/ 3271
1891. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

La science, l’étude de la nature et de la physique, tint de tout temps une grande place dans sa vie et dans sa pensée. […] Il sent vivre et s’éveiller en lui des pensées poétiques et philosophiques ; il les a bues avec l’air qui l’entoure, mais il s’imagine qu’elles lui appartiennent, et il les exprime comme siennes. […] L’un reste à Vienne, un autre à Berlin, un autre à Kœnigsberg, un autre à Bonn ou à Dusseldorf, tous séparés les uns des autres par cinquante, par cent milles, et le contact personnel, l’échange personnel de pensées sont des raretés.

1892. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Du Méril estime que « les six légendes que Hrotsvitha a mises en dialogue sont sans doute de véritables essais dramatiques imités de Térence, mais d’une imitation toute littéraire, sans aucune pensée de représentation : c’est un livre qui ne s’adresse qu’à des savants. » Et il s’applique à démontrer cette opinion. […] Il y a eu incontestablement en ces siècles reculés une première époque assez simple et sévère, fervente, se suffisant à elle-même, et dont on peut retrouver à certain degré le sentiment, l’esprit d’édification et d’adoration, en se replaçant par la pensée en présence de cette liturgie vivante, à distance respectueuse de l’autel, au vrai point de vue des fidèles d’alors et des célébrants. […] Et ici, ce grand nom de Milton prononcé, laissons-nous reporter, comme contraste, au souvenir de ces premiers chants du Paradis qui assiègent notre pensée, depuis que nous lisons ces balbutiements informes du vieil auteur dramatique inconnu.

1893. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Ce que je dis là du libéralisme de la Restauration n’est point dans ma pensée une injure ni à l’arme utile dont on se servait, ni au libéralisme en général, et je suis persuadé que cette doctrine, si elle devait un jour triompher au gré de ses partisans absolus, n’aurait fait que gagner à toutes les contradictions et à toutes les épreuves qui, en la refoulant et la retardant, l’auraient forcée, un peu malgré elle, de s’élever au-dessus de son premier niveau. […] Le Saint-Simonisme rendit à l’esprit français d’alors cet éminent service d’implanter dans le camp de la Révolution et dû progrès quelques-unes des pensées élevées de M. de Maistre, et de les y naturaliser en bonne terre et d’une manière vivante. […] Michel Chevalier a faite en sa qualité de président pour le Rapport du jury français sur l’Exposition de Londres en 1862, je suis frappé de la ressemblance et presque de l’identité des idées et du programme avec ces anciens articles du Globe qui pouvaient sembler comme un feu d’artifice continu : c’est la même pensée, c’est la même devise ; mais les moyens d’exécution sont autres et plus étudiés.

1894. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

J’ai présents à la pensée, en parlant comme je le fais, quelques-uns de ces hommes modérés et sages qui étaient alors au timon de l’État, dans le ministère, et qui tentaient honorablement et, comme on dit, contre vent et marée, de tirer la Restauration de ces passes dangereuses, et de faire sortir du principe de la légitimité un gouvernement réparateur. […] Fiévée, justifiant cette Chambre de 1815, a prétendu qu’après les événements antérieurs qui avaient brisé, trituré ou détrempé tant de caractères, s’il restait quelques espérances de talents applicables aux circonstances dans lesquelles on se trouvait au second retour de Louis XVIII, « ce ne pouvait être que parmi les royalistes qui avaient vécu, disait-il, hors du tourbillon qui entraînait l’Europe, réfléchissant sur l’inconstance des événements, en recherchant les causes, comparant le passé à ce qu’ils voyaient, faisant la part des hommes et des choses, et trouvant dans des pensées toujours refoulées un exercice qui doublait leurs forces : « J’ai toujours cru et je crois encore, écrivait-il en 1819, que la Chambre de 1815 offrait plusieurs hommes de cette trempe. […] Domingon, s’approchant pour prêter serment, voulut commenter sa pensée : « Je demande, dit-il, à mon seigneur et roi la parole pour… » Il fut interrompu par le duc de Richelieu qui, après s’être incliné vers le roi comme pour recevoir ses ordres, rappela que l’usage immémorial de la monarchie ne permettait pas, dans des occasions semblables, de prendre la parole en présence du monarque sans sa permission, et ordonna, au nom de Sa Majesté, de continuer l’appel nominal.

1895. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Renan n’a pas cru devoir faire ainsi, et en effet sa pensée a été bien autrement méditée et bien plus haute ; son dessein et son projet est à plus longue fin. […] Il a eu présent à la pensée ce mot d’un grand révolutionnaire : « Il n’y a de détruit que ce qui est remplacé. » Il ne s’est donc pas contenté de défaire une vie de Jésus, ce qui n’est pas difficile à la critique en se tenant sur ce terrain de pure discussion ; il a prétendu la refaire. […] Son procédé, entendu ainsi qu’il doit l’être, signifie : « Supposez, pour simplifier, que les choses se soient passées comme on le dit là, et vous ne serez pas très-loin de la vérité. » Cette extrême bonne foi dans l’exposé de ses vues ne sera invoquée contre lui que par ceux qui n’entrent pas dans sa pensée et qui, ayant un parti pris, interdisent toute recherche.

