L’abbé Le Dieu n’a pas le dessein de diminuer Bossuet, mais il soumet son illustre maître à une épreuve à laquelle pas une grande figure ne résisterait ; il note jour par jour, à l’époque de la maladie dernière et du déclin, tous les actes et toutes les paroles de faiblesse qui lui échappent, jusqu’aux plaintes et doléances auxquelles on se laisse aller la nuit quand on se croit seul, et dans cette observation il porte un esprit de petitesse qui se prononce de plus en plus en avançant, un esprit bas qui n’est pas moins dangereux que ne le serait une malignité subtile. […] Si l’on publie quelque écrit posthume sans le consulter (comme par exemple la Lettre aux religieuses de Port-Royal), il laisse faire, et, quand c’est fini, il dit : « Pourquoi ne s’est-on pas adressé à moi ? […] Pour moi, qui n’avais rien à demander, mais au contraire un présent à faire, je n’ai pas laissé d’éprouver le froid de son abord et la sècheresse de sa réponse, pour ne pas dire sa gronderie. […] Il laisse les gens de la maison aller à la descente du carrosse, et il se tient dans la première grande salle au haut de l’escalier. […] L’entretien fut aussi très aisé, doux et même gai : le prélat parlait à son tour, et laissait à chacun une honnête liberté ; je remarquai que ses aumôniers, secrétaires et son écuyer parlèrent comme les autres, fort librement, sans que personne osât ni railler ni épiloguer.
On laissait ces vallées paisibles adorer Dieu à leur manière, selon l’esprit, et par une sorte de culte biblique et chrétien tout primitif. […] — Consentiriez-vous à quitter votre patrie, si nous obtenions du duc qu’il vous laissât disposer de vos biens et sortir de ses États avec vos familles ? […] Réfléchissez… Une issue vous reste… Ne vaut-il pas mieux transporter ailleurs le flambeau de l’Évangile dont vous êtes dépositaires, que de le laisser ici s’éteindre dans le sang ? […] Mais aussi il inspira par là à ce prince la confiance de l’attaquer peu après dans une marche sur Saluces, — marche habile et bien calculée ; il prêta flanc exprès dans la route, sauf à laisser l’expédition contre Saluces pour faire face à l’attaquant si celui-ci donnait dans le piège, et le duc céda en effet à la tentation, à l’impatience de combattre, sans attendre l’arrivée de ses secours d’Allemagne. […] Un autre, à sa place, aurait frémi d’être ainsi tenu en laisse après un triomphe ; lui, il s’en accommode, il n’en est pas fâché au fond et s’en lave les mains.
Louis XIV jugea à propos de ne pas laisser Catinat inutile, et, au retour d’Italie, il lui donna le commandement d’une armée sur la Lys. […] Il y a quelque chose d’invisible, et un enchantement perpétuel et impénétrable qui conduit cette machine… Encore une fois je deviens fou, mais mon état ne fait rien au roi… » Je suis forcé de supprimer les détails et les raisons à l’appui. — Et dans une autre lettre du 10 août, Tessé indiquant les mouvements en sens divers et les incertitudes multipliées de Catinat, allait jusqu’à dire : « Le pauvre Pleneuf [le munitionnaire] fait au-delà de l’imagination ; mais les ordres changent trois fois dans un jour ; encore si le bon maréchal voulait se faire servir ou se laisser servir, patience ! […] Ce qui me donne le plus grand déplaisir dans ces tristes conjonctures, c’est que j’en connais les grandes conséquences pour les affaires générales de l’État ; la perte de mes biens me laisserait plus de force à m’en consoler. […] Nous ne finirions jamais si la vigueur de l’esprit et du corps était égale dans tous les âges : joignez à cela que j’ai une infirmité qui ne laisse pas de me rendre dures et pénibles les grandes fatigues à cheval. » Il continua donc de servir, en évitant tout air de plainte. […] Nous laissons à ceux qui ont plus de loisir que nous le soin de démêler le vrai du faux, là où un véritable esprit de critique n’a point encore passé.
Je lui laisserai la douceur et la grâce de les exprimer : la critique exacte aurait à y apporter des correctifs, ou à exiger du moins des explications. […] N’ayant passé par aucune école ou conservatoire, elle n’avait rien de la manière ni des petites mines apprises, et se laissait aller simplement à sa nature fine et naïve. […] Et puis les soirs, au moment où la vie lui laissait un peu de trêve, quand elle revenait à ses souvenirs de théâtre, elle avait toutes sortes d’agréables récits. […] Laissez à chacun son humeur sauvage, et vous, Français, gardez vos brillantes qualités. […] On conçoit que, sous l’impression que laissent de pareils élans, Michelet ait pu lui écrire un jour : « Le sublime est votre nature… » ; et qu’ayant sous les yeux son dernier recueil, il ait écrit à son fils (25 décembre 1859) : « Mon cœur est plein d’elle.
Cependant, pour masquer cette retraite et ne pas céder le champ de bataille aux Russes, qui étaient peut-être assez affaiblis déjà pour nous l’abandonner, Napoléon eut l’idée de laisser Grouchy avec l’arrière-garde, mais en plaçant près de lui Jomini, chargé d’une commission éventuelle. […] Là encore les conseils de son chef d’état-major, qui proposait de laisser une garnison suffisante dans ces deux places, ne sont pas suivis. […] je ne serais pas réduit aujourd’hui à détester la vie, à maudire jusqu’aux faibles rayons de gloire que ma carrière m’a laissé entrevoir un instant. […] La certitude que j’ai un ennemi puissant si près de l’Empereur ne me laisse aucun espoir d’améliorer mon sort. […] — Si ce n’est que cela, soyez tranquille, l’Empereur sait tout ; je vous ai toujours voulu du bien, et si vous me laissez dire à l’Empereur que vous vous soumettez, l’affaire s’arrangera à votre satisfaction. » Elle était arrangée déjà.
Le fleuve qui vient de la droite laisse couler paisiblement devant ma demeure ses ondes salutaires… » Voilà sans doute un harmonieux début pour exprimer le coin du quai des Lunettes ; nous regrettons que l’éditeur n’ait pas fait de nombreux retranchements dans toute cette partie élémentaire qui n’avait d’intérêt que comme échantillon ; tant d’autres peintures franches et fraîches à côté y auraient gagné. […] Les lettres à Sophie se ressentent aussitôt de ce grave événement intérieur ; les post-scriptum à l’insu de la mère s’allongent et se multiplient ; le petit cabinet à jour où l’on écrit ne paraît plus assez sûr et laisse en danger d’être surprise : « Point de réponse, à moins qu’elle ne soit intelligible que pour moi seule. […] Tout cela ne laisse pas de faire diversion ; les tracas domestiques, les embarras intérieurs s’en mêlent. […] Le temps seul fait les parts nettes et sûres : il les fait au sein même de l’écrivain original, mais qui a trop obéi au goût de ses disciples, et qui s’est laissé aller aux excès applaudis. Dans ces pages que les yeux contemporains, atteints du même mal et épris de la même couleur jaunissante, admirent comme également belles, et qu’une sorte d’unanimité complaisante proclame, le temps, d’une aile humide, flétrit vite ce qui doit passer, et laisse, au plein milieu des objets décrits, de grandes plaques injurieuses qui font mieux ressortir l’inaltérable du petit nombre des couleurs légitimes et respectées.
