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1078. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Les lecteurs même qui ne voudraient pas remonter bien haut, ni se jeter dans la curiosité érudite, ceux qui ne voudraient se composer qu’une petite bibliothèque française toute moderne ne sauraient se dispenser d’y admettre et Montaigne et Commynes. […] Louis XI, on ne sait trop comment, et par excès de confiance en sa supériorité de finesse, s’était venu mettre au pouvoir de Charles ; le renard s’était jeté sous les griffes du lion.

1079. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Le commentaire est dans le ton sans doute, mais pourquoi ne serait-il pas aussi dans une parenthèse rapide, jetée en courant, qui n’interrompt rien et qui accélère l’intelligence ? […] C’est ainsi que, par le simple choix des morceaux et avec deux mots d’indication à peine jetés dans l’intervalle, on ferait un cours de littérature pratique et en action.

1080. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Par exemple, dans l’éloge du grand physicien Duhamel, en annonçant qu’il va le considérer d’abord comme agriculteur, l’orateur biographe nous dira que « les premières fleurs qu’il jettera sur le tombeau de M.  […] Les événements politiques qui remplissaient alors la France de joie et d’enthousiasme avaient jeté beaucoup de sombre sur la petite société d’Auteuil, qui représentait les hommes de la veille, les républicains probes et mécontents.

1081. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Sa mère qui, veuve d’un riche procureur au Parlement, voulait qu’il devînt un avocat célèbre, lui voyant de l’aversion pour ses cahiers, les jetait elle-même au feu, et lui donnait des romans à lire. […] Je m’en suis ouvert au Rapin et au Bouhours, qui s’y jettent à corps perdu.

1082. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

On sait les vers de La Fontaine, sa touchante et immortelle élégie en faveur d’Oronte, toute semée de vers délicieux ; Voilà le précipice où l’ont enfin jeté Les attraits enchanteurs de la prospérité ! […] Il sembla tout d’abord y justifier le vœu de sa respectable et sainte mère, laquelle ne voyait dans les grandeurs du surintendant qu’une occasion de fautes et de chutes, et qui, en apprenant son arrestation à Nantes, se jeta à genoux en s’écriant : « C’est à présent, mon Dieu, que j’espère du salut de mon fils ! 

1083. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

En parlant de lui, il faut se garder d’être systématique, car lui-même il ne l’était pas : ce n’a été qu’un homme de grand naturel, jeté, porté et parfois noyé dans les flots de son siècle et surnageant dans bien des courants. […] Toutes les scènes où il met en cause Mme Goëzman, tête légère, assez jolie femme, qu’on retournait par un compliment, qu’on jetait hors d’elle par une vérité, et qui présentait dans toute sa conduite un mélange de coquinerie, d’impudence et d’innocence, sont des scènes parfaites de comédie.

1084. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Je jetai d’abord la vue sur les agitations de ma vie passée, les desseins sans exécution, les résolutions sans suite et les entreprises sans succès. […] Regnard, pour attacher sa vie et jeter plus sûrement cette ancre dont il a parlé et qui devait le retenir doucement au rivage, avait acheté la charge de lieutenant des eaux et forêts et des chasses de Dourdan, à onze lieues de Paris, et en même temps il acheta, dans le voisinage de cette petite ville, la terre de Grillon, dont le château est situé dans un vallon agréable entre deux forêts.

1085. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Gaiffe avait élu domicile sur un divan, où il demeurait des après-midi, couché et somnolent, ne se réveillant que pour jeter des interjections troublantes dans la phraséologie vertueuse du père Venet. […] La colère fit trembler nos voix quand on nous demanda nos noms, que nous jetâmes avec un timbre frémissant comme à un tribunal de sang.

1086. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Mais la pierre jetée aux génies est une loi, et tous y passent. […] On approcha l’orifice du sac de l’ouverture du trou, et l’on jeta ces os dans cette ombre.

1087. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Sur ce premier point, je fais observer d’abord que, parmi les faits cités, il en est qui n’ont absolument rien de particulier : « Montesquieu, dit-on, jetait les bases de l’Esprit des lois au fond d’une chaise de poste. » Qu’y a-t-il là d’extraordinaire ? […] Que l’on jette les yeux sur les hommes les plus célèbres de notre époque.

1088. (1912) Le vers libre pp. 5-41

» Mais l’historien qui vingt ans après jette un coup d’œil d’ensemble, qui fait rentrer dans ses catégories les uns et les autres, les Hugo et les Nisard, les Flaubert et les Pinard, les Berlioz et les Fétis, les Manet et les Albert Wolff, l’historien constate que les mouvements nouveaux furent moins nouveaux, moins artistes qu’ils ne le parurent, que presque toujours ils restent en route. […] C’est ce qu’on nous a parfois reproché en nous disant que nous manquions de carrure, que nous n’appuyions pas assez, mais quand on nous accordait la carrure (que nous savions obtenir aussi) on nous jetait à la tête la monotonie de nos moyens, et si c’était trop étrange, on se rattrapait en nous rejetant à la tête les rythmes boiteux.

1089. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Un peuple léger, frondeur, impatient, sans prévoyance de ce que peut produire une démarche inconsidérée ; un peuple passionné, toujours disposé à vivre dans le présent, et à ne pas tenir compte des circonstances antérieures qui ont pu influer sur la conduite des hommes soumis à son éloge ou à sa critique ; un peuple enfin qui, avec un sentiment très vif de la justice, peut être si souvent entraîné à l’injustice par la violence et la spontanéité de ses passions, ou même par l’ascendant de ses caprices ; qui, avec le tact le plus exquis de la mesure et des convenances, est trop souvent jeté hors de toute mesure et de toute convenance par je ne sais quel besoin de plaisanterie, je ne sais quel attrait de frivolité : un tel peuple devrait plus qu’aucun autre être contenu dans les voies de la décence et de la modération, car il est toujours près d’en sortir. […] Je n’ignore point qu’il y a une véritable appréciation à faire du système de l’égalité ; et que même cette appréciation a été faite par de fort bons esprits ; mais il n’en est pas moins vrai que ce système, proclamé sans précaution, a jeté dans bien des erreurs, et que les conséquences rigoureuses qu’on en a tirées ont produit bien des crimes.

1090. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Si le père de Chasles, si peu soucieux des talents futurs de son fils, l’avait jeté aux Enfants-Trouvés comme Rousseau y jeta les siens, je ne doute pas que Philarète ne fût sorti des mains de la pauvre sœur de Saint-Vincent de Paul qui l’aurait ramassé et qui lui aurait appris son catéchisme, avec des rayons de plus dans la tête, avec ces rayons qui sont les plus beaux et qui lui ont toujours manqué !

1091. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Ce moment fut affreux, et, quand vers le matin je me jetai épuisé sur mon lit, il me sembla sentir ma première vie, si riante et si pleine, s’éteindre, et derrière moi s’en ouvrir une autre sombre et dépeuplée, où désormais j’allais vivre seul, seul avec ma fatale pensée qui venait de m’y exiler et que j’étais tenté de maudire. […] Il s’attardait en chemin, il tentait diverses voies, il jetait vingt fois les yeux autour de lui, il n’avançait que par zigzags.

1092. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

J’ai vu un mathématicien qui donnait ses leçons, tête baissée, sans rien dire, occupé à jeter de petits morceaux de craie par la fenêtre. […] On voit que la contraction des fibres musculaires pousse l’aliment vers le pylore, lui fait suivre la petite courbure, le jette dans la grande, et le ramène au pylore, où le cercle recommence.

1093. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Bien avant le grand éclat, la colère publique grondait sourdement et s’amassait pour la révolte ; des prêtres étaient hués dans les rues ou jetés dans le ruisseau ; des femmes refusaient de recevoir l’hostie consacrée par une main qu’elles appelaient immonde337. […] Alors William jeta tout droit son psautier dans la main de son frère, qui dit : William, pense à la sainte Passion du Christ, et n’aie pas peur de la mort. —  Et William répondit : Je n’ai pas peur. —  Puis il leva ses mains vers le ciel, et dit : Seigneur ! […] Plusieurs femmes conduisaient son cheval, d’autres jetaient devant lui des mouchoirs et des écharpes, chantant : Saint, Saint, Seigneur Dieu. […] Celui que tout le monde a flatté, toi seule tu l’as jeté hors du monde et méprisé. […] Les gens du lieu le chargent de coups, le jettent en prison, le condamnent comme traître et révolté, brûlent son compagnon Fidèle.

1094. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

La haine est une opinion, et les injures, et les mots qui jettent l’infamie ; le succès est un fait. […] Le courant nous jetait vers la sœur de la déesse ; il nous en éloigne, car elle est moins belle ! […] Il se jeta à la macération par terreur de l’enfer. […] Et comment a-t-on osé jeter le ridicule sur une opinion aussi saine formulée en un langage si simple et si sûr ? […] Les femmes se jetaient sur lui, le consultant sur leurs affaires, leurs migraines, l’avenir de leur dernier-né.

1095. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Je me dis que tout en lapidant chacun jette une pierre qui élève d’autant le piédestal sur lequel se hissera un médiocre ouvrage. […] En sa qualité d’étranger, il n’a qu’un devoir : employer son temps et jeter son argent. […] Que ton étole soit à ton cou comme la meule au cou de Babylone jetée dans l’étang de soufre !  […] « Il jette des cris désespérés dans les profondeurs. […] « La mer, c’est l’inexorable nuit sociale où la pénalité jette ses damnés.

1096. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

Ce que la volonté, la détermination d’un homme de tête et de cœur, aux instants les plus critiques, si cet homme est le point de mire de tous, peut jeter d’imprévu dans la balance des événements, est incalculable.

1097. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Pour nous qui y sommes moins obligés, grâce à notre éloignement, nous disons franchement que ce livre, que l’on concevait si simple et si austère, est devenu, par manque de sérieux et par négligence, un véritable bric-à-brac ; l’auteur jette tout, brouille tout, et vide toutes ses armoires.

1098. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Il jette les yeux sur sa coupe, et le voilà qui se met à en célébrer les élégantes ciselures.

1099. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Les luttes de la civilisation avec la nature, surtout celles du droit et de la liberté contre l’oppression et la force, sont venues jeter sur ces tableaux de jeunesse des teintes non moins variées que vives.

1100. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Au lieu de payer les dettes de Léopold, c’est elle maintenant qui le fait jeter en prison.

1101. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Ainsi la danse d’Orient nous envahit, et c’est pourquoi je ne crains pas de jeter ici le cri d’alarme, non en moraliste (je sens trop mon indignité), mais en brave Occidental et en honnête Arya que je suis.

1102. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Philosophie du costume contemporain » pp. 154-161

Sans compter les manches à gigot qui amincissent encore la taille, ou les hauts talons faits pour jeter le buste en avant et pour imposer aux mouvements du corps une gêne qui révèle mieux les formes.

1103. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

Ce meurtre enveloppé, invisible, et qui ne saurait être confondu avec l’infanticide proprement dit, si quelque pauvre servante l’a commis dans un accès de désespoir et de demi-folie et parce qu’elle n’avait à choisir qu’entre cela et être jetée sur le pavé pour y mourir de faim… il ne la faut point absoudre sans doute, mais comme il faut avoir pitié d’elle, et comme il faut se demander quelle part de responsabilité revient, dans son crime, à la dureté de notre état social !

1104. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

  « Un soir, il rentra chez lui un livre sous le bras, — un livre vêtu de jaune et d’un aspect inoffensif ; et quand il eut regagné son cinquième étage, allumé sa lampe à pétrole, il s’étendit dans son fauteuil de cuir, jeta un coup d’œil satisfait sur l’ameublement d’acajou de sa chambre et, prenant un coupe-papier, celui qu’il appelait familièrement : “dit des bonnes lectures”, il se mit à lire, et lut : À Rebours.

1105. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Nous nous jetâmes, dit-elle, dans des subtilités ou nous n’entendions plus rien  ; et madame de Sévigné se rit avec madame de Grignan de cette échappée.

1106. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Les personnes qui voudront bien jeter un coup d’œil sur ce livre ne s’en feraient pas une idée précise, si elles y voyaient autre chose qu’un commencement.

1107. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Ces faits, ainsi qu’on le verra dans les derniers chapitres de cet ouvrage, semblent jeter quelque lumière sur l’origine des espèces, « ce mystère des mystères », ainsi que l’a appelé l’un de nos plus grands philosophes.

