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2347. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Dans sa critique, sans principe d’ailleurs, sans métaphysique, sans absolu, toute de goût et de sensation comme celle de Villemain, Sainte-Beuve, il faut le reconnaître, est encore supérieur à Villemain, qui ne fut jamais qu’un humaniste plus ou moins vernissé par l’Université, tandis que lui, Sainte-Beuve, est un talent qui existait par lui-même, et ce talent nous allons le juger à distance des tapages d’une mort qui, si on se le rappelle, fut un événement.

2348. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Capefigue n’a imaginé rien de mieux que de rappeler Mme de Maintenon et son influence sur un roi vieux et ennuyé, et les calomnies dont elle aussi fut abreuvée, et l’obscurité de sa jeunesse, quand elle était Mme d’Aubigné ou Mme Scarron, et que de chercher dans tout cela des analogies !

2349. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Mais il faut se rappeler qu’Octave Feuillet est le peintre de la bourgeoisie, même quand il peint la noblesse, et qu’il ne peint l’excès moderne que comme il le voit dans son monde et comme il le comprend.

2350. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Je n’ai aucun espoir de résoudre cette énigme ; mais c’est déjà faire œuvre utile que de la rappeler au positivisme qui l’oublie, et de la formuler nettement.

2351. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Vous vous rappelez la situation : Julien est devenu l’amant de Melle de La Môle, et Mlle de La Môle est enceinte. […] Venir dire : la démocratie est pacifique, la démocratie est conservatrice, la démocratie est douce en ses mœurs, à des hommes à qui le mot démocratie rappelait invinciblement la Révolution française et qui ne pouvaient guère se représenter la démocratie sous une autre forme que celle de la Révolution, c’était, en excitant la contradiction, exciter l’intérêt. […] Il aime se rappeler son enfance qui fut moitié de petit ouvrier, moitié de petit paysan : « J’ai vu ma mère faire tout cela. […] Avec les différences inévitables qui tiennent aux dates, avec une langue plus riche, ou plutôt plus touffue et moins nette et moins pure, ce qu’ils rappelaient le plus, c’était les meilleurs vers du Consulat et de l’Empire, ceux de Fontanes et d’Andrieux.

2352. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

je ne m’y croirois pas en sûreté, dis-je avec franchise ; on se rappela ceux qui depuis un siecle avoient choisi ce lieu, comme une citadelle à l’abri des tempêtes, & l’on ne put s’empêcher de convenir que des hommes célebres avoient illustré cette espece de fort. […] l’on se voit au miroir, & l’on croit voir sa petite sœur, on se rappelle que le moment vient d’aller chercher les vaches pour les faire rentrer, on dit que la mere va gronder, & l’on pleure ; l’on s’agenouille devant une pendule accompagnée de deux bougies, en croyant que c’est une relique. […] Et moi je dis, mylord, qu’elles sont là beaucoup mieux qu’ailleurs ; outre qu’elles font un contraste avec le palais du souverain, elles nous rappellent que l’indigence même à quelque chose de respectable, & que la nature se contente de peu, quand on n’écoute que le cri du besoin. […] On se rappelle l’aventure de cette petite-maîtresse qui, arrivant à Surinam, & prête à se mettre à table, apperçut trois têtes de singe sur un potage, & partit sur-le-champ. […] Nous regrettâmes les chansons que cette liqueur bachique fit naître parmi nos ayeux, & nous tâchâmes d’en rappeler une du vieux temps.

2353. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

… Mais voici ce que j’ai déclaré à notre négociateur — je crois devoir vous le rappeler, afin d’éviter toute équivoque : « Qu’il vienne ! […] Ainsi que devant la grille du cimetière de Bruges, il s’est toujours senti mal à l’aise dans la campagne, et plein de troubles angoissants, car elle lui rappelait la mort ! […] C’est plus qu’un roman, autre chose qu’un poème : c’est un livre de prophète, de voyant, mais qui sait voir singulièrement juste et singulièrement grand, quand il regarde les ténèbres de la terre, ou qu’il interroge les splendeurs du rêve futur… Est-il besoin de rappeler aux lecteurs de L’Aurore le sujet de ce livre ? […] Vous jugez si sa pauvreté rendait douloureusement ironiques ses fonctions somptuaires… Peu lingé, vêtu de défroques disparates acquises çà et là, logeant en de misérables garnis, ne mangeant pas toujours à sa faim, privé plus qu’aucun autre de toutes les joies, de tous les plaisirs, de toutes les fêtes qu’il célébrait si passionnément, il signait, ma foi… si je me rappelle bien… il signait Lauzun, à moins que ce ne fût Brummell… Et dans les occasions où il fallait déployer plus de psychologie sociale dans plus d’anecdotes rétrospectives, et donner à sa personnalité plus de rehaut dans plus de gravité mystérieuse, alors il n’hésitait pas à signer : « Un vieil habitué » ou « Une douairière », etc. […] Et je ne sais pas pourquoi je me suis rappelé ce pauvre diable à propos du vieil habitué du Gaulois.

2354. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Si l’on nous montre deux portraits de la même personne, & qu’il y en ait un qui nous rappelle avec plus d’exactitude & de vérité l’image de cette personne, nous disons que le portrait est parlant, qu’il est parfait, c’est-à-dire qu’il est tel qu’il doit être. […] Au reste, quelques Grammairiens mettent le, la, les, au rang des pronoms : mais si le pronom est un mot qui se mette à la place du nom dont il rappelle l’idée, le, la, les, ne seront pronoms que lorsqu’ils feront cette fonction : alors ces mots vont tous seuls & ne se trouvent point avec le nom qu’ils représentent. […] Le premier la est adjectif métaphysique ; ou comme on dit article, il précede son substantif vertu ; il personifie la vertu ; il la fait regarder comme un individu métaphysique : mais le second la qui est après aimez, rappelle la vertu, & c’est pour cela qu’il est pronom, & qu’il va tout seul ; alors la vient de illam, elle.

2355. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Quand nous parlons à haute voix, la parole intérieure n’est pas pour cela absente ; elle ne se tait qu’à demi, et par intervalles ; quand nous reprenons haleine, quand nous marquons par de courts silences les points et les virgules de nos phrases, nous l’entendons : elle nous rappelle la trame de notre discours, elle nous dicte les mots qui vont suivre ; elle sert de guide, ou, pour mieux dire, de souffleur à la parole extérieure. […] « L’esprit, dit-il, est tellement accoutumé à se servir de signes qu’il ne pense plus que par leur moyen, et que des vestiges de sons représentent seuls à l’âme toutes les choses, excepté dans le petit nombre de cas où une certaine affection (affectus aliquis) rappelle l’image même de l’objet. » Bonald semble n’avoir pas bien saisi le sens de cette phrase67.

2356. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Rappelons-nous le roman pédagogique de Rousseau : l’homme devenant mauvais dès qu’il lui est donné de se comparer aux autres. […] Faut-il rappeler qu’il a été le plus choyé des hommes de lettres modernes ? […] Et Pascal nous rappelle opportunément cet « infini de grandeur » et cet « infini de petitesse » par où la nature physique dépassera : toujours des moyens finis, d’observation. […] Ainsi dans son mouvement d’élévation chrétienne, il ne manque pas de rappeler à la cruelle de quoi elle a fait fi ! […] On voudrait ici en rappeler la beauté, répéter avec les temps les plus illustres du genre humain, que l’amour n’est pas la seule direction des enthousiasmes virils, ni la sensibilité aux joies et aux douleurs des individus, la plus noble espèce de sensibilité.

2357. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Aux yeux du vainqueur enflamé Qui la vengea d’un infidèle, Ariane parut moins belle Que dans le portrait animé Où ton heureux pinceau rappelle Ces attraits dont il fut charmé.

2358. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Parmi les ïambes inédits, j’en trouve un dont le début rappelle, pour la forme, celui de la gracieuse élégie ; c’est un brusque reproche que le poëte se suppose adressé par la bouche de ses adversaires, et auquel il répond soudain en l’interrompant : « Sa langue est un fer chaud ; dans ses veines brûlées Serpentent des fleuves de fiel. » J’ai douze ans, en secret, dans les doctes vallées, Cueilli le poétique miel : Je veux un jour ouvrir ma ruche tout entière ; Dans tous mes vers on pourra voir Si ma muse naquit haineuse et meurtrière.