et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] XV Il nous a semblé que rien ne pouvait mieux compléter ces pages laissées inachevées que cette naïve et touchante image des deux natures de poésie et des deux natures de sons que rend l’âme du poëte aux différents âges, reprise d’une des dernières préfaces des Méditations et que les ravissants vers tirés des Destinées de la poésie. […] Or, soit que les fils fussent moins tendus, soit qu’ils fussent d’une nature plus élastique et plus plaintive, soit que le vent soufflât plus doux et plus fort dans l’une des petites harpes que dans l’autre, nous trouvâmes que les esprits de l’air chantaient plus tristement et plus harmonieusement dans les cheveux blancs que dans les cheveux blonds d’enfant ; et, depuis ce jour, nous importunions souvent notre tante pour qu’elle laissât dépouiller par nos mains son beau front. […] Les parties du royaume, où le protestantisme avait laissé le plus de racines, n’étaient qu’un vaste champ de bataille après la victoire, où des commissions ecclésiastiques ambulantes armées à la fois de la parole et du glaive, ramenaient tout par le zèle, par la séduction ou par la terreur, à l’unité de la foi. […] Celui-ci, qu’il présenta pour la première fois à Louis XIV, ne demanda pour toute grâce au roi que de désarmer la religion de toute force coercitive, d’éloigner les troupes des provinces qu’il allait visiter, et de laisser la parole, la charité et la grâce opérer seules sur les convictions qu’il voulait éclairer et non dompter.
Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art. […] Elle s’était laissé asservir, et dans son engourdissement impuissant, en même temps que mourait sa vie nationale, l’image de cette vie — l’art de son théâtre s’évanouissait. […] Enfin, si l’on veut percevoir le contact parfait de cette société et de son théâtre, qu’on se rappelle ces solennités à la fois théâtrales et mondaines, dans le parc du château royal, où les intermèdes dramatiques, les danses, les festins et les musiques se fondaient dans une combinaison délicieuse de fête et de comédie, et dont Molière, dans Les Plaisirs de l’Isle enchantée, nous a laissé une relation qui tient (comme la vie de ce siècle) de l’histoire, du théâtre et du ballet. […] Si l’ostentation désœuvrée des femmes laisse ouverts les salons, qui donc y va, s’il n’est incité par ses affaires ou par le buffet ? […] Nous allons à ce résultat fatal avec une si étonnante vitesse, que je ne conçois pas qu’elle échappe au critique officiel de l’ancien théâtre : il laissait l’autre jour couler ces plaintes d’une touchante mélancolie : « Je me dis quelquefois : quel malheur que les critiques de théâtre ne vivent pas comme les corbeaux deux ou trois siècles… Encore un peu plus outre, comme dit Corneille, et notre heure sera venue.
Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art. […] Elle s’était laissé asservir, et dans son engourdissement impuissant, en même temps que mourait sa vie nationale, l’image de cette vie — l’art de son théâtre s’évanouissait. […] Enfin, si l’on veut percevoir le contact parfait de cette société et son théâtre, qu’on se rappelle ces solennités à la fois théâtrales et mondaines, dans le parc du château royal, où les intermèdes dramatiques, les danses, les festins et les musiques se fondaient dans une combinaison délicieuse de fête et de comédie, et dont Molière, dans les Plaisirs de l’Isle enchantée, nous a laissé une relation qui tient (comme la vie de ce siècle) de l’histoire, du théâtre et du ballet. […] Si l’ostentation désœuvrée des femmes laisse ouverts les salons, qui donc y va, s’il n’est incité par ses affaires ou par le buffet ? […] Nous allons à ce résultat fatal avec une si étonnante vitesse, que je ne conçois pas qu’elle échappe au critique officiel de l’ancien théâtre : il laissait une fois couler ces plaintes d’une touchante mélancolie : « Je me dis quelquefois : quel malheur que les critiques de théâtre ne vivent pas comme les corbeaux deux ou trois siècles… Encore un peu plus outre, comme dit Corneille, et notre heure sera venue.
Nous tâcherons ici, en le suivant, d’imiter sa circonspection, et, dans un sujet entraînant où l’on est à tout moment sur la pente de l’enthousiasme et de la légende, de ne nous laisser guider que par l’amour de la vérité. […] Ce témoignage est formel ; il est d’accord avec la légende, avec la poésie, avec cette statuette pleine de grâce qu’une jeune princesse artiste a laissée de Jeanne d’Arc arrêtant court son cheval à la vue du premier cadavre29. […] « Et lors elle monta sans qu’il se mût, comme s’il fût lié. » Peu s’en faut que le jeune narrateur ne voie déjà du merveilleux dans cette manière dont le coursier de Jeanne se laisse monter par elle près de la Croix. […] Mais si je n’apprends bientôt votre amendement, votre rentrée au sein de l’Église, je laisserai peut-être les Anglais et me tournerai contre vous pour extirper l’affreuse superstition… Le clerc qui lui servait de secrétaire avait pu lui arranger ses phrases, mais ce devait être assez sa pensée. […] Quicherat, une Jeanne d’Arc exposée avec plus de tenue et de simplicité, et sur laquelle la critique pourtant sache garder assez de prise pour n’y guère rien laisser qui ne soit de nature à satisfaire les esprits à la fois généreux et judicieux.
Tel fut constamment le principe de conduite de Buffon, laisser la calomnie retomber sur elle-même. Et reporté vingt-huit ans après sur le même sujet d’attaque en reprenant, dans ses Époques de la nature, ce même ensemble de vues et de travaux : Tâchons néanmoins, disait-il, de rendre la vérité plus palpable ; augmentons le nombre des probabilités ; rendons la vraisemblance plus grande ; ajoutons lumières sur lumières, en réunissant les faits, en accumulant les preuves, et laissons-nous juger ensuite sans inquiétude et sans appel ; car j’ai toujours pensé qu’un homme qui écrit doit s’occuper uniquement de son sujet et nullement de soi ; qu’il est contre la bienséance de vouloir en occuper les autres, et que, par conséquent, les critiques personnelles doivent demeurer sans réponse. […] Il ne se laissa jamais détourner ni distraire un seul jour de cette contemplation et de cette description de la nature, pour laquelle la plus longue existence humaine était si courte encore. […] Ensuite il s’occupera de ceux qui, sans être familiers, ne laissent pas d’habiter les mêmes lieux, les mêmes climats, comme les cerfs, les lièvres, etc. […] Mais si ce détail et cette méthode scientifique laissèrent longtemps à désirer chez Buffon auprès d’un petit nombre d’observateurs avancés, il frappa tout d’abord les esprits par de grandes vues, par les plus grandes qui puissent être proposées à la méditation du physicien philosophe.
Après vingt ans d’absence ou de négligence, en rentrant dans l’héritage paternel, il a à défendre ses intérêts, à regagner ce qu’il a perdu par la mauvaise foi du paysan ; ses voisins ont empiété tant qu’ils ont pu sur lui et lui ont rogné ses terres ; ses fermiers le paient mal, ses marchands de bois ne le paient pas du tout ; il chicane, il menace, il montre qu’il n’est pas homme « à se laisser manger la laine sur le dos » ; enfin, aux champs comme ailleurs, et plus qu’ailleurs, il retrouve la même espèce humaine qui obéit à ses intérêts, à ses cupidités, tant qu’elle peut et aussi longtemps qu’on la laisse faire. […] Decazes qui lui promit justice : « Quand on saura à Tours, écrivait-il à sa femme, que nous avons à Paris des gens qui pensent à nous, on nous laissera tranquilles… Je vois qu’on se fait ici un honneur et une gloire de me protéger. » Il y eut là un moment d’indécision pour Courier et qui tint à peu de chose ; On cherchait à le rallier, il n’était pas encore irréconciliable. […] Quant à savoir s’il a réussi à bien traduire son auteur, je le laisse à de plus doctes et ne dirai que mon impression. […] La tentative de Courier a laissé indécise la question qu’il s’était posée. […] Un grand doute régnait toujours sur cette fin tragique et laissait place à toutes les conjectures.
