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1756. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Changer les figures de côté, mettre à gauche ce qui était à droite, à droite ce qui était à gauche, intervertir l’ordre des groupes, distraire un personnage de la scène ou du milieu dans lequel il était placé pour le placer dans une autre scène et quelquefois sous un autre costume, toutes ces choses, et bien d’autres que j’omets, se font et se sont faites, et la Gloire elle-même y a été prise… La Gloire un peu trop vite venue, fille du sentiment exalté d’une époque, a transformé parfois en grand peintre tel grand archéologue, qui avait assez d’exécution et de rétorsion dans la main pour cacher aux ignorants ses… butins, et c’est le critique d’art qui doit réviser ces méprises de la Gloire. […] Qu’il me permette de le lui dire : il y a des rabâchages de physionomies, d’attitudes et de sentiments, très explicables du reste avec la tâche qu’il s’est imposée de dramatiser pour les yeux l’histoire du peuple, de tous les peuples, le plus identique à lui-même.

1757. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

. ; mais le reste, sur des sujets de passion plus ou moins idolâtre, est imbibé de ce paganisme de sentiment et d’image qui froidit et qui durcit tout, mais ne cristallise pas toujours. […] ni commun de couleur ni même commun de sentiment… quand ce n’est pas sensuel ; — mais (et ce sera mon dernier mot cruel)… mais c’est commun d’intensité.

1758. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Mais il a certainement le sentiment très respectueux de la force et de la grandeur de l’Église, quoique son regard d’observateur ait parfois beaucoup de hardiesse. […] Edgar Poe a écrit des Contes fantastiques avec le sentiment frissonnant de leur réalité, et un artiste qui comprend l’Église et le prêtre, et qui aurait dû aller jusqu’au bout et tout comprendre, n’ose pas faire parler franchement et distinctement un crucifix !

1759. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Gautier dans un sujet comme Mademoiselle de Maupin, je demande ce qu’il devait en être dans un sujet de roman d’une réalité plus saine, et où il ne s’agirait que de sentiments naturels ? […] Ils ont fait plus : ils ont eu la prudence, dans les comptes rendus qu’ils ont consacrés au Capitaine Fracasse, de supprimer toute analyse de ce roman, bien sûrs qu’ils étaient d’y trouver des événements tout aussi insignifiants que les sentiments, les passions et les personnages.

1760. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Le biographe d’Edgar Poe ne le dit pas et peut-être ne s’en soucie guère ; mais le silence de sa notice sur l’éducation morale, nécessaire même au génie pour qu’il soit vraiment le génie, genre d’éducation qui manqua sans doute à Edgar Poe ; et d’un autre côté, le peu de place que tiennent le cœur humain et ses sentiments dans l’ensemble des œuvres de ce singulier poëte et de ce singulier conteur, renseignent suffisamment, — n’est-il pas vrai ? […] dans ces Histoires extraordinaires, qui le sont bien moins par le fond des choses que par le procédé d’art du conteur, sur lequel nous reviendrons, et qui est, à la vérité, extraordinaire, il n’y a rien de plus élevé, de plus profond et de plus beau, en sentiment humain, que la curiosité et la peur, — ces deux choses vulgaires !

1761. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Toutes ces sortes d’idées que nous avons vues, tout cet ensemble de sentiments, toutes ces expressions rares prennent leurs racines dans des choses anciennes que la foule n’exprime pas, mais qu’elle sent aussi bien que nous.‌ […] La cristallisation des nouveaux sentiments ne commença que plus tard, et non par la surface mais par les couches les plus profondes, les couches subconscientes de nos âmes.

1762. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delpit, Albert (1849-1893) »

Les vers sont pleins de sentiments généreux et de cris patriotiques.

1763. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 142-143

Dans le chapitre qui concerne le Beau dans les Mœurs, la raison, le sentiment, la vérité, ne se sont jamais mieux exprimés que par sa plume ; on y voit briller une philosophie supérieure qui connoît aussi bien les passions du cœur, que les ressorts de la politique humaine.

1764. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 144

Ceux qui l’ont entendu plaider, assurent que ses Discours réunissoient le talent d’une éloquence mâle & vigoureuse, à cette douce chaleur de sentiment qui acheve le triomphe de la Justice & de la Vérité, en les faisant aimer de ceux même qui ont intérêt à les combattre.

1765. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 61

Son Traité de l’Amitié fait sentir ce doux sentiment, le fait désirer, & prouve qu’elle avoit une ame propre à le faire naître.

