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1042. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

On sait, en effet, que Talleyrand fut toujours très attentif à faire disparaître toute trace écrite de son intervention dans certains événements, bien sûr ensuite de pratiquer à l’aise la maxime : « Tout mauvais cas est niable. » Ainsi en 1814, dès qu’il se vit chef du gouvernement provisoire, il n’eut rien de plus pressé que de faire enlever des archives du cabinet de l’Empereur tout ce qui pouvait le compromettre. […] Mais lorsqu’il voulut y sous-entendre la permission de se marier, et qu’il en usa, il fut désavoué et ne réussit qu’à demi. — Et à ce propos des affaires romaines, il avait une maxime qui résultait sans doute de son expérience, et qui rentre bien dans ce tour de paradoxe sensé qu’il affectionnait : « Pour faire un bon secrétaire d’État à Rome, il faut prendre un mauvais cardinal. » 16.

1043. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Tel mot, en effet, suffit pour tout gâter, comme un mauvais son, ou plutôt comme une mauvaise odeur dans un concert.

1044. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

, et La Fontaine, dès ce moment, se crut appelé à composer des odes : il en fit, dit-on, plusieurs, et de mauvaises ; mais un de ses parents, nommé Pintrel, et son camarade de collège, Maucroix, le détournèrent de ce genre et l’engagèrent à étudier les anciens. […] La Fontaine manque un peu de souffle et de suite dans ses compositions ; il a, chemin faisant, des distractions fréquentes qui font fuir son style et dévier sa pensée ; ses vers délicieux, en découlant comme un ruisseau, sommeillent parfois, ou s’égarent et ne se tiennent plus ; mais cela même constitue une manière, et il en est de cette manière comme de toutes celles des hommes de génie : ce qui autre part serait indifférent ou mauvais, y devient un trait de caractère ou une grâce piquante.

1045. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Une conversation brusque, franche et à saillies ; nulle préoccupation d’art, nul quant-à-soi ; une bouche de satyre aimant encore mieux rire que mordre ; de la rondeur, du bon sens ; une malice exquise, par instants une amère éloquence ; des récits enfumés de cuisine, de taverne et de mauvais lieux ; aux mains, en guise de lyre, quelque instrument bouffon, mais non criard ; en un mot, du laid et du grotesque à foison, c’est ainsi qu’on peut se figurer en gros Mathurin Regnier. […] La fierté délicate d’André Chénier était telle que, durant ce séjour à Londres, comme les fonctions d’attaché n’avaient rien de bien actif et que le premier secrétaire faisait tout, il s’abstint d’abord de toucher ses appointements, et qu’il fallut qu’un jour M. de La Luzerne trouvât cela mauvais et le dît un peu haut pour l’y décider.

1046. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Notre goût pour la précision et la rigueur logique ne vient pas de là ; je n’en vois, dans les penseurs du moyen âge, que beaucoup d’applications mauvaises parmi un très-petit nombre de bonnes. […] Les matières dont ils s’occupent sont générales ; mais une mauvaise méthode n’en tire que des jeux d’esprit aussi particuliers que les humeurs des écrivains.

1047. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Le Disciple reste le moins mauvais de ses livres, le seul qui contienne, avec un sentiment vrai, un peu d’analyse exacte. […] Paul Bourget, de plus en plus, est un mauvais rhétoricien qui n’a rien à dire et qui cherche partout des moyens de développer ce qu’il va répéter.

1048. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

On peut dire, par exemple, de ces orgies d’Anet ou du Temple chez les Vendôme, et de l’esprit qui s’y dépensait, ce que La Bruyère a dit de Rabelais : C’est un monstrueux assemblage d’une morale fine et ingénieuse et d’une sale corruption : ou il est mauvais, il passe bien loin au-delà du pire, c’est le charme de la canaille ; où il est bon, il va jusqu’à l’exquis et à l’excellent, il peut être le mets des plus délicats. […] Entre vous et moi, je le crois totalement perdu. » En maint endroit de ses Mémoires, La Fare déplore la perte de la galanterie et l’invasion des mauvaises mœurs, comme on le ferait de nos jours.

1049. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Il avait pour principe « qu’il n’est livre si mauvais dont on ne puisse tirer profit par quelque endroit ». […] Parlant de ceux qu’il avait interrogés, et même de deux pauvres filles esclaves qu’il avait fait mettre à la question, il reconnaît qu’il n’a pu apercevoir en eux tous d’autre crime qu’une mauvaise superstition et une folie : Ils assurent que toute leur faute ou leur erreur consiste en ceci, qu’ils s’assemblent à un jour marqué, avant le lever du soleil, et chantent tour à tour des vers à la louange du Christ, qu’ils regardent comme Dieu ; qu’ils s’engagent par serment non à quelque crime, mais à ne point commettre de vol ni d’adultère, à ne point manquer à leur promesse, à ne point nier un dépôt ; qu’après cela ils ont coutume de se séparer, et ensuite de se rassembler pour manger en commun des mets innocents… Pline et son oncle étaient des hommes humains, modérés, éclairés ; mais cette humanité des honnêtes gens d’alors était déjà devenue insuffisante pour la réformation du monde.

1050. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Je ne dirai pas que cet ouvrage des Girondins émeut, mais il émotionne : mauvais mot, mauvaise chose.

1051. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Il insiste sur le grand point à ce moment, sur ce qui va indiquer tout d’abord de quelle qualité est la politique nouvelle qu’on va inaugurer : Tout ne se borne pas dans le moment à réparer des désastres, il faut encore former l’esprit public ; il faut rétablir la morale dans le gouvernement… L’iniquité est aussi mauvaise ménagère du crédit que de la puissance… Nos finances ne doivent point être arrosées du sang innocent. […] Portalis, rendant hommage dès le début à cette unité de l’empire et à cette patrie française commune, à laquelle il n’avait pas cru d’abord et qui venait de sortir, comme par miracle, du broiement de toutes les parties et de la confusion même, dénonçait à la Convention délivrée et humanisée l’incroyable proscription en masse de plus de dix-huit cents électeurs de la ville d’Arles, la prise d’assaut et de possession de cette innocente cité par les féroces Marseillais, la démolition des antiques murailles bâties sous Clovis, le pillage des rives du Rhône comme au temps des pirates sarrasins, l’impôt forcé de quatorze cent mille livres levé par les brigands et la lie de la populace sur tous les citoyens aisés, enfin des horreurs telles qu’au lendemain toute la politique se réduisait à dire avec lui : « On ne doit plus distinguer que deux classes d’hommes dans la République, les bons et les mauvais citoyens. » Cette histoire de l’oppression et de la dévastation de la commune d’Arles est un des épisodes les plus singuliers et les plus significatifs de la Terreur.

1052. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Franklin, plus Français d’esprit et d’inclination que ses collègues, et qui était suspect de l’être, ne crut pas devoir se séparer d’eux en cette occasion, et il fut chargé de réparer le mauvais effet de cette irrégularité auprès de M. de Vergennes et de Louis XVI. […] La correspondance de Franklin, en ces années, est d’une lecture des plus agréables et des plus douces : l’équilibre parfait, la justesse, l’absence de toute mauvaise passion et de toute colère, le bon usage qu’il apprend à tirer de ses ennemis mêmes, un sentiment affectueux qui se mêle à l’exacte appréciation des choses, et qui bannit la sécheresse, un sentiment élevé toutes les fois qu’il le faut, un certain air riant répandu sur tout cela, composent un vrai trésor de moralité et de sagesse.

1053. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Il a eu de mauvais imitateurs, soit ; mais nos plus grands écrivains modernes ne viennent-ils pas de lui en droite ligne et par une filiation facile à saisir ? […] Nisard pour les mauvais côtés du xviiie  siècle, irréconciliable avec son matérialisme et son sensualisme, nous en aimons la philosophie sociale comme ayant ouvert un monde nouveau à l’humanité.

1054. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Volupté est le seul livre de Sainte-Beuve, et il est mauvais. […] Il est vrai que dans l’Angleterre Whig l’un a écrit une histoire whig de ce whig couronné, Guillaume III, auquel il sacrifie Marlborough et toutes les grandes figures de l’époque ; tandis que le pauvre Philarète Chasles a continué de faire de la critique et de la littérature inutiles en ce beau pays de France où Chateaubriand se plaignait de ne pouvoir rester ministre, où le grand Balzac n’aurait jamais pu l’être, quand Disraëli, un mauvais romancier que nous mépriserions en France, l’est en Angleterre à plus de soixante-dix ans !

1055. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Je dois donc conclure que cette symphonie appartient au mauvais art. […] Il ne comprend pas que l’art ne doit pas être jugé bon ou mauvais selon le sujet et la matière qu’il traite. […] Mauvais, l’art qui ne tend pas à prêcher la fraternité des hommes ! Mauvais, l’art qui ne s’inspire pas de la conception religieuse de son époque ! […] La musique de Wagner, non placée sous la protection du goût de théâtre, — un goût très tolérant, — est simplement de la mauvaise musique, la plus mauvaise peut-être qui jamais ait été écrite.