Et quand je pouvais laisser les arts et les lettres dans leur patrie, car je les y avais fait renaître, je ne l’ai pourtant pas fait. […] » Une seule petite incorrection : « à commencer de Molière », au lieu de « commencer par Molière… » laissait entrevoir la trace d’une plume étrangère. […] Il a un tour de plaisanterie qui lui est propre et qui ne sied qu’à lui… Il aime la solitude, et il est aisé de voir que le goût pour la société ne lui est point naturel : c’est un goût acquis par l’éducation et par l’habitude… Ce je ne sais quoi de solitaire et de renfermé, joint à beaucoup de paresse, rend quelquefois en public son opinion équivoque ; il ne prononce jamais contre son sentiment, mais il le laisse douteux. […] Ce duel changea la situation de Grimm à l’égard de Mme d’Épinay : bon gré, mal gré, il était devenu son chevalier ; il en résulta pour elle un tendre embarras, qui laissa voir presque aussitôt une intime reconnaissance. […] Il a très bien décrit cette vie assez dure et fort magnifique : Nous avons laissé les gros équipages ; malgré cela, à chaque marche, on voit défiler pendant trois heures notre nécessaire le plus indispensable.
Tourguénef en dit le moins possible ; il compte sur ce qu’ajouteront d’attentives intelligences aux brèves indications qu’il donne, et il a raison et le lecteur lui sait gré de tout ce qu’il lui laisse à préciser de tentant et de vague. […] Cependant cette belle organisation porte un germe morbide : Bazarof réfléchit trop constamment ; ce travail d’introspection psychologique le conduit à des idées dangereuses, telles, que si son âme s’en laissait pénétrer, l’action et la vie lui deviendraient impossibles. […] Parmi jour important de demi-émeute, il se laisse enivrer dans un cabaret ; on l’emporte sans connaissance et malade. […] Par ce commerce avec la nature humaine profonde, infiniment fugace et variable, il est resté plein de compassion, s’abstenant également des conclusions optimistes et de la misanthropie, dans une humeur large et patiente, propice à lui laisser découvrir en tout acte et en tout caractère une part de fatalité, quelque chose d’inévitable méritant l’excuse. […] Ce que sa notion des hommes et des choses avait de menu, de nuancé, d’épais, de peu concluant, de peu poussé, le laissait comme en une sorte d’admiration rêveuse pour un spectacle qui lui apparaissait étrangement varié, singulier, multiple surtout et compliqué ; une douce sympathie lui venait pour les êtres qu’il avait connus intimement et confusément comme penché sur eux de trop près, l’intelligence de leurs erreurs, la tristesse de leurs fautes, l’étonnement navré de les apercevoir eux si intensément vivants et complexes, bornés, faibles, isolés, perdus et passagers en ce vaste monde dont le romancier ne parvenait à comprendre ni l’arrangement ni le but, ni l’infinie petitesse.
Qu’est-ce en effet que ce Lorenzo « dont la jeunesse a été pure comme l’or ; qui avait le cœur et les mains tranquilles ; qui n’avait qu’à laisser le soleil se lever et se coucher pour voir fleurir autour de lui toutes les espérances humaines, qui était bon, et qui, pour son malheur, a voulu être grand ? […] Il y eut dans cette vie rapide un favorable moment où, pendant l’intervalle et au lendemain des crises, la fatigue déjà venue laissait pourtant à la parole d’Alfred de Musset toute sa fraîcheur, en même temps qu’il s’y mêlait une finesse nouvelle de pensée, une ironie, une légèreté moqueuse, la plus aisée et la plus française peut-être depuis Hamilton et Voltaire. […] Que manquait-il donc en ces années au poète, bien jeune encore, pour être heureux, pour vouloir vivre et aimer la vie, pour laisser son esprit courir et jouer en conversant sous des regards prêts à lui sourire, et son talent désormais plus calme, plus apaisé, s’animer encore par instants et combiner des inspirations renaissantes avec les nuances du goût ? […] Poète qui n’a été qu’un type éclatant de bien des âmes plus obscures de son âge, qui en a exprimé les essors et les chutes, les grandeurs et les misères, son nom ne mourra pas, Gardons-le particulièrement gravé, nous à qui il a laissé le soin de vieillir, et qui pouvions dire l’autre jour avec vérité en revenant de ses funérailles : « Notre jeunesse depuis des années était morte, mais nous venons de la mettre en terre avec lui. » Admirons, continuons d’aimer et d’honorer dans sa meilleure part l’âme profonde ou légère qu’il a exhalée dans ses chants ; mais tirons-en aussi cette conséquence de l’infirmité inhérente à notre être, et de ne nous enorgueillir jamais des dons que l’humaine nature a reçus.
Mais Ney est pressant, il réclame des forces, il est hors de lui dans son ardeur, il est comme furieux et forcené de tout son arriéré d’action des jours précédents, de tous ses retards de la veille et de l’avant-veille ; il jure, si on le laisse faire, d’en finir à lui seul avec l’armée anglaise. […] Après les deux récits que Napoléon a laissés de la bataille, la narration explicative de M. Thiers répondant à toutes les objections et aux critiques soulevées dans l’intervalle, les discutant et faisant la part de chacune, ne laisse rien à désirer. […] C’est à regret et à mon corps défendant que je me suis vu forcé de toucher ce point littéraire et de goût, à la fin d’un récit où toute littérature s’oublie et cesse, où ce serait le triomphe de la peinture elle-même de ne point paraître une peinture, où l’histoire doit à peine laisser apercevoir l’historien, et où la page la plus belle, la plus digne du héros tombé et de la patrie vaincue avec lui, ne peut se payer que d’une larme silencieuse.
Nous avons jugé comme lui qu’elle n’était pas digne de paroître telle qu’il l’a laissée, à côté des compositions immortelles qui lui ont fait un si grand nom, et nous avons respecté ses intentions en ne la donnant que par extrait, etc. » Et en effet, tout à la fin du tome X de ses œuvres, on reléguait un très-maigre extrait de l’ouvrage. […] La Bruyère, dans une remarque souvent citée, a dit : « L’on écrit régulièrement depuis vingt années : l’on est esclave de la construction ; l’on a enrichi la langue de nouveaux tours, secoué le joug du latinisme et réduit le style à la phrase purement françoise : l’on a presque retrouvé le nombre, que Malherbe et Balzac avoient les premiers rencontré, et que tant d’autres depuis eux ont laissé perdre. […] Certains airs fins et spirituels marquent sur son visage ce qu’il approuve ou ce qu’il condamne, et son silence même est intelligible… » Cette gracieuse analyse continue ainsi durant des pages, et l’on s’y laisse aller sans peine avec lui. […] Nau, d’humeur justicière, et tant d’autres sur le compte desquels le doux railleur Fléchier ne laissera pas de nous égayer ; et puis il y a, de l’autre bord, M. de Caumartin, c’est-à-dire l’homme de cour, de société, l’honnête homme sans préjugé de robe, le juge qui incline le plus qu’il peut à la douceur.