2359. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy, en y apportant des branches pour les ranimer, se rappelait les irruptions des Barbares, lesquels, comme des brassées de bois vert, la Providence avait jetés de temps à autre dans le foyer expirant des civilisations.

2360. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Elle a fait de Rome, vide de son pontife souverain, une seconde ville de France, un fief impérial pour un roi de Rome, un département français : dénomination humiliante et barbare qui rappelait ces temps où un marchand vénitien s’appelait duc d’Athènes !

2361. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Et puis il y a cette vérité, qu’il faut toujours rappeler aux plus jeunes : La littérature (celle dont il est question ici) ne doit pas être un gagne-pain — ou du moins ne peut l’être qu’en se vouant à des périls qu’elle n’est jamais sûre de pouvoir surmonter, si robuste que soit l’âme de celui qui prétend la sauvegarder en lui, tout en exigeant d’elle le modeste demi-louis quotidien.

2362. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Rappelons-nous combien nos impressions diffèrent devant les hautes montagnes des Alpes ou dans les prés fleuris de la Touraine, en présence des agitations populaires de la rue ou dans le calme intérieur de la famille.

2363. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Aussi est-il du devoir de la critique de rappeler à quelles conditions on obtient les succès durables, à quels risques on recherche les succès d’un moment.

2364. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Jamais un homme qui sent fortement ne fera, pour rappeler un paysage, ces ébauches de phrases si fréquentes dans le journal et les romans de notre écrivain.

2365. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Les traits s’en sont empreints si profondément dans mon cerveau, que je ne me les rappelle pas sans une sorte de terreur.

2366. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Mieux vaut rappeler encore les sujets nouveaux que telle découverte de la veille a fournis aux auteurs en quête d’histoires émouvantes.

2367. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Enfui, dans le rôle d’Isolde, nous devons rappeler le beau succès de Madame Sucher.

2368. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Il la relève, il la rappelle à l’espoir.

2369. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Enthousiasme tant qu’on voudra, il faut qu’il soit toujours guidé par la raison, et que le poëte le plus échauffé se rappelle souvent à soi, pour juger sainement de ce que son imagination lui offre.

2370. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Cette crainte peut être fondée : mais il n’y a guère que le défaut d’intérêt dans les actes suivants, qui rappelle au spectateur que le théâtre était rempli au premier acte : témoin Brutus et les ouvrages déjà cités.

2371. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Quels souvenirs surtout rappelle à ma pensée Cette cloche jadis dans les airs balancée !

2372. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Ce qui est délicieux, ce qui rappelle les peintures les plus charmantes des peintres de l’amour les plus suaves, c’est ce que je vais vous lire.

2373. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Ici comme ailleurs, il faut se rappeler que la science ne retient et ne doit retenir du mouvement que son aspect visuel.

2374. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

S’il existe un monde dont tous les éléments ou les faits échappent à tous nos moyens d’observation extérieurs, et ne tombe que sous un sens intime ; si les faits de cet ordre, supérieurs à tout ce qui se présente à titre de phénomènes, antérieurs à tout procédé artificiel de raisonnement, sont les vrais, les seuls principes de la science, et bien spécialement de celle de l’homme intellectuel et moral ; celui qui se serait livré à cette étude extérieure, qui, travaillant à constater les faits primitifs de sens intime, à les prendre à leur source, à les distinguer de tout ce qui n’est pas eux, et de tout ce mélange du dehors qui les complique et les altère, celui-là ne serait-il pas en droit de s’écrier à son tour, et peut-être avec plus de fondement que Newton : Ô psychologie, gardez-vous de la physique, gardez-vous même de la physiologie23. » Maine de Biran était trop sévère pour une école psychologique qui a donné de précieux résultats ; mais ce sera toujours l’invincible force et l’immortel honneur de l’école dont il est le père, d’avoir rappelé les observateurs de la nature humaine aux enseignements de la conscience.