1896. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

J’aurais aimé à discuter de près avec le docte interprète qui pousse un peu loin son idée, et dont il convient pourtant de ne pas forcer la pensée pour le plaisir de le combattre et de se donner plus aisément raison. […] Il s’est donc attaché à notre grand tragique, et il s’est complu à démontrer en lui une âme et une intelligence essentiellement historique, pleine de prévisions et de divinations : non qu’il ait jamais supposé que le vieux poète, en s’attaquant successivement aux divers points de l’histoire romaine pendant une si longue série de siècles, depuis Horace et la fondation de la République jusqu’à l’Empire d’Orient et aux invasions d’Attila, ait eu l’idée préconçue d’écrire un cours régulier d’histoire ; mais le critique était dans son droit et dans le vrai en faisant remarquer toutefois le singulier enchaînement qu’offre en ce sens l’œuvre dramatique de Corneille, et en relevant dans chacune de ses pièces historiques, même dans celles qu’on relit le moins et qu’on est dans l’habitude de dédaigner le plus, des passages étonnants, des pensées et des tirades dignes d’un esprit politique, véritablement romain. […] C’est un morceau plein d’intelligence et de délicatesse, dans la pensée comme dans l’expression… Cependant, à mon avis, vous allez trop loin dans la note de la page cxxi, et votre éloge de la poésie française, depuis Corneille jusqu’à Voltaire, méconnaît les progrès et les besoins du temps actuel, qu’autrement vous sentez si bien.

1897. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

La plupart des esprits, qui d’abord se figuraient dans Napoléon un génie pareil à un volcan ou à un tonnerre et procédant par éruptions ou par éclairs, se guérirent insensiblement de leur idée incomplète et s’accoutumèrent à saisir l’ensemble de cette pensée puissante dans toute l’ampleur de son développement : l’excellent historien narrateur leur avait fait faire bien du chemin. […] « Le moment semblait donc venu pour le premier Consul de se recueillir dans sa pensée, de s’entourer de toutes les lumières de son vaste esprit, et d’éviter à son pays des chances si redoutables. […] Les événements avaient marché plus vite que sa pensée, et son ambition ne faisait, pour ainsi dire, qu’exécuter les arrêts de sa fortune. »  Et dans le récit où il a résumé les préliminaires et les causes de la guerre de Russie en 1812, il ne voit dans cette entreprise, de la part de la France, que « le dernier terme de ce vaste système de conquête et de prééminence qui a son point de départ dans le traité de Campo-Formio et qui fut reproduit plus tard dans celui de Lunéville. » Napoléon n’avait point fondé ce système, il l’avait pris à son compte et avait mis son génie et sa gloire à le faire triompher ; la Révolution, devenue toute guerrière, voulait sa revanche sur l’Europe : la partie une fois engagée sur ce pied, de revanche en revanche l’enjeu avait grossi toujours : « Il y a un fait capital, répétait M. 

1898. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Cette identité place entre les hommes de ces deux pays un caractère commun qui les fera toujours se prendre l’un à l’autre et se reconnaître ; ils se croiront mutuellement chez eux quand ils voyageront l’un chez l’autre ; ils échangeront avec un plaisir réciproque la plénitude de leurs pensées et toute la discussion de leurs intérêts, tandis qu’une barrière insurmontable est élevée entre les peuples de différent langage qui ne peuvent prononcer un mot sans s’avertir qu’ils n’appartiennent pas à la même patrie ; entre qui toute transmission de pensée est un travail pénible, et non une jouissance ; qui ne parviennent jamais à s’entendre parfaitement, et pour qui le résultat de la conversation, après s’être fatigués de leurs efforts impuissants, est de se trouver mutuellement ridicules. […] Il semble avoir été écrit en prévision du 18 Fructidor et des déportations prochaines : on n’ose dire pourtant que la Guyane et Sinnamari aient en rien répondu à la description des colonies nouvelles que proposait Talleyrand d’un air de philanthropie, et en considération, disait-il, « de tant d’hommes agités qui ont besoin de projets, de tant d’hommes malheureux qui ont besoin d’espérances. » Il y disait encore, en vrai moraliste politique : « L’art de mettre les hommes à leur place est le premier peut-être dans la science du gouvernement ; mais celui de trouver la place des mécontents est, à coup sûr, le plus difficile, et présenter à leur imagination des lointains, des perspectives où puissent se prendre leurs pensées et leurs désirs est, je crois, une des solutions de cette difficulté sociale. » Oui, mais à condition qu’on n’ira pas éblouir à tout hasard les esprits, les leurrer par de vains mirages, et qu’une politique hypocrite n’aura pas pour objet de se débarrasser, coûte que coûte, des mécontents.

1899. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Il avait fini évidemment par y voir surtout un cadre commode à pensées, à sentiments, à causerie ; le petit drame qui en fait le fond n’y est plus toujours l’essentiel comme auparavant ; la moralité de quatrain y vient au bout par un reste d’habitude ; mais la fable, plus libre en son cours, tourne et dérive, tantôt à l’élégie et à l’idylle, tantôt à l’épître et au conte : c’est une anecdote, une conversation, une lecture, élevées à la poésie, un mélange d’aveux charmants, de douce philosophie et de plainte rêveuse. […] La Fontaine en fut touché comme d’un exemple à suivre ; sa fragilité et d’autres liaisons qu’il contracta vers cette époque le détournèrent, et ce ne fut que dix ans après, quand la mort de madame de La Sablière lui eut donné un second et solennel avertissement, que cette bonne pensée germa en lui pour n’en plus sortir. […] La Fontaine manque un peu de souffle et de suite dans ses compositions ; il a, chemin faisant, des distractions fréquentes qui font fuir son style et dévier sa pensée ; ses vers délicieux, en découlant comme un ruisseau, sommeillent parfois, ou s’égarent et ne se tiennent plus ; mais cela même constitue une manière, et il en est de cette manière comme de toutes celles des hommes de génie : ce qui autre part serait indifférent ou mauvais, y devient un trait de caractère ou une grâce piquante.