Viardot, dans le choix qu’il a fait, a dû songer surtout à la variété ; les cinq nouvelles qu’il nous offre ont chacune un caractère à part, et appartiennent à un genre différent ; ce qui peut être plus agréable pour le lecteur, mais ce qui ne laisse pas d’embarrasser le critique. […] « Ils marchaient la tête découverte, leurs longues tresses pendantes ; tous avaient laissé pousser leur barbe. […] Il avait disparu sans laisser de trace. » Le petit roman historique de Tarass Boulba se termine véritablement ici ; le chapitre suivant n’est qu’une conclusion horrible et sanguinaire. […] La petite histoire intitulée un Ménage d’autrefois, et qui peint la vie monotone et heureuse de deux époux dans la Petite-Russie, est pourtant d’un contraste heureux avec les scènes dures et sauvages de Boulba : rien de plus calme, de plus reposé, de plus uni ; on ne se figure pas d’ordinaire que la Russie renferme de telles idylles à la Philémon et Baucis, de ces existences qui semblent réaliser l’idéal du home anglais et où le feeling respire dans toute sa douceur continue : Charles Lamb aurait pu écrire ce charmant et minutieux récit ; mais vers la fin, lorsque le vieillard a perdu son inséparable compagne, lorsque le voyageur, qui l’a quitté cinq années auparavant, le revoit veuf, infirme, paralytique et presque tombé en enfance, lorsqu’à un certain moment du repas un mets favori de friandise rappelle au pauvre homme la défunte et le fait éclater en sanglots, l’auteur retrouve cette profondeur d’accent dont il a déjà fait preuve dans Boulba, et il y a là des pages que j’aimerais à citer encore, s’il ne fallait se borner dans une analyse, et laisser au lecteur quelque chose à désirer. — En homme, le nom de M.
Elle ne la laisse subsister que comme une branche de l’histoire, histoire des mœurs, ou histoire des idées. […] Le temps est venu de faire rentrer le moyen âge dans l’unité totale de notre littérature française : et ce serait mal reconnaître les efforts de tant d’érudits spécialistes, que de leur en laisser indéfiniment la jouissance. […] Je n’ai pas voulu faire l’Histoire de la civilisation, ni l’Histoire des idées ; et j’ai laissé de côté des écrits qui pour l’un ou l’autre de ces sujets seraient de premier ordre. […] Je ne pouvais, en aucune partie de ce travail, perdre de vue ni laisser oublier que tous les secours de l’érudition et de la critique, toute l’écriture amassée autour des textes, celle des autres comme la mienne, ont pour fin dernière la lecture personnelle des textes.
Collier583, le Spectateur d’Addison encouragent le goût de moralisation par lequel l’esprit laïque cherche à compenser le vide que laisse l’abolition de l’influence chrétienne. […] J’ai dit quelle impression la vie anglaise tout entière avait laissée en Voltaire. […] Mais l’idole des Allemands, celui qui laisse la trace la plus profonde dans la pensée allemande, c’est le sérieux et sensible, le Suisse et protestant Rousseau. […] Et puis il y avait les correspondances intimes : tous ces étrangers qui passaient à Paris y laissaient des amis avec qui le commerce ne se rompait jamais, et dont les lettres leur portaient le parfum du monde enchanteur qu’ils regrettaient d’avoir quitté.
Le fourbe gagne l’argent et les habits de Pedrolino et d’Arlequin, et les laisse en chemise ; les valets se désolent. […] Isabelle et Flaminia engagent leurs maris à laisser la comédie et à veiller sur leur maison et sur la conduite de leurs femmes ; et ceux-ci répondent que c’est ce qu’ils feront désormais. […] Moi, je le laisserai ou je mourrai. » De même, lorsque le capitaine revient à Silvia, ils n’ont d’autres paroles à échanger entre eux que celles que prêtent à leurs personnages les auteurs des Ingannati : Regardez, messer Spavente, reconnaissez votre page, celui qui s’est fait votre serviteur si fidèle, si dévoué ; celle qui vous a aimé d’un amour si brave et si constant. […] Francesco Andreini et Isabelle laissaient un fils, Giovanni-Battista Andreini, né en 1579, qui se distingua dans l’art qui avait illustré ses parents.
l’annonce et l’expose par le comment et le pourquoi avant de l’accomplir, faut-il donc do toute nécessité que même les esprits les plus hauts et les plus fins du monde entrent en méfiance, laissent percer sous l’ambiguïté de leur jugement une vague accusation de pédantisme et se tiennent à peine de prononcer les mots sacramentels : absence d’inspiration ? […] La sculpture elle-même s’émeut de son immémoriale immobilité, se soucie moins, désormais, de forme que de physionomie, se préoccupe de pensées et fait parler de vives prunelles dans ces orbites que la statuaire grecque laissait creux. […] — « Soyons simples », dites-vous encore ; Ici, et pour conclure, laissez-moi vous demander, Monsieur, ce que vous entendez par la simplicité. […] Je suis impatient de lire les conjectures optimistes que vous laissez pressentir, et je vous prie d’agréer Monsieur, etc.
Bayet laisse à chacun la faculté de cultiver, à ses risques et périls, son « jardin secret ». — « L’art social, dit-il, s’abstiendra d’intervenir aux heures douloureuses de la vie intérieure. Il laissera à chacun sa souffrance grande ou petite, humble ou tragique, intolérable ou légère, durable ou fugitive ; car aucun des intérêts dont il a la garde n’est engagé dans la forme que peut prendre une douleur individuelle109. » Cette réserve faite en faveur du for intérieur de l’individu témoigne de l’esprit libéral de M. […] Bayet déclare en effet qu’en principe, dans tous les cas où il y a conflit entre l’intérêt du groupe et l’intérêt de l’individu, le premier peut être préféré comme étant l’intérêt de tous, même à certains égards de ceux qu’il lèse110. — Une fois ce principe admis, la vie intérieure elle-même, en tant qu’elle a des conséquences pour la vie sociale, risque fort de tomber tout entière sous les prises de la réglementation sociale ; et d’ailleurs, du moment que toute la conduite extérieure de l’individu est sujette à cette réglementation, n’est-ce pas une concession toute platonique, que celle qui consiste à lui laisser la liberté du for intérieur. C’est simplement, au fond, lui laisser les yeux pour pleurer.
Leur vie peu occupée laissait toute liberté à leur imagination. […] Le caractère de ce dernier, droit, sincère, plein de premier mouvement, plaisait à Jésus, qui parfois se laissait aller à sourire de ses façons décidées. […] Habitué à remuer ses souvenirs avec l’inquiétude fébrile d’une âme exaltée, il transforma son maître en voulant le peindre, et parfois il laisse soupçonner (à moins que d’autres mains n’aient altéré son œuvre) qu’une parfaite bonne foi ne fut pas toujours dans la composition de cet écrit singulier sa règle et sa loi. […] Dissimulant la vraie cause de sa force, je veux dire sa supériorité sur ce qui l’entourait, il laissait croire, pour satisfaire les idées du temps, idées qui d’ailleurs étaient pleinement les siennes, qu’une révélation d’en haut lui découvrait les secrets et lui ouvrait les cœurs.
Bien que vite dépassé et oublié, l’ébionisme laissa dans toute l’histoire des institutions chrétiennes un levain qui ne se perdit pas. […] » Jésus avait alors de fines réponses, qui exaspéraient les hypocrites : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin 521 » ; ou bien : « Le berger qui a perdu une brebis sur cent laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres pour courir après la perdue, et, quand il l’a trouvée, il la rapporte avec joie sur ses épaules 522 » ; ou bien : « Le fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu 523 » ; ou encore : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs 524 » ; enfin cette délicieuse parabole du fils prodigue, où celui qui a failli est présenté comme ayant une sorte de privilège d’amour sur celui qui a toujours été juste. […] » — « Laissez-les, dit Jésus ; voulez-vous faire jeûner les paranymphes de l’époux, pendant que l’époux est avec eux. […] Il les laissait dire, et quand on lui demandait s’il entendait, il répondait d’une façon évasive que la louange qui sort de jeunes lèvres est la plus agréable à Dieu 539.
