/ 2350
1453. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

En 1812, devant la répugnance bien naturelle du peuple, on dut permettre le retour des anciens mots proscrits qui s’adaptèrent désormais à des poids et à des mesures conformes à la loi nouvelle.

1454. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Les poëmes qui composent ces deux volumes ne sont donc autre chose que des empreintes successives du profil humain, de date en date, depuis Ève, mère des hommes, jusqu’à la Révolution, mère des peuples ; empreintes prises, tantôt sur la barbarie, tantôt sur la civilisation, presque toujours sur le vif de l’histoire ; empreintes moulées sur le masque des siècles.

1455. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Chaque peuple en a bien une particuliere des bons livres écrits en sa langue, mais il en est une commune à toutes les nations.

1456. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

Sans les partis vaincus, comme les a nommés la critique, avec cette sentimentalité bête qui n’a jamais manqué son effet sur le peuple français ; sans les cléricaux, qui sont le sujet de la courageuse comédie d’Émile Augier, et sans Veuillot-Déodat, le Fils de Giboyer ne serait un chef-d’œuvre qu’entre cabotins intéressés à la chose ; mais, entre gens littéraires, on n’en parlerait déjà plus !

1457. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Qu’on juge de cette passion emportée et de cette logique accablante par un seul passage : Pendant plus de dix ans, le peuple avait vu les droits qui lui appartenaient à double titre, par héritage immémorial et par achat récent, brisés par le roi perfide qui les avait reconnus. […] Nous l’accusons d’avoir livré son peuple aux sévérités impitoyables des prélats les plus fanatiques et les plus durs, et son excuse est qu’il prit son petit garçon sur ses genoux pour l’embrasser ! […] Le roi rampa devant son rival pour obtenir les moyens de fouler aux pieds son peuple, descendit jusqu’à être un vice-roi de France, et empocha, avec une infamie complaisante, ses insultes dégradantes et son or plus dégradant encore. […] Le crime succéda au crime, la honte à la honte, jusqu’à ce que la race maudite de Dieu et des hommes fût une seconde fois chassée pour errer sur la face de la terre, pour servir de proverbe aux peuples et pour être montrée au doigt par les nations1368. […] En tout cas, ce jugement est la plus forte marque de la différence des deux peuples.

1458. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

La plénitude du principe monarchique, entendue selon la libre et nationale interprétation, elle est là où il y a passé glorieux et gloire nouvelle, là où apparaissent deux restaurateurs de la société à cinquante ans de distance, deux conducteurs de peuple remettant la France sur un grand pied et, sans trop se ressembler, la couronnant également d’honneur.

1459. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Mais au-dessus du peuple innombrable des vilains qui cultivent la terre féodale, apparaît de bonne heure, entre les murs de sa bonne ville, le bourgeois, laborieux et économe, gabeur et gausseur.

1460. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

En avènement, il choque le rempart, écolier qui, après l’inscrite borne munificente, chût derrière la colline dans un trône ; roi soudain d’un peuple tourmenté, sans espoir, par coutume d’habitacle. — Se bat avec ses sens, doux relaps ; tâche de tout voir en la plaine convoitée ; cursif avare, glisse et déplore, inscient de la distance, au ciel ciroféraire ; sans abrivent que l’angle obtus, et chante l’effroi rural en faisant souris aux calus, médian tombeau du regard, vacillant et visant la mi-côte du ciel trop parallèle au sol.

1461. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Ils fêtaient, eux, beaucoup plus que les peuples anciens les plus civilisés.

1462. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. » Nous avions cru pendant quelque temps que l’oraison funèbre du prince de Condé, à l’exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée ; nous pensions qu’il était plus aisé, comme il l’est en effet, d’arriver aux formes d’éloquence du commencement de cet éloge, qu’à celles de l’oraison de madame Henriette : mais quand nous avons lu ce discours avec attention ; quand nous avons vu l’orateur emboucher la trompette épique pendant une moitié de son récit, et donner, comme en se jouant, un chant d’Homère ; quand, se retirant à Chantilly avec Achille en repos, il rentre dans le ton évangélique, et retrouve les grandes pensées, les vues chrétiennes qui remplissent les premières oraisons funèbres ; lorsqu’après avoir mis Condé au cercueil, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsque, enfin, s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité, à ce dernier effort de l’éloquence humaine, les larmes de l’admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains.

1463. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

L’inondation des nations barbares qui se répandoient dans tout l’empire, ôtoit au peuple des païs désolez le moïen de faire la dépense des spectacles.

1464. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Tout en professant le même Credo, les peuples gardent leurs différences.

1465. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Le roman d’aventures s’épanouira naturellement chez un peuple de marins, Grecs, Anglais, Arabes de la mer Rouge, et les repos et les découvertes, et les fleurs de la mer ce sont ses îles. […] Ombres qui se détachent de lui, qui vont se fondre dans le peuple des ombres pour lesquelles il écrit, et qui forment dès maintenant avec elles un monde, j’ai bien dit un oratoire, dont les fidèles se reconnaissent. […] Ses livres naquirent en enfants frais et riches de pulpe comme le peuple des tableaux de Rubens. […] Le Canard sauvage, Un ennemi du peuple, Rosmersholm paraissent de même impliquer des conclusions contradictoires. […] Les Français, peuple logique, ne veulent pas savoir que la couleur du drap militaire a été changée.

