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910. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Certes, si cette poésie est venue d’un esprit d’homme, c’est d’un esprit transformé par la grâce divine, comme, à la descente du Sinaï, le visage de Moïse était encore resplendissant de la lumière qu’il avait vue. […] À cette expression de la paix et de l’allégresse des âmes, à cette sérénité naïve qui va si bien aux accents de la poésie chantante, le Psalmiste mêle souvent une élévation paisible qui nous rappelle ce que la Grèce a montré, ce qu’elle a aimé et ce qu’elle désigne par ce nom d’Olympien réservé pour un de ses orateurs : le calme dans la force, la majesté imposante avec grâce. […] Si donc, lecteur qui parcourez ces pages par une étude de spéculation et de goût, vous ne voulez jamais oublier le côté sérieux des arts, ce qui touche à l’énergie de l’âme, à la passion du devoir et du sacrifice, à la liberté morale, même pour bien juger les grâces et la puissance du lyrisme hellénique, vous aimerez à réfléchir sur une beauté plus sévère : vous contemplerez cette originalité plus étrangère, plus lointaine pour nous, et cependant incorporée dans notre culte religieux et partout présente, que nous apporte la poésie des prophètes hébreux, de ces prophètes nommés par le Christ à côté de la loi, dont ils étaient, en effet, l’interprétation éclatante et figurée.

911. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Lorsque Ulysse, après avoir tiré vengeance des prétendants et avoir reconquis son palais, veut se faire reconnaître de Pénélope, l’intendante Eurynome le met au bain et le parfume ; puis, au sortir de là, Minerve le revêt de toute sa beauté première et même d’un éclat tout nouveau ; elle le fait paraître plus grand de taille, plus puissant encore d’attitude ; elle répand autour de sa tête, par boucles épaisses, sa chevelure semblable à une fleur d’hyacinthe : « Et comme lorsqu’un artiste habile, que Vulcain et Minerve ont instruit dans la variété de leurs arts, verse l’or autour de l’argent et accomplit ses œuvres gracieuses, ainsi elle verse la grâce autour de la tête et des épaules du héros, et il sort du bain tout pareil de corps aux Immortels… » Certes l’habile critique Aristarque, si bien enseigné qu’il fût par Minerve, n’en a pas tant fait pour son poëte ; il n’a pas ajouté la couche d’or, il n’a pas rehaussé l’Homère qui lui était transmis ; mais il l’a lavé de ses taches, il lui a enlevé la rouille injurieuse des âges et a dissimulé sans doute quelque cicatrice ; il l’a fait, en un mot, sortir du bain avec toute sa chevelure auguste et odorante, ambrosiæque comæ : c’est tel à jamais que nous le reconnaissons. […] car il en est du sujet d’Homère dans son ensemble comme de ces comparaisons même, si libres et si vastes, qu’il affectionne ; il suffit qu’elles marchent et qu’elles se dessinent par une partie essentielle ; le reste suit avec un certain désordre qui est le cortége de la grandeur ou de la grâce.

912. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Grâce à des remplacements, nous avons pu penser les propriétés abstraites des individus. Grâce à des séries de remplacements superposés, nous pouvons nommer et partant penser certaines propriétés abstraites particulières aux groupes, propriétés que la limitation naturelle de notre imagination et de notre mémoire semblait nous empêcher pour toujours de penser, c’est-à-dire de nommer.

913. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Philarète Chasles C’était la plus étonnante créature de Dieu, la plus instinctive, la moins apte à conduire les affaires ou à juger les hommes, la mieux douée pour s’élever, planer, ne pas même savoir qu’il planait, tomber dans un abîme et un gouffre de fautes, sans avoir conscience d’être tombé ; sans vanité, car il se croyait et se voyait au-dessus de tout ; sans orgueil, car il ne doutait nullement de sa divinité et y nageait librement, naturellement ; sans principes, car, étant Dieu, il renfermait tous les principes en lui-même ; sans le moindre sentiment ridicule, car il pardonnait à tout le monde et sc pardonnait à lui-même ; un vrai miracle, une essence plutôt qu’un homme ; une étoile plutôt qu’un drapeau ; un arome plutôt qu’un poète, né pour faire couler en beaux discours, en beaux vers, même en actes charitables, en hardis essors, en spontanées tentatives, les trésors les plus faciles, les plus abondants d’éloquence, d’intelligence, de lyrisme, de formes heureuses, quoique trop fluides ; de grâces inépuisables, non pas efféminées, mais manquant de concentration, de sol et de virilité réfléchie. […] L’épithète, chez lui, faite de grâce on d’éclat, sans rigide précision, semblait jetée négligemment sur le nom comme une parure légère ou somptueuse flottant au vent de l’inspiration.

914. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Voilà ce qui donna du charme à sa beauté, de la grâce et de la vie à son esprit éminemment sage et éclairé, et une puissance infinie à sa conversation. […] À sa beauté elle joignait la grâce qui faisait passer dans ses traits, dans ses mouvements, dans sa parole quelque chose de l’âme la plus douce, la plus sensible, et de l’esprit le plus sage et le plus délié.

915. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

M. de Lamartine, dont la disposition habituelle est plutôt le contentement et la sérénité, rentre bien vite dans le vrai de sa nature, lorsqu’il nous peint sa libre et facile enfance, sa croissance heureuse sous la plus tendre et la plus distinguée des mères : « Dieu m’a fait la grâce de naître dans une de ces familles de prédilection qui sont comme un sanctuaire de piété… Si j’avais à renaître sur cette terre, c’est encore là que je voudrais renaître. » Il aurait bien tort, en effet, et il serait bien injuste s’il croyait avoir à se plaindre du sort à ses débuts dans la vie. […] Il nous expose lui-même avec complaisance toutes les qualités et les grâces dont il était revêtu.

916. (1761) Apologie de l’étude

Ne peut-on pas même espérer que leurs ouvrages, dispersés dans la foule des autres livres, obtiendront grâce pour le reste, comme autrefois un patriarche demandait grâce pour une ville coupable en faveur de quelques justes ?

917. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

La science n’a pas coutume d’avoir tant d’aisance, ni la psychologie tant de grâce ; et ce qui ajoute à leur prix, c’est qu’elles ne font point sortir le public du terrain où il a coutume de se tenir ; elles semblent le complément d’un cours de langue ou de littérature ; l’auteur décompose une fable de La Fontaine pour faire le catalogue des opérations de l’esprit ; une phrase de Buffon, pour prouver que tout raisonnement est un composé de propositions identiques. […] S’il en est ainsi, l’idéologie est notre philosophie classique ; elle a la même portée et les mêmes limites que notre talent littéraire ; elle est la théorie dont notre littérature fut la pratique ; elle en fait partie puisqu’elle la couronne, et l’on peindrait en abrégé son dernier défenseur, en disant qu’avec les grâces aimables, la politesse exquise et la malice délicate de l’ancienne société française, il conserva la vraie méthode de l’esprit français.

918. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de mademoiselle Bertin sur la reine Marie-Antoinette »

Il y a aussi peu d’importance, quoique plus de grâce, dans son récit de la Bohémienne.

919. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

L’auteur, par  quelques lignes pleines de grâce et de fine malice, a raison de se rendre à lui-même, en finissant, ce témoignage que dans sa tâche, plus méritoire pourtant qu’il ne veut bien le dire, il a réussi comme il l’entendait ; en se livrant, non sans complaisance, aux douceurs presque paternelles de la propriété, il aura servi d’une manière durable la littérature.

920. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blémont, Émile (1839-1927) »

Émile Blémont et Léon Valade est une très joyeuse et très littéraire farce, qui amuse par la bouffonnerie des incidents et charme par la grâce et l’inattendu du style.

921. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hervilly, Ernest d’ (1839-1911) »

Ses vers ont du sens et de la grâce.

922. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montesquiou, Robert de (1855-1921) »

Parurent ensuite : Le Chef des odeurs suaves, « poème dont les fleurs et les parfums groupés en symboles forment le sujet varié », Le Parcours du rêve au souvenir, « multiples feuillets recueillis au long des voyages du poète », Les Hortensias bleus, « modulations alternativement fortes et délicates », Les Perles rouges, 93 sonnets sur Versailles, qui font revivre, en lui gardant la grâce de sa vieillesse surannée, le grand siècle aboli.

923. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Le bonheur m’aveugla, la mort m’a détrompé ; Je pardonne à la main par qui Dieu m’a frappé : J’étois maître en ces lieux, seul j’y commande encore, Seul je puis faire grâce, et la fais à Zamore.

924. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Grâce à cette faculté caméléonesque, que, de tous les penseurs dans l’art et dans l’humanité, Shakespeare eut au degré le plus incomparable, et que Walter Scott, son descendant en ligne directe, et Gœthe, son descendant en ligne collatérale, eurent tous les deux après lui, l’auteur du Prométhée put singer puissamment la vie de cette société morte, dont les beaux Vampires de la Renaissance avaient tari le cadavre de leurs lèvres brillantes et enivrées.

925. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

Les jeunes esclaves des amants de Pénélope, avec leur beauté, leurs grâces et leurs blondes chevelures, nous sont représentés tels que les recherche la délicatesse moderne. — 8.

926. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre I. Objet de ce livre. — Retour de l’âge divin » pp. 357-361

Nous montrerons en même temps comment le Tout-Puissant a fait servir les conseils de sa Providence, qui dirigeaient la marche des sociétés, aux décrets ineffables de sa grâce.

927. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Nous aurions presque à vous demander grâce pour l’austérité de cette leçon. […] L’amour spontané a la grâce naïve de l’ignorance et du bonheur. […] Ici, l’horrible et le hideux s’unissent au sublime ; là, l’élégance et la grâce sont séparées de la grandeur et de la force. […] Grâce à Dieu, le burin de Pesne les a sauvés de notre ingratitude et de notre barbarie. […] On s’accorde à reconnaître Mignard pour un de nos meilleurs peintres de portraits : la grâce, quelquefois un peu raffinée, se joint en lui au sentiment.

928. (1876) Romanciers contemporains

Grâce à une surexcitation fébrile incessante et à une imagination sans cesse enflammée, il mettait par tout sa marque de fabrique, c’est-à-dire la verve dans le dialogue, la vivacité dans le récit, un entrain merveilleux dans la mise en scène. […] Les philhellènes eux-mêmes auraient pu trouver matière à se consoler en goûtant des beautés et des grâces de style dont ils avaient le droit de faire remonter l’origine première à la patrie de la grâce et de la beauté. […] Le lecteur lassé, ahuri, épouvanté, demande grâce. […] Dans le Mot de l’énigme, a dit un éminent critique24, ce ne sont pas les coups de la passion, mais bien les coups de la Grâce qui dénouent les situations. […] Grâce à lui nous comptons un Edgar Poë français, mais un Edgar Poë réglé, agrandi, et heureusement conduit des voies scientifiques dans les voies littéraires.

929. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Aussi en dépit du nouvel esprit qui allait chasser de notre poésie toutes ces fausses grâces, la société polie résista-t-elle longtemps. […] Par exemple, à qui croit-on qu’il écrive ceci : « Votre sujétion est si noble et si glorieuse, que les Muses mêmes et les Grâces voudraient faire ce que vous faites ?  […] Il se mêla d’une affaire qui déplaisait à son maître, et il perdit les bonnes grâces du prince, qui le frappa, dit-on, avec des pincettes. […] Bien loin d’être une comédie, à peine est-ce une farce, surtout pour qui se rappelle la gaieté fine et les grâces naïves de la Farce de Patelin. […] C’est grâce, sans doute à un comédien de beaucoup de verve, et de gaieté, Poisson, qui en jouait le principal rôle.

930. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Nullement : c’est la nécessité où il est de perdre l’honneur ou sa maîtresse ; c’est la difficulté d’obtenir sa grâce de Chimène, dont il a tué le père. […] Alceste finit par demander en grâce qu’on daigne au moins prendre quelques soins pour le tromper. […] C’est…De grâce, achevez… D. […] C’est… De grâce, achevez…Le père de Chimène. […] Il doit avoir de la grâce ; mais il abhorre l’élégance étudiée.

931. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Ce qui, avant tout, fait le charme de Racine, c’est l’harmonie du vers, la plénitude, la grâce et la pureté du style. […] Janin n’a jamais été qu’un homme de style, doué d’une opulente imagination de détail, d’un mouvement plein de grâce et d’une verve intarissable. […] Chez Émile Deschamps, la langue est déjà transformée, le vers a déjà perdu sa roideur, et s’est imprégné de la grâce et de l’onction germaniques. […] quelle grâce ! […] Pour la grâce, la facilité, l’harmonie et la simplicité de la forme, on a rarement vu plus de ressemblance entre deux poètes.

932. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

grâce pour ces fêtes qu’aima notre enfance !  […] Grâce ! […] Grâce ! […] Grâce ! […] Grâce !

933. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLI » pp. 167-171

Aimable pays après tout que celui de France, où un simple homme de lettres qui ne peut rien, qui n’est rien, tient tant de place, et où se déclare si spontanément l’hommage de tous pour l’esprit, pour le talent et la grâce !

934. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

Dans les années qui suivirent Marie Stuart, on essaya encore, mais sans succès auprès du public ; le Cid d’Andalousie du même auteur n’obtenait point grâce.

935. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIII » pp. 332-336

— On vient de recueillir dans la Bibliothèque Charpentier les œuvres de Théophile Gautier ; son volume de vers, qui en contient un assez grand nombre d’inédits, aura un certain succès auprès de ceux à qui la grâce de la fantaisie et la vivacité de la couleur suffisen On peut citer comme une élégie d’un paganisme très-nu, mais très-gracieux (le genre admis), son Premier rayon de mai.

936. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

C’est un recueil d’observations morales faites sous ce point de vue ; et elles ont, sinon le mérite de la méthode, du moins la grâce du laisser-aller, et quelque chose de ce charme qu’on trouve aux souvenirs mêmes d’autrui.

937. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — II »

Madame de Genlis détestait tant ces derniers qu’elle ne voulait ni les voir, ni les lire ; Helvétius avait fait un livre infâme ; d’Alembert avait la figure ignoble ; Marmontel lui-même, malgré ses Contes moraux, La Harpe, malgré ses flatteuses épîtres, ne trouvaient point grâce auprès d’elle ; et, quant à Jean-Jacques, hors le Devin de village, elle n’en connaissait pas encore une seule ligne à trente ans.

938. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Daudet, Alphonse (1840-1897) »

La bouche voluptueuse, songeuse, empourprée de sang, la barbe douce et enfantine, l’abondante chevelure brune, l’oreille petite et délicate, concourent à un ensemble fièrement viril, malgré la grâce féminine.

939. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Judith (1845-1917) »

Délicieusement conté, plutôt qu’il n’est écrit, avec toute la grâce et la gracilité d’un poète japonais qui serait un peintre délicat, ce roman atteste une fois de plus l’exclusive prédilection de Judith Gautier pour le prestigieux et immémorial Orient.

940. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Theuriet, André (1833-1907) »

Il y a chez Theuriet quelque chose qui rappelle la sincérité émue et la grâce attendrie d’Hégésippe Moreau dans la Fermière.

941. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IV. Suite des précédents. — Julie d’Étange. Clémentine. »

Mon ami, je suis trop heureuse, le bonheur m’ennuie… ……………………………………………………………………………………………… Ne trouvant donc rien ici-bas qui lui suffise, mon âme avide cherche ailleurs de quoi la remplir ; en s’élevant à la source du sentiment et de l’être, elle y perd sa sécheresse et sa langueur : elle y renaît, elle s’y ranime, elle y trouve un nouveau ressort, elle y puise une nouvelle vie ; elle y prend une autre existence, qui ne tient point aux passions du corps, ou plutôt elle n’est plus en moi-même, elle est toute dans l’être immense qu’elle contemple ; et, dégagée un moment de ses entraves, elle se console d’y rentrer, par cet essai d’un état plus sublime qu’elle espère être un jour le sien… ……………………………………………………………………………………………… En songeant à tous les bienfaits de la Providence, j’ai honte d’être sensible à de si faibles chagrins, et d’oublier de si grandes grâces… ……………………………………………………………………………………………… Quand la tristesse m’y suit malgré moi (dans son oratoire), quelques pleurs versés devant celui qui console, soulagent mon cœur à l’instant.

942. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vien » pp. 202-205

C’est l’élégance des formes, la grâce, l’ingénuité, l’innocence, la délicatesse, la simplicité, et tout cela joint à la pureté du dessin, à la belle couleur, à la mollesse et à la vérité des chairs.

943. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Law »

Ce qui fut la grâce française manque à notre chute.

944. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

Grâces au génie d’Eschyle, la tragédie antique fit place à la tragédie moyenne, et les chœurs de satyre aux chœurs d’hommes.

945. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Lentement après mille peines, et par les soins de Pandarus, il obtient un aveu, et dans cet aveu quelle grâce délicieuse ! […] « Oui, mon cœur, dit-elle, grâces soient rendues à Cupidon » ; Et là-dessus elle soupira péniblement. […] la grâce est extrême ici ; nulle grossièreté. […] Il se lève courtoisement et va la saluer de grande affection. « Il la presse dans ses bras bien étroitement et doucement la baise, et gazouille comme un moineau avec ses lèvres. » Puis de son ton le plus bénin, avec des inflexions de voix caressantes, il la complimente. « Grâces soient rendues à Dieu qui vous a donné l’âme et la vie, je n’ai point vu aujourd’hui à l’église de si belle femme que vous, Dieu me sauve !  […] Sans doute, de loin en loin, il y a en lui quelque reste de brillant, quelque grâce.

946. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Cette coquetterie de costume, qu’on aurait pu prendre pour une affectation, n’était qu’un pieux sentiment filial, une relique vivante qui se renouvelait sur sa tête, et qui donnait à sa physionomie pensive et souriante quelque chose de la pudeur, de la grâce et de l’abandon de la femme. […] Les rudes fatigues et la guerre de l’émigration, qui lui avaient infligé leurs traces et qui l’avaient courbé en deux avant l’âge, n’enlevaient rien, non plus que la modicité de ses ressources, à la bonté, à l’enjouement, à la grâce de son humeur. […] Des diamants nombreux rayonnent avec grâce Sur ses pieds délicats qu’un cercle d’or embrasse ; Mollement entourés d’anneaux mystérieux, Ses bras et tous ses doigts éblouissent les yeux. […] je sais ce qui monte à la tête de votre seigneur et maître : c’est une querelle avec les ouvriers de sa fabrique. — Ils viennent de lui envoyer, de Norton à Londres, une députation pour demander la grâce d’un de leurs compagnons. […] grâce pour lui.

947. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Nous mettrons le frein à la bouche d’un cheval fougueux, quand nous réprimerons en nous les plaisirs. » Pareillement, on retrouve une idée chrétienne, celle de la grâce, dans toutes les morales mystiques. […] Une justice plus clémente, un Dieu plus tendre à la faiblesse humaine y accorde aux élus la grâce des réprouvés. […] Grâce donc aux « progrès de la science », on n’a pas plutôt construit un cuirassé de premier rang qu’il entre, comme l’on dit, « en catégorie de réserve » et, en voilà pour des millions ! Grâce aux « progrès de la science », on n’a pas plutôt adopté un modèle de fusil, qu’il est bon à reléguer dans nos musées d’artillerie ; et en voilà pour des dizaines de millions ! […] Dans son Abrégé de l’histoire de France, écrit pour le Dauphin, et en partie par le Dauphin lui-même, dont Bossuet se contentait parfois de corriger la « rédaction d’histoire, voici comment il est parlé de la Saint-Barthélemy : « Pour imprimer davantage la conspiration dans les esprits, on rendit à Dieu des actions de grâces publiques sur la prétendue découverte.

948. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Et ce n’est point là quelque fade raillerie ; et la mauvaise humeur y prend de la grâce. […] C’est une infériorité et une grâce de plus. […] Stendhal sait goûter les grâces de la Méditerranée. […] Avec quelle grâce touchante le triste cyprès balance sa cime sur les tombes ! […] Il est noble sans grâce.

949. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Tout homme qui aime une heureuse oisiveté, qui au milieu des guerres civiles ne sait où est la patrie, au milieu des disputes où est la vérité ; qui est prudent, réservé, franc toutefois, parce qu’il s’estime, cet homme sera Montaigne, c’est-à-dire un indifférent que Solon eût condamné, mais dont nous aimons, nous, la douceur, la grâce et la prudence. » La Bryère n’y est pas moins justement saisi, et on y peut noter un train finesse pénétranté : « La Bruyère avait un génie élevé et véhément, une âme forte et profonde. […] Il y a dans la première touche de la jeunesse, quand elle réussit, une grâce, une fraîcheur, une félicité, qui pourra se conserver ensuite plus ou moins légère, se ménager jusque sous des qualités plus fortes, mais que rien désormais n’égalera. […] Grâce à cet abaissement, de nouveaux arbres montraient leurs têtes ; des coteaux inaperçus tout à l’heure présentaient leurs cimes grises ou verdoyantes. […] Thiers à l’entreprendre, et qui, le voyant ensuite si bien attaquer l’œuvre, y renonça lui-même avec une parfaite bonne grâce. […] « Nous ne pouvons plus avoir, dit-il, cette grandeur tout à la fois sublime et naïve qui appartenait à Bossuet et à Pascal, et qui appartenait autant à leur siècle qu’à eux ; nous ne pouvons plus même avoir cette finesse, cette grâce, ce naturel exquis de Voltaire.

950. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Le jeune auteur, en concluant, adressait à la religion une espèce d’hymne, une vraie prière d’action de grâces, et ceci fait trop de contraste à ce que nous verrons plus tard pour ne pas être ici relevé : « Religion très-aimable, s’écriait-il, il est doux pourtant de pouvoir terminer en parlant de toi un travail qui a été entrepris en vue de faire quelque bien à ceux qui recueillent tes bienfaits de chaque jour ; il est doux de pouvoir, d’une âme ferme et assurée, conclure qu’il n’est point vraiment philosophe celui qui ne te suit ni ne te respecte, et que te respecter et te suivre, c’est être par là même assez philosophe. […] Il serait trop extraordinaire pourtant que celui dont on admirera tout à l’heure le génie mâle et la pureté sévère n’eût pris d’abord l’antiquité que par ce côté des rhéteurs, des sophistes ou même des écrivains ecclésiastiques et qu’il eût négligé précisément les chefs-d’œuvre de grandeur et de grâce qu’elle nous a légués. […]  — Quant au passage décisif et qui concerne sa profession de foi, il se rattache de près à la pièce lyrique qui peut sembler la plus belle du poëte, et qu’on dirait avoir été composée à la suite de cette lettre irritée : je veux parler de son chant intitulé l’Amour et la Mort, dans lequel le ton le plus mâle s’unit à la grâce la plus exquise. […] Même l’homme du peuple, et le moindre garçon A qui certes jamais Zénon ne fit leçon, Même la jeune fille, humble enfant qui s’ignore, Qui se sentait dresser les cheveux hier encore Au seul mot de mourir, tout d’un coup enhardis, Ils vont oser régler ces apprêts si maudits, Méditer longuement, d’un œil plein de constance, Le poison ou le fer, leur unique assistance ; Et dans un cœur inculte, et du reste ignorant, La grâce de la mort à la fin se comprend : Tant cette grâce est vraie, et tant la discipline De l’amour vers la mort doucement nous incline !

951. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Il faut donc que le héros de cette lutte impossible combatte avec insouciance, succombe avec bonne grâce, et, au même instant, se relève le sourire sur les lèvres, montrant par là qu’il n’a lutté que pour rire. […] Shakespeare ne met pas un mauvais sujet sur la scène, sans l’enrichir généreusement de toutes les grâces de l’imagination poétique, de la raison solide et de l’esprit. […] Avec quelle aimable et charmante ironie ne parle-t-il pas de sa bonne mine, de sa vertu, de sa grâce, de son courage, enfin de « l’aimable Jack Falstaff, le bon Jack, l’honnête Jack, le vaillant Jack Falstaff, le plus vieux et le plus gros des trois seuls honnêtes gens, qui en Angleterre aient échappé à la potence !  […] Partout il met en scène non son objet, mais les grâces un peu lourdes de sa propre personne, cherchant à étonner le lecteur par des rapprochements inouïs de choses et d’idées, sans lien naturel ni rapport déchiffrable. […] Grâce à cette faculté de pouvoir prendre toutes les formes sans en avoir aucune, il devient éminemment propre à être l’expression mobile de l’esprit qui se manifeste et agit par le corps.

952. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Elle mourut en réputation de sainteté parmi le peuple de Ferrare ; les médailles que nous avons sous les yeux, et ses portraits, la représentent comme le profil de la mélancolie et de la douceur ; des yeux bleus, une chevelure noire, un front sans nuage, une bouche où l’intelligence fine donne de l’agrément à un sourire naturellement rêveur, un ovale arrondi des joues, un port de tête un peu incliné en avant, comme celui d’une figure qui écoute, ou comme le buste d’une princesse qui se penche pour accueillir avec pitié les malheureux, enfin la grâce française de sa mère mêlée à la gravité pensive d’une Italienne, font aimer cette femme, que son tendre intérêt pour le Tasse associe à jamais à son immortalité. […] Nous n’en citerons que deux, qui n’ont rien qui les dépasse en grâce et en mélancolie dans aucun poème épique : la fuite d’Herminie du champ de bataille, au sixième chant, et la mort de Clorinde au douzième. […] Je ne te demande point de grâce pour un corps qui bientôt n’a plus rien à craindre de tes coups ; mais aie pitié de mon âme. […] « Mais cette hospitalité », écrit le Tasse, « bien loin d’être un soulagement, n’est qu’une aggravation pour moi, car le cardinal, cette fois, et sa maison, témoignent si peu de considération pour ma personne, et un tel mépris de ma mauvaise fortune obstinée, qu’il ne m’admet point à sa table, qu’il ne me fournit ni un lit, ni une chambre, ni un service décent à mon mérite et à ses anciennes grâces pour moi !  […] La Jérusalem conquise, épurée des épisodes trop profanes, mais aussi des grâces de la Jérusalem délivrée, était destinée, selon lui, à effacer ce premier poème de la mémoire des hommes, et à immortaliser son nom sur la terre en assurant son salut dans le ciel.

953. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Considérons le plus simple d’entre eux, le sentiment de la grâce. […] Si les mouvements saccadés manquent de grâce, c’est parce que chacun d’eux se suffit à lui-même et n’annonce pas ceux qui vont le suivre. Si la grâce préfère les courbes aux lignes brisées, c’est que la ligne courbe change de direction à tout moment, mais que chaque direction nouvelle était indiquée dans celle qui la précédait. […] Ce dernier élément, où les autres viennent se fondