Par un instinct naturel, et parce qu’on aime mieux, en imagination au moins, être dupeur que dupé, c’est du côté des fourbes que se met le spectateur. […] Supposez maintenant des idées exprimées dans le style qui leur convient et encadrées ainsi dans leur milieu naturel. […] Point ne sera besoin, d’ailleurs, de nous présenter effectivement les deux expressions de la même idée, l’expression transposée et l’expression naturelle. Nous connaissons l’expression naturelle, en effet, puisque c’est celle que nous trouvons d’instinct. […] D’où cette règle générale : On obtiendra un effet comique en transposant l’expression naturelle d’une idée dans un autre ton.
Ainsi se forme une série dynamique d’états qui se pénètrent, se renforcent les uns les autres, et aboutiront à un acte libre par une évolution naturelle. […] Or, il est facile de voir que cette conception véritablement mécaniste de la liberté aboutit, par une logique naturelle, au plus inflexible déterminisme. […] Et le même symbolisme grossier sur lequel on prétendait fonder la contingence de l’action accomplie aboutit, par un prolongement naturel, à en établir l’absolue nécessité. […] Il est naturel que nous poussions cette objectivation jusqu’au bout, et que nous fassions du phénomène A lui-même un état psychique où le phénomène B serait contenu sous forme de représentation confuse. […] C’est pourquoi toute conception claire de la causalité, et où l’on s’entend avec soi-même, conduit à l’idée de la liberté humaine comme à une conséquence naturelle.
Ils n’ont pas non plus manqué de disciples, et les « histoires naturelles et sociales » de M. […] « Ces caractères, dit-on, sont naturels ; par cette raison, on occupera bientôt tout l’amphithéâtre d’un homme ivre qui dort ou qui vomit ; y a-t-il rien de plus naturel ? […] Mais ils ne laissent pas d’avoir raison, parce que, comme il y a des défauts naturels qu’aucune discipline ou éducation ne répare, il y a des qualités naturelles aussi, des dons que l’on a reçus ou que l’on n’a pas reçus, et qui ne s’acquièrent ni ne se conquièrent. […] La négative : que son prétendu naturalisme consistât peut-être, et surtout, à manquer de naturel. […] Le mal se manifeste d’une façon tout à fait naturelle.
Ce ne sont pas leurs vices qui les rendent aimables, ce sont leurs bonnes qualités naturelles. […] C’est l’effet naturel du temps qui s’est écoulé depuis la publication du volume. […] Le génie, c’est l’originalité naturelle, l’invention facile et heureuse. […] Quoi de plus naturel ? […] Pour écrire encore, il faut du temps, de la lenteur, du soin, et leur langage naturel est l’improvisation.
Ce n’était pas le résultat le moins inattendu, ni le moins naturel, des grandes guerres de l’Empire. […] Il ne s’y soucie plus que d’histoire naturelle ; et la dernière explication des choses gît désormais pour lui dans un mystère d’alcôve. […] Les choses ne sont pour lui que ce qu’elles doivent être, et dès qu’il les a comprises, il ne les trouve pas légitimes seulement, mais « naturelles » et par conséquent nécessaires. […] Cuvier, son Rapport sur les progrès des sciences naturelles], — dont les méthodes vont bientôt s’insinuer dans la critique et dans la littérature. — Les articles de la Décade [Cf. […] Il découvre « la science » ; — l’histoire naturelle et la physiologie tout particulièrement ; — et, comme il continue d’ailleurs d’être foncièrement romantique, — il en devient le poète [Cf.
Féline nous représente, et c’est le seul qui aurait quelque originalité ; mais un tel caractère est-il bien naturel, bien réel en l’approfondissant, et soutient-il l’examen ? […] Mais ce que nous voudrions surtout suggérer à un talent aussi net et aussi naturel d’expression, aussi tourné par vocation, ce semble, aux choses de théâtre, ce serait d’agrandir, avant tout, le champ de son observation, non pas de vieillir (cela se fait tout seul et sans qu’on se le dise), mais de vivre, de se répandre hors du cercle de ses jeunes contemporains, de voir le monde étendu, confus, de tout rang, le monde actuel tel qu’il est, de le voir, non pas à titre de jeune auteur déjà en vue soi-même, mais d’une manière plus humble, plus sûre, plus favorable au coup d’œil, et comme quelqu’un de la foule ; c’est le meilleur moyen d’en sortir ensuite avec son butin, et de dire un jour à quelque ridicule, à quelque vice pris sur le fait : Le voilà !
Dans lui, les lumieres naturelles suppléoient aux connoissances qu’il n’avoit pu acquérir sur les lieux. […] Ce seroient des Citoyens infiniment éclairés sur leurs devoirs, & qui auroient un très-grand zele pour les remplir ; ils sentiroient très-bien les droits de la défense naturelle ; plus ils croiroient devoir à la Religion, plus ils penseroient devoir à la Patrie.
Taine aurait tout simplement « retrouvé son premier instinct littéraire, étouffé par ses œuvres de début, de sorte que le style descriptif lui aurait été aussi naturel que le style abstrait ». […] Je n’ai fait toute ma vie que des raisonnements, je suis habitué aux abstractions ; il faut que je sorte de moi-même, que je change toutes les allures de ma pensée, que j’apprenne le style descriptif23. » La question est donc tranchée, Taine lui-même nous le dit : son évolution a été réfléchie ; il a changé volontairement sa manière : cet effort lui a coûté ; il a peiné, travaillé, persisté, et le labeur a fini par développer ses dispositions naturelles, et c’est ainsi qu’il s’est assimilé le style descriptif, où il a, d’ailleurs, excellé.
Philosophie de la propriété, histoire des idées humaines, critique philosophique, histoire idéale éternelle, système du droit naturel des gens, origines de l’histoire universelle. […] Corollaire : c’est la divine Providence qui règle les sociétés, et qui a ordonné le droit naturel des gens.
Il est le prosateur le plus naturel et le plus varié du dix-septième siècle. — § VI. […] Bossuet est l’écrivain le plus naturel et le plus varié du dix-septième siècle. […] Or, c’est là le secret du naturel et de la variété. […] De là ces mouvements si naturels, si soudains, si peu attendus, à mesure que le voile se lève et lui découvre quelque partie cachée de la vérité. […] Il s’en tient à cet arrangement naturel où se disposent d’elles-mêmes les choses, selon leur ordre et leur importance, dans les têtes bien faites.
Thiers se partage en deux moitiés distinctes, et il a su déjà se faire tout un passé ; et à travers tout, comme jet naturel, comme vivacité brillante et fraîcheur, jamais esprit n’est resté plus voisin de sa source et plus le même. […] C’est le médecin de Cauterets qui a fait cette acquisition et qui est le patron naturel de ces montagnards, leur conseil dans toutes leurs affaires, leur organe auprès de l’autorité, leur médecin quand ils sont malades. […] Dans leurs deux tableaux, le politique comme le philosophe, en s’oubliant, s’élevaient chacun à la poésie, à l’art naturel et simple, à la pure source première du beau et du grand. […] Son ambition au début, son instinct naturel n’est pas de retrouver, de produire l’histoire épique ou pittoresque (comme on y a si heureusement réussi, mais un peu après coup), et il ne vise nullement à faire œuvre littéraire. […] Cependant on en répandit à flots ; car aucun parti, même celui qui prend l’humanité pour devise, n’est sage dans sa vengeance. » Voilà des accents miséricordieux bien naturels et qui répondent à l’imputation de système.