1766. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « À Monsieur P. Bottin-Desylles »

Je désirerais que toutes les pensées qui sont ici, fussent vos pensées, ou qu’il y en eût, au moins, quelques-unes que vous ne désavoueriez pas… Vous l’homme des sentiments exquis en toutes choses, vous devez avoir sur les femmes les idées qu’ont sur elles les esprits délicats, discernants, qui les aiment et qui ne veulent pas les voir se déformer dans des ambitions, des efforts et des travaux mortels à leur grâce naturelle, et même à leurs vertus… Vous êtes, mon cher Desylles, d’une supériorité trop vraie pour ne pas vous connaître en supériorités, et celle de la femme n’est pas où la mettent les Bas-bleus.

1767. (1925) La fin de l’art

C’est l’homme pour qui les choses de l’esprit, du sentiment, de l’art n’existent plus, qui méprise tout ce qui ne se traduit pas en résultats tangibles et mesurables. […] Mais au-dessus de la connaissance des lois, il y a le sentiment. Comme on dit qu’on a ou qu’on n’a pas le sentiment des convenances, on a ou on n’a pas le sentiment de la langue française et à cela, il n’y a rien à faire. […] C’est dans les écrits contemporains que se constate surtout cette absence de sentiment. […] Le mot est heureux, mais la question est précisément de savoir si le sentiment n’a pas le droit, lui aussi, de prendre ses ébats dans un jardin et d’y venir rêver.

1768. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Jules (1825-1901) »

Eugène Ledrain Une langue franche et ferme, de l’esprit mêlé à beaucoup de sentiment, quelque chose d’honnête et d’enthousiaste, une pensée toujours élevée, telles sont les principales qualités qui marquent les pièces de M. 

1769. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Cardonnel, Louis (1862-1936) »

Vigié-Lecocq Chez Le Cardonnel, seul, le sentiment religieux atteint toute sa pureté ; mais pureté très moderne encore, nerveuse nostalgie d’une âme trop délicate pour les besognes serviles à qui le cloître, seul, sied et qui, seule, peut comprendre toutes les joies spirituelles d’un silence claustral.

1770. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montégut, Maurice (1855-1911) »

Montégut un talent réel, de l’énergie, du souffle, une voix qui a son accent personnel alors même qu’elle exprime, elle aussi, des idées et des sentiments d’emprunt.

1771. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 461-462

Adorateur de tout ce qui avoit l’air antique, il semble qu’il ait voulu perpétuer ce sentiment jusques après sa mort : le tombeau qu’on lui a élevé dans l’Eglise de S.

1772. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 389

La Paysanne parvenue, les Mémoires d’une Fille de qualité, les Mémoires posthumes du Comte de ***, les Délices du Sentiment, peuvent se faire lire en France, sans avoir besoin d’aller chercher des Lecteurs dans les Colonies.

1773. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 349-350

Lami, où il réfute le sentiment de cet Oratorien, qui prétendoit que Jésus-Christ n'avoit pas fait la Pâque la veille de sa mort.

1774. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 402-403

L'Auteur semble s'être plus attaché au sentiment, à la raison, à la saine Philosophie, qu'aux ornemens & à une élégance recherchée.

1775. (1864) William Shakespeare « Préface »

Le sentiment qui l’intéresse si profondément au traducteur ne saurait lui ôter le droit de recommander la traduction.

1776. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

La grandeur du génie conservateur et sa marque résident dans ce sentiment du prix infini de toute force naturelle. […] Le monarchisme de Balzac, qu’il n’a jamais cessé de proclamer, ne procède ni d’un sentiment, ni d’une tradition. […] L’Allemagne a de même comme sentiment dominateur la grandeur de l’empire allemand, la Russie la grandeur de la sainte Russie. […] Conçu dans l’anxiété civique, il continue de représenter ce sentiment à travers les différences de siècles et de patries. […] Des idées, cet esprit critique a passé aux sentiments.

1777. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Quand un drame original et national s’élève, les poëtes qui l’établissent portent en eux-mêmes les sentiments qu’il représente. […] Le sentiment de la nécessité écrasante et de la ruine inévitable par laquelle tout croule et finit. […] Il commence à préparer les sentiments, à annoncer les événements, à combiner des effets, et l’on voit paraître le théâtre le plus complet et le plus vivant, et aussi le plus étrange qui fut jamais. […] Le duc meurt, et on emmène le meurtrier à la torture. —  Il y a pis ; pour trouver des sentiments assez violents, ils vont jusqu’à ceux qui dénaturent l’homme. […] D’où vient que tout égoïsme, toute vanité, toute rancune, tout sentiment petit, personnel ou bas, disparaît à son approche ?