1466. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Ou bien l’aventure des peuples et des lettres ne serait qu’une éternelle frénésie. […] Christophe est l’art et est le peuple. Et il ne s’agit pas seulement d’offrir au peuple l’art comme un cadeau, comme une récompense de son labeur, mais d’affirmer que l’art vient du peuple. […] Mais on veut dire davantage, quand on ajoute : « les peuples grecs furent eux-mêmes cet Homère ». […] Je n’arrive pas à me figurer cette génération spontanée d’un poème au milieu d’un peuple ; je ne vois pas ce peuple, je ne vois pas ces peuples grecs qui soudain chantent quasi unanimement : et ce qu’ils chantent tout à coup serait l’Iliade et l’Odyssée, serait au moins quelques parties de ces poèmes.

1467. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Il faut qu’il se mêle au peuple, qu’il se fasse peuple, que son langage rejoigne le parler populaire. […] Le salut du peuple n’était pas seulement la loi suprême, comme il l’est d’ailleurs resté ; il était en outre proclamé tel, alors que nous n’oserions plus aujourd’hui ériger en principe qu’il justifie l’injustice, même si nous acceptons de ce principe telle ou telle conséquence. Consultons-nous sur ce point ; posons-nous la fameuse question : « que ferions-nous si nous apprenions que pour le salut du peuple, pour l’existence même de l’humanité, il y a quelque part un homme, un innocent, qui est condamné à subir des tortures éternelles ?  […] Celle qu’ils prêchaient concernait avant tout Israël ; leur indignation contre l’injustice était la colère même de Jahveh contre son peuple désobéissant ou contre les ennemis de ce peuple élu. Si tel d’entre eux, comme Isaïe, a pu penser à une justice universelle, c’est parce qu’Israël, distingué par Dieu des autres peuples, lié à Dieu par un contrat, s’élevait si haut au-dessus du reste de l’humanité que tôt ou tard il serait pris pour modèle.

1468. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Paléologue, des Affaires étrangères, m’entretenait, ce soir, de la Chine, des délicatesses de ce peuple, qui a pour nous le dédain qu’on a pour les sauvages, de ce peuple, qui ne jette jamais un papier, mais qui brûle tout ce qui est écrit sur du papier, comme une émanation intime et sacrée de l’être. […] Je tombe, cet après-midi, dans une conversation de Daudet avec Finot, le directeur de la Revue des Revues, dans une conversation sur l’agonie des races, sur la mort d’un peuple, et sur le décès de sa langue, dont il ne reste plus, comme l’a dit Chateaubriand, que les mots répétés par les perroquets, sur la cime des arbres, et Finot parle de l’extinction d’une peuplade en Russie, dont il ne reste plus qu’un individu, et sur lequel un philologue a fait un gros volume. Puis Finot saute à Tolstoï, et affirme qu’il est seulement le vulgarisateur et le développeur de beaucoup d’idées, appartenant à des sectes : ainsi l’idée de la résistance au militariat, prêchée par un ancien maçon, passé apôtre, et habillé de blanc, sur le besoin, que les théories ont de parler, pour ainsi dire, physiquement à l’imagination des peuples. […] Dans l’intervalle de tous ces petits chemins, il s’étendait par places, de l’herbe, mais une herbe écrasée, desséchée et morte, éparpillée comme une litière jaune, et dont les brins, couleur de paille, s’emmêlaient de tous côtés aux broussailles, entre le vert triste des orties… Des arbres s’espaçaient tordus et mal venus, de petits ormes au tronc gris, tachés d’une lèpre jaunâtre, des chênes malingres mangés de chenilles, et n’ayant plus que la dentelle de leurs feuilles… De volantes poussières de grandes routes enveloppaient de gris les fonds… Tout avait la misère et la maigreur d’une végétation foulée, la tristesse de la verdure de la barrière… Point de chants d’oiseaux dans les branches, point de parcours d’insectes sur le sol battu… Un bois à la façon de l’ancien bois de Boulogne, poudreux et grillé, une promenade banale et violée, un de ces endroits d’ombre avare, où le peuple va se ballader à la porte des capitales : parodies de forêts, pleines de bouchons, où l’on trouve dans les taillis des côtes de melons et des pendus ! 

