De ce qu’il y a quelques traits de vérité dans le fragment d’Harold, on veut conclure que ce ne sont point des sentiments feints, et qu’ils expriment la pensée de l’auteur plus que la passion du héros. […] Ce n’était plus une femme, c’était une passion sous l’idéale beauté ; elle ne se livrait à cette inspiration des attitudes que dans l’intimité la plus confidentielle. […] Non, jamais aucune Madone des coins de rues, à Lucques, à Pise, à Sienne, peut-être à Rome, n’a entendu des sérénades pareilles pendant les nuits de la semaine de la Passion ; on priait rien qu’à les entendre, les anges souriaient en pleurant et les soirs d’été, après la moisson, quand elles jouaient des airs de danse, les chênes même auraient bondi en cadence en les écoutant.
Sans doute il faut des lois et des lois sévères pour contenir les passions humaines, parce que le désordre des passions est un fléau pour la société ; mais l’Imagination, cette fille du ciel, veut être libre et indépendante. […] Comment supposer qu’un écrivain, au moment où il prend la plume, puisse se dépouiller des pensées qui l’agitent, des passions qui le dominent, pour revêtir des idées, des sentiments qui lui sont étrangers ?
Mais voici assez de pages aujourd’hui, Monsieur le Directeur, et je m’aperçois que, avec une passion nationale pour les théories, je vous ai à peine donné Quelques renseignements sur les choses musicales de notre pays. […] Si nous considérons chez maints modernes compositeurs allemands, le désordre sans bornes, le gâchis des formes, par lesquelles si souvent ils nous gâtent la joie de beaucoup de beautés isolées, nous désirerions bien voir ces pelotes enchevêtrées mises en ordre par cette forme italienne fixe ; et en effet, si elle est, avec tous ses sentiments et sensations, entièrement coordonnée et saisie d’un ferme trait en une claire et convenante mélodie, l’instantanée et simple compréhension de toute une passion sera de beaucoup plus facile, que lorsque, par mille petits commentaires, par telle ou telle autre, nuance d’harmonie, par le timbre de tel instrument ou de tel autre elle aura été cachée et à la fin tout à fait subtilisée. « Mais pourtant dans cette décadence certainement partielle et dans ce verbiage, surtout en certains sujets d’opéra, combien leur forme et leur manière viennent aux Italiens à propos, Bellini en donne la preuve dans la norma, sans contradiction une de ses compositions les plus réussies ; dans cette pièce où le poème même s’élève à la hauteur tragique des anciens grecs, cette forme que Bellini en même temps aussi relève et anoblit, rehausse le solennel et grandiose caractère du tout ; toutes les passions que son chant transfigure si singulièrement, reçoivent par cela même un fondement majestueux, sur lequel elles ne flottent pas vaguement, mais se forment en un grand et clair tableau qui, involontairement, rappelle les créations de Gluck et de Spontini.
Le premier est « une minutieuse étude provinciale, où se débattent, mêlées à de plus nobles, de petites passions et de petites âmes ». […] Tous, de « leurs grands yeux bretons, malades d’idéal et de passion voilée », ils regardent, dans le verre plein, le paysage d’hier et l’émotion qui s’y attache. […] Ou bien leur souvenir traverse un jour torride : sous les lumières farouches du soleil et d’une violente passion, ils revoient une lande épineuse et odorante.
Il désirait surtout deux bonheurs : la gloire militaire et la grande passion partagée. […] Il aima avec constance, et sa passion pour Arthénice (Catherine de Termes) dura dix années ; toujours il tomba sur des coquettes qui se jouèrent de sa naïveté. […] Immédiatement après cette qualification grandiloquente mais un peu vague, Charles-Brun, qui prévoit jusqu’aux moindres objections, s’écrie : « Et je n’entends point le perdre de la sorte dans une troupe mélodieuse de troubadours occitans qui chantèrent aussi la passion souveraine. » Cette phrase me fit espérer une définition critique du talent de Bernard de Ventadour.
Il n’est donc pas étonnant que la volition énergique produise une conscience énergique de la personnalité, puisque c’est l’idée de la personnalité qui agit alors, et que vouloir, c’est désirer le triomphe même de l’idée du moi intelligent sur les passions aveugles. […] — Si vous désignez, répondrons-nous, par volonté la réaction de notre moi, lequel est conscient du pouvoir même qu’il a de réagir par ses idées sur ses passions, il est vrai alors de dire que la volonté intervient dans la formation des motifs, mais elle intervient selon des lois, qui sont les lois mêmes de la pensée et du désir. […] Même nos fautes, nous les élevons à la dignité de théorie, plutôt que de les expliquer par l’impulsion égoïste de nos passions.
XI Ce n’était pas impunément que Voltaire, Rousseau, Buffon, et les disciples éminents de ces différentes écoles et de ces différents styles, répandaient en Europe la connaissance, le goût et la passion même de notre langue ; cette littérature et cette langue contenaient l’idée moderne, l’idée française. […] Il donne trop à entendre que la révolution française n’était point une révolution morale, intellectuelle, mais un simple redressement d’abus, redressement d’abus entraîné hors de sa voie et au-delà de son but par une force d’impulsion égarée et par les passions soulevées en chemin dans le tumulte d’une réforme. […] XVI Quoi qu’il en soit, cette révolution, pour laquelle la France depuis deux siècles semblait avoir façonné sa langue claire, forte, polémique, oratoire, se concentra tout à coup avec toutes ses idées et ses nobles passions intellectuelles dans l’Assemblée Constituante, assemblée la plus littéraire qui ait jamais existé, véritable concile œcuménique de la raison humaine en ce moment.