1778. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Ses sentiments furent peu nombreux, ses idées rabougries, ses inspirations courtes. […] Mais vite on recouvre ça de sentiments neufs ou de principes d’occasion. […] Pierre Loti de lui dire son sentiment sur la Terre sainte, et M.  […] On ne peut se défendre d’un sentiment d’admiration en voyant de quelle façon mourut ce misérable. […] Combien ce romancier a le sens des hérédités lointaines dont la pesée agit encore sur nos sentiments et sur nos actes !

1779. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Barrès aux puissances de sentiment. […] Chez Mérimée, ce sentiment va plus loin que la factice suggestion d’école. […] Vous ne croyez pas, et c’est aussi l’enseignement de l’Église, que les puissances de sentiment aient rien à gagner à se passer de la raison, pas plus que la raison ait rien à gagner à se passer des puissances de sentiment. […] Mais cet effort pour copier des caractères et analyser des sentiments en reste au tâtonnement. […] Le général Langlois n’a jamais cessé d’y penser, même avant 1870 ; mais avec quelle différence de sentiment !

1780. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Abadie, Michel (1866-1922) »

On trouve dans cette œuvre une richesse un peu violente de clameurs, avec aussi le sentiment d’une exquise et noble tendresse.

1781. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baour-Lormian, Pierre Marie François Louis (1770-1854) »

Baour-Lormian est un de nos meilleurs versificateurs ; son style n’est cependant remarquable par aucun de ces efforts, aucune de ces tentatives qu’on observe dans celui de la plupart de nos poètes à la mode, tout est naturel et simple dans les vers de M. de Lormian… Le fond sur lequel roulent ces Veillées est bien triste et bien sombre : il ne peut plaire qu’aux âmes sensibles et mélancoliques qui aiment à entendre les Muses soupirer des plaintes sublimes et moduler de tendres regrets ; elles y trouveront, dans de beaux vers, l’expression la plus parfaite des sentiments dont elles se nourrissent, et chériront le poète aimable dont les chants mélodieux s’accordent si bien avec cette voix secrète de douleur qui retentit toujours au-dedans d’elles-mêmes.

1782. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Brandenburg, Albert-Jacques (1878-1934) »

Il a un sentiment assez profond, ce qui fait que ses poèmes sont forcés d’émouvoir.

1783. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dovalle, Charles (1807-1829) »

Dans cette période où la poésie française cherchait à se régénérer par l’étude du sentiment, en attendant la rénovation puissante de forme et d’expression que devait lui donner l’auteur des Orientales , Charles Dovalle eut son heure ; sa voix a été entendue, écoutée, et méritait de l’être.

1784. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Favre, Jules (1809-1880) »

Paul Maritain La sève qui fécondait sa belle intelligence ne s’est pas ralentie un instant ; et dans les pages suprêmes qu’il traçait de sa main défaillante, lorsque les ombres sinistres du trépas commençaient à pâlir son front, on retrouve la pureté harmonieuse, la fraîcheur de sentiments et d’images, la noblesse et l’élévation de pensées qui resteront comme les traits caractéristiques de son génie.

1785. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guigou, Paul (1865-1896) »

Parfois, un certain sentiment religieux agrandit cette émotion et la verse sur le monde.

1786. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint Maur, Hector de (1808-1879) »

Imagination très étendue et très sensible, qui a sous ses mains un clavier énorme et qui monte et descend en un clin d’œil la gamme de tous les sentiments. — D’aucuns vous diront qu’il est éclectique en poésie, mais ne les croyez pas !

1787. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vaucaire, Maurice (1866-1918) »

Ses vers impressionnent par ce sentiment philosophique et cette mélancolie latente qui sont l’essence des œuvres modernistes.

1788. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 280-281

L’esprit assaisonné par la délicatesse du sentiment, est toujours sûr de plaire.

1789. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 282-283

Les richesses de l’imagination, les graces de l’esprit, la délicatesse du sentiment, la vivacité de l’expression, qui brillent dans les Productions de sa jeunesse, sont la plus foible partie de sa gloire.

1790. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 289-290

Il y a plus de cent cinquante ans que ces vers sont faits : mais tel a toujours été l’empire du sentiment ; il fait vivre les Ouvrages, comme il nourrit, anime & embellit la Société.

1791. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 341-342

Il ne manque en effet à ce Poëte ingénieux & facile qu’un peu plus de sentiment, pour être un modele de Poésie légere.

1792. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 18-19

Si ce qu’il appelle ses Idylles, renfermoit autant de sentiment qu’on y remarque d’esprit & de délicatesse, on pourroit regarder ces petits Poëmes comme des chef-d’œuvres.

1793. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 435-436

Tout ce que la tendresse a de plus vif & de plus touchant, tout ce que la nature, animée par le sentiment, tout ce qu’une élégante naïveté, la richesse des détails, la variété des images, la chaleur du style, le pathétique des situations peuvent offrir à l’ame pour l’intéresser, la captiver & l’attendrir, se trouve dans cet Ouvrage, préférable à mille autres du même genre.