1900. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

« Il était laid, nous dit un contemporain628 : sa taille ne présentait qu’un ensemble de contours massifs ; quand la vue s’attachait sur son visage, elle ne supportait qu’avec répugnance le teint gravé, olivâtre, les joues sillonnées de coutures ; l’œil s’enfonçant sous un haut sourcil, … la bouche irrégulièrement fendue ; enfin toute cette tête disproportionnée que portait une large poitrine… Sa voix n’était pas moins âpre que ses traits, et le reste d’une accentuation méridionale l’affectait encore ; mais il élevait cette voix, d’abord traînante et entrecoupée, peu à peu soutenue par les inflexions de l’esprit et du savoir, et tout à coup montait avec une souple mobilité au ton plein, varié, majestueux des pensées que développait son zèle. » Et Lemercier nous montre « les gestes prononcés et rares, le port altier » de Mirabeau, « le feu de ses regards, le tressaillement des muscles de son front, de sa face émue et pantelante ». […] Et alors la paix que je ferai sera digne de mon peuple, de vous et de moi. » Le fond est ce qu’il faut qu’il soit : des idées nettes, simples, immédiatement accessibles, des sentiments communs, réels, immédiatement évocables ; l’honneur, la gloire, l’intérêt ; de vigoureux résumés des succès et des résultats obtenus, de rapides indications des résultats et des succès à poursuivre, des communications parfois qui semblent associer l’armée à la pensée du général et la flattent du sentiment d’être traitée en instrument intelligent : toutes les paroles qui peuvent toucher les ressorts de l’énergie morale, sont là, et sont seules là. […] Même dans les bulletins, malgré la tension plus solennelle du style, dans ceux surtout des dernières campagnes, je note quelques pensées d’une imagination pareille.

1901. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Richepin a beau être un insurgé, avoir la passion des gros mots et des plus abominables crudités de pensée et de style, la perfection de sa rhétorique nous met en défiance. […] Je m’envelopperai de plus en plus dans l’orgueilleuse solitude de ma pensée. » Oh là là ! […] On sent trop que, dans la pensée même de l’auteur, ce sont surtout des « morceaux » difficiles, des tours de force de poésie lyrico-scientifique.

1902. (1890) L’avenir de la science « V »

Quel est celui qui, après s’être livré franchement à la science, n’a pas maudit le jour où il naquit à la pensée et n’a pas eu à regretter quelque chère illusion ? […] L’homme, en effet, n’est pas pour moi un composé de deux substances, c’est une unité, une individualité résultante, un grand phénomène persistant, une pensée prolongée. […] À cet excès doit aboutir tout ce qui est monopole dans le monde de la pensée, tout ce qui exige pour être compris une sorte de révélation particulière, un sens à part que n’a pas l’humanité.

1903. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

J’ai pu constater que la menace perpétuelle des masses énormes qui les dominent, les emprisonnent et peuvent les étouffer, eux et leur village tout entier, sous un amoncellement de neige, de rocs, de débris, a développé en eux l’imagination aux dépens de la pensée. […] Supposez le problème résolu, les habitants de notre globe pouvant échanger leur pensée avec les habitants de Mars ou de Vénus, si Vénus et Mars sont habités par des êtres intelligents, ce qui est probable. […] C’est enlever aux lecteurs le délicat plaisir de collaborer avec lui, de laisser leur pensée courir à côté de la sienne et au-delà.

1904. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

La dernière scène qui s’annonçait bien, quand Mlle de Clermont déclarait vouloir à tout prix pénétrer jusqu’à M. de Melun blessé et mourant, cette scène est manquée finalement, puisque la princesse se laisse détourner de sa pensée, et qu’elle ne revoit point celui qu’elle aime. […] Il est dommage seulement que, femme d’esprit comme elle était, et femme à principes comme elle voulait être, elle n’ait pas su concilier cette vocation déclarée avec le tact des convenances, le sentiment du ridicule, et de plus avec la droiture et la simplicité des pensées. […] VIII (3e éd.), p. 546 :] De plus (au tome III, p. 34, même édition dernière), à l’article de « Mme de Genlis », un correcteur, croyant bien faire, a tout à fait altéré ma pensée et l’a rendue inintelligible : « En repassant les ouvrages de Mme de Genlis, il me semble (me fait-on dire) que Louis-Philippe est de son côté véritablement historique, le seul par lequel elle continuera de mériter quelque attention sérieuse. » Or, j’avais dit : « En repassant les ouvrages de Mme de Genlis, il me semble que Louis-Philippe est son côté véritablement historique, etc… » C’est ainsi qu’au xviie  siècle, Madame (mère du Régent) écrivait dans une de ses lettres : « La Montchevreuil est le bel endroit de la Maintenon, et le seul que je trouve louable en elle. » En vertu d’une locution analogue, on peut dire que Louis-Philippe est le côté véritablement historique de Mme de Genlis.

1905. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

De grands et hardis esprits ne s’y tiennent pas : ils veulent sonder hors de la sphère où porte notre vue ; ils sondent aussi en eux-mêmes et creusent dans le monde de leur pensée. […] Ces belles paroles, à en bien pénétrer le sens, expriment toute la pensée morale du Code civil et le seul esprit général par lequel il nous soit permis de l’envisager ici. […] Il échappa encore aux vicissitudes de pensées qu’il aurait eu à subir sous des Restaurations passionnées et peu sages, dont il n’eût pu épouser qu’à demi les prétentions et les doctrines ; il échappa à la polémique qu’il aurait eu à supporter de la part des immodérés et des violents pour quelques-uns de ses actes de transaction et de conciliation, les meilleurs même et les plus mémorables.