L’intérêt de la tragédie est dans le développement des caractères et des passions ; l’intérêt du mélodrame est dans les combinaisons extraordinaires d’événements. […] Une passion, parvenue au dernier degré de violence, et qui se heurte contre un devoir ou contre quelque autre obstacle, et la lutte, le triomphe ou la défaite de cette passion. […] Le sujet de la tragédie, c’est une passion à son paroxysme et enserrée dans une situation extrême : d’où les unités de jour et de lieu. […] En somme, on a dit que Lionnette et Nourvady étaient des fous : et il m’a paru qu’ils agissaient d’un bout à l’autre conformément à la logique de leurs passions. […] Et c’est cette passion rédemptrice, à laquelle il s’immole, qui réveille et qui empêche de périr ce qu’il y a de bon en lui.
Ils aimèrent l’odeur des batailles et le tumulte des passions. […] La fougue, la passion, l’incapacité de subir une règle, en sont les traits permanents. […] Ils n’ont pas de grandes passions, et ils pratiquent (accordons-leur ceci) un tas de petites vertus. […] Dans l’intimité, elle joue, avec passion, des comédies morales. […] Max Collignon croit devoir mettre ses confrères en garde contre les excès et les innocents ridicules de cette passion.
Mallarmé, par sa passion même d’absolu, était détourné de la culture livresque. […] Et c’est le sens aussi que je donne à sa passion de la yole, sur l’eau, le seul déplacement du corps qui lui plût. […] Le théâtre propose des caractères à comprendre, et non — si ce n’est sous les formes populaires et déchues — des passions, des sentiments à épouser. […] Le Romantisme, au contraire, dans ses personnages, cherche un état lyrique à nous faire adopter, ce qui le rend courtisan de la passion. […] L’hallucination se comporte comme la passion : elle croît par ce même effort qui pour la rejeter la prend au sérieux, la discute.
Il l’a médité longtemps dès sa tendre jeunesse, il doit le placer au premier rang de ses pères intellectuels ; il le reproduit par quelques traits intimes de ressemblance, par un spiritualisme, un déisme ardent et sincère, par la passion de la nature et de la campagne, par l’enthousiasme et l’ivresse du cœur dans les courses pédestres solitaires. […] C’est un sujet de thèse que je propose à d’autres : la passion littéraire et le goût de l’esprit chez les femmes dans l’Antiquité. […] » Plus tard, à des siècles de là, au déclin, mais à un bien beau déclin encore, le Tasse, avec sa séduction magique et ses ravissantes héroïnes, dut inspirer autour de lui autant et plus de passions peut-être qu’il n’en ressentit lui-même. […] On a droit de s’étonner encore que ce divin poète de la tendresse et des sentiments fins, qui a su fouiller et démêler les plus secrets ressorts des passions et lire au cœur d’Hermione et de Phèdre comme à celui de Bérénice et de Monime, n’ait pas eu autour de lui plus d’échos dans des âmes féminines distinguées, qu’il n’ait pas attiré et recueilli plus de tendresses avouées et déclarées, de ces éternelles reconnaissances de femmes pour le poète supérieur qui les a une fois devinées et enchantées pour toujours.
Beaucoup de noms s’y rencontrent, dont quelques-uns célèbres : — Varron d’Atace, le poêle didactique, né dans la Narbonnaise, auteur d’un poème sur la Navigation, et qui traduisit Apollonius de Rhodes ; — Cornelius Gallus, qui imita Euphorion, dont Virgile a immortalisé la passion en quelques vers, et qui n’a rien de commun avec le Pseudo-Gallus contemporain de Théodoric ; — l’historien Trogue-Pompée, que Justin a tué en l’abrégeant (on a sauvé l’Abrégé et laissé périr l’histoire originale). […] Il n’eut pas le temps de le cacher, et Ménage, le classique érudit, et qui s’occupait pourtant des Origines de la langue, lui en fit une belle querelle21. — Au XVIIIe siècle, Galland, Caylus, l’abbé Le Beuf, l’abbé Sallier, un peu Duclos, Lèvesque de La Ravallière, des membres de l’Académie des Inscriptions, commencèrent à entrer petit à petit, par un point ou par un autre, dans étude de notre passé ; mais Sainte-Palaye surtout, Sainte-Palaye, initié par la lecture de Froissart à l’amour de notre vieille poésie fut possédé d’une véritable passion du moyen âge français ; il en eut l’enthousiasme, il eut comme une vision anticipée de tout ce qu’il renfermait de riche et de renouvelant. […] Mais il faut voir avec quel dédain de spirituels et doctes amis de Sainte-Palaye jugeaient de cette passion, si singulière à leurs yeux, qu’il avait pour le moyen âge. […] J’ai nommé Génin : il est un de ceux qui s’étaient le plus occupés, dans les dernières années, de ces questions de vieille langue ; il y portait du savoir, de l’esprit, de la passion, et il avait su piquer l’attention du public.
