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1878. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

La femme, écrit-il, doit jouer un rôle égal à celui de l’homme dans une civilisation bien faite, « mais ce jour semble ajourné à l’époque où ne domineront plus l’audace, la valeur guerrière, incompatibles avec sa nature douce et résignée… seulement, soyons tranquilles, ce jour arrivera… » Dites-vous-le bien, messieurs les officiers de spahis ! […] Et le plus écrasant démenti ne lui est-il pas donné par l’Histoire toute entière, qui atteste que le Christianisme a centuplé cette puissance, là où il a saisi la nature humaine, — en Chine même, comme ailleurs et partout !

1879. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

L’économique des rêveurs la met, elle, dans l’action illimitée de l’homme et dans la disposition des trois règnes de la nature. […] Il n’y a qu’un bon gouvernement qui soit possible dans la nature même des choses, qu’un seul, quels que soient les climats, les caractères, les idées, il ne nous doit pas le bonheur cependant, c’est ce que les philosophies politiques en dehors des idées chrétiennes n’ont pas compris, et ce que celle de M. de Beauverger, s’il en avait une à lui, — car il n’en a point, — ne comprendrait pas davantage.

1880. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Gérard n’était pas, de sa nature, assez fort pour avoir le goût de cette volupté amère de la solitude, le plus fier plaisir des âmes fortes. […] Seulement, en raison de sa nature impressive, éclectique et syncrétique tout à la fois, sa capacité d’érudition est offusquée de fantaisie et va au bizarre, comme elle y allait chez Edgar Poe, un esprit d’une bien autre puissance !

1881. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Or, littérairement, tous les sujets qui, en nature humaine, ne sont pas faux, sont bons pour le talent qui voit en eux des choses cachées et qui doit les en faire sortir. […] Duranty, qui bûche si vaillamment dans cette vulgarité, pour lui peut-être la seule nature humaine, ne suffit pas pour nous intéresser à tous ces gens-là qu’il nous montre dans son roman, un écrin de médiocrités !

1882. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Mais pour ne laisser aucun doute, nous y joignons l’explication de plusieurs autres phénomènes sociaux, dont on ne peut trouver la cause que dans la nature des républiques héroïques, telles que nous l’avons découverte. […] Comme l’éclat de la noblesse leur faisait ombrage, ils se montrèrent favorables aux droits de la nature humaine, commune aux nobles et aux plébéiens.

1883. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Avant-propos »

Calomniée sans cesse, et me trouvant trop peu d’importance pour me résoudre à parler de moi, j’ai dû céder à l’espoir qu’en publiant ce fruit de mes méditations, je donnerais quelque idée vraie des habitudes de ma vie et de la nature de mon caractère.

1884. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delbousquet, Emmanuel (1874-1909) »

Delbousquet est printanière et fraîche, inspirée le plus souvent par les spectacles de la Nature.

1885. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — I — Ibels, André (1872-1932) »

Ce sont des symphonies verbales, visions de nature d’où le sensualisme est banni.

1886. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rivet, Gustave (1848-1936) »

Et cela sans contorsions de vers, de rimes pauvres par leur richesse, rien qu’en laissant parler en lui la nature.

1887. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tory, André »

Mais la vierge attendue ne sera jamais nôtre, car l’idéal qu’on touche ne serait plus un idéal, et la nature est clémente en ceci, qu’elle nous leurre d’espérance, sans permettre la possession qui nous tuerait l’espérance.

1888. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 384

Adorateur & Commentateur de Boileau, il auroit affoibli la gloire de ce Poëte par des détails minutieux & puériles, si le Lutrin, l’Art Poétique & la plus grande partie de ses Ouvrages n’étoient de nature à résister à la fadeur de l’encens.

1889. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Il l’a médité longtemps dès sa tendre jeunesse, il doit le placer au premier rang de ses pères intellectuels ; il le reproduit par quelques traits intimes de ressemblance, par un spiritualisme, un déisme ardent et sincère, par la passion de la nature et de la campagne, par l’enthousiasme et l’ivresse du cœur dans les courses pédestres solitaires. […] Celui dont un vers touchant pénétra le cœur d’Octavie et la fit s’évanouir était, par tout un côté de sa nature, le poète des femmes. […] Boileau si cher aux bons esprits, aux hommes de sens et de goût, n’était guère de nature par son talent à faire vibrer une corde au cœur des femmes. […] C’est ce qu’éprouva Rousseau, sinon le premier, du moins plus qu’aucun autre auteur auparavant ne l’avait ressenti et goûté encore à ce degré ; et le malheur, la singularité de sa nature fut de rejeter un peu plus tôt, un peu plus tard, d’empoisonner en idée le bienfait. […] La morale de Nicole est dépassée ; celle de Rousseau est plus vraie en ce qu’elle est plus conforme à la nature.