Callisthène mourut de sa mort naturelle, plusieurs années après le procès, en revenant avec l’armée dans sa patrie. […] C’est le moment que choisirent les ennemis naturels d’Alexandre pour s’élever contre sa mémoire et pour tourner contre lui des rancunes et des reproches égaux au moins à l’immensité de sa gloire. […] « L’homme ne peut se perpétuer, sur ce globe, sans l’union des sexes, car c’est un désir naturel que de vouloir laisser après soi un être fait à son image. […] De là cette conclusion évidente : que celui qui se refuse aux lois naturelles de l’association est un être dégradé. […] L’amour de soi, que chacun de nous possède, n’est point un sentiment répréhensible ; c’est un sentiment tout à fait naturel ; ce qui n’empêche pas qu’on blâme à bon droit l’égoïsme, qui n’est plus ce sentiment lui-même et qui n’en est qu’un coupable excès ; comme on blâme l’avarice, quoiqu’il soit naturel, on peut dire, à tous les hommes d’aimer l’argent.
Rien de plus naturel et de plus sage. […] Xénophon rapporte sans commentaire un fait qu’il trouve naturel. […] Avec la suite naturelle des faits disparaîtra leur couleur naturelle. […] Platon y donne un exemple du plus excellent naturel perverti par l’éducation. […] Ici, il ne rougit de rien et trouve beau tout ce qui est naturel.
Nous avons déjà eu plus d’une fois l’occasion de le remarquer, ce qui est particulier à Lamartine consiste dans un certain tour naturel de sentiments communs à tous. […] Par cette continuité du naturel même dans l’invraisemblable, Jocelyn me semble parfois un roman de l’abbé Prévost, écrit par un poëte disciple de Fénelon. […] Le caractère propre de l’idylle consiste à représenter l’homme dans un état de calme champêtre, d’innocence et de simplicité, où il jouisse librement de tout le bonheur naturel. […] Aux savants la beauté historique ou critique ; à nous, poëtes, la beauté évidente et sensible, etc. » Mais ces deux poëtes, fidèles également à la beauté naturelle, d’une âme aussi largement ouverte à la réfléchir, se distinguent dans la manière dont ils s’élèvent et par laquelle ils arrivent à l’embrasser, à la dominer. […] Sous ce toit affaissé de terre et de verdure, Par ce chemin rampant jusqu’à la porte obscure, Venez ; plus naturel, le pauvre a ses trésors : Un cœur doux, patient, bénissant sur sa route, Qui, s’il supportait moins, bénirait moins sans doute… Ne restez plus ainsi, ne restez pas dehors !
Sauf dans un petit nombre de pièces qui ont tiré de ces idées mêmes la force et le naturel qui les a fait durer, le fond et les détails sont fournis par le moment, par les mœurs, par le tour d’esprit particulier de l’époque. […] Ce n’est pas que Montaigne, auquel le latin avait été donné pour maternel141, se refusât aucune des libertés du génie spéculatif, si naturel aux Grecs ; mais s’il spécule, c’est sur le réel. […] Voilà quels dons naturels et quelle disposition admirable Montaigne apportait à cette étude de l’homme, qui fait le sujet et la vérité durable de ses Essais. […] Il écrit tour à tour sur la poésie, la médecine, l’histoire naturelle, la politique, les religions, la morale, selon ses humeurs et sa guise ; s’intéressant à toutes ses idées, négligeant les transitions, n’émoussant pas les vives pointes de son esprit dans le travail patient de l’arrangement. […] Je veux qu’on voye mon pas naturel et ordinaire ainsi detracqué qu’il est ; je me laissé aller comme je me treuve.
Pas n’est besoin d’être savant pour savoir quels progrès immenses les sciences physiques et naturelles ont accomplis à la fin du siècle dernier. […] Zola a groupé sous ce titre : Histoire naturelle, d’une famille toute une série d’œuvres dont les acteurs forment les rameaux d’un grand arbre généalogique et il a pu croire ou faire croire qu’il se fondait, pour dérouler leurs aventures, sur les lois mystérieuses de l’hérédité. […] Si nous considérons, au contraire, une époque où la première place appartient aux sciences concrètes, à la zoologie, à la botanique, aux sciences naturelles et médicales, nous pouvons deviner ce que seront dans leurs traits essentiels la philosophie et la littérature du temps. […] Laquelle de ces deux tendances l’emportera, quand triomphent les sciences dites naturelles ? […] Cette floraison du matérialisme correspond à une magnifique floraison des sciences naturelles, et l’on peut dans notre siècle, de 1850 à 1885 environ, constater la même coïncidence.
Mais il est établi aussi, contrairement à une vieille croyance que si tel accord ou tel rythme est associé dans notre âme à telle émotion, ce n’est pas d’une manière universelle, naturelle et constante. On ne s’expliquerait pas qu’il y eût un rapport naturel et primitif entre un son et un état émotionnel de l’esprit. […] Aussi votre langage musical naturel est-il très peu précis et très incomplet. […] C’est ainsi que s’est formé pour nous un vocabulaire musical naturel, très varié et très étendu. […] Que le chant de Bellini charme en Italie et en France, cela est simple et naturel, car en Italie et en France on écoute avec les oreilles, de là donc, nos phrases de « chatouillement des oreilles », etc.
Par lui la prose française, trop molle dans Fénelon, trop brusque dans Bossuet, trop pompeuse dans Buffon, trop légère dans Voltaire, prend une vigueur, une gravité mâle, une majesté digne, mais toujours naturelle, qui donne l’autorité à la pensée, la plénitude à l’oreille, l’émotion à la conscience du lecteur. […] Il a été bien surpassé depuis en vérité descriptive, en pittoresque, et surtout en sentiment dans la langue de la science, par deux étrangers de nos jours, Herschell en astronomie et Audubon en histoire naturelle. […] Le génie, qui est la supériorité naturelle et transcendante, n’a donc rien à bénéficier des corps académiques ; car il n’y entre qu’à la condition de se niveler, et il n’y conserve sa place en surface qu’à la condition de la perdre en hauteur. […] Parce que la France, en vertu de son activité impatiente et de son ardeur naturelle, fut la première à en tenter la propagation et l’application dans ses livres et dans ses institutions. […] La bourgeoisie ne fut qu’une croissance naturelle qui donne une tête aux peuples quand le corps est formé ; elle portait en elle le travail, l’aisance, le commerce, les industries, toutes choses matérielles ; elle ne portait pas encore la pensée.