Réunir en une société régulière une multitude d’êtres épars qui pullulent au hasard sur une terre sans possesseurs légitimes et reconnus ; Combiner assez équitablement tous les intérêts divergents ou contradictoires de cette multitude pour que chacun reconnaisse l’utilité de borner son intérêt propre par l’intérêt d’autrui ; Extraire de toutes ces volontés individuelles une volonté générale et commune qui gouverne cette anarchie ; Proclamer ou écrire cette volonté dominante en lois qui instituent des droits sociaux conformes aux droits naturels, c’est-à-dire aux instincts légitimes de l’homme sortant de la nature pour entrer dans la société ; Sanctifier ces lois par la plus grande masse de justice qu’il soit possible de leur faire exprimer, en sorte que la conscience, cet organe que le Créateur nous a donné pour oracle intérieur, soit forcée de ratifier même contre nos passions la justice de la loi ; Faire régner avec une autorité impartiale et inflexible cette loi sur nos iniquités individuelles, sur nos résistances, nos empiétements, nos répugnances ; lui créer un corps, des membres, une main dans un pouvoir exécuteur et visible chargé de faire aimer, respecter et craindre la loi ; Armer ce pouvoir exécuteur de toute la force nécessaire pour réprimer les atteintes individuelles ou collectives contre la loi, sans l’investir néanmoins de prérogatives assez absolues pour qu’il puisse lui-même se substituer à la loi et faire dégénérer cette volonté d’un seul contre tous en tyrannie ; Échelonner, si l’empire est grand, les corps ou les magistratures, religieuse, civile, judiciaire, administrative, de telle sorte que chaque province, chaque ville, chaque maison, chaque citoyen, trouve à sa portée la souveraineté de l’État prête à lui distribuer sa part d’ordre, de sécurité, de justice, de police, de service public, de vengeance même si un droit est violé dans sa personne ; Faire contribuer dans la proportion de son intérêt et de sa force chacun des membres de la nation aux services onéreux que la nation exige en obéissance, en impôt, en sang, si le salut de la communauté exige le sang de ses enfants ; Créer au sommet de cette hiérarchie d’autorités secondaires une autorité suprême, soit monarchique, c’est-à-dire personnifiée dans un chef héréditaire, soit aristocratique, c’est-à-dire personnifiée dans une caste gouvernementale, soit républicaine, c’est-à-dire personnifiée dans un magistrat temporaire élu et révocable par l’unanimité du peuple : voilà le chef-d’œuvre de cette création d’un gouvernement par l’homme. […] Il n’y a pas une de ses lois qui se tienne debout sur des pieds véritablement humains ; il fait dans le Contrat social la législation des fantômes, comme il fait dans l’Émile l’éducation des ombres, et dans la Nouvelle Héloïse, il ne fait que l’amour des abstractions ayant pour passion des phrases. […] La passion chrétienne et sainte de l’égalité démocratique dont il était animé donne seule une valeur morale à cette utopie du Contrat social. […] « “Nous ne sommes pas assez érudit, poursuit-il, pour prononcer entre le Chi-King, et les poètes d’Occident ; mais nous ne craignons pas de dire qu’il ne le cède qu’aux psaumes de David pour parler de la divinité, de la providence, de la vertu, etc., avec cette magnificence d’expression et cette élévation d’idées qui glacent les passions d’effroi, ravissent l’esprit et tirent l’âme de la sphère des sens.” » XIII S’élevant ensuite à la hauteur d’une critique supérieure aux ignorances et aux préjugés de secte, le savant disciple des jésuites parle des Kings, de leur antiquité, de leur authenticité, de leur caractère en ces termes : « De bons missionnaires qui avaient apporté en Chine plus d’imagination que de discernement, plus de vertu que de critique, décidaient sans façon que les Kings étaient des livres, sinon antérieurs au déluge, du moins de peu de temps après ; que ces livres n’avaient aucun rapport avec l’histoire de la Chine, qu’il fallait les entendre dans un sens purement mystique et figuré.
C’est de son corps, de ses passions et de ses besoins diversifiés à l’infini, que lui viennent ces assauts d’où il sort si rarement victorieux ; c’est d’un principe contraire à celui de son âme que lui viennent ces combats, terminés le plus ordinairement par des défaites. Ce serait exagérer que de croire que le vice tout entier vient du corps, et que l’âme n’a pas ses passions propres qui la ruinent, quand elles sont mauvaises, comme celles que le corps lui suggère. […] En réglant le corps de certaine façon, on tempère les passions de l’âme ; et, par un régime bien entendu, on tire, en partie du moins, la santé de l’âme de la santé du corps : Mens sana in corpore sano. […] Autant qu’on peut discerner à de telles distances les causes de cette mort, on les retrouve aisément dans la politique de son pays et dans les passions des hommes, bonnes ou mauvaises.
Il faut, de même, que le rapport de la cause à l’effet, de faction à la passion, il faut que la réciprocité d’influence et le déterminisme mutuel, qui sont des conditions d’existence et de développement pour toutes nos cellules, viennent se formuler, en actes et en pensées, dans ce cerveau où la vie prend conscience de soi. […] À cette conscience de la contrainte subie, de la passion, avec son intensité plus ou moins grande, vient se joindre la conscience de la contrainte exercée par nous, de la réaction. […] La série de phénomènes extérieurs ne demeure donc pas pour nous une suite indifférente de changements neutres et mornes : elle s’anime et se vivifie, elle s’anthropomorphise, elle devient, elle aussi, une série d’actions, de passions, de réactions, de nouvelles passions, etc.
La bourgeoisie de France, mieux renseignée, voyait dans Victor Hugo une des plus parfaites et des plus brillantes personnifications de ses instincts, de ses passions et de ses pensées. […] Jeté à bas de ses rêves ambitieux et enfiévré par l’attente incessante de la chute immédiate de Napoléon III, Hugo pour la première et l’unique fois de sa vie lâche la bride aux passions turbulentes qui angoissaient son cœur. […] Ses vers que les amplifications oiseuses et des comparaisons étourdissantes rendent d’ordinaire si froids, s’animent et vibrent de passion. […] Mais la critique historique qui n’admire ni ne blâme, mais essaye de tout expliquer, adopte l’axiome populaire, il n’y a pas de fumée sans feu ; elle pense que l’écrivain acclamé par ses contemporains, n’a conquis leurs applaudissements que parce qu’il a su flatter leurs goûts et leurs passions, et exprimer leurs pensées et leurs sentiments dans la langue qu’ils pouvaient comprendre.