1469. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Ils ne se contentent pas de juger les faits du passé et du présent, mais encore ils délimitent l’action des peuples dans l’avenir ; ils posent des conclusions aussi antihumanitaires que démoralisantes. […] Mais le peuple, autrement dit, la généralité du pays, n’y participait pas il n’était pas complice, au contraire, puisque c’est lui qui payait les frais. Le peuple a été dupe, c’est là qu’est son tort : il a cru à la capacité et au dévouement d’une poignée d’intrigants et d’aventuriers. […] Le peuple ignorait la dissolution du souverain et de sa cour ; il saluait les cortèges officiels de ses vivats enthousiastes. […] A ce moment, le peuple était donc ce qu’il avait été auparavant, actif, travailleur, à l’occasion aimant à fêter plus que de raison la dive bouteille, mais, au demeurant, ordonné et aimant l’épargne.

1470. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Mme Valmore ne peut s’empêcher d’y applaudir ; elle ne se raisonne pas, elle suit son élan ; elle a l’âme populaire ; elle était pour les souffrants, pour les opprimés et les mitraillés à Lyon, en 1834 ; elle était de tout temps pour les condamnés politiques, sans distinction de parti, que ce fût M. de Peyronnet ou Raspail, pour tous ceux dont elle entendait la plainte à travers les barreaux ; elle est pour eux encore le jour où elle se figure que le peuple triomphe et se délivre ; elle a son hymne du lendemain : « (1er mars 1848)… L’orage était trop sublime pour avoir peur ; nous ne pensions plus à nous, haletants devant ce peuple qui se faisait tuer pour nous. […] Mais je suis trop écrasée d’admiration et de larmes pour te rien décrire. — Ce peuple adorable m’aurait tuée en se trompant que je lui aurais dit : « Je vous bénis. » Ne confie cela qu’à la Vierge, car c’est vrai comme mon amour pour elle, — et mon affection pour toi… « … Mon cher mari n’a point de place.

1471. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Un autre qui naissait quand ce siècle avait quatre ans déjà, pour rendre ce même effet indélébile, a pu dire : Nous tous, enfants émus d’un âge de merveilles, Bercés sous l’étendard aux salves des canons, Des combats d’outre-Rhin balbutiant les noms, Nous avons souvenir de plus d’une journée Où l’Empire leva sa tète couronnée ; Quelque magnificence, une armée, un convoi, Un Te Deum ardent, la naissance d’un Roi ; Et l’Empereur lui-même, au moment des campagnes, Il passait dénombrant les aigles ses compagnes ; Du geste il saluait tout un peuple au départ, Et moi qui parle ici, mon front eut son regard ! […] A ce printemps de 1820, la Grèce n’était pas insurgée encore ; mais on parlait alors de Parga, de ce peuple chrétien, livré, vendu au pacha d’Épire par l’Angleterre, et qui avait fui en emportant ce qu’il avait pu des tombeaux paternels. […] Revue philosophique, littéraire et politique, an xiv. — François de Neufchâteau fut de ceux qui se méprirent : enchanté de voir le Pindare républicain louer l’Empereur comme les autres, il lui écrivit : « C’est votre meilleur ouvrage. » L’erreur se prolongea jusqu’à la mort même de Lebrun, et Chénier, le louant sur sa tombe de l’ode qu’il n’avait pas faite, disait : « Tant d’exploits qui, depuis dix ans, commandent l’admiration des peuples, ont ranimé sa vieillesse ; près d’expirer, sa voix harmonieuse encore n’est pas restée inférieure à des prodiges, les plus grands et les derniers qu’il ait chantés. » 79.

1472. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Non seulement les vues sur le monde et sur l’homme, les idées générales de toute espèce y abondent, mais encore les renseignements positifs et même techniques y fourmillent, petits faits semés par milliers, détails multipliés et précis sur l’astronomie, la physique, la géographie, la physiologie, la statistique, l’histoire de tous les peuples, expériences innombrables et personnelles d’un homme qui par lui-même a lu les textes, manié les instruments, visité les pays, touché les industries, pratiqué les hommes, et qui, par la netteté de sa merveilleuse mémoire, par la vivacité de son imagination toujours flambante, revoit ou voit, comme avec les yeux de la tête, tout ce qu’il dit à mesure qu’il le dit. […] Rousseau aussi est un artisan, un homme du peuple mal adapté au monde élégant et délicat, hors de chez lui dans un salon, de plus mal né, mal élevé, sali par sa vilaine et précoce expérience, d’une sensualité échauffée et déplaisante, malade d’âme et de corps, tourmenté par des facultés supérieures et discordantes, dépourvu de tact, et portant les souillures de son imagination, de son tempérament et de son passé jusque dans sa morale la plus austère et dans ses idylles481 les plus pures ; sans verve d’ailleurs, et en cela le contraire parfait de Diderot, avouant lui-même « que ses idées s’arrangent dans sa tête avec la plus incroyable difficulté, que telle de ses périodes a été tournée et retournée cinq ou six nuits dans sa tête avant qu’elle fût en état d’être mise sur le papier, qu’une lettre sur les moindres sujets lui coûte des heures de fatigue », qu’il ne peut attraper le ton agréable et léger, ni réussir ailleurs que « dans les ouvrages qui demandent du travail482 »  Par contre, dans ce foyer brûlant, sous les prises de cette méditation prolongée et intense, le style, incessamment forgé et reforgé, prend une densité et une trempe qu’il n’a pas ailleurs. […] Il faisait voir l’aurore à des gens qui ne s’étaient jamais levés qu’à midi, le paysage à des yeux qui ne s’étaient encore arrêtés que sur des salons et des palais, le jardin naturel à des hommes qui ne s’étaient jamais promenés qu’entre des charmilles tondues et des plates-bandes rectilignes, la campagne, la solitude, la famille, le peuple, les plaisirs affectueux et simples à des citadins lassés par la sécheresse du monde, par l’excès et les complications du luxe, par la comédie uniforme que, sous cent bougies, ils jouaient tous les soirs chez eux ou chez autrui488.