1890. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Simple et de bonne foi dans sa mort comme il l’avait été dans sa vie, il n’affectait pas cette stoïcité théâtrale ni ces félicités anticipées des hommes qui se prétendent au-dessus de la nature et de la douleur. Il savait qu’aucun homme n’est au-dessus de la nature et que la raison elle-même veut qu’on s’attriste et qu’on gémisse quand on s’approche du dernier mystère et qu’on est près d’entrer dans le grand inconnu d’une autre vie. […] Ce simple exposé suffirait pour faire porter un jugement sans appel, et sur leur nature, et sur l’objet qu’on se propose en les pratiquant ; mais, comme on a déjà beaucoup écrit sur cette matière, et que le pour et le contre ont eu des partisans outrés, je crois, tout bien considéré, qu’il est inutile de redire ce qui a été dit cent et cent fois. » Il les caractérise néanmoins parfaitement, dans un autre volume de ses Mémoires, comme des rites purement civils et honorifiques, n’impliquant d’autre culte que le culte des souvenirs et de la vénération pour la mémoire de Confucius. […] La littérature politique de la Chine a peu de témoignages plus frappants et plus authentiques de la nature toute intellectuelle, toute philosophique et toute littéraire de ce gouvernement. […] Aucun document à la fois politique et littéraire, dans les annales de la Chine, n’est de nature à faire mieux comprendre la constitution libre, paternelle et raisonnée de ce gouvernement par la persuasion.

1891. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

C’est là le danger de la nature du « Barbare », comme les Grecs, malgré ses raffinements de luxe et de mœurs, appelèrent toujours méprisamment l’Asiatique ; il échappe au raisonnement et à la logique. […] Le despote ne distingue plus nettement une rébellion de la nature de l’insurrection d’une province, une mer qui mugit d’un peuple qui gronde. […] Ce qu’avait de fauve la nature dorienne se hérissa alors dans la phalange acculée. […] Xerxès passant, selon sa nature, de l’extrême présomption à l’extrême frayeur, se précipita dans la fuite. […] On peut se figurer Eschyle si profondément oriental de nature et d’âme, plus aryen d’instinct que les Perses mêmes, ajoutant de nouveaux hymnes au Zend-Avesta, au lieu de faire pleurer Électre et blasphémer Prométhée.

1892. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Jeudi 14 juillet « Ne mentez pas, dit aujourd’hui, avec une très grande justesse, Daudet au petit de Fleury, et faites d’après nature, absolument comme vous voyez, c’est seulement comme cela, que vous aurez quelque chose de personnel. […] Oui, c’est très bien ici, comme croquis de styliste, mais si j’avais à me servir de ces portraits pour un roman, j’y mettrais des phrases moins travaillées, plus bonnement nature. […] Il remémore les curieux spectacles de nature qu’ils ont vus, les duels de crapauds, les ruts des chevreuils, et tout le surnaturel, que la nuit met dans l’ombre des grands arbres. […] Mais je lui demande de ne pas le faire paraître, lui disant que je ne veux pas répondre, que je trouve l’accusation au-dessous de moi, que j’ai ignoré absolument le manifeste, et que si je m’étais cru le besoin d’exprimer ma pensée sur la littérature de Zola, je l’aurais fait moi-même, avec ma signature en bas, et qu’il n’était pas dans ma nature de me cacher derrière les autres. […] La nature n’est plus pour lui, qu’un décor de champ clos.

1893. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Chateaubriand, dans la première préface de son livre, touchait le point de sa conversion, car il n’avait pas toujours été religieux ; loin de là : lié avec les hommes de lettres de la fin du xviiie  siècle, Chamfort, Parny, Le Brun, Ginguené, il s’était montré à eux tel qu’il était, lorsque, disciple de Jean-Jacques, il allait étudier la nature humaine plus vraie, selon lui, et supérieure chez les sauvages d’Amérique, dans les forêts du Canada. […] Il est trop certain que, dans une nature mobile comme celle de Chateaubriand, cette inspiration première n’a point persisté autant qu’il l’aurait fallu pour l’entière efficacité de sa mission et même pour l’entière convenance de son rôle. […] [NdA] « Mais je vois en ceci avant tout une imagination qui s’exalte, une tête qui se monte », me dit quelqu’un. — Je n’entreprends pas d’analyser la nature de la croyance ni la qualité de la ferveur ; c’est assez qu’il y ait eu l’instant de ferveur et de croyance, et de le constater.

1894. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Le nom d’écrivains proprement dits continue d’appartenir à ceux qui de propos délibéré choisissent un sujet, s’y appliquent avec art, savent exprimer même ce qu’ils n’ont pas vu, ce qu’ils conçoivent seulement ou ce qu’ils étudient, se mettent à la place des autres et en revêtent le rôle, font de leur plume et de leur talent ce qu’ils veulent : heureux s’ils n’en veulent faire que ce qui est le mieux et s’ils ne perdent pas de vue ce beau mot digne des temps de Pope ou d’Horace : « Le chef-d’œuvre de la nature est de bien écrire. » Les autres, les hommes d’action, qui traitent de leurs affaires, ne sont écrivains que d’occasion et par nécessité ; ils écrivent comme ils peuvent et comme cela leur vient ; ils ont leurs bonnes fortunes. […] Sa nature clémente vaut mieux que ces mots-là, qui sont rares. […] Henri IV (et cela me plaît en lui) n’est pas un de ces génies et de ces grands hommes qui jaillissent tout formés des mains de la nature et de la fortune.