C’était à mes yeux l’homme du siècle, l’homme de la passion, l’homme de la liberté, le dernier des Romains, une espèce de Brutus poétique, écrivant à la pointe du poignard des sonnets à sa Béatrix, des pages de Tacite, des imprécations de Machiavel contre les tyrannies. […] qui ne sait sa passion, son culte, son idolâtrie poétique pour celle qu’il appelle la mia donna, autre Laure de cet autre Pétrarque, autre Béatrice de cet autre Dante, autre Vittoria Colonna de cet autre Michel-Ange ? […] La passion de connaître cette femme historique l’emporta sur la timidité. […] Il n’y avait eu de vraiment grand en lui que sa passion pour la liberté et son amour.
Minos, qui personnifie la justice divine, juge et châtie au cinquième chant les âmes coupables d’avoir cédé aux passions sensuelles. […] Le tyran qui les épie à leur insu, et qui, les perçant à la fois du même glaive, confond dans un même ruisseau leur sang sur la terre et dans un même soupir leur première et leur dernière respiration d’amour ; Le ciel qui les châtie avec une sévérité morale, mais avec un reste de divine compassion, dans un autre monde, et qui leur laisse au moins, à travers leur expiation rigoureuse, l’éternelle consolation de ne faire qu’un dans la douleur, comme ils n’ont fait qu’un dans la faute ; La pitié du poète ému qui les interroge et qui les envie (on le reconnaît à son accent) tout en les plaignant ; Le principal coupable, l’amant, qui se tait, qui sanglote de honte et de douleur d’avoir causé la mort et la damnation de celle qu’il a perdue par trop d’amour ; la femme qui répond et qui raconte seule pour tous les deux, en prenant tout sur elle, par cette supériorité d’amour et de dévouement qui est l’héroïsme de la femme dans la passion ; Le récit lui-même, qui est simple, court, naïf comme la confession de deux enfants ; Le cri de vengeance qui éclate à la fin de ce cœur d’amante contre ce Caïn qui a frappé dans ses bras celui qu’elle aime ; Cette tendre délicatesse de sentiment avec laquelle Francesca s’abstient de prononcer directement le nom de son amant, de peur de le faire rougir devant ces deux étrangers, ou de peur que ce nom trop cher ne fasse éclater en sanglots son propre cœur à elle si elle le prononce, disant toujours lui, celui-ci, celui dont mon âme ne sera jamais « désunie » ; Enfin la nature du supplice lui-même, qui emporte dans un tourbillon glacé de vent les deux coupables, mais qui les emporte encore enlacés dans les bras l’un de l’autre, se faisant l’amère et éternelle confidence de leur repentir, buvant leurs larmes, mais y retrouvant au fond quelque arrière-goutte de leur joie ici-bas, flottant dans le froid et dans les ténèbres, mais se complaisant encore à parler de leur passé, et laissant le lecteur indécis si un tel enfer ne vaut pas le ciel… Quoi de plus dans un récit d’amour ? […] Ils sont dans ce second regard du père, après la troisième nuit, qui interroge avec terreur le visage de ses fils, et qui reconnaît sur ces quatre suaires vivants de sa passion l’empreinte de son propre visage. […] Pour qui a visité l’Italie, cela n’est pas étonnant ; le Purgatoire est la grande popularité de la religion chrétienne chez ce peuple à grandes passions et à grands repentirs.
La passion de Henri IV pour Gabrielle passa par différentes phases, et, au début, elle semble n’avoir rien eu que d’assez vulgaire. […] Au compliment de condoléance que lui adressait sa sœur Madame Catherine, Henri IV répondait le 15 avril : « La racine de mon amour est morte, elle ne rejettera plus ; mais celle de mon amitié sera toujours verte pour vous, ma chère sœur. » Par malheur, ce ne fut pas tout à fait la vertu ici qui triompha de la passion.
Bailly ne va faire désormais la part au démon caché si grande et si perverse que parce que jusque-là il n’avait pas fait au cœur humain, aux passions humaines, la part assez compliquée, assez orageuse et assez largement contradictoire. […] » C’est par ces effronteries cent fois répétées, et mêlées aux calomnies sérieuses, qu’en temps de trouble et de passions politiques on achemine les esprits aux ignobles vengeances, et qu’on prépare au besoin les échafauds.
Nous nous suivons à la piste, voire nous nous pressons, échauffons ; nous nous coiffons et investissons les vices et passions les uns aux autres ; personne ne crie Holà ! […] Ce qui parlait surtout en sa faveur, c’était sa vie, la pureté de ses mœurs, l’égalité et la tranquillité de son âme : « C’est une science divine et bien ardue, disait-il, que de savoir jouir loyalement de son être, se conduire selon le modèle commun et naturel, selon ses propres conditions, sans en chercher d’autres étranges. » Cette science pratique, à laquelle, sauf de rares et courts instants de passion, il avait toujours été disposé, il paraît qu’il l’avait tout à fait acquise en vieillissant ; l’équilibre de son humeur et de son tempérament l’y aidait ; il avait pris pour sa devise : Paix et peu, et il la justifiait par toute sa vie.
Il lui parle du jeune Grammont, qui est près de lui à ce siège, avec intérêt et désir de flatter le cœur d’une mère : « Je mène tous les jours votre fils aux coups et le fais tenir fort sujet auprès de moi ; je crois que j’y aurai de l’honneur. » Les expressions de tendresse, mon cœur, mon âme, s’emploient toujours sous sa plume par habitude, mais on sent que la passion dès longtemps est morte ; et enfin le moment arrive où, après quelques vives distractions qui n’avaient été que passagères, Henri n’a plus le moyen ni même l’envie de dissimuler : l’astre de Gabrielle a lui, et son règne commence (1591). Il ne faut pas trop voir le lendemain de ces belles passions.