En fait, quand l’évolution naturelle du positivisme ne l’aurait pas acheminé nécessairement vers la métaphysique, il resterait qu’un Auguste Comte à un Herbert Spencer y ont également abouti. […] La formation naturelle et comme involontaire de la « Métaphysique du Positivisme » en peut, je crois, servir d’un éloquent et mémorable exemple. […] Il est vrai qu’en revanche, dans les Nouvelles de la République des lettres, de Bayle, les comptes rendus des ouvrages de mathématiques ou de physique, d’histoire naturelle ou de médecine, tiennent presque autant de place que la littérature et la philosophie. […] Et bientôt, dans l’universel désarroi des principes, la « Science », tandis qu’il semblait que tout menaçât de s’écrouler autour d’elle, continuant seule de subsister ou plutôt d’avancer, d’étendre son domaine et d’en consolider la possession, d’ajouter, au champ de la mathématique et de la physique, celui de la chimie, de l’histoire naturelle, de la physiologie, son nom devenait synonyme de progrès, d’espérance, et de sécurité. […] Rappelons-nous encore à ce propos les paroles de Pascal : « Les parties du monde ont un tel enchaînement l’une avec l’autre que je crois impossible de connaître l’une sans l’autre et sans le tout. » Il précise plus loin sa pensée : « La flamme ne subsiste point sans l’air : donc, pour connaître l’une il faut connaître l’autre. » La théorie moderne de l’unité des forces physiques, ou, dans l’ordre des sciences naturelles, les progrès de l’anatomie et de la physiologie comparées sont de belles « illustrations » de cette liaison, de cette connexité, de cette solidarité et de cette « relativité » de nos connaissances.
Rien que de profondément humain et de très naturel. […] La morale des honnêtes gens, avec les facilités qu’elle offrait, a reconquis son empire naturel sur le monde. […] Dans ces conditions, quoi de plus naturel que la fin du siècle ressemblât à ses commencements ? […] Quoi de plus naturel à l’homme que de vouloir s’élever au-dessus de ses semblables, si ce n’est de vouloir jouir des plaisirs de la vie ? […] L’histoire naturelle des lois l’intéresse, mais son pays autant ou davantage, et le progrès, et l’humanité.
Mais elle doit elle-même se défier d’une tendance excessive à retrouver tout l’homme dans ses productions du début, à le ramener sans cesse, des régions élargies où il plane, dans le cercle ancien où elle l’a connu d’abord, et qu’elle préfère en secret peut-être, comme un domaine plus privé ; elle a à se défendre de ce sentiment d’une naturelle et amoureuse jalousie qui revendique un peu forcément pour les essais de l’artiste, antérieurs et moins appréciés, les honneurs nouveaux dans lesquels des admirateurs nombreux interviennent. […] Victor Hugo, au contraire, le tempérament naturel a un caractère précis à la fois et visionnaire, raisonneur et plastique, hébraïque et panthéiste, qui peut l’induire en des voies de plus en plus éloignées de celles du doux Pasteur. […] Jamais jusqu’ici le style ni le rhythme de notre langue n’avaient exécuté avec autant d’aisance et de naturel ces prodiges auxquels M.
La littérature du siècle de Louis XIV repose sur la littérature française du xvie et de la première moitié duxviie siècle ; elle y a pris naissance, y a germé et en est sortie ; c’est là qu’il faut se reporter si l’on veut approfondir sa nature, saisir sa continuité, et se faire une idée complète et naturelle de ses développements. […] Il est fort facile et fort vrai de dire que La Fontaine se pénétra du style de Marot, de Rabelais, et le reproduisit avec originalité ; mais de Marot et de Rabelais à La Fontaine il n’y a pas moins de cent ans d’intervalle ; et, quelque vive sympathie de talent et de goût qu’on suppose entre eux et lui, une si parfaite et si naturelle analogie de manière, à cette longue distance, a besoin d’explication, bien loin d’en pouvoir servir. […] De tant de richesses amassées au jour le jour, sans efforts et sans dessein, déposées et fondues ensemble dans le naturel le plus heureux du monde, s’était formé avec l’âge cet inimitable style, à la fois trop complexe et trop simple pour être défini, et qu’on caractérise en l’appelant celui de La Fontaine.
Soumet du nôtre, je voudrais du moins qu’on pût les peindre au naturel tels qu’ils furent, et que cette réalité qu’on chercherait vainement dans leurs œuvres majestueuses se retrouvât dans l’expression entière de leur physionomie, car la physionomie humaine a toujours de la réalité. […] Pour un ou deux peut-être, doués d’une élévation naturelle qui résiste et d’un goût à l’épreuve qui a l’air plutôt de s’aiguiser, qu’arrive-t-il de la plupart en ce qui est de l’œuvre et de la production même ? […] On m’excusera du moins si j’y ai trouvé un texte naturel à l’occasion d’une séance littéraire aussi judicieuse, aussi régulièrement belle, et des plus honorables pour l’Académie.
Dire plus qu’on ne pense, c’est le fond du précieux, et ce fond est aussi indestructible parmi nous que l’esprit de société, par lequel nous aimons mieux réussir, en imitant ce qui réussit, que nous contenter nous-même, en gardant notre naturel et notre vérité. […] Bouhours voulait concilier Voiture et Boileau, c’est-à-dire son goût et son intérêt ; Trublet, à son exemple, veut concilier le précieux de Fontenelle et le naturel de Voltaire, pour avoir deux voix à l’Académie. […] C’était le bon conseil ; car, malgré l’attrait naturel du vrai tout tend à nous en éloigner, sans compter qu’il y a souvent profit à lui être infidèle.
Il semble aussi que son séjour près de Jean, moins par l’action du baptiste que par la marche naturelle de sa propre pensée, mûrit beaucoup ses idées sur « le royaume du ciel. » Son mot d’ordre désormais, c’est la « bonne nouvelle », l’annonce que le règne de Dieu est proche 340. […] Nous oublions que cela suppose le monde renversé, le climat de la Virginie et celui du Congo modifiés, le sang et la race de millions d’hommes changés, nos complications sociales ramenées à une simplicité chimérique, les stratifications politiques de l’Europe dérangées de leur ordre naturel. […] Tout magistrat lui paraît un ennemi naturel des hommes de Dieu ; il annonce à ses disciples des démêlés avec la police, sans songer un moment qu’il y ait là matière à rougir 360.
Le chevalier de la Triste Figure est un héros naturel et sa folie, d’origine littéraire — romantique, si vous voulez — lui cache le prosaïsme de son époque, fait de lui un admirable et poétique anachronisme. […] Voici comment elle nous définit Lucie Altimare, « l’aventureuse », la plus significative de ses héroïnes : « Au fond, un cœur froid et aride, sans une palpitation d’enthousiasme ; au-dehors une imagination trompeuse qui grandissait toute sensation, qui augmentait toute impression… Au fond, un manque absolu de sentiment ; au-dehors, des rêveries sur les nobles utopies humanitaires, des aspirations flottantes vers un idéal incertain. » Et on nous fait connaître longuement « l’artifice de sa personne, un artifice si naturel, si absolu, si complet, qu’il la trompait elle-même, en lui donnant une fausse sincérité ; en devenant son véritable caractère, son tempérament, son sang, ses nerfs ; en la persuadant de sa propre bonté, de sa propre vertu, de sa propre supériorité ». […] Cette froide Suzanne est un champion bien singulier des instincts naturels.