1906. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

On fera un jour, nous l’espérons bien, un recueil des principaux morceaux de Carrel ; nous souhaitons qu’on le fasse sans préoccupation politique, admettant tout ce qui caractérise la pensée de l’homme à ses divers moments, et ne songeant qu’à éviter le trop d’uniformité. […] Comment concilier ce vœu si français de Carrel, cet élan d’une démocratie qui n’est jamais mieux qu’en uniforme et sous le drapeau, avec la pensée de ces républicains d’Amérique, calculateurs et économes, qui croient que, tout gouvernement étant un mal, il faut rendre ce mal le moindre possible ? […] Laissons donc le détail d’une polémique dans laquelle il devient de plus en plus difficile de distinguer ce qui n’est que machine de guerre d’avec ce qui est pensée ultérieure et but véritable ; et tenons-nous à constater quelques faits qui achèveront de nous donner idée de l’homme.

1907. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Je ne me permets point de juger ce que fait ou ne fait pas la Providence, grand mot dont on abuse, et qui n’est souvent que la déification de notre propre pensée ; mais il me semble que si le gouvernement représentatif n’a pas un type unique et seul bon, et s’il n’est pas lui-même l’unique gouvernement possible, il faut se garder d’offrir toujours des types dans un ordre aussi changeant et aussi divers que celui de l’histoire, et dans lequel le fait donne à la théorie des démentis perpétuels. […] Vain par-dessus tout, il a donné la vanité comme le principe unique de toutes nos actions, de toutes nos pensées, de tous nos sentiments ; et cela est très vrai en général, même pour le plus grand des hommes, qui n’en est que le moins petit. […] Villemain ne s’est montré rhéteur plus accompli (au meilleur sens du mot) que dans ce morceau où il parle précisément contre les rhéteurs, et où il traduit une pensée d’homme d’État.

1908. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Une ode de Malherbe qu’il entendit réciter lui révéla, dit-on, son talent poétique ; il lut nos vieux auteurs, il exprima le suc de Rabelais, il emprunta de Marot son tour, il aima dans Racan un maître ou plutôt un frère en rêverie, et y apprit les élévations de pensée mêlées aux nonchalances. […] Ainsi, dans sa fable de Démocrite et les Abdéritains, il placera sa pensée plus haut que les préjugés du vulgaire. […] [NdA] Pensées de M. 

1909. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Déjà quelques grandes pensées de Condillac ne semblaient plus comprises ; on ne parlait plus de ses découvertes sur la nature de l’âme, ou sur la perception extérieure, et l’ingénieux professeur, qui essayait de le corriger et de le ranimer, réduisait toute la philosophie à la distinction puérile de l’idée claire et de l’idée vague, de la connaissance attentive et de la connaissance involontaire, de la formule et de l’impression. […] La force maîtrisait la France et brisait l’Europe ; excepté dans les sciences de faits sensibles et de quantités chiffrées, toute pensée était méprisée ou proscrite. […] Les murs, les colonnes, les voûtes, les dalles étaient couverts d’hiéroglyphes et d’inscriptions : chaque pouce de pierre enfermait une pensée, et la cité révélée était un livre de granit où s’était consumée toute la vie de tout un peuple.

1910. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

— Je ne puis m’associer à votre pensée, répondit Boris en la regardant. […] Dans sa pensée, il la contemplait avec son charmant sourire, avec son beau et franc regard. […] Il y a longtemps que j’ai en moi une pensée qui n’était pas suffisamment éclaircie. […] En outre, elle n’avait pas même pu, dans sa pensée, accuser son mari, et il ne lui arrivait même pas de songer qu’il n’était pas très aisé de vivre avec lui. […] » La commensale à qui elle s’adressait se sentit embarrassée comme un subalterne qui ne comprend pas bien la pensée de son chef.

1911. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Galloix, Jacques Imbert (1...-18..) »

Sa pensée, toujours déchirée par de laborieux enfantements, n’emplissait qu’à grand-peine les sinuosités du rythme et y laissait souvent des lacunes partout.

1912. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rocher, Edmond (1873-1948) »

Ce sont cueillies les pensées qui cheminent aux heures moroses ou roses de la vie, celles qui font sourire dans les larmes, rayons filtrés par les lourds nuages d’orage, venant illuminer et vivifier l’âme.

1913. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 82

Ce n’est pas qu’il manque d’ordre dans la distribution des faits, qu’on ne trouve des pensées justes, des réflexions utiles, des sentimens vertueux dans le cours de sa narration ; mais son style est pesant, diffus, presque toujours négligé, vicieux, & rampant.

1914. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 444

L’uniformité du style, le peu de noblesse des pensées, le défaut de finesse & même d’imagination, réduisent ce Poëme, plus burlesque que marotique, dans la classe de ces Ouvrages qui ne sont supportables que pour les esprits méchans & les ames corrompues, seuls capables de se plaindre que nous n’ayons pas loué cette infame Production.

1915. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 300

On peut louer ses Ouvrages du côté du savoir, du style & de l’onction ; mais ceux qui aiment l’exactitude dans le Dogme, la conséquence dans les principes, la franchise dans la maniere d’exprimer ses pensées, ne trouveront pas ces qualités dans son Abrégé de l’Histoire de l’Ancien Testament, non plus que dans son Exposition de la Doctrine Chrétienne, condamnée par le Pape.