1473. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Un seul genre de vie intéresse au dix-septième siècle, la vie de salon ; on n’en admet pas d’autres ; on ne peint que celle-là ; on efface, on transforme, on avilit, on déforme les êtres qui n’y peuvent entrer, l’enfant, la bête, l’homme du peuple, l’inspiré, le fou, le barbare ; on finit par ne plus voir dans l’homme que l’homme bien élevé capable de discourir et de causer, irréprochable observateur des convenances. […] Il choisira parmi les oiseaux, « le peuple au col changeant, au coeur tendre et fidèle », la colombe compatissante qui jette un brin d’herbe à la fourmi qui se noie, qui met la paix entre les vautours ses ennemis. […] « Quand ce peuple est pris, il s’enfuit.

1474. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

La religion commune est une patrie commune ; il y eut dans le choix du sujet autant de génie que dans le poème lui-même ; les croisades, qui avaient été l’héroïque folie des siècles précédents, étaient restées la tradition héroïque des peuples chrétiens. […] Léonora, idole du peuple de Ferrare par sa beauté et par ses talents poétiques, avait en même temps une si juste réputation de vertu et de piété qu’on la regardait dans tout le duché comme l’intermédiaire visible de la Providence, et qu’on attribuait à ses prières la vertu surnaturelle de fléchir le ciel et d’écarter les fléaux. On trouve une trace de cette croyance populaire dans les vers d’un poète du temps, Philippe Binaschi : « Quand les ondes soulevées du Pô firent trembler leurs rives et menacèrent d’engloutir Ferrare et ses campagnes, une seule prière de toi, chaste Léonora, détourna de ton peuple les justes et terribles colères du ciel ! 

1475. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Il professait publiquement un cours irrégulier de ces sciences, comme si le roi eût voulu être à la fois le philosophe et le souverain de son peuple. […] Quoique menant en apparence la calme existence d’un savant, Humboldt n’en était pas moins un aimant qui dirigeait sur Berlin tous les résultats scientifiques de l’époque et les esprits de tous les peuples dont il était le centre intellectuel. […] M. de Humboldt était trop habile pour se déclarer ennemi des peuples triomphants.

1476. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Restent les émotions qui sont à la portée de tout le monde, qui peuvent être communes au « peuple » et aux « habiles ». Je vois qu’ici et là elles sont inégales selon les individus ; mais entre les deux groupes je ne vois d’autre différence bien tranchée, sinon que le peuple ne tire rien de son émotion et que l’artiste en tire des oeuvres d’art. […] Apparemment parce que la Bible contient l’histoire et la littérature d’un peuple d’Orient et que le chef du romantisme a fait des Orientales.

1477. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Puis la petite maison aux chambres, grandes comme les chambres de Pompéi, vous fait toucher le cadre étroit, où se joue la vie de ce petit peuple. […] Décidément, à l’exposition du Japon, l’écran au héron d’argent, et le paravent avec toute cette flore sur laque, en pierre dure, en ivoire, en porcelaine, en métaux de toutes sortes : ce sont pour moi les deux plus beaux objets mobiliers, que depuis le commencement du monde a fabriqués l’art industriel chez aucun peuple. […] Mercredi 4 décembre « Le peuple est une bête qui vit de gloire, — disait brillamment, ce soir, Renan chez la princesse — mais quand il s’est accoutumé à ce foin, il faut lui en donner tous les jours, c’est ce qu’avait fait Napoléon, c’est ce que n’a pas fait Bismarck… C’est peut-être très grave pour lui. » * * * — Je me surprends, en construisant mes phrases maintenant, à faire de la main droite tenant la plume, des gestes d’un chef d’orchestre : si mes phrases ne sont pas musicales, je ne sais pas diantrement comment il faut s’y prendre.

1478. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Madame Tallien, madame de Beauharnais, madame Récamier, madame Gay, étaient de belles idoles grecques qui firent un moment, sous le Directoire, rêver Athènes au peuple de Paris. […] Partout dans la chaudière un corps qui se consume ; Partout l’âcre parfum du naphte et du bitume ; Partout l’orgueil humain, follement excité, Luttant dans sa misère avec l’éternité… Des peuples disparus qu’importent ces vestiges ? […] Ce régime avait péri de prosaïsme ; elle sentait l’impossibilité de couronner alors Henri V, mais la possibilité de couronner le peuple s’il avait voulu de la couronne.