1108. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Examen du clair-obscur » pp. 34-38

Il est des lointains où les formes de ces objets n’étant plus sensibles, il est ridicule de les y jeter, puisqu’on ne met un objet sur la toile que pour le faire apercevoir et distinguer tel.

1109. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

Nous avons même pû voir un cocher, qui ne sçavoit pas lire, faire des vers, très-mauvais à la verité, mais qui ne laissent pas de prouver que la moindre étincelle du feu poëtique le plus grossier, ne sçauroit être si bien couverte, qu’elle ne jette quelque lueur.

1110. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — I. Takisé, Le taureau de la vieille »

Si tu ne nous fais de suite griller « ces graines de sésame, nous allons te tuer « et nous jetterons ton corps dans la fosse « des cabinets. » Takisé, effrayée par cette menace, s’approche du feu pour faire griller les graines de sésame dans un canari, et, à mesure qu’elle en surveillait la torréfaction, son corps fondait comme beurre au soleil et se transformait en une graisse fluide qui donna naissance à un grand fleuve.

1111. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Si nous interrogeons notre conscience, nous lui devons ce témoignage, et, fût-il apporté par le plus humble, je n’en vois pas qui puisse faire un son plus beau parmi tant de paroles qu’on va jeter sur son cercueil.‌

1112. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Le sentiment d’une existence manquée, d’une jeunesse perdue le harcèle, et le jette tour à tour dans l’étude et dans les projets. […] Notre jeune Ange de sept ans tressaille et nous jette des fleurs. […] Et cependant, dit Paris, j’ai balayé le nom de mon juge, et je l’ai jeté à vos petits. […] Quinet a jeté une chance de plus pour la prose poétique dans le défi qu’elle soutient depuis un temps contre la langue des vers. […] Mais n’est-ce pas se jeter dans des difficultés beaucoup plus grandes que celles qu’on évite ?

1113. (1930) Le roman français pp. 1-197

… Remarquez en passant que c’est Balzac qui a jeté dans notre littérature le type, devenu poncif, du médecin profond et désintéressé, matérialiste et athée. […] On conçoit alors fort bien que Zola se soit jeté, avec la violence et la décision que l’on sait, dans l’affaire Dreyfus. […] La neuvaine s’achève, le mari ne vient pas, la jeune fille jette le saint par la fenêtre. […] Voilà qu’il jette son croissant parce qu’il a touché le lit. […] C’est ainsi que l’ingénuité de sa foi jette l’auteur à des témérités que je suis loin de lui reprocher.

1114. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Mais il jette par-ci par-là des paroles si savantes sur la race chevaline, que M.  […] Dumas, elle se jeta dans ses bras ou à ses pieds, lui disant, avec ce que le rôle et l’exaltation lui avaient laissé d’entraînement : Ah ! […] Le dandy anversois n’avait pas inventé ce procédé pour toucher une belle ou pour lui jeter de l’éclat aux yeux ; on m’a affirmé que M.  […] À nous, il faut la preuve en main, les génies inédits ne sont pas notre fait ; la contrefaçon c’est le thermomètre de ces valeurs littéraires, qui brillent ici et qui ne jettent que la plus légère lueur là-bas. […] Voilà un duc qui porte un des plus beaux noms de l’Empire, qui a eu pour parrain l’empereur Napoléon, qui s’appelle aussi Napoléon, et qui jette un pareil nom au parterre de l’Ambigu-Comique ou de quelque autre bouge des boulevards du peuple !

1115. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

C’est qu’en effet, lorsqu’il jeta dans le monde ce nouveau héros, Don Juan, rien n’était prêt pour le recevoir. […] C’est ainsi que d’un chêne centenaire, l’honneur des forêts, les fabricants d’allumettes vous fabriquent toutes sortes de petits morceaux de bois soufrés qui jetteront, chacun de son côté, sa petite lueur d’un instant. — Non, certes, toute la traduction de Thomas Corneille, ce n’est plus là le Don Juan amoureux, intrépide, grand seigneur, foulant d’un pied hardi et dédaigneux toutes les lois divines et humaines ; non, certes, ce n’est plus le hardi sceptique qui brise l’autel du dieu, ne pouvant pas renverser le trône du roi. […] Puis, madame de La Vallière, entendant le roi qui monte, se jette entre les bras de la supérieure du couvent des Carmélites. […] Ces pages chrétiennes exhalent les angoisses et les douleurs de cette âme en peine, et l’on se sent plus attendri, voyant cette illustre personne hésiter, que si elle se jetait, comme on nous la montre au théâtre, au beau milieu de l’abîme, la tête la première ! […] — L’amour se croit offensé si le chagrin jette ses ombres sur le cœur qu’il cherche à remplir d’un soleil sans nuages. » Et un peu plus bas ce roi gentilhomme, si plein de tact et de goût, s’oubliait jusqu’à dire à mademoiselle de La Vallière : — « Madame, ai-je mérité le muet reproche de votre chagrin ?

1116. (1908) Jean Racine pp. 1-325

La malédiction jetée à la chair a dramatisé l’amour. […] Mais quelle lumière cela jette sur le futur théâtre de Racine ! […] Hermione, au quatrième acte, lui jette ses exploits à la face. […] Et elle jette son terrible : « Sortez !  […] Sur quoi, Hippolyte vient supplier Phèdre d’épargner Aricie, et se jette à ses genoux.

1117. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Et Dolôn jeta aussitôt sur ses épaules un arc recourbé, se couvrit de la peau d’un loup, prit une lance. […] A son front orné de deux croissants, à sa barbe antique et limoneuse, vous le prendriez pour le dieu du fleuve, qui jette un œil satisfait sur la grandeur de ses ondes et la sauvage abondance de ses rives. […] La face couverte d’un voile et en secouant des flambeaux, il avait jeté un coq noir sur un feu de sandaraques, devant le poitrail du Sphinx, le père de la Terreur. […] De même que le poisson qui est jeté, par le souffle furieux de Boréas, dans les algues du bord, et que l’eau noire ressaisit ; de même Euryalos frappé bondit. […] J’en vis pleurer un, d’autres se jetèrent à genoux en priant Dieu.

1118. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Il s’est jeté dans la littérature polémique, a écrit dans la Minerve, s’est essayé au théâtre.

1119. (1874) Premiers lundis. Tome II « Étienne Jay. Réception à l’Académie française. »

Mais est-ce une raison de méconnaître les nobles efforts qui se tentent, et de jeter la pierre aux œuvres infatigables par lesquelles des esprits puissants essaient de surmonter la décadence qui nous presse ?

1120. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

Le fier et laconique billet de François Ier, défait et pris à Pavie : « Tout est perdu, fors l’honneur », a été laborieusement extrait d’une lettre peu héroïque du roi par un historien qui a voulu jeter un peu de gloire sur la honte de la monarchie française.

1121. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

Rêve de justice et de bonheur universel, amour des faibles et des opprimés, malédiction jetée à une société pourrie ; extase prophétique, pitié, colère, révolte, ce ne sont qu’attitudes généreuses (certes !)

1122. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

L’autre, italien, était arrivé au plus haut point de culture, et jetait le plus vif éclat.

1123. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Les arrivants étaient salués d’une petite rumeur d’attention et de leur nom jeté à haute voix.

1124. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Suivant cette doctrine, la bienséance ne serait qu’un voile bon à jeter sur le dérèglement des mœurs, ou tout au plus un palliatif de l’incontinence générale.

1125. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

. — Quelques jours après, Dion était égorgé par ses soldats révoltés, son fils se jetait du haut d’un toit et mourait, sa femme et son nouveau-né périssaient en mer.

1126. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

Ils sont mal formés ; on n’a pas tenu compte, en les transposant, des modifications spontanées que la prononciation leur aurait fait subir si le peuple les avait connus et parlés ; on les jeta brutalement dans la langue, sans écouter aucun des conseils de l’analogie et on infesta ainsi le français de la finale action, qui peu à peu a détruit le pouvoir de aison, finale normale, moins lourde et plus définitive.

1127. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Cette idée très-philosophique, jetée dans le discours que La Fontaine prête à la lime, fait beaucoup d’effet, parce qu’elle est entièrement inattendue.

1128. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Temple, renverse-toi ; cèdres, jetez des flammes.