1916. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Mais en supposant même cette approbation universelle, aussi vraye qu’elle est fausse, je demande à Me D quelle est sa pensée. […] Je sçai de plus que ce philosophe, pour mieux éclaircir sa pensée, fait à tout le sexe un outrage impardonnable. […] Telle pensée qu’ils entendent tous les jours en françois sans y prendre garde, les frappe, les enleve, s’ils viennent à la rencontrer dans un auteur grec. […] Elle allegue en preuve de sa pensée, l’exemple de M.  […] Il inventeroit ainsi mes propres pensées, et il seroit éclairé d’autant plus agréablement, qu’il s’éclairciroit lui même.

1917. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Au bout de chacun de ses baisers se trouvait la pensée de l’enfant ; car tout amour qui n’avait pas l’enfant pour but lui semblait inutile et vilain. […] Paul Bourget, ce serait plus par les mots que par les pensées, cherchant, par exemple, souvent, comme lui, la description d’un de ses personnages dans ses souvenirs des maîtres peintres d’Italie. […] Ne croyez point que ce soit timidité d’esprit : rien n’étonne l’audace de ma pensée. […] Ainsi conclut l’abbé Jérôme Coignard, à qui il sera pardonné bien des libertés de langage et de pensée. […] Les pensées les plus abstraites, comprises par une élite intellectuelle, servent de base et de méthode à tous les travaux scientifiques, littéraires et artistiques contemporains.

1918. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Le père aimait tendrement son fils, et il craignait également de lui transmettre une idée fausse, ou de faire germer dans son esprit des pensées dangereuses. […] « Je ne peux pas encore montrer mon tableau, dit le maître, qui avait surpris la pensée de ses élèves. […] Quant aux pensées dont nous autres réformateurs devons continuellement entretenir nos esprits et notre cœur, nous ne saurions les puiser à des sources trop primitives et trop pures. […] Trop longtemps les tyrans, qui redoutent jusqu’aux images des vertus, avaient, enchaînant jusqu’à la pensée, encouragé la licence des mœurs, étouffé le génie. […] Sous son règne, toutes les pensées, toutes les actions se rapportent à la patrie : mourir pour elle, c’est acquérir l’immortalité ; les sciences et les arts sont encouragés.

1919. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Ainsi, dans plusieurs lettres au marquis de Monti, dans le duché d’Urbin, il se plaint de ne pouvoir garder un serviteur sûr autour de lui, et il conjure le marquis de Monti de lui envoyer un de ses vassaux pour domestique ; il ajoute que, pour prévenir toute pensée de trahison dans ce serviteur étranger, il fallait préalablement l’avertir, au nom du duc d’Urbin son souverain, qu’il serait puni de mort s’il trahit jamais le poète à qui on l’adresse. […] … Je suis trop cruellement tourmenté.… Je ne vois qu’une manière de me rendre la paix de l’âme et de tranquilliser mes pensées.… Et je conjure Votre Seigneurie, par l’ancienne amitié qui exista entre nous, par la grande affection qu’elle me porte et par sa charité chrétienne, d’agir envers moi, dans cette affaire, avec la même franchise qu’Elle m’a toujours montrée ; présentez ma supplique au cardinal de Pise ou à tout autre cardinal attaché à l’inquisition, et ne vous laissez dissuader par personne de présenter ma supplique, sous prétexte que je ne suis pas en parfaite santé d’esprit.… Mais présentez ma supplique au cardinal de Pise.… Employez toute votre influence, toute votre autorité à Rome ! […] » Le reste de la lettre est un désordre si inextricable de mots et de pensées, qu’elle devient complètement inintelligible ; elle se termine par une invocation à Scipion de veiller à la sûreté du Tasse, et de faire intervenir le cardinal de Médicis pour obtenir qu’on lui rende la liberté. […] Ce sentiment perce dans une lettre du Tasse à un de ses amis : « Tu verras de plus, dit-il, dans une lettre écrite par ma sœur, son extrême pauvreté, et la nécessité où je suis de venir à son aide, et comment, dans un si excessif dénuement, moi-même j’ai été obligé cependant de lui donner quelque assistance. » Tous ces motifs, et peut-être aussi le remords d’avoir attristé le cœur de sa constante protectrice Léonora, dont la tendresse survivait à ses propres inconstances, retournèrent ses pensées vers Ferrare. […] Peut-être qu’un peu d’argent apaiserait cette guerre de pensées diverses qui troublent sa tête. » Le Tasse n’attendit pas la réponse, et partit pour les États du duc d’Urbin, mari de Lucrézia d’Este.

1920. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Cette pensée ne fut pas le résultat d’une réflexion, d’une impulsion, d’un raisonnement. […] Ce qui constitue l’essence du talent, le désir de montrer la pensée sous un jour avantageux, leur eût semblé une frivolité, comme la parure des femmes, qu’ils traitaient nettement de péché. […] À la même cause se rattache un autre de mes défauts, une sorte de mollesse dans la communication verbale de ma pensée qui m’a presque annulé en certains ordres. […] Deux points essentiels résumèrent sa pensée. […] Chacun de ses deux cents élèves existait distinct dans sa pensée ; il était pour chacun d’eux l’excitateur toujours présent, le motif de vivre et de travailler.

1921. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

quelle haute pensée a eu la société ancienne de le vouloir défendre à sa noblesse ! […] Mes pensées me font alors l’effet, dans une rivière débordée, de ces petits riens brillants, entraînés au fil du courant, et qui font le plongeon, et qui reparaissent, et qui se divisent et se perdent dans le torrentueux de l’eau. […] * * * — Moi, ma charogne m’est indifférente, et il m’importe peu de pourrir, mais si j’aimais une femme, et que je vinsse à la perdre, il me semble que cette dissolution humoreuse serait un tourment pour ma pensée et mon souvenir. […] Il était allongé sur son divan, dans un état de prostration crispée, qui suit la journée d’un ouvrier de la pensée : Je voudrais écrire un dernier livre, soupira-t-il tout-à-coup, oh un dernier livre ! […] Toute la fin de mon livre aura été écrite, avec la pensée, le pressentiment, que tant d’efforts, de recherches, de travail de style, auront pour récompense l’amende et la prison, et peut-être la privation des droits civiques — que je serais enfin déshonoré par des magistrats français, absolument comme si j’avais été surpris dans une pissotière.