Quelques sentences bientôt recueillies de souvenir, et surtout son type moral et l’impression qu’il avait laissée, furent ce qui resta de lui. […] Ne nous laissons pas égarer par des défiances exagérées en présence d’une légende qui nous tient toujours dans un monde surhumain. […] Marc-Aurèle laisse après lui des livres délicieux, un fils exécrable, un monde qui s’en va. […] Un Apollonius de Tyane, avec sa légende miraculeuse, devait avoir plus de succès qu’un Socrate, avec sa froide raison. « Socrate, disait-on, laisse les hommes sur la terre, Apollonius les transporte au ciel ; Socrate n’est qu’un sage, Apollonius est un dieu 1238. » La religion, jusqu’à nos jours, n’a pas existé sans une part d’ascétisme, de piété, de merveilleux.
La théorie psychologique de l’esprit laisse ma certitude de l’existence de mes semblables exactement ce qu’elle était auparavant : il en est de même pour l’existence de Dieu. […] Laissez-nous donc simplement faire disparaître par la pensée ce support et supposer que les phénomènes restent, et forment les mêmes groupes et les mêmes séries, grâce à quelque autre agent ou même sans aucun agent, si ce n’est une loi interne, et nous arriverons, sans substance, aux conséquences en vue desquelles la substance était supposée. […] « Il existe, prétend-il, une sorte d’harmonie préétablie entre le cours de la nature et la succession de nos idées, et quoique les puissances et les forces par lesquelles la première est gouvernée nous soient pleinement inconnues, nos pensées et nos conceptions ne laissent pas en définitive d’avoir suivi la même marche que les autres objets de la nature. […] A tout prendre, il y a dans sa doctrine plus de solide que dans le pur phénoménisme ; et en tout cas, n’oublions pas qu’il entend laisser la question ouverte.
On va trouver Ménage, on l’exhorte à se rendre à des propositions de paix, à ne laisser subsister, dans ses ouvrages, aucune marque de ressentiment. […] Ils chargèrent de cette occupation le célèbre la Monnoye, qui leur répondit : Laissons en paix monsieur Ménage ; C’étoit un trop bon personnage Pour n’être pas de ses amis. […] Il reconnut même bientôt que le plus sûr moyen de se venger de ses ennemis est de les mépriser, & de laisser un libre cours aux transports de leur haine. […] Il dit que mademoiselle de Scudéri, lorsqu’ils étoient liés, lui avoit communiqué sa carte de Tendre ; & que, se trouvant en train de confidence, il lui avoit également fait celle qu’il avoit autrefois composé quelque chose sur un sujet semblable ; mais que l’habit d’ecclésiastique qu’il portoit l’empêchoit de laisser paroître cette bagatelle.
Outre que c’est déjà un problème de savoir quelle est cette autorité infaillible33, je fais remarquer que cette autorité suprême, quelle qu’elle soit, ne nous assure la sécurité que dans un domaine qui nous touche de très-loin, et nous laisse dans le trouble là où nous aurions le plus besoin de lumières. Je ne suis certainement pas juge de l’importance que peut avoir en théologie dogmatique la croyance à l’Immaculée conception ; cependant il faut avouer que les hommes de nos jours étaient peu troublés par cette question, et qu’ils eussent volontiers attendu l’autre monde pour savoir à quoi s’en tenir à ce sujet ; mais leur conscience d’hommes et de citoyens est tous les jours déchirée par le conflit des anciennes doctrines et des nouvelles, et c’est là-dessus qu’on les laisserait libres, à ce que l’on dit. Au fond, n’en doutons pas, on ne les laisse libres que provisoirement et dans la mesure où l’on a besoin d’eux. […] Ce grand mouvement critique auquel nous assistons ne prouve certainement pas que le spiritualisme ait tort ; mais il prouve, à n’en pas douter, que nos moyens de démonstration sont insuffisants, qu’il y a des lacunes dans nos doctrines, qu’elles ne sont pas complètement appropriées aux lumières de notre temps, qu’elles laissent en dehors d’elles un trop grand nombre de faits inexpliqués, qu’elles se sont montrées trop indifférentes à l’égard des sciences physiques et naturelles, qu’elles ont trop abandonné la nature aux savants, enfin qu’elles ont trop préféré en général l’analyse à la synthèse.
Peut-être les anciens ne mesuroient-ils pas les chants de cette espece là, et laissoient-ils à celui qui battoit la mesure en suivant les principes de l’art rithmique, la liberté de marquer la cadence après tel nombre de temps qu’il jugeoit à propos de réunir, pour ainsi dire, sous une même mesure. […] Le rithme laisse cette liberté au gesticulateur, qui se contente lorsqu’il s’en sert, de compter les temps qu’il laisse vuides, pour ainsi dire, et qu’il marque même quelquefois pour les compter plus sûrement, tantôt par un mouvement de doigt, tantôt par un mouvement de pied, laissant passer ainsi quatre ou cinq tems sans faire aucun mouvement. […] Mais sans discuter la possibilité de ce projet, je me contenterai de dire que les anciens ne pouvoient pas même l’imaginer, parce que leur horlogerie étoit trop imparfaite pour leur laisser concevoir une pareille idée.
La traduction qu’elle accompagne, cette traduction même retouchée, nous la laissons de côté, quitte plus tard, s’il le fallait, à y revenir. […] Il y a un mot heureux de Guizot, et que je souligne parce que Guizot, que je voudrais entraîner, ne se permet guère l’imagination : « Comme un fanal, dans la nuit, brille au milieu des airs sans laisser apercevoir ce qui le soutient, même l’esprit de Shakespeare nous apparaît dans ses œuvres, isolé de sa personne. » Mais c’est justement à cause de la difficulté de saisir la vie de Shakespeare, d’empoigner le pied du fanal caché sous sa lumière, que la pensée la veut, cette vie, et qu’elle s’y obstine. […] En effet, si on ne veut pas rester simplement dans la contemplation extérieure, et par conséquent bornée, des chefs-d’œuvre laissés par le plus grand des poètes dramatiques, il faut pénétrer par l’analyse dans les profondeurs de son talent, qui s’ouvrent toutes, en tout talent, ces profondeurs, sur les choses morales de la vie. […] Guizot l’a touchée, cette question, avec cette hauteur impassible de langage qui peut toucher hardiment à tout et voudrait bien l’amener à la lumière, mais il la laisse bientôt retomber dans les ténèbres qui l’enveloppent, — et ceux qui aiment Shakespeare restent épouvantés, ou du moins inquiets, en face de ces Sonnets, d’un sentiment et d’une expression tellement androgynes qu’on se demande si le génie qui parle ainsi est le génie de l’amour ou le génie de l’amitié… Tel est pourtant l’incomplet de cette histoire et de cette critique que nous a donné Guizot dans cette œuvre, trop courte d’ailleurs, intitulée la Vie de Shakespeare.
Impatienté, je le conçois, de toutes les lectures qu’on nous force à remâcher sur le xviie siècle et qui nous laissent parfaitement tranquilles, Babou s’est dit : « Sont-ils assez éteints ? […] Il laisse cette sottise à Mirabeau embarrassé. […] C’est là ce qui sans doute explique qu’un homme comme lui ait pu se laisser prendre par madame de Sévigné, comme s’il eût été du bois dont on fait les Walckenaer ! […] Elle fut sage, mais elle ne fut pas pure, cette femme qui jouait aux amoureux et qui, dans le livre même de Babou, se laisse manger ses bras nus par de vilains hommes comme Ménage, qu’elle avait raison de ne pas aimer.