1794. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 478

Le plus distingué de ses Ouvrages est la Métamorphose des yeux d’Iris changés en Astres, Poëme d’environ sept cents Vers, digne de figurer à côté des meilleures Métamorphoses d’Ovide, soit pour l’invention, qui en est aussi ingénieuse que féconde, soit pour la Poésie, qui est noble, coulante, pleine de chaleur & de sentiment, mais où le goût de l’antithese & des pointes se montre avec trop d’affectation.

1795. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Bachelier »

Ensuite il a dit : je veux boire, manger, dormir, avoir d’excellens vins, des vêtemens de luxe, de jolies femmes ; je méprise la considération publique… mais, Monsieur Bachelier, le sentiment de l’immortalité ?

1796. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « Conclusion »

Duvernois, Rivoire et tant d’autres pour qui j’ai les mêmes sentiments de reconnaissance.‌

1797. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Il faut l’entendre, avant tout, parler de la chose sur laquelle il a le plus droit d’être écouté, de celle qu’il a le mieux sue et qu’il avait le plus à cœur de posséder et de faire dignement, l’office et la fonction de la royauté ; soit qu’il songe à son fils dans ses instructions, soit que plus tard il s’adresse à son petit-fils partant pour régner en Espagne, il excelle à définir dans toutes ses parties ce personnage qu’il a su le mieux être, qu’il a été le plus naturellement et comme par une vocation spéciale, le personnage de souverain et de roi. il faut l’entendre encore dans cette Conversation devant Lille (qui se lit dans les Œuvres de Pellisson), parlant dans l’intimité, mais non sans quelque solennité selon sa noble habitude, de son amour pour la gloire, du sentiment généreux qui l’a poussé à s’exposer et à paraître à la tranchée et à l’attaque comme un simple mortel, comme un soldat : « Il n’y a point de roi, pour peu qu’il ait le cœur bien fait, disait-il, qui voie tant de braves gens faire litière de leur vie pour son service, et qui puisse demeurer les bras croisés. » On retrouve là à l’avance, dans la bouche du monarque, quelques-unes des belles pensées de Vauvenargues sur la gloire, avec un peu plus d’emphase, mais non moins de sincérité. […] Et je ne saurais m’empêcher d’estimer et de louer le zèle et la fermeté de ceux qui rompirent la négociation d’Amsterdam, quoique leur avis, si salutaire pour leur patrie, ait porté un grand préjudice à mon service. » Que dites-vous de cette élévation de sentiments ? […] Il est mort comme il avait vécu, en vue de tous et en toute lumière, conservant jusqu’à la fin sa noblesse de sentiments, sa droiture d’esprit, sa langue parfaite et royale.

1798. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Célibataire heureux et régulier, l’amour (sinon à l’état de sentiment, du moins à l’état de passion) paraît l’avoir laissé assez tranquille. […] Delécluze est à la fois récompensé et puni dans le neveu qui lui est échu ; mais le premier sentiment l’emporte, et il me semble l’entendre se dire avec orgueil : « C’est pourtant là un œuf que j’ai couvé !  […] Habituellement plongé dans ses méditations, ce n’était qu’en certaines occasions, lorsqu’il entendait exprimer des idées et des sentiments contraires aux siens, que cet homme, qui habituellement paraissait végéter plutôt que vivre, s’animait et parlait quelquefois avec une véhémence qui allait jusqu’à l’emportement.