1479. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

On verra quelque chose comme ce qu’on a déjà vu… Comme en 1793, il y aura, parce que cela est dans la nature des choses et dans la logique de l’esprit humain, une France de trente à quarante millions d’hommes honnêtes, religieux, intelligents, cultivés, civilisés, la fleur de la civilisation, qui seront la proie de quelques misérables, la lie d’un peuple, imbéciles et féroces. Ce n’est pas ces quarante millions, ce n’est pas cette accablante majorité, ce n’est pas ce peuple, enfin, qui gouverneront la France d’alors, pas plus qu’ils ne l’ont gouvernée pendant la Révolution, quoique des historiens nous suent fait ce conte, qu’ils nous ont donné et que nous avons pris pour de l’Histoire… Lion émasculé par des goujats bons pour couper des chiens, et qui ont coupé les têtes les plus nobles du plus noble pays de l’Europe, ce peuple ne bougea même pas sous ces infâmes ciseaux hongreurs.

1480. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Dans le désordre apparent de sa narration, Joinville commence par un trait principal et caractéristique : c’est qu’en plusieurs occasions signalées, saint Louis mit son corps et sa personne en péril de mort pour épargner dommage à son peuple. […] Ce jour-là, avant le débarquement sur la plage d’Alexandrie, l’ordre du jour disait : Soldats…, vous portez à l’Angleterre le coup le plus sensible, en attendant que vous lui donniez le coup de mort… Vous réussirez dans toutes vos entreprises… Les destins vous sont favorables… Dans quelques jours les mamelouks qui ont outragé la France n’existeront plus… Les peuples au milieu desquels vous allez vivre tiennent pour premier article de foi qu’il n’y a pas d’autre dieu que Dieu, et que Mahomet est son prophète !

1481. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Il s’y occupa aussitôt des moyens d’améliorer le sort des peuples, le bien-être des troupes. […] Parlant quelque part d’un homme d’un esprit étroit et faux qui mettait son orgueil à déplaire, et qui méprisait par principe la bonté et la douceur des gens véritablement grands : « Il n’admire du fer, dit-il, que la rouille. » Parlant du caractère des Français qu’il a si bien connus, qui sont portés à entreprendre et à se décourager, à passer de l’extrême désir et du trop d’entrainement au dégoût, il dit : « La lassitude du soir se ressent de l’ardeur du matin. » Enfin, voulant appeler et fixer l’attention sur les misères du peuple des campagnes dont on est touché quand on vit dans les provinces, et qu’on oublie trop à Paris et à Versailles, il a dit cette parole admirable et qui mériterait d’être écrite en lettres d’or : « Il nous faut des âmes fermes et des cœurs tendres pour persévérer dans une pitié dont l’objet est absent. » Si ce n’est pas un écrivain, ce n’est donc pas non plus le contraire que d’Argenson : sa parole, livrée à elle-même et allant au courant de la plume, a des hasards naturels et des richesses de sens qui valent la peine qu’on s’y arrête et qu’on les recueille.

1482. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Les caractères, suivant lui, les personnages des fables de La Fontaine, quels qu’ils soient, animaux, hommes ou dieux, ce sont toujours des hommes et des contemporains du poète ; et il s’applique à de démontrer, en parcourant les principales catégories sociales, roi, courtisans, noblesse, clergé, bourgeoisie, peuple, et en les retrouvant en mille traits dans sire lion, dans maître renard, maître Bertrand, ours, loups, chats et rats, mulets et baudets, etc., etc. […] On n’aperçoit qu’un peuple de montagnes assises sous la coupole embrasée du ciel : elles sont rangées en amphithéâtre, comme un conseil d’êtres immobiles et éternels.

1483. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Je sais qu’il n’en est guère question à présent, selon le bas ministre (Fleury) qui le gouverne, et que ce sont les mal tôliers qui en sont les colonnes ; mais vous avez une patrie misérable, une province vexée par les esclaves subalternes, que l’on érige en souverains pour le malheur des peuples ; des amis que vous pouvez servir ; des compatriotes à qui vos talents exercés pourraient être utiles ; une famille dont vous devez ou soigner les affaires, ou soutenir le nom ; vous-même, à qui vous devez un plan fixe de bonheur et d’agrément ; que d’objets divers et opposés ! […] Vous souvenez-vous que, César voulant faire passer une loi trop à l’avantage du peuple, le même Caton voulut l’empêcher de la proposer, et lui mit la main sur la bouche, pour l’empêcher de parler ?

1484. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Le jour où elle placera sa chaire sur une borne, je croirai au salut du peuple. » Ce jour est bien éloigné, s’il doit jamais venir : la borne est bien souvent un écueil. […] Un jour, Lamennais veut louer Béranger dans un de ses livres, et il le fait sans restriction aucune : le passage est communiqué d’avance au poëte qui lui répond par ce petit avis, mêlé au remerciement : « A des louanges aussi flatteuses ne conviendrait-il pas d’ajouter : Il est fâcheux qu’en chantant pour le peuple, Béranger se soit d’abord trop laissé entraîner à la peinture de mœurs, que plus tard sans doute il eût voulu pouvoir corriger ?