Bien avant ce livre, du reste, et avant moi, en 1862, un écrivain catholique, que les hommes du monde appelleraient « un voyant » en matière humaine et littéraire, et les esprits religieux « un mystique » de surnaturelle pénétration, Ernest Hello, avait montré, dans un très beau et très touchant travail de critique, que Michelet était chrétien dans la racine même de son être, et comment le christianisme naturel qu’il avait tout fait pour s’arracher de l’âme aurait, s’il l’y avait laissé, donné à son talent toute la beauté de sa destinée. […] … Desaix ne voulut jamais commander qu’en second, comme Kléber, — ce Kléber qui refusa plusieurs fois le commandement en chef, Kléber, dont Michelet n’a point écrit la vie, qui fit donner son commandement au jeune Marceau, un enfant dans lequel il devinait l’homme, ne partageant avec lui, dit Michelet, que le péril et la responsabilité. — Hoche, après Quiberon et malade, demandait respectueusement au Directoire trois livres de sucre, prises aux immenses magasins laissés sur la plage par les Anglais. […] « Cette palme, — dit-il, en parlant du titre que lui avait décerné Carnot, — il fallait la laisser flottante sur la tête de tous les guerriers de la France ! […] Ne nous laissons pas prendre à cette poésie !
Il a laissé, presque dès son début, des traces trop vives et trop profondes dans l’opinion contemporaine, pour qu’on pût oublier de réunir les écrits dus à cette plume brillante que la mort a si tôt brisée, et qu’il eût brisée lui-même, s’il avait vécu davantage, tant elle satisfaisait peu son âme sainte ! […] Ils ont laissé la littérature de l’homme exclusivement littéraire (Donoso Cortès l’avait été un moment), et ils n’ont pris dans ses travaux que ce que le Catholicisme a animé de son inspiration toute-puissante. […] … Mais laissons là ces dédains factices qui n’ont pas le droit d’exister. […] V Nous avons dit que l’ouvrage principal de Donoso Cortès, le seul qui lui gardera dans la Postérité cette gloire à laquelle il ne tint point durant sa vie, était son Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, et c’est même le seul ouvrage régulièrement composé qu’il ait laissé parmi ses œuvres.
… Seulement, charmant d’indifférence et du goût le plus patricien en ne réclamant pas contre les mensonges de cette commère de renommée à laquelle il ne faut répondre jamais, puisqu’elle se noie bientôt elle-même dans les crachats qu’elle a expectorés, Saint-Maur laissa dire et laissa passer cette troupe de grues que j’appelle le public. […] Assurément, puisqu’il a vécu, il a eu, comme tout homme, ses raisons de pleurer, et même je lui en connais une qui a laissé une trace bien touchante dans les dernières pages de son volume (Date lilia !) […] Rien de moins difficile que de faire pleurer ; Excepté les larmes que l’admiration fait couler, excepté celles de César devant la statue d’Alexandre, je méprise assez cette eau qui coule et je la laisse couler… Saint Maur, qui est d’un naturel trop franc et trop à pleine main pour jamais rien affecter, tempère, sous le dictame de son esprit, les tristesses qui sont le fonds commun de la misérable nature humaine. […] Le Romantisme, rectifié et purifié en lui par la plus charmante des natures, lui a laissé ce qu’il avait de bon : le sentiment de l’idéal, les tendresses vives ou rêveuses, les touches chrétiennes, ici et là, adorables à plusieurs places dans son livre (voir ses Fleurs de Missel), et la race de son esprit a ajouté à tout cela la verve joyeuse, l’observation inattendue et piquante, la bonhomie et le comique enfin.
Ce recueil est un des plus beaux monuments qui ait été élevé en l’honneur des sciences, et l’un des ouvrages qui laissent le plus dans l’esprit le sentiment de son élévation et de sa force. […] Par le même caractère, il devait se faire un plan raisonné du bonheur ; il consentait bien à instruire, mais il voulait plaire ; il ne mettait assez d’intérêt ni à la vérité, ni aux hommes, pour se compromettre : il ne devait donc jamais présenter la vérité avec chaleur ; et son système devait être de la laisser entrevoir plutôt que de la dire. […] Ce qui caractérise l’auteur de ces éloges, c’est une philosophie pleine de fermeté, et quelquefois de hauteur ; une âme qui ne craint pas de se montrer, qui ose afficher son estime ou sa haine, qui ne blesse point les convenances, mais qui, en ôtant à la vérité ce qu’elle a de révoltant, lui laisse tout ce qu’elle a de noble ; un esprit à la fois sage et profond ; l’étendue des idées jointe à la méthode ; un style précis qui n’orne point sa pensée, qui ne l’étend pas, dont la clarté fait le développement, et dont la parure est la force ; et quelquefois l’art de saisir le ridicule et de le peindre avec toute la vigueur que donne le mépris, quand ce mépris est commandé par la raison. […] Ce mélange d’imagination et de philosophie, de sensibilité et de force, ces expressions, tantôt si énergiques et tantôt si simples, ces invocations si passionnées, ce désordre, ces élans, et ensuite ces silences, et, pour ainsi dire, ces repos ; enfin cette conversation avec son lecteur, quelquefois si douce, et d’autrefois si impétueuse, tout cela s’empare de l’imagination d’une manière puissante, et laisse l’âme à la fin dans une émotion vive et profonde.
Soudain elle a laissé libres les fruits naissants des guérets fertiles : la vaste terre a regorgé de feuilles et de fleurs. […] Mais cela même laissait apparaître bien des différences entre l’impétueux génie, la licence effrénée d’Archiloque, et la grâce à la fois épicurienne et savante d’Horace. […] Archiloque le poëte, raconte Plutarque44, se trouvant à Sparte, les Lacédémoniens le chassèrent à l’heure même, pour avoir dit dans ses vers qu’il valait mieux jeter bas ses armes que mourir. » Puis, l’historien ajoutait cette fâcheuse citation du poëte : « Un Thrace s’enorgueillit maintenant du bouclier que moi j’ai laissé bien intact, au coin d’un buisson, contre mon gré sans doute ; mais par là j’évitais la mort. […] Avec la différence des temps, la modération de désir recommandée par le fougueux satirique de Paros sert d’exemple à celle d’Horace49 : « Je ne me soucie nullement, avait dit Archiloque, des trésors de l’opulent Gygès ; jamais je ne fus pris du sentiment de l’envie ; je n’ambitionne pas les grandeurs des Dieux, ni je n’aspire aux pompes de la tyrannie ; je la laisse bien loin en arrière de mes regards. » À cette modération se joint l’abandon au destin, ou à la Providence.
À des degrés inférieurs, il est encore d’honorables places à saisir ; et, quoique le talent se laisse peu conseiller à l’avance, quoiqu’il appartienne à lui seul, dans ce fonds tant de fois remué, mais non pas épuisé, de l’observation naturelle et sociale, de découvrir de nouvelles formes et des aspects imprévus, qu’on nous permette d’exprimer ce seul vœu : c’est qu’il revienne enfin et qu’il s’attache désormais à étudier une nature humaine véritable, une nature saine et non corrompue, non raffinée ou viciée à plaisir, une nature ouverte aux vraies passions, aux vraies douleurs, sujette aux ridicules sincères, malade, quand elle l’est, des maladies générales, et naturelles encore, que tous comprennent, que tous reconnaissent et doivent éviter. […] La Commission exprime donc le vœu que, dans l’avenir, il soit apporté en ce sens à la rédaction de l’arrêté ministériel une modification qui laissera plus de liberté et permettra plus de justesse au travail des Commissions futures. […] Elle laisse à vos soins, monsieur le ministre, de décider dans quelle proportion la récompense doit être décernée à chacun.