1799. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

A défaut de l’élégance et de la distinction de la forme, il a le fond, la connaissance et l’amour de son sujet, de son monde, le sentiment des parties touchantes que ce petit monde populaire ou bourgeois peut receler sous son enveloppe vulgaire ; suivez-le, ayez patience, et vous serez souvent étonné de vous sentir ému là où vous aviez commencé par être un peu heurté ou rebuté. […] je laisse maintenant ces trouvailles à d’autres ; mais ce qui ne sera jamais démenti, c’est qu’ils étaient pleins de compassion pour les pauvres, qu’ils aimaient mieux les peindre que les puissants, qu’ils avaient pour les champs et les campagnards les aspirations de La Bruyère, qu’ils croyaient en leur art, qu’ils l’ont pratiqué avec conviction, qu’ils n’ont pas craint la bassesse du sujet, qu’ils ont trouvé l’homme en guenilles plus intéressant que les gens de cour avec leurs broderies, qu’ils ont obéi au sentiment intérieur qui les poussait, qu’ils ont fui l’enseignement académique pour mieux faire passer sur la toile leurs sensations : enfin, parce qu’ils ont été simples et naturels, après deux siècles ils sont restés et seront toujours trois grands peintres, les frères Le Nain. » J’honore le critique qui trouve de tels accents, et quand il aurait excédé un peu, comme c’est ici le cas, dans ses conjectures ou dans son admiration pour les trois frères indistinctement, il n’aurait fait que réparer envers ces bons et dignes peintres un long arriéré d’oubli et d’injustice, leur rendre avec usure ce que près de deux siècles leur avaient ôté ; il n’aurait pas fait d’eux un portrait faux, car il reconnaît et relève en toute rencontre leurs inégalités et leurs défectuosités originaires, il n’aurait donné en définitive qu’un portrait un peu idéal, ou du moins un portrait un peu plus grand que nature, un peu plus accusé et accentué de physionomie, mais toujours dans les lignes de la ressemblance et de l’individualité. […] Il te faut le style, en un mot Il te faut encore, s’il se peut, le sentiment, un coin de sympathie, un rayon moral qui te traverse et qui te vienne éclairer, ne fût-ce que par quelque fente ou quelque ouverture : autrement, bientôt tu nous laisses froids, indifférents, et hommes que nous sommes, comme nous nous portons partout avec nous, et que nous ne nous quittons jamais, nous nous ennuyons de ne point trouver en toi notre part et notre place.

1800. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

« Je vous prie, Monsieur, de me continuer les sentiments dont vous m’honorez, et de me croire pour jamais avec la reconnaissance et l’attachement que je vous dois, etc. »   Le bonhomme sent bien ce qui lui manque, et il exprime cette lacune en lui avec tant de franchise, qu’il la couvre au même instant à nos yeux ; et pourtant elle existe et ne sera pas comblée. — Enfin, une troisième lettre de lui à Garrick mérite encore d’être donnée, au moins en partie : « A Paris, le 6 juillet 1774. […] Continuez-moi, je vous prie, les sentiments dont vous m’honorez, et soyez persuadé de la haute estime et de la reconnaissance avec lesquelles j’ai l’honneur, etc. » On s’explique assez difficilement que, sentant de la sorte ce qui lui manquait sur Shakespeare et ce que la vue de Garrick pouvait lui apprendre, lui rendre immédiatement, il n’ait pas fait cet effort de passer le détroit, et, puisqu’il n’avait pas vu apparemment le grand tragédien dans son ancien voyage à Paris, qu’il ne soit point allé l’admirer une bonne fois sur son théâtre, avant sa retraite, et, comme on dit, prendre langue avec lui. […] Il faudrait, pour me soutenir, de l’extraordinaire dans les situations. » Et continuant sa pensée, il explique à son ami pourquoi, entre autres choses, il ne saurait réussir à ces nuances de sentiment, à cette finesse et à ce délié de la passion où excelle Racine ; il a l’instinct, sans bien s’en rendre compte, d’un genre opposé à celui de Racine et qui procède autrement que par analyse, qui marche et se développe à l’aide de situations visibles, frappantes, extraordinaires : « Il me semble, dit-il ingénument, que je ne manquerais ni de chaleur ni de vérité ; mais il y a, dans cette passion, une certaine délicatesse fine qui m’échappe, peut-être parce qu’il m’a toujours été impossible de tromper une femme, et que toutes ces ruses d’amour ne me sont pas seulement venues dans l’idée.

1801. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Mais que d’espace il restait encore à parcourir avant d’arriver à cette fin désirée dont on commençait à avoir l’idée et le sentiment ! […] Il insiste sur ce qu’il y a de juste, et de nécessaire en même temps, à se ranger à la discipline, à la règle commune et à ce qui prévaut, à ne pas faire bande à part en telle matière contre le sentiment universel. […] En les lisant, il a des regrets à bien des mots qui passent ; s’il les rejette et s’il se voit forcé de constater leur déclin ou leur décès, son sentiment d’homme de goût ne laisse pas de souffrir en les sacrifiant.

1802. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Quand les rois et les princes trouvent la miraculeuse science de la poésie dans des hommes prudents, graves et vertueux, ils les honorent, les estiment, les enrichissent et les couronnent enfin avec les feuilles de l’arbre que la foudre ne frappe jamais, pour annoncer que personne ne doit faire offense à ceux dont le front est paré de telles couronnes. » Que d’élévation et quelle pureté de sentiments ! […] Nous sommes trop enclins, je le crois, à nous substituer continuellement à Cervantes, avec nos sentiments et nos impressions d’aujourd’hui ; nous prenons fait et cause en sa faveur plus encore qu’il ne le faisait lui-même, et pour avoir énuméré à la file et mis en ligne de compte toutes ses infortunes, nous oublions trop les interstices et les éclaircies que sa belle humeur et son bon génie savaient s’ouvrir à travers tant de mauvais jours. […] Que du moins Votre Excellence connaisse mes vœux ; qu’elle sache qu’elle perd en moi un serviteur dévoué, qui aurait voulu lui prouver son attachement, même au-delà de la mort… » Ces derniers sentiments exprimés par un mourant doivent couvrir le comte de Lemos auprès de la postérité ; car il est des biographes qui, plus amis de Cervantes que Cervantes lui-même, ont reproché à ce seigneur (sans savoir aucun détail) d’avoir trop peu fait pour l’illustre infortuné.

