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886. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

. — Les auteurs répondront que l’historien des Césars n’a pas écrit l’histoire de la société romaine, et que ceux-là qui veulent savoir les mœurs, aux temps des Néron et des Locuste, se résignent à garder dans leur bibliothèque Juvénal à côté de Tacite. […] Elle retrouvera, sous la cendre des bouleversements, cette mémoire vivante et présente que nous a gardée, d’un grand empire évanoui, la cendre du volcan de Naples.

887. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

J’étais monté prendre une pièce de cinq francs, pour que la bonne vieille femme fit un joyeux mardi-gras, puis j’ai réfléchi, que si je donnais à son fils ces cent sous, il les garderait pour quelque chose de sérieux, et j’ai fait acheter des choses à boire et à manger. […] Et dans l’escalier, ne pouvant garder le secret de sa conception, il se retourne tout à coup, et s’appuyant sur la rampe, il me dit : « Eh bien voilà mon idée… il y a de grands poteaux sur le boulevard… la question est de pouvoir obtenir, d’y faire mettre des flammes, sur lesquelles serait imprimé : « La Faustin, le 1er novembre, dans le Voltaire… » Certainement la police interviendra, les fera enlever, mais elles y seront tout un jour.

888. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Tels clichés, abstraits pour celui qui écrit, gardent pour celui qui lit une valeur d’image ; si donc plusieurs métaphores de ce genre se rencontrent liées ensemble par un rapport maladroit, il en résulte un effet de comique assez amusant. […] Dès que le mot et l’image gardent dans le discours leur valeur concrète, il s’agit de littérature : la beauté n’est plus tout entière dans la raison, elle est aussi dans la musique.

889. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Je me rappelais la nuit que je passai à veiller près de son lit — le lit sur lequel gisait son pâle et beau corps, aux lèvres silencieuses et pâles… — Et quel regard singulier me jeta la vieille femme chargée de garder le cadavre, quand elle m’abandonna ce soin pour quelques heures ! […] » « Oui, je suis revenu à Dieu. » et ailleurs, dans cette préface du Romancero qui est sa confession finale, comme l’enfant prodigue, après avoir gardé les pourceaux chez les Hegeltiens : « Le mal de la patrie céleste m’a saisi et m’a entraîné par monts et par vaux, à travers les sentiers les plus ardus de la dialectique.

890. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

. — Lui aussi n’aime pas les romantiques, mais jusqu’à présent il s’est gardé de tout didactisme et il serait bien difficile de reconnaître un dogme précis dans ses critiques. […] Paul Acker s’est soigneusement gardé dans ses Petites Confessions de tout dogmatisme et semble avoir voulu seulement passer pour un reporter.

891. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

S’il étoit permis d’appliquer ici l’idée de l’abbé Galliani que l’histoire moderne n’est que l’histoire ancienne sous d’autres noms, je vous dirois que ces bas-reliefs si purs, si corrects, n’étoient que des copies de mauvais bas-reliefs anciens dont on avoit gardé toute la platitude, pour leur conserver la vénération des peuples. […] Carles Vanloo s’est bien gardé de commettre cette faute dans l’esquisse où le même saint dicte ses homélies à son secrétaire… " mais le tableau est pour une sacristie… " mais lorsqu’on portera le tableau dans la sacristie, est-ce que le st entrera tout seul ?

892. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Il faut toûjours que l’ordre du regime soit gardé entre ces mots, ce qui n’étoit point necessaire en latin où chaque mot pouvoit être transposé. […] Mais comme les syllabes des mots françois ne laissent pas d’être quelquefois longues et bréves dans la prononciation, il résulte plusieurs inconveniens du silence que nos regles gardent sur leur combinaison.

893. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Il s’éloigna, la tête basse et le cœur gros, se disant que : “ Après tout, le baron de Filouze a son rang à garder ». […] Il existe entre ville et cité la même différence qu’entre un homme et un monsieur. — Racine n’eût jamais lâché — à travers un alexandrin — ce substantif mal né de « ville » ; et je me garderai bien de l’infliger à Toulouse.

894. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Une telle indulgence tient à plusieurs causes, et d’abord à la conception même du livre qui, avant tout, veut être littéraire et garder la fidélité de son titre, ensuite à ces illusions de jeunesse que M.  […] Nettement, — à ces deux gros volumes gardés contre la Critique, comme si c’étaient les pommes d’or des Hespérides et qu’on voulût être parfaitement sûr des Atalantes qui vont les ramasser !

895. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Il faut se garder, sans doute, de tenir pour démontré dès à présent que la démocratie soit forcément l’aboutissant de toute évolution sociale : ce serait se méprendre étrangement sur le caractère des lois sociologiques que d’y voir on ne sait quelles « lois d’évolution » qui prédestineraient, par exemple, — quelles que dussent être les circonstances variées de leur développement, — toutes les sociétés à la démocratie. […] « Chez ces peuplades errantes et inorganisées, nous dit Post 21 (les Fuégiens ou les Veddahs, par exemple), un savant préoccupé d’une théorie pourra découvrir aussi bien la promiscuité que la monogamie, la propriété privée, que la propriété collective » — ajoutons l’inégalité que l’égalité. — « En réalité, on n’y trouve rien du tout de cela, mais l’absence même de toute organisation rend possible une infinité de combinaisons qui n’arrivent même pas toujours à se consolider en formes sociales, et auxquelles, en tout cas, il faut se garder d’appliquer nos concepts modernes.

896. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Il a gardé pour Bergson une fidélité filiale. […] Il faut se garder de voir là une métaphore. […] Comme il avait été gardé du langage dévot, ainsi et notamment Corneille a été gardé de cette erreur de calcul qui est au centre du système dévot. […] Si vous gardez le présent libre, seulement alors les autres libertés pourront être ménagées. […] Si vous gardez le présent fécond, seulement alors les autres fécondités pourront être ménagées.

897. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Elle les lui pardonne toutes, excepté celles qui peuvent atteindre et souiller la couronne, qu’elle veut garder intacte pour l’enfant, le petit comte de Zara. […] Gardez-la le plus longtemps que vous pourrez. […] Que de fois, au sortir de son délire, il s’était éveillé sur la poitrine de cette femme qui le serrait étroitement pour mieux le garder ! […] nous ne gardions d’elles, chaînes brisées, Que ces deux anneaux d’or dans ce coffret de fer. […] En tous cas, comme dit Shakespeare : « La postérité, armée de son large van, sait toujours bien garder le grain qui est lourd et laisser envoler celui qui est léger !

898. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Parfois, les historiens de la peinture parlent de leurs sujets en un style propre à effrayer tous ceux qui gardent encore quelques soucis esthétiques. […] Il avait dosé son temps de l’infinitésimale quantité de retard qui lui gardait encore l’aspect de l’extrême politesse. […] Alors, Jack prit un couteau, coupa les oreilles de son ennemi, les fit saler et les garda comme souvenir. […] Elles s’assirent pour nous voir, tristes et sages, Leurs mains jointes semblaient garder leurs cœurs en cages ! […] Flûtes d’avril et de septembre est un des deux ou trois hommes qui gardent pieusement, dans nos cohues affairées et ahuries, le culte de la Beauté.

899. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, la face de la terre eût été changée. » Gardons-nous toutefois d’exagérer : en n’appréciant que les forces morales et les circonstances historiques, M. 

900. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

En reconnaissant que la plupart des traductions ne fournissent que trop de preuves à l’appui de ce système, nous nous garderons bien de l’accueillir en des termes aussi tranchants, aussi dédaigneux ; nous ne le pourrions sans la plus grande injustice et qu’en faisant violence au vrai sens qu’il avait dans l’esprit de Dussault.

901. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Il prête d’admirables cantiques à ce petit nombre d’âmes secrètes et incorruptibles qui ont gardé dans toute sa pureté la foi des anciens jours ; mais il n’exprime pas tout ce qu’il y a d’inquiet et de remuant dans les esprits et dans les cœurs de ce siècle, même les plus sincères, même les plus affamés de croyances.

902. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

M. de Lamartine, le seul dont nous ayons à nous occuper, par cela même qu’il range humblement sa poésie aux vérités de la tradition, qu’il voit et juge le monde et la vie suivant qu’on nous a appris dès l’enfance à les juger et à les voir, répond merveilleusement à la pensée de tous ceux qui ont gardé ces premières impressions, ou qui, les ayant rejetées plus tard, s’en souviennent encore avec un regret mêlé d’attendrissement.

903. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

Comme il fait un temps « à ne pas f… un curé dehors », Buteau préfère garder la maison : « T’inquiète pas !

904. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Il envoie Spacca, déguisé en courrier, porter à Mezzetin une prétendue lettre du père de Celia, dans laquelle il annonce au marchand qu’il est sur le point de venir la chercher et le prie de la garder chez lui au moins une semaine.

905. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Gardez l’indépendance de votre jugement ; mais n’émigrez jamais de votre patrie, ni de fait, ni de cœur.

906. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Quand les qualités d’ordonnance qui forment la base du caractère français (cela apparaît assez dans notre architecture, la symétrie de nos jardins taillés et les lois de notre équilibre, auxquelles se sont toujours soumis nos grands écrivains classiques) ; quand ces qualités d’ordonnance semblaient tout à fait détruites, au contact de poètes allemands si incohérents dans leur frénésie, Zola en garda le goût, et ses romans en portent l’empreinte.

907. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il a fallu, pour triompher de cette tentation nouvelle, toute la crainte qu’a éprouvée l’auteur de ne pouvoir percer la foule de ces noircisseurs de papier, lesquels, même en rompant l’anonyme, gardent toujours l’incognito.

908. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Il se confirme aussitôt dans l’idée de garder toujours l’anonyme, & se hâte d’écrire à Bayle pour lui recommander de nouveau le secret.

909. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

Généralement ils ont gardé le culte de la tradition française et se complaisent à célébrer leur région.

910. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Autour de moi les objets gardent toute la force et toute la variété de leurs couleurs, ils se ressentent moins de la teinte de l’atmosphère et du ciel ; au loin ils s’effacent, ils s’éteignent, toutes leurs couleurs se confondent ; et la distance qui produit cette confusion, cette monotonie, les montre tous gris, grisâtres, d’un blanc mat ou plus ou moins éclairé, selon le lieu de la lumière et l’effet du soleil.

911. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Je ne parle point des tragedies ni même des comedies à longue robe qui, par la gravité qu’elles gardent, tiennent le milieu entre les comedies plaisantes et la tragedie.

912. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

L’œuvre de la science consiste exclusivement à enregistrer le passé et à trouver des procédés mnémoniques qui permettent d’en garder plus facilement le souvenir.

913. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

Négligeons ces démences et gardons notre classification.

914. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Une indignation générale qui n’est point apaisée a succédé à la curiosité inspirée par son livre, et certainement le silence du tombeau aurait mieux valu pour garder sa mémoire que la voix qui vient d’en sortir.

915. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Jules Levallois, l’homme de la critique militante, n’entend pas ainsi les ermites, et sous sa robe d’ermite, à lui, il a gardé encore une main très prête et très propre au combat.

916. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Sous l’antique bannière ardent à se ranger, Il n’en garda pas moins sa haine à l’étranger : Gentilhomme, il resta sujet du roi de France.

917. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

Belmontet a gardé pour sa théorie un peu de l’ivresse de la forte source poétique où sa muse s’est désaltérée.

918. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Même, on disait qu’il avait commencé plus bas encore, et que pour gagner son pain il avait gardé les chevaux des gentilshommes à la porte du théâtre178. […] Comparez à nos sobres écrivains cette phrase que je traduis au hasard dans un dialogue tranquille215 : « Chaque vie particulière est tenue de se garder contre le mal avec toute la force et toutes les armes de sa pensée ; à bien plus forte raison, l’âme de qui dépendent et sur qui reposent tant de vies. […] Les gens du peuple ne suivent pas la ligne droite du raisonnement et du récit ; ils reviennent sur leurs pas, ils piétinent en place ; frappés d’une image, ils la gardent pendant une heure devant leurs yeux, et ne s’en lassent pas. […] La mer entière passerait sur elles qu’elles garderaient la couleur du meurtre. « Ah ! […] Plus il a fait, plus il va faire. « J’ai marché si avant dans le sang, que quand je m’arrêterais, rebrousser chemin serait aussi rebutant que gagner l’autre bord. » Il tue pour garder le prix de ses meurtres.

919. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Ce que nous avons gardé de la statuaire antique n’est presque rien à côté de ce qui a péri. […] Nous n’en gardons qu’une impression totale, et cette impression, conforme au génie de la race, est justement celle d’une fête heureuse et fortifiante. […] Deux sortes de culture les forment en tout temps et en tout pays : la culture religieuse et la culture laïque, et l’une et l’autre opèrent dans le même sens alors pour les garder simples, aujourd’hui pour les rendre compliqués. […] En effet, le corps gardait jusqu’au bout les traces de l’éducation gymnastique ou servile ; on le reconnaissait du premier coup à sa prestance, à sa démarche, à ses gestes, à sa façon de se draper, comme jadis on distinguait le gentilhomme dégourdi et anobli par les académies, du rustre balourd et de l’ouvrier rabougri. […] Ils portaient le voile jusqu’à l’Erechtheion, le plus auguste de leurs temples, véritable reliquaire où l’on gardait le palladium tombé du ciel, le tombeau de Cécrops et l’olivier sacré, père de tous les autres.

920. (1888) Portraits de maîtres

Par contre le même Chateaubriand apporta ou garda bien des préjugés dans l’examen des littératures étrangères ; en cette partie de son œuvre il laissa l’avantage à Mme de Staël. […] On en peut conclure qu’il faut se garder de désespérer les débutants. […] Nous gardons, nous garderons Victor Hugo, mais c’est une fin d’automne bien assombrie pour le déclin du siècle que le départ successif et si rapproché de Quinet, de Michelet, de George Sand6. […] Jusqu’à la dernière heure Michelet a gardé l’ineffaçable jeunesse ; il eût pu, comme le prince d’Illyrie dans Shakespeare, prendre à témoin les roses du printemps. […] Quinet garda toujours le souvenir et parfois la nostalgie du pays natal.

921. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

— Un pharmacien est convaincu de garder en entrepôt 187 caisses de stupéfiants, qu’il débite à l’aide de six complices. […] Dans le cas actuel, plus une maison d’édition est riche, plus elle est généreuse à l’égard des écrivains qu’elle s’attache et qu’elle veut garder par une surenchère. […] Soyons fiers d’être du même sang, de la même terre que les officiers et gardons-nous de toucher à celles de nos institutions militaires qui nous les ont donnés ! […] Les cathédrales du moyen âge nous ont gardé la trace de cette dévotion ouvrière, celle de Chartres en particulier, dont les verrières sont dues à la piété des corps de métier. […] Il serait vain de disserter sur ce qui pouvait en être gardé, et sur ce qui devait en être amendé.

922. (1890) Dramaturges et romanciers

Le premier regard jeté sur la société est toujours vif et profond, et nous gardons toute la vie le souvenir de l’impression charmante ou douloureuse que nous avons ressentie alors. […] Il est venu trop tard pour être engagé dans les rangs du romantisme ; mais l’écho de cette littérature a retenti à ses oreilles, et il en a gardé, il en gardera toujours le souvenir. […] Il a donc absorbé de la littérature romantique tout ce que son goût naturellement sobre pouvait en absorber ; il en a rejeté et comme vomi tout ce que sa nature saine et morale n’a pu supporter, et cependant il a gardé beaucoup de l’aimable poison. […] Ce style est vraiment un peu trop maître de son visage, car il a gardé le même aspect depuis la première page du livre jusqu’à la dernière. […] La réalité ainsi sollicitée fournit en abondance ce qu’on lui demande ; mais comme le romancier, loin de généraliser ces éléments par une conception première, met au contraire tous ses soins à respecter leur particularité, il s’ensuit que ses sujets gardent d’ordinaire le caractère de faits isolés et que les histoires qui en résultent, quelle qu’en soit l’étendue, gardent le rang d’anecdotes.

923. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Ces trois volatiles sont la dernière ressource que j’ai gardée contre la viande des tire-fiacres d’aujourd’hui, contre la faim de demain. […] Et cependant il serait désirable de garder cette enseigne : La République, et de grouper sous ce nom les capacités de tous les partis, noyant dans leur tout l’infini rien du parti républicain. […] Chaque rue est gardée par les hommes du quartier. […] Pendant que Burty, accosté à l’improviste par Mme Verlaine, cause avec elle, des moyens de faire cacher son mari, Mme Burty me confie un secret que m’avait gardé Burty. […] À garder pour une étude provinciale, le souvenir du Pinchinat.

924. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Les livres suivants du Presbytère, qui, à cause de leur spécialité et de leur dimension, ne sauraient s’adresser au gros des lecteurs d’ici, ne gardent pas moins, pour nous autres critiques, un intérêt prolongé et un mérite d’art auquel M. […] Là-bas, les choses ont gardé leur proportion encore ; les bons côtés ne sont pas trop entamés ; la discrétion, le respect de soi-même et des autres, une certaine lenteur à vivre, subsistent et conservent. […] Et je me rappelais ces vers sentis qu’une muse du Léman adressait au noble poëte Mickiewicz, lorsque, hier, la France le disputait à l’humble canton qui n’avait pas désespéré de le garder : Dans nos vergers, tout devient rêverie, Vague bonheur que l’on garde à genoux, Frais souvenir, souci de bergerie, Clos d’une haie ainsi que la prairie ; Plaisirs du cœur que le cœur seul varie ; … Consolez-vous !

925. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Si le ridicule mordait sur l’acier, il fallait en garder un peu pour le 93 de l’évêque et du terroriste ! […] « Elle emportait son enfant, sa fille, espérant la nourrir, l’élever de ses soins, de ses larmes. » L’aubergiste veut bien garder l’enfant de Fantine en sevrage à un prix modéré ; l’enfant se nomme Cosette. […] « Faire cette réponse à la catastrophe, dire cela au destin, donner cette base au lion futur, jeter cette réplique à la pluie de la nuit, au mur traître de Hougoumont, au chemin creux d’Ohain, au retard de Grouchy, à l’arrivée de Blücher, être l’ironie dans le sépulcre, faire en sorte de rester debout après qu’on sera tombé, noyer dans deux syllabes la coalition européenne, offrir aux rois ces latrines déjà connues des Césars, faire du dernier des mots le premier en y mêlant l’éclair de la France, clore insolemment Waterloo par le mardi gras, compléter Léonidas par Rabelais, résumer cette victoire dans une parole suprême impossible à prononcer, perdre le terrain et garder l’histoire, après ce carnage avoir pour soi les rieurs, c’est immense.

926. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

La religion était au premier plan, mais n’excluait rien : le Dauphin lut Térence, pour apprendre à se garder des pièges de la volupté et des femmes. […] Il fut le plus savant des théologiens, et garda jusqu’à sa mort la foi simple, sans nuages et sans doute, d’un petit enfant. […] Au lieu de s’étonner que ce prêtre n’ait pas pensé comme un athée, il vaut mieux remarquer combien sa pensée a su garder de largeur et de liberté sans sortir de l’orthodoxie, et que nulle vérité ne lui a fait peur.

927. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Il repoussa les avantages offerts, voulut se garder libre, et, puisqu’il était catholique et que son don particulier était celui de l’écrivain, fonda un journal catholique : entreprise hasardeuse et qui eut de difficiles commencements. […] Certes ils croyaient que le catholicisme est le salut de la société humaine et, par conséquent, des pauvres ; mais ils semblaient préoccupés moins directement de l’âme des pauvres que de celle des riches, et ils gardaient à ceux-ci, malgré leurs vices et leur indignité, une sympathie et une considération involontaires. […] Les autres étaient si entêtés du régime parlementaire, qu’ils le voulaient même dans l’Église ; préoccupés d’ailleurs de « garder une mesure », de demeurer des « hommes d’aujourd’hui » jusque dans leur croyance. […] Il a dégagé le catholicisme de tout ce qui n’est pas lui, s’étant gardé soit de le compromettre avec la Révolution, soit de prétendre le ramener, comme d’autres « épureurs » de religion, au christianisme des premiers temps.

928. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Dans les passages où Xénophon nous parle de l’oracle intérieur que s’attribuait son maître, il semble n’avoir rien ajouté à ce qu’il croyait la vérité ; mais le sérieux constant de cet esprit positif et borné permet de supposer qu’il n’a pas su distinguer dans les allusions de Socrate ce qu’il y avait de sincère et ce qu’il y avait de feint, la part du témoignage et celle de l’allégorie ; et cette distinction que Xénophon, d’ailleurs crédule et superstitieux, n’a pas su faire, Platon, idéaliste et poète, l’a volontairement dédaignée ; Platon, lui, a si bien compris l’ironie socratique qu’il l’a élevée à la hauteur d’un procédé littéraire ; il a renchéri sur Socrate ; il a greffé son ironie sur celle du maître, les mythes que lui dictait son imagination sur les mythes de l’enseignement socratique ; ce que Socrate avait, divinisé, Platon s’est gardé de le ramener à des proportions humaines ; il se serait privé par là de ressources précieuses pour la partie artistique et inspirée de ses dialogues ; tout prouve d’ailleurs qu’il professait pour la vérité historique un dédain presque absolu ; il était d’avance de l’avis d’Aristote, que « la poésie est plus philosophique que l’histoire183 » ; le fait sensible et particulier n’est pour lui qu’un fragment insignifiant du non-être ; la légende de Socrate était plus vraie, sans doute, à ses yeux, que la vie de Socrate. […]gardez-vous d’en douter, monsieur ! […] S’il parle tout haut, sa phrase n’aura pas l’air de s’adresser à quelqu’un d’absent ; en effet, il n’imagine pas un interlocuteur ; il dit sa pensée tout haut, simplement parce qu’il ne peut la garder en lui, et bien qu’il se sente des auditeurs inutiles ou suspects ; mais ces auditeurs, il ne les voit pas ou il les méprise, parce qu’en lui la passion est momentanément plus forte que la prudence. […] Si notre politique, sur le boulevard, gardait le silence, c’est qu’il se parlait à lui-même, à lui seul, c’est qu’il n’avait rien à dire, ni à la dame qui l’accompagnait, ni à personne.

929. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Les premiers ont toujours l’air de garder un secret, même lorsqu’ils n’ont rien à garder, et les seconds sont si prodigues de leurs confidences, qu’ils ne font que céder au plaisir de parler. […] Toute la nature, flairant l’hiver, gardait une immobilité sibylline. […] Il me semblait, toute proportion gardée, et qu’on ne croie pas que je veuille écraser M.  […] Il ne s’attaquait pas d’ailleurs systématiquement au mariage et gardait une part aux drôlesses. […] Dans les arts, il ne faut pas se chercher au dehors, mais se garder la fidélité.

930. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Je n’ai pas été peu surpris, il y a un ou deux mois, de lire un matin (7 juin 1866), dans le journal intitulé l’Événement et qui n’est censé s’occuper que de sujets à l’ordre du jour, la critique d’un discours que j’avais prononcé autrefois sur la tombe d’un de mes amis, le docteur Armand Paulin, discours qui n’avait pas moins de neuf années de date (ce que le critique se gardait bien de dire), discours oublié de moi-même et que je n’avais jamais songé à recueillir dans aucun de mes volumes de Mélanges, publiés depuis.

931. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

L’idée était si juste et si opportune qu’elle a aussitôt porté fruit et porté coup ; elle a eu l’honneur, dès le premier jour, de soulever les colères de ceux qui possédaient autrefois et dominaient l’entier domaine de l’intelligence humaine et qui, jusque dans leur décadence, quand presque tout leur échappe, voudraient tout garder.

932. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Mais ici, autour de l’idée principale, venaient naturellement se grouper une foule de questions accessoires que l’auteur a négligées et que provoquait l’esprit de l’époque : jusqu’à quel point est légitime et approuvé par le goût cet emprunt d’images étrangères ; en quoi il peut réellement consister ; si c’est en bravant l’harmonie par une foule de mots barbares tirés d’idiomes encore grossiers, ou en reproduisant simplement une pensée naïve, une coutume touchante d’un jeune peuple, si c’est en s’emparant sans discernement des êtres créés dans des mythologies étrangères, ou en ne s’enrichissant que des allégories ingénieuses et faites pour plaire en tous lieux, que le poète imitateur méritera dignement de la littérature nationale ; ou encore, s’il n’y a pas l’abus à craindre dans ce recours trop fréquent à des descriptions de phénomènes ; si Delille, Castel, que l’auteur cite souvent, et les écrivains de cette école qu’il paraît affectionner, s’en sont toujours gardés ; si enfin il n’y a pas souvent cet autre danger non moins grave à éviter, de parler à la nation d’une nature qu’elle ne comprend pas, d’en appeler à des souvenirs qui n’existent que pour l’écrivain, et réduire l’homme médiocrement éclairé à consulter Buffon ou Cuvier pour entendre un vers.

933. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Elle avait un mari à qui elle était fidèle, ce qui ne l’empêchait pas de garder des soupirants qu’elle éludait.

934. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

L’auteur de ce recueil n’est pas non plus Français d’origine ni de naissance ; sorti des vallées vaudoises du Piémont, il appartient à cette antique tribu persécutée, qui a su garder sa primitive croyance.

935. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

… Partout, à toutes les places de son poème, le poète de Mirèio ressemble à quelque beau lutteur qui garderait, comme un jeune dieu, sur ses muscles, lustrés par la lutte, des reflets d’aurore.

936. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Le sage, selon lui, ne devait pas s’obstiner d’appeler sans cesse un Dieu toujours caché ou toujours absent… Le comte Alfred de Vigny, à partir de 1835, garda le silence.

937. (1890) L’avenir de la science « XI »

Si les nations modernes pouvaient trouver en elles-mêmes un levain intellectuel suffisant, une source vive et première d’inspirations originales, il faudrait bien se garder de troubler par le mélange de l’antique cette veine de production nouvelle.

938. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

On doit bien se garder de confondre l’imitation avec ces honteux plagiats, qui n’offrent que des lambeaux arrachés de toutes parts, dont la bizarre réunion présente l’image du Monstre dont parle Horace.

939. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Lorsqu’aux époques plus récentes des civilisations romaine ou grecque, Fustel de Coulange nous montre la réalité sociale du moment en contradiction avec celle qui s’était modelée sur l’ancienne croyance et qui persistait encore dans les lois religieuses et civiles, gardons-nous donc de penser que cette réalité présente, et qui entrait en guerre avec l’ancienne, fût par comparaison meilleure et plus proche de la vérité objective.

940. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Ceux, tels Leconte de Lisle, Mendès aussi et Silvestre, qui toujours ont gardé intact le culte de la Vénus ancienne, adorèrent uniquement les formes pleines et sans ombres, les contours nets, accusés lie la sorte dure et rigide qui caractérise la statuaire grecque.

941. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

A son entrée dans le monde, il fut accueilli par le cardinal d’Auvergne, qui protégeoit les gens de lettres & qui le garda même quelque temps chez lui.

942. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Le disciple bien-aimé, qui avait dormi sur le sein de son maître, avait gardé de lui une image ineffaçable : aussi le reconnut-il le premier après sa résurrection.

943. (1865) Du sentiment de l’admiration

Mais de nos jours combien d’hommes, tristes fanfarons de scepticisme, se font un jeu cruel d’ébranler toutes les convictions, « Ubi soliludinem faciunt sapientiam appellant. » Le mot terrible de Tacite suffit à les définir ces artisans de ruines qui ne s’arrêtant devant aucun objet de croyance se gardent bien de ménager le culte du génie : race éternelle des iconoclastes en qui je reconnais ces soldats d’Alarik qui, violents contemplateurs des Phidias et des Praxitèle, trouvaient leurs plus doux plaisirs à décapiter les marbres des dieux.

944. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Il n’y a que pour Barbaroux qu’il ait gardé la tendresse d’une camaraderie de jeunesse.

945. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Élisabeth, dans Forneron, est la fausse Reine, — la vraie, ce fut Burleigh et Walsingham, — la fausse vierge, la fausse savante, le faux génie et l’odieuse Harpagonne, qui s’assit bassement sur ses trésors, quand toute l’Angleterre se soulevait de patriotisme, lorsqu’il fallut armer une flotte et l’opposer à l’Armada, et qui garda tout, même son prestige, aux yeux de l’Angleterre, dans cet accroupissement honteux.

946. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Il en est d’autres qui l’ont trouvée, leur place au soleil, et qui savent la garder sous tous les soleils et par toutes les températures.

947. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

triste figure, en effet, mais pour tous ceux qui ont gardé un peu d’idéal dans leur pensée, n’écrase-t-elle pas de sa hauteur et de son originalité la face vulgaire de Sancho, l’un des fils de cette mère Gigogne qu’on appelle la Sagesse du Monde, dont tous les enfants se ressemblent, qu’ils se nomment Sancho ou Panurge, Falstaff, Chrysale, Figaro, Pangloss, et même Méphistophélès ?

948. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Un dragon gardait les pommes d’or des Hespérides.

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