J’ai relu des pensées de Bacon sur la mort, des pensées de Montaigne sur la vieillesse, sur cet âge peu agréable, quoi qu’on puisse dire, où des passions ardentes nous en venons petit à petit aux passions frileuses ; j’ai relu aussi des pages de Buffon qui sont bien faites à leur manière pour acheminer l’homme naturel vers son déclin, pour le consoler, sinon pour l’enorgueillir32.
Quand un grain de passion politique ou universitaire s’y mêle, quand l’adversaire prête flanc par une surface prolongée, quand le journaliste professeur est à l’aise pour se déployer derrière ses lignes classiques et pour ajuster sûrement son monde, il s’en donne en homme d’esprit plein de malice ; et à ce jeu il se serait rompu à la longue ; le naturel aurait pris le dessus sur le concerté et le compassé ; ce qu’un adversaire des plus fins, mais irrévérent36, a appelé l’amidon de son style, ce que nous nommons tout uniment l’apprêt, aurait disparu. […] En politique, il était centre gauche, partisan de ces doctrines libérales honnêtes, qui sont le résultat assez naturel des études classiques : il ne les épousait pas systématiquement ni avec trop de passion ; il n’était pas homme non plus à les modifier, à les rétracter ou à les suspendre d’après l’expérience positive de la vie.
Le Roi fait observer que Louis XIV était alors dans le fort de sa passion pour Mlle de La Vallière. […] Charles-Quint, près d’abdiquer, et « qui savait commander à ses passions, ne savait pas contenir ses appétits61. » Infirme et avec une santé détruite, il se gorgeait d’huîtres, de poissons, de boissons glacées les plus nuisibles.
C’est même pour lui une des conditions de la critique complexe et nuancée telle qu’il l’entend : « L’esprit délicat et dégagé de passion, critique pour lui-même, voit, dit-il, les côtés faibles de sa propre cause et est tenté par moments d’être de l’avis de ses adversaires. » Le contraire lui paraît presque de la grossièreté, de la violence à l’usage seulement des hommes d’action, des chefs de secte ou de parti, non des penseurs. […] un professeur savant, respectueux, éloquent, mais d’une éloquence appropriée, qui ne fait en rien appel aux passions et qui ne s’adresse, qu’à l’entendement, ne pourrait obtenir, même de ceux qui se portent comme futurs contradicteurs, cette patience d’une heure entière d’horloge, ce silence indispensable pour être bien compris !
Cette Salammbô, dont la personne et la passion devaient faire le mobile du livre et de l’action, est piquante, curieuse, habilement composée et concertée, je n’en disconviens nullement, mais elle n’anime rien et, au fond, n’intéresse pas. […] Que si vous m’opposez Shakespeare que cette préoccupation ne retenait pas, et qui prenait les hommes avec leurs passions et les âmes avec leurs abîmes, ne s’épargnant aucune situation franche, fût-elle horrible, aucune expression sincère, fût-elle violente, je m’en accommode très-bien, et je vous dis : Faites comme lui, montrez-nous gens et choses tels qu’ils sont, pas plus beaux qu’ils ne sont, mais aussi pas plus laids ni pires qu’ils ne sont.
vous, avec votre humanité (tu homo), vous me rendrez fou. » Mais Micion, de plus en plus lancé et mis lui-même hors des gonds, va non plus jusqu’à excuser, mais jusqu’à épouser les désordres de son fils adoptif (et il sentira tout à l’heure, quand il sera seul, qu’il s’est laissé emporter un peu loin) ; cet homme doux se fâche tout de bon ; la contradiction le pousse, la passion ne lui laisse pas son sang-froid : « Ah ! […] Quand il arrive sur la scène, comme un jeune chien en défaut, courant, hors d’haleine, ayant perdu la piste de la beauté qu’il suivait, qu’il brûlait d’aborder, qu’un maudit fâcheux lui a fait tout d’un coup manquer, quel jeu de passion !
Traiter la Passion et la reprendre en sous-œuvre n’était pas moins difficile. […] N’est-ce donc rien dans ce naufrage de tant de doctrines, de tant de croyances, dans cet envahissement de tant de passions positives et intéressées, d’éviter la légèreté, de rencontrer une science émue qui vous guide, et de monter la colline avec Celui qu’il n’est interdit d’honorer et d’adorer sous aucune forme ?
Il a dans la pensée un type de théâtre à lui, une scène idéale de magnificence et d’éclat, de poésie en vers, de style orné et rehaussé d’images, de passion et de fantaisie luxuriante, d’enchantement perpétuel et de féerie ; il y admet la convention, le masque, le chant, la cadence et la déclamation quand ce sont des vers, la décoration fréquente et renouvelée, un mélange brillant, grandiose, capricieux et animé, qui est le contraire de la réalité et de la prose : et le voilà obligé de juger des tragédies modernes qui ne ressemblent plus au Cid et qui se ressemblent toutes, des comédies applaudies du public, et qui ne lui semblent, à lui, que « des opéras-comiques en cinq actes, sans couplets et sans airs » ; ou bien de vrais opéras-comiques en vogue, « d’une musique agréable et légère, mais qui lui semble tourner trop au quadrille. » Il n’est pas de l’avis du public, et il est obligé dans ses jugements de compter avec le public. […] Il ne se contentait pas de hanter, d’habiter même par moments ces palais et antiquités moresques qui étaient Sa première et souveraine passion, il voyait aussi la société, allait à la tertulia presque chaque soir et se mêlait familièrement aux belles jeunes filles et aux enfants rieuses.