1803. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Le jour où viendrait un critique qui aurait le profond sentiment historique et vital des lettres comme l’a M.  […] » Pour être un bon et parfait critique, Pope le savait bien, il ne suffit pas de cultiver et d’étendre son intelligence, il faut encore purger à tout instant son esprit de toute passion mauvaise, de tout sentiment équivoque ; il faut tenir son âme en bon et loyal état. […] Aussi personne peut-être n’a-t-il eu, à un aussi haut degré que Pope, le sentiment et la souffrance de la sottise littéraire.

1804. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Il est impossible, au moment où la mort de Louis XV les porta un peu prématurément au trône, d’avoir une plus grande envie de faire le bien, un plus haut sentiment de la responsabilité que ne l’avaient Marie-Antoinette et Louis XVI. […] Il était trop bon, de cette bonté naïve, expansive, qui se confie en celle des autres, qui va au-devant, qui abonde dans l’idée de l’amour des peuples comme en des amours de nourrice ; qui ne compte pas assez sur les sentiments très mélangés, très équivoques, dont est formée en soi et par lesquels se présente surtout à un prince la nature humaine. […] Entre les divers sentiments publics, c’est le mépris avant tout, et à tout prix, qu’il faut éviter et dont celui qui gouverne ne doit jamais laisser approcher de lui l’ombre même et le soupçon.

1805. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Le sentiment qui l’anime est bon et précieux ; je serais bien fâché de l’altérer. […] Elle m’a bien répondu, et du ton de la persuasion, qu’elle en était bien sûre ; mais en même temps elle m’a montré évidemment que ses amis et sociétés lui tenaient lieu de tout. » Quoi qu’on puisse dire, de tels sentiments ainsi exprimés sont respectables, et on sera en droit désormais de conclure que l’abbé de Vermond, quels que fussent ses défauts personnels, valait mieux que la réputation qu’on lui a faite. […] Le sentiment qui perce déjà le plus en elle est son désir ou plutôt sa volonté décidée d’être absolument indépendante.

1806. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Dans l’histoire de cette sainte, morte à vingt-quatre ans, fille de rois, mariée enfant au jeune landgrave de Thuringe et de Hesse qu’elle appelle jusqu’au bout du nom de frère, et qui la nomme sœur, bientôt veuve par la mort de l’époux parti à la croisade, persécutée, chassée par ses beaux-frères, puis retirée à Marbourg au sein de l’oraison, de l’aumône, et mourant sous l’habit de saint François ; dans cette histoire si fidèlement rassemblée et réédifiée, ce qui brille, comme l’a remarqué l’auteur, c’est surtout la pureté matinale, la virginité de sentiment, la pudeur dans le mariage, toutes les puissances de la foi et de la charité dans la frêle jeunesse. […] Un sentiment supérieur à l’idée de louange, et qui se formait en moi à cette lecture, est le respect qu’inspirent de semblables travaux pour la jeune vie, d’ailleurs si ornée, qui s’y consacre avec ardeur. […] J’ai envoyé le Constitutionnel d’hier à Mme de Montalembert, qui vous en saura encore plus de gré que moi, et dont je vous offre d’avance les remerciements, en y joignant l’expression de mes sentiments dévoués et distingués, « Ch. de Montalembert.

1807. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Théophile Gautier a un sentiment très-vif d’une certaine espèce de poésie pittoresque et matérielle ; quand il n’en fait pas pour son propre compte, il excelle à la décrire et à la mettre en saillie là où il la rencontre, il la refait bien souvent et l’achève tout en la racontant ; c’est ce qui lui est arrivé plus d’une fois à propos de ces rimeurs dont il nous rend les ébauches. […] mais en poésie, c’est la pensée et le sentiment qui restent le principal, qui gardent, pour ainsi dire, la haute main, tandis qu’en peinture la main-d’œuvre, au besoin, prend le dessus. — La quantité de noms célèbres que M. […] En y corrigeant les inexactitudes de faits, en y revisant les jugements pour en modifier l’excessif et le juvénile, en persistant toutes les fois qu’il croirait avoir raison, en daignant par instants discuter les opinions des autres, en complétant aussi sa galerie par quelques autres portraits du temps qui y manquent, et où il apporterait désormais plus de précaution (comme il en a su prendre dans son article Scarron, d’ailleurs si amusant), il aurait fait, non pas une histoire régulière de la poésie sous Louis XIII, mais un piquant, un mémorable essai, dans lequel le sentiment très-vif et très-filial qu’il a de cette poésie, et qu’il rend d’une manière unique, compenserait heureusement bien des écarts.