Voulez-vous laisser aller la vie au gré du vent qui lui fait doucement parcourir des situations diverses ? […] L’idée qui la domine, laissée stationnaire par les événements, se diversifie de mille manières par le travail de la pensée, la tête s’enflamme et la raison devient moins puissante que jamais. […] Le bruit du vent, l’éclat des orages, le soir de l’été, les frimas de l’hiver ; ces mouvements, ces tableaux opposés produisent des impressions pareilles, et font naître dans l’âme cette douce mélancolie, vrai sentiment de l’homme, résultat de sa destinée, seule situation du cœur qui laisse à la méditation toute son action et toute sa force.
François Coppée, Catulle Mendès, Anatole France, Armand Silvestre, qui, depuis un quart de siècle, règnent despotiquement sur la presse et qui n’ont usé de leur toute-puissance que pour organiser autour des talents indépendants la conspiration du silence, comme s’ils tremblaient de se diminuer en accueillant les jeunes chez qui leur jalousie inquiète ne leur laisse voir que des rivaux ! […] Sa lecture laisse une impression de cauchemar plus angoissante encore que le Biribi de Darien. Chez Darien, on sentait trop le rhétoricien, l’homme de lettres et — pour tout dire — le mauvais garçon… Il laissait trop voir le goût du mal, la coquetterie du vice, une sorte de fanfaronnade malsaine.
Autant avouer que nous ne savons plus nous servir de notre langue et qu’à force d’apprendre celles des autres peuples nous avons laissé la nôtre vieillir et se dessécher. […] Jules Verne, qui le connaît mieux que personne, devrait l’employer toujours et ne pas laisser croire qu’il le juge inférieur en netteté et en beauté au lexique anglais. Que de mots, que de locutions d’une pureté de son admirable : étrace, étambot, misaine, hauban, bouline, hune, beaupré, artimon, amarres, amures, laisser en pantenne, haler en douceur ; voici deux lignes de vraie langue marine83 : « On cargue la brigantine, on assure les écoutes de gui ; une caliourne venant du capelage d’artimon est frappée sur une herse en filin… » Très peu de mots marins appartiennent au français d’origine ; ils ont été empruntés aux langues germaniques et scandinaves, au provençal, à l’italien ; mais leur naturalisation est parfaite, et presque tous peuvent servir de modèle pour le traitement auquel une langue jalouse de son intégrité doit soumettre les mots étrangers.
Il en fit d’abord une tragédie qu’il a laissée à moitié, ensuite un poëme épique qu’il a fini. […] Quoique tous les livres en faveur des parlementaires rebèles eussent été composés par des écrivains plus factieux encore, & que l’esprit seul qui dictoit ces ouvrages dût les rendre méprisables, ils ne laissoient pas de faire des impressions profondes dans les têtes même les mieux organisées. […] Il a laissé des enfans pauvres.
Je crains bien qu’une tête couverte de réseaux de perles et de diamants, ne laisse aucune place à l’épée186. » Ces paroles, adressées à des femmes qu’on conduisait tous les jours à l’échafaud, étincellent de courage et de foi. […] Saint Grégoire de Nazianze190, surnommé le Théologien, outre ses ouvrages en prose, nous a laissé quelques poèmes sur les mystères du christianisme. […] Il y fait l’histoire de sa vie et de ses souffrances… Il prie, il enseigne, il explique les mystères, et donne des règles pour les mœurs… Il voulait donner à ceux qui aiment la poésie et la musique des sujets utiles pour se divertir, et ne pas laisser aux païens l’avantage de croire qu’ils fussent les seuls qui pussent réussir dans les belles-lettres191. » Enfin, celui qu’on appelait le dernier des Pères, avant que Bossuet eût paru, saint Bernard, joint à beaucoup d’esprit une grande doctrine.
L’éducation trop soigneuse qu’il a reçûë lui devient même nuisible, parce qu’elle lui a été l’occasion de prendre l’habitude dangéreuse de laisser penser d’autres pour lui. Son esprit a contracté une faineantise intérieure qui lui laisse attendre des impulsions exterieures pour se déterminer et pour agir. […] Moliere n’avoit point encore fait à cet âge aucune des comédies qui lui ont acquis la réputation qu’il a laissée.
Millerand me laissaient froid. […] Nous nous laissons aller au gré du hasard. […] Laissons les « figures falotes ». […] Hanotaux, archiviste paléographe, n’eût pas laissé M. […] Laissons gronder les moralistes.
Je veux bien qu’à force de volonté il résiste à la mode et la laisse couler, comme une marée, au-dessous de son talent. […] Mais la rivière, la prairie, les bois qu’on a vus dans ses premières promenades laissent au fond de l’âme une impression que le reste de la vie achève et ne trouble pas. […] Pour qu’il ait confiance, laissons-lui désigner ses sous-officiers, son petit état-major secondaire et local. […] Ordinairement on prend au hasard ou l’on se laisse pousser. […] Il a laissé un peu dans l’ombre le faiseur et le charlatan, le gamin et le polisson.
Jamais le sage ne se laissera ravir la liberté d’esprit. […] Son père se borna trop à laisser libre cours à la nature ; il se confia trop au sens commun en philosophie. […] Au premier cas, tout est simple ; il n’y a qu’à laisser aller : ce sont les hommes bien nés. […] Dieu ne laissa pas à ce résidu épars le soin de former le type de ses rapports avec lui. […] Saint-Simon, un peu plus tard, ne s’y laissa pas tromper.
C’en est fait de l’homme, s’il s’y laisse séduire. […] Laissons cette classification incomplète. […] Mais son explication laisse étonné. […] J’ai laissé aller les choses. […] Il faudra qu’il laisse aller la concurrence et qu’il la suive.
La langue poétique gagna pourtant à l’effort ; elle y acquit une habitude plus élevée, plus d’images, plus de couleur ; les ardeurs de Ronsard laissaient une belle trace. […] ne laissera-t-elle pas tout le monde froid ? […] Et d’ailleurs, on voit bien que ce qu’il laissera d’imparfait ne saurait jamais être achevé par homme qui tienne sa place. […] Ceux qui ont dit que la neige est noire ont laissé des successeurs qui, s’ils ne disent la même impertinence, en diront d’autres qui ne seront pas de meilleure mise. […] Ils y ont gagné, Racan et même Maynard, de laisser quelques strophes parfaites, dans le sens de l’imitation d’Horace et selon les règles posées par le chef de l’école restaurée.
Le meilleur écrivain est celui qui traite un grand sujet et s’oublie lui-même pour laisser parler le sujet. » Et plus loin : « Ecrivain, certes, il l’était, et écrivain excellent, car il ne pensa jamais à l’être. […] Il y a aussi une certaine manière d’écrire qu’on peut appeler le style abandonné ; elle laisse les idées et les images se succéder au hasard des événements ou des associations habituelles : c’est le style du récit ; c’est la vraie prose, celle de M. […] Le beau est dans ce qui se voit, le poétique dans ce qui ne se laisse qu’entrevoir. […] Ariane, ma sœur, de quel amour blessée Vous mourûtes, aux bords où vous fûtes laissée ! […] Voici, par exemple, comment Port-Royal avait arrangé la belle phrase sur Archimède : « Il n’a pas donné des batailles, — mais il a laissé à tout des inventions admirables. — Oh !