L’homme a beau varier ses compositions, l’écrivain a beau s’exercer dans les genres les plus différents, tout ce qui sort de sa plume porte le cachet de son talent naturel. […] La manie de l’analyse succède à l’esprit d’observation ; le précieux, au naturel ; la manière, à la grâce. […] Lorsque tous les rangs se mêlent, lorsque toutes les distinctions s’effacent, on doit bientôt parler d’égalité, de loi naturelle ; aussi, en suivant les comédies du temps, voyons-nous des imaginations exaltées rêver, dans un siècle corrompu, les perfections chimériques de l’âge d’or.
Les sentiments tendres, simples et naturels, faits pour nous intéresser partout où ils se trouvent, n’ont pas besoin, pour augmenter cet intérêt, d’être attachés au nom d’Idylle ; pour remplir et pénétrer l’âme, il leur suffit d’être exprimés tels qu’ils sont ; les prairies et les moutons n’y ajoutent rien. […] Il se contente presque dans celle-ci d’un style coulant et naturel, qui n’ait rien de bas ni de choquant ; il exige de plus dans les vers une expression noble et choisie sans être recherchée, une harmonie facile, et où la contrainte ne se fasse point sentir ; il veut enfin que le poète soit précis sans être décharné, naturel et aisé sans être froid et lâche, vif et serré sans être obscur.
Seulement, les siens n’étaient pas les nôtres… Il transposait la sainteté… L’héroïsme et le dévouement guerrier à la patrie, cette première des vertus naturelles, avait pris à Michelet tout ce qu’il avait d’enthousiaste et de religieux dans l’âme et tout ce qu’il aurait donné à nos Saints s’il les avait connus, et si l’esprit de parti n’avait pas lamentablement diminué en lui l’historien. […] Bien avant ce livre, du reste, et avant moi, en 1862, un écrivain catholique, que les hommes du monde appelleraient « un voyant » en matière humaine et littéraire, et les esprits religieux « un mystique » de surnaturelle pénétration, Ernest Hello, avait montré, dans un très beau et très touchant travail de critique, que Michelet était chrétien dans la racine même de son être, et comment le christianisme naturel qu’il avait tout fait pour s’arracher de l’âme aurait, s’il l’y avait laissé, donné à son talent toute la beauté de sa destinée. […] , — ayant refusé le vol surnaturel de l’âme, il a perdu son vol naturel.
Même dans une question d’histoire naturelle, mais qui touche à une autre question bien autrement profonde, il a si peu d’intuition et de certitude à lui qu’il se réclame de Blumenbach, qu’il appelle son maître, et, d’un autre côté, il a si peu de fermeté et de foi en l’adhésion qu’il donne à cet illustre nomenclateur, qu’après avoir reconnu ses cinq races il ajoute : « Il n’en est pas moins vrai qu’aucune différence radicale et typique ne régit ces groupes », comme s’il se repentait déjà ! […] En ce vaste memorandum de physique, protocolisé par Alexandre de Humboldt, les choses, même de l’aveu de l’illustre tabellion scientifique lui-même (voir ses lettres), « sont plutôt indiquées qu’approfondies ». — « Plusieurs parties — dit-il — n’en seront bien comprises que de ceux qui connaissent à fond une branche quelconque de l’histoire naturelle. […] — telles qu’elles sont, ces lettres, elles ont un mordant et un naturel que les autres écrits d’Alexandre de Humboldt n’ont jamais, drapés qu’ils sont et mouchetés de fleurs poétiques, par respectueuse coquetterie pour les Académies, l’Univers et la Postérité !
Même dans une question d’histoire naturelle, mais qui touche à une autre question bien autrement profonde, il a si peu d’intuition et de certitude à lui, qu’il se réclame de Blumenbach, qu’il appelle son maître, et, d’un autre côté, il a si peu de fermeté et de foi en l’adhésion qu’il donne à cet illustre nomenclateur, qu’après avoir reconnu ses cinq races, il ajoute : « Il n’en est pas moins vrai qu’aucune différence radicale et typique ne régit ses groupes », comme s’il se repentait déjà ! […] En ce vaste mémorandum de physique, protocolisé par Alexandre de Humboldt, les choses, même de l’aveu de l’illustre tabellion scientifique lui-même (voir ses lettres), « sont plutôt indiquées qu’approfondies. » — « Plusieurs parties, dit-il, n’en seront bien comprises que de ceux qui connaissent à fond une branche quelconque de l’histoire naturelle. […] — telles qu’elles sont, ces lettres, elles ont un mordant et un naturel que les autres écrits d’Alexandre de Humboldt n’ont jamais, drapés qu’ils sont et mouchetés de fleurs poétiques, par respectueuse coquetterie pour les Académies, l’Univers et la Postérité !
Magique perspective de la distance qui veloute les lointains dans nos âmes comme dans les horizons, impossibilité de ressaisir ce passé qui, pour l’homme, créature de contradiction, s’embellit à mesure qu’il s’éloigne, talent naturel de coloriste grandi et avivé par l’émotion et par le souvenir, poésie de la famille qui s’ajoute encore à la poésie du passé, sentiments créés et développés par l’intimité domestique, voilà, en quelques mots, ce qui fait la valeur et ce qui fera le succès du livre de Dargaud. […] À côté de la niaiserie du bon sens pipé et de l’invention d’une bourgeoise sagesse, à côté de cette religion naturelle qui est, au fond, si on creuse bien, toute leur doctrine, ils dressent de grands mots qui font rêver les imaginations sans guide et ils pataugent dans l’Infini… Nous ne savons personne plus digne de pitié que ces espèces de philosophes qui n’ont pas même une philosophie complète pour remplacer une religion qu’ils n’ont plus, — qui prennent les ondoyantes et capricieuses lueurs de leur propre sentimentalité pour la ferme lumière de la conscience et vivent en paix avec eux-mêmes. […] La tyrannie de l’erreur à laquelle on a livré sa pensée ne doit-elle pas nuire au talent le plus indépendant et le plus vrai, et le détourner de ses pentes les plus naturelles ?
Un jour Michelet, pour se défatiguer de ses quarante volumes d’histoire, fit, de sa main la plus légère et la plus fine, l’Insecte et l’Oiseau, deux petits culs-de-lampe assez gentillets d’histoire naturelle. […] Toujours frères et amis, Michelet et Quinet, ces historiens de la démocratie et de la libre pensée, qui se sont fait trente ans pendant l’un à l’autre, comme le fifre et le tambour sur le même panneau d’une salle à danser, se sont improvisés également les historiens de la nature pour avoir lu, de hasard, quelques bouquins d’histoire naturelle. […] Ce verbiageur, que le Dictionnaire des Sciences naturelles, qu’il vient de lire, ravit et grise, ce pédant qui nous dégorge, ore profundo.