Madame de La Sablière elle-même, qui reprenait La Fontaine, n’avait pas été toujours exempte de passions humaines et de faiblesses selon le monde ; mais lorsque l’infidélité du marquis de La Fare lui eut laissé le cœur libre et vide, elle sentit que nul autre que Dieu ne pouvait désormais le remplir, et elle consacra ses dernières années aux pratiques les plus actives de la charité chrétienne. […] Mais, dès 1684, nous avons de lui un admirable Discours en vers, qu’il lut le jour de sa réception à l’Académie française, et dans lequel, s’adressant à sa bienfaitrice, il lui expose avec candeur l’état de son âme : Des solides plaisirs je n’ai suivi que l’ombre, J’ai toujours abusé du plus cher de nos biens : Les pensers amusants, les vagues entretiens, Vains enfants du loisir, délices chimériques, Les romans et le jeu, peste des républiques, Par qui sont dévoyés les esprits les plus droits, Ridicule fureur qui se moque des lois, Cent autres passions des sages condamnées, Ont pris comme à l’envi la fleur de mes années.
Il y en a pour la naissance, le maintien et le développement des sociétés humaines, pour la formation, le conflit et la direction des idées, des passions et des volontés de l’individu humain338. […] Cherchons donc s’il n’est pas le fil dont toute notre trame mentale est tissée, et si le déroulement spontané qui le noue maille à maille n’aboutit pas à fabriquer le réseau entier de nos pensées et de nos passions Sur cette idée, un esprit d’une précision et d’une lucidité incomparables, Condillac donne à presque toutes les grandes questions les réponses que le préjugé théologique renaissant et l’importation de la métaphysique allemande devaient discréditer chez nous au commencement du dix-neuvième siècle, mais que l’observation renouvelée, la pathologie mentale instituée et les vivisections multipliées viennent aujourd’hui ranimer, justifier et compléter346.
J’entends les vérités philosophiques sur les caractères et leurs contrastés, sur les passions et leurs combats, sur tout ce qui fait le fond de cette vie si énergiquement qualifiée par Buffon de vie contentieuse. […] Ainsi, dans un sermon sur la Passion, il intéresse toutes les mères au redoutable mystère, en représentant les adieux de Marie à Jésus, prêt à faire « son dernier voyage en Jherusalem, le voyage en sa douloureuse mort.
Certains instincts, hérités en partie de ses ancêtres animaux, la passion amoureuse, la tendresse filiale ou maternelle, l’amitié même l’y poussent parfois. […] Et c’est ainsi que peu à peu, par des procédés inaperçus souvent et encore méconnus, elle a créé dans l’homme un ensemble artificiel et factice, illusoire et nécessaire peut-être, de doctrines, de croyances, de sentiments, de passions qui devaient adapter l’homme à la vie sociale, et qui l’ont fait réellement dans une certaine mesure.
Sans prétendre compter les amours de Chaulieu, il est impossible, du moment qu’on touche à ce chapitre, d’oublier sa passion de vieillesse pour la spirituelle Mlle de Launay, passion dont elle a consacré le souvenir dans ses Mémoires, et qu’attestent de jolies lettres de Chaulieu qui s’y joignent ordinairement.
Il n’est rien de tel que la passion pour trouver à tout prix de quoi se satisfaire, surtout quand il entre dans la passion un brin de manie.
De plus, dans ce genre d’histoire, il n’est pas obligé de renoncer à ses passions, dont il se détache avec peine. […] s’il y a, dans ce regret de quitter de si belles choses et de si beaux tableaux, un semblant de la passion de l’Italien et du noble amateur, il y a un autre sentiment encore : si le premier mot semble d’un artiste, le second est d’un avare.
Mais le moment de ces maximes de conservation et de guérison sociale n’était point encore venu : les paroles de Portalis tombaient dans une atmosphère enflammée, et s’y altéraient au gré des passions. […] Mais les passions étaient trop brûlantes encore ; elles l’étaient des deux côtés, de celui des Conventionnels compromis et méfiants qui voulaient prolonger l’usurpation, et de la part des nouveaux venus qui voulaient se venger d’avoir été victimes, en usurpant à leur tour.
Cet accent semblable chez tout le monde, en ce sens que chaque passion, chez tous, produit à peu près le même phénomène, accélération ou ralentissement, semblable au moins en son essence, cet accent est communiqué aux mots, par le sentiment qui agite le causeur ou le poète, uniquement, sans souci d’accent tonique ou de n’importe quelle valeur fixe qu’ils possédaient en eux-mêmes. […] Le grand maître de prosodie c’est la vie, ses enseignements se trouvent dans la pensée et dans la passion.
Un tel équilibre ne peut pas être le fruit d’un calcul, le résultat d’une combinaison ; car les passions, toujours irréfléchies et dépourvues de mesure, auraient bientôt franchi des barrières qui n’auraient été élevées qu’à force d’art. […] Un peuple léger, frondeur, impatient, sans prévoyance de ce que peut produire une démarche inconsidérée ; un peuple passionné, toujours disposé à vivre dans le présent, et à ne pas tenir compte des circonstances antérieures qui ont pu influer sur la conduite des hommes soumis à son éloge ou à sa critique ; un peuple enfin qui, avec un sentiment très vif de la justice, peut être si souvent entraîné à l’injustice par la violence et la spontanéité de ses passions, ou même par l’ascendant de ses caprices ; qui, avec le tact le plus exquis de la mesure et des convenances, est trop souvent jeté hors de toute mesure et de toute convenance par je ne sais quel besoin de plaisanterie, je ne sais quel attrait de frivolité : un tel peuple devrait plus qu’aucun autre être contenu dans les voies de la décence et de la modération, car il est toujours près d’en sortir.