1895. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

En un mot, il reçut des soins de son excellente mère une éducation hardie et mâle, que la nature en lui favorisait, et que l’austérité de sa communion religieuse confirma : il eut la jeunesse ardente, frugale et grave. […] On voit quel rôle jouait en ce temps-là l’envie, « ce vice lâche en soi, et néanmoins assez connu parmi les hommes », qui fait que « souvent on se fâche plus du bien et des honneurs que le compagnon possède que de ce qu’on n’en jouit pas soi-même », vice d’autrefois et qui semble presque supprimé aujourd’hui, tant nos beaux esprits et nos éloquents parleurs se sont fait une loi et une habitude (à laquelle ils ont peut-être fini par croire) de complimenter à outrance, d’encenser en plein nez la nature humaine. […] Il roulait comme il pouvait, quelquefois trois mois durant, avec ces troupes sans paye, tenant tête aux armées ennemies, faisant plusieurs sièges, et il était forcé après cela de se désister de ce qu’il était près d’atteindre, « tant à cause de la mauvaise humeur de ses mestres de camp, que parce que les moissons approchaient, qui est un temps où les pauvres gens gagnent gros au bas Languedoc. » Ce ne sont là que des aperçus, mais qui donnent idée de la nature de génie et de constance qu’il lui fallut pour faire si bonne mine en un tel genre de guerre : je laisse à d’autres à l’en admirer.

1896. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

. — Ces premières mortifications, ces rudes remontrances laissèrent des traces indélébiles dans une nature plus réfléchie et plus fine que généreuse. […] Les connaisseurs y remarqueront aisément ce mélange heureux de prudence et de hardiesse si rare et si désiré, qui unit et rassemble le plus de perfections que la nature puisse accorder pour former un grand homme de guerre. […] Pendant que je la lisais, je me rappelais bien souvent cette autre correspondance récemment publiée, si étonnante, si curieuse, si pleine de lumière historique et de vérité, entre deux autres frères, couronnés tous deux, le roi Joseph et l’empereur Napoléon ; et, sans prétendre instituer de comparaison entre des situations et des caractères trop dissemblables, je me bornais à constater et à ressentir les différences : — différence jusque dans la précision et la netteté même, poussées ici, dans la correspondance impériale, jusqu’à la ligne la plus brève et la plus parfaite simplicité ; différence de ton, de sonoréité et d’éclat, comme si les choses se passaient dans un air plus sec et plus limpide ; un théâtre plus large, une sphère plus ample, des horizons mieux éclairés ; une politique plus à fond, plus à nu, plus austère, et sans le moindre mélange de passe-temps et de digression philosophique ; l’art de combattre, l’art de gouverner, se montrant tout en action et dans le mécanisme de leurs ressorts ; l’irréfragable leçon, la leçon de maître donnée là même où l’on échoue ; une nature humaine aussi, percée à jour de plus haut, plus profondément sondée et secouée ; les plaintes de celui qui se croit injustement accusé et sacrifié, pénétrantes d’accent, et d’une expression noble et persuasive ; les vues du génie, promptes, rapides, coupantes comme l’acier, ailées comme la foudre, et laissant après elles un sillon inextinguible54.

1897. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

En même temps que la forme de son intelligence n’admet que le système absolu, la nature de son âme aussi n’est capable que d’affections extrêmes. […] Cette question a moins d’importance avec lui qu’avec tout autre ; car il était croyant par nature, par tempérament. […] Je n’aurais jamais pensé que la nature humaine pût descendre si bas : elle a passé mes conjectures et mes espérances.

1898. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

on a fait tout cela pour Louis XIV ; nous savons maintenant jour par jour le compte de ses maladies, de ses indispositions, la nature de ses fièvres, le sujet et la matière de ses indigestions ; on ne nous fait grâce de rien. […] Ces sortes de pièces, en effet, qui n’ont ni montre ni bouffissure, et qui sont l’envers de tout faste, ne sont pas faites pour les esprits de la nature de M. de Salvandy, mais tout au plus pour les observateurs de l’étoffe de Montaigne : deux races bien opposées ! […] Une rougeole de la plus mauvaise nature, que le roi âgé de vint cinq ans contracta en soignant la reine (1663), mit encore une fois ses jours en danger, et même, en se guérissant heureusement, n’emporta point ces tournoiements de tête et ces mouvements vertigineux qui avaient précédé et qui se renouvelèrent bientôt.

1899. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

A la rigueur, si tout ce que vous me décrivez était vrai, copié sur nature, je m’y intéresserais dans un autre sens, non plus à titre d’art, mais à titre de document positif, comme on s’intéresse à une relation de voyageur, à un récit authentique des mœurs japonaises. […] Qu’il reste l’homme de sa nature, en laissant seulement de ses partis pris. […] Qu’il nous donne donc, sans trop tarder, sans trop se soucier de ce style où il est assez maître pour le détendre un peu, une œuvre forte, puissante, observée, bien vivante, ayant certes des qualités amères et fines de la première, marquée au coin de son originalité toujours et de sa nature (on ne lui demande pas de l’abdiquer), mais où il y ait au moins une veine qui agrée à tous, et ne fût-ce qu’un point consolant.

1900. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Et sur ce climat qui n’est pas fait, et sur ce caractère américain, qui ne l’est pas davantage, quel plus frappant et plus philosophique tableau que celui-ci, trop pris sur nature, trop bien tracé et de main de maître pour n’être pas rappelé ici, quand sur d’autres points nous devons être si sévères ! […] M. de Chateaubriand, dans son antipathie d’humeur et de nature pour le personnage, lui qui avait autant le ressort de l’honneur et le goût du dépouillement que l’autre les avait peu et savait aisément s’en passer, a dit, à propos de la manière dont M. de Talleyrand négociait les traités : « Quand M. de Talleyrand ne conspire pas, il trafique. » Ce mot sanglant, au moins dans sa seconde partie, n’est que la vérité même. […] Dans tous les cas, il est terrible pour la moralité d’un homme qu’on ne puisse opposer de meilleure raison à son active intervention dans un cas de cette nature, que le peu d’intérêt qu’il y avait.

1901. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Si la noble, accueillante et expansive nature de M. de Lamartine, et qui semblait tellement faite pour être de celles qui concilient, a manqué jusqu’ici à ce rôle par une trop grande facilité d’ouverture et d’abandon, une autre nature bien haute de talent s’y est refusée par une roideur singulière que rien n’a fléchie. […] Ces sortes de natures si entières se corrigent-elles jamais, et ne mettent-elles pas leur point d’honneur à être ou à paraître jusqu’au bout invincibles ?

1902. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

N’empêche que la brutalité du refus n’était pas de nature à le dérider et ne fit que l’enraciner dans ses sombres humeurs. […] N’est-ce pas miracle que Mallarmé ait réussi à s’imposer à des esprits si divers, qu’il ait pu fournir de quoi séduire à la fois le réaliste Huysmans et le mystique Le Cardonnel, des partisans de l’art social comme Gustave Kahn et des dilettantes comme Henri de Régnier, des ironistes de la trempe de Laurent Tailhade et des moralistes de la nature d’un Remy de Gourmont ou d’un André Gide et qu’il ait pu retenir l’attention ensemble des outranciers du « symbolisme », et d’un esprit aussi lucide que Moréas ? […] C’est ainsi que l’un des livres générateurs est la mise en œuvre par des descriptions de nature de cette proposition : Si l’homme n’était pas, rien ne serait.

1903. (1886) De la littérature comparée

Les écrivains, qui veulent marcher trop vite, raillent l’Université, ses travaux et ses opinions ; et l’Université qui, par la nature même de ses études, est portée à s’occuper du passé plus que du présent, nie les écrivains. […] Avec plus d’étude, les écrivains apprendraient, par la connaissance du passé et par la comparaison, à mieux juger leur propre temps ; ils seraient moins hardis dans leurs tentatives, et, partant, dépenseraient moins de forces en pure perte ; ils développeraient leur sens critique d’autant plus utilement, que l’époque est passée où les grandes œuvres se produisaient inconsciemment, comme par l’effet de quelque mystérieux travail de la nature, et que la critique est devenue la meilleure source d’inspiration. […] Car le « Romantisme » est bien un mouvement parallèle à celui de la Renaissance : en s’efforçant de retrouver la nature et la sincérité de l’impression — ce fut là, vous le savez, l’idéal dont tous les écrivains du commencement du siècle se sont réclamés, à quelque distance que beaucoup en soient restés, — il rencontre tout d’abord le Moyen-Âge, c’est-à-dire l’époque où le génie moderne avait pu se développer sans entraves, et il s’en empare avec passion.

1904. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

J’ai dit qu’il y a deux aspects du siècle ou règne de Louis XIV, l’aspect apparent, imposant et noble, et le revers, le fond, plus naturel, trop naturel, et où il ne faut pas trop regarder ; ajoutons seulement qu’à une certaine heure, et au plus beau moment du règne, deux hommes montrèrent, en plus d’une œuvre, ce que pouvait le génie en unissant les deux tons, en rompant en visière au solennel, et en faisant parler hautement et dignement la nature : ces deux hommes sont Molière et La Fontaine. […] Ceux qui, à en juger par une lecture légère, croiraient Chaulieu un petit poète abbé, musqué et mythologique, se tromperaient fort : c’était une nature brillante et riche, un génie aisé et négligé, tel que Voltaire nous l’a si bien montré dans Le Temple du goût. Le même Voltaire nous le montre, en un autre endroit, un peu glorieux de nature : Ne me soupçonne point de cette vanité Qu’a notre ami Chaulieu de parler de lui-même.

1905. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Malouet lui écrivait en 1791 : « Nous qui raisonnons juste, nous ne rencontrons presque jamais avec précision aucun événement, parce que les actions des hommes ont fort peu de ressemblance aux bons raisonnements. » Cela est vrai pour tous les peuples et pour tous les hommes ; mais cela est encore plus vrai en France, car la nature française résume en elle avec plus de rapidité et de contraste les défauts et peut-être aussi les qualités de l’espèce. […] Mais si, dans la froideur et le bon sens de sa nature genevoise et de sa race protestante, il n’est nullement en sympathie avec ces dispositions tant populaires que militaires du génie français, et d’où plus d’une fois a jailli l’héroïsme, on ne saurait l’accuser de les avoir méconnues. […] Rien qu’à l’accent, il est évident qu’avec ce fonds d’humeur républicaine et cette conscience d’homme libre qui se retrouve à nu dès qu’on le presse trop au vif, Mallet du Pan en prend son parti ; il est à bout à la vue de tant de fautes, de sottises, et d’une partie d’échecs si mal jouée : « C’est un bonheur insigne, s’écrie-t-il ; de n’être rien qu’indépendant dans des conjonctures si désespérées, au milieu d’hommes qui ruineraient, par leur façon de faire, les conjonctures les plus favorables. » On voit à présent, sans qu’il y ait doute, quelle franche et particulière nature d’avocat consultant et de conseiller royaliste c’était que Mallet du Pan, ce paysan du Danube de l’émigration.