1922. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

— mais, dans ces derniers temps, la notion de l’harmonie dans les choses de la pensée, dans les masses d’un livre, roman ou drame, dans la distribution des faits ou des effets, est absolument tombée de son cerveau, et si je parlais comme lui je dirais qu’elle y a laissé un trou énorme. […] L’ombre. » Un jour, il écrira le mot : « Je », puis il mettra un point, et on criera à la pensée ! […] La raison, la lucidité, la profondeur, le sang-froid, le désintéressement de soi-même, la possession réfléchie de sa pensée, ont été trop radicalement refusées à Victor Hugo pour qu’il puisse faire jamais de la critique. […] Il n’y a que son orgueil, il n’y a que le sentiment de son moi qui puisse maintenant combler le vide de sa pensée. […] La notion qu’Hugo a de la maternité, et qui n’est pas d’hier dans sa pensée, — car madame Fléchard n’est qu’une variante en écho de la Sachette de Notre-Dame de Paris, — est une notion sans vérité et sans grandeur.

1923. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Attiré, fasciné par ses héros, il détache vers eux, petit à petit, sa pensée et sa volonté. […] Jaloux de la parole, le geste court derrière la pensée et demande, lui aussi, à servir d’interprète. Soit ; mais qu’il s’astreigne alors à suivre la pensée dans le détail de ses évolutions. […] Ainsi se résout la petite énigme proposée par Pascal dans un passage des Pensées : « Deux visages semblables, dont aucun ne fait rire en particulier, font rire ensemble par leur ressemblance. » On dirait de même : « Les gestes d’un orateur, dont aucun n’est risible en particulier, font rire par leur répétition. » C’est que la vie bien vivante ne devrait pas se répéter. […] Elle obéit à des lois, ou plutôt à des habitudes, qui sont à l’imagination ce que la logique est à la pensée.

1924. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VIII. Utilité de l’étude du plan et de la composition des ouvrages qu’on lit »

Ce vous sera un exercice plus salutaire, que de faire des cahiers de pensées brillantes et de phrases à effet.

1925. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 115

Sa maniere de traduire est fort libre ; il se contente de présenter en détail les pensées du texte ; ce qui fit appeler chacune de ses Traductions, la Belle infidelle.

1926. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 292

En effet, ses Tragédies & ses autres Poésies ne valent pas mieux que sa Poétique, dont le style, tantôt obscur & emphatique, tantôt diffus & rampant, est très-proportionné à la médiocrité des pensées, & à la foiblesse des principes.

1927. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 357-358

MONTFLEURY, [Antoine-Jacob] né à Paris en 1640, mort en 1685 ; Poëte comique, de qui nous avons plusieurs Pieces, écrites assez facilement, mais souvent déparées par des pensées & des expressions trop licencieuses.

1928. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » p. 399

Le style est aussi médiocre que le fond des pensées est commun.

1929. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Le stile. » pp. 145-146

C’est lui qui décide la réputation des grands écrivains, lorsqu’il se trouve joint à l’élévation dans les pensées, à la noblesse dans les sentimens, à la justesse & à la force dans les raisonnemens, à une belle & brillante imagination.

1930. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Indices et éclats de la pensée libre. —  L’exégèse nouvelle. —  Stuart Mill. —  Ses œuvres. —  Son genre d’esprit. —  À quelle famille de philosophes il appartient […] Renouveler la notion de cause, c’est transformer la pensée humaine ; et vous allez voir, comment Mill, avec Hume et M.  […] Nous allons même plus loin que vous : nous pensons qu’il n’y a ni esprits ni corps, mais simplement des groupes de mouvements présents ou possibles, et des groupes de pensées présentes ou possibles. […] Ils ont essayé de les atteindre et de retrouver par la pensée pure le monde tel que l’observation nous l’a montré. […] Ils ont voulu déduire de leurs théorèmes élémentaires la forme du système planétaire, les diverses lois de la physique et de la chimie, les principaux types de la vie, la succession des civilisations et des pensées humaines.

1931. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Durocher, Léon (1862-1918) »

C’est un barde d’Armor, un trouvère de notre chère Bretagne, un nostalgique des landes… Ses poèmes, qu’il éparpilla, au hasard des revues, un joli trésor… Durocher est poète ; non pas seulement ciseleur de rimes, sertisseur de verbes, gonfleur de bulles irisées, mais très subtil orfèvre, sachant tailler de superbes châsses qu’il orne ensuite des plus précieuses pierreries, pour coucher, dans ces reliquaires, les reines pâles, les jolies reines de pensée et de poésie, vivantes toujours et palpitantes, figées pour ainsi dire dans l’immortalité des vers impérissables.

1932. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Michelet, Victor-Émile (1861-1938) »

Léon Bazalgette Un caractère général de ses vers et de sa prose, c’est la mystérieuse mélodie intérieure dont l’accompagnent les échos de sa pensée, qu’elle soit magnétiquement attirée par l’éternel féminin des choses ou enivré par le flamboiement de l’abstrait.