En Grèce, comme ailleurs, la conjecture la plus naturelle fait remonter la poésie lyrique à l’origine même de l’art. […] Tout semble l’attester d’ailleurs, le naturel et l’abondance des images, la simplicité des symboles. […] Nul doute qu’il ne lui ait emprunté souvent de ces inventions de langage, de ces grâces originales qui sont le charme d’une poésie savante et pourtant naturelle.
Le naturel et le sublime se touchent si souvent dans ce simple fabuliste ! […] Elle s’accorde encore à la tendance naturelle aux hommes, nés de tout temps enclins à s’effrayer de leur destinée future. […] » La remarque est juste, et de ces dispositions naturelles aux deux auteurs, sortent les différences de leur style. […] Quel avantage a le chantre italien dans la manière vive et naturelle dont il s’en sert ! […] Après les divers mouvements de la fiction, le géant quitte sa forme, et les lieux où il apparut reprennent leur assiette naturelle.
Cette basilique est elle-même un accident grandiose dans ce grandiose décor naturel. […] Les soupçons jaloux du mari sont-ils l’effet d’un naturel inquiet, bizarre, sceptique, ou bien sont-ils fondés ? […] Tout est reproduit avec une fidélité scrupuleuse dans des récits dont le naturel et la sobriété font de Ferry un émule de Prosper Mérimée. […] Naturel, simple, ne visant pas à la surprise, il a écrit comme il avait vu. […] Chez Gaboriau, le point de départ est toujours simple et naturel.
Alors, insensiblement, l’homme prend confiance dans les lumières de sa raison naturelle ; perdu, il se retrouve ; flétri, dégradé, il refleurit ; tombé, il se relève, en n’empruntant sa force qu’à lui-même. […] Il est obligé de nous donner souvent le détail et le menu de la vie humaine, et de nous entretenir, bon gré malgré, de choses simples, naturelles, ordinaires. […] C’est assurément la une situation, sinon vulgaire, du moins naturelle et simple, et il semble que pour la peindre avec intérêt, avec vérité, il n’y faut pas grand effort. […] Sainte-Beuve, sont presque toujours détournés péniblement de leur sens naturel et primitif ; ils jouent les rôles que leur distribue le maître, en dépit de leur destinée. […] Ils se laissaient aller à sa facilité, à sa douceur, à la liberté, à la souplesse de ses allures naturelles ; ils avaient, si je puis m’exprimer ainsi, la main légère, et ne lui brisaient pas le mors dans les dents.
C’est le plus bel exemple de fécondité naturelle que l’on connaisse. […] Mais que c’est naturel ! […] Les autres sont fausses et le christianisme est véritable ; les autres sont naturelles et le christianisme est surnaturel. […] A quoi bon la douleur, puisque, selon l’ordre naturel le mal est non seulement sans remède, mais sans rémission. […] C’est tout à l’honneur de Flaubert, car on confond ainsi une création de l’esprit avec un personnage naturel.
Dans l’Étude qu’on va lire, Dorante, soit par indolence naturelle, soit (nous inclinons à le croire) par artifice et par un peu de mauvaise foi, ignore ou fait semblant d’ignorer cette dernière évolution de Monsieur Lysidas. […] Ils profiteront sur-le-champ de cette heureuse circonstance pour écrire a priori l’histoire naturelle, et communiquer ainsi à certaines parties de cette science un caractère nouveau de certitude rationnelle, que l’empirisme est incapable de lui donner. […] Que s’ils imaginent, sous une forme positive, un dénouement plus naturel, et un personnage aussi méprisable, mais plus gai, leur imagination n’est qu’un souvenir : ce dénouement, c’est celui de quelque autre chef-d’œuvre, et ce drôle, ce sera Falstaff, par exemple. […] Le reste étant trop beau pour elle, elle déclarait, avec la franche impertinence de son âge et l’énergie de conviction naturelle aux jugements de goût, que le reste était ennuyeux et laid. […] Cette prétendue pureté naturelle du goût n’est qu’une supposition chimérique.
Il n’a pas d’effort à faire pour causer, point de timidité naturelle à contraindre, point de préoccupation habituelle à surmonter. […] Ainsi doué et disposé, il était fait pour un régime qui, dix heures par jour, mettait les hommes ensemble : le naturel inné s’est trouvé d’accord avec l’ordre social pour rendre les salons parfaits. […] Il réfléchit et répondit : Je lui écrirais : Je suis charmé que le ciel ait enfin béni notre union ; soignez votre santé, j’irai vous faire ma cour ce soir. » — Il y a vingt réponses semblables, et j’ose dire qu’avant de les avoir lues on n’imagine pas à quel point l’art social peut dompter l’instinct naturel. […] Ayant fait le code des usages, il est tout naturel que ce soit à leur profit, et elles tiennent la main à ce que toutes les prescriptions en soient suivies. […] Les hommes sont tenus de fournir les matériaux de l’ouvrage : à cet effet, le duc de Lauzun donne à Mme de V… une harpe de grandeur naturelle recouverte de fils d’or ; un énorme mouton d’or apporté en cadeau par le comte de Lowendal a coûté deux ou trois mille francs et rapportera, effiloché, 500 ou 600 livres.
Il était, nous dit Huet qui l’avait beaucoup connu, et qui même s’était senti dévotement enflammé par lui pendant une semaine sainte, il était d’un naturel hardi et ardent ; nulle considération ne l’arrêtait lorsqu’il s’agissait des intérêts de Dieu et de la charité. […] » C’est le même sentiment qui, au début du règne misérable et antipatriotique de Charles VI, lui fera dire : « Comme j’étais près d’entrer dans ce long et pénible règne, deux choses ont pensé m’en détourner : l’horreur que j’ai de repasser sur tant de massacres, de ruines et de désolations, et la peine incroyable qu’il y a à démêler tant d’affaires si embrouillées, etc. » Ces parties ingénues et naturelles plaisent chez Mézeray, en attendant qu’on en vienne avec lui aux parties étudiées et fortes. […] De ce même roi Henri III, rentrant en France et débutant par une faiblesse et une perfidie : « Voilà la première faute que fit le roi, chopant, comme dit le proverbe, à l’entrée de la porte. » Il a habituellement de ces mots, grabuges, empêtrer dans des filets, etc., qu’on voudrait effacer ; il fait, en tout, passer le naturel avant la noblesse. […] Il aura, en se perfectionnant, de ces rapidités de récit qui sont même d’un grand écrivain ; parlant, dans l’Abrégé chronologique, des premiers succès de Conradin en Toscane : « Ces beaux commencements, dit-il, trahirent le jeune Conradin et le flattèrent pour le mener à la mort. » Il ne faut point faire, toutefois, comme Perrault, et aller jusqu’à comparer Mézeray à Thucydide ; les discours qu’il place dans la bouche de certains de ses personnages ont de la pensée sans doute, mais on a très bien remarqué que Mézeray écrit d’abondance et n’a point de phrase, c’est-à-dire de forme à lui ; il suffit que sa diction soit naturelle, sincère, expressive, sa narration pleine et bien démêlée.
Les gens que vous avez le plus écoutés autrefois sont infiniment secs, raisonneurs, critiques, et opposés à la vraie vie intérieure5 : si peu que vous les écoutassiez, vous écouteriez aussi un raisonnement sans fin, et une curiosité dangereuse qui vous mettrait insensiblement hors de votre grâce, pour vous rejeter dans le fond de votre naturel. C’est, en effet, le naturel du duc de Chevreuse qu’il faudrait refaire de fond en comble. […] Il a dans sa place et dans son naturel de grands pièges et de grandes ressources. […] Ce fut alors une inspiration générale, un souffle naturel qui se répandait dans toute une classe d’esprits élevés, ou simplement humains, sensés et doux.
Et, en effet, à ce grand moment de la Renaissance, lorsqu’au sortir de l’étude fervente des belles œuvres de l’Antiquité on s’était retrouvé en présence d’une poésie française naturelle, élégante, mais peu élevée, on avait eu conscience à cet égard de la pauvreté domestique ; on avait fait effort pour en triompher, et pour monter une lyre au ton des plus graves et des plus héroïques desseins. […] Rempli de la poésie des anciens et particulièrement des Grecs, la goûtant dans ses hardiesses les plus harmonieuses et les plus naturelles Fénelon savait tout le faible de la poésie moderne et de la nôtre en particulier ; il l’a indiqué encore en d’autres endroits de cette lettre, et on n’a jamais dit à une Académie accoutumée à se célébrer elle-même, ainsi que sa propre langue, des vérités plus fortes d’une manière plus douce. […] Ici j’entends des érudits de nos jours qui en parlent bien à leur aise, et qui disent (MM. de Schlegel en tête) : Cette poésie française élevée existait au moyen-âge, elle était dans les romans de chevalerie, dans ces chansons de geste qu’on exhume chaque jour, dans ces traditions vraiment modernes où il fallait l’aller chercher comme à sa source naturelle, et non chez les Grecs et les Latins. […] Si l’on voulait s’en prendre aux événements de ce que l’homme n’a pas su accomplir, il serait naturel de faire comme Ronsard et d’accuser les guerres civiles et domestiques ; elles lui furent plus contraires quJà personne, et dès 1562 il éprouva, pour s’être loyalement déclaré en faveur de l’ordre existant et de l’Église établie, la fureur et la malignité des factions.
Salammbô, en comparaison, n’est que bizarre, et si masquée, si affublée, si fardée, qu’on ne se la figure pas bien, même au physique ; et, au moral, si peu entraînée ou entraînante que, malgré la complicité naturelle au lecteur en pareil cas, on ne prend nul plaisir à lui voir faire ce qu’elle fait. […] Savez-vous quelle eût été la forme la plus naturelle, la plus vraie à adopter, dans l’état actuel de la science, pour qui voulait nous entretenir de ce vieux monde punique ? […] J’y voudrais plus de gradation, et qu’on y observât la perspective naturelle. […] J’en sais (et ici ma pensée se généralise) pour qui le talent ne commence réellement que là où l’humanité, l’honnêteté naturelle, ce qu’on croit être le fait de M.
Desjardins n’a pas prétendu, dit-il, faire un ouvrage, mais un essai ; il a pris un sujet de thèse historique, comme il était naturel de le concevoir à un homme qui s’est particulièrement occupé de cet immense et incommensurable champ de l’histoire. […] Pensez-y, belle Marquise : Quoiqu’un grison fasse effroi, Il vaut bien qu’on le courtise Quand il est fait comme moi. » Il semble, après la lecture de ces vers si naturels, si francs, si bien dans le ton et dans le tour des sentiments de Corneille, qu’il n’y ait plus qu’une question à se faire : c’est de se demander quelle est cette marquise. […] Une explication plus naturelle, si on l’exige absolument, satisfait à tout. […] Saint-René Taillandier et qui a failli, quand il le traduisait, lui faire tomber la plume des mains, Schiller ne dit guère rien de plus d’ailleurs que ce qu’avait déjà écrit Vauvenargues : le jeune sage, dans la franche ingénuité de son goût naturel, refusait presque tout à Corneille ; mais un tel arrêt mûri et réfléchi, et venant d’un rival et d’un frère d’armes, compte davantage et tombe de plus haut.
Il avait une sœur naturelle, légitimée, fille d’Auguste II et d’une danseuse, la princesse de Holstein ; séparée de son mari, elle avait longtemps vécu à Venise, et c’était lui qui, en un jour de belle humeur et de bienveillance, l’avait fait venir à Paris, il l’avait même installée à sa terre des Pipes (ou Piples), il avait fait donner un régiment à son fils. […] Le marquis Des Issarts, nouvellement ambassadeur de France auprès d’Auguste III, eut ordre d’y regarder de plus près et de faire un nouveau portrait juste et naturel de la jeune prétendante ; chaque rapport concluait à son avantage. […] La reine avait contre la Saxe l’éloignement naturel aux Leckzinski. […] Un jour que Bruhl lui a donné de l’Excellence par-dessus la tête, il lui insinue gentiment qu’il lui faut du Monseigneur sans Excellence, car l’Excellence est une pauvre monnaie en Cour de France19 ; mais tout cela d’un ton aisé, d’un air de supériorité naturelle qui laisse chacun à sa place, sans hauteur.
Quand je dis que cette langue romane des xie et xiie siècles est sortie du latin vulgaire et populaire graduellement altéré, j’ai peur de me faire des querelles ; car, d’après les modernes historiens philologues, les transformations du latin vulgaire ne seraient point, à proprement parler, des altérations : ce seraient plutôt des développements, des métamorphoses, des états successifs soumis à des lois naturelles, et qui devinrent décidément progressifs à partir d’un certain moment : il en naquit comme par voie de végétation, vers le xe siècle, une langue heureuse, assez riche déjà, bien formée, toute une flore vivante que ceux qui l’ont vue poindre, éclore et s’épanouir, sont presque tentés de préférer à la langue plus savante et plus forte, mais plus compliquée et moins naïve, des âges suivants. Je n’ai point à entrer dans cette discussion, ni à chicaner sur cette préférence ; ce que je voulais seulement remarquer, c’est que sous cette première forme lentement progressive et naturelle tous les mots français qui viennent du latin et par le latin du grec ont été adoucis, préparés, mûris et fondus, façonnés à nos gosiers, par des siècles entiers de prononciation et d’usage : ils sont le contraire de ce qui est calqué et copié artificiellement, directement. […] Pourquoi ne ferait-on pas remarquer que ce sens excessif est devenu tout naturel dans une époque excessive elle-même, qui dans l’habitude porte tout à l’excès, et où l’on ne croit avoir beaucoup que quand on a trop ? […] Je faisais tout ce que je pouvais, on le voit, pour enhardir et pour émoustiller l’Académie ; mais je crains bien d’en avoir été pour mes frais : on m’assure que, depuis, elle est retombée il sa timidité naturelle et qu’elle concédera bien peu des réformes désirées.