1485. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Cette littérature, grande à son tour et neuve, ne pouvait coïncider avec les choses extraordinaires accomplies dans l’ordre de l’action ; car « un peuple, prétendait-il, n’est jamais grand que dans un genre à la fois. » Les victoires de l’esprit ne devaient donc venir qu’après celles de l’épée. […] Les Académies croient posséder des recettes et des formules générales ; or il n’en existe pas de parfaitement applicables d’un temps, d’un lieu et d’un peuple à un autre.

1486. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Bernardin de Saint-Pierre, d’un goût bien autrement simple, mais un peu chimérique en ses perspectives, préludant sur Don Quichotte aux interprétations modernes, a dit : « C’en était fait du bonheur des peuples, et même de la religion, lorsque deux hommes de lettres, Rabelais et Michel Cervantes, s’élevèrent, l’un en France et l’autre en Espagne, et ébranlèrent à la fois le pouvoir monacal et celui de la chevalerie. […] Semblables aux enfants, les peuples rirent et se rassurèrent… » Cela paraît assurément fort exagéré, quoique cette exagération, à propos d’un chef-d’œuvre de l’esprit, ne déplaise pas absolument.

1487. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Taine fait bien sentir la différence des deux esprits, des deux races que la conquête normande n’a nullement confondues : « Qu’est-ce qui amuse le peuple en France ? Les fabliaux, les malins tours de Renart, l’art de duper le seigneur Ysengrin, de lui prendre sa femme, de lui escroquer son dîner, de le faire rosser sans danger pour soi et par autrui, bref le triomphe de la pauvreté jointe à l’esprit, sur la puissance jointe à ta sottise ; le héros populaire est déjà le plébéien rusé, gouailleur et gai, qui s’achèvera plus tard dans Panurge et Figaro… » Au lieu de cela, au lieu de ces tours d’écoliers qui remontent si haut, de ces friponneries de Villon et de Patelin, qui font tant rire chez nous le vilain et le populaire, qu’est-ce qui réjouit le peuple anglais et le distrait de tout, même du sermon ?

1488. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

En même temps qu’il la voit disciple de Rousseau et modelant en partie ses Mémoires sur les Confessions, il cherche à l’en distinguer par un caractère fondamental : il ne découvre dans ses écrits, dit-il, « ni la tragique sollicitude de Rousseau pour les âmes simples et ignorantes, ni la douloureuse anxiété avec laquelle celui-ci remue et sonde les bas-fonds de la société, ni sa haine contre l’inégalité, même quand ce n’est pas sur le talent qu’elle pèse, ni les cris vengeurs que lui arrache la vue du paysan opprimé par un publicain barbare ou celle de l’homme du peuple étouffant dans les étreintes de la misère. […] Le jour de crise, amis, sans doute est difficile ; Le peuple est agité, mais l’armée est tranquille.

1489. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

— L’argent est le produit, disait-elle, de la sueur des peuples. » Elle était l’aumône même, et sa sollicitude s’étendait au-delà des misères et des besoins qui se recommandaient en Cour à divers titres et qui tombaient sous ses regards. […] En partant, les deux sœurs n’obéissaient pas moins à la prudence qu’à l’ordre du roi, car le déchaînement du peuple eût mis leur vie en danger.

1490. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Ces résultats dorénavant sont admis de ceux même qui ne s’en rendent pas bien compte : l’homme du peuple qui regarde une éclipse admet volontiers l’explication que lui donne le demi-savant qui la regarde en même temps que lui, et qui lui-même tient pour démontrée la conclusion du profond et vrai savant. […] S’il a l’air de céder si aisément et de se dérober quand il a affaire au peuple, c’est-à-dire aux esprits frivoles, esclaves du préjugé et de l’habitude, c’est qu’il ne veut rien céder du fond et qu’il réserve pour un petit nombre, « pour une petite troupe choisie », l’entière originalité et l’intégrité parfaite de ses pensées.

1491. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Un cinquième du sol est à la couronne et aux communes, un cinquième au tiers état, un cinquième au peuple des campagnes, un cinquième à la noblesse, un cinquième au clergé. […] Pitt, les Prussiens sous Frédéric II, sans séditions ni troubles intérieurs : voilà certes une merveille, et, pour qu’un peuple demeure indépendant, il faut que tous les jours il soit prêt à la faire.

1492. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Dès la préface du premier volume, Perrault prenait position comme un homme du monde engagé contre des pédants et des cuistres : il se représente bataillant contre « un certain peuple tumultueux de savants qui, entêtés de l’antiquité, n’estiment que le talent d’entendre bien les vieux auteurs ». […] Boileau ne le fit pas, et n’alla point au-delà des idées littéraires proprement dites : il ne regarda point les réalités psychologiques qui se cachent derrière ces abstractions, une langue, un genre : il n’y vit point les expressions de ces consciences collectives qu’on appelle des peuples, et ne se rendit pas compte que chaque nation façonne sa langue à son image, et que l’apparition et la disparition, la perfection et la décadence de ces formes organiques qui sont les genres, représentent la succession des états d’âme, la diversité des aptitudes intellectuelles et des aspirations morales des divers groupes de l’humanité.

1493. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Les scènes de « La fenaison » offrent un tableau plein de charme et de grâce assurément, mais on y voit tout à côté cet éternel plaidoyer entre la société et la nature, entre les gens de loisir et les gens du peuple ou de labeur, ceux-ci ayant invariablement l’avantage. […] [NdA] Ce bon et grand La Fontaine venait là non sans dessein, et parce que dans le même temps il avait paru une petite diatribe de M. de Lamartine contre La Fontaine (voir Le Conseiller du peuple, premier numéro de janvier 1850).

1494. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Le peuple surtout, le vrai peuple, celui qui est victime et non pillard, les paysans de ses environs le touchent par la manière dont ils supportent les mêmes maux que lui et pis encore.

1495. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Mme de Maintenon elle-même reconnaît qu’en cette occasion, un « reste de sang français a irrité le peuple » sur cette paix malheureuse et déshonorante. Mme des Ursins ne laisse pas tomber ce mot : « On dit pourtant, remarque-t-elle, que c’est plutôt le peuple qui en a été irrité, que la plupart des seigneurs. » On conçoit par une telle disposition de cœur combien, dans de si périlleuses conjonctures, Mme des Ursins dut être utile alors à Madrid pour y soutenir et y fortifier les résolutions royales ; car ce fut là l’honneur de cette maison de Bourbon à son avènement en Espagne, ce fut son vrai sacre, pour ainsi dire, de ne jamais désespérer au plus fort de la crise, de sentir la main de Louis XIV prête à se retirer et presque à se retourner contre elle, sans se laisser abattre : « Le roi est tout occupé du soin de se défendre seul, au cas que le roi, son grand-père, lui retire les secours dont il l’a assisté », écrivait Mme des Ursins.

1496. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Ce petit peuple pauvre, intelligent, « éminemment sociable, porté aux mœurs douces, gai et spirituel, fin jusqu’à la subtilité, plein de bonhomie pourtant », est très bien peint par M.  […] Mais il n’y serait pas resté longtemps, l’amour des âmes et le soin de ses peuples l’auraient bientôt fait redescendre.

1497. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

À Berlin, lorsque Jordan n’était pas malade, il voyait le roi tous les jours, de sorte que celui-ci pouvait dire avec regret, après l’avoir perdu : « Nous avons vécu sans cesse ensemble. » La première guerre de Silésie terminée (juin 1742), Frédéric n’a plus qu’un désir, revenir administrer en bon et sage roi ses peuples : J’ai fait ce que j’ai cru devoir à la gloire de ma nation ; je fais à présent ce que je dois à son bonheur. […] Il explique assez au long à Jordan les raisons qu’il a eues de faire sa paix séparément de la France, et il lui donne la clef de sa morale de souverain : chez un souverain, c’est l’avantage de la nation qui fait la règle et qui constitue le devoir : « pour y parvenir, il doit se sacrifier lui-même, à plus forte raison ses engagements, lorsqu’ils commencent à devenir contraires au bien-être de ses peuples ».

1498. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Aux sollicitations du Vaudeville, implorant près de Thiers la représentation de la pièce de Sardou, Thiers a fait répondre que la chose était impossible : le peuple américain étant, dans le moment, le seul peuple faisant gagner de l’argent à Paris : on ne devait pas le blesser.

1499. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

La nôtre dominait alors, et semblait régner sur tous les peuples policés. […] Qu’ils y arrivent, et il sera temps alors pour nous de les combattre, de leur démontrer que ces règles contre lesquelles on se mutine, sont pourtant les seules bases sur lesquelles puisse être assis le système dramatique d’un peuple éclairé, et qu’elles sont elles-mêmes fondées sur les résultats de l’expérience, lentement convertis en axiomes ; qu’elles ne sont pas, comme on a l’air de le croire, des lois imposées à l’imagination par le caprice d’un vieux philosophe grec du temps d’Alexandre, et que l’auteur de la Poétique n’a pas plus inventé les unités, que l’auteur de la Logique n’a créé les syllogismes ; que ces lois, établies pour les intérêts de tous, font seules du théâtre un art, et de cet art une source d’illusions ravissantes pour le spectateur et de succès glorieux pour le poète ; qu’elles ont le double avantage d’élever un obstacle contre lequel le génie lutte avec effort pour en triompher avec honneur, et une barrière qui arrête l’invasion toujours menaçante de la médiocrité aventureuse ; qu’on peut quelquefois essayer de reculer les limites de l’art, et quelquefois même, comme a dit Boileau, tenter de les franchir, mais qu’il ne faut jamais les renverser ; et qu’enfin, il en peut être de la littérature comme de la politique, où quelques concessions habilement faites à la nécessité des temps, préservent l’édifice de sa ruine, et le rajeunissent, tandis qu’une révolution complète, renversant tout ce qu’elle rencontre, bouleversant tout ce qu’elle ne détruit pas, plaçant le crime au-dessus de la vertu, et la sottise au-dessus du génie, engloutit dans un même gouffre la gloire du passé, le bonheur, du présent, et les espérances de l’avenir.

