu’à un certain point, des apologistes de sa politique auprès des jeunes générations dont ils étaient les princes par le talent. […] C’est un fait qu’à Mayence, il demanda à un prince très haut placé : Combien Talleyrand vous a-t-il coûté ?
Député élu à la chambre basse, membre héréditaire de la chambre haute, il tient les cordons de la bourse publique et empêche le prince d’y puiser trop avant. […] Un seul détail pour montrer l’étendue des grâces : j’ai compté quatre-vingt-trois abbayes d’hommes possédées par des aumôniers, chapelains, précepteurs ou lecteurs du roi, de la reine, des princes et princesses ; l’un d’eux, l’abbé de Vermond, a 80 000 livres de rente en bénéfices. […] Là-dessus quelques chiffres et anecdotes pris, entre mille, sont d’une rare éloquence115 « M. le prince de Pons avait 25 000 livres de pension des bienfaits du roi, sur quoi Sa Majesté avait bien voulu en donner 6 000 à Mlle de Marsan, sa fille, chanoinesse de Remiremont. […] Fondée sur la seigneurie féodale, la royauté est comme elle une propriété, un héritage, et ce serait infidélité, presque trahison chez un prince, en tout cas faiblesse et bassesse, que de laisser passer entre des mains de sujets quelque portion du dépôt qu’il a reçu intact de ses pères pour le transmettre intact à ses enfants. […] Réduire le prince à une liste civile, mettre la main sur les neuf dixièmes de son revenu, lui interdire les acquits au comptant, quel attentat !
Un prince, passant une revue, dit aux soldats en leur présentant la princesse : « Mes enfants, voici ma femme ». […] Du public aux princes, et des princes au public, en prose, en vers, par les compliments de fête, par les réponses officielles, depuis le style des édits royaux jusqu’aux chansons des dames de la halle, c’est un échange continuel de grâces et de tendresses. Des applaudissements éclatent au théâtre lorsqu’un vers fait allusion à la vertu des princes, et, un instant après, quand une tirade exalte les mérites du peuple, les princes prennent leur revanche de politesse en applaudissant à leur tour315 De toutes parts, au moment où ce monde finit, une complaisance mutuelle, une douceur affectueuse vient, comme un souffle tiède et moite d’automne, fondre ce qu’il y avait encore de dureté dans sa sécheresse, et envelopper dans un parfum de roses mourantes les élégances de ses derniers instants. […] La reine ne pouvait se passer d’un nécessaire de voyage, et il a fallu en fabriquer un énorme qui contient tous les meubles imaginables, depuis une bassinoire jusqu’à une écuelle d’argent ; outre cela, d’autres caisses et, comme s’il n’y avait pas de chemises à Bruxelles, un trousseau complet pour elle et ses enfants320 La dévotion étroite, l’humanité quand même, la frivolité du petit esprit littéraire, l’urbanité gracieuse, l’ignorance foncière321, la nullité ou la rigidité de l’intelligence et de la volonté sont encore plus grandes chez les princes que chez les nobles Contre l’émeute sauvage et grondante, tous sont impuissants. […] Hippeau, IV, 86 (23 juin 1773), représentation du Siège de Calais à la Comédie-Française : « Au moment où Mlle Vestris a prononcé ces vers : Le Français dans son prince aime à trouver un frère, Qui, né fils de l’État, en devienne le père.
Cette théorie d’un prince parfait d’après un idéal rêvé dans la solitude, loin des affaires et des princes, et dont Balzac, à la fin de chaque chapitre, rapportait uniformément les traits à Louis XIII, fut médiocrement goûtée. […] Quoi de moins ressemblant au portrait du prince que Machiavel a tracé d’après nature, et dont chaque détail est pris à quelque personnage connu, que ce vain idéal, mélange de souvenirs de lecture échauffés par le travail, et de digressions où Balzac tantôt fait sa cour au roi, tantôt défend sa réputation attaquée ? […] Mais l’ouvrage tout entier n’est qu’une longue hyperbole, soit par cette perfection impossible qu’il exige de son prince, soit par la comparaison qu’il y fait de Louis XIII avec cet idéal. […] Ce sujet, c’était en effet le prince, mais le prince considéré au point de vue de l’unité monarchique, dans la réalité des besoins de la France à cette époque. […] Il faut du courage pour aller chercher quelques tours heureux et neufs, qui manquaient à notre langue et y sont demeurés, dans cette multitude de lettres « toutes pures d’amour, pleines de feux, de flèches et de cœurs navrés », dont l’auteur, selon Mlle de Bourbon, une des plus agréables précieuses de la cour, « devrait être conservé dans du sucre. » Voiture, doué d’un esprit vif et ingénieux, très goûté des princes et des gens de la cour, agréable au grand Condé et au comte duc d’Olivarès, chargé de missions diplomatiques, ayant sur Balzac, qui rêvait, dans son orgueilleuse solitude, des cours et des princes imaginaires, l’avantage de voir de très près la cour et les princes de son époque, Voiture aurait pu employer sa finesse d’esprit à pénétrer le fond de tant d’intrigues politiques, et sa plume à en écrire gravement.