1808. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

« La mer bleue qui assainit et élargit nos sentiments humains. » Voyez-vous l’adroite fabrication de la phrase : deux verbes au milieu et, de chaque côté, harmonieusement équilibrés, un substantif et son épithète. […] Si tu nous apprends en outre que les sentiments des hommes sont humains, c’est uniquement, je suppose, pour la régularité extérieure. […] Cet Albert Boissière est composé de bonne grosse sottise, de malice grossière, de sentiments bas.

1809. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

« Je compte pour un des plus grands bonheurs de ma vie d’être né contemporain d’un homme d’un mérite aussi distingué que le vôtre… » Ce sentiment éclate dans toute cette phase de la correspondance. […] Vers la fin, et tout en lui souhaitant des sentiment plus doux, il le saluait encore « comme le plus bel organe de la raison et de la vérité ». […] De telles lettres rachètent bien quelques brusqueries de ton qu’on trouverait tout à côté et qui rappellent par accès la présence du maître ; elles répondent à ceux qui, ne prenant Frédéric que par ses duretés et par ses épigrammes, lui refusent d’avoir ressenti jusqu’à la fin des sentiments d’affection, d’humanité et, j’ose dire, de bonté, de même qu’il avait ressenti de vives et vraies amitiés dans sa jeunesse.

1810. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

comme il y verse la lumière, le sentiment de paix, de silence ; et comme il y introduit un sentiment moral aussi ! […] Le berger, indiquant le tombeau que la tradition désigne pour celui d’Ariane, ajoute : « Ce monument, ainsi que tous ceux de ce pays, a été mutilé par le temps et encore plus par les barbares ; mais le souvenir de la vertu malheureuse n’est pas sur la terre au pouvoir des tyrans. » Et Bernardin, après avoir achevé son tableau, ajoute à son tour : « Je doute qu’un athée même, qui ne connaît plus dans la nature que les lois de la matière et du mouvement, pût être insensible au sentiment de ces convenances présentes et de ces antiques ressouvenirs. » Qu’a de commun, je vous prie, un athée avec les idées naturelles que fait naître l’histoire d’Ariane d’après Catulle, dans la bouche du berger ?

1811. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

J’ai souvent pensé à ce qu’il était, en me reportant à ce qui nous avait manqué à l’heure propice, et j’en puis aujourd’hui parler, j’ose le dire, dans un sentiment très vif et très présent. […] Il faudrait relire ici en entier l’Épître à Racine après Phèdre (1677), qui est le triomphe le plus magnifique et le plus inaltéré de ce sentiment de justice, chef-d’œuvre de la poésie critique, où elle sait être tour à tour et à la fois étincelante, échauffante, harmonieuse, attendrissante et fraternelle. […] Si au contraire on cherche le goût, il faut s’en tenir à l’édition de Daunou (1826) ; il ne manque à cette dernière, pour être parfaite littérairement, qu’un sentiment plus net et plus sûr de ce qui distingue la bonne poésie de la bonne prose.

1812. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

S’il a pu souvent paraître accorder trop à l’esprit gaulois et à la gausserie gaillarde de toutes choses, il sait ici s’élever à un sentiment digne du spectacle qu’il a sous les yeux, et il s’inspire des mânes d’autrefois. […] Ses jugements, ses impressions sur Michel-Ange et la chapelle Sixtine, sur Raphaël et les Chambres du Vatican, sont de l’homme de goût que la nature a doué avant tout d’organes délicats, et qui ne mêle à son sentiment direct rien d’étranger ni de littéraire. […] Ce sentiment du beau et de l’antique, ou des merveilles pittoresques modernes, qui fait l’honneur de leur jugement, de Brosses ne se donne aucune peine pour l’avoir et pour l’exprimer : il l’a du premier bond et le rend par une promptitude heureuse.