Bans le siècle de la prose même, dans le siècle le plus didactique qui fut jamais, des prosateurs comme Montesquieu et Rousseau touchèrent à la poésie, — maladroitement, il est vrai, mais ils y touchèrent… Ils touchèrent à cette reine, bienfaisante et non pas dangereuse, qui ne fait pas mourir, comme la reine de l’ancienne étiquette espagnole, ceux qui l’ont touchée ; et à tous les deux, Montesquieu et Rousseau, il est resté quelque chose de ce contact éphémère : à l’un, dans le brillant diamanté de sa phrase, travaillée comme un vers, à l’autre, dans la passion malade de son accent et son harmonieuse mélancolie. […] Le meilleur de ces drames est Chatterton, tiré tout entier de Stello ; mais il est dans Stello beaucoup plus beau et plus complet, puisque l’analyse, et l’imagination qui décrit, y ajoutent leur profondeur et leur éclat de la passion et des caractères.
L’univers vivant qu’il entrevoit et qu’il reflète s’est glacé devant leurs regards attentifs mais sans passion. […] Mais l’embrasser de tout son être, avec passion, avec le cœur et l’intelligence, avec la volonté et le regard, sensuellement, cordialement, c’est mieux.
Voici une Passion par Albert Durer ; chaque mouvement, chaque forme y est l’effet visible d’une suite de sentiments invisibles. […] Un beau meurtre, dans Grégoire de Tours, laisse apercevoir les passions aveugles et soudaines des barbares ; une cérémonie sous Louis XIV indique la politesse, la hauteur, la servilité et les jalousies de grands seigneurs oisifs et bien élevés ; une institution marque le caractère national et l’état d’esprit qui la fonde.
… Et la passion se déchaînait en moi, furieuse. […] à leur passion, et se mettent à éplucher leurs sensations. […] Elle renaissait, c’était elle-même qui sanglotait, qui le suppliait d’être doux à la passion. […] Elle connaîtra la torture De la passion que j’endure. […] Est-ce poussé par une passion invincible que Kasi, l’Arménien, a commis cet outrage ?
Cet épicurisme politique n’était pas une simple affaire de calcul ou d’indifférence : il y avait mieux chez lui ; sans préjugés surannés, sans passions profondes, doué d’une conception éminemment prompte et lucide, Dumouriez était fait pour comprendre à merveille les divers partis de la scène révolutionnaire, et, si l’on excepte les jacobins stoïquement féroces, il lui était aisé de sympathiser plus ou moins vivement avec tous.
Ses périodes sont amples, solennelles, et la passion du mystère qui se révèle à chacune des lignes de ses livres, n’en obscurcit jamais la lumineuse limpidité.
Mais, en ce cas, il est méconnu ; il s’épuise en efforts stériles ; s’il vit en un temps où les passions sont exaltées, il est écrasé, broyé, foulé aux pieds ; s’il a la chance de vivre en des jours plus calmes, il est raillé, dédaigné, condamné à l’obscurité, et il va grossir la longue liste des génies incompris.
Toutes n’étaient pas comme elle sans faiblesse ; mais celles à qui on pouvait en reprocher étaient au-dessus de la galanterie, par une de ces passions que leur durée, leur sincérité, leur empire sur la réflexion et la volonté, font pardonner.
Il aimoit l’étude avec tant de passion, que, pour y passer les nuits & s’empêcher de dormir, il étendoit hors du lit une main, dans laquelle il avoit une boule d’airain : la boule répondoit à un bassin, & le réveilloit au bruit qu’elle faisoit en tombant.
Ceux qui aiment avec passion les fortes individualités exprimeront peut-être ce regret.
Centres d’action et de passion, mesures de toutes valeurs et valeurs elles-mêmes absolues, nous posons les personnes humaines comme seules véritables causes et fins : à elles seules, par suite, les notions de devoir et de droit nous paraissent pouvoir s’appliquer, C’est pourquoi nous déclarons que les choses sont « utilisables », et les personnes « respectables » : la notion de à valeur des choses n’entraîne que celles de nos prétentions et de nos pouvoirs sur elles ; la notion de la valeur des personnes entraîne celles de nos devoirs envers elles.
Tempéré d’humeur, sans passion aucune dès sa jeunesse (il disait lui-même qu’il avait vécu et mourrait comme Newton), aimant uniquement l’étude et la paix, il n’avait rien vu de mieux que d’entrer dans l’Oratoire et de se mettre à traduire Tacite, champion un peu rude peut-être pour un si pacifique attaquant. […] On affectait d’abord de tout définir, de réduire le problème à ses termes les plus nets, les plus précis, identifiant les idées et leurs signes, afin de raisonner ensuite au pied de la lettre ; on simplifiait tout pour tout mieux résoudre, tandis que, dans la réalité, les choses vont se grossissant, se compliquant sans cesse par suite des passions, des intérêts, des intentions cachées. […] Il lisait Tacite seul, il relut tout Juvénal avec Dusaulx, aux moments où celui-ci (grand joueur, et qui avait écrit contre la passion du jeu) ne jouait pas au bouchon avec le marquis de ***. […] Je ne veux pas dire que, transporté et traduit, comme il le fut alors, dans les États de l’Amérique du Sud, il continuât d’être applicable ; mais, en France, la société se faisait mûre pour les garanties qu’il réclamait, que la raison publique se mit par degrés à vouloir, à vouloir avec passion, qu’insultée un jour et défiée, elle revendiqua, trois matins durant, à la face du soleil, et qui sont à peu près obtenues. […] La raison a peu à peu obtenu quelque influence sur les institutions publiques, et les passions politiques ont été, sinon toujours dirigées, du moins souvent modérées par les lumières.