2375. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Avec Latimer et ses contemporains, la prédication comme la religion change d’objet et de caractère ; comme la religion, elle devient populaire et morale, et s’approprie à ceux qui l’écoutent pour les rappeler à leurs devoirs. […] Maintenant tu as vu que lorsque le premier s’est mis à balayer, la poussière a volé tellement que la chambre n’a pu être nettoyée et que tu as été presque étouffé ; c’était pour te montrer que la Loi, au lieu de balayer par son opération le péché du cœur, le ranime, lui donne de la force, l’accroît dans l’âme, en même temps qu’elle le manifeste et le condamne, car elle ne donne pas le pouvoir de le vaincre. —  Au contraire, quand tu as vu la demoiselle arroser d’eau la chambre, en sorte qu’on a pu la nettoyer avec plaisir, c’était pour te montrer que lorsque l’Évangile vient dans le cœur avec ses douces et précieuses rosées, comme tu as vu la demoiselle abattre la poussière en arrosant d’eau le plancher, de même le péché est vaincu et subjugué, et l’âme nettoyée par la foi, et par conséquent propre à recevoir le roi de gloire422. » Ces répétitions, ces phrases embarrassées, ces comparaisons familières, ce style naïf dont la maladresse rappelle les périodes enfantines d’Hérodote, et dont la bonhomie rappelle les contes de madame Bonne, prouvent que si l’ouvrage est allégorique, c’est pour être intelligible, et que Bunyan est poëte parce qu’il est enfant.

2376. (1904) Zangwill pp. 7-90

« Je revenais par ce chemin au commencement de l’automne, et je me rappelle combien le changement de paysage me frappa. […] Rappelez-vous ce docteur védique, dont le nom, selon Burnouf, signifiait οὗ τὸ σπέρμα εἰς τὴν κεφάλην ἀνέβη.

2377. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Rappelons-nous qu’autrefois beaucoup de grands livres étaient anonymes : tous les textes sacrés, par exemple, la Bible, le Koran, le Rig-Veda. […] (Malheureusement, je ne me rappelle plus les noms propres, et la mort de Pomairols, qui me les avait dits, m’ôte l’espoir de les retrouver.)

2378. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Cette idée de sauver la vie à son fils par la cérémonie du mariage, et de rendre ce qu’elle doit a son époux, en prévenant sa consommation par la mort, n’est peut-être pas un arrangement bien raisonnable ; mais ce roman de la vertu élève l’âme et flatte l’imagination ; il rappelle ce trait d’un Espagnol dont parle La Fontaine, qui brûla sa maison pour embrasser sa dame : Il est bien d’une âme espagnole, Et plus grande encore que folle. […] Rappelé après bien des années, il fut reçu froidement du roi, qui, même quand il le voyait, évitait de lui parler. […] Sa mère ayant été rappelée de l’exil sous Claude, Néron recouvra les biens de son père ; il eut même une partie de ceux de son beau-père Crispus Passimus, orateur moins célèbre encore par son éloquence que par ses richesses. […] Par conséquent c’est la peinture vraie, intéressante et morale des excès auxquels peut se porter un homme corrompu par un pouvoir sans bornes ; mais ce même despote est reconnaissant des services qu’on lui a rendus quand on les lui rappelle ; il punit le crime dès qu’il le connaît : ce n’est donc pas, comme on nous le dit, un fantôme de roi ; c’est un roi trompé, qui répare son erreur. […] Au reste, la prévention de madame de Sévigné pour Esther était bien naturelle ; Esther lui rappelait toujours ce moment si brillant où, devant toute la cour, le roi lui avait fait l’honneur de lui parler.

2379. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

En homme délicat, il s’est bien gardé de rappeler que j’avais fait la remarque avant lui.

