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696. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Le drame est aussi simple que s’il se passait dans un ménage d’ouvriers et si la cause du mal était le jeu ou la boisson. […] Vous trouverez aussi deux ou trois scènes qui ne sont peut-être que mélancoliques : celle où Dubuche, l’homme qui a fait un riche mariage, passe sa journée, dans le morne château où il est méprisé des valets, à envelopper de couvertures et à suspendre à un petit trapèze ses deux petits enfants rachitiques, et le dîner où le brave Sandoz a le sentiment amer de la dispersion et de la mort des amitiés de jeunesse… Mais plutôt vous trouverez, presque à chaque page, une tristesse affreuse, une violence de vision hyperbolique qui accable et fait mal. […] Une expression nouvelle qui revient une centaine de fois : à son entour pour autour d’elle ou de lui Je m’explique mal la tendresse de M.  […] Et surtout ils convenaient aussi mal que possible à un sujet comme celui du Rêve.

697. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Son Enfant d’Austerlitz et sa Ruse, par exemple, remplacent une histoire de la Franc-Maçonnerie et une histoire de la Congrégation aussi bien ou aussi mal que La Bête humaine remplacerait un traité technique de la locomotive. […] Seulement, par instants, la petite fille tremble un peu : si les poupées étaient vraiment vivantes ; si elles allaient se révolter… Et elle leur recommande, d’une voix mal assurée, de rester bien sages. […] En 1869, « on dînait encore à six heures et — remarque notre profond philosophe — rien n’en allait plus mal pour cela ». […] Ses disciples comprennent mal.

698. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il était malade du mal du temps, du mal de la jeunesse d’alors ; il pleurait sans cause comme René ; il disait : « Je suis rassasié de tout sans avoir rien connu. » Son énergie refoulée l’étouffait. […] « Il ne s’agit pas de suivre les règles de la rhétorique, mais de faire connaître et aimer Dieu ; ayons la foi de saint Paul, ajoute-t-il, et parlons le grec aussi mal que lui. » Ici, pourtant, ne le prenez pas au mot. S’il s’affranchit de la rhétorique, c’est en vertu d’un principe supérieur de rhétorique ; et, pour suivre sa comparaison, il ne parle pas le grec plus mal que ses devanciers, il le parle autrement.

699. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Mahmoud insensiblement se refroidit ; ses ministres s’en aperçurent et exécutèrent plus négligemment ses ordres ; ils payaient mal le poète, qui se trouvait ainsi dans la gêne au milieu de l’or. […] Ne fais pas de mal à une fourmi qui traîne un grain de blé, car elle a une vie, et la douce vie est un bien… C’est cet esprit de sagesse, d’élévation, de justice et de douceur qui circule à travers l’immense poème de Ferdousi, et qu’on y respire dans les intervalles où pénètre la lumière. Le poète a eu raison de dire, au début de son livre, en le comparant à un haut cyprès : « Celui qui se tient sous un arbre puissant, sera garanti du mal par son ombre. » Ce sentiment de moralité profonde est égayé, chemin faisant, par des parties brillantes et légères, comme il convenait à un poète nourri dans le pays du pêcher et de la rose. […] Roustem arrive pourtant ; mais, mal accueilli par le roi, il entre dans une colère d’Achille, et il est tout prêt à s’en retourner dans sa tente.

700. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Il les ramasse tant bien que mal, entre dans le petit hôtel qu’on lui indique, prend en haut une mansarde, s’étend sur le lit. […] * * * — Avez-vous remarqué, me disait une amie, comme les femmes bêtes ont quelquefois de l’esprit, du véritable esprit, quand elles disent du mal de leurs maris ? […] » Ce matin, Pouchet m’entraîne dans une allée écartée, et me dit : « Il n’est pas mort d’un coup de sang, il est mort d’une attaque d’épilepsie… Dans sa jeunesse, oui, vous le savez, il avait eu des attaques… Le voyage d’Orient l’avait, pour ainsi dire, guéri… Il a été seize ans, sans plus en avoir… mais les ennuis des affaires de sa nièce, lui en ont redonné… et samedi, il est mort d’une attaque d’épilepsie congestive… oui avec tous les symptômes, avec de l’écume à la bouche… Tenez, sa nièce désirait qu’on moulât sa main… on ne l’a pas pu… elle avait gardé une si terrible contracture… Peut-être, si j’avais été là, en le faisant respirer une demi-heure, j’aurais pu le sauver… » Ça été tout de même une sacrée impression d’entrer dans le cabinet du mort… son mouchoir sur la table, à côté de ses papiers, sa pipette avec sa cendre sur la cheminée, le volume de Corneille, dont il avait lu des passages la veille, mal repoussé sur les rayons de la bibliothèque. […] Il s’échoue dans un fauteuil, en se plaignant geignardement, et un peu à la manière d’un enfant, de maux de reins, de gravelle, de palpitations de cœur, puis il parle de la mort de sa mère, du trou que cela fait dans leur intérieur, et il en parle avec un attendrissement concentré.

701. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

De là, luttes, antagonismes, coalitions, réclamations de ceux qui n’entendent point de leurs propres oreilles, et veulent rester fidèles auditeurs d’artistes qu’ils avaient eu déjà bien du mal à comprendre ; puis triomphe du point de vue nouveau, tant qu’il est bon, tant qu’une nouv elle transformation ne s’impose. […] Il est un des chaînons qui nous rattachent à Baudelaire, car Baudelaire fut un précurseur, non seulement par les enluminures qui parent les Fleurs du Mal, mais aussi surtout pour sa recherche d’une forme intermédiaire entre la poésie et la prose qu’il ne réussit parfaitement qu’une fois, mais admirablement, dans les Bienfaits de la Lune (Mendès a aussi, au moins une fois, retrouvé avec bonheur cette formule composée) ; et de comparer les parties rythmiques des Fleurs du Mal et des Poèmes en prose nous avait donné l’idée d’un livre mixte où les deux formes de phrases chantées eussent logiquement alterné. […] Je veux bien que l’auditeur bercé par un grand discours en vers, surtout déclamé au théâtre par des gens qui disent mal, se raccroche aux rimes, pour distinguer si l’on entend des vers ou de la prose, et c’est vrai pour le vers pseudo-classique.

702. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Cette date de soixante et dix ans qu’on donne pour époque à ce renouvellement prétendu des esprits est mal choisie. […] Ces voïes sont de mal poser les principes de son argument, ou de tirer mal la consequence de ses principes. […] Il faut bien que les uns ou les autres, quoique guidez par la même logique, se méprennent sur l’évidence de leurs principes, qu’ils les choisissent impropres à leur sujet, ou bien enfin qu’ils en tirent mal les conséquences.

703. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Cet esprit profond et tragique qui a écrit le morceau d’Hamlet ou le mal de l’analyse, cet esprit comique et profond qui a écrit le chapitre de Prudhomme ou la synthèse de la sottise, se trompe presque à chaque fois sur les hommes et sur la quantité de forces intellectuelles qu’ils ont en eux ou qu’ils ont versées dans leurs œuvres. […] Elles sont mal faites. […] Le Marivaux qui est en lui, contrarié par ce diable de temps où l’on n’a plus le loisir de marivauder, le Marivaux qui a mal aux nerfs augmente l’Alceste, mais l’Alceste ne dévore pas le Marivaux. […] Xavier Aubryet, au plus fort du mal qui l’afflige, établit sa gloire d’avenir et augmente ses œuvres.

704. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Le mal, le bien, le vrai, le faux, les découvertes, les erreurs, tout vient chez lui de la même source, et dans l’homme que nous avons décrit, on pouvait prévoir le philosophe que nous décrivons. […] Les Écossais avaient trouvé la cause du mal et le moyen de guérison. […] III Les suites du mal sont plus graves que le mal même ; manquant de précision comme M. de Biran, M. 

705. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

· L’historien, sans songer à être peintre, fait à cet endroit un portrait fort ressemblant de Louis XVIII, le grand modérateur, sur lequel reposait l’exécution du pacte tant bien que mal contracté. […] Un ou deux au plus font bien, tous les autres font mal et vont imprudemment, sans se douter du danger, taillant en pleine France à tort et à travers. […] Comme dans une moralité satirique de la fin du Moyen Âge, le vieux monde qui se réveille, et qui, mal éveillé encore, se frotte les yeux, fait toutes sortes de maladresses et de balourdises, et cogne à tout coup le nouveau monde, qu’il croit absent, évanoui, et qu’il rencontre à chaque pas sans vouloir le reconnaître.

706. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Bon gré, mal gré, tout le monde profitait de ce superflu de la victoire, succédant à une pénurie si extrême : Nous avons bien travaillé : en quinze jours détruire deux armées et forcer un roi à la paix. […] Peu m’importe qu’on parle bien ou mal de moi dans les partis ! […] On est bien près de former des vœux pour l’ennemi du dehors, quand on désire que les choses aillent très mal au dedans.

707. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Ainsi, pour ces trois mots qui viennent du grec et qui en restent tout hérissés en français : ophthalmie, phthisie, rhythme, quel mal y aurait-il d’en rabattre un peu et de permettre d’écrire, non pas oftalmie, ftisie, ritme, ce serait trop demander en une seule fois, mais au moins et par manière de compromis, ophtalmie, phtisie, rythme ? […] Voltaire aime à prêter à l’abbé de Saint-Pierre ; il en parle diversement, et bien ou mal, selon l’occasion. […] Il dira platement du Grand Condé : « S’il eût eu la patience de M. de Turenne, et si M. de Turenne eût eu la supériorité d’esprit de M. le prince, ils n’auraient jamais pris parti contre le roi, et tous deux seraient parvenus à être de grands hommes ; au lieu qu’ayant injustement contribué à déchirer leur patrie et à lui causer de grands maux par des guerres civiles, ils ne pourront jamais être mis par les connaisseurs qu’au rang des hommes illustres. » Le bonhomme n’est pas même content de M. de Turenne, lequel n’était pas assez Aristide pour lui.

708. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Cette forme d’expression pour l’imagination et pour le sentiment, lorsqu’on la possède à un haut degré, est tellement supérieure, d’une supériorité absolue, à l’autre forme, à la prose ; elle est si capable d’immortaliser avec simplicité ce qu’elle enferme, de fixer en quelque sorte l’élancement de l’âme dans une attitude éternelle, qu’à chaque retour d’un grand et vrai talent poétique vers cet idiome natal il y a lieu à une attente empressée de toutes les âmes musicales et harmonieuses, à un joyeux éveil de la critique qui sent l’art, et peut-être, disons-le aussi, au petit dépit mal caché des gens d’esprit qui ne sont que cela. […] Je sais bien qu’après tout la manière dont les fruits naissent en poésie ne fait rien à l’affaire ;l’essentiel est ce qu’ils sont et ce qu’ils paraissent au goût : mais le mal serait que le goût y découvrît quelque chose du procédé factice, artificiel, qu’un redoublement d’art eût peut-être recouvert, fondu, dissimulé. […] Le poëte est en voyage : un soir, plus triste que de coutume, plus en proie aux pensées du doute et du mal, il monte au haut d’un de ces beffrois lugubres qu’il aime ; il y voit l’énorme cloche immobile, sommeillante, ou plutôt vibrante encore d’une vibration obscure, murmurante de je ne sais quelle confuse rumeur :  Car même en sommeillant, sans souffle et sans clartés, Toujours le volcan fume et la cloche soupire ; Toujours de cet airain la prière transpire, Et l’on n’endort pas plus la cloche aux sons pieux Que l’eau sur l’Océan ou le vent dans les cieux !

709. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

faire du bruit, et faire du mal. […] La IIe amène Quinault entre Pelletier et l’abbé de Pure, et un certain Scutari, qui déguise mal le capitan poète Georges de Scudéry. […] S’il se fût attaché à démêler finement le bien et le mal dans l’œuvre de Chapelain et dans celle de Scudéry, il eût brouillé les idées du public sans l’éclairer.

710. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Ainsi, nous appelons prudence ce qui produit un bien ou évite un mal ; le courage est l’acte de braver le danger pour un bien prépondérant, etc. […] Quand l’éducation sera bonne, on reconnaîtra qu’aucun point de moralité n’est plus important que la distribution de la louange et du blâme, et aucun acte ne sera considéré comme plus immoral que de les mal appliquer. » Les motifs nous conduisent à la volonté. […] C’est l’habitude des philosophes anglais de comprendre, dans leur étude des phénomènes affectifs, celle des plaisirs et peines que nous causent le beau et le laid, le bien et le mal.

711. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Propos, agréables commerces, amènent mal les dix vers suivans, qui sont très-jolis et montrent à merveille ce que doit être une bonne conversation. […] Toutes ces idées sont incohérentes et mal liées ensemble, du moins quant à l’effet poétique. […] Nul animal ne peut mal faire, soit qu’il dévore un être d’une espèce plus faible que la sienne, ou un être de la sienne même.

712. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Le Christ est assez bien dessiné, le tableau pas mal composé ; mais la couleur en est sale et grise ; mais cela est monotone, vieux, passé, sans effet ; mais cela ressemble à une croûte qui s’est enfumée dans l’arrière-boutique du brocanteur ; mais cela est à demi-effacé, et le peintre a eu tort de s’arrêter à moitié chemin. […] Cela n’est pas mal de position, c’est une imitation de la pleureuse de Greuze, mais quelle imitation ! […] Sa tête n’est pas mal, en comparaison du reste, c’est celle d’un joli petit ange ou d’un petit amour, tant les traits en sont formés.

713. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

L’esprit philosophique qui n’est autre chose que la raison fortifiée par la refléxion et par l’expérience, et dont le nom seul auroit été nouveau pour les anciens, est excellent pour composer des livres qui enseignent à ne point faire de fautes en écrivant, il est excellent pour mettre en évidence celles qu’aura faites un auteur, mais il apprend mal à juger d’un poëme en general. […] Si l’auteur écrit mal, personne n’en parle. […] Il ne sçauroit comprendre que les gens sages l’aïent loüé, et il se promet d’empêcher le mal et de procurer le bien mieux que lui.

714. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Que ne se contentent-ils de se lire à eux-mêmes — à eux seuls — leurs élucubrations vides et mal ponctuées ; et, tenant leur manuscrit d’une main, de s’applaudir de l’autre ? sauf à dire au vulgaire : « Vous ne pouvez pas en juger, mais je vous assure que je suis un grand écrivain. » Le vulgaire serait mal fondé à les contredire. […] Ils vont se réfugier dans le sein des académies de province, toujours compatissantes : là, toute production piètre et mal venue, qui n’a ni sang ni vigueur, a des chances de trouver bon accueil.

715. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Dire que nous agissons toujours en vue de notre intérêt, c’est dire que nous n’agissons jamais par bonté, mais c’est dire aussi que nous n’agissons jamais par méchanceté, que l’homme ne fait jamais le mal pour le plaisir de faire le mal, qu’en un mot la méchanceté n’existe pas ! […] Est-ce un mal ?

716. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Qui a le cœur d’absoudre un homme coupable ou de vanter un homme funeste, prend sur soi la moitié du mal qu’il a commis et l’applique à froid sur sa conscience. […] Un homme seul, quelle que soit sa force, ne déracine pas d’un seul coup le mal fait par plusieurs générations. […] Après l’avoir lue, personne, excepté le père Theiner, ce singulier écrivain en l’honneur et au profit de la papauté, qui parle pour elle précisément comme ses ennemis, ne pourrait douter du mal immense produit par la condescendance de Clément XIV aux cabinets qui lui demandèrent l’abolition des jésuites.

717. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Le xixe  siècle a d’autres affaires à démêler que la gloire de ses poètes… et le mal est bien grand, puisque la poésie comme l’entendent Banville et son école ne peut captiver le regard grossier de la société de ce temps. […] Otez-en l’amour tel qu’il est dans les Contes d’Espagne et d’Italie, l’amour en uniforme, Alfred de Musset ; ôtez ces vieilles douleurs égoïstes dont nous avons été assez rebattus, les douleurs de l’accouchement intellectuel, le soi-disant mal que nous fait la forme quand elle se débat sous notre prise et que nous avons peine à la fixer comme notre pensée l’entrevoit et l’ambitionne ; ôtez enfin cette autre douleur d’être méconnu, de n’avoir pas sa gloire, argent comptant : c’est-à-dire, en somme, toujours le mal de l’œuvre et par l’œuvre, — de toutes les douleurs la plus orgueilleuse, la moins touchante, la moins sacrée !

718. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

ils sont bien mal avec le public. Et vous avez beau dire avec un mépris mal dissimulé : le public ! […] Une lois mariés, songez-y, vous vous verrez, sans cesse, l’un l’autre, mal vêtus, mal peignés, mal lavés, grondeurs, grognons, peut-être sifflés la veille, à coup sûr inquiets pour le soir ! […] Et puis, quand il continuerait à abuser toutes les Lucinde de la terre, où est le mal ? […] Mais n’est-ce pas se donner bien du mal pour détacher Lucinde de Moncade ?

719. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Baudelaire. — Opium et haschich, ou la philosophie des Fleurs du Mal. — M.  […] Or, qu’y a-t-il de plus froid qu’une copie… et que les Fleurs du Mal ? […] “Ce garçon a mal tourné, disent-ils ; ce ne sera jamais un homme sérieux.” […] Havin écrit mal ! […] N’est-ce pas railler mal à propos ?

720. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

C'est un livre où les bons Génies disent tout le bien et les méchants Génies, tout le mal. […] Car, notez-le, d’un côté tout le mal, les mots de brutes, de cadavres, à chaque pas ; et de l’autre des ineffables extases, des félicités intarissables.

721. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Chaque plainte qui lui venait, chaque sourire passager, chaque tendresse de mère, chaque essai de mélodie heureuse et bientôt interrompue, chaque amer regard vers un passé que les flammes mal éteintes éclairent encore, tout cela jeté successivement, à la hâte, dans un pêle-mêle troublé, tout cela cueilli, amassé, noué à peine, compose ce qu’elle nomme Pauvres Fleurs : c’est là la corbeille de glaneuse, bien riche, bien froissée, bien remuée, plus que pleine de couleurs et de parfums, que l’humble poëte, comme par lassitude, vient encore moins d’offrir que de laisser tomber à nos pieds. […] Sa petite pièce, intitulée Milan, nous la montre plus sensible encore aux maux de la grande famille humaine qu’aux beautés de l’éblouissante nature.

722. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Mais quand même, chez lui, les idées d’ordre eussent pris davantage le dessus, ses opinions philosophiques, et un peu païennes en religion, se fussent mal prêtées, j’imagine, au Concordat, au rétablissement du culte. […] La cause de cette dissolution passagère est plus générale et tient à l’état de la société elle-même, après une grande secousse politique mal dirigée.

723. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

il a connu mieux que personne le mal de ce siècle ; il en a souffert lui-même et c’est pour cela qu’il l’a si bien exprimé. […] Comment le mal augmente, quel remède on y trouve, et par quels degrés Eugène en vient à changer sa vieille et bonne moitié, qui se résigne d’elle-même au divorce, contre la petite nièce de quatorze ans qui a fini par en avoir seize, c’est ce que le lecteur ne manquera pas de lire tout au long dans Hoffmann avec plus d’un sourire entremêlé d’attendrissement.

724. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Il y a, dans la langue française, dans celle que parlent les trois quarts des gens, tout un vocabulaire qui sert à ne pas penser ; ce sont ces mots mal définis, qui s’adaptent à tout, qui n’empruntent leur sens que de l’objet auquel on les applique, et qui signifient plus ou moins selon l’esprit de l’auditeur ou du lecteur. […] Voici quelques-uns de ces mots magiques : cela n’est pas mal ; c’est bien ; c’est joli ; c’est drôle.

725. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

Et, soit dit en passant, il est remarquable que de telles révélations, et sur des choses d’un ordre si privé, puissent être faites par les journaux, et que celle-là en particulier, si propre à étonner les pauvres et à les induire en de mauvais sentiments, nous ait été apportée par une gazette dont l’emploi ordinaire est de défendre ce qui nous reste du vieil ordre social et, spécialement, l’aristocratie du nom et celle de l’argent et leurs conjonctions si intéressantes… Une fortune de cent quatre-vingts millions, si elle n’a pas été mal acquise, n’a pu être acquise pourtant que par la spéculation, qui est une forme du jeu et qui, étant la recherche du gain sans travail, est, aux yeux d’un chrétien, sur la limite extrême des choses permises. […] L’homme a moins de mal à lâcher quelques sous qui représentent quelques secondes ou quelques minutes de son labeur et dont il pourrait profiter effectivement, qu’à abandonner une grosse somme dont il n’a nul besoin et qui représente surtout le travail des autres.

726. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Comme nous, nous disons : « 1857, l’année de Bovary, des Fleurs du mal, des Poésies barbares, de Fanny », on dira seulement, mais c’est quelque chose : « 1893, l’année des Trophées », et dans un tiers de siècle, j’espère, les nouveaux me permettront de mentir un peu sur ce 1893 et sur cette apparition des Trophées, avec la grâce délicate que les jeunes gens ont tant raison de garder au bon chroniqueur devenu mûr et qui se souvient tout haut. […] Il en est surtout de rudes, où les mots, trop violemment comprimés, grincent les uns contre les autres et saccadent mal à propos la strophe de rejet convulsif.

727. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

Albert Arnay On a colporté beaucoup de mal au sujet de M.  […] Ce ne sont pas des fantoches débitant d’une voix monotone et affadissante des mirlitonneries pour demoiselles en mal de rêve.

728. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

C’était la guerre de la Fronde : guerre singulière, assez mal observée et fort mal caractérisée par les historiens, qui n’y ont vu qu’un soulèvement à l’occasion d’un accroissement d’impôts, ou une suite de l’esprit de révolte dont la Ligue avait fait une habitude.

729. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

quel mal fait la philosophie ? […] & lorsque l’on taxera nos productions avec mépris, qu’on nous accusera publiquement & faussement d’avoir mal lu, mal médité, mal écrit, il faudra garder le sang-froid que tout le monde perd dans les plus légères discussions ! […] qui défendra la multitude, des maux qu’on lui inflige, si ce n’est la voix éloquente de l’homme juste & sensible ? […] Qui l’a donc égaré, si ce n’est l’habitude, & ce fatal Aristote qu’il commentoit si mal. […] L’origine de tous les maux politiques doit s’attribuer à ces fortunes immenses accumulées sur quelques têtes.

730. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Le seul tort qu’on nous puisse reprocher, à nous autres, hommes de la presse, c’est l’excès d’une bienveillance réciproque mal entendue et mal définie. […] Ponroy a en Portefeuille pas mal de tragédies dont le placement est devenu difficile. […] Seulement il les porte fort mal. […] Mon appréciation sonnait le succès de l’heure présente, tandis que leur critique, horloge mal réglée, retardait d’une grosse rancune. […] où donc serait le mal ?

731. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Mon mal est bénin. […] La nuit, ils me donnent un exemple de sommeil que je suis mal ou peu. […] Elle est assez connue et mal. […] Tout d’abord je fus irrité de voir que mes conseils étaient mal compris. […] Shakespeare fut un jeune homme tout à fait fruste, sachant tout juste lire à peu près couramment, écrire mal, et compter approximativement.

732. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

L’ex-abbé Noël, inspecteur général de l’Université, s’est compromis et a fait mal parler de lui pour s’y être complu trop ouvertement en latin84. […] Son hôte m’en parla fort mal et me dit surtout qu’il avait plus besoin de demeurer chez un apothicaire que chez un marchand de vins. […] c’était le plus bel esprit de la France. » On dit bien que Rossini s’est trouvé mal en apprenant la mort de Meyerbeer. […] Ils connurent mal à qui ils avaient affaire ; il ne s’agissait pas ici du plus ou du moins de génie, il s’agissait de brouillerie, d’impudence, de lucre et de manège. […] Le mal est plus prompt à se propager que le bien.

733. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Enfin il est arrivé que des notes plus ou moins exactes, écrites en marge du manuscrit, sont entrées mal à propos dans le texte imprimé. […] Peut-être ne fait-elle pas mal de visiter ses amis au fond d’une province, comme d’autres y vont visiter leurs mères. […] Enfin les tristes années arrivent, les heures du mal croissant et de la séparation suprême. […] A-t-elle pu penser de l’homme qui l’avait tirée du vil état d’esclave, et de la femme qui l’avait élevée, le mal que l’on trouve dans le recueil que l’on vient de publier ? […] Vos coiffes garantissent mal la tête, et les coups de soleil sont dangereux et très-fréquents dans cette saison.

734. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Cette pièce, assez mal planchéiée, est lambrissée à hauteur d’appui. […] Poiret, vieillard plus semblable à une ombre, dont la canne à pomme d’ivoire jauni dans sa main soutenait mal les jambes grêles chaussées de bas bleus. […] il aimait jusqu’au mal qu’elles lui faisaient. […] Seulement, mes deux gendres se sont mal conduits envers moi. […] Chacun a sa façon d’aimer, la mienne ne fait pourtant de mal à personne, pourquoi le monde s’occupe-t-il de moi ?

735. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

À considérer dans quel rapport numérique sont les œuvres significatives et durables avec celles (souvent charmantes) que négligeront les historiens de la littérature, on voit que cette critique écrite sur le sable ne convient pas mal à des comédies dont si peu paraîtront un jour gravées sur l’airain. […] Si bien que, lorsqu’il sort de l’opérette pour rentrer dans la comédie et redevient sérieux pour réconcilier tant bien que mal le duc et la duchesse, nous n’y sommes plus du tout. […] Il n’a pas la sereine et sûre distinction du bien et du mal, qui est une des marques, par exemple, de M.  […] et cette façon-là n’a-t-elle pas un je ne sais quoi qui s’accommode mal avec la mission publique d’un ministre de Dieu ? […] Le mal s’arrête aux adjudants. » Et les conseillers : « Si les soldats n’ont pas d’eau, qu’ils boivent de la bière !

736. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

L’homme compatit aux maux dont il est le témoin ; il faut l’absence pour en émousser la vive impression ; le cœur en est touché quand l’œil les contemple. […] On les trouve nuisibles sans qu’ils soient méchants ; le mal vient de leur situation, non de leur caractère. […] Du reste, il remplirait mal les autres : la machine administrative, avec ses milliers de rouages durs, grinçants et sales, telle que Richelieu et Louis XIV l’ont faite, ne peut fonctionner qu’aux mains d’ouvriers congédiables à volonté, sans scrupules et prompts à tout plier sous la raison d’État ; impossible de se commettre avec ces drôles. […] » Une preuve sûre que leur absence est la cause du mal, c’est la différence visible du domaine affermé par l’abbé commendataire absent et du domaine surveillé par les religieux présents. « Un voyageur instruit les reconnaît » tout d’abord à l’état des cultures. « S’il rencontre des champs bien environnés de fossés, plantés avec soin et couverts de riches moissons, ces champs, dit-il, appartiennent à des religieux. Presque toujours à côté de ces plaines fertiles, une terre mal entretenue et presque épuisée présente un contraste affligeant ; cependant la nature du sol est égale, ce sont deux parties du même domaine ; il voit que cette dernière est la portion de l’abbé commendataire. » — « La manse abbatiale, disait Lefranc de Pompignan, a souvent l’air du patrimoine d’un dissipateur ; la manse monacale est comme un patrimoine où l’on n’omet rien pour améliorer », en sorte que les « deux tiers » dont l’abbé jouit lui rapportent moins que le tiers réservé à ses moines. — Ruine ou détresse de l’agriculture, voilà encore un des effets de l’absence ; il y avait peut-être un tiers du sol en France qui, déserté comme l’Irlande, était aussi mal soigné, aussi peu productif que l’Irlande aux mains des riches absentees, évêques, doyens et nobles anglais.

737. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Malgré les inconséquences du personnage principal et la légèreté de la pièce, comparé à tant de vains ouvrages sans invention et mal écrits qui défrayaient alors le théâtre, le Menteur est de la comédie. […] Pourquoi, dans Sganarelle, l’amant et sa maîtresse, Lélie et Célie, se trouvent-ils mal si à point, et l’un après l’autre ? […] Le maître est dans l’embarras ; son travers gâte à chaque instant ses affaires ; qui réparera le mal et renouera la pièce qui va finir ? […] Il est sorti sur les pas d’Isabelle ; il la voit entrer chez Valère ; et comme il n’est pas homme à se contenter du bien qui lui arrive, s’il n’est mêlé du mal d’autrui, il court informer Ariste du tort que l’on fait à son honneur. […] Le mal, borné d’abord à la cour, avait gagné la bourgeoisie.

738. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Il pâlissait, son regard s’altérait ; il semblait mourir d’un mal inconnu. — Le scarabée d’or l’aura mordu à la tête et lui aura filtré dans la cervelle le poison dont il meurt, — disait Jupiter. Retourné chez Legrand, Poe constate avec un horrible soupçon l’existence du mal qui dévore son ami, de ce mal sans nom et sans fièvre, et il apprend de sa bouche qu’il a compté sur l’aide de son dévouement à lui, pour une expédition secrète… Les détails de cette expédition, aussi étranges que le reste de l’ouvrage, redoublent l’intérêt de curiosité qui s’attache à un tel récit. […] Né dans ce tourbillon de poussière que l’on appelle, par une dérision de l’Histoire, les États-Unis43 ; revenu, après l’avoir quittée, dans cette auberge des nations, qui sera demain un coupe-gorge, et où, bon an mal an, tombent cinq cent mille drôles plus ou moins bâtards, plus ou moins chassés de leur pays, qu’ils menaçaient ou qu’ils ont troublé, Edgar Poe est certainement le plus beau produit littéraire de cette crème de l’écume du monde. […] Edgar Poe s’est chargé seul de cette besogne : il s’est assassiné lui-même… Moralement, l’Amérique et Edgar Poe se valent ; ils n’ont point de reproche à se faire ; ils ont tous les deux le même mal, monstrueux et mortel dans l’un comme dans l’autre : le mal de l’individualité. […] racontée déjà par Baudelaire, qui ne la savait pas ou qui la savait mal, et repris, et racontée par Émile Hennequin, sur les documents américains qu’on n’avait pas au temps de Baudelaire.

739. (1739) Vie de Molière

L’Huillier, homme de fortune, prenait un soin singulier de l’éducation du jeune Chapelle, son fils naturel ; et pour lui donner de l’émulation, il faisait étudier avec lui le jeune Bernier, dont les parents étaient mal à leur aise. […] Cette salle est aussi mal construite que la pièce pour laquelle elle fut bâtie ; et je suis obligé de remarquer à cette occasion, que nous n’avons aujourd’hui aucun théâtre supportable ; c’est une barbarie gothique, que les Italiens nous reprochent avec raison. […] Racine furent si mal reçus ; voilà pourquoi l’Avare, le Misanthrope, les Femmes savantes, l’École des Femmes n’eurent d’abord aucun succès. […] Cette pièce fit au roi un plaisir extrême, quoique les ballets des intermèdes fussent mal inventés et mal exécutés. […] On admire la conduite de la pièce jusqu’au dénouement ; on sent combien il est forcé, et combien les louanges du roi, quoique mal amenées, étaient nécessaires pour soutenir Molière contre ses ennemis.

740. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Les pauvres modernes passeront mal leur temps sous cette verge impitoyable ! […] Pour la première fois, l’humanité a entrepris une grande et terrible expérience ; la lutte est libre entre le bien et le mal, entre l’erreur et la vérité : expérience insensée, si ceux qui la tentent n’avaient pas une foi profonde dans l’ascendant victorieux du bien sur le mal, de la vérité sur l’erreur ! […] Chacun sait bien que ce mariage de Gaston avec Madeleine peut tirer à cent mille exemplaires tout le bien, tout le mal de l’univers. […] Les Fleurs du mal sont en effet d’étranges fleurs, ne ressemblant pas à celles qui composent habituellement les bouquets de poésies. […] Sa honte, encore fraîche, est un fardeau sous lequel il plie et marche mal assuré.

741. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Les sources vives dans ce cœur étaient trop pleines et dégorgeaient impétueusement le bien, le mal au moindre choc. […] Encore avait-il mal jugé ; les morceaux qu’il préférait sont les plus faux. […] Cela ne me fait pas dormir plus mal, ni ne m’empêche d’aller à cheval dans les endroits solitaires, parce que la précaution est inutile. […] Après tout, pour de tels cœurs c’est là le sort désirable ; ils ont mal pris la vie, et ne reposent bien que dans le tombeau. […] Il peut dire tout ce qu’il veut ; bon gré, mal gré, on l’écoute ; il a beau sauter du sublime au burlesque, on y saute avec lui.

742. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Mais n’omettons pas ce qu’elle implique de mal venu, de chétif. […] Suivons maintenant hors de la solitude ce mal raffiné. […] C’est que l’illusion s’ajustait vraiment trop mal sur la réalité. […] De quel mal meurent-elles donc ? […] C’est le mal de l’avenir, mal aigu, sans sommeil, qui, à chaque heure, vous dit sur votre chevet comme au petit Capet : dors-tu ?

743. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Mais il la surveille mal. […] Julien Benda a simplement mal lues. […] Au surplus, je me l’explique mal. […] Où est le mal ? […] On le lit pour avoir mal à la tête.

744. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Il n’y a point de mal, tant que la joie est innocente. […] On devient notoire par le mal comme par le bien. […] Si le mal qu’ils font aux hommes est trop lâche et trop vil, les gredins perdent leurs peines, et il me semble que Jules Simon oublie cette importante nuance quand il formule ainsi sa conclusion : « Faire du mal aux hommes, voilà le chemin de la puissance et de la popularité. » Non, il est nécessaire que le mal qu’on nous fait nous donne, à sa manière, le frisson du sublime. […] Il faut, pour comprendre de bonnes raisons, avoir de l’intelligence et se donner du mal. […] M. de Wildenbruch, poète favori de Guillaume II, est mal vu, à ce titre, de l’opposition libérale.

745. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Pourtant n’en disons pas de mal, Voltaire, About, Mérimée n’ont pas été remplacés. […] — Mais je n’ai pas d’éducation : à peine sais-je lire et mal ! […] — Ceci pourrait te faire tort de savoir lire, si mal que ce soit. […] Mais il apprit que le bien est une harmonie, que le mal est un discord. […] Quant à elle, afin de la guérir de son mal, on l’enferme dans un couvent.

746. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

L’homme, pour lui, ne fait jamais le mal pour le mal, il fait le mal pour son bien. […] Balzac n’écrit mal que quand il vont écrire. […] Seulement, le génie fut mal servi et l’activité mal secondée. […] Elle n’a pas précisément raison ; mais elle ne raisonne pas mal. […] Point trop mal.

747. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Que d’abord elle sache éliminer le mal : le bien, tout seul, prospère. […] Et tout s’arrange, certes ; mais, en général, assez mal. […] Le vieux Baillard estime que le Mal était anodin. […] vous êtes mal tombé ! […] Celles-ci n’ont rien inventé ; elles n’ont fait que mal comprendre.

748. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Et, en premier lieu, parce que, sur trois, deux au moins de ces textes sont assez mal choisis. […] Lorsque Marianne s’est froissé le pied et qu’on la transporte chez Valville, un chirurgien est aussitôt appelé pour examiner et tâter le mal. […] Voilà qui est clair et net ; si je suis mal chaussé et mal peigné, ce n’est pas à moi qu’il faut s’en prendre, c’est aux hommes qui vous font perdre ou gagner votre procès sur la mine que vous portez. […] C’est mal répondre à la question, parce que c’est l’avoir mal posée. […] C’est que Rousseau ne critique et ne blâme que ce que la civilisation a introduit de maux ou de causes de maux dans l’œuvre de la Providence ; et c’est qu’il a besoin de l’existence de la Providence comme d’une garantie pour l’espoir qu’il entretient, de voir un jour disparaître ces maux avec leurs causes.

749. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Et ici non plus tout n’a pas été mal, nous sommes bien loin de le prétendre. […] Tout ce qui a paru fort et puissant dans le passé a été absous, justifié et déifié, indépendamment du bien et du mal moral. […] Le poëte, sans songer à mal, insulte au hasard, en passant, du haut de son char de feu. […] En nous montrant ce revers de style pâteux, mal lié, mou aux extrémités des phrases, avec des mosaïques bizarres de métaphores peu adhérentes, en nous offrant en regard le cachet du grand prosateur et la substance particulière dont est fait le grand style, souple et molle d’abord, et puis figée, lave d’abord, et puis granit, il a peint lui-même sa manière, il a donné l’empreinte et le moule de son procédé. […] Je sais que c’est une défense peu avantageuse à prendre que celle du Système de la Nature et de cette faction holbachienne ; mais je ne veux soutenir d’Holbach ici que comme un homme d’esprit, éclairé quoique amateur, sachant beaucoup de faits de la science physique d’alors, n’ayant pas si mal lu Hobbes et Spinosa, maltraité de Voltaire qui le trouvait un fort lourd écrivain et un fort ennuyeux métaphysicien, mais estimé de d’Alembert, de Diderot, et dont l’influence fut grande sur Condorcet et M. de Tracy.

750. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Mais il ne s’agit point de cela : c’est surtout le silence obstinément gardé par les journaux intimidés ou mécontents, et qui y mettent, j’en conviens, une certaine malice, c’est leur silence sur ce qui se passe dans les Chambres et sur ce qui méritait le plus d’être signalé à l’attention publique, c’est cela qui est le mal. […] L’espérance est faible et lointaine, le mal est certain. […] On a tout dit sur la presse en bien ou en mal ; on peut, dans un sens ou dans un autre, s’étendre là-dessus à l’infini : je ne ferai qu’une simple observation qui a son à propos. […] Mais, somme toute, comme j’entends dire que le bien l’emporte sur le mal, qu’il y a du mieux, qu’il y est déposé du moins un premier germe ; comme d’ailleurs certains adversaires en disent tant de mal qu’il faut bien qu’elle ait du bon ; comme enfin c’est une loi, et que toute loi vaut mieux qu’un pouvoir discrétionnaire prolongé, je me ferai un devoir d’en voter l’acceptation, non pas sans regret pour l’occasion en partie manquée dans le présent, et avec un vœu formel pour l’avenir.

751. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

En politique, nous tâtonnons entre différents principes, tous mal notés, soit à cause des excès qui en ont déshonoré l’application, soit à cause de leur impuissance à retenir les nations sur cette pente qui les précipite vers le mal, par l’ardeur du mieux. […] C’est une langue chargée et mal ordonnée. […] Les écrivains s’échauffent sur chaque mot en particulier ; ils ont une certaine verve de détail, dans un tout mal assemblé et languissant. […] Mais après la gloire de guérir qui est donnée a si peu, la plus belle consiste à nous faire connaître notre mal et les ressources de notre nature, et par ce compte de nos faiblesses et de nos forces, à entretenir jusqu’à la mort le désir et l’espoir de la guérison.

752. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

La jambe avait été mal remise ; j’eus le cou rage de la casser de nouveau. […] Je le répète, nos vieux maîtres chrétiens avaient là-dessus une règle excellente, qui est de ne jamais parler de soi, ni en bien, ni en mal. […] Il encourage au mal. […] La bonne règle à table est de se servir toujours très mal, pour éviter la suprême impolitesse de paraître laisser aux convives qui viennent après vous ce qu’on a rebuté. […] Depuis 1851, je ne crois pas avoir fait un seul mensonge, excepté naturellement les mensonges joyeux, de pure eutrapélie, les mensonges officieux et de politesse, que tous les casuistes permettent, et aussi les petits faux-fuyants littéraires exigés, en vue d’une vérité supérieure, par les nécessités d’une phrase bien équilibrée ou pour éviter un plus grand mal, qui est de poignarder un auteur.

753. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

1er juillet Revenus de la campagne dans la journée, ce soir nous dînions au Restaurant de la Terrasse, une gargote au treillage mal doré, autour duquel montent desséchées une douzaine de plantes grimpantes, et nous avons, en face de nous, le soleil couchant illuminant de ses derniers feux les affiches-annonces, aux tons criards, qu’on voit au-dessus du passage des Panoramas. […] Passionnée pour monter à cheval, pour conduire un panier, elle se trouve mal à la vue d’une goutte de sang, a la terreur enfantine du vendredi, du nombre treize, possède tout l’assemblage des superstitions et des faiblesses humaines et aimables chez une femme : faiblesses mêlées à d’originales coquetteries, celle du pied par exemple qu’elle a le plus petit du monde, et qu’elle porte toujours chaussé d’un soulier découvert à talon… Mal jugée et décriée par les femmes et les petites âmes qui ont l’horreur de la franchise d’une nature, elle est faite pour être aimée d’une amitié amoureuse par des contempteurs comme nous des âmes viles et hypocrites du monde. […] » Vraiment, le hasard ne l’a pas trop mal servi, parlant à un homme de lettres déjà poursuivi et qui se sent poursuivable toute sa vie… Mais dans la bouche du devin, la phrase n’avait-elle pas un autre sens ? […] Thiers a tant débagoulé, le vieux Delécluze, contait à Vignères, que lui et sa sœur avaient été élevés jusqu’à l’âge de quatorze ans, dans une chambre où il y avait aux murs : les « Quatre Parties du jour » de Baudouin, sans que jamais ces images leur eussent fait songer à mal.

754. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Ce serait, en effet, de la charité mal placée, car je méprise les faibles. […] L’Autre s’est fâché… Toutefois, il n’y a pas de mal… Hé ! […] L’Arbre de la science du bien et du mal s’élève au milieu. […] Pas mal ; je vous remercie. […] Il se relève et se tâte, mais il ne s’est fait aucun mal.

755. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

C’est par des causeries, par de petites remarques doucement sarcastiques qu’il apprenait à ses amis l’art de jouir de la turpitude, de la bassesse, du mal. […] Le même mal peut tourmenter l’humble victime qui a peur et le superbe qui dédaigne d’avouer son désir. […] Il y a le bien et le mal. […] Il est fier de sa foi et de son ignorance, et de sa crédulité, et de ses chiffons mal blanchis. […] Non seulement il aime le bien, mais de plus il hait le mal !

756. (1888) Poètes et romanciers

L’être montre éternellement sa double face, mal et bien, glace et feu. […] L’univers a fait le mal. […] Le mal a donc fait la matière, comme l’univers a fait le mal. […] Raoul de Chalys est atteint du mal du siècle. […] Où elle est, où elle paraît, l’erreur tombe, le mal s’enfuit.

757. (1881) Le naturalisme au théatre

La musique tiendrait moins de place que cela ne serait pas un mal. […] On dira que le mal n’est pas grand. Mais, pardon, le mal est très grand ! […] Sans doute les pièces mal faites de MM. […] D’ailleurs, que ce mot soit bien ou mal choisi, peu importe.

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