1129. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

Nous répudions ces bonshommes de rhétorique zoliste, ces silhouettes énormes, surhumaines et biscornues, dénuées de complication, jetées brutalement, en masses lourdes, dans des milieux aperçus au hasard des portières d’express.

1130. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

En un mot que la mémoire de nos grands hommes ne soit pas la proie banale de l’ignorant ou du mauvais qui vient jeter dessus son jour, sa passion, son manque de principes, son ignorance ou sa haine !

1131. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Mais à peine sortie de la chambre, elle revient sur ses pas et se jette de nouveau sur le lit, et s’y jette encore… » Nous aimons, dans sa hardiesse, ce mouvement si naturel, et nous aimons les pleurs où se noie l’héroïsme d’Alceste. […] Quand Mme Chrémès apprend la chose, elle jette les hauts cris : « Quelle indignité ! […] Elle dit à Jeanne-Marie : « Il y a trop de douleur chez nous à présent : n’y rentre plus. » Et l’autre continue à jeter sa longue lamentation : « Yves ! […] Georges de Porto-Riche a jeté des broderies éclatantes et féroces. […] » Vanina, toujours masquée, lui jette son gant au visage : « Tiens, lâche ! 

1132. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Mais, depuis le jour où ce navigateur, cherchant la route des Indes, rencontra un continent imprévu, les flibustiers, les économistes, les poètes et les psychologues se sont jetés sur le nouveau monde. […] Cette disgrâce le jeta dans un désespoir sombre. […] Au furtif regard qu’elle jeta de mon côté, deux larges yeux de pâle azur illuminèrent sa maigre figure. […] Leur brillant génie ne jette qu’un éclat froid et mort, comme une neige illuminée par un soleil d’hiver. […] Le jour où elles désespèrent de l’atteindre, elles se jettent dans les sociétés de tempérance ou dans les entreprises de réforme sociale.

1133. (1894) Critique de combat

Madame, pour achever de s’anoblir, se jette à la tête d’un jeune prince italien. […] Cela met au cœur de folles envies de rire, de crier, de courir, de se jeter en pleine nature, comme dans les bras d’une amoureuse. […] Tous deux vont de compagnie se jeter dans un abîme. […] Et voici que le masque est jeté ! […] voilà qui ne semble pas trop d’accord avec la formule tranchante jetée en tête du volume !

1134. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Il n’était pas de ceux qui, voyant un ver dans un fruit, le jettent pour en prendre un autre. […] Qui sait si l’homme supérieur n’est pas l’homme d’intelligence qui peut, en une de ses phases, se jeter joyeusement dans la bêtise et y faire figure ? […] Cette vie violente jette des effluves dont la radiation augmente singulièrement notre activité nerveuse. […] Jeter un voile impénétrable sur… — Neuville. […] Etc. — De quelle distance les sorts peuvent être jetés ?

1135. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Dans le premier trouble où me jetait sa perte, je n’avais pas vu, à côté de moi, un de mes secours naturels, un petit-fils que me cachaient des travaux d’une autre sorte que ceux de Person. […] On ne fouille les cendres des pères que pour les jeter au visage des fils. […] * L’esprit d’opposition est une gourme que jettent les hommes destinés à gouverner, et que gardent jusqu’à la fin ceux qui ne savent ni commander ni obéir. […] A l’embarras de choisir n’allez pas ajouter celui où vous jetterait un engagement prématuré. […] Là, comparant la largeur du détroit avec l’immense espace que couvraient ses armées, il délibéra lequel le mènerait plus vite à l’autre rive, ou de jeter un pont sur la mer, ou de la faire boire par ses soldats.