1906. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

De tous les articles de Carrel, c’est peut-être le plus brillant, celui où il se révèle le mieux dans cette portion de sa nature qui n’a point réussi. […] Si j’osais traduire cette impression dans une langue toute littéraire et pour des littérateurs, je dirais : Zumalacárregui, c’est son André Chénier : Il est des temps, disait-il (28 juin 1835), où avec de médiocres facultés on peut devenir rapidement fameux ; nous sommes, au contraire, une de ces époques où tout conspire contre le développement des grands caractères, et où le travail des sociétés n’amène à la surface que des natures dégradées. […] Durant ces années 1831-1832, Carrel s’était fait une belle existence, et la première dans la presse de l’opposition ; il jouissait à cet égard par le talent, par le succès dans l’opinion, par l’ascendant marqué qu’il prenait chaque jour, et par la contradiction même qui allait à sa nature amie de la lutte.

1907. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Mais, si disposés que nous soyons à saluer et à honorer ce qui cesse, n’oublions jamais cette loi supérieure des choses : pas un individu n’est essentiel ici-bas, pas une génération n’est indispensable ; la nature est féconde, et après les pertes les plus senties, et les plus irréparables ce semble, tout reprend bientôt et tout recommence. […] D’une autre part, les rigoureux observateurs de la nature humaine lui ont reproché de maintenir orgueilleusement certains dogmes qu’une philosophie plus positive et plus hardie se croyait en droit de contester, de ne tenir aucun compte de l’homme physique et naturel dans les opérations de l’esprit, de se soucier moins d’être un vrai philosophe (ce qui n’est donné qu’à peu d’hommes) que de vouloir fonder une grande école de philosophie (ce qui est bien différent), et d’aller jusqu’à faire ensuite de cette philosophie une doctrine d’État, ayant cours et influence. […] Non, les lettres si aimées et si consolantes n’ont pas cette vertu qu’on leur supposait ; cette vertu, l’éducation peut y aider sans doute, elle est avant tout dans une certaine nature première et dans le caractère même, qui ne se donne pas.

1908. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

La nature, je le sais, fait des exceptions encore : nous avons eu Désaugiers ; sans trop chercher, nous trouverions après lui d’aimables gens qui mènent légèrement la vie et portent avec eux la joie. […] Le tour d’ironie et de plaisanterie qui s’y mêle n’empêche pas l’observateur de bien voir et de faire mille retours sur la singularité de la nature humaine selon les climats et les lieux. […] Continuons d’aimer en lui un don de nature, une veine unique que rien n’altère ni ne mélange, et ne lui prêtons ni plus de portée morale ni plus de philosophie qu’il n’a prétendu en avoir.

1909. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Il parle de la « sainteté de la nature ». […] Dans l’histoire, parlant aux hommes, qui peuvent tout lire, il est athée hardi et sonore, comme il le fut, par exemple, dans son Histoire de la Révolution, quand il se rangea, contre le Dieu du trop religieux Robespierre, du côté de la Nature de Chaumette, Marat et Danton. […] Au lieu de cette grosse explication qu’on a appelée longtemps la Nature, et dont Joseph de Maistre, notre Voltaire, à nous autres chrétiens, s’est moqué avec une gaieté si peu piémontaise, Michelet a parlé « d’animaux se faisant eux-mêmes et se faisant par pièces et morceaux », ce qui serait plus fin, à la vérité, si Michelet, en toute matière, ne pressait pas toujours le ressort jusqu’à ce que le grotesque jaillisse.

1910. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

De ce sentiment, qui avait été pour Caton payen le désespoir, le christianisme fit la mélancolie… La nouvelle poésie se mettra à faire comme la nature, à mêler dans ses créations l’ombre à la lumière, le grotesque au sublime, en d’autres termes, le corps à l’âme, la bête à l’esprit. […] Le lyrisme est avant tout la jeunesse exubérante du sentiment, un débordement de forces sans but précis, un élan de foi ; ses objets principaux : Dieu, l’amour, la nature. […] Donc, écrire l’histoire de la satire comme d’un genre littéraire, dans le sens habituel du mot, c’est ou bien composer un florilège de genres très divers dans leur inspiration, ou bien s’attacher très arbitrairement à une « forme » en négligeant des œuvres importantes. — En d’autres termes, l’esprit critique est constant ; on le retrouve à toutes les époques ; ou plus ou moins, mais il est toujours là ; il prend souvent une forme littéraire, mais en soi il n’est pas de nature littéraire ; à lui seul, il n’est pas un principe d’art ; il est négatif et démolisseur, l’art est créateur.

1911. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chantavoine, Henri (1850-1918) »

Tout est simple, aisé, pris dans la bonne et franche nature ».

1912. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Clerfeyt, René Mary »

Clerfeyt, René Mary [Bibliographie] La nature chante et j’écoute (1899).

1913. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Marrot, Paul (1850-1909) »

Le poète y parle de la nature, de l’homme, des bêtes, avec des accents attendris et sincères dans leur conviction robuste.

1914. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tessyl, Paul-Henri »

et le louerai, au contraire, d’assembler pour magnifier la nature de chantantes couleurs.