Ou bien devra-t-on exiger, avant de conclure à la contingence des lois naturelles, que ce progrès ait un terme, que le savant finisse un jour par être arrêté dans sa recherche d’une approximation de plus en plus grande et qu’au-delà d’une certaine limite, il ne rencontre plus dans la Nature que le caprice ? […] Il est clair que les lois actuelles ne seront jamais assez bien connues pour qu’on ne puisse adopter la première de ces deux solutions et qu’on soit contraint de conclure à l’évolution des lois naturelles. […] Je l’ai expliqué au § précédent, c’est avant tout une classification, une façon de rapprocher des faits que les apparences séparaient, bien qu’ils fussent liés par quelque parenté naturelle et cachée. […] On peut dire par exemple que l’éther n’a pas moins de réalité qu’un corps extérieur quelconque ; dire que ce corps existe, c’est dire qu’il y a entre la couleur de ce corps, sa saveur, son odeur, un lien intime, solide et persistant, dire que l’éther existe, c’est dire qu’il y a une parenté naturelle entre tous les phénomènes optiques, et les deux propositions n’ont évidemment pas moins de valeur l’une que l’autre.
L’homme primitif ne divise pas ; il voit les choses dans leur état naturel, c’est-à-dire organique et vivant 150. […] Comme les êtres destinés à vivre, l’esprit humain fut, dès ses premiers instants, complet, mais non développé : rien ne s’y est depuis ajouté ; mais tout s’est épanoui dans ses proportions naturelles, tout s’est mis à sa place respective. […] Le crime même n’y était pas conçu comme individuel ; la substitution de l’innocent au coupable paraissait toute naturelle ; la faute se transmettait et devenait héréditaire. […] Le grand résultat de la critique historique du XIXe siècle, appliquée à l’histoire de l’esprit humain, est d’avoir reconnu le flux nécessaire des systèmes, d’avoir entrevu quelques-unes des lois d’après lesquelles ils se superposent, et la manière dont ils oscillent sans cesse vers la vérité, lorsqu’ils suivent leur cours naturel.
Son intention, il le déclare, est de suivre la méthode naturelle, et il le fait à beaucoup d’égards. […] Une classification naturelle suppose deux choses : une comparaison des phénomènes, et une analyse rigoureuse qui, sans s’arrêter aux caractères accidentels, pénètre jusqu’à ce qui est fondamental. […] Au point de vue objectif, il s’en réfère au langage naturel des émotions et aux phénomènes sociaux qui en résultent. […] Bain ; peut-être n’en a-t-il que mieux réussi ; nulle part ailleurs, il ne s’est plus fermement appuyé sur sa grande doctrine de la continuité des phénomènes naturels, en vertu de laquelle il n’y a que des transformations, non des créations de mouvements.
Tandis que Fontenelle donnait l’explication naturelle de bien des choses insensiblement et sans en avoir l’air, Condorcet ne perd pas une occasion de poser, en passant, ses principes, ses solutions, et il en a sur tout sujet. […] Le profond divorce qui existait alors entre la chirurgie et la médecine empêcha les deux Sociétés de se fondre à aucun moment ou même de se rapprocher, comme il eût été si naturel. […] Pinel voulait, nous dit Pariset, qu’à l’exemple de la botanique et de l’histoire naturelle, la médecine se fît un langage tout en substantifs, sans verbes, sans conjonctions. […] Dans l’éloge de Portal, voulant faire allusion au charlatanisme si connu dont ce médecin avait usé d’abord pour se mettre en renom, Pariset, après l’avoir couronné de tous les éloges, ajoute à la fin que « son seul tort, peut-être, a été, dans ses premières années, de prendre l’avenir en défiance, de ne pas croire à l’effet naturel de ses talents, et d’avoir voulu attacher des ailes à sa fortune ».
J’ai dit qu’il y a deux aspects du siècle ou règne de Louis XIV, l’aspect apparent, imposant et noble, et le revers, le fond, plus naturel, trop naturel, et où il ne faut pas trop regarder ; ajoutons seulement qu’à une certaine heure, et au plus beau moment du règne, deux hommes montrèrent, en plus d’une œuvre, ce que pouvait le génie en unissant les deux tons, en rompant en visière au solennel, et en faisant parler hautement et dignement la nature : ces deux hommes sont Molière et La Fontaine. […] Dans une épître à son ami La Fare, où il se peint au naturel avec ses qualités et ses défauts, Chaulieu se montre positif pourtant par un coin essentiel : Noyé dans les plaisirs, mais capable d’affaires, dit-il. […] On ne peut s’empêcher de conclure qu’il a été bien funeste à ce délicat esprit d’appeler, au secours d’une indolence chez lui si naturelle, la paresse raisonnée de Chaulieu, et d’insister sur une doctrine qui a pour effet immédiat d’amollir les courages et de supprimer le ressort des âmes.
En effet, M. de Lamartine, avec son talent idéal, avec son optimisme à la fois naturel et calculé, quand il serait propre à être historien, l’était-il à être l’historien de la Révolution française en particulier ? […] Quant à moi, au milieu de toutes les preuves de talent, de génie naturel, d’esprit même et de sagacité que donne M. de Lamartine dans les pages flottantes et dans les fresques inachevées de ses Histoires, je m’attendrai toujours à toutes les distractions et à tous les lapsus de pinceau de la part de quelqu’un qui, ayant à parler de Camille Desmoulins pour son Vieux Cordelier, a trouvé moyen de le comparer à Fénelon. […] L’histoire, dans sa gravité simple et dans le cours naturel de sa marche, doit moins se poser cette nécessité continue ; elle ne doit pas, presque à chaque page, recommencer à s’élancer avec le geste d’un Pindare ou d’un tribun. […] Le hasard, ou plutôt ma curiosité naturelle, veut que j’aie précisément écrit pour moi, le soir même, le récit de ma rencontre et de ma conversation avec M. de Lamartine ; je me garderai bien d’en faire part au public, qui est rebattu pour le moment de ces sortes de confidences.