1056. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Et, bref, aux environs de 1890, un écrivain qui n’eût cherché que le plaisir d’écrire était vu d’un mauvais œil. […] Cette période fut, dans les péripéties de Charles Blanchard, la plus mauvaise. […] Mauvaise idée. […] Et c’est, pour notre époque, un mauvais signe. […] Quelle époque, entre les plus mauvaises, viles et hargneuses !

1057. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Vainement il voudrait s’enfuir par le rêve, oublier cette mauvaise apparence ; les souvenirs du passé, comme les serres d’un fort oiseau, l’agrippent. […] là seulement, au monde funèbre de l’impersonnalité, ils auront la bienfaisante joie de leurs âmes, tandis qu’à jamais dormira ce mauvais trésor dédaigné. […] Éternellement, il bat de son aile les parois de la voûte, cherchant à passer par la petite ouverture, pour sortir de la mauvaise prison, et pour parvenir, délicieusement, à la lumière. […] « À cause de sa mauvaise réputation. […] Décidément la science avait saisi là un mauvais reflet : et la nature éternelle restait inexplorée.

1058. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Mais il y a d’autres causes à cette mauvaise réussite, et, osons le dire, à celle de toute traduction en vers d’Anacréon, qui ne sera pas l’œuvre d’un grand poëte.

1059. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

— Survient M. le comte Léopold de Vurzbourg, étourdi, prodigue, mauvais sujet, qui a appris la mort de son oncle le feld-maréchal, et qui arrive bon train, à grandes guides, pour venir recueillir une succession immense, dont il doit déjà une bonne part à de gracieux usuriers qui lui ont prêté, au denier vingt, par avancement d’horie.

1060. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

L’Île-de-France peut dire : « J’ai Paris » ; la Lorraine : « Je suis la frontière » ; la Flandre : « J’ai lutté pour la liberté des communes et j’ai vu quelques-unes des plus belles batailles de la Révolution » ; l’Auvergne : « J’ai Vercingétorix » ; la Normandie : « J’ai conquis l’Angleterre, qui, par malheur, a bien rendu ce mauvais procédé à la France » ; la Bretagne : « Je suis celtique, et les Celtes sont les aînés des Francs » ; la Provence : « Je suis romaine, et Rome fut l’éducatrice des Gaules » ; et ainsi de suite. — Mais l’Orléanais, c’est la France la plus ancienne, vera et mera Gallia ; son histoire ne fait qu’une avec celle de la royauté, et le sort de votre ville a été, à maintes reprises, celui de la France même.

1061. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Grâce à ce sortilège, Villiers dompta les mauvaises aventures où d’autres auraient sombré, et il lui fut accordé d’écrire ces drames et ces contes, ces ironies et ces lyrismes par lesquels il demeure pour nous, amis de la première ou de la dernière heure, le maître inoubliable et absolu.

1062. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

Mais la mauvaise fortune s’abat sur lui, il tombe lourdement, on lit ses comptes, et le journal est aux galères.

1063. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Et tandis que les mauvaises mœurs et le langage grossier constataient leur impuissance contre la société polie, celle-ci prenait sur elles un invincible ascendant ; elle le prenait sans discussion, sans dispute, uniquement par la force de son exemple, par la séduction propre à son langage spirituel, élégant et gracieux ; peut-être aussi par un effet naturel du progrès des lumières, et de l’affinage des esprits dans l’exercice continu de la conversation, dont la société de Rambouillet avait eu le mérite de fournir le premier modèle.

1064. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

Ce dernier mot est d’autant plus mauvais qu’il ne dit rien de plus que mensuration, doublet du vieux mesurage, malheureusement dédaigné.

1065. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IX »

Le jardinier eût écrit lirlie ; un autre aurait pu sentir la présence de l’article et adopter irlie ; les deux mots seraient excellents, et early est très mauvais.

1066. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Peut-être ne trouvera-t-on pas mauvaise un jour la fantaisie qui lui a pris de mettre, comme l’architecte de Bourges, une porte presque moresque à sa cathédrale gothique.

1067. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Platon admettoit un dieu créateur, l’immortalité de l’ame, l’existence des démons, une autre vie heureuse ou malheureuse, selon nos bonnes ou mauvaises actions.

1068. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VI. Des dictionnaires Historiques » pp. 220-228

On ne peut douter que dans cette immensité il n’y ait du bon ; mais il auroit fallu le séparer du mauvais dans la derniere édition.

1069. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles Quand les passions réelles et veritables qui procurent à l’ame ses sensations les plus vives ont des retours si facheux, parce que les momens heureux dont elles font joüir sont suivis de journées si tristes, l’art ne pourroit-il pas trouver le moïen de separer les mauvaises suites de la plûpart des passions d’avec ce qu’elles ont d’agréable ?

1070. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 34, du motif qui fait lire les poësies : que l’on ne cherche pas l’instruction comme dans d’autres livres » pp. 288-295

Nous pouvons bien alors faire des reproches au poëte ; mais nous nous reconcilions avec lui dès que ce mauvais endroit du poëme est passé, dès que notre plaisir est recommencé.

1071. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

Il était bien trop dégoûté pour attendre rien d’excellent même de ce qu’il aimait. « Lorsque, sous l’influence d’un mauvais régime, un organisme a contracté un vice qui l’atteint jusque dans ses éléments, ce régime lui devient presque nécessaire ; en tout cas, il ne faut pas songer à le modifier tout d’un coup. »‌ Soyons tranquilles là-dessus !

1072. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Washington répond : « Il est impossible, mon cher marquis, de désirer plus ardemment que je ne fais, de terminer cette campagne par un coup heureux ; mais nous devons plutôt consulter nos moyens que nos désirs, et ne pas essayer d’améliorer l’état de nos affaires par des tentatives dont le mauvais succès les ferait empirer. […] Les mauvais traitements viennent, et le martyre se prolonge, se raffine : « Comme ces mauvais traitements, dit-il, n’effleurent pas ma sensibilité et flattent mon amour-propre, il m’est facile de rester à ma place et de sourire de bien haut à leurs procédés comme à leurs passions. » Il ajoute en plaisantant : « Quoiqu’on m’ait ôté avec une singulière affectation quelques-uns des moyens de me tuer, je ne compte pas profiter de ceux qui me restent, et je défendrai ma propre constitution aussi constamment, mais vraisemblablement avec aussi peu de succès que la constitution nationale. » Il répond encore à ceux qui lui enlèvent couteaux et fourchettes, qu’il n’est pas assez prévenant pour se tuer. […] Mais toutes ces idées ne sont que secondaires, parce que réellement « la masse nationale n’est ni royaliste, ni républicaine, ni rien de ce qui demande une réflexion politique ; elle est contre les jacobins, contre les conventionnels, contre ceux qui règnent depuis que la république a été établie ; elle veut être débarrassée de tout cela, fût-ce par la contre-révolution, mais préfère s’arrêter à quelque chose de constitutionnel ; elle sera si contente d’un état de choses supportable, qu’elle trouverait ensuite mauvais qu’on voulût la remuer pour quoi que ce fût. » Il écrivait encore à cette date : « Tout est bon, excepté la monarchie aristocratico-arbitraire et la république despotique. » Il est vrai qu’en 1830 son cœur devait être redevenu plus exigeant ; les années de lutte, sous la Restauration, lui avaient fait croire à une forte et stable reconstitution d’esprit public ; ce n’était plus comme en ce temps de 1799, où il disait : nos amis (les constitutionnels) qu’il est impossible de faire sortir de leur trou. […]  —  Sa tante, madame de Tessé, me disait hier : « Je n’aurais jamais cru qu’on pût être aussi fanatique de vos opinions et aussi exempte de l’esprit de parti. » En effet, jamais son attachement à notre doctrine n’a un instant altéré son indulgence, sa compassion, son obligeance pour les personnes d’un autre parti ; jamais elle ne fut aigrie par les haines violentes dont j’étais l’objet, les mauvais procédés et les propos injurieux à mon égard, toutes sottises indifférentes à ses yeux du point où elle les regardait et où sa bonne opinion de moi voulait bien me placer […] il y a de l’instinct. » Dans les dîners, quand il le voulait et qu’il n’y avait pas de mauvais visage qui le renfonçât, il était le plus charmant convive, et soigneux même de plaire à tous.

1073. (1930) Le roman français pp. 1-197

Pierre Abraham appelle cela — ne le prenant pas d’ailleurs en mauvaise part — « servilité », de même qu’il qualifie sa mythomanie, tout bonnement, d’instinct du mensonge. […] Il a mauvaise tête et bon cœur. […] Pour lui l’homme était un animal mauvais et sanguinaire. […] Combien ce passé était différent de ce que nous croyions nous rappeler, et que notre mémoire volontaire peignait, comme les mauvais peintres, avec des couleurs sans vérité ! […] François Mauriac ne sait peindre que des adolescents qui séduisent, mais qui sont « perdus » et des dames plus ou moins pieuses qu’il admire, mais qui sentent irrémédiablement mauvais… M. de Lacretelle aussi… M. 

1074. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Donc, je dis comme vous : le drame moderne est mauvais. […] J’aimerais mieux avoir fait le plus mauvais drame de la littérature facile, que la tragédie la plus admirée de la littérature difficile de l’Empire. […] Si vous ne le trouvez pas mauvais, messieurs les comédiens, je lirai moi-même ma tragédie, quoique je sois bien jeune encore, puisque je n’ai que six ans et demi !  […] Sur les boulevards, des Turcs en blouse vous infectent de leurs parfums. — Voilà un mauvais jour, voilà une mauvaise lune ! […] À quoi peut être bon, d’ailleurs, un homme qui est mauvais pour lui-même ?

1075. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Mais les entrechats de Daniel Mallet — c’est le nom du danseur — ne réussirent pas à conjurer la mauvaise fortune, ni même à retarder beaucoup la déconfiture de l’entreprise. […] Il ne leur serait pas mauvais de vérifier et de contrôler, par les faits de l’histoire générale, ce qu’ils découvrent ou croient découvrir de nouveau dans l’histoire même de Molière. […] Voilà une comédienne bien avisée : multipliés par cinq, ce sont là chiffres respectables, et nous sommes loin désormais des mauvais jours où le chef de l’Illustre Théâtre, faute de payement d’une somme de 150 livres, était décrété de prise de corps et mis au Châtelet. […] Encore, si la tragédie révolutionnaire, comme un mauvais drame romantique, n’avait pas versé de l’odieux dans le ridicule. […] Et je ne me serais pas cru pour cela plus mauvais patriote.

1076. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

mon cher Monsieur, quelle mauvaise inspiration ai-je eue là, de choisir le carnaval de 1837 pour voir Paris ! […] Il paraît que pour l’auteur aussi bien que pour l’éditeur, c’est une mauvaise spéculation. […] En tous cas le livre est mauvais. […] Alphonse Royer, le spirituel auteur des Mauvais Garçons, que nous avons vu à Bruxelles pendant tout un hiver ; M.  […] Hugo s’est avoué l’instigateur, seront toujours considérés comme une mauvaise action, moins pardonnable à un homme si éminent qu’à tout autre.

1077. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

Dans un emploi de l’activité humaine qui, d’ailleurs, même intéressé, reste magnifique et rare, on peut bien constater, sans être accusé d’aucun mauvais sentiment, que M. 

1078. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

En pratique, il croit que l’obstacle à la réalisation de cet idéal est, non point dans la nature humaine elle-même, partout mauvaise ou fort mêlée, mais dans l’égoïsme, la dureté, la cupidité, les vices, les crimes volontaires et prémédités d’une seule classe sociale. — Comme les héros des chansons de gestes voyaient le monde divisé en deux camps : les chrétiens, qui sont les bons, et les païens, qui sont les méchants ; ou comme saint Ignace, dans un de ses « exercices », partage l’humanité en deux armées : celle du bien et celle du mal, ou celle des amis des Jésuites et celle de leurs ennemis, ainsi pour l’esprit révolutionnaire la nation se divise exactement en prolétaires et en bourgeois.

1079. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

D’autres ont parlé dans leurs vers de Dieu, de Jésus-Christ et des anges, mais à titre de poésie, sans conséquence mauvaise ni bonne ; et cela même était triste.

1080. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

On trouve d’ailleurs des ancêtres aux méthodes les plus personnelles, et celle-ci serait mauvaise si elle était sans famille.

1081. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Prodigieux d’à-propos, d’anecdotes et de saillies, il rejoignait la hauteur méprisante de Moréas à l’encontre des mauvais poètes en se couvrant de détours et les culbutait non d’un coup sec, mais d’une décharge de bons mots, d’une mitraille de concetti.

1082. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Remy de Gourmont : Oraisons mauvaises.

1083. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Ayant été fait prisonnier de guerre, durant la Ligue, il prit rang entre les amants de Marguerite de Valois, femme de Henri IV, qui, par cette raison, le vit de mauvais œil.

1084. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

Ils n’ont jamais la même signification et c’est l’excuse du mauvais ; excuse assez faible, car, comme je l’expliquerai plus loin, un seul mot peut, sans qu’aucune confusion soit à craindre, porter jusqu’à dix ou douze sens différents.

1085. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

L’auteur de ce livre a le malheur de ne rien comprendre à tout cela ; il y cherche des choses et n’y voit que des mots ; il lui semble que ce qui est réellement beau et vrai est beau et vrai partout ; que ce qui est dramatique dans un roman sera dramatique sur la scène ; que ce qui est lyrique dans un couplet sera lyrique dans une strophe ; qu’enfin et toujours la seule distinction véritable dans les œuvres de l’esprit est celle du bon et du mauvais.

1086. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Charles-quint, après le mauvais succès de son expédition de Tunis, lui envoya une chaîne d’or.

1087. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Les pas du vrai croyant ne sont jamais solitaires ; un bon ange veille à ses côtés, il lui donne des conseils dans ses songes, il le défend contre le mauvais ange.

1088. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

Notre protestation est le cri de probité, le dictamen de conscience de jeunes hommes soucieux de défendre leurs œuvres — bonnes ou mauvaises — contre une assimilation possible aux aberrations du Maître.

1089. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « V »

Il faut se dégager de la littérature pour être bon littérateur et du mauvais style pour être bon écrivain.

1090. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

En un mot que la mémoire de nos grands hommes ne soit pas la proie banale de l’ignorant ou du mauvais qui vient jeter dessus son jour, sa passion, son manque de principes, son ignorance ou sa haine !

1091. (1883) Le roman naturaliste

Quelle mauvaise plaisanterie, et qui commence à trop durer ! […] Amas d’épithètes, mauvaises louanges : on l’a dit ; il faut le redire. […] Outre la conduite communément approuvée comme bonne ou mauvaise, elle s’étend à toute conduite qui favorise ou contrarie, d’une manière directe ou indirecte, notre bien-être et celui des autres ». […] Les sceptiques ou les mauvais plaisants traitent quelquefois d’oiseuses toutes ces querelles en isme, idéalisme contre naturalisme, et romantisme contre classicisme. […] De grandes prétentions soutenues de mauvais succès, c’est ce qui s’est appelé de tout temps la médiocrité dans l’art.

1092. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Des Charmettes à un mauvais hôtel meublé du quartier de la Sorbonne, mesurons la chute. […] Rappelons-nous le roman pédagogique de Rousseau : l’homme devenant mauvais dès qu’il lui est donné de se comparer aux autres. […] Il aurait eu assez de finesse pour sentir la mauvaise qualité de cette littérature. […] — Auprès d’un cœur tendre et que l’histoire des mauvais anges a touché, une infortune qui sent la malédiction ne rend-elle pas irrésistible un beau front ? […] Sa nature, trop réceptive pour être entêtée, et à qui l’air porte de toutes parts les semences fécondantes, accueille le mauvais et le bon.

1093. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

je fuyais l’école comme fait le mauvais enfant. […] Or, je n’avais de lui que mauvais traitements, et il ne m’aimait que pour mes sous. […] Ta femme appartiendra au survivant. » Mais Malandran a déjà réfléchi : il ne veut pas se battre avec Véranet (aurait-il peur des mauvais coups ?  […] La Némésis eût vu d’un très mauvais œil les chemins de fer, le télégraphe, le percement de l’isthme de Suez. […] Pourtant, ce guignon à rebours, par lequel tous les ennuis que se ménage Théophile tournent en bonheurs… ce n’était pas une mauvaise idée.

1094. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

François Villon, le mauvais écolier de Paris. […] Mais la Guerre des Dieux joua un mauvais tour à sa gloire, comme le Sopha à celle de Crébillon le fils. […] Mais laissons-les : il n’est resté d’eux qu’un mauvais souvenir. […] Il était mauvais, de n’avoir pu être sublime. […] S’il n’aimait pas sa propre vie, il avait tant de tendresse pour celle des autres ; et jamais il n’a eu une mauvaise pensée, jamais il n’a dit une méchante parole.

1095. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Il était impossible de se tirer de ce mauvais pas avec moins de frais et plus de grâce. […] Je jugeai ma création, et, avec une triste variante de la Genèse, je la trouvai mauvaise. […] Cette fois, le noble aide de camp et son spirituel confident durent faire des réflexions douloureuses sur tout ce que le génie du despotisme peut souffler de mauvais conseils au despotisme du génie. […] Albert de Broglie ne pouvait omettre et, plus ces mauvais exemples venaient de haut, plus il était utile de les dénoncer. […] La seconde, la mauvaise, consiste à être soi-même assez ennemi du naturel et du vrai pour méconnaître tout ce que Racine sait en garder sous la draperie classique, et pour le dénigrer au profit de je ne sais quel idéal plein d’emphase et de chimère : je crains que Mercier n’ait choisi la mauvaise.

1096. (1902) La poésie nouvelle

Il fallut que le vers se libérât des règles parnassiennes, parce que ces règles étaient mauvaises. […] Son but est de démontrer que les formes de vers non admises par la métrique, traditionnelle sont mauvaises en elles-mêmes : et cela n’est pas, comme on dit, une affaire de goût, mais elles sont mauvaises faute d’être conformes aux conditions qu’assigne à la parole rythmée la complexion même de nos organes. […] Cette conception poétique est mauvaise. […] Cette fois, il partait à pied, ayant constaté que le chemin de fer est un mauvais moyen de transport pour les hommes libres dénués d’argent. […] Ils ont jeté dans l’eau profonde leurs filets noirs sur le grouillement des mauvais sorts épars là, dans la vase.

1097. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Stupides et mauvais par ‘nature, les hommes trouvent encore le moyen de se gâter par l’exercice de leurs divers métiers, qui les déforment. […] Comment pourrions-nous agir sur les causes qui nous font bons ou mauvais, puisque nous en dépendons ? […] Est-ce que jamais les idées abstraites ont pu conduire à de mauvaises actions ? […] Bourget sont-ils bons ou mauvais ? […] L’observation sincère et désintéressée du monde ne peut guère aboutir qu’à la constatation de son mauvais état.

1098. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Nous savons qu’il faisait du plaqué avec génie… Oui, le génie sera toujours le génie, en dépit de la mauvaise occurrence. […] Toutes ces mauvaises diatribes, qui s’acharnent contre un chef-d’œuvre, provoquent le dégoût, sinon l’étonnement. […] Il lui crie en raillant : — Tu es donc ici, mauvaise rosse ! […] On sent, dans sa Panhypocrisiade, par exemple, une mauvaise fièvre qui pousse à vaticiner dans le vide. […] Les panégyristes du poète passent un mauvais quart d’heure entre ses mains.

1099. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Au fond elle n’est pas si mauvaise, humainement parlant ; elle soûtient bien des veilles, elle enfante bien des travaux, et en attendant que nous devenions plus solides dans nos motifs, il n’y faut pas regarder de si près, de peur d’y perdre ce qu’elle nous vaut tous les jours ou d’utile ou d’agréable. […] Il y en a eu sur presque toutes les tragedies de Racine ; et qui, tant bonnes que mauvaises, sont toutes tombées dans l’oubli. […] N’est-ce pas assez d’avoir à craindre un mauvais succès, malgré les peines qu’on se donne, sans attendre encore, dans le cas de la plus grande réussite, des brocards de théatre qui divertiront le public à nos dépens ? […] Un sculpteur peut croire son art au-dessus de la peinture : cette préférence qu’il lui donne, l’anime à s’y distinguer : mais l’accuseroit-on de mauvais sens, s’il reconnoissoit que la peinture a l’avantage d’une imitation plus parfaite ? […] Ce que je sais cependant, c’est que la rime et la mesure entraînent bien des impropriétés de termes, et de mauvais arrangemens d’idées.

1100. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Je ne sais point de plus mauvais panégyrique ; les critiques de M.  […] Est-ce à vous, d’ailleurs, descendants ou coreligionnaires de leurs anciens bourreaux, qu’il convient de leur faire mauvais visage, à vous, nobles paladins ou austères bourgeois, qui recherchez leurs filles en mariage pour vos fils et qui ne dédaignez pas toujours de les avoir eux-mêmes comme amants de vos femmes, à vous, chers cléricaux de mon cœur, dont l’antisémitisme, si bouillant à la Cour d’Assises, se refroidit, si vite et si singulièrement, dans les salons de la Finance ! […] Quant à Musset, son théâtre, seul digne de sa mémoire, laisse le peuple indifférent, — tandis que ses mauvais vers feront pâmer longtemps les demi-vierges sentimentales, toujours plus rares, et les petits « don Juan » qui n’ont pas lu Tinan ! […] Mais, voyez-vous, mon cher critique, on l’a dit excellemment, — et c’est la sagesse des poètes qui l’affirme : Il n’y a que de beaux vers et de mauvais vers, — il n’y a que de bons et de mauvais écrivains que l’on reconnaît à leur don d’exprimer la vie, créée en eux, reflétée, ou vue simplement à travers leur tempérament particulier, — car les idées évoluant selon l’ombre ou la lumière des âges sont communes à tous les hommes, et le génie se révèle par l’empreinte qu’il laisse au front des mots choisis pour les formuler !