Si Villemain n’a pas proposé cette année sa loi organique sur l’instruction secondaire, c’est que le roi ne s’en est pas soucié : « Laissons faire, disait-il au ministre, laissons-leur la liberté à tous, moyennant un bon petit article de police qui suffira. » — Le roi est peut-être meilleur politique en disant cela, mais Villemin est meilleur universitaire. — Ces querelles religieuses détournent de la politique active immédiate.
Il n’imite pas les « laisses rythmiques » où s’ébauchent les Squelettes fleuris de M. […] Il casse avec plaisir les ailes du vieil alexandrin, et il savoure je ne sais quelle volupté néronienne à voir sa victime panteler au ras du sol comme un oiseau blessé : Des voix confuses passent à travers la brume… ……………………………………………………… Ce pendant qu’au ciel tranquille un soleil pâlot Sommeillait, qui parfois laissait errer sa bouche À la cime fuyante et sonore du flot.
N’interrompez pas, laissez continuer, vous répondrez. […] N’ayant pas été présent à cette séance, j’aurais vivement désiré faire entendre une protestation au nom des catholiques de nos diocèses ; mais, puisque le Sénat paraît d’avis de laisser M. […] J’engage Monseigneur de Bordeaux à laisser parler l’orateur. […] Si vous concédiez ici au clergé catholique l’enseignement supérieur et les facultés, laisseriez-vous (par compensation) se former de libres facultés laïques ? laisseriez-vous, à certains jours, se convoquer tout à côté et se tenir d’orageux congrès de Liège ?
Blauwaert (Frédéric de Telramund) se tire fort bien de son rôle : sa voix est mordante, excellemment timbrée, et les paroles arrivent toutes au spectateur, encore que la prononciation laisse un peu à désirer. […] Tout d’abord, laissez-moi vous dire combien je suis flatté du cas que vous semblez faire de mon opinion, après celles de mes illustres confrères Gounod, Reyer et Léo Delibes. […] Laissons-nous tranquilles ! […] De grâce, laissons un entrepreneur de spectacles jouer Lohengrin si le cœur lui en dit ! […] Lamoureux, mais il voulait lui laisser le mérite du sacrifice et s’épargner le ridicule de cette interdiction, qu’aucun fait essentiel ne justifie.
D’où viendrait, en effet, que cette relation logique particulière, aussitôt aperçue, nous contracte, nous dilate, nous secoue, alors que toutes les autres laissent notre corps indifférent ? […] Si simple qu’elle paraisse, elle est déjà trop subtile pour se laisser aborder de front. […] Mais nous laisserons de côté les applications immédiates du principe et nous n’insisterons ici que sur des conséquences plus lointaines. […] Imiter quelqu’un, c’est dégager la part d’automatisme qu’il a laissée s’introduire dans sa personne. […] On pensait à des paquets quelconques qui se laisseraient choir et s’entrechoqueraient.
Le chat qui joue avec la souris, qui la laisse chaque fois partir comme un ressort pour l’arrêter net d’un coup de patte, se donne un amusement du même genre. […] Mais la vérité est que si on laisse de côté quelques cas très spéciaux sur lesquels nous reviendrons plus loin, la répétition d’un mot n’est pas risible par elle-même. […] Nous rions de quelque chose que cette disproportion peut, dans certains cas, manifester, je veux dire de l’arrangement mécanique spécial qu’elle nous laisse apercevoir par transparence derrière la série des effets et des causes. […] Il lui suffirait de laisser ses idées converser entre elles « pour rien, pour le plaisir ». […] Un mot suffira parfois, pourvu que ce mot nous laisse entrevoir tout un système de transposition accepté dans un certain milieu, et qu’il nous révèle, en quelque sorte, une organisation morale de l’immoralité.
Tout ce qui lui reste, c’est la volonté de ne tenir à rien et de laisser faire Dieu sans réserve39. » On dira peut-être que ce sacrifice de la personnalité est propre aux âmes tendres, comme celle d’un Fénelon, ou aux âmes ardentes, comme celle d’une sainte Thérèse ; mais la philosophie religieuse la plus sévère se laisse entraîner aux mêmes conclusions. […] L’action de la grâce y domine au point de ne plus guère laisser d’efficacité à la volonté que pour le mal et le péché. […] Quand la pensée s’est élevée jusqu’à la conception de l’Être universel, il lui devient difficile de ne point se laisser aller à toutes les conséquences plus ou moins rigoureuses de cette conception. […] Seulement il faut ici prendre garde de se laisser abuser par les mots. […] Pourquoi la morale se laisse-t-elle ramener, elle aussi, à une simple théorie mécanique des passions où il n’est plus question de liberté, de droit et de devoir ?
La dernière impression que laisse le livre de M. […] Laissons Chateaubriand ; Montaigne préfère Montaigne. […] Lefranc ne laissent à ce propos aucun doute. […] … Laissons-la. […] L’impression qu’il nous laisse et veut nous laisser, un mot la résume : fatalité.
Il a laissé des chefs-d’œuvre à admirer, il n’a pas laissé de modèles à imiter. […] C’était là, à ses yeux, le credo laissé par la Révolution. […] Mais franchement, j’ai soif… Je les boirais d’un seul coup. — Laissez plutôt, laissez que l’humanité libre aille partout ! […] Il savait écouter, il se laissait contredire, il demandait avis. […] Naples ne m’a laissé que de pénibles souvenirs.
Allons-nous cette fois nous laisser convaincre ? […] Lamarck, en de pareilles circonstances, se laissa écraser par Cuvier, en silence et doutant peut-être de lui-même. […] Reinach, et il s’est laissé aller assez souvent à la cruauté d’une ironie qui ne s’exerce pas sans motif. […] N’importe, cela laisse un doute. […] Son effet est pareil à celui des grandes maladies qui vous laissent en un insurmontable état de langueur.
Les choses qui paraissent grandes sous quelque face ont toujours un côté ridicule, qu’il est bon d’apercevoir pour ne pas s’en laisser éblouir. […] Son traité ne suffirait donc pas à l’examen de tous les genres, et c’est en cela seulement qu’il nous laisse encore une tâche à remplir. […] Autant une chose si délicate que le goût se laisse apercevoir, autant il l’a bien saisie. […] Ils présument employer mieux leur temps en créant des ouvrages qu’ils laissent à la méditation des commentateurs. […] Si quelques scènes égayées suspendent agréablement son action pathétique, l’intérêt pressant qui domine laisse à peine à l’esprit le loisir de sourire un moment.
Derôme ne laisse pas d’atteindre quelquefois à la nouveauté. […] Il y en a d’autres, après cela, qui ne laissent pas d’avoir leur intérêt. […] Mais peut-être nous ont-ils laissé plus à dire que l’on ne serait tenté de le croire. […] Les aventures ont glissé sur lui sans y laisser de traces profondes. […] Laissez là le reste des hommes ; qu’ils vivent, mais qu’il n’en soit pas question.
Le beau antique corrige à propos le joli et l’empêche de tourner au coquet… Dans les Élévations, l’auteur peut laisser ouvrir à son lyrisme des ailes qui se seraient brûlées aux bougies d’un salon ; il vole à plein ciel, chassant devant lui l’essaim de strophes et ne redescend que sur les cimes. […] La légende n’a aucune authenticité ; mais elle ne laisse pas d’avoir un peu de vraisemblance.