Ce livre, composé d’après une méthode inflexible, écrit avec une éloquence entraînante, rempli de vues supérieures, paré d’images magnifiques et naturelles, n’est connu que des philosophes : l’auteur ne va pas chez les personnes influentes ; voyant qu’il ne se loue point, on ne le loue point ; il a oublié que la gloire se fabrique. […] Or, toutes les fois que vous rencontrez un groupe naturel de faits, vous pouvez mettre cette méthode en usage, et vous découvrez une hiérarchie de nécessités ; il en est ici du monde moral comme du monde physique. […] De ce groupe de dispositions morales, on peut déduire tous les détails importants de la constitution romaine ; et il se déduit lui-même de la faculté égoïste et politique que vous avez d’abord détachée. — Portez-la dans la vie privée : vous verrez naître l’esprit intéressé et légiste, l’économie, la frugalité, l’avarice, l’avidité, toutes les coutumes calculatrices qui peuvent conserver et acquérir, les formes minutieuses de transmission juridique, les habitudes de chicane, toutes les dispositions qui sont une garantie ou une arme publique et légale. — Portez-la dans les affections privées : la famille, transformée en institution politique et despotique, fondée, non sur les sentiments naturels, mais sur une communauté d’obéissance et de rites, n’est plus que la chose et la propriété du père, sorte de province léguée chaque fois par une loi en présence de l’État, employée à fournir des soldats au public. — Portez-la dans la région : la région, fondée par l’esprit positif et pratique, dépourvue de philosophie et de poésie, prend pour dieux de sèches abstractions, des fléaux vénérés par crainte, des dieux étrangers importés par intérêt, la patrie adorée par orgueil ; pour culte une terreur sourde et superstitieuse, des cérémonies minutieuses, prosaïques et sanglantes ; pour prêtres des corps organisés de laïques, simples administrateurs, nommés dans l’intérêt de l’État et soumis aux pouvoirs civils. — Portez-la dans l’art : l’art, méprisé, composé d’importations ou de dépouilles, réduit à l’utile, ne produit rien par lui-même que des œuvres politiques et pratiques, documents d’administration, pamphlets, maximes de conduite ; aidé plus tard par la culture étrangère, il n’aboutit qu’à l’éloquence, arme de forum, à la satire, arme de morale, à l’histoire, recueil oratoire de souvenirs politiques ; il ne se développe que par l’imitation, et quand le génie de Rome périt sous un esprit nouveau. — Portez-la dans la science : la science, privée de l’esprit scientifique et philosophique, réduite à des imitations, à des traductions, à des applications, n’est populaire que par la morale, corps de règles pratiques, étudiées pour un but pratique, avec les Grecs pour guides ; et sa seule invention originale est la jurisprudence, compilation de lois, qui reste un manuel de juges, tant que la philosophie grecque n’est pas venue l’organiser et le rapprocher du droit naturel.
En un seul jour, il eût pu, sans forcer son naturel, se jeter au château aux pieds de Marie-Antoinette, s’asseoir en patriote sincère à la table frugale de son collègue Roland, et, sortant le soir avec Danton par le bras, se prendre aux familières confidences du sans-culotte sans façon. […] Mais ce qui est inouï, ce qui caractérise au naturel l’incapacité de cette émigration, sa mesquinerie de vues, sa lésinerie de moyens, ses rancunes invétérées, en un mot toute l’étroitesse de son bigotisme politique, c’est l’accueil hostile et outrageux qu’elle fît au général éminent qui avait tenté de relever, en y inscrivant le mot de Constitution, une bannière dépopularisée.
Il a composé outre cela deux Comédies, mais larmoyantes : l’une est, Le Pere de Famille, l’autre, Le Fils naturel. […] Le Fils naturel fut présenté il y a peu de temps sur le Théatre, au Public, qui le regarda comme un bâtard ignoble, &, par le mauvais accueil qu’il lui fit, força son Pere de le retirer.
Des Commentaires sur l’Ecriture sainte, des Discussions théologiques étoient au dessous de cette rare sagacité qui lui étoit si naturelle. […] Le Dialogue en est naturel, plein d’intelligence & d’adresse ; les caracteres en sont intéressans & soutenus.
Il songeait aux mots anciens qui sont beaux comme des plantes sauvages et de même origine naturelle et spontanée. […] En 1812, devant la répugnance bien naturelle du peuple, on dut permettre le retour des anciens mots proscrits qui s’adaptèrent désormais à des poids et à des mesures conformes à la loi nouvelle.
Aristote est dur & sec en tout ce qu’il dit ; mais ce sont des raisons que ce qu’il dit, quoiqu’il le dise sèchement : sa diction, toute pure qu’elle est. a je ne sçais quoi d’austère ; & ses obscurités naturelles ou affectées dégoûtent & fatiguent les lecteurs. Platon est délicat dans tout ce qu’il pense & dans tout ce qu’il dit : Aristote ne l’est point du tout, pour être plus naturel.
Celles qui ont été préparées d’avance, qui se trouvent d’accord avec les instincts d’un peuple, avec les progrès naturels de la civilisation, finissent toujours par s’identifier dans les esprits, par se manifester dans toutes les formes de la société ; cependant celles-là mêmes ne peuvent parvenir à gouverner les hommes qu’après avoir fait éprouver de grandes douleurs. […] Dans une telle révolution, qui atteint jusqu’aux éléments mêmes de la société, il a été bien permis, sans doute, et il n’est peut-être encore que trop permis à un grand nombre d’hommes de désespérer de notre existence sociale ; et ce malaise si naturel, qui continue toujours de se faire sentir, pourra bien ne se prolonger que trop longtemps.
C’est un analyste qui examine l’organe et qui dit : « Étant donné l’ensemble, il est tout naturel, il est nécessaire que la partie ait ce vice ; l’animal en pourra crever, mais nous aurons compris la nécessité de sa fâcheuse aventure. » Taine n’est pas parfait, mais il a une intelligence indépendante ; ses enfants tiennent directement de son tempérament et non point d’une politique adoptée pour obtenir soit la popularité, soit les faveurs du pouvoir. […] » Ils n’admettent pas que le corps social soit un composé d’organes distincts et spéciaux, tous également naturels et nécessaires, chacun d’eux adapté par sa structure particulière à un emploi défini et restreint, chacun d’eux spontanément produit, formé, entretenu, renouvelé et stimulé par l’initiative, par les affinités réciproques, par le libre jeu de ses cellules.
Mais il y a une autre manière de commentateurs, et ceux-ci fort utiles et particulièrement agréables ; ils ont l’abondance des vues ; un développement naturel, et judicieux ou fin, ne les effraye pas : j’y mettrais en tête le bon Eustathe, le commentateur d’Homère. […] Dübner qui, poussant plus loin l’analyse, prétend trouver dans la suite des strophes de Thyrsis des exemples caractérisés de méchant naturel, d’exagération, d’incohérence et de mauvais goût, que l’harmonie du rythme et l’élégance de la forme déguisent à peine. […] Corydon représente pour lui la poésie vive, simple et naturelle, Thyrsis l’effort pénible et le fatras. […] J’ai beau tourner et retourner le passage, je ne vois pas encore une fois que tous les efforts qu’on a faits pour changer le texte et lui donner, à vrai dire, une entorse, aient abouti à rien de plus satisfaisant que ce premier sens tout naturel de l’ancienne version, — une maxime en l’honneur des amoureux. […] En suivant le texte traditionnel, je crois obéir au sens le plus naturel et au courant le plus virgilien.