1101. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Cet homme, après avoir lutté dix ans contre tous les mauvais vouloirs, après avoir été demander aide et soutien à tous ceux dont le devoir est d’aider et de soutenir l’art, après s’être adressé au roi lui-même, cet homme, lassé de la lutte, écrasé sous le poids du fardeau, ayant tout essayé, tout entrepris, tout épuisé, fut obligé d’abandonner la place à de plus heureux que lui. […] On s’affectionne à ses filles, même quand elles sont devenues de mauvaises filles ; voyez le roi Lear et le père Goriot. […] Les personnes qui vous ont parlé de mon intention de démentir notre ancienne affaire avec Buloz sont stupides, et j’ajouterais l’ingratitude à leur stupidité, si j’étais capable de ne pas vous rendre la plus haute justice dans l’affaire du Gladiateur, où vous avez tout fait pour paralyser les mauvaises intentions d’une administration qui a fait jouer le Gladiateur trois jours avant le jour fixé, et qui a confié le cinquième acte à l’organe du souffleur, comme trois mille personnes peuvent l’attester. […] Son poème est plein de beaux vers dans la plus mauvaise acception du mot. […] Buloz pouvait donc ne pas être suffisamment prévenu de l’attaque, et, par conséquent, donner la surprise comme excuse de sa mauvaise défense.

1102. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

CXIV Un jour que nous étions sans défiance, ma sœur auprès de sa quenouille sur le seuil de la cabane ; moi occupé à tresser des nattes de sparteria avec des joncs devant la porte, assis au soleil ; Hyeronimo à retourner les figues qui séchaient sur le toit ; Fior d’Aliza et le chien, à garder ses chèvres et ses chevreaux, bien loin derrière les châtaigniers, dans les bruyères qui touchent à notre ancien champ de maïs, sa chèvre entraîna par son exemple ses chevreaux à descendre du rocher dans le maïs et à brouter les mauvaises herbes entre les cannes déjà mûres ; cela ne faisait aucun mal, monsieur, car les feuilles des cannes étaient déjà jaunes et sèches, et les chevreaux ne les mordillaient seulement pas ; le petit chien Zampogna s’amusait innocemment à courir à travers les cannes après les alouettes, et à revenir tout joyeux vers Fior d’Aliza qui lui jetait des noisettes pour les lui faire rapporter dans son tablier. […] Vous voyez que la pauvre petite bête est bien guérie, monsieur, dit l’aveugle en m’indiquant de la main le petit chien, aussi alerte que s’il avait eu ses quatre jambes, et, une fois guéri, il m’a conduit tout aussi bien dans les plus mauvais pas avec ses trois pattes qu’avec quatre. […] CXXXIII — Je leur dis alors, comme on parle dans le délire de la fièvre, tout ce qu’on peut dire quand on a perdu sa raison et qu’on n’écoute rien de ce qui combat votre folie par des raisons, des caresses ou des menaces, que mon parti était pris ; que si Hyeronimo devait mourir, il valait autant que je mourusse avec lui, car je sentais bien que ma vie serait coupée avec la sienne ; que des deux manières ils seraient également privés de leurs deux enfants ; que, vivant, il aurait peut-être besoin de moi là-bas ; que, mourant, il lui serait doux de me charger au moins pour eux de son dernier soupir et de prier en voyant un regard de sœur le congédier de l’échafaud et le suivre au ciel ; que la Providence était grande, qu’elle se servait des plus vils et des plus faibles instruments pour faire des miracles de sa bonté ; que je l’avais bien vu dans notre Bible, dont ma tante nous disait le dimanche des histoires ; que Joseph dans son puits avait bien été sauvé par la compassion du plus jeune de ses frères ; que Daniel dans sa fosse avait bien été épargné par les lions, enfin tant d’autres exemples de l’Ancien Testament ; que j’étais décidée à ne pas abandonner, sans le suivre, ce frère de mon cœur, la chair de ma chair, le regard de mes yeux, la vie de ma vie ; qu’il fallait me laisser suivre ma résolution, bonne ou mauvaise, comme on laisse suivre la pente à la pierre détachée par le pas des chevreaux, qui roule par son poids du haut de la montagne, quand même elle doit se briser en bas ; que toutes leurs larmes, tous leurs baisers, toutes leurs paroles n’y feraient rien, et que, si je ne me sauvais pas aujourd’hui, je me sauverais demain, et que peut-être je me sauverais alors trop tard pour assister le pauvre Hyeronimo.

1103. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Malgré ses mauvaises doctrines et ses mauvais exemples, si Crébillon est moins qu’un homme de génie, il est plus qu’un homme de talent. […] Qu’est-ce qu’une froide épithète de plus ou de moins dans ce torrent de vers brillants, une mauvaise rime dans ces tirades roulantes, une fausse métaphore dans cet éclat ?

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