2380. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Un soir, au moment de partir pour le bal de l’Opéra, elle trouve sur la toilette la Nouvelle Héloïse 486, je ne m’étonne point si elle fait attendre d’heure en heure ses chevaux et ses gens, si, à quatre heures du matin, elle ordonne de dételer, si elle passe le reste de la nuit à lire, si elle est étouffée par ses larmes ; pour la première fois, elle vient de voir un homme qui aime  Pareillement, si vous voulez comprendre le succès de l’Émile, rappelez-vous les enfants que nous avons décrits, de petits Messieurs brodés, dorés, pomponnés, poudrés à blanc, garnis d’une épée à nœud, le chapeau sous le bras, faisant la révérence, offrant la main, étudiant devant la glace les attitudes charmantes, répétant des compliments appris, jolis mannequins en qui tout est l’œuvre du tailleur, du coiffeur, du précepteur et du maître à danser ; à côté d’eux, de petites Madames de six ans, encore plus factices, serrées dans un corps de baleine, enharnachées d’un lourd panier rempli de crin et cerclé de fer, affublées d’une coiffure haute de deux pieds, véritables poupées auxquelles on met du rouge et dont chaque matin la mère s’amuse un quart d’heure pour les laisser toute la journée aux femmes de chambre487.

2381. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Chaque geste, chaque trait du visage, chaque pli d’un vêtement rappelle un labeur immense : nous sommes opprimés sous le poids de notre expérience, et nous traînons après nous comme une chaîne le prix des efforts et des douleurs de quatre-vingts générations.

2382. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Seulement un ruban noir qui pressait ce bonnet sur les tempes rappelait au monde son deuil, à elle-même son veuvage, au peuple son immolation.

2383. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Cet effet est dû au grandiose de l’architecture, et aux soins infinis que l’on se donne pour que tout, dans Saint-Pierre, rappelle au voyageur qu’il est dans le palais d’un Dieu. » XV « Vous savez que Bramante avait élevé jusqu’à la corniche les quatre énormes piliers de la coupole, qui ont chacun deux cent six pieds de circonférence.

2384. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Hyeronimo me rappelait tant mon mari par ses boucles noires, sous son bonnet de laine brune !

2385. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Puis, quand je n’entendis plus les cris de ma tante qui me rappelait, malgré le frère, à la cabane, et que je fus parvenue au bord de la plaine, où les passants et les chars de maïs commençaient à élever les bruits et la poussière du matin sur les routes des villages et des villas, je tombai plutôt que je ne m’assis sur le bord du sentier, à l’endroit où il va se rejoindre aux grandes routes, sous le petit pont sans eau qui sert à passer le torrent pendant l’hiver pour aller de Lucques au palais de Saltochio.

2386. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

CCXXV L’heure, qui sonna midi au cadran de la tour, nous rappela à peine que le temps comptait encore pour nous, car nous nous croyions vraiment dans le temps qui ne compte plus, dans l’éternité.

2387. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Que du reste Deschamps, avec son rude langage, dans ses vers martelés et pénibles, ait souvent de la force, de l’éclat, de l’originalité, une sorte de mâle et brusque fierté qui rappelle, par moments, l’accent de Malherbe, il n’y a pas à le contester.

2388. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Il s’éloigne de la cour en 1498, est rappelé par Louis XII en 1565, et suit le roi en Italie.

2389. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

On connaît la mystique invocation d’Hippolyte à Artémis, ce chant vraiment pieux et dont le ton rappelle celui des cantiques à la sainte Vierge : « … Ô ma souveraine, je t’offre cette couronne cueillie et tressée de mes mains dans une fraîche prairie, que jamais le pâtre et ses troupeaux ni le tranchant de fer n’ont osé toucher, où l’abeille seule au printemps voltige, et que la Pudeur arrose de ses eaux limpides, etc. » Cette image (la Pudeur et ses eaux limpides), M. 

2390. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Il abhorre Paris ; rien ne pourra le changer. » Ou bien : « Valmore m’a avoué qu’il préférait toutes les chances désastreuses que nous éprouvons de faillite en faillite et de voyage en voyage, à rentrer jamais à la Comédie française qu’il abhorre. » Ou bien : « Valmore est tout à fait réveillé de ses beaux rêves d’artiste… Il veut nous emmener dans quelque cour étrangère ou essayer une direction théâtrale à Paris… » Ou encore : « Mon mari qui t’aime de toujours incline jusqu’à tes genoux toutes ses fiertés d’homme… » (Cela, c’est tout à fait l’accent « Delobelle », ou, mieux, le style « Delmar » : vous vous rappelez l’étonnant cabot-pontife de l’Éducation sentimentale ?)

