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893. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Une dame qui ne connaît pas l’Angleterre, lui demandait des renseignements sur ce pays. […] l’habit noir. — Tu me connais… Au fait, tu n’es pas la seule. […] l’habit noir. — Tiens, tu connais aussi Victorine. […] — Vous me connaissez donc ?  […] En villégiature, les relations se nouent vite, surtout entre personnes qui portent un nom connu.

894. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Le Dominique de Fromentin connaissait cette poésie des dates. […] Il faut faire connaître ces coups d’aile par lesquels il s’y maintient. […] Mais leur vie vraie, comme celle de Montaigne, est de se connaître. […] Elle se tient responsable de cette vie manquée, elle se connaît le devoir de réparer le mal qu’elle a fait. […] Il en a connu la source comme une réalité déficiente, une démission, une timidité.

895. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

On connaît les mouvements des feuilles de l’Acacia, de la Sensitive, etc. […] Mais cette intelligence innée, quoiqu’elle soit une faculté de connaître, ne connaît aucun objet en particulier. […] Et pourtant, si elle ne connaissait rien naturellement, elle n’aurait rien d’inné. Que peut-elle donc connaître, elle qui ignore toutes choses ? […] Dans les deux cas nous avons affaire à du connu qui se compose avec du connu et, en somme, à de l’ancien qui se répète.

896. (1898) La cité antique

De la nécessité d’étudier les plus vieilles croyances des anciens pour connaître leurs institutions. […] Les plus vieilles sont celles qu’il nous importe le plus de connaître. […] Il n’y avait pas d’autre prêtre que le père ; comme prêtre, il ne connaissait aucune hiérarchie. […] Le phalanstère n’y a jamais été connu. […] Tout le monde connaît la légende d’Ulysse dérobant la Pallas des Troyens.

897. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Grimarest a prétendu qu’il ne voulut jamais faire connaître les motifs qui le déterminèrent à se donner un nouveau nom. […] Fouquet, étonné de ce refus, brûla d’en connaître la cause ; il découvrit bientôt, par des agents secrets, les intelligences encore mystérieuses de Louis XIV et de cette femme, qui fit goûter à ce prince le bonheur si doux et si peu connu des rois d’être aimé pour soi-même. […] C’était alors une politesse que les gens de cour prodiguaient aux personnes qu’ils connaissaient le moins. […] Chacun connaît le résultat de la fameuse consultation faite à Vincennes pour Mazarin. […] La Préface de son véritable auteur, Subligny, qui ne se fit pas tout d’abord connaître, nous apprend qu’on l’attribua à Molière.

898. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Mais sa sœur avait connu à Paris un jeune abbé, intelligent et ambitieux, M.  […] Elle est trop connue pour avoir besoin d’être analysée, et trop récente pour pouvoir être jugée. […] Sa vie est peu et mal connue. […] Elle n’inspire rien, elle fait seulement connaître. […] ceux-là seuls n’hésiteraient point qui ne le connaissent pas.

899. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

« Moi seul, je l’ai connu… C’était la bonne partie de moi-même. […] Bayle, plus connu dans le monde littéraire sous le pseudonyme de Frédéric Styndall ». […] Un des hommes qui l’ont le mieux connu et qui en ont parlé dans les meilleurs termes, M.  […] Si encore nous étions seuls à connaître l’affront qui nous est fait ! […] Le pécheur trouve à savourer sa faute un plaisir que les incrédules ne peuvent connaître.

900. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

La terminaison de l’accusatif sert à faire connoître le mot qui marque le terme ou l’objet de l’action que le verbe signifie. […] Mot à mot, l’entendement humain être sujet à la précipitation & au préjugé est une chose assez connue. […] Il est beau pour celui qu’on reprend de quelque faute, de faire connoître son repentir. […] Le sens fait connoître que le sujet ne peut être que urbs : je dirai donc, hoec urbs est vestra, quam urbem statuo. […] ) nous disent que le, la, les, servent à faire connoître le genre des noms, comme si c’étoit là une propriété qui fût particuliere à ces petits mots.

901. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Point : elle a connu trop tôt ou a cru connaître la vanité des choses. […] Il n’a jamais connu de loi. […] C’est une petite étude très générale d’un cas très connu de psychologie. […] Il connaît les hommes et les femmes, et les méprise également. […] J’aime Brichanteau, je le connais, je l’ai rencontré, et son cas m’intéresse.

902. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Je n’ai pas eu l’honneur de connaître ce chansonnier. […] Il connaît peu les Grecs, les Latins et les classiques français ; il ne s’attache pas à une tradition. […] … Le véritable amour ne connaît pas ces obstacles. […] (me dis-je) ceci va se passer dans les milieux ouvriers, que l’auteur doit bien connaître. […] Mais il eut soin de le faire connaître aux Tuileries.

903. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

J’en connais quatre ou cinq où cela est fort remarquable : d’abord le vieil Homère ; mais je ne parle pas de lui. […] J’en connais, je crois, encore un ou deux ; mais je n’ai pas le temps de m’en souvenir. […] Plus tard, on arrive à mieux connaître, à ce qu’on croit, c’est-à-dire trop souvent à moins estimer les hommes ; et si l’on est conséquent, on incline alors pour la politique sévère. […] III) est trop connue et résume le reste. […] Campanella y est taxé d’ingratitude, de légèreté, de charlatanisme effronté et d’insupportable orgueil ; ce sont les inconvénients de plus d’un grand esprit, et on en a connu de tout temps qui avaient peu à faire pour tomber dans ces défauts-là.

904. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Même je préfère ne le connaître que par son livre. […] On connaît son mot : « Je ne loue jamais ce qui m’amuse ». […] Vous connaissez le petit théâtre de la rue Victor-Massé. […] Comme son aïeul, il connut plus d’un tour et valut à son maître un beau château. […] Ces veuves « continuent le commerce du défunt », selon l’épitaphe connue.

905. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Et elle ne la tournera que si elle en connaît la configuration. […] La nature ne dispose en effet ni de l’emprisonnement ni de l’exil ; elle ne connaît que la condamnation à mort. […] Qu’on ne connaisse pas un pays où l’on n’est jamais allé, cela n’a rien d’étonnant. […] Ceux qu’on a le plus de chances de rencontrer sont ceux qu’on veut le moins connaître. […] Le charbon était connu bien avant que la machine à vapeur le convertit en trésor.

906. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Mais, après Homère, et sans parler d’Anacréon trop connu, le poëte ancien qui a le mieux parlé du vin est peut-être Panyasis, de qui l’on n’a que des fragments. […] Car il ne me semble pas vivre, il ne connaît pas la consolation de la vie, le mortel qui, éloignant son cœur du vin, boit quelque autre boisson d’invention nouvelle15. […] Des personnages que nous avons connus très-graves et même moroses (Eusèbe Salverte, par exemple) avaient débuté, grelots en main, sous ce masque de gaieté. […] Béranger, jeune, avant toute célébrité, regardant passer Désaugiers, qu’il connaissait de vue sans être connu de lui, murmurait tout bas : « Va ! […] On chantait à la suite de la pièce les couplets déjà bien connus.

907. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Chaumié, « une des plus propres à la poésie que l’Humanité ait connue ». […] Gabriel Decalandre, auteur de quelques inventions merveilleuses et merveilleusement peu connues. […] Il faut donc voir dans la vie plus fiévreuse, plus incertaine, plus dangereuse, que connaissent les hommes du Nord, la source merveilleuse du flot poétique. […] Vous limitez votre enquête à je ne sais quel passé qui exclut les trois ou quatre cents poètes de Toulouse (que vous connaissez comme moi). […] L’immense majorité de ses habitants continuait pour ces motifs à parler la langue d’oc, n’en connaissait pas d’autre ; et l’explication de M. 

908. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

On a connu des voyants de l’histoire qui par une sorte d’instinct ont su deviner des faits oubliés ou cachés, dont ils auraient été parfois bien embarrassés de démontrer la réalité que l’avenir cependant a mise hors de doute. […] Cet homme a dû chanter tra deri dera, puis tra leri lera, puis luri, lura, comme le prouve le refrain connu de turlurette. […] Il ne lui a plus suffi d’interroger la conscience ; elle a senti la nécessité de connaître les résultats où chaque science particulière aboutit, de relier les phénomènes physiques aux phénomènes moraux, de rattacher par exemple la psychologie à la physiologie. […] qualifie d’étoile, n’a rien à voir avec l’amour ; comme le tas de boue que nous habitons, elle gravite autour du soleil suivant des lois connues, et pas n’est besoin de lui adresser des adjurations suppliantes pour qu’elle accomplisse sa route accoutumée. […] S’il connaît une branche de la civilisation en un moment et en un pays donnés, il possède là de quoi prévoir et retrouver les caractères principaux des autres branches en ce moment et en ce pays.

909. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 371-373

Il est vrai qu’on n’y trouve rien, ou presque rien de neuf ; mais c’est beaucoup de s’attacher aux vérités connues, de les développer & de les mettre à la portée de tous les Esprits. […] Gamaches a donné encore un autre Ouvrage peu connu aujourd’hui, & cependant très-digne de l’être.

910. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — I »

Il nous faut aller jusqu’à conclure qu’il y a identité entre connaître les choses et les connaître autres qu’elfes ne sontet que cette seconde définition de la connaissance implique la connaissance tout entière, selon son mode unique.

911. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Il eût peut-être appris à traiter l’ode de cette manière, s’il eût mieux lu, étudié, compris la langue et le ton de Pindare qu’il méprisait beaucoup au lieu de chercher à le connaître un peu. […] Nous ne connaissons Malherbe que déjà gris et ridé, dans sa verte vieillesse. […] Mais sans Malherbe, sans sa juste et ferme direction, on peut croire que Racan n’eût point été ce qu’on l’a vu, et lui-même, s’adressant à son maître, a dit : « Je sais bien que votre jugement est si généralement approuvé, que c’est renoncer au sens commun que d’avoir des opinions contraires aux vôtres. » Né en 1589 au château de La Roche-Racan, en Touraine, aux confins du Maine et de l’Anjou, Racan, de trente-quatre ans plus jeune que son maître, connut Malherbe étant page de la chambre de Henri IV. […] Son ode intitulée La Belle Vieille est célèbre ; elle s’adresse à une de ces beautés comme nous en avons connu, qui défient les années et dont les retours de saison ont des triomphes comme les printemps : Ce n’est pas d’aujourd’hui que je suis ta conquête : Huit lustres ont suivi le jour que tu me pris, Et j’ai fidèlement aimé ta belle tête Sous des cheveux châtains et sous des cheveux gris. […]     Tu vois de près ta dernière saison ; Tout le monde connaît ton nom et ton visage, Et tu n’es pas connu de ta propre raison.

912. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Daru, son immense facilité et sa capacité laborieuse exercée de bonne heure, toujours appliquée et sans trêve, cette vie de littérature solide et agréable, d’administration infatigable et intègre, d’exactitude et de devoir en tout genre, et dans laquelle il ne manquait jamais à rien ; mais, ajoute quelqu’un qui l’a connu, il ne se plaisait pas également à tout, et c’est ce qui fait son mérite. […] À sa sortie du collège et de retour à Montpellier dans sa famille, il forma avec quelques jeunes gens diversement connus depuis, Fabre (de l’Hérault), Nougarède, etc., une espèce de petite académie qui se réunissait deux fois par semaine, et où l’on traitait des questions de littérature et de philosophie. […] Daru, d’ailleurs, était déjà connu à Paris comme traducteur d’Horace, des Odes, des Épîtres et de l’Art poétique, publiés l’année précédente (1798)93. […] Il avait fait une comédie en trois actes et en vers, Ninon de Lenclos ; Creuzé en avait fait une également, qui avait pris les devants et qu’on représentait au théâtre des Troubadours : elle ne semblait pas la meilleure à ceux qui connaissaient les deux. […] Mais le grand homme, dont le propre est de connaître les hommes mieux souvent qu’ils ne se connaissent eux-mêmes, a distingué en lui, sous l’enveloppe modeste, une capacité supérieure qu’il ne craint pas de forcer et d’élever tout entière jusqu’à lui.

913. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

De son vivant, il a été parfaitement jugé et connu, tant pour ses bonnes qualités que pour ses défauts, pour ses belles et charmantes parties que pour ses folies et ses détestables travers, par des personnes de sa société, et, jusqu’à un certain point, de ses amis. […] L’homme et l’écrivain chez Voltaire sont parfaitement définis et connus, ou du moins peuvent l’être : le combattant et le chef de parti Voltaire continue toujours. […] Elle ne change rien d’ailleurs à ce qu’on connaissait, elle n’y ajoute rien d’imprévu ; avec Voltaire, il ne faut plus s’attendre depuis longtemps à des révélations ; il a tout dit du premier coup. […] Je crois qu’il prévoyait moins cela alors, qu’il n’obéissait à un goût naturel, à un besoin chez lui très caractérisé et qu’ont noté tous ceux qui l’ont bien connu. […] Et Voltaire, ce même homme qui trébuchait ainsi dans le détail, reprenait ses avantages dès qu’il s’agissait d’ensemble ; il était de ces esprits fins et prompts qui devinent mieux qu’il ne connaissent, qui n’ont pas la patience de porter une démonstration un peu longue, mais qui enlèvent parfois tout d’une vue une haute vérité, et qui réussissent alors à l’exprimer de manière à ravir les savants eux-mêmes.

914. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Ceux qui ne l’ont connu que dans la dernière moitié de sa vie ne retrouvaient pas dans ce personnage grand, mince, un peu penché, dans cette figure fatiguée et dont la coloration elle-même était un indice de souffrance, ce qu’il avait pu avoir d’agréments et de grâce dans un âge plus favorisé. […] C’est une vraie misère de vivre sur la terre. » Il a besoin d’un secours extérieur encore, mais, cette fois, de ce secours invisible qui opère par la grâce et moyennant le canal de la prière. « La plus fâcheuse des dispositions, dit-il, est celle de l’homme qui, se méfiant de lui-même au plus haut degré, ne s’appuie pas sur une force supérieure et ne se livre à aucune inspiration ; il est condamné à être nul aux yeux des hommes comme à ses propres yeux. » Il connaissait bien cet homme-là. […] D’où me vient enfin cette suggestion extraordinaire de vérités dont les expressions sont mortes pour mon esprit, même quand il les connaît à la manière ordinaire ? […] Un sourd qui aurait par moments la perception des sons, un aveugle qui aurait le sentiment subit et instantané de la lumière, ne pourraient croire qu’ils se donnent à eux-mêmes de telles perceptions : ils attribueraient ces effets singuliers, et hors de leur mode d’existence accoutumé, à quelque cause mystérieuse… Et il en vient à conclure qu’il faut se mettre, s’il se peut, dans un rapport régulier avec cette grande cause, y disposer toute sa personne et son organisation elle-même par certains moyens : Les anciens philosophes, comme les premiers chrétiens et les hommes qui ont mené une vie vraiment sainte, ont plus ou moins connu et pratiqué ces moyens. […] On a l’aperçu de ce livre, qui est moins un livre de philosophie qu’une peinture morale, livre de naïveté et de bonne foi, nullement d’orgueil, d’où il résulte qu’un homme de plus, et de ceux qui sont le plus dignes de mémoire, est bien connu ; livre à mettre dans une bibliothèque intérieure à côté et à la suite des Pensées de Pascal, des Lettres spirituelles de Fénelon, de L’Homme de désir par Saint-Martin, et de quelques autres élixirs de l’âme.

915. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

J’aurais tort de ne pas connaître votre caractère et qu’il n’y a plus de retour avec vous. […] Mirabeau, à l’origine, admire plus Vauvenargues qu’il ne le connaît, et il se le figure plus philosophe ou moins ambitieux qu’il ne l’est en réalité : il lui fait part de ses sentiments tumultueux en ces années où il hésite encore entre plusieurs carrières, et il paraît envier de loin sa tranquillité d’âme, les jours où il ne la stimule pas : L’ambition, lui dit-il, me dévore, mais d’une façon singulière : ce n’est pas les honneurs que j’ambitionne, ni l’argent, ou les bienfaits, mais un nom, et enfin d’être quelqu’un ; pour cela, il faut être dans un poste. […] Si vous pouviez connaître combien de plaisirs différents nous procure une réputation établie dans ce genre ! […] Serré de près dans ses retranchements, Vauvenargues répond et ne peut dissimuler quelques-unes des idées que nous lui savons sur et contre la littérature : Je n’ignore pas les avantages que donnent les bons commerces ; je les ai toujours fort souhaités, et je ne m’en cache point ; mais j’accorde moins que vous aux gens de lettres : je ne juge que sur leurs ouvrages, car j’avoue que je n’en connais point ; mais je vous dirai franchement, qu’ôtez quelques grands génies et quelques hommes originaux dont je respecte les noms, le reste ne m’impose pas. […] J’en sais plus que vous sur votre propre compte, si vous ne vous connaissez pas une grande étendue de génie.

916. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Au reste, tout cela est imprimé avec un soin très exact et très utile, le latin étant d’un côté et le français de l’autre, avec des chiffres et des tables qui en font connaître le rapport, et il y a de doctes remarques qui sont à la fin, de la composition du traducteur. […] C’est son refrain perpétuel dans ses préfaces qui, à mesure qu’il avance en âge, ne sont plus qu’une longue lamentation : « Il ne suffit pas toujours, disait-il, de faire un bel ouvrage pour en acquérir de la réputation à son auteur, il lui faut encore des amis affectionnés et puissants en crédit pour l’établir dans l’opinion du monde : le peuple n’est pas capable de lui-même d’en connaître le mérite. » Marolles s’estime ainsi victime du mauvais vouloir ou de l’indifférence, à son égard, des principaux oracles de l’opinion ; il croit volontiers à la conspiration du silence. Si on le connaissait, on le goûterait, cette seule idée le console. […] Mais ce n’était pas le compte de Marolles qui, le voyant levé et prêt à partir, le ramena au fait et lui dit d’un air tout chagrin qu’il était surpris de son silence et qu’il aurait voulu connaître son sentiment sur ce dernier ouvrage. […] On connaît la jolie idylle d’Ausone, Les Roses : le poète se promène un matin de printemps dans un jardin, et il y voit les roses briller humides de rosée, les unes s’entrouvrir, les autres se déployer et s’épanouir, d’autres enfin pâlir et s’effeuiller déjà au moment où il parle : Ecce et defluxit rutili coma punica floris     Dum loquor, et tellus tecta rubore micat.

917. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Nous y verrons un à un tous les fils dont se compose la trame la plus solide de l’histoire, le dessous et l’envers de la tapisserie ; nous apprendrons à y connaître au naturel quelques figures de diplomates guerriers, d’hommes d’État, gens d’esprit ou même écrivains originaux, que les récits du dehors et le spectacle de l’avant-scène laissaient à peine soupçonner43. […] Mais il fut et il parut, dans toutes ces charges et conditions de rencontre et de circonstance, avec les qualités de bon sens, de modération et d’humanité qu’on lui connaît, avec un excellent esprit et un zèle qui, dans ses intermittences, avait des accès assez vifs, bien que ne se soutenant pas. […] Il semble vraiment que, comme Alexandre fit pour la bourgeoisie de Corinthe, il n’ait accepté lui-même la mairie de Bordeaux que quand il connut que des maréchaux de France ne l’avaient pas dédaignée. […] Montaigne connaissait de longue main le roi de Navarre. […] La lettre mémorable de Montaigne, écrite au maréchal de Matignon et datée de la nuit du 22 mai, est déjà connue depuis une quinzaine d’années ; elle a été amplement discutée et commentée par plus d’un et par moi-même.

918. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Marie-Antoinette est connue, et tout en gagnant à cette familiarité tendre, respectueuse et soumise, où elle achève de se produire, elle ne se montre à nous par aucun aspect vraiment nouveau. […] Malheureusement pour Monsieur, toutes ces menées commencent à être connues et ne lui laissent ni considération ni affection publique. […] Je veux prévenir cela et vous conjure de croire aux avis d’une mère qui connaît le monde et qui idolâtre ses enfants et ne veut passer ses tristes jours qu’en leur étant utile. […] Il a débuté par un volume sur Starhenberg, et s’est surtout fait connaître par une fort bonne Histoire du prince Eugène de Savoie. […] Ce critique, en se nommant, s’est fait connaître à moi comme un esprit sérieux et même sévère, qui n’entend pas badiner en matière morale ou historique.

919. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Jay estime, que les anciens rédacteurs du Constitutionnel et du Mercure ont connu ; que plusieurs littérateurs de cinquante ans regardent comme aussi ingénieux que modeste ; dont les femmes ont lu le livre de l’Amour, un peu sur la foi du titre, et que les jeunes gens de notre âge se rappellent peut-être avoir vu figurer dans quelque réquisitoire sous la Restauration ; — M. de Sénancour a eu, à tous égards, une de ces destinées fatigantes, malencontreuses, entravées, qui, pour être venues ingratement et s’être heurtées en chemin, se tiennent pourtant debout à force de vertu, et se construisent à elles-mêmes leur inflexible harmonie, leur convenance majestueuse. […] Nodier, avons-nous dit, le connut et le comprit dès l’origine ; Ballanche, qui, parti d’une philosophie tout opposée, a tant de conformités morales avec lui, l’apprécie dignement. […] Il ne faudrait pas se laisser plus loin guider par Oberman pour les faits matériels qui suivent dans la vie de notre philosophe ; mais les faits matériels connus peuvent au contraire diriger le lecteur dans l’intelligence d’Oberman. […] Une demoiselle de la maison, qui s’y trouvait peu heureuse, connut le jeune étranger, s’attacha à lui ; des confidences et quelque intimité s’ensuivirent. […] Je veux bien le connaître ; il aura ma confiance et jusqu’à mon estime : mais il ne sera pas mon ami.

920. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Des Préaux s’y connaît en vers mieux que moi. » Aujourd’hui que ce genre de déférence et de patronage va peu à nos idées, que dans les conditions actuelles il courrait risque d’être peu accepté des hommes de talent, que tout poëte dirait volontiers tout d’abord au maître, s’il y en avait un : « Je m’y connais en matière d’État mieux que toi ; » et que, de leur côté, des gouvernants illustres, et en général capables sur tout sujet, vaquent à beaucoup de choses qu’ils croient plus essentielles que le soin des phrases, lesquelles ils manient eux-mêmes à merveille, qu’arrive-t-il et que voit-on ? […] Je me suis dit souvent qu’on ne connaissait bien un homme d’autrefois que lorsqu’on en possédait au moins deux portraits. […] Quand on ne connaît les gens, surtout ceux de sensibilité et d’imagination, qu’à partir d’un certain âge, et durant la seconde moitié de leur vie, on est loin de les connaître du tout comme les avait faits la nature : les doux tournent à l’aigre, les tendres deviennent bourrus ; on n’y comprendrait plus rien si l’on n’avait pas le premier souvenir. […] Quand on ne connaissait Dante que par son vieux masque chagrin, on avait peine à y reconnaître, ce maître du sourire.

921. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Il me semble donc que lorsqu’on parle d’un artiste et d’un poëte, surtout d’un poëte qui ne représente pas toute une époque, il est mieux de ne pas compliquer dès l’abord son histoire d’un trop vaste appareil philosophique, de s’en tenir, en commençant, au caractère privé, aux liaisons domestiques, et de suivre l’individu de près dans sa destinée intérieure, sauf ensuite, quand on le connaîtra bien, à le traduire au grand jour, et à le confronter avec son siècle. […] Ce petit nombre de faits connus sur les vingt-quatre premières années de sa vie nous mènent jusqu’en 1660, époque où il débute dans le monde littéraire par la publication de ses premières satires. Les circonstances extérieures étant données, l’état politique et social étant connu, on conçoit quelle dut être sur une nature comme celle de Boileau l’influence de cette première éducation, de ces habitudes domestiques et de tout cet intérieur. […] Il fréquente les meilleures compagnies, celles de M. de La Rochefoucauld, de mesdames de La Fayette et de Sévigné, connaît les Lamoignon, les Vivonne, les Pomponne, et partout ses décisions en matière de goût font loi. […] C’est en suivant Boileau dans sa solitude d’Auteuil qu’on apprend à le mieux connaître ; c’est en remarquant ce qu’il fit ou ne fit pas alors, durant près de trente ans, livré à lui-même, faible de corps, mais sain d’esprit, au milieu d’une campagne riante, qu’on peut juger avec plus de vérité et de certitude ses productions antérieures et assigner les limites de ses facultés.

922. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

C’est en lisant le second volume de l’Histoire des Romains, où déjà Caïus Gracchus, si sympathique, semble une ébauche de Jules César, qu’il lui prit envie de connaître M.  […] Car, si l’univers a un but, il faut que ce soit, pour le moins, d’être connu de l’homme et de se réfléchir en lui, puisque, au surplus, les métaphysiciens nous disent que le monde n’existe qu’en tant qu’il est pensé par nous. « Science sans conscience est la ruine de l’âme ». […] Il serait guéri de la vanité, de la haine et de l’envie ; car l’intelligence totale de ce qui est en impliquerait pour lui, j’imagine, la totale acceptation ; et puis, connaissant tout, j’aime à croire que, entre autres choses, il connaîtrait avec certitude que l’intérêt de l’individu coïncide avec celui de la communauté humaine. […] Devenu professeur, je me mis à l’œuvre ; mais, en sondant notre vieux sol gaulois, j’y rencontrai le fond romain, et pour le bien connaître je m’en allai à Rome. […] Et après Sadowa, il avait conseillé de préparer la guerre, à toute occurrence. — Pendant que son fils Albert, âme héroïque de l’aveu de tous ceux qui l’ont connu, partait avec les turcos pour être des premiers à la frontière, M. 

923. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Prononcez le nom d’Héloïse, de La Vallière, chacun les connaît et pourtant est curieux d’en entendre parler encore. […] On connaît son portrait par Coypel, qui l’a peinte en grand appareil de deuil, tenant son urne de Cornélie. […] On le dénonça à l’actrice, qui désira connaître cet original récalcitrant, et qui l’invita, par un gracieux billet, à dîner en tête à tête avec elle. […] Il se la fit lire, et seulement alors il put connaître en entier le cœur de l’amie qu’il avait perdue. […] » Si je suis sérieuse, parce qu’on ne peut être fort gaie au milieu de beaucoup de gens qu’on ne connaît pas : « C’est donc là cette fille qui a tant d’esprit ?

924. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Mme Du Deffand crut devoir prendre ses précautions, et lui dicta assez peu délicatement ses conditions là-dessus, avant de la faire venir près d’elle ; pour quelqu’un qui appréciait si bien son esprit, c’était bien mal connaître son cœur. […] que je voudrais, s’écriait-elle un jour, connaître le faible de chacun !  […] D’Alembert lui-même, si intéressé à bien voir, ne connut le mystère que par la lecture de certains papiers, après la mort de son amie. […] J’en dis de même sur la mort de M. de Mora. » M. de Mora était venu en France vers 1766 ; c’est alors que Mlle de Lespinasse l’avait connu et l’avait aimé. […] je vous hais de me faire connaître l’espérance, la crainte, la peine, le plaisir : je n’avais pas besoin de tous ces mouvements ; que ne me laissiez-vous en repos ?

925. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Ces Fées auxquelles les juges de Jeanne d’Arc attachaient tant d’importance pour la convaincre de commerce avec les malins esprits, et qu’elle connaissait à peine de nom, expriment pourtant l’idée de mystère et de religion qui régnait en ce lieu, l’atmosphère de respect et de vague crainte qu’on y respirait. […] Nourrie dans les idées du temps, elle s’était peu à peu accoutumée à entendre ses voix et à les distinguer comme celles des anges de Dieu et des saintes qui lui étaient les plus connues et les plus chères. […] Enfant, elle ne connaissait dans son endroit qu’un seul Bourguignon, et elle n’aurait pas été fâchée, disait-elle, qu’il eût la tête coupée, si toutefois Dieu l’avait eu pour agréable . […] Quicherat, que, bien que rédigé par les juges et les ennemis, il est plus à l’honneur de la véritable Jeanne que j’appelle primitive, et plus propre à la faire bien connaître, plus digne de confiance en ce qui la touche, que le procès de réhabilitation déjà imprégné et légèrement affecté de légende. […] [NdA] Je veux parler d’une Jeanne d’Arc de la princesse Marie, autre que celle que l’on connaît, et restée à l’état de projet ou de modèle.

926. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Comment ose-t-on se flatter de dévoiler ces mystères sans autre guide que son imagination, et comment fait-on pour oublier que l’effet est le seul moyen de connaître la cause ? […] Nommé en 1739 intendant du Jardin du roi, et associé de l’Académie des sciences en cette même année, Buffon n’était encore connu que par l’une des traductions dont j’ai parlé et par quelques mémoires sur des sujets assez particuliers. […] Dans un Discours sur la théorie de la terre, il cherchait à déterminer au préalable la structure et le mode de formation de ce globe terrestre, théâtre de la vie des animaux et de la végétation des plantes ; il cherchait, d’après les grands faits géologiques alors connus, à en fixer les révolutions successives dès l’origine jusqu’à son état de consistance et de composition actuelle. […] Le troisième volume se couronnait par l’admirable morceau si connu, où le premier homme est supposé tel qu’il pouvait être au premier jour de la Création, s’éveillant tout neuf pour lui-même et pour tout ce qui l’environne, et racontant l’histoire de ses premières pensées. […] Buffon reconnaissait à Montesquieu du génie, mais il lui contestait le style : il trouvait, surtout dans L’Esprit des lois, trop de sections, de divisions, et ce défaut, qu’il reprochait à la pensée générale du livre, il le retrouvait encore dans le détail des pensées et des phrases ; il y reprenait la façon trop aiguisée et le trop peu de liant : « Je l’ai beaucoup connu, disait Buffon de Montesquieu, et ce défaut tenait à son physique.

927. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Rivarol profite de cette indécision apparente ; il le serre de près, et lui propose, pour l’embarrasser, ce dilemme connu, qui se résume en deux mots : Tout ou rien ! […] plus on a connu le monde, ses fantômes et ses vains prestiges, plus on a senti le besoin d’une grande idée pour élever son âme au-dessus de tant d’événements qui viennent la décourager ou la flétrir. […] Arrivons au ministre maintenant, c’est-à-dire à l’homme moral dans le ministre, et connaissons-le. […] Necker qui le donne à connaître à fond comme homme et comme politique, c’est l’apologie de son administration écrite par lui-même en 1791, aussitôt après sa retraite en Suisse et avant que la Révolution ait produit ses derniers excès. […] Le fameux Necker, qui était dans cette ville, brigua l’honneur d’être présenté au Premier consul de la République française : il s’entretint une heure avec lui, parla beaucoup du crédit public, de la moralité nécessaire à un ministre des Finances ; il laissa percer dans tout son discours le désir et l’espoir d’arriver à la direction des finances de la France, et il ne connaissait pas même de quelle manière on faisait le service avec des obligations du Trésor.

928. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

voilà certainement, pour qui le connaît bien, Henri Heine tel qu’il a été dès sa jeunesse, tel qu’il est de constitution et d’essence, malgré lui-même, malgré l’Allemagne, malgré les Universités, malgré Hegel, malgré tous les milieux qu’il a traversés et qui l’ont dominé, quoiqu’ils lui fussent très inférieurs. […] il n’est pas vrai que la Critique de la raison par Kant, qui a anéanti les preuves de l’existence de Dieu telles que nous les connaissions depuis Anselme de Cantorbéry, ait anéanti en même temps l’idée même de l’existence de Dieu. […] Dans les Virtuoses des concerts particulièrement, lui, ce virtuose de l’ironie, nous joue un air sur Véron, sur cet homme que, pendant un si grand nombre d’années, tous les gens d’esprit de France et de Navarre se renvoyèrent comme une balle du jeu de paume de la moquerie, et nous parierions bien que cet air, depuis longtemps exécuté pour la première fois, le bourgeois de Paris, qui doit tamponner ses oreilles avec du coton, selon l’usage de tous les bourgeois, l’entend cependant toujours, de ces jolies oreilles que nous connaissons. […] Il tenait aux circonstances et aux passions d’un temps qui s’en allait en guerre, comme Marlborough, contre toutes les grandes et respectables choses établies, et qui ne connaissait pas la céleste rêverie que, depuis, nous avons appris à connaître… La gloire de Voltaire, c’est le bruit de toutes les ruines qu’il a faites. […] En vain nous dit-il, entre deux morsures du mal sous lequel il a succombé, que « malgré ses souffrances, il est gai, et que les pensées joyeuses le hantent », je ne connais, moi, rien de plus navrant que ces lettres dans lesquelles l’enchanteur intellectuel qu’il était, en conversation aussi animé, aussi éclatant, aussi poète que dans ses livres, sent la paralysie lui infliger l’affreux mutisme de l’impuissance, et se peint tête à tête avec sa femme deux heures durant, sans pouvoir rien lui dire, lui qui l’adore !

929. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

La note chantante d’Alfred de Musset nous était si connue et si chère dès le premier jour, elle nous était allée si avant au cœur dans sa fraîcheur et sa verte nouveauté, il était tellement, avec plus de jeunesse, de la génération dont nous étions nous-même, génération alors toute poétique, toute vouée à sentir et à exprimer ! […] On connaît trop bien cette histoire, devenue une fable, pour que ce soit une inconvenance de la rappeler en passant ; ce n’est point aux poètes de nos jours, aux enfants du siècle qu’il faut appliquer une discrétion dont ils ont si peu fait usage. […] Quand j’ai connu la vérité. […] [NdA] Quelqu’un, à moi de bien connu, qui fut un moment compagnon de Musset dans cette vie d’imagination et d’effréné désir, a osé encore écrire une pensée que je surprends et que je dérobe, une pensée qui exprime à souhait, et plus qu’à souhait, cette forme de déréglement et de fureur passionnée si chère à la génération dite des enfants du siècle : « Je me fais quelquefois un rêve d’Élysée ; chacun de nous va rejoindre son groupe chéri auquel il se rattache et retrouver ceux à qui il ressemble : mon groupe, à moi, je l’ai dit ailleurs, mon groupe secret est celui des adultères (moechi), de ceux qui sont tristes comme Abbadona, mystérieux et rêveurs jusqu’au sein du plaisir et pâles à jamais sous une volupté attendrie. — Musset, au contraire, a eu de bonne heure pour idéal l’orgie, la bacchanale éclatante et sacrée ; son groupe est celui de la duchesse de Berry (fille du Régent), et de cette petite Aristion de l’Anthologie qui dansait si bien et qui vidait trois coupes de suite, le front tout chargé de couronnes : “κώμοι και μανίαι, μέγα χαίρετε…” (Anthol. palat.

930. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

. : Tu seras sous les ordres du général Kléber, et tu seras charmé de connaître ce brave républicain. […] Tâche de connaître la force de la Chartreuse8. […] Je ne cherche à jeter de la défaveur sur personne, mais un jour chacun de ceux qui ont eu part aux événements devra rendre compte au gouvernement de sa conduite ; la mienne sera facile à connaître : le général Menou fut nommé par vous notre général en chef9 ; il avait votre estime, il eut votre confiance ; devais-je lui refuser la mienne ? […] Bonaparte lui répondit : J’ai connu, citoyen général, les efforts que vous avez faits pour empêcher le débarquement des Anglais.

931. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Mais savez-vous bien que cela donne envie à quelques-uns de ceux qui ont connu Victorin Fabre et qui voudraient d’ailleurs observer le respect dû à sa mémoire (et je suis du nombre), que cela leur donne envie de dire tout net que cet écrivain de talent était surtout un écrivain de labeur, qu’il pensait peu, hormis dans les sillons déjà tracés, que sa rhétorique, pour ne s’être pas faite à temps au collége, se prolongea trop longtemps dans les concours académiques, que ces concours académiques où il triompha coup sur coup en vers et en prose ne firent jamais de lui qu’un magnifique écolier, que son front de lauréat ploya, à la lettre, sous le poids de ses couronnes, et que, dès qu’un premier échec l’eut jeté hors de l’arène des concours, on ne retrouva plus en lui, devant le grand public, qu’un talent fatigué et non pas un esprit supérieur ? […] Certes il n’était pas besoin d’entrer dans de telles particularités enfantines pour établir, ce qui est très-vrai, que Victorin Fabre, imbu des principes de 89, y resta constamment fidèle, et fut jusqu’à son dernier jour un patriote de ce temps-là ; pas plus qu’il n’était besoin, je pense, pour établir l’excellence de ses premières études, d’enregistrer ce propos mémorable d’un de ses maîtres : Enfin je ne lui connais d’autre défaut que celui de ronger ses ongles ! […] Virgile, au livre III des Géorgiques, nous a peint admirablement la rivalité et le combat de deux taureaux pour la belle génisse : le vaincu, tout farouche, ne peut supporter sa défaite ; il s’exile et va dans les bois, loin des pâturages connus, nourrir sa sombre blessure. […] J’ai eu l’honneur de connaître un très-vieux littérateur, le chevalier de Langeac, qui, dans sa première jeunesse, avait remporté un prix à l’Académie vers 1770 ou 1769, un prix en concurrence avec La Harpe et de préférence à lui (quel honneur !) 

932. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

L’Irlande est désormais la question vitale pour l’Angleterre ; l’Irlande opprimée et martyrisée depuis des siècles, l’Irlande traitée en conquête, pressurée sans relâche par le Saxon, par le Normand, par Jacques Ier, par Cromwell, par Guillaume d’Orange ; l’Irlande, cette noble et sainte Pologne de l’Océan, inépuisable en douleur comme en espérance ; l’inextinguible Irlande, un moment voisine de l’émancipation à la fin du dernier siècle, se lève aujourd’hui en armes pour regagner ses droits, pour faire sa révolution étouffée en 98 ; elle ne connaît plus Guillaume IV, ni ses officiers, ni ses prélats, ni le parlement britannique ; elle n’obéit qu’à son O’Connell, qui chargé de plaider pour elle à Westminster, s’y montre moins à l’aise, il faut le dire, que sur la terre nationale, au milieu de son peuple. […] Nous ne reviendrons pas ici sur les circonstances suffisamment connues du duel de MM.  […] Mais connu, apprécié de ses amis et des personnes du métier, M.  […] Un homme de cœur et de savoir, informé d’une supercherie infâme, qu’un Corps savant couronne par la main d’un prétendu géographe, se récrie dans une indignation généreuse ; mû d’un sentiment désintéressé, patriotique, il ose dire ce qu’il a vu, ce qu’il a connu ; il compromet son repos, il s’expose à un assassinat, et par là-dessus il encourt le blâme de ces honnêtes compilateurs, copistes sans critique et sans coup-d’œil, qui jugent avant tout qu’il a été un peu loin.

933. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Le cas normal du roman historique, c’est une histoire thème d’une légende, prémisse évocatoire et propitiatrice à la sympathie, bon cadre mutuellement connu pour replacer où il les a ressenties les émotions que l’artiste veut communiquer. […] Il connaît les épisodes du pontificat de Grégoire VII, et sa traversée si tragique sur la barque de saint Pierre, avec une sûreté et une aisance dont personne même ne peut mesurer la valeur, puisque nul ne sait sur ces matières à lui familières que ce que son érudition généreuse a bien voulu en apprendre au public. […] — Pourquoi, vous qui parlez avec tant d’ingéniosité et de gentillesse de Racine, de Marivaux et de Meilhac que vous savez bien, calomniez-vous gratuitement l’art moderne que vous ne connaissez pas, et dont vous ne voyez, au boulevard, que les ridicules spécimens ? […] Son récit est local, profondément, mais il faut lui savoir gré d’épargner des descriptions de ciels et de palmiers déjà connus, gré davantage et point négativement d’avoir écrit un roman psychologique et social qui soit roman algérien.

934. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

On connaîtra désormais, après ces analyses et ces traductions vraiment admirables, les Basile, les Grégoire de Nazianze, les Chrysostome, par les caractères de leur talent et de leur parole aussi distinctement que l’on connaît Bourdaloue et Massillon. […] Sans perdre de ses grâces d’autrefois, son talent a gagné une teinte de mélancolie qu’il ne connaissait pas auparavant et qui le rehausse. […] Lorsque, la première fois, le brillant écrivain abordait ces portions d’étude si compliquées et parfois si sombres, il n’avait connu que les grâces de la vie, et il n’en avait recueilli que les applaudissements faciles : « Lecteur profane, disait-il, je cherchais dans ces bibliothèques théologiques les mœurs et le génie des peuples… » Pour bien apprécier le génie des Ambroise et des Augustin durant ces âges extrêmes de la calamité et de l’agonie humaine, il fallait avoir fait un pas de plus, et y revenir avec la conscience qu’on n’a été soi-même étranger à rien de l’homme.

935. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

Une jeune fille qu’on croyait morte à la suite de cette maladie, — son père pleurant au pied de son lit, — rejette soudain le drap qu’elle avait sur la tête, se soulève dans une attitude de prière, montrant un visage à la beauté surnaturelle qui fait croire à un miracle, et après un petit discours de consolation adressé à son père, se recouche et repose le drap sur sa tête, en disant : « Je puis dormir maintenant. » * * * — J’ai connu un amant qui disait à sa maîtresse se plaignant d’avoir perdu une fausse dent de 200 francs : « Si tu la faisais afficher ?  […] * * * — Nous qui avons passé notre enfance à regarder, à copier des lithographies de Gavarni, nous qui étions, sans le connaître, et sans qu’il nous connût, ses admirateurs, nous avons décidé Villedeuil à lui demander des dessins. […] C’était, quand je l’ai connu un beau vieillard à cheveux d’argent, rayonnant de linge blanc, ayant la grande politesse galante du gentilhomme, la mine tout à la fois bienveillante et haute, la face d’un Bourbon, la grâce d’un Choiseul, et le sourire toujours jeune auprès des femmes.

936. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Quand l’instrument du second sera aussi sûr que celui du premier, nous pourrons espérer de connaître le fond des choses : jusque-là il faut compter sur des erreurs. […] Vous remplissez cette jeune tête d’un fracas de nombres et de figures qui ne lui représentent rien du tout ; vous l’accoutumez à se satisfaire d’une somme donnée, à ne marcher qu’à l’aide d’une théorie, à ne faire jamais usage de ses forces, à soulager sa mémoire et sa pensée par des opérations artificielles, à ne connaître, et finalement à n’aimer que ces principes rigoureux et ces vérités absolues qui bouleversent la société. […] Un poète avec quelques vers passe à la postérité, immortalise son siècle, et porte à l’avenir les hommes qu’il a daigné chanter sur sa lyre : le savant, à peine connu pendant sa vie, est oublié le lendemain de sa mort. […] Entêtés de leurs calculs, les géomètres-manœuvres ont un mépris ridicule pour les arts d’imagination : ils sourient de pitié quand on leur parle de littérature, de morale, de religion ; ils connaissent, disent-ils, la nature.

937. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

Je le connais ! […] * *  * Tout le monde connaît — pour l’avoir vu sur les quais — le Tableau de Paris par Mercier, un bien bon auteur ! […] (Léon est un carabin universellement connu pour ses paletots maculés, et des foulards qui s’effilent sur ses gilets gras.) […] … * *  * Avez-vous connu feu M. 

938. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Jusque-là, on connaissait les fraternités siamoises littéraires. […] « Il avait l’égoïsme prudent. » Mais nous connaissons cette prudence, qui jeta son bouclier à Philippe et eût recommencé dans tous les dangers de la vie. […] Cet excessif-là, l’honnête modéré d’Horace ne le connaissait pas. […] « J’ai fait connaître au Latium — dit-il — les ïambes du chantre de Paros, imitant la mesure d’Archiloque.

939. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

On l’avait oublié, mais je ne connais pas de pays où le coup de pistolet du succès éveille plus de prétentions qu’en France. […] la vie privée du grand poète n’a pas pour cela été mieux connue. […] Or, en supposant qu’il ne vint jamais, ce Cuvier de Shakespeare, ou qu’il fût simplement impossible, — par la raison que l’histoire humaine, faite avec des circonstances et du libre arbitre, déconcerte la logique de l’observateur et ne ressemble pas à l’histoire naturelle, faite avec de la pure organisation qui permet toujours de conclure, — il y aurait au moins les faits connus — si peu nombreux qu’ils soient et même si incertains qu’ils puissent être — pour intéresser l’imagination captive, cette imagination humaine qui n’est pas de l’avis d’Emerson non plus, et qui ne prendra jamais son parti de ne pas savoir l’histoire vraie et détaillée du tous les jours de Shakespeare, comme elle sait, par exemple, celle de Goethe et de lord Byron ! III Ce sont ces quelques faits que Guizot a racontés avec la gravité d’accent qu’on lui connaît, mais auxquels il n’en a pas ajouté de nouveaux.

940. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Il l’accompagnait partout et lui tendait (intellectuellement) le crachoir… Tenir le crachoir, au physique, et parmi nous autres hommes, est une fonction assez servile et dégoûtante ; mais quand il s’agit d’un immense génie, à expectorations surhumaines, qui a toujours craché de la lumière et créé des mondes d’idées à chaque mot, la chose dégoûtante et servile change d’aspect… Nous sommes trop heureux qu’il y ait de ces garçons d’admiration en service ordinaire auprès des grands hommes que nous n’avons pas connus : Monsieur, je suis garçon de Votre apothicaire ! […] Quand Eckermann le connut, Gœthe ne pouvait plus être que cela. […] Quoi qu’il en fût, du reste, quand Eckermann le connut Gœthe ne faisait plus ce qu’il avait fait toute sa vie. […] Ou bien encore : « Shakespeare est un grand psychologue, et l’on apprend dans ses pièces à connaître le cœur humain (page 89). » Quelle nouveauté et quel renseignement !

941. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

… Assurément, en apprenant cette nouvelle, en entendant qu’il allait naître un nouveau Beaumarchais à la France dans la personne extrêmement connue de Μ. de Girardin, l’étonnement et la curiosité étaient légitimes. […] Μ. de Girardin, qui a fait plus d’affaires que d’études, et qui n’a pas connu cette détresse que Shakespeare appelait « la grande culture », n’a rien, donc, quand on les compare, de commun avec Machiavel. […] Jeu de cartes battu toujours de la même manière, à l’aide d’un ou de deux procédés connus et à l’usage de toute main, ces trois actes, qui s’appellent La Fille du millionnaire, ne renferment pas une situation neuve ou un mot piquant que l’on puisse retenir ou citer. […] On les connaît.

942. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Et, de fait, de ceux-là même parmi les hommes qui l’ont connu et apprécie, combien maintenant y en a-t-il que le silence qui s’étend sur son nom désespère ? […] Brucker, lui, n’eut jamais ce bonheur raffiné d’être le grand inconnu qu’on voudrait connaître, mais il n’en fut pas moins, relativement, un grand inconnu, parmi tant de cuistres retentissants. […] Eh bien, c’est cette force de la Paternité, dont Brucker n’avait pas seulement que l’idée dans la tête, mais dont il avait aussi le sentiment dans la poitrine, c’est cette force de la Paternité qu’il résolut de réapprendre au monde, en la lui peignant… Et puisqu’il avait accepté la forme du roman dans son ouvrage, il y introduisit un père comme on n’en connaissait plus, un père qui relevait la Paternité de tous les avilissements qu’elle subissait, depuis des siècles, dans les mœurs et dans les comédies ! […] » — Raymond Brucker, qui n’a jamais bénéficié de rien, et pour lequel l’Église, dont il fut le serviteur fidèle et héroïque jusqu’au dernier moment, n’a rien fait, et qu’elle a laissé mourir de faim ou à peu près ; Raymond Brucker, dont les grands hommes littéraires du temps où il fut littéraire comme eux, avec autant de talent qu’eux, diraient peut-être, s’ils vivaient encore : « Je ne connais pas cet homme-là », comme saint Pierre l’a dit de Jésus-Christ, aura-t-il, à propos de ses Docteurs du jour, ce bonheur d’outre-tombe, qui ne sera un bonheur que pour nous qui l’avons aimé, de quelques rumeurs flatteuses autour de son tombeau ?

943. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Ce jugement paraîtra sans doute extraordinaire ; mais si l’éloquence consiste à s’emparer fortement d’un sujet, à en connaître les ressources, à en mesurer l’étendue, à enchaîner toutes les parties, à faire succéder avec impétuosité les idées aux idées, et les sentiments aux sentiments, à être poussé par une force irrésistible qui vous entraîne, et à communiquer ce mouvement rapide et involontaire aux autres ; si elle consiste à peindre avec des images vives, à agrandir l’âme, à l’étonner, à répandre dans le discours un sentiment qui se mêle à chaque idée, et lui donne la vie ; si elle consiste à créer des expressions profondes et vastes qui enrichissent les langues, à enchanter l’oreille par une harmonie majestueuse, à n’avoir ni un ton, ni une manière fixe, mais à prendre toujours et le ton et la loi du moment, à marcher quelquefois avec une grandeur imposante et calme, puis tout à coup à s’élancer, à s’élever, à descendre, s’élever encore, imitant la nature, qui est irrégulière et grande, et qui embellit quelquefois l’ordre de l’univers par le désordre même ; si tel est le caractère de la sublime éloquence, qui parmi nous a jamais été aussi éloquent que Bossuet ? […] » Enfin il ajoute ces mots si connus, et éternellement cités. […] le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire ; … agréez ces derniers efforts d’une voix qui vous fut connue ; vous mettrez fin à tous ces discours. […] Bossuet s’arrête tantôt sur ces idées, tantôt à travers une foule de sentiments qui l’entraînent, il ne fait que prononcer de temps en temps ces mots, et ces mots alors font frissonner, comme les cris interrompus que le voyageur entend quelquefois, pendant la nuit, dans le silence des forêts, et qui l’avertissent d’un danger qu’il ne connaît pas.

944. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Je ne connais pas de mauvais alphabet. […] C’est le Français le plus français qu’on connaisse. […] Qui le connaissait ? Qui pouvait le faire connaître ? […] Et ceux qui écrivent parlent de ceux qui composent, de ceux qui tiennent le pinceau, l’ébauchoir et le burin, que vous ne connaissez pas et qui se connaissent.

945. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Je lui répondais, le 2 septembre 1865 : « Je n’ai pas l’honneur de connaître personnellement M. de Reumont ; je n’ai certainement rien écrit et je ne me rappelle avoir rien dit qui puisse motiver cette conclusion. […] C’est ainsi que récemment un fabricateur sarde, voulant illustrer l’histoire littéraire de son île il y a deux mille ans, a publié des renseignements curieux sur le Sardus ille Tigellius d’Horace et même des vers de ce chanteur du temps d’Auguste ; on aurait pu parier à coup sûr que Tigellius, le seul auteur sarde aussi anciennement connu, ferait les frais d’une partie de ce faux. […] Mais on s’explique maintenant très bien qu’il y ait de si jolies choses, et propres à être citées, dans cette première partie de la Correspondance ; les gentillesses sur la Du Barry ; le mot attribué à Marie-Antoinette, « Française jusqu’au bout des ongles », qui répond si bien à l’accusation d’être Autrichienne : les croquis du comte de Provence, du comte d’Artois, qui ne sont que les portraits connus, un peu rajeunis, de ces personnages ; tout cela a été assez artistement contrefait pour séduire à première vue.

946. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

De la plaisanterie anglaise On peut distinguer différents genres de plaisanterie dans la littérature de tous les pays ; et rien ne sert mieux à faire connaître les mœurs d’une nation, que le caractère de gaieté le plus généralement adopté par ses écrivains. […] Pour que le génie comique se développe, il faut vivre beaucoup en société, attacher beaucoup d’importance aux succès de société, et se connaître, et se rapprocher par cette multitude d’intérêts de vanité, qui donnent lieu à tous les ridicules, comme à toutes les combinaisons de l’amour-propre. […] Dans les états monarchiques, où l’on dépend du caractère et de la volonté d’un seul homme ou d’un petit nombre de ses délégués, chacun s’étudie à connaître les plus secrètes pensées des autres, les plus légères gradations des sentiments et des faiblesses individuelles50.

947. (1890) L’avenir de la science « XX »

mais Bossuet y a échoué, et je ne connais pas un seul homme capable de l’entreprendre. […] Perdiguier a beau nous dire que son histoire est pour les ouvriers ; que tous ses devanciers ont traité l’histoire en hommes classiques, en pédants de collège ; je ne sache pas qu’à y ait deux histoires, une pour les lettrés, une pour les illettrés ; et je ne connais qu’une seule classe d’hommes capables de l’écrire : ce sont les savants brisés par une longue culture intellectuelle à toutes les finesses de la critique. […] Ainsi, le riche réglant plus ou moins la production littéraire et artistique par son goût suffisamment connu, et ce goût étant généralement (il y a de nobles exceptions) vers la littérature frivole et l’art indigne de ce nom, il devait fatalement arriver qu’un tel état de choses avilît la littérature, l’art et la science.

948. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Mais le sentiment même de cette liberté originelle, lorsqu’elle apparaît en quelques individualités héroïques, les condamne à connaître en même temps la minutieuse fatalité qui les contraint à jouer leur rôle individuel, tel qu’ils se rappellent l’avoir eux-mêmes composé naguère, strictement délimité par le rôle précis d’une infinité d’autres personnages et par le contour inflexible des décors. […] Cet ensemble de croyances au moyen desquelles le sujet qui connaît est déterminé à être pour lui-même un objet d’étonnement, d’étude et de contemplation, apparaît ainsi que la manœuvre la plus avisée de l’être phénoménal pour satisfaire son désir de connaissance de soi-même. […] Ce vœu de l’existence se voit donc réalisé d’une façon concrète et saisissable selon deux modes dans l’humanité : sous son aspect le plus haut et le plus dramatique, ainsi qu’on l’a déjà montré, avec le héros qui, parvenu à l’émotion esthétique, se reconnaît le propre créateur de la suggestion qui lui fit accomplir sa destinée, sous un autre aspect moins mystique, avec le savant qui, désintéressé des applications déduites par les autres hommes de ses découvertes, fait sa joie du seul fait de connaître, du seul spectacle de toutes les choses créées par l’activité objective de l’être.

949. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VIII »

Des journalistes français ont fondé il y a un an ou deux un cercle qu’ils baptisèrent Artistic cycle-club ; ont-ils honte de leur langue ou redoutent-ils de ne pas la connaître assez pour lui demander de nommer un fait nouveau ? […] On en trouverait difficilement un seul, parmi ceux qui ont été réimportés d’Angleterre, qui ne fût connu et toujours pratiqué en France par les enfants. […] Jules Verne, qui le connaît mieux que personne, devrait l’employer toujours et ne pas laisser croire qu’il le juge inférieur en netteté et en beauté au lexique anglais.

950. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

C’est dans les Confessions de saint Augustin qu’on apprend à connaître l’homme tel qu’il est. […] vous me fîtes alors sentir votre bonté et votre miséricorde, en m’accablant d’amertume ; car, au lieu des douceurs que je m’étais promises, je ne connus que jalousie, soupçons, craintes, colère, querelles et emportements. » Le ton simple, triste et passionné de ce récit, ce retour vers la Divinité et le calme du Ciel, au moment où le saint semble le plus agité par les illusions de la terre, et par le souvenir des erreurs de sa vie : tout ce mélange de regrets et de repentir est plein de charmes. Nous ne connaissons point de mot de sentiment plus délicat que celui-ci : « Mon bonheur eût été d’être aimé aussi bien que d’aimer, car on veut trouver la vie dans ce qu’on aime. » C’est encore saint Augustin qui a dit cette parole : « Une âme contemplative se fait à elle-même une solitude. » La Cité de Dieu, les épîtres et quelques traités du même Père, sont pleins de ces sortes de pensées.

951. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

En un mot, il faut connoître à fond le genre humain, et sçavoir la langue de toutes les passions, de tous les âges, et de toutes les conditions. […] Horace devoit être un homme fait, quand il se fit connoître pour poëte. […] Raphaël avoit près de trente ans, lorsqu’il fit connoître la noblesse et la sublimité de son génie dans le vatican.

952. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Car en présence d’un auteur alexandrin, il faut étudier d’abord lui, et puis tous ceux, autant qu’on le peut ; qu’il a étudiés lui-même, et enfin les rapports et les différences entre eux et lui, et les poètes de ce genre obligent, pour être connus, à connaître tous ceux qu’ils ont eux-mêmes connus et pratiqués. […] C’est toute Rome et toute la Grèce connue d’eux qu’ils ont voulu nous rendre. […] C’est le goût de connaître les secrets du monde pour les connaître. […] — Je connais. […] Je connais tout cela ! 

953. (1903) La pensée et le mouvant

Connaître une réalité, c’est, au sens usuel du mot « connaître », prendre des concepts déjà faits, les doser, et les combiner ensemble jusqu’à ce qu’on obtienne un équivalent pratique du réel. […] Nous ne visons pas, en général, à connaître pour connaître, mais à connaître pour un parti à prendre, pour un profit à retirer, enfin pour un intérêt à satisfaire. […] Ainsi seulement se dégage la matérialité brute des faits connus. […] Et elle surprendra profondément ceux qui ont eu le bonheur de connaître l’homme. […] Il connaissait bien M. 

954. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Je ne connais guère que des coureuses d’aventures capables d’une pareille folie. […] Il n’a pas subi les passions, mais il les connaît, comme un matelot connaît les voiles de son navire. […] Le lieu de la scène, vous le connaissez. […] Elle est seule, il l’accoste librement, comme s’il la connaissait dès longtemps. […] Au dix-septième siècle, il écoutait avec une joie toujours nouvelle des vers qu’il savait par cœur ; il revenait à des pensées connues, dans l’espérance de les mieux connaître.

955. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

C’était surprise et joie de voir réalisée à l’improviste une forme de ce qu’il avait lui-même plus confusément rêvé, c’était de rencontrer sous cette forme légère un idéal déjà à demi connu. […] En revenant sur un sujet si bien connu de lui, M. de Rémusat retrouverait ses jeunes impressions, ses premières flammes, et il les saurait tempérer de cette lumière plus adoucie qui naît de la perspective. […] Dans cette collaboration des Tablettes, M. de Rémusat connut M.  […] Mais je m’aperçois que, si je n’y prends garde, je me laisse aller à parler de ce qui n’est point connu du public. […] On se remet à l’écouter, à lui découvrir des grâces nouvelles, quand on est las du convenu ou du trop connu.

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