Il manifesta de bonne heure la passion de la solitude. […] Une autre aventure amoureuse l’attache à Dresde, il se croit l’objet de la passion d’une des maîtresses du comte de Brelh, ministre tout-puissant et voluptueux du roi de Saxe. […] Mais celui-ci, ayant satisfait sa passion, s’éloigna d’elle et refusa même de lui assurer une subsistance pour un enfant dont il l’avait laissée enceinte. […] Paul, qui ne s’étonnait de rien, dit à Virginie: « Notre case est vers le soleil du milieu du jour ; il faut que nous passions, comme ce matin, par-dessus cette montagne que tu vois là-bas avec ses trois pitons. […] La passion d’esprit se tut ; et le sentiment vrai fut vainqueur.
Ces paroles de l’écrivain, ramassées on ne sait comment, tronquées, interprétées, consignées, non sans passion, par les uns et les autres peuvent pendant un certain temps jeter le trouble sur la véritable figure de l’artiste qui vient de mourir. […] Ils craignent d’exhumer des documents relatifs aux amours, à la passion du jeu, à l’existence orageuse de leur arrière-grand-oncle ; ils tremblent devant des révélations possibles, qui compromettraient, prétendent-ils, leur dignité. […] Qu’on comprenne bien : il ne s’agit pas de satisfaire une passion, la curiosité populaire, mais d’apporter de la vérité. […] Il y a pourtant des imbécillités collectives ou individuelles, des passions momentanées, qui doivent être divulguées sous toutes les formes. […] La sagesse des Goethe ou des Vinci, la beauté de leurs passions et de leurs amours, la grandeur de leur activité sont fondées sur le développement de toutes leurs facultés de connaître.
Cela amène, à la longue, une désillusion, un dégoût de toute croyance, une tolérance d’un pouvoir quelconque, une indifférence de la passion politique que je trouve chez tous mes compagnons de lettres, et chez Flaubert comme chez moi. […] — Oui, oui, chez elle les passions sont générales… — Et puis Balzac a un style ! […] Il y a de la belle passion désintéressée dans les haines du critique. […] » Et il fera un tableau de sa passion pour sa maîtresse. […] C’est la confession autographe du pédéraste Chollet, qui tua son amant par jalousie, et fut guillotiné au Havre : une confession pleine de détails intimes et furibonds de passion.
Les mœurs et les costumes l’ont séduit à l’égal des passions les plus secrètes. […] Car la passion d’un homme n’est pas celle d’un enfant et je n’ai pas de temps à perdre. […] La passion des personnages et l’atmosphère qu’ils respirent, musicalement, scéniquement, ne font plus qu’un, et d’un bout à l’autre du drame les personnages respirent « l’atmosphère de leur passion ». […] Masson-Forestier… Et quelle passion dans leurs livres ! […] Aussi bien, quelque passion qu’épousent ses personnages, ils ne se dépouilleront jamais complètement de ce charme.
» Les autres étaient d’un tour plus galant, comme celui-ci : « Les passions des femmes sont-elles plus violentes, ou si ce sont celles des hommes ? […] Il y mit moins de passion que Bossuet peut-être, mais parce qu’il y mit plus de politique. […] Persuader, c’est intéresser les passions des hommes à trouver bonnes et solides les raisons qu’on leur propose. Mais séduire, c’est conquérir à sa personne ceux-là même dont on n’a pu ni remuer assez profondément les passions ni soumettre l’intelligence. […] Placez seulement l’amour dans des circonstances qui l’élèvent à la dignité d’une passion tragique, ne sont-ce pas toutes aussi surprises, et surprises terribles, de l’amour, que les tragédies de Racine ?
. — Moi pour les passions. — Et moi pour les draperies. — Moi pour la couleur. — Et moi pour le dessin. […] On les avait bercés de contes fantastiques d’un âge plein de fièvre, de passion et d’audace. […] L’art vraiment nouveau sera celui qui, alliant la pureté de la forme avec les recherches du sentiment et de la passion, marchera dans une voie parallèle à celle du progrès et en se modifiant avec lui. […] Ils se plaisent à dépouiller les passions de ce, qu’elles ont de trop exalté. […] Les mœurs de la famille, les maladies de l’esprit, les curiosités de la rue, les scènes de campagnes, l’observation des passions, appartiennent également au réalisme, puisque le mot est à la mode.
Un dénouement doit toujours être la résultante mathématique, fatale, des circonstances, des passions, des caractères présentés et développés dans le courant de l’action. […] Écrit dans une bonne langue, débordant de passion, d’amour du beau plus que du réel, ce livre renferme les doctrines les plus hardies émises par une âme pleine de foi et de mysticisme. […] Il nous le montre en proie aux désirs, aux passions de la jeunesse, et finalement le marie à une femme qui le trompe. […] Sa grande passion était la chasse où il excellait, et mon père, en lui abandonnant la chasse à courre de toutes ses forêts, s’en était fait un ami. […] Mais allez donc raisonner avec les passions politiques qui travestissent l’Histoire et pervertissent l’opinion !
Si nous entrons dans le détail, les choses fortuites ce sont les choses ou nous portent le plus vivement nos passions. […] C’est la clarté systématique dans la passion régénératrice ; c’est l’esprit français dans le tempérament protestant. […] Les protestants étaient des isolés par leur principe, et une collectivité par leur passion. […] Luther, sans s’être formellement déclaré là-dessus, car cette pensée flatte ses idées et heurte ses passions, n’y répugne pas. […] Ce sont ces idées qu’avec sa logique et avec sa passion dans la logique, Calvin a poussées jusqu’à la dernière rigueur possible, jusqu’à une rigueur comme implacable.
philosophe spiritualiste, champion désintéressé de la morale du devoir, éloquent apôtre du Beau, du Bien et du Vrai, je te prends la main dans le sac ; quand ta passion favorite est enjeu, tu ne te gênes pas plus que cela !
Philarète Chasles) a déjà relevé dans la Revue de Paris quelques-unes des infidélités de la traduction, infidélités qui tendent à parodier à la moyen âge l’expression de la simplicité et de la passion antiques.