2391. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

L’enfant peut avoir peur de la figure qu’il a barbouillée ; mais, une fois qu’il en a ri, ne se rappellera-t-il pas toujours qu’il a barbouillé ce visage pour se faire peur à lui-même !

2392. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Une fille, dont Magnard ne se rappelle pas bien exactement le nom, jouissant d’une certaine notoriété, avait été abandonnée par un riche entreteneur, à cause de ses relations avec un ingénieur.

2393. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Bedloe, on se rappelle de quelle façon équivoque celui-ci, ayant raconté que dans une vision opiacée il s’était vu tomber mort, refusa de répondre quand on lui fit remarquer qu’il venait de prouver l’inanité de son hallucination.

2394. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Pour expliquer convenablement ma pensée à cet égard, je dois d’abord rappeler une conception philosophique de la plus haute importance, exposée par de Blainville dans la belle introduction de ses Principes généraux d’anatomie comparée.

2395. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Rappelez-vous le vieux Gobseck dans Balzac, faisant jouer le jour dans les diamants de la comtesse de Restaud.

2396. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

. — En outre, si vous considérez l’isolement de ces peuples sauvages qui s’ignoraient les uns les autres, et si vous vous rappelez l’axiome : Des idées uniformes nées chez des peuples inconnus entre eux, doivent avoir un motif commun de vérité, vous trouverez un grand principe, c’est que les premières fables durent contenir des vérités relatives à l’état de la société, et par conséquent être l’histoire des premiers peuples.

2397. (1923) Au service de la déesse

Lefranc ne se rappelle pas que l’on ignore la vie et le personnage du « Stratfordien » ; et, après avoir dit tout ce que l’œuvre de Shakespeare lui révèle, il ajoute : « Rien de tout cela ne concorde avec la personnalité, ni avec le caractère de Shakespeare, tels que les données biographiques permettent de les concevoir. » Il y a, dans l’œuvre dite de Shakespeare, une série de drames historiques. […] Vous croyez vous rappeler une jeune fille : et vous retrouvez une vieille coureuse. […] Il se rappelle son arrivée dans ce pays où il demeure depuis l’année 1888, le mariage de sa sœur, l’émoi de ses premières amours, sa vie tranquille auprès de sa mère, « la jeune gloire, l’ivresse, l’amour humain tel que nul autre ne le ressentit davantage, les vierges charmantes, les promenades botaniques, les tendres désillusions, les tristesses déprimantes, le retour à Dieu dans la jonchée de glaïeuls en flammes et de campanules gorgées de beau temps, les fiançailles, et puis ce foyer patriarcal dressé comme un bûcher divin par le bras de la femme forte ». […] Mais, quant aux sentiments, rappelons-nous la volonté du combattant : la paix digne d’une si grande guerre ! […] Rappelez-vous les pages célèbres de la Confession d’un enfant du siècle et Servitude et grandeur militaires : sous la Restauration, disent Musset et Vigny, la France avait remis son épée au fourreau ; toute une jeunesse, en qui frémissait encore l’ardeur des combats, ne sut que faire de son entrain.

2398. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

C’est par l’attention qu’elle suscite que la mise en ordre de nos souvenirs, aide à se les rappeler. […] En effet, pour me rappeler, il suffit que je me souvienne des formes de l’objet ; pour cela je n’ai pas besoin de le nommer. […] Il rappelle immédiatement la chose sans que nous ayons à travailler pour nous en souvenir.

2399. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Je vais y répondre. » Et de tous côtés, le son du cor rappelait les chasseurs. […] « La femme de notre roi vous rappelle que vous avez toujours eu pour elle affection et dévouement, et que votre cœur et votre bras lui furent constamment fidèles.

2400. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Sans nous attarder aux brillantes tentatives du xviie et du xviiie  siècle, et tout en donnant cette opinion de Voltaire qui veut que « les vers soient tellement faits que le lecteur ne s’aperçoive pas qu’on a été occupé de la rime », rappelons que Fabre d’Olivet, au commencement de ce siècle, s’éleva contre les ennemis de la rime, déclarant que « tout le mal que l’on dit d’elle n’est vrai qu’entre les mains d’un homme sans génie ou qui plaint sa peine », ce qui n’empêchera pas Mistral de nous donner une merveilleuse épopée et quelques poètes contemporains de mener bataille contre la rime. […] C’est d’abord une lettre-notice du très délicat écrivain qui, en ses livres « Sixtine », « Lilith », « Le Latin Mystique », rappelle les purs imagiers de Sienne : 1º Sur l’évolution de Mistral (poème le Rhône, en vers mesurés, mais non rimés et sans assonances).

2401. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Illustrer par des exemples une erreur aussi fréquente est inutile ; nous voulons seulement remarquer qu’elle est favorisée par l’usage des signes analogiques : l’emploi du mot huppe fait sortir des rangs le cri de l’animal, et du second plan, qui est sa vraie place, le met au premier ; et il ne faut pas croire, rappelons-le, que l’onomatopée représente un cri général ; tout au plus serait-ce le cri moyen ou le plus ordinaire, si elle pouvait reproduire exactement un son particulier ; mais la voix humaine et, à sa suite, la parole intérieure, ne peuvent que simuler imparfaitement les sons naturels ; ainsi le mot analogique, en attirant à lui la conscience, éclaire injustement une partie de l’idée aux dépens des autres, les sons au détriment des visa-tacta, et donne à tort une valeur générale à une image particulière. […] XII, 1877, p. 77.] — De Cardaillac, lui aussi, exagère l’influence de la parole sur la mémoire ; mais, en vrai psychologue, il expose des faits incontestables plutôt qu’il ne proclame une nécessité (p. 270 et suiv., 332, 341) ; il admet qu’il existe une mémoire spéciale des idées ; alors « ce sont les idées qui rappellent les mots », et, même dans la mémoire des mots, le souvenir de l’idée aide le souvenir du mot, car « on redit plus exactement ce que l’on comprend que ce que l’on ne comprend pas » (p. 291-292).

2402. (1927) Des romantiques à nous

Je me rappelle l’avoir acheté pour quatre sous. […] Peu de jours après avait lieu chez Lekeu une tumultueuse exécution d’Andromède où je ne me rappelle plus quelle voix je faisais, mais où prenait part un ténor plus authentique que moi, mon vieil et très cher ami le docteur Raymond Diriart, alors interne des hôpitaux, avec qui je l’avais mis en rapport, non seulement parce que mes amis devaient être les amis de Diriart, mais parce que Diriart, musicien fervent, ne m’eut jamais pardonné de ne pas l’approcher de la merveilleuse fontaine de musique que je venais de découvrir dans l’auteur d’Andromède, deuxième second grand prix de Rome2. […] Je me rappelle ce mot de lui.

2403. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

De ce jour Goethe dévoua sa vie à la princesse Amélie et au duc Charles-Auguste ; l’une parut être sa Léonore d’Est à la cour de Ferrare, l’autre rappela à cette cour le Tasse aimé de la mère, favori du fils.

2404. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Il m’a rappelé ce vieux frère quêteur du couvent de la montagne, auquel je dois le miracle de charité qui m’a sauvé et le bonheur de retrouver mon père, ma tante et ma cousine.

2405. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Cette petite lampe fut la dernière lumière de Marie dans sa prison, et comme le crépuscule de sa tombe : humble meuble tragique par les souvenirs qu’il rappelait !

2406. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

on n’a qu’à feuilleter le poème, à se rappeler les passages fameux que tout le monde cite : les prologues des Misères et des Princes, la cour des Valois, et tant de vers éclatants qui fleurissent jusque parmi les plus épineuses broussailles.

2407. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Il parle comme parlera deux siècles et demi plus tard Renan, après tant de merveilleuses découvertes qui auront fait comprendre à la fois et le progrès infini, et les étroites limites de la connaissance : il est en effet curieux de voir que Renan a refait la méditation des Deux Infinis en des termes qui rappellent étrangement Pascal348.

2408. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Alphonse Daudet Je me rappelle mon enfance.

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