1813. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Pour qu’un corps constitué naisse de leur agglomération, il ne suffit pas qu’ils entrent en relations, a fortiori qu’ils se juxtaposent, il faut encore que leurs relations soient définies et réglées par une certaine communauté d’obligations reconnues, de sentiments approuvés, d’intérêts sentis. […] C’est pourquoi il n’y a pas de bonne entente d’intérêts ni de juste équilibre de droits sans la communion des sentiments et l’échange des idées. […] Ce qu’il y a du moins de commun à l’un et à l’autre, c’est ce principe que, quels que doivent être les meilleurs moyens de sauvegarder sa liberté, l’individu a sa valeur et ses droits propres, qu’il est respectable en soi, responsable de ses actes ; c’est en un mot l’individualisme, En ce sens, nous avons nous-même reconnu que l’idée de liberté est proche parente de l’idée d’égalité, puisque celle-ci nous a paru supposer le sentiment que les hommes, en tant qu’individus, ont une valeur ; nous avons fait entrer l’individualisme dans la définition de l’égalitarisme. — Force nous est donc de nous demander, non pas seulement si l’unification des sociétés est favorable à une politique de réglementation à outrance, mais si elle est essentiellement hostile à l’expansion du principe individualiste lui-même.

1814. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Des sentiments platoniciens et même chrétiens avaient fortifié les secrètes dispositions que l’abstraction psychologique et la retraite en soi avaient formées. […] Osez dire que vous entendez celle-ci : « Chacun peut observer en lui-même que les perceptions directes des sens externes, comme les images ou intuitions du sens interne, et les idées mêmes, produits élaborés de l’intelligence, venant à être réfléchis ou contemplés successivement par le moisous des modifications sensitives diverses, ou avec un sentiment variable de l’existence, triste ou pénible, agréable ou facile, se proportionnent jusqu’à un certain point à ces variations, quant aux degrés de clarté ou d’obscurité, de mobilité ou de persistance, de confiance ou de doute, qui impriment à ces idées un caractère particulier et comme une physionomie propre15. » Voilà un fait bien désigné, n’est-ce pas ? […] « Chacun peut observer en lui-même que les perceptions directes des sens externes, comme les images ou intuitions du sens interne, et les idées mêmes, produits élaborés de l’intelligence, venant à être réfléchies ou contemplées successivement par le moi sous des modifications sensitives diverses, ou avec un sentiment variable de l’existence, triste ou pénible, agréable ou facile, etc., se proportionnent jusqu’à un certain point à ces variations, quant aux degrés de clarté ou d’obscurité, de mobilité ou de persistance, de confiance ou de doute, qui impriment à ces idées un caractère particulier et comme une physionomie propre. » Cette période effaroucherait Hegel ou Duns Scot lui-même.

1815. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

De plus, nous entendons et nous vérifions les descriptions minutieuses que les grands écrivains nous font des sentiments les plus compliqués et les plus particuliers. […] Cela fait, on fondrait aisément les idées de Hégel et les siennes, et on verrait qu’aux deux extrémités de la science la description anatomique de nos sentiments et la construction métaphysique du monde s’accordent pour conclure que la beauté est un développement apparent ou réel, lequel, étant conçu par nous, passe en nous. […] La cause est trouvée ; le sentiment d’envie, qui est un fait, se trouve dérivé d’un autre fait, qui est l’illusion d’optique.

1816. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Quelle sanction sublime auraient reçue les fragments de vérité, les éclairs de sentiment moral, les premiers cris de justice et d’humanité mêlés souvent aux erreurs de sa philosophie et aux pernicieux exemples de son siècle corrompu ! […] En sera-t-il de même, quand Catulle voudra rendre quelques-uns des sentiments publics que Rome affectait encore, mais qui n’avaient plus racine dans les âmes, et surtout dans celle du poëte licencieux et voyageur ? […] Mais cette étude profonde de la poésie grecque, ce sentiment du beau qui remonte, non pas au type divin, mais aux copies sublimes de l’art, ce second enthousiasme, né de l’admiration et du goût, continuera de suivre la trace marquée par Catulle.

1817. (1900) La culture des idées

Quelques intelligences analytiques ont essayé en vain d’opérer de sang-froid l’inventaire de leurs contradictions ; à chaque objection de la raison le sentiment opposait une excuse immédiatement valable, car les sentiments, comme l’a indiqué M.  […] De là les sentiments de plaisir que nous donne la beauté. […] C’est le plus bel exemple d’illogisme que nous puissions nous donner à nous-mêmes et la meilleure preuve que, dans les choses graves comme dans les moindres, c’est le sentiment qui vient toujours à bout de la raison. […] Mais aucun contact ni de sentiment ni d’intelligence ne fut possible entre l’Arabe et le Romano-Vandale ; les vainqueurs exercèrent tous leurs droits et même celui du massacre. […] Mais la vie, plus forte que les sentiments particuliers, est aussi plus forte que les sentiments nationaux.

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