1933. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rambert, Eugène (1830-1886) »

Il est le représentant, comme Frédéric Bataille chez nous, de ces natures naïves et fortes, nées parmi les pasteurs et les villageois, qui s’élèvent peu à peu par le travail et la méditation jusqu’aux plus hautes régions de la pensée, et à qui la poésie ouvre son domaine enchanté, trop souvent fermé aux heureux de ce monde… [La Revue bleue (17 août 1895).]

1934. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 470-471

Cet Ouvrage, qui n’a fait aucune impression dans le Public, méritoit d’être mieux accueilli ; l’idée en est neuve, le plan bien suivi ; les pensées & les vûes sont pleines de philosophie.

1935. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 484

On n’y trouve pas une seule pensée qui lui appartienne.

1936. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 60

Elles se réduisent, si l’on en excepte ses Couplets à la Princesse de Conti, à des pensées foibles, & le plus souvent à de la Prose rimée.

1937. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 285

On est en droit d'espérer que le goût plus exercé de l'Auteur resserrera davantage son élocution quelquefois diffuse, & en écartera certaines métaphores outrées & captieuses, si l'on peut se servir de ce terme, qui, sans rendre la pensée plus vive, n'y jettent qu'un éclat plus éblouissant que lumineux.

1938. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

A plus forte raison est-ce une joie vive pour le lecteur lorsqu’avec le style le plus naturel l’écrivain exprime les pensées les plus justes et les sentiments les plus vrais. […] Ceux qui ne vivent que dans le moment présent et qui ne s’intéressent point aux œuvres anciennes n’ont guère plus de pensée ni de vie que les insectes éphémères ; mais ceux qui ajoutent à leurs pensées et à leur existence présente la vie des siècles antérieurs, ceux-là s’assimilent la substance des diverses époques de l’humanité, des différents chefs-d’œuvre de toute sorte, et donnent à leur âme plus d’étendue. […] cruelle pensée ! […] Ni l’un ni l’autre ne se lasse de reprendre et de retourner à l’infini leurs pensées et leurs sentiments, qui les enivrent de tendresse et d’honneur. […] Comme le coup de hache de Vulcain, selon la Fable, fit sortir du cerveau de Jupiter Pallas armée, étincelante, ainsi les grands poètes, à coups de style, font sortir de la tête du Peuple sa pensée revêtue d’une armure immortelle.

1939. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 6

Colardeau auroit continué sans doute de joindre au mérite d’une versification heureuse, la chaleur du sentiment, l’énergie des pensées, & la beauté des images.

1940. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 206

Dans ses autres Poésies, c'est une douceur de style, une délicatesse de pensées, une facilité dans la versification, qui le firent surnommer l'Ovide François.

1941. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 216-217

Elles respirent les sentimens les plus doux ; & s'ils ne sont pas toujours exprimés d'une maniere élégante & poétique, on en est dédommagé par la vivacité des tours & la délicatesse des pensées.

1942. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

La pensée en est effrayante. […] L’essentiel est peut-être de s’entretenir de pensées hautes et qui donnent du courage, de l’espérance et de l’amour. […] Il lui faut, devant les yeux, la ligne écrite, pour prendre pleinement conscience de sa pensée et pour la remanier et élaborer. […] « Le livre à sa pensée étranger désormais » ne l’invite plus à de nouvelles triturations. […] Une seule pensée m’absorbait.

1943. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

L’esprit confondu se trouble devant une telle pensée. […] puisque nous sommes sur ce sujet, disons toute notre pensée. […] il est douteux pour moi que Michel-Ange eût incarné la pensée de Dante. […] Loin de moi la pensée d’attaquer la jeunesse ! […] À ce propos, qu’on me permette ici une anecdote qui expliquera ma pensée.

1944. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Dans la pensée réfléchie, durable, permanente, comme refroidie et consistante, d’une nation. C’est cette pensée qu’on appelle la Loi. […] En religion comme en toutes choses qui sont de pensée, il n’y a pas de majorité, ou, si l’on aime mieux, la majorité n’est pas présomption de vérité. […] Des Lettres Persanes à l’Esprit des Lois la pensée de Montesquieu relativement aux choses religieuses a un peu changé. […] Je vous dois tout, excepté ma pensée.

1945. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Goethe, âgé de vingt-trois ans, dans la plénitude et le vague d’un génie qui est à la veille de produire, mais qui hésite encore, le front chargé de nuages et de pensées qui vont en tous sens, le cœur gonflé de sentiments et ne sachant qu’en faire (sera-ce une passion ? […] Un second événement, qui dut lui donner de l’aiguillon dans l’intervalle, fut le mariage de Kestner avec Charlotte, qui s’accomplit vers Pâques 1773 ; non pas qu’il eût du tout, à cette occasion, l’envie de se brûler la cervelle ; il a soin, dans sa correspondance, de rejeter bien loin une pareille pensée, et je crois fort que c’est sincère. […] Tout ce qui est sorti de cette source élevée et débordante y est sincère, et a jailli de l’imagination et de la pensée de Goethe. […] Pour revenir à la correspondance de Goethe avec les époux Kestner, dont le mariage se fit en avril 1773, on y suit assez bien les traces du projet et de la composition, jusqu’au moment où toute la pensée prend flamme.