1915. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 278

Les autres Poésies de M. de Sénecé, qui, pour la plupart, consistent dans des Epigrammes, offrent quelquefois des beautés neuves, & un style piquant, fruit agréable du tour original de son imagination qu'il avoit reçu de la Nature.

1916. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Misérables » (1862) »

Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.

1917. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Qu’on baptise ces guérisons du nom de phénomènes ou de miracles, peu importe, il y a là quelque chose qui sort de l’ordinaire de la nature et que la science n’a pu expliquer jusqu’à présent. […] Fuster a trouvé des développements fort touchants et sa muse y a pris prétexte à chanter aussi bien les grandes guerres, l’héroïsme, que le charme de la nature et les phases d’un amour qui s’éteint et se ranime. […] Ce sont des soldats d’une qualité particulière et dont l’esprit doit, comme celui des marins, recevoir je ne sais quel mystérieuse empreinte de la nature qui les entoure, les éblouit, les menace ou les berce. […] Avec beaucoup d’habileté il a coupé, sans l’interrompre, les pages de son récit par des tableaux, des croquis d’après nature de grand intérêt. […] « … Il n’avait rien dans son apparence extérieure qui, au premier abord, parût de nature à charmer.

1918. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bellessort, André (1866-1942) »

Nature vigoureuse mais tendre, le poète n’est pas un impassible.

1919. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — O — Ordinaire, Dionys (1826-1896) »

Il est de son temps ; il a l’humour ; il a le sentiment pur et frais de la nature.

1920. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 154

Quand même il existeroit quelques défauts dans ce Livre vraiment original, ils seront toujours de la nature de ceux qu’on oublie en faveur de la justesse & de la solidité des réflexions, de la noblesse & de l’énergie du style, de la vérité des maximes qui s’y présentent à chaque page : trop heureux si la Littérature n’offroit jamais que de pareils sujets d’indulgence !

1921. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Chardin » p. 98

C’est toujours la nature et la vérité ; vous prendriez les bouteilles par le goulot, si vous aviez soif ; les pêches et les raisins éveillent l’appétit et appellent la main.

1922. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Quand la plupart des esprits élevés débutent par la passion, tantôt par une sorte d’illusion confiante, gracieuse et pastorale, tantôt par une misanthropie plus superbe et plus rebelle ; quand aux uns le monde s’ouvre riant et enchanté comme à Paul et à Virginie, aux autres plus altier, plus sévère et imposant, comme à Émile et à Werther ; pour les natures tout aussitôt mûres et prudentes dont nous voulons parler, l’apprentissage est plus de plain-pied, moins hasardeux ; le monde, dès l’abord, ne se découvre ni si riant, ni si solennel, ni si contraire ; il vaut à la fois moins et mieux que cela. […] Mme Guizot, qui, en toutes choses, était une nature opposée au vague et au tour d’esprit rêveur, l’ennemie de ce qui n’aboutit pas et de tout fantôme, eut un souci dès qu’elle fut mère, et elle alla droit à la difficulté qui se posait. […] Au reste, la raison de Mme Guizot, qui a pied dans le fait même, admet, pressent les cas d’insuffisance et en avertit : « Je le vois plus clairement chaque jour, dit Mme d’Attilly, la jeunesse est de tous les âges de la vie celui que l’enfance nous révèle le moins ; une influence indépendante du caractère la domine avec un empire contre lequel on peut d’avance lui donner des forces, mais sans prévoir de quelle manière elle aura à s’en servir. » Mme Guizot relève en un endroit une assertion de mistress Hannah More sur la nature déjà corrompue des enfants, et elle la combat. […] Elle n’a pourtant jamais décrit la nature. […] ) « L’amour, la jeunesse, les doux sentiments de la nature offrent bien autant de chances de vie que de mort, autant de moyens de consolation que de malheur.

1923. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

La Rochefoucauld, qui eut plus que personne qualité pour la juger, nous a dit déjà, et je répète ici ce passage trop essentiel au portrait de Mme de Longueville pour ne pas être rappelé : « Cette princesse avoit tous les avantages de l’esprit et de la beauté en si haut point et avec tant d’agrément, qu’il sembloit que la nature avoit pris plaisir de former en sa personne un ouvrage parfait et achevé ; mais ces belles qualités étoient moins brillantes, à cause d’une tache qui ne s’est jamais vue en une personne de ce mérite, qui est que, bien loin de donner la loi à ceux qui avoient une particulière adoration pour elle, elle se transformoit si fort dans leurs sentiments, qu’elle ne reconnoissoit plus les siens propres. » La Rochefoucauld ne put d’abord se plaindre de ce défaut, puisqu’il lui dut de la conduire. […] Étant encore à Bordeaux, et d’un couvent de bénédictines où elle s’était logée aux approches de cette paix, elle écrivait à ses chères carmélites du faubourg Saint-Jacques, avec lesquelles, dans les plus grandes dissipations, elle n’avait jamais tout à fait rompu : « Je ne désire rien avec tant d’ardeur présentement que de voir cette guerre-ci finie, pour m’aller jeter avec vous pour le reste de mes jours… Si j’ai eu des attachements au monde, de quelque nature que vous les puissiez imaginer, ils sont rompus et même brisés. […] Singlin, qui m’a paru fort grosse, écrit Mme de Longueville, et qui par là me faisoit espérer bien des choses de cette part qui est présentement ce qui m’occupe, je l’ai ouverte rapidement, comme ma nature me porte toujours à mon occupation d’esprit ; comme au contraire (je dis ceci pour me faire connoître) elle me donne une si grande négligence et froideur pour ce qui n’est pas mon occupation présente, qui est toujours forte et unique en moi. […] Il aurait toujours prétendu y suivre la même nature s’inquiétant, se raffinant pour se reprendre à mieux, et persistant sous ses transes. « L’orgueil est égal dans tous les hommes, a-t-il dit encore, et il n’y a de différence qu’aux moyens et à la manière de le mettre au jour. » Il lui eût fallu avoir en lui le rayon pour le voir en elle comme il y était. […] Voilà donc Mme de Longueville partie pour ce grand voyage de l’Éternité d’où l’on ne revient jamais… Des morts de cette nature des personnes qui tiennent un grand rang parmi le monde, et surtout lorsque nous y avons quelque rapport, nous frappent dans le moment ; mais l’impression s’en efface bientôt, et nous ne tâchons pas même d’ordinaire à la retenir.