1500. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Les gens du peuple les moins suspects de suivre une mode parlent ici comme un chroniqueur ou comme un feuilletoniste. […] Ils reconnaîtraient que ce qui fait le génie de la France s’agite, plus ou moins obscurément, dans toute la France ; que les paysans, les ouvriers, les bourgeois des moindres bourgs n’ont pas seulement un esprit qui leur est propre, mais un fond de qualités solides sans lesquelles un peuple ne survivrait pas à tant de causes de désagrégation, bon sens, courage, initiative, générosité, et le reste ; ils diraient ce monde merveilleux de travail qu’est notre patrie, et comment nulle race n’est peut-être mieux douée pour la diversité des métiers et des arts ; et quelles preuves d’endurance et de probité peuvent offrir les plus humbles existences.

1501. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Là se remarque bien cette action générale de l’esprit d’un peuple conduit par degré à un point plus élevé de puissance et de culture sociale. […] qui, du milieu des astres circulant au ciel, peuples la mer chargée de vaisseaux et la terre couverte de moissons ; car c’est par toi que toute race vivante est conçue, et visite en naissant la lumière du jour : ô déesse !

1502. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

. — Ils n’ont ni le peuple, ni la classe moyenne.

1503. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Et la maison se peuple insensiblement, mais d’un nombre qui n’excède pas vingt, afin de ne pas tomber sous la loi qui régit les associations.

1504. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Il ne se recrute guère que dans le peuple et chez les paysans (pagani) : signe très-singulier, mais qu’on ne saurait méconnaître.

1505. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Au milieu de l’espèce de lac, il y avait un grand courant, un Rhône qui traversait, qui ébranlait la masse et qui finit par la précipiter ; sur ce courant du milieu, s’agitaient des orateurs, des guerriers, la jeunesse à la nage, le peuple, un poëte libéral, un seul vrai, Béranger avec sa lyre !

1506. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

De là enfin, ces missions de Jacobins tout-puissants aux armées jusque-là restées pures, et, ce qui est plus horrible à dire, ces tragédies sanglantes du dedans, données au peuple pour alimenter sa fureur, ou la réchauffer par une sorte d’ivresse.

1507. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

Walter Scott, s’il manqua d’un caractère politique conforme aux besoins nouveaux, s’il resta sur ce point l’esclave des préjugés de son éducation et peut-être aussi de ses prédilections poétiques, eut du moins le bonheur de combattre très rarement, par ses paroles ou par ses actes, le développement légitime où sont engagés les peuples.

1508. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Comme alors la France serait belle et forte, non-seulement dans ces grands jours qui ne sont qu’à elle dans l’histoire et par où elle éclate au monde, mais aussi dans ce tous les jours qui est bien de quelque prix dans la vie des peuples et dans celle des individus.

1509. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

1510. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

La Dame à la Faulx besogne éternellement parmi les œuvres, les peuples, les hommes et les vœux des races, afin de faciliter la tâche des devins.

1511. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Après la guerre, il put s’écrier : Ô peuple futur, qui tressailles Aux flancs des femmes d’aujourd’hui, Ton printemps sort des funérailles, Souviens-toi que tu sors de lui.

1512. (1911) La valeur de la science « Introduction »

La meilleure expression de cette harmonie, c’est la Loi ; la Loi est une des conquêtes les plus récentes de l’esprit humain ; il y a encore des peuples qui vivent dans un miracle perpétuel et qui ne s’en étonnent pas.

1513. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Quelque chose de mystérieux agite ce peuple ; suivez-le, même quand il refuse de vous écouter, quand il s’abandonne aux plus indignes.

1514. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

La philosophie du xviiie  siècle tenait pour maxime que c’était par l’amélioration des rois qu’il fallait commencer l’amélioration du sort des peuples, et j’ai entendu d’Alembert excuser par ce motif les paroles adulatrices de Voltaire au grand Frédéric et à l’impératrice de Russie.

1515. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

Plusieurs Critiques respectables & éclairés nous ont reproché d’avoir traité avec trop d’indulgence ses Mélanges de Littérature : de n’avoir pas assez insisté sur les défauts de sa métaphysique souvent obscure, imperceptible, entortillée ; sur les inégalités de son style, tantôt foible, tantôt plein de morgue, & presque toujours froid & bourgeois ; de n’avoir pas mis sous les yeux du Lecteur le contraste qui résulte de la médiocrité de ses productions, & du ton de mépris qu’il affecte, dans toutes les occasions, pour ce qu’il appelle le bas peuple des Poëtes, des Orateurs, des Historiens.

/ 2350