1946. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Quant aux femmes je ne dis pas qu’elles aient dû et qu’elles puissent inspirer des têtes de Vierges, comme on pourrait en trouer en d’autres pays ; elles sont trop brunes, le regard trop brillant pour cela ; mais elles ont une fermeté d’expression, une démarche si distinguée, une taille si souple, qu’il devait suffire de comprendre la nature dans ce qu’elle a d’élevé pour la traduire en peinture, de manière à laisser dans la pensée du regard quelque chose de noble et de généreux. […] Pour mon compte, je viens de subir une rude épreuve contre laquelle je me roidissais depuis bien longtemps ; elle m’a confirmé dans la pensée que rien n’est plus fatal à un artiste que son éloignement de la multitude et du froissement du monde : l’isolement ne laisse prendre aucun repos à sa pensée dominante ; son sommeil même ne lui procure plus le moindre délassement ; une seule idée le domine sans cesse : elle l’use et l’énerve à force d’y songer, et, au bout du compte, il finit par ne plus savoir où il en est, faute d’objet de comparaison d’une part, et de l’autre parce qu’il ne rencontre plus sur sa route cet imprévu qui donne à chacun de nous la connaissance de sa force. » « Je suis convaincu, mon cher ami, que l’affaiblissement dans lequel je suis tombé est prématuré, que si les circonstances déplorables qui depuis une année ont changé mes rapports avec la société32 ne s’étaient pas présentées, je suis persuadé, dis-je, qu’il m’aurait été possible de soutenir plus longtemps le rang que mes travaux m’avaient assigné. […] Je viens d’avoir, à ce sujet, une longue conversation avec X… ; nous sommes convenus ensemble que c’était là la véritable humilité… » La suite de la correspondance entretenue avec cette même amie, et dont j’ai sous les yeux de nombreux extraits, fournirait bien des pensées semblables qu’on ne s’attendrait nullement à voir exprimées sous sa plume.

1947. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Dans ce manuscrit, chaque pensée principale formait un chapitre, chaque phrase un alinéa. […] Je lus et je me confirmai dans ma pensée ; c’était superbe, mais cela ne portait que sur l’imagination. […] Elle y consentit avec bonté, bien aise, sans doute, de fortifier, par cette rencontre, les chances de la république acceptable et sage qui était à elle-même sa pensée. […] Il ne pensait pas ainsi, car il donna en ce temps-là un dîner célèbre de coalition aux députés les plus illustres par leur éloquence, tels que Berryer, Mauguin, etc., et il porta un toast au dessert dans lequel il dévoila sa pensée. « Du reste, dit-il en terminant, et en buvant à la santé du cardinal de Richelieu, tout ceci finira bientôt, non par un militaire, non par un orateur, mais par un cardinal. » C’était se désigner lui-même comme le terme de la révolution.

1948. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Cependant la Révolution s’apaisait : il rentrait en France, détachait du volumineux manuscrit où s’étaient entassées ses impressions américaines, l’épisode d’Atala (1801) dont le succès était très vif, et publiait en 1802 son Génie, qui semblait donner à la fois un chef-d’œuvre à la langue et une direction à la pensée contemporaine. […] Son dessein était de « prouver que, de toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres ; que le monde moderne lui doit tout ; … qu’il n’y a rien de plus divin que sa morale, rien de plus aimable, de plus pompeux que ses dogmes, sa doctrine et son culte ; … qu’elle favorise le génie, épure le goût, développe les passions vertueuses, donne de la vigueur à la pensée, offre des formes nobles à l’écrivain, et des moules parfaits à l’artiste649…. » Ce vaste dessein d’apologie se développait à travers quatre parties : Dogmes et doctrines, Poétique, Beaux-Arts et Littérature, Culte. […] D’une façon générale, la place que dans le roman, dans la pensée, dans l’histoire même et les ouvrages de philosophie ou d’érudition tient aujourd’hui la peinture de la nature, de Sand à Loti et de Michelet à Renan, cette place a été marquée par Chateaubriand669. […] On a imprimé en 1842 un recueil de ses Pensées et Correspondance : c’est d’un esprit fin, chercheur, de cet esprit qui empêche un homme de rien créer et qui souvent fatigue le lecteur, parfois aussi l’illumine.

1949. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Elle suppose, comme tout mensonge, une contradiction entre l’expression et une partie au moins de la pensée. […] Chacun de nous, même chacun de nos actes, chacune de nos pensées représente un monde auquel il serait adapté, une société dans laquelle il serait bon. […] Et quelle ironie latente dans les pensées du philosophe qui ayant, sinon découvert, du moins mis en lumière mieux que personne avant lui, la lutte pour la vie et son mécanisme, se réjouit doucement en son cœur, et féliciterait volontiers le Dieu bon et sage d’avoir si ingénieusement assuré le développement des êtres ! […] Elle n’est point un procédé pour nous empêcher de sentir, d’aimer, de croire et d’agir, mais plutôt pour éprouver nos impressions, nos pensées et nos volontés.

1950. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coran, Charles (1814-1901) »

Patronné ou plutôt aiguillonné par Brizeux, qui l’avait pressenti poète, il publia en 1840, à vingt-six ans, un premier recueil, Onyx, qui a tout le poli et les purs reflets de la pierre sur laquelle il aime à faire jouer les rimes avec ses pensées.

1951. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Read, Henri-Charles (1857-1876) »

Il sait rendre avec des mots et des tours latins exquis sa mélancolie toute moderne et sa pensée toute personnelle.

1952. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 134

Peut-être les pensées qu’il eût tirées de son propre fonds, n’eussent-elles pas été aussi sublimes que celles de l’Auteur des Provinciales ; mais on peut juger, par ses Ouvrages, qu’il étoit en état de composer un bon Livre, sur un aussi solide fondement.

1953. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 538-539

Nous connoissons de lui un Discours académique sur le Goût, où il s’est encore moins garanti de ces défauts ; à cela près, ce petit Ouvrage ne sauroit être trop estimé pour la délicatesse des pensées & l’élégance de l’expression.

/ 3271