1924. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Ils applaudiront Saint-Lambert lorsqu’à souper, levant un verre de champagne, il proposera le retour à la nature et aux mœurs d’Otaïti503. — Dernière entrave, le gouvernement, la plus gênante de toutes ; car elle applique les autres et comprime l’homme de tout son poids joint à tout leur poids. […] Pour eux, ils sont architectes et ils ont des principes, à savoir la raison, la nature, les droits de l’homme, principes simples et féconds que chacun peut entendre et dont il suffit de tirer les conséquences pour substituer aux informes bâtisses du passé l’édifice admirable de l’avenir. — La tentation est grande pour des mécontents, peu dévots, épicuriens et philanthropes. […] Nombre de grands seigneurs et de prélats figurent dans les sociétés d’agriculture, écrivent ou traduisent des livres utiles, suivent les applications des sciences, étudient l’économie politique, s’informent de l’industrie, s’intéressent en amateurs ou en promoteurs à toutes les améliorations publiques. « Jamais, dit encore Lacretelle, les Français n’avaient été plus ligués pour combattre tous les maux dont la nature nous impose le tribut, et ceux qui pénètrent par mille voies dans les institutions sociales. » Peut-on admettre que tant de bonnes intentions réunies aboutissent à tout détruire ? […] Le roi se rappelle qu’il a rendu l’état civil aux protestants, aboli la question préparatoire, supprimé la corvée en nature, établi la libre circulation des grains, institué les assemblées provinciales, relevé la marine, secouru les Américains, affranchi ses propres serfs, diminué les dépenses de sa maison, employé Malesherbes, Turgot et Necker, lâché la bride à la presse, écouté l’opinion publique552. […] En 1788, deux cents gentilshommes des premières familles du Dauphiné signent, conjointement avec le clergé et le Tiers-état de la province, une adresse au roi où se trouve la phrase suivante : « Ni le temps, ni les liens ne peuvent légitimer le despotisme ; Les droits des hommes dérivent de la nature seule et sont indépendants de leurs conventions.

1925. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

. — Qui est de la nature d’un arbrisseau. […] Insexué Adj. — Que la nature n’a pas doué de sexe. […] Saponacé Adj. — De la nature du savon. […] Silent désignant un aspect de nature. […] L’influence du souffle vernal doucement dilatant les immuables textes inscrits en sa chair, lui aussi, enhard par ce trouble agréable à sa stérile pensée, était venu reconnaître par un contact avec la Nature, immédiat, net, violent, positif, dénué de toute curiosité intellectuelle, le bien-être général, et candidement, loin des obédiences et de la contrainte de son occupation, des canons, des interdits, des censures, il se roulait, dans la béatitude de sa simplicité native, plus heureux qu’un âne.

1926. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

et un impossible bien autrement compromettant que le simple impossible de l’événement, des circonstances, de la mise en scène, dont un habile homme ne se joue guères ; mais l’impossible de la nature humaine, la méconnaissance absolue des lois qui la régissent et dont, sous peine de faux et d’absurde, il est défendu — à n’importe qui ! […] Je le traite en artiste fort, en homme qui doit savoir la nature humaine et la faire vibrer à commandement quand il lui plaît ; mais qui, malheureusement, n’a montré dans son Homme qui rit ni art, ni âme, ni nature humaine ! […] Enfin, après le ridicule des détails niais et bestiolets, il y a de plus, dans ce Quatre-vingt-treize, l’odieux du pédantisme de l’érudition la plus assommante, la plus vaine et la plus déplacée, et l’odieux aussi de ce matérialisme insupportable, le fond même de la nature, je ne dirai pas philosophique, mais poétique de Victor Hugo, qui ne lui fait pas métamorphoser en or tout ce qu’il touche, comme le roi Midas, mais en matière, — même jusqu’à la langue, qu’il encombre d’images physiques et qui sous cette main épaisse perd de sa transparence, et même encore jusqu’aux sentiments les plus purs et les plus élevés de l’âme, et, par exemple, ici, la maternité ! […] Ils ne mutilent pas la nature humaine.