Qu’on fasse un poëme épique de la destruction de la ligue par Henri IV dont la conversion de ce prince, suivie de la reduction de Paris, seroit naturellement le dénouement. […] Au lieu d’emprunter des heros aux grecs et aux latins, qu’on ose donc en faire de nos rois et de nos princes. […] Avec quelle noblesse et quel pathetique Virgile auroit-il traité une apparition de saint Louis à Henri IV la veille de la bataille d’Yvri, quand ce prince, l’honneur des descendans de notre saint roi, faisoit encore profession de la confession de foi de Geneve ?
Il fait de De Saumery un argus impitoyable et un espion farouche auprès du duc de Bourgogne, et l’on sait, par une lettre de ce jeune prince à Fénelon, que c’était un homme dévoué et sûr. […] Au défaut de bonnes fortunes dont son âge et sa figure l’excluoient, il y suppléoit par de l’argent, et l’intimité de son fils et de lui, de M. le prince de Conti et d’Albergotti, portoit presque toute sur des mœurs communes et des parties secrètes qu’ils faisoient ensemble avec des filles. […] Il semble, à le lire, qu’il n’existât aucun désaccord, aucun point de dissentiment entre lui et le jeune prince qui allait comme de lui-même au-devant de ses idées et de ses maximes : dès la première ouverture qu’il lui fit, tout se passa entre eux comme en vertu d’une harmonie préétablie. […] Sa théorie est comme une convulsion, un dernier effort suprême de la noblesse agonisante pour ressaisir ce qui va passer à ce tiers état qui est tout, et qui, le jour venu, dans la plénitude de son installation, sera même le prince. […] Comme il se mettait à la table du roi devant le prince des Deux-Ponts, je dis tout haut : « D’où vient que monsieur le duc de Saint-Simon presse tant le prince des Deux-Ponts ?
On peut appliquer à ce prince l’épitaphe qu’on fit à la malheureuse reine d’Ecosse, Marie Stuart, décapitée comme lui : « Ci gît, parmi les cendres de Marie, la majesté de tous les rois violée & foulée aux pieds. » Charles I, qui, comme tous les Stuarts, avoit l’ame également grande & foible, s’étoit dressé lui-même l’échafaud, pour n’avoir pas sçu montrer de la fermeté quand il le falloit. […] Charles II étoit plus intéressé qu’aucun prince à la réfutation de ces abominables libèles. […] Le temps & les circonstances empêchèrent ce prince d’avoir recours à plusieurs beaux-esprits, qui depuis ornèrent sa cour devenue une des plus magnifiques & des plus galantes de l’Europe. Il ne fut pas en son pouvoir d’employer un Cowley, digne rival de Pindare & le chantre des infortunes de David ; un compte de Rochester, ce Juvénal Anglois ; un Waller, le Voiture & le Chaulieu de l’Angleterre ; le premier de cette nation qui, dans ses vers, ait consulté l’harmonie, ait cherché l’arrangement des mots & le goût dans le choix des idées ; ce poëte, qui, vivant à la cour avec soixante mille livres de rente ; cultiva toujours son talent pour les vers agréables & faciles ; le même qui, en ayant fait à la louange de Charles II, les lui présentant & s’entendant reprocher qu’il en avoit fait de meilleurs pour Cromwel, répondit au prince : Nous autres poëtes, nous réussissons mieux dans les fictions que dans les vérités.