1136. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

La douce perfidie et la ruse subtile            Auraient conduit mes jeux Dans les jardins secrets où l’ardeur juvénile           Jette un soupir joyeux. […] La poétesse repartira encore vers des pays mystérieux, mais c’est, à chaque retour, en ce petit port de Normandie où elle est née qu’elle jettera l’ancre. […] Marie Dauguet, et c’est ce que sa poésie nous apporte de plus nouveau, nous fait entrevoir la possibilité d’une volupté nouvelle : la volupté des odeurs, goûtée savamment, écoutée, ressentie comme une musique : Parfums, ne laissez pas, ainsi que la musique, Notre chair et notre âme immensément déçues ; Elle doit exister cette joie frénétique Que vous nous désignez, si vaguement perçue ; Jetez-la sur nos cœurs soulevés, sanglotants, Dans cette heure électrique et par l’éclair hantée ; Et fallût-il mourir après l’avoir goûtée, Je ne me défends pas… je suis là… et j’attends. […] Mon sein pour respirer doit soulever un mur ; La lune, en haut, blêmit dans son carcan d’azur ; En surgissant le vent s’étrangle sous la porte La nuit jette au soleil son ténébreux lasso ; Le ciel serre le monde en son énorme étau Et le sol est glacé comme de la peau morte. […] Il y a, dans cette poésie féminine, une frénésie de vibration, un désir de se jeter dans tous les calices et de se poudrer de pollens, qui est beau à regarder, dans le soleil.

1137. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Un roi offensé jette sa canne par la fenêtre, pour ne pas frapper l’audacieux et s’abaisser jusqu’à lui. […] Le chien romain est un grossier esclave, goinfre et vil, qui ne voit dans son métier que les profits de son ventre, trop heureux d’attraper « les morceaux que lui jettent les esclaves et les ragoûts dont personne ne veut. » Le chien français est plus délicat ; ses aubaines sont « des os de poulet et de pigeon, sans parler de mainte caresse. » Il ne décrit pas longuement sa servitude comme fait l’autre. […] Tartufe aussi se nourrissait bien, « buvant à son déjeuner quatre grands coups de vin, et mangeant fort dévotement deux perdrix avec une moitié de gigot en hachis » ; il avait le teint fleuri et l’oreille rouge ; tous deux avaient profité du métier, et, quand on voit Grippeminaud jeter si prestement la patte sur les plaideurs et « les mettre d’accord en croquant l’un et l’autre », on juge qu’il est digne de son confrère. […] 86 Ils se jetteraient volontiers dans son bec, et s’y jettent en effet.

1138. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Il n’y avait plus que deux situations possibles, la servitude ou la révolte, et c’est ainsi qu’on vit tous ceux pour qui la servitude était insupportable, se jeter dans la révolte, et tel qui se serait soumis au roi, prendre les armes contre le premier ministre. […] Ses discours les plus communs n’étaient jamais dépourvus d’une naturelle et sensible majesté. » On sait par cœur ces vers du Tartufe : D’un fin discernement sa grande âme pourvue Sur les choses toujours jette une droite vue. […] Quand il fallut rompre avec la nièce du cardinal Mazarin, Marie Mancini, il faisait pitié à la reine sa mère, par la profonde tristesse où l’avait jeté, disait celle-ci, la perte de ce qu’il aimait. […] Les troubles civils, en faisant peser sur tout le monde la nécessité d’attaquer ou de se défendre, avaient jeté, pour ainsi dire, chacun hors de sa mesure et de sa vérité. […] La foi et les lettres doivent à cette conduite de Louis XIV les beaux travaux de l’épiscopat de Bossuet : ces prédications, ces exhortations appropriées aux auditoires les plus différents, à des enfants, à des religieuses, aux gens du monde ; ces lettres spirituelles, où la lumière qu’il jette sur les inquiétudes et les troubles obscurs de la vie dévote éclairent tant de circonstances de la vie mondaine ; deux chefs-d’œuvre d’éloquence et d’onction chrétiennes, les Elévations sur les mystères, et les Méditations sur l’Évangile.

1139. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Jetez les yeux avec moi sur le privilège donné en 1672 à Lully pour tenir académie royale de musique. […] Un jour, M. le directeur des Beaux-Arts passe dans la rue Richelieu, jette, par hasard, les yeux sur l’affiche du Théâtre-Français, et lit ces mots : CINNA, Tragédie en cinq actes et en vers, de Racine. […] Vous vous le rappelez, mon ami ; car c’est un des beaux plaidoyers qui aient été faits en faveur de l’humanité ; c’est une des plus vives lueurs jetées sur cette question tant ressassée depuis, de la moralisation des bagnes. […] Hugo dit aux canons des Invalides : le fondeur a jeté dans le moule dont vous êtes sortis, l’étain, le cuivre et l’oubli du vaincu. […] Il fallait qu’en filant du monde littéraire dans le monde politique, la pauvre étoile jetât un dernier reflet.

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