1927. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Jusque dans les moments extrêmes, la nature désespérée subissait l’empire de la raison et des convenances. […] Il y a deux parts en nous : l’une que nous recevons du monde, l’autre que nous apportons au monde ; l’une qui est acquise, l’autre qui est innée ; l’une qui nous vient des circonstances, l’autre qui nous vient de la nature. […] Il l’était autant par nature que par fortune ; son tour d’esprit comme sa position le fit écrivain. […] On le voit les yeux fixes et le corps frissonnant, lorsque, dans le suprême épuisement de la France, Desmarets établit l’impôt du dixième : « La capitation doublée et triplée à la volonté arbitraire des intendants des provinces, les marchandises, et les denrées de toute-espèce imposées en droit au quadruple de leur valeur, taxes d’aides et autres de toute nature et sur toutes sortes de choses : tout cela écrasait, nobles et roturiers, seigneurs et gens d’église, sans que ce qu’il en revenait au roi pût suffire, qui tirait le sang de ses sujets sans distinction, qui en exprimait jusqu’au pus. […] Ce style bizarre, excessif, incohérent, surchargé, est celui de la nature elle-même ; nul n’est plus utile pour l’histoire de l’âme ; il est la notation littéraire et spontanée des sensations.

1928. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Collin de Vermont et Jeaurat » p. 94

S’il y a peu de gens qui sachent regarder un tableau, y a-t-il bien des peintres qui sachent regarder la nature ?

1929. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  L’Enfant  » p. 145

C’est qu’il faut être un grand coloriste, un grand dessinateur, un grand paysagiste, un savant et délicat imitateur de la nature ; avoir une prodigieuse variété de ressource dans l’imagination ; inventer une infinité d’accidents particuliers, de petites actions, exceller dans les détails, posséder toutes les qualités d’un grand peintre et cela dans un haut degré, pour contrebalancer la froideur, la monotonie et le dégoût de ces longues files parallèles de soldats ; de ces corps de troupes oblongs ou carrés, et la symétrie de notre tactique.

1930. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béjot, Alfred »

Anonyme C’est un livre de poésie pure, c’est aussi un livre de réalité poignante, un salut en même temps qu’un adieu à la vie, puisqu’il s’agit d’un poète, atteint du mal inguérissable de la phtisie, dont il meurt, dont il se sent mourir, agonisant amoureux de la nature, des cieux de Provence, des joies des choses, des tendres caresses de la femme, de tout ce qui ravit les autres et qu’il faut quitter.

1931. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Darzens, Rodolphe (1865-1938) »

Eugène Ledrain Sa nature, essentiellement ardente, ne peut supporter longtemps rien qui ressemble à un emprisonnement.

1932. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rambert, Eugène (1830-1886) »

Il est le représentant, comme Frédéric Bataille chez nous, de ces natures naïves et fortes, nées parmi les pasteurs et les villageois, qui s’élèvent peu à peu par le travail et la méditation jusqu’aux plus hautes régions de la pensée, et à qui la poésie ouvre son domaine enchanté, trop souvent fermé aux heureux de ce monde… [La Revue bleue (17 août 1895).]

1933. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rouger, Henri (1865-1912) »

Il a cru entendre distinctement la voix indifférente de la nature… Mais voici que le cœur irrité du poète s’apaise, et qu’une vision soudaine de la vie universelle où s’entrecroise éternellement l’échange des souffles, des formes et des âmes, vient calmer son esprit, prêt désormais à accepter, à bénir presque l’inévitable loi qui enchaîne les effets et les causes… — Ce premier essai paraît annoncer un poète visionnaire et philosophe.

1934. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 347

Il travailla de concert avec M. l’Abbé d’Olivet, son ami, à traduire en notre langue les Entretiens de Cicéron sur la Nature des Dieux.

1935. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

la voix du sang, la voix de la nature, c’est-à-dire, les mouvemens intérieurs que nous ressentons à l’ocasion de quelque accident arivé à un parent, etc. […] D’ailleurs ce n’est point là, ce me semble, la marche, pour ainsi dire, de la nature, l’imagination a trop de part dans le langage et dans la conduite des homes, pour avoir été précédée en ce point par la nécessité. […] De Colonia reproche à Tertulien d’avoir dit que le déluge universel fut la lessive de la nature. […] En éfet, la nature n’a qu’une voie dans ses opérations ; voie unique que l’art peut contrefaire, à la vérité, mais qu’il ne peut jamais imiter parfaitement. […] Quoique la nature soit uniforme dans le fonds des choses, il y a une variété infinie dans l’exécution, dans l’aplication, dans les circonstances, dans les manières.

1936. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Harel, Paul (1854-1927) »

La muse du poète n’a pas fixé son séjour dans le seul pays des rêveries ; bien qu’elle nous en rapporte de hautes inspirations, elle se plaît surtout aux choses, aux belles choses de la nature et ne dédaigne pas l’humour.

1937. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 119

Une verve singuliere, un génie pour les vers qu’il ne tenoit que de la nature, beaucoup de facilité à bien rendre ce qu’il sentoit, quoiqu’il fût sans Lettres, le firent regarder, dans son temps, comme une espece de phénomene poétique.

1938. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Travailleurs de la mer » (1866) »

La religion, la société, la nature ; telles sont les trois luttes de l’homme.

1939. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Bonhomie et bonté, voilà le fond de sa nature, sous les ornements de gloriole. […] Les paysages ne lui masquent pas la nature. […] Elle m’a replongé dans le sein de la nature. […] La nature est neutre. […] Car il n’était pas, de nature, l’homme d’une tragique destinée.

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