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541. (1913) Poètes et critiques

Mais il faut tourner la page et arriver à cette longue plaisanterie des pièces en argot. […] La vie des gens de mer, de bonne heure, le sollicitait : il l’a vécue, un certain temps, au sens propre du mot, et il en est resté obsédé comme d’un long rêve. […] Si j’avais cru que l’échange me fût permis, je vous aurais seulement apporté l’or de sa réponse et cela aurait mieux valu que la menue monnaie d’un long discours. […] Les ombres qui glissent sont de petits hommes sur de longs patins de bois, des espèces de Trolls : jambes torses, large face, des yeux bridés d’Asiatiques, et, quand ils parlent, une étonnante douceur de voix. […] René s’est follement épris des « longs cheveux blonds » de la jolie Delphine de Custine.

542. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Tout avait été dit sur André Chénier, tout ce que le goût et une vivacité délicate et passionnée peuvent inspirer à une simple lecture ; il restait un travail à faire et d’un détail infini, qui demandait une longue patience, un savoir ingénieux et sagace : c’était de traiter André Chénier comme un ancien, comme un classique qu’il est, de fixer son texte, d’éclaircir tout ce qui se passe de voilé ou de transparent dans ses poésies, de les rattacher avec précision aux diverses circonstances connues de sa vie, de rassembler autour de lui toutes ses sources et ses origines littéraires, d’indiquer toutes les fleurs où il est allé butiner, toutes les ruches ou il est allé piller son miel. […] Becq de Fouquières, jeune officier, avait conçu cette idée d’homme de goût et d’érudit dans le temps où, « un André Chénier à la main, il trompait les longues oisivetés de la vie militaire » ; devenu libre, il s’est empressé de se mettre à l’œuvre, et, d’abord, de se pourvoir de tous les instruments indispensables à l’exécution, parmi lesquels il faut compter au premier rang une connaissance des plus fines de la langue grecque.

543. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Plus de longues et verveuses préfaces : quelques notes suffisent à se commenter. […] Bourget est longue, incomplète et confuse.

544. (1890) L’avenir de la science « XI »

Dans la région de l’Inde au Caucase, le zend, avec ses mots longs et compliqués, son manque de prépositions et sa manière d’y suppléer au moyen de cas formés par flexion, le perse des inscriptions cunéiformes, si parfait de structure, sont remplacés par le persan moderne, presque aussi décrépit que l’anglais, arrivé au dernier terme de l’érosion. […] L’hébreu, leur type le plus ancien, disparaît à une époque reculée pour laisser dominer seuls le chaldéen, le samaritain, le syriaque, dialectes plus analysés, plus longs, plus clairs aussi quelquefois, lesquels vont à leur tour successivement s’absorber dans l’arabe.

545. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Comment le croire aussi éclairé et aussi élevé qu’il était piquant, lorsqu’on la voit confondre les empressements du roi voluptueux, au moment d’un retour après une longue absence, avec un de ces retours de tendresse et d’affection qui attestent les douces et vives sympathies des âmes délicates et des intelligences élevées ? […] Son règne ne fut pas long.

546. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Cette croyance n’en est pas moins la forme rigide qui, en torturant durant une longue période ces instincts, coordonna des hommes entre eux et composa une réalité sociale, la réalité grecque et la réalité romaine. […] Quelque état de la substance phénoménale pour se réaliser doit durer, il faut donc qu’il se prête à une longue répétition de soi-même dans le temps ; mais il faut aussi qu’il ne manque de rompre son immobilité, de se modifier quelque peu, avant que la durée, le pétrifiant dans toutes ses parties, n’ait supprimé en lui la possibilité de varier.

547. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Le combat n’est pas long : tout un monde est sacrifié à l’amour. […] Nonobstant ces beautés, qui appartiennent au fond du Paradis perdu, il y a une foule de beautés de détail dont il serait trop long de rendre compte.

548. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Les analyses sont longues ou courtes, selon que l’importance de la matiere le demande, & le style noble, pur, élégant, est proportionné aux différens sujets. […] Les exordes, les réfléxions, les longues phrases doivent en être bannies.

549. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

II Et cette explication légère, facile, impertinente pour le Saint-Esprit, Paul Meurice, qui en a conscience, finit par en avoir un peu honte, et, redevenu modeste tout à coup : « Nous n’avons nulle prétention — dit-il agréablement — de fonder notre petite religion les pieds sur nos chenets. » Malheureusement, ce n’est pas bien long, cette modestie ; il reprend presque aussitôt le ton de sa maison, l’insupportable ton hugolâtre : « Dieu ! […] Eh bien, ce sont ces intelligents messieurs, qui soutiennent que Shakespeare explique la Trinité, qui prétendent que l’humanité pond son Dieu, ce long Dieu du devenir qui ressemble à un câble et que l’humanité fait et augmente d’une spirale tous les jours ; ce sont ces messieurs, qui soutiennent les droits du corps autant que les droits de l’esprit, et qui, niant toutes les négations, nient le péché, le châtiment, la guerre, la mort et l’enfer ; ce sont eux, ces messieurs, que Paul Meurice appelle : « les Chevaliers de l’Esprit » !

550. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Enfin, son règne fut long, ce qui ajoute à cette idolâtrie des cours, qui naît encore plus de l’habitude que du sentiment. […] Optatien Porphyre, qui n’était point du tout Porphyre le philosophe, mais un poète obscur et très digne de l’être, composa en l’honneur de ce prince, qui l’avait exilé, un long panégyrique en vers qui ne valait rien, et qui, en conséquence, fut très bien payé.

551. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Celle de Proust, qui sera peut-être plus longue qu’aucune autre13 ? […] Je connaissais un jeune musicien, un esprit délicat, qui avait reçu en présent d’un écrivain célèbre un livre magnifique accompagné d’une longue dédicace personnelle. […] Ce Journal est d’ailleurs plutôt une longue lettre adressée à son « cher Bosio » et qui concerne presque uniquement Douglas et sa famille, c’est-à-dire des « tiers ». […] Une publication à longue échéance — c’est-à-dire faite de longues années après la disparition des correspondants — est parfois utile et rarement nuisible. […] André Gide, le premier, avait plongé dans cette longue lettre écrite en prison (d’abord publiée en 1905) : Oscar Wilde.

552. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Pendant ce long trajet, les deux voyageurs eurent plus d’une occasion de voir l’agitation qui régnait de tous côtés. […] Ce vaisseau avait environ quarante-cinq pieds de long sur trente de large. […] Alexandre pénétra jusqu’au centre vide, où se promenait en long un jeune homme faisant les fonctions d’huissier ou de maître des cérémonies. […] L’ensemble de ce long cortège était divisé en quatre sections. […] Il fut assisté dans ce long travail par M. 

553. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

J’aimais la tête de chèvre du poète des Nuits, ses yeux longs, ses cheveux bouclés. […] Cela m’a paru long, fatigant, suranné. — Mais, monsieur, et Marivaux ? […] Il y a en des crimes, longs, lâches, effroyables. […] Vous m’en demandez trop long.) […] Et il l’a dit en phrases majestueuses et très longues.

554. (1888) Poètes et romanciers

Il serait trop long de rechercher, dans le nouveau livre de M.  […] Toutes se levèrent spontanément, en poussant un long cri de joie. […] « Quand on n’a que soi pour maître, dit-il, les études sont bien longues. […] Quel long travail pour eux a conquis l’univers ! […] Dans ces longs intervalles, l’écrivain et le public se renouvellent.

555. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Après une courte pause, il se mettait en marche pour la rejoindre, lorsqu’il se vit attaqué par un brigand armé d’un long couteau, qui lui demanda la bourse ou la vie. […] Alors le premier le frappa de son long couteau de toute sa force au milieu de la poitrine. […] Il n’y a pas dans son volume de compositions parfaites, ni les longues, ni les courtes. […] Faites aussi longue qu’il vous plaira la liste des erreurs et des emportements de la répression, il restera toujours de quoi s’émerveiller qu’on n’en ait pas commis davantage. […] À sa bouche pendait une longue pipe de porcelaine peinte, et la fumée qui s’en exhalait montait vers l’azur, solennelle et douce comme un parfum d’encensoir.

556. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Cet article est déjà trop long ; mais il faut encore ajouter un mot. […] La simplicité de la Bible est plus courte et plus grave ; la simplicité d’Homère, plus longue et plus riante. […] La simplicité de celle du poète de Chio est celle d’un vieux voyageur qui raconte, au foyer de son hôte, tout ce qu’il a appris dans le cours d’une vie longue et traversée. […] Les descriptions d’Homère sont toujours longues, soit qu’elles tiennent du caractère tendre, ou triste ou gracieux, ou fort, ou terrible, ou sublime. […] Mais cette question demanderait un article tout entier, et celui-ci est déjà trop long.

557. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Si d’aventure il vit encore, il doit se féliciter de sa longue perspicacité. […] Comme personne sauvée de longue et forte maladie et venant à convalescence, les fault choyer, espargner, restaurer. […] C’est un beau sujet et propre à remplir la longue paix des soirs. […] Elle est vieille comme le monde et elle a produit, durant son long empire sur les âmes, des désastres lamentables. […] Les longues guerres de Louis XIV n’ont pas laissé la moindre colère dans l’âme de ce peuple léger, doux et charmant.

558. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Déplus, les morceaux traduits sont accompagnés de longues notes des plus instructives. […] Mais comment s’égarer le long d’une surface verticale, si l’on a le sens de la verticalité ? […] Les petits chemins mènent partout ; mais ils sont si enchevêtrés, leurs rubans sont si longs, qu’on n’en voit jamais la fin. […] Consonnes doubles suivies d’un e muet. — Ce paragraphe assez long peut se résumer en quelques lignes. […] Nyrop que les parties les plus pittoresques ; mais il est intéressant tout au long.

559. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Pendant de longues années, la sombre imagination anglaise, saisie de terreurs religieuses, avait désolé la vie humaine. […] Après de longues heures de sécheresse, l’imagination faussée et surmenée travaillait. […] Il les range en longues chaînes de raisonnements aisés qui descendent anneau par anneau jusqu’à l’intelligence du public. […] Le colonel Hutchinson fut un instant suspect parce qu’il portait les cheveux longs et qu’il s’habillait bien. […] Well, and how will you make love to me. — Come, I long to have you begin. — Must I make love too ?

560. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Il n’y a point d’histoire où il y ait autant de réfléxions que dans la sienne ; mais sa morale est un peu longue & quelquefois verbeuse. […] Il y a des répétitions sans nombre ; une morale longue & souvent puérile, & un défaut de philosophie qui n’est pas excusable dans le siécle où nous vivons. […] Leurs harangues sont longues & leur éloquence n’est ni celle de Tacite, ni celle de Salluste ; c’est celle d’un homme de Collège. […] Les inégalités qui défigurent souvent les plus petits ouvrages, ne se trouvent point dans une si longue histoire. […] On convient généralement que Mariana prend de trop longs détours pour arriver à son but.

561. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

De longues files de blessés, les uns se traînant comme ils pouvaient, les autres placés sur les bras des soldats, ou déposés à terre en attendant qu’on les transportât dans l’île de Lobau, des cavaliers démontés jetant leurs cuirasses pour marcher plus aisément, une foule de chevaux blessés se portant instinctivement vers le fleuve pour se désaltérer dans ses eaux et s’embarrassant dans les cordages du pont jusqu’à devenir un danger, des centaines de voitures d’artillerie à moitié brisées, une indicible confusion et de douloureux gémissements, telle était la scène qui s’offrait et qui saisit Napoléon. […] Quant aux blessés et aux morts, la perte était grande, plus grande qu’aucune de celles que nous avions essuyées dans nos longues guerres, mais celle de l’ennemi avait dû être d’un tiers plus forte.” » XVI Quelques semaines après, la bataille de Wagram, répétition identique, mais plus heureuse, de la bataille d’Essling sur le même champ de bataille, répara ce revers par un triomphe chèrement conquis. […] XXI Telle est cette histoire ; malgré le petit nombre de défaillances de pensée ou de style, nous n’en connaissons aucune qui ait fourni d’une si forte haleine une si longue course à travers un si long temps. […] Thiers que nous ferions porter la véritable critique qui pèsera sur cette belle histoire ; c’est sur l’absence de philosophie politique qui marque et qui attriste ce long récit. […] Sentez-vous cette édification consciencieuse, cet équilibre intérieur, cette justice satisfaite du bien et du mal qu’une aussi longue histoire doit laisser dans l’âme comme la conclusion historique de tant d’événements et de tant de beaux récits ?

562. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Sur un ciel serein glissaient quelques petites nuées d’orage ; plus haut on en remarquait d’autres, ayant la forme de longues bandes, qui se dénouaient. […] C’est ensuite un couple d’amants qui dans leur longue liaison ont vécu avec tant de retenue que, se trouvant forcés de rester une nuit entière l’un près de l’autre, dans une chambre, ils la passent en entretiens sans aller plus loin. […] Mais il est déjà alors plus qu’à la moitié de sa carrière ; cet élan vers la lumière, qu’il a prolongé pendant de longues années, a épuisé ses forces les plus vives, et les efforts qu’il fait pour se montrer encore puissant en s’élargissant ne peuvent plus complètement réussir. […] Si on les suspend près du poêle, ils dépérissent par manque d’air nourrissant ; si on les met près de la fenêtre, ils dépérissent par suite du froid des longues nuits. […] Ici, on se sent grand, libre comme la grande nature que l’on a devant les yeux ; on est comme on devrait être toujours. — Je domine dans ce moment une foule de points auxquels se rattachent les plus abondants souvenirs d’une longue existence.

563. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Vos Abregés sont longs au dernier point. […] Cette uniformité si contraire à l’enthousiasme, rend fatigante la lecture d’un long ouvrage, qui n’a d’autre variété que celle des sujets liés ensemble par des transitions froides & communes. […] Son style est pur & facile, & ses notes servent à l’intelligence de son auteur sans être trop longues. […] Son travail porte par-tout l’empreinte du génie sublime, de l’esprit juste, & du goût délicat ; & si quelques parties de ce poëme ne frappent pas autant que les autres, c’est qu’il est impossible, & qu’il ne convient pas même dans un long ouvrage que tout soit également beau. […] Mais on l’a trouvé trop familier dans cette longue Epître préliminaire où il trace les portraits des trois Satyriques latins.

564. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Près de nous une longue barque emportait rapidement une noce de riches négociants. […] Il sait combien la tête du requin ou du cachalot lui fournira de barriques d’huile ; son épingle déliée pique sur le carton des musées l’élégant papillon qu’il a saisi au vol sur le sommet du mont Blanc ou du Chimboraço ; il empaille le crocodile, il embaume le colibri ; à son ordre le serpent à sonnettes vient mourir dans la liqueur conservatrice qui doit le montrer intact aux yeux d’une longue suite d’observateurs. […] Sa vie n’avait été qu’un long acte de foi. […] XIV Faites abstraction de vos croyances, quelles qu’elles soient, et mettez-vous par la pensée au point de vue d’un homme de talent ou de génie qui veut, après une longue éclipse d’incrédulité, restaurer le christianisme dans l’esprit humain. […] D’autres Bourbons, qui lui avaient succédé sans autre titre qu’une longue et fatale compétition à son trône, sont tombés dans leur usurpation élective comme lui dans son droit héréditaire.

565. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Thiers, aidé sans doute par les innombrables documents de nos archives, a déroulé, éclairé, simplifié, dramatisé, pour les esprits les plus minutieux, cette longue et épineuse négociation. […] Bonaparte, initié par ce grand homme d’État à la diplomatie européenne, prend de son ministre la science des traditions, mais ne suit en rien ses conseils à longue vue. […] La responsabilité de la longue période de guerre qui suit la courte paix d’Amiens pèsera sur la Grande-Bretagne plus que sur le général Bonaparte. […] Le monarque autrichien, rassuré par l’accueil de son tout-puissant ennemi, eut avec lui un long entretien. […] Thiers, et achevons dans le prochain entretien la lecture d’un livre où l’on blâme quelquefois, mais où l’on marche toujours sans lassitude d’admiration en admiration pour le tableau et pour le peintre, et, bien que le livre soit long, l’admiration est toujours courte.

566. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Mais où l’auteur, pauvre moine inconnu dans un couvent de Brabant et n’en étant jamais sorti, aurait-il pu prendre ces trésors de sagesse humaine qu’on ne trouve que dans le long exercice du monde ? […] Préparez-vous, non à beaucoup de repos, mais à une longue patience. […] que mon exil est long ! […] Nous pouvons perdre en un moment, par notre négligence, ce qu’à peine avons-nous acquis par la grâce, avec un long travail. […] une longue vie ne corrige pas toujours ; souvent plutôt elle augmente nos fautes.

567. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Et c’est pourquoi, pendant de longs siècles, les esprits, tout en se remuant beaucoup, n’avançaient guère ; ils tournaient en cercle ou piétinaient sur place. […] Un ouvrage littéraire n’est admis au périlleux honneur de devenir classique que s’il est consacré par de longues années d’admiration. […] Peut-être est-ce la cause la plus puissante qui a maintenu dans notre littérature, durant un si long espace de temps, l’imitation de l’antiquité, l’emploi de la mythologie, le respect des règles formulées par Aristote et par Horace, la survivance des genres cultivés à Rome et en Grèce. […] Une longue expérience a prouvé qu’il préfère la correction à la verve inventive et, s’il faut choisir entre deux maux, l’excès de pondération à l’excès d’originalité. […] Il convient d’ajouter que l’Académie, au cours de son existence déjà longue, s’est affranchie de certaines conventions et timidités.

568. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

» Et il me raconte les choses les plus curieuses et les plus humoristiquement observées, en les longs séjours, qu’il a faits dans les hôpitaux, pendant d’éternelles maladies, entre autres pour une hydarthrose du genou. […] Et devant vous, un long corridor mystérieux, empli d’un jour froid, et au fond duquel monte la spirale d’un escalier tournant. […] Mme de Nittis, dépeignée, un caraco mal boutonné sur une camisole, une jupe attachée de travers, de l’égarement dans les yeux, va incessamment d’un bout à l’autre du long salon, tombant un moment sur un fauteuil ou sur un canapé, qu’elle trouve en son chemin, se relevant aussitôt, et reprenant son éternelle promenade, avec des pieds qui traînent et qu’on sent las, et qui marchent toujours. […] Et je vais m’asseoir dans un coin, que le mort aimait, là où il y a une guérite en toile, une chaise longue en sparterie, un hamac : dans ce coin, dont il avait fait une espèce d’atelier, en plein air. […] Les yeux presque secs, et soigneusement peignée, elle marche toujours dans le long salon, mais lentement, régulièrement, presque processionnellement, ainsi que marchent dans le chœur d’une église, les chantres, auxquels elle ressemble par derrière, avec son fichu noir, apparaissant comme un capuchon sur le dos d’un moinillon.

569. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Mardi 23 février À la fin du dîner de Brébant d’aujourd’hui, au bout d’une longue conversation, entre tous les hommes politiques, sur Lourdes et ses eaux miraculeuses, Berthelot dit qu’il ne serait pas étonné, que la fin du siècle fût en proie à un violent mysticisme. […] Et il s’apercevait à peine de la panne, dans laquelle il vivait, la cervelle, prise par un immense poème, en trois parties : « La Genèse, l’Humanité, l’Avenir », et qui était l’histoire cyclique et épique de notre planète, avant l’apparition d’une humanité, pendant ses longs siècles d’existence, et après sa disparition. […] Promenade autour de la forêt, le long d’un treillage de la chasse israélite, qui nous empêche d’y entrer ; promenade où Porel, joliment blaguant, à tout moment, tire sa montre et s’écrie : « À ce moment Machin dit » — et il cite un vers de Britannicus, ou bien : « Chose dit » — et il cite une phrase de la Partie de Chasse de Henri IV. […] Hier les acteurs troublés par la présence de Mme Daudet, ont très mal joué, et la scène de Mme Bourjot avec son amant, et la scène du père Mauperin avec Denoisel, ont paru longues, si longues, que tout le monde semblait désespéré, et Porel plus que les autres. […] C’est une pensée qui me vient aujourd’hui dans une longue promenade à travers la banlieue.

570. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

» dit-elle, « je sors jusqu’à midi. » Puis, embrassant Talma et me saluant à demi, elle sortit en me jetant un long regard de curiosité et de bienveillance. […] Elle jeta avec un geste de dégoût son vieux chapeau de soie noire sur un meuble ; elle découvrit de longs cheveux noirs roulés en bandeaux comme un diadème sur son front. […] XIII Les Bourbons étaient rentrés récemment en France après un long exil, et par la brèche de nos désastres militaires. […] XVIII L’acteur qui représentait Abner entrouvrit les lèvres après avoir promené un long regard de tristesse sur la solitude du temple. […] Elle l’entretenait un jour de la misère du peuple ; il répondit qu’elle était une suite ordinaire des longues guerres, mais qu’elle pourrait être soulagée par ceux qui étaient dans les premières places si on avait soin de la leur faire connaître.

571. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Avec l’attrait de curiosité qui nous fait épier et réunir les mille rayons épars, à longues distances, dans les vastes cieux de l’imagination, il nous serait aisé d’apercevoir un rapport d’émotions entre ces élans de mystique amour et les prières de plus d’un pieux sectaire moderne. […] Le contrecoup de tant de luttes et comme le long souvenir de ces vives douleurs se retrouve aussi dans ses poésies, langage familier de son âme, non moins naturel pour lui que la prédication ou la prière. […] seconde Rome, aussi supérieure aux autres villes que le ciel étoilé l’emporte sur la terre, je vous prends à témoin de tout ce que l’envie m’a fait, de quelle manière elle m’a séparé de mes religieux enfants, après mes longues luttes, après la lumière que j’avais apportée par les enseignements célestes, après les eaux limpides que j’avais fait jaillir du rocher ! […] salut, long salut à toi ! […] Ce caractère de dévouement intrépide, cette magnanimité religieuse, nous paraît dominer dans un hymne assez long, où le poëte de Cyrène reproduisait le mètre court et rapide de quelques anciens lyriques, de Stésichore et d’Alcée.

572. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Ratisbonne, devenu l’évangéliste posthume de De Vigny et son vengeur, a tiré des cahiers intimes qui lui avaient été légués la page que voici, et qu’il m’est imposé aujourd’hui de discuter : « Sainte-Beuve fait un long article sur moi. […] Je conçois tout à coup un plan : je perfectionne longtemps le moule de la statue, je l’oublie, et, quand je me mets à l’œuvre après de longs repos, je ne laisse pas refroidir la lava un moment. C’est après de longs intervalles que j’écris, et je reste plusieurs mois de suite occupé de ma vie, sans lire ni écrire. […] Quand ils veulent le faire, ils la retaillent et la gâtent. » Je n’ai garde, on le conçoit, de prétendre avoir atteint du premier coup la ressemblance sur De Vigny ; c’était une nature des plus compliquées dans sa finesse et qui, par ses qualités et ses défauts, ses supériorités et ses ridicules, fait encore problème pour moi aujourd’hui ; mais, quoique le poëte en sût probablement plus long que personne sur ses secrets de composition, on va voir que, juge et partie comme il était, il n’a pas tout à fait raison contre son critique. […] Et, en effet, dussé-je me montrer encore une fois sacrilége et au risque de profaner le fruit d’or en voulant y chercher l’amande, je dirai que, si la pensée de M. de Vigny est souvent élevée et grande, son développement est presque toujours précieux, à tel point que plusieurs des pièces esquissées dans ses albums sont certainement plus belles à l’état de projet qu’elles ne l’eussent été après exécution ; elles laissent d’elles une plus grande idée. — Je reviens à la lettre interrompue : je saute des lignes, des phrases élogieuses, et le donne ce qui revient à mon propos, lequel est encore une fois de montrer qu’en me permettant d’essayer de juger M. de Vigny et sa manière, je n’étais point tout à fait sans le connaître (autant du moins qu’il pouvait être connu) et sans avoir été initié et introduit de longue main par lui-même au sanctuaire de sa pensée, si riche en dédales et en mystères.

573. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mais, un jour, un été, à une certaine saison d’ennui, après les années brillantes, cette personne, à la campagne, prend une plume, et trace, sans but arrêté d’abord, un roman ou des souvenirs pour elle, pour elle seule, ou même seulement ce sont des lettres un peu longues qu’elle écrit à des amis sans y trop songer ; et dans cinquante ans, quand tous seront morts, quand on ne lira plus l’homme de lettres de profession à la mode en son temps, et que ses trente volumes de couleur passée iront lourdement s’ensevelir dans les catalogues funèbres, l’humble et spirituelle femme sera lue, sera goûtée encore presque autant que par nous contemporains ; on la connaîtra, on l’aimera pour sa nette et vive parole, et elle sera devenue l’un des ornements gracieux et durables de cette littérature à laquelle elle ne semblait point penser, non plus que vous près d’elle. […] Toute sa vie, elle a écrit beaucoup de lettres, et longues, qui se sont conservées la plupart et pourraient se recueillir. […] Elle avait trop vu, pour son compte, et touché de trop longue main les ressorts, pour n’en être pas froissée ; elle en causait confidemment, depuis des années déjà, avec le personnage le plus revenu246. […] Cette lecture fait passer sous les yeux un long roman par lettres, développé, sensé, régulier, d’un intérêt lent et croissant, avec des caractères étudiés et suivis, avec des situations prolongées et compliquées, parfaitement définies et menées à fin. […] Je ne fais que courir sur un sujet dont tous ne peuvent juger comme moi, et où les preuves seraient trop longues à produire.

574. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Ces impressions ont une influence remarquable sur nos résolutions, et nous cherchons comme instinctivement à nous mettre en rapport avec les circonstances qui, depuis longues années, ont pour nous un attrait particulier. […] Cette circonstance a aussi pu être la cause accidentelle de la santé et de la sécurité dont ils jouirent pendant leur long séjour dans ces régions équinoxiales, car, à la Havane, où ils auraient dans tous les cas pris terre, s’ils n’avaient pas quitté prématurément le navire, et où ils se seraient trouvés depuis longtemps, régnait une grave maladie qui avait déjà enlevé beaucoup de leurs compagnons. […] Il reçut l’hospitalité dans des couvents de missionnaires indiens ; il les décrit avec amour : « Le 12 août, dit-il, après une longue ascension, les voyageurs atteignirent le siège principal de la mission, le couvent de Caripe, où Humboldt passa ces belles nuits de calme et de silence qui, dans ses années de vieillesse, revenaient encore à sa pensée. […] Un état de demi-sommeil, c’est-à-dire un sommeil long mais très agité, et à chaque réveil des paroles d’affection, de consolation, et toujours cette grande clarté d’esprit qui saisit et distingue tout et qui observe son état. […] Mais, en attendant, regardons-le vivre les longs jours que Dieu lui avait destinés.

575. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Ici la description qu’on en donne est celle d’une sorte d’orang-outang, couvert d’un poil long et rude, qui vit sur les arbres. […] Les proscrits émigrants qui sont ensevelis dans ses cavernes rêvent, pleurent, ou chantent pendant la longue traversée sur ce qu’ils ont laissé de leur vie passée, sur ce qu’ils vont retrouver de leur vie future, dans le hasard des unions que la destinée leur prépare sous d’autres cieux. VII La journée, longue pour tous ces passagers, touche à son déclin. […] Ici, à droite et à gauche, une double colonnade de sept cent trente-huit pieds de long, sur six cents pieds de large, enferme la place qui précède le temple. […] La place ovale, dont les deux extrémités sont terminées par les deux parties de la colonnade, a sept cent trente-huit pieds de long sur cinq cent quatre-vingt-huit de large.

576. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

CXCV Aussi, pour bien le confirmer dans l’idée qu’il allait me voir apparaître, quand je fus à la dernière arcade au tournant du cloître avant son grillage, je m’assis sur le socle de l’arcade et je jouai doucement, lentement, amoureusement, l’air de la nuit dans la tour, afin qu’il comprît bien que j’étais là, à dix pas de lui, et qu’il entendît pour ainsi dire battre mon cœur dans la zampogne ; et je finis l’air, non pas comme d’habitude, par ces volées de notes qui semblaient s’élancer vers le ciel, comme des alouettes joyeuses montant au soleil, mais je le finis par deux longs, lugubres et tendres soupirs de l’instrument qui semblait bien plutôt pleurer que chanter, hélas ! […] CXCVI Ma voix, qu’il reconnut, lui ôta le doute, et il s’élança à son tour vers moi de toute la longueur de sa chaîne rivée au mur dans le fond de la prison ; elle était juste assez longue pour que le bout de nos doigts, mais non pas nos lèvres, pussent se toucher. […] — Pauvre enfant, dit-elle, on voit bien que tu as bon cœur, car tu as pâli à l’idée du supplice d’un misérable qui ne t’est rien, pas plus qu’à moi, ajouta-t-elle, et pourtant je n’ai pas pu m’empêcher de pâlir, de trembler et de pleurer moi-même, tout à l’heure, quand j’ai entendu l’officier accusateur du conseil de guerre conclure son long discours par ce mot terrible : « la mort !  […] Ensuite la pensée des jours sans fin que nous avions passés ensemble, depuis que nous respirions et que nous grandissions dans le berceau, dans la cabane, dans la grotte, dans la vigne, dans les bois, sans songer que jamais nous pourrions être désunis l’un d’avec l’autre, et puis ceci, et puis cela, que nous n’avions pas compris d’abord dans nos ignorances, et que nous nous expliquions si bien à présent que nous nous étions avoué notre penchant, contrarié par nous seuls, l’un vers l’autre ; et puis la fatale journée de la coupe du châtaignier, et puis celle de ma blessure par le tromblon du sbire, quand il avait étanché mon sang sur mes bras avec ses lèvres ; et puis ma folie de douleur et ma fuite de la maison sans savoir où j’allais pour le suivre, comme la mousse suit la pierre que l’avalanche déracine ; et puis ma pauvre tante et mon père aveugle abandonnés à la grâce de Dieu et à la charité du père Hilario, dans notre nid vide ; et puis l’espérance que les anges du ciel nous délivreront des pièges de la mort où nous étions pris, tels que deux oiseaux, pour nous punir d’en avoir déniché, les printemps, tant d’autres dans nos pièges de noisetier, quand nous étions enfants ; et puis la confiance de nous sauver de là, plus tard, d’une manière ou d’autre, car les quatre semaines et les quatre jours nous paraissaient si longs, que nous ne pensions jamais en voir la fin. Vous savez, monsieur, quand on est si jeune et que l’on compte si peu de mois dans la vie passée, les mois à venir paraissent longs comme des années.

577. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Mes amis me le reprochent souvent… Cette disposition native n’a fait que s’accroître pendant seize ans de vie à l’armée, où le silence est une consigne ; cette coutume s’est accrue encore par un long séjour en Angleterre… Il en résulte qu’il y a sur mon caractère une enveloppe de taciturnité, qui fait que j’aime à parler des idées et des sentiments, jamais des personnes. » Et ailleurs : « Quand j’étais dans la Charente, d’où je vous écrivais souvent, je fus atteint de la fièvre typhoïde. […] Dans son orgueil, enfin, il puise la force de supporter, avec une tenue parfaite, les longues tortures d’un cancer de l’estomac… « Puisqu’il faut vous parler de moi, sachez donc qu’il n’y a pas de martyre comparable au mien. […] Né d’un vieux sang républicain et très pur ; muni des meilleures « humanités » ; formé à la fois par la fréquentation du monde, par l’étude de l’histoire et de l’économie politique, et par de longs voyages en Amérique et en Allemagne (tout à fait l’éducation d’un homme politique d’outre-Manche, comme vous voyez) ; honnête homme avec raffinement ; très courageux, et du courage le plus allègre ; et, par surcroît, ayant eu l’esprit de n’être pas encore ministre, il m’apparaît, j’ai plaisir à le dire, comme une des grandes espérances de notre pays. […] Elle agrandit son cœur et sa pensée par l’effort de souffrir noblement, et par les méditations mêmes et les lectures de ses longues insomnies ; et d’autre part elle pousse à l’aigu son expressive fébrilité d’artiste. […] * * * Il me disait un jour : « Quand je songe à quel point j’ai eu jadis la folie et l’orgueil de vivre, je me dis qu’il est juste que je souffre. » Je me suis rappelé ce propos d’héroïque résignation en voyant, parmi les roses qui jonchaient son lit de mort, sa tête devenue ascétique et, sur sa poitrine, le crucifix… La République Française On dira d’elle ce qu’on voudra : elle a ceci pour elle, qu’étant la plus révolutionnaire des républiques, elle est pourtant l’héritière d’un passé monarchique plus long et plus illustre que celui d’aucune des nations européennes.

578. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Voici un autre fragment exceptionnellement parfait ; sur une basse continue de syllabes sombres et nasales très habilement conduites, des notes longues et graves s’entrelacent, étoilées çà et là d’un point clair : Des faces mortes sont au fond de nos silences… De grandes ailes ont plané sur les eaux. […] Mais la rythmique de ce poète ne peut se bien comprendre si on la disjoint de sa technique ; chez M. de Régnier les rythmes, intéressants aussi, bien qu’à un moindre degré, semblent presque découler de la technique au lieu qu’ils la régissent : voyons donc quelles règles ont suivies, consciemment ou inconsciemment, ceux qu’on a appelés symbolistes, et dans quelle mesure elles se trouvent appliquées au long des œuvres que nous achevons d’examiner. […] La mesure de quatre temps peut contenir des vers de sept à douze syllabes, selon que les rythmes sont binaires, ternaires ou alternants, et davantage si à chaque syllabe forte correspondent trois atones ; et quelle richesse de mélodie variée, par l’entrelacement des tonales et des semi-toniques, des longues et des brèves, des notes graves ou subtiles ! […] D’une longue fréquentation chez les Parnassiens, l’auteur des Épisodes a gardé des habitudes sévères de travail et le goût du définitif. […] Mais les correspondances de rapports lumineux (ce qu’on appelle « valeurs » en peinture) à harmonie (rapport des tons sonores) et de timbre à coloris, ne pourraient être démontrées sans une dissertation longue et subtile que je n’oserais tenter aujourd’hui ; d’ailleurs, je m’en aperçois, les dissertations de ce genre font écrire de bien mauvaise prose.

579. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Comme la peur s’empare de tout un public silencieux à l’abaissement des feux de la rampe, le sommeil magnétique des convulsionnaires aux longs déchirements d’une cymbale, ces préfaces subjuguent, prédisposent et saisissent, entraînent dans la brume violette où surgit la vision d’Auguste Bedloe, au versant des molles collines que côtoie la frôle barque de la fée, aux voûtes sombres sous lesquelles Roderick Usher pâlit et s’étiole. […] Ayant perdu dans son enfance une femme qui lui témoignait quelque affection, il passa de longues nuits couché sur cette tombe, et eut le temps, pendant ces lamentables veilles, de méditer les hideurs de la putréfaction, et de concevoir l’idée, fréquente dans ses contes, de la persistance du sentiment après la mort. […] Le problème moins long à résoudre tient moins en suspens. […] Et le secret de leur empire lui paraîtra résider dans l’impassibilité maintenue du poète, qui sut ne ternir d’aucune phrase cordiale la rationalité de ses plus longues œuvres. […] Sur le fond ténébreux d’une demeure somptueuse et muette, se profilent les traits pâles de l’incestueux l’époux de Morella, croyant reconnaître en sa fille l’âme transfuse de celle qu’il n’avait su aimer vivante ; la lutte folle de Ligéia contre la mort, la douleur somnolente de son amant et sa fantastique rêverie dans la longue nuit, où il crut voir la forme immatérielle de la décédée se glisser dans le corps tiède de lady Rowena ; Roderick Usher, peureux d’avoir peur, les mains nues, la voix trémulante, dardant de tous côtés son regard trop aigu, égaré par la délicatesse de ses sens, l’esprit sursautant, vacillant et défaillant, au point de succomber dans un spasme d’effroi, en cette mystérieuse nuit, dont la description demeure inoubliable.

580. (1772) Éloge de Racine pp. -

Nous avons à fournir une tâche plus longue et plus pénible. […] Corneille, s’élevant tout à coup au dessus des déclamateurs barbares qui n’avaient encore pris aux grecs que la règle des trois unités, jeta le premier de longs sillons de lumière dans la nuit qui couvrait la France. […] Il semble qu’il ait à se venger d’une surprise faite à son jugement, ou d’une injure faite à son amour-propre ; et le génie a tout le temps d’expier par de longs outrages ce moment de gloire et de triomphe que ne peut lui refuser l’humanité qu’il subjugue en se montrant. […] Quant au mérite personnel, la différence des époques peut le rapprocher malgré la différence des ouvrages ; et si l’imagination veut s’amuser à chercher des titres de préférence pour l’un ou pour l’autre, que l’on examine lequel vaut le mieux d’avoir été le premier génie qui ait brillé après la longue nuit des siècles barbares, ou d’avoir été le plus beau génie du siècle le plus éclairé de tous les siècles. […] La colonne de ce siècle, celle sur laquelle il s’appuyait en regardant avec assurance le siècle précédent, ne peut pas toujours résister aux années ; celui qui pendant quarante ans rendit à Racine une si éclatante justice, parce qu’il était le seul qui pût ne le pas craindre, ce grand tragique qui à ce titre sera seul mis dans la balance avec Racine, et que tant de titres de gloire, que lui seul a réunis, mettront d’ailleurs hors de toute comparaison ; cet homme à qui l’on refusa si long-temps sa place, parce qu’il mettait les autres à la leur, et qui n’a dû qu’à ses longues années cet avantage que n’eut pas Racine, de se voir enfin à son rang ; Voltaire préside encore au goût et aux beaux arts.

581. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Sa longue enfance, pendant laquelle il sert de lien à deux êtres, et qui lui est si nécessaire pour se développer graduellement, cette longue enfance, disons-nous, annonce déjà l’intention du Créateur. […] Si la longue enfance de l’homme prouve la nécessité pour lui de naître dans la famille, et, par conséquent, dans la société, la brièveté de sa vie prouve avec non moins de force la nécessité où il est de consacrer à l’état social le peu de jours qu’il passe sur la terre. Les livres saints disent que la vie de l’homme fut, au berceau du monde, plus longue, et que depuis elle a été accourcie : je ne cite ici les livres saints que comme dépositaires des traditions antiques. […] Il faut d’abord supposer que les hommes ont subsisté, pendant un assez long espace de temps, privés du bienfait d’un langage organisé : ce furent de simples interjections, des cris, des onomatopées ; les signes des mains, l’expression de la figure, aidaient à l’intelligence de ces émissions de la voix.

582. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

La politique de Gui Patin n’est pas plus longue que cela : c’est celle de la Fronde honnête, parlementaire, et surtout bourgeoise, qui n’a jamais regardé dans sa propre coulisse et qui a borné à sa rue son horizon. […] Il y a du plaisir avec lui, disait Gui Patin, parce qu’il est le plus savant de longue robe qui soit en France. — Il sait les poètes grecs par cœur, Plutarque, Cicéron et Tacite, qui ne sont pas des mauvais originaux. […] Qu’il suffise à l’honneur de Gui Patin d’avoir attaché son nom comme signe et comme étiquette caractéristique à une longue époque intermédiaire. […] Dans les lettres à Spon, publiées plus tard, on retrouve quelques-unes des mêmes lettres plus au complet, plus longues, et en général beaucoup plus farcies de latin.

583. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Mais auparavant il y avait une longue période et plus d’une journée encore à traverser. […] Sieyès ne fut pas long, du reste, à comprendre que son rôle était accompli, que le chef d’État idéal qu’il avait cherché à faire asseoir théoriquement au haut de sa pyramide était trouvé, debout, vivant, en action, investi de puissance et de gloire, et que le moment pour lui était venu d’abdiquer. […] — Il n’est pas un homme de quelque mérite qui ne préférât, près de Bonaparte, l’emploi qui occupe sous ses yeux à la grandeur qui en éloigne, et qui, pour prix d’un long et pénible travail, ne se sentît mieux récompensé par un travail nouveau que par le plus honorable loisir.  […] Lebrun est un homme du premier mérite, Cretet est un homme de troisième ligne. » (Suit un long interrogatoire très précis sur Lebrun ; ce qu’il était, quelles places il a occupées avant la Révolution ; quel rôle depuis ; ce qu’il a fait comme homme de lettres ; sa réputation.

584. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Sa réputation eût fort gagné à une telle œuvre, et s’y fût assise dès l’abord ; car ce qui manque surtout à Bonstetten dans cette longue vie intellectuelle répandue sur tant de surfaces diverses, c’est un ensemble, c’est un centre ; il n’a pas de quartier général où l’on se rallie. […] Sa longue expérience des choses et des hommes ne l’avait pas saturé ni surchargé, mais seulement excité et mis en goût : il avait « de cette alacrité, de cette gaieté qui, en donnant du prix à toute chose, nous fait chérir les hommes non seulement comme frères, mais comme objets d’étude, dépensée, de jouissance ». […] Les pertes mêmes qu’une vie si longue le condamnait à subir lui causaient de cuisantes, non pas de profondes blessures. […] — Je vous ai écrit une longue lettre que j’ai déchirée.

585. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Jamais a-t-on mieux parlé de cette ville heureuse, ou rien de chagrin, de jaloux, de rigide et d’austère s’affligeait le regard et ne mortifiait la joie du voisin ; où l’on jouissait rien qu’à y vivre, à y respirer, à s’y promener, et où la seule beauté des bâtiments et des constructions, la beauté du jour et certain air de fête secouaient loin de l’esprit la tristesse72 ; où l’on aimait le beau avec simplicité et la philosophie sans mollesse, où la richesse était à propos et sans faste, où le courage n’était pas aveugle (comme celui du Mars fougueux), mais éclairé et sachant ses raisons (comme il sied à la cité de Minerve) ; véritable Athènes selon l’idéal de Périclès, sa création et son œuvre à lui, l’école de la Grèce (Ελλάδος Ελλάς Αθήναι), telle qu’il l’avait faite durant les longues années de sa domination personnelle et puissamment persuasive : car on a dans Périclès le type le plus noble et le plus brillant du chef populaire, d’un dictateur de démocratie par raison éloquente, par talent et persuasion continue. […] Ce sentiment de premier contentement, où il y a, avant tout, de l’espérance et où le découragement n’entre pas, où l’on se dit qu’on a devant soi une époque plus longue que soi, plus forte que soi, une époque protectrice et juge, qu’on a un beau champ à une carrière, à un développement honnête et glorieux en plein soleil, voilà ce qui donne le premier fonds sur lequel s’élèvent ensuite, palais et temples réguliers, les œuvres harmonieuses. […] Il s’y remue sans cesse quelque chose à vue d’œil ; il s’y perce, comme dans nos vieilles villes, de longues et nouvelles perspectives qui changent les aspects les plus connus. […] La meilleure manière, non seulement de sentir, mais de faire valoir les belles œuvres, c’est de ne point avoir de parti pris, de se laisser faire chaque fois en les lisant, en en parlant ; d’oublier s’il se peut, qu’on les possède de longue main, et de recommencer avec elles comme si on ne les connaissait que d’aujourd’hui.

586. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

En 1836, il lui semblait que le Gouvernement avait gagné et que la station serait assez longue ; il récrivait à un de ses amis d’Angleterre, M.  […] Il n’y a que le long drame de la Révolution française qui puisse fournir cette époque. […] Nous ne sommes d’ailleurs pas au bout de cette sorte de confession intellectuelle, la plus curieuse et la plus détaillée que je connaisse : « A cette première manière d’envisager le sujet, poursuis l’auteur, en a succédé dans mon esprit une autre que voici : il ne s’agirait plus d’un long ouvrage, mais d’un livre assez court, un volume peut-être ; je ne ferais plus, à proprement parler, l’histoire de l’Empire, mais un ensemble de réflexions et de jugements sur cette histoire ; j’indiquerais les faits sans doute et j’en suivrais le fil, mais ma principale affaire ne serait pas de les raconter ; j’aurais, surtout, à faire comprendre les principaux, à faire voir les causes diverses qui en sont sorties ; comment l’Empire est venu, comment il a pu s’établir au milieu de la société créée par la Révolution ; quels ont été les moyens dont il s’est servi ; quelle était la nature vraie de l’homme qui l’a fondé ; ce qui a fait son succès, ce qui a fait ses revers ; l’influence passagère et l’influence durable qu’il a exercée sur les destinées du monde, et en particulier sur celles de la France. […] Sous cette république passagère qui fut forcée de tirer en juin sur les plus gros de ses bataillons et qui répudia bientôt ses chefs modérés dans la personne de Cavaignac, qu’arriva-t-il durant ces longs et interminables mois de réaction ?

587. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Sans bien se rendre compte, elle ne se sentait pas de force à être l’obligée d’un grand seigneur, fût-il le plus homme de bien ; l’humble et digne plébéienne n’aurait pas supporté qu’on pût dire d’elle ce que le monde malin disait d’un autre littérateur assez distingué et le plus long de taille que j’aie connu, qu’on avait surnommé en ce temps-là « le pauvre de M. de Montmorency ». […] Quand elle n’eut plus à exhorter les autres, à les réchauffer et les réconforter de ses espérances, quand elle ne fut plus qu’en face d’elle-même, toutes illusions dépouillées, toutes réalités éprouvées et épuisées jusqu’à la lie, dans les longs mois qui précédèrent sa mort, elle entra dans un grand silence. — Enfin n’oublions pas, en la lisant, qu’un poète n’est pas nécessairement un physicien ni un philosophe ( fortunatus et ille deos qui novit agrestes ), et qu’aussi, derrière toutes les charmantes visions auxquelles s’attachaient son imagination et son cœur, — ce cœur resté enfant à tant d’égards, — il y avait chez la femme bien de la fermeté et un grand courage. […] Je veux avant tout t’épargner l’inquiétude qu’un silence plus long te causerait, sachant bien que ton cœur s’en rapporte au mien de l’empressement que je mettrai à partager avec toi le premier rayon bienfaisant que la Vierge m’enverra. […] On consacre tous les jours de longues pages aux hommes soi-disant de puissance et d’action qui, bien souvent gouvernés eux-mêmes, passent pour avoir gouverné le monde, à ceux qui ont traité et souvent trafiqué des nations : pourquoi regarderait-on à quelques pages de plus ou de moins, quand il s’agit de ces êtres d’élite qui ont habité et véritablement régné dans la sphère spirituelle, dans le monde du cœur, et qui n’ont cessé toute leur vie de cultiver et de cueillir la fleur des meilleurs sentiments ; êtres innocents et brisés, mais qui parlent par leurs blessures et qui apprennent ou rappellent de douces choses, — ou des choses amères, exprimées avec douceur, — aux hommes leurs semblables ?

588. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Elle dure deux siècles, depuis Malherbe et Balzac jusqu’à Delille et M. de Fontanes ; pendant cette période si longue, nulle intelligence, sauf deux ou trois, et encore dans des mémoires secrets comme Saint-Simon, dans des lettres familières comme le marquis et le bailli de Mirabeau, n’ose et ne peut se soustraire à son empire. […] Un jour, à l’Académie, Gresset, dans un discours, en osa lâcher cinq ou six359 : il s’agissait, je crois, de voitures et de coiffures ; des murmures éclatèrent ; pendant sa longue retraite, il était devenu provincial et avait perdu le ton  Par degrés, on en vient à ne plus composer le discours que « d’expressions générales ». […] Regardez dans Homère, puis dans Fénelon, l’île de Calypso : l’île rocheuse, sauvage, où nichent les mouettes et les autres oiseaux de mer aux longues ailes », devient dans la belle prose française un parc quelconque arrangé « pour le plaisir des yeux ». […] I.) — « Ces longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m’avaient donné occasion de m’imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s’entresuivent de même. » (Descartes, Discours de la méthode, I, 142.) — Au dix-septième siècle, on construit a priori avec des idées, au dix-huitième siècle avec des sensations, mais toujours par le même procédé, qui est celui des mathématiques et qui s’étale tout entier dans l’Éthique de Spinosa.

589. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Ne prenons pas le change sur le cadre ou sur le ton : tant d’énumérations moralisées ou satiriques que nous rencontrons, ne sont qu’une forme originale de littérature réaliste, dont le caractère essentiel est de réveiller chez l’auditeur la sensation des réalités qui lui sont prochaines : et comme cette littérature s’adresse à des imaginations vierges, non blasées encore, ni réfractaires par un trop long usage à l’action suggestive des mots, les noms soûls des choses, sans descriptions, sans épithètes, sans tout le mécanisme compliqué du style intense, les noms tout secs sont puissants : le poète se contente d’appeler, pour ainsi dire, chaque objet, aussi le voilà présent, en sa concrète et naturelle image, aux esprits de ceux qui l’entendent. […] L’auteur s’essaye parfois à conduire une période, à étendre un lieu commun : on en trouvera un exemple dans le portrait de la vieillesse, cette longue tirade sur le temps, avec ses six reprises du sujet de la phrase, à intervalles de plus en plus rapprochés. […] Enfin la nature même, comme de toute raison, de tout droit, de tout bien, est l’unique principe de toute beauté : Jean de Meung n’est pas grand esthéticien, n’entre pas en long propos sur le beau. […] La démonstration devient une scène de comédie, une longue, puissante et comique apostrophe du jaloux à la femme qu’il a par folie épousée : le caractère dramatique se dégage du type abstrait et allégorique, par l’abondance des nuances, des traits particuliers, finement inventés et vigoureusement expressifs.

590. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Songez donc qu’à moins d’un mensonge sacrilège, qui ne doit guère se rencontrer, tout prêtre, quelles qu’aient pu être ensuite ses faiblesses, a accompli, le jour où il s’est couché tout de son long au pied de l’évêque qui le consacrait, la plus entière immolation de soi que l’on puisse imaginer ; qu’il s’est élevé, à cette heure-là, au plus haut degré de dignité morale, et qu’il a été proprement un héros, ne fût-ce qu’un instant. […] Ne dites pas que j’en cherche un peu long. […] Au grand séminaire, la séquestration morale se complète : les pratiques pieuses, toujours plus nombreuses et plus longues, pétrissent l’âme, lentement et invinciblement. […] Après une longue lutte contre les moines et contre un évêque qui les soutient par peur, il est lui-même porté à l’épiscopat par la révolution de 1848.

591. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

La race, épuisée par une longue période de bien-être et les holocaustes répétés, les coupes sombres des guerres et des révolutions antérieures, se montrera moins sensible aux maléfices. […] Écoutons jaser la brise et rêvons : Va, l’étreinte jalouse et le spasme obsesseur Ne valent pas un long baiser même qui mente. […] Ne vous inquiétez pas de ce long baiser. […] Mais elle est Daniel sous ses longs voiles blancs.

592. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

. — Non, me dit-il,-c’est du sang de ces coquins… Et jusque dans cette satirique Histoire des Gaules, il nous le représente ainsi : Le prince Tiridate (le Grand Condé) avait les yeux vifs, le nez aquilin et serré, les joues creuses et décharnées, la forme du visage longue, et la physionomie d’une aigle 34 les cheveux frisés, les dents mal rangées et malpropres ; l’air négligé, et peu de soin de sa personne, la taille belle. […] Pour peindre la comtesse de Fiesque, par exemple, il dira : « Elle avait les yeux bruns et brillants, le nez bien fait, la bouche agréable et de belle couleur, le teint blanc et uni, la forme du visage longue : il n’y avait eu qu’elle au monde qui s’était embellie d’un menton pointu. » Ce n’est qu’un rien, mais remarquez-vous comme cela est dit ? […] Elle a les cheveux noirs, longs et épais. […] La correspondance que Bussy entretint pendant son long exil avec un nombre assez considérable d’amis, hommes et femmes, restés pour lui attentionnés et fidèles, a du prix pour l’histoire du temps, et il ne lui manque, pour être tout à fait intéressante, que de trouver un éditeur, un Walckenaer ou un Monmerqué qui en répare le texte, y restitue, s’il est possible, bien des noms propres marqués par de simples et impatientantes étoiles, et qui donne des éclaircissements sur les personnages.

593. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

L’onde, pour la toucher, à longs flots s’entre-pousse ; Et d’une égale ardeur chaque flot à son tour S’en vient baiser les pieds de la mère d’Amour. […] Vous savez que cela a été imité ensuite dans un poème dont je ne veux pas dire le nom et que, par conséquent, vous reconnaîtrez tout de suite, dans un long poème de Voltaire. […] En vérité ses Contes (vous n’êtes pas forcés de le savoir, mais moi je suis forcé de le dire), les Contes, comparés aux Fables, sont un peu lents, un peu longs, d’une trame un peu lâche. […] …………………………………… Et il est même un peu long, l’avant-récit.

594. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Les feuilletonistes ont, presque tous, un sens exact du mouvement dramatique ; une science de l’horrible et du terrifiant ; une adresse à démêler les écheveaux ; une habileté à laisser pour morts, sur le champ de bataille de l’action, des héros qui ressuscitent pour de longues destinées ; un doigté dans l’usage du point de suspension ; une fidélité au type honorable des bonnes mères, des petites ouvrières laborieuses et des amours éternelles, qui ne sont pas des qualités si méprisables qu’on le croit. […] C’est l’enfance, l’âge mûr, parfois l’existence entière du héros qui passe sous nos yeux, longues périodes où il y a des chances pour que chaque lecteur reconnaisse quelque trait de sa propre histoire. […] Ils retournaient vers les sables qui commencent à une demi-journée de là, et, en longue file, tous égaux d’apparence, séparés des voisins par le même intervalle, ils chantaient. […] Je ne sais quel serment d’amour vibrait dans la longue cantilène qu’ils psalmodiaient ensemble.

595. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Renart, insistant sur le cousinage : « Souviens-toi de Chanteclin, lui dit-il, le bon père qui t’engendra : Jamais Coq si bien ne chanta ; Telle voix eut et si clair ton Que d’une lieue l’entendait-on, Et chantait fort à longue haleine Les deux yeux clos et la voix saine ; D’une grand lieue on l’entendait Quand il chantait et refrainait. » Ce que Renart veut obtenir cette fois, c’est que le Coq ferme les deux yeux en chantant ; c’est, selon lui, la seule bonne méthode. […] Son vêtement sera mi-parti, à droite d’hospitalier, et de templier à gauche ; à gauche il aura la barbe longue, il sera rasé à droite, et il les gouvernera les uns et les autres. […] Ce que le trouvère n’a pas cherché, mais ce qui ne laisse pas de frapper encore et d’émouvoir, le combat continuant, c’est le contraste du lieu riant et frais et de la mêlée si lourde et si sanglante : « Dedans un très beau pré, sur une douce pente, à mi-voie de Josselin et du château de Ploërmel, au chêne que l’on appelle de la mi-voie, le long d’une geneslaie qui était verte et belle… » Il y a là un sentiment comme involontaire de nature, un souvenir circonstancié de la terre de la patrie, qui ajoute à l’effet simple et grandiose. — Si le poète y a pensé, ce n’est pas pour y voir un contraste, mais plutôt pour y noter un accord entre cette belle nature chérie et ce beau fait d’armes glorieux : son patriotisme marie tout cela.

596. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Cet écrivain si regrettable, enlevé en 1846 à l’âge de quarante-sept ans, au moment où la renommée venait le couronner et où une sympathie universelle le récompensait de son long effort, avait laissé d’autres récits d’excursions encore que ceux que M.  […] Un paysagiste est « non pas un copiste, mais un interprète ; non pas un habile diseur qui décrit de point en point et qui raconte tout au long, mais un véritable poète qui sent, qui concentre, qui résume et qui chante ». […] Au xviie  siècle donc, il y eut la grande et originale école de paysagistes qui rendirent tour à tour la beauté italienne dans ses splendeurs et son élégante majesté, et la nature rustique du Nord dans ses tranquilles verdures, ses rangées d’arbres le long d’un canal, ses chaumines à l’entrée d’un bois, en un mot dans la variété de ses grâces paisibles, agrestes et touchantes.

597. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Disons-le sans détour, l’abbé Prévost, reparaissant à Hesdin sous forme de marbre et couronné de la main de ses compatriotes, ce n’est pas seulement l’homme célèbre qui est salué avec respect, c’est à la fois moins et plus, et c’est mieux : c’est l’Enfant prodigue, qui, après une longue absence et après avoir longtemps fait parler de soi en bien des sens, illustré par ses erreurs mêmes et par cette sorte de magie qu’il n’est donné qu’au génie d’y répandre, a terminé son temps d’exil, et qui revient plus aimé, plus embrassé de tous, fêté même et pardonné par les plus sévères. […] La rue de l’Empereur (ainsi nommée de l’empereur Charles-Quint), dans laquelle est située la maison natale, était toute pavoisée et ornée de guirlandes de fleurs et de verdure en long et en travers, de sorte que les façades des maisons en étaient très élégamment décorées, et que l’on circulait sous une espèce de berceau réellement très joli. […] Après un long exil de sept ans, rentré en France en 1735, retiré quelque temps, pour la forme, à l’abbaye de La Croix-Saint-Leufroy au diocèse d’Évreux, chez l’abbé de Machault, où il voyait bonne compagnie, et d’où il correspondait avec Thieriot et avec l’abbé Le Blanc, qui lui donnaient des nouvelles littéraires ; ayant achevé sa courte pénitence spirituelle à Gaillon ; puis devenu l’hôte et l’aumônier commode et tout honoraire du prince de Conti, l’abbé Prévost, quoique souvent aux expédients jusque sous le toit d’un prince, vivait toutefois d’une existence relativement heureuse au prix de son ancienne vie errante, lorsqu’au commencement de 1741, un service de correction de feuilles, qu’il rendit imprudemment à un nouvelliste satirique, l’obligea de quitter de nouveau Paris et le royaume.

598. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Il le sera encore plus lorsqu’au lieu de la traduction de Du Cange, trop longue et traînante, on en aura fait une plus courte et plus nette qui, mise en regard du texte, en sera l’exact équivalent et permettra de lire à la fois et presque indifféremment l’original et la transcription plus moderne. […] À l’époque où Commynes, le seigneur d’Argenton comme on l’appelle, connu pour sa prudence éprouvée et par la longue confiance de Louis XI, est envoyé à Venise, à ce poste d’honneur de la diplomatie, pour y lutter de finesse avec les rusés Vénitiens, avec ce gouvernement qu’il admire et dont il nous définit si bien le génie, de grands changements s’étaient accomplis depuis le temps de Henri Dandolo : toute trace de démocratie, comme aussi toute velléité de monarchie, y avait disparu ; le doge, toujours honoré comme un roi, ne pouvait plus guère rien par lui-même ; le patriciat et les Conseils étaient tout. […] Ceux qui sont curieux d’apprécier et de mesurer le progrès de la langue, et surtout de la politique, durant trois siècles, peuvent faire au long cette comparaison des deux ambassades de Commynes et de Villehardouin.

599. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

J’avais au fond de mon cœur un je ne sais quoi qui ne m’a jamais laissé douter un seul moment que tôt ou tard je parviendrais à devenir Impératrice souveraine de Russie, de mon chef. » Elle aimait plus tard à le répéter, et son orgueil se vengeait et, pour ainsi dire, se justifiait ainsi de tant de longues humiliations subies et dévorées en silence : « En entrant en Russie, je m’étais dit : Je régnerai seule ici. […] Elle lisait beaucoup dès lors et s’instruisait dans les longues heures solitaires que lui laissait la représentation. […] Je me souviens qu’un jour, à une de ces mascarades publiques, ayant appris que tout le monde se faisait faire des habits neufs, et les plus beaux du monde, désespérant de pouvoir surpasser les autres femmes, je m’avisai de mettre un corps couvert de gros de Tours blanc (j’avais alors la taille très-fine), une jupe de même sur un très-petit panier ; je fis accommoder mes cheveux de derrière la tète, qui étaient fort longs, très-épais et fort beaux ; je les fis nouer avec un ruban blanc en queue de renard ; je mis sur mes cheveux une seule rose avec son bouton et ses feuilles, qui imitait le naturel à pouvoir s’y tromper, une autre je l’attachai à mont corset ; je mis au cou une fraise de gaze fort blanche, des manchettes et un tablier de la même gaze, et je m’en allai au bal.

600. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Il a fallu réserver pour le tome XIII le général Jomini qui fut le dernier travail de longue haleine publié par M.  […] …   « Tout à vous, « Sainte-Beuve. » Et le lendemain (31 décembre), il expliquait plus au long les motifs de sa retraite, dans une nouvelle lettre à M.  […] « Les affaires de la presse et celles de l’esprit ont été tellement conduites dans ces dernières années, que lorsqu’un écrivain dévoué à l’Empire veut insérer désormais quelque part un assez long travail littéraire, il ne trouve d’autre Revue que des Revues d’opposition.

601. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Sur le blanc de l’oreiller, sa pauvre tête est renversée, avec l’ombre portée de son profil amaigri et de sa longue moustache projetée par les lueurs d’une bougie mourante, luttant avec le jour. […] … 9 heures : Dans ses yeux troubles, tout à coup une éclaircie souriante avec le long appuiement sur moi d’un regard diffus et comme s’enfonçant lentement dans le lointain… Je touche ses mains, c’est du marbre mouillé… 9 heures 40 minutes : Il meurt, il vient de mourir. […] Le jeu de scène maintenant classique à l’Académie nationale de musique en lequel, au final de la Walkyrie, Wotan fascine de son regard impérieux et sévère Brünhild épuisée avant de l’ensevelir d’un baiser dans une hypnose flamboyante, puis reculant pas à pas, appelle d’un très long regard le sommeil punisseur ; ce jeu de scène, disons-nous, est exact, cohérent, d’une vérité de technique surprenante, mais apocryphe.

602. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Théorie de la fable poétique A quoi suis-je arrivé par cette longue analyse ? […] Mais il se déroulera uniforme, décoloré, avec un abandon enfantin, comme une longue complainte ; ce sera le bruit régulier, sourd, incessant et doux d’une eau molle et terne où nulle image ne se reflète, où toute lumière s’éteint, où tout mouvement s’alanguit, qui s’attarde en longs détours, et à qui l’on s’abandonne immobile et presque endormi. — L’auteur s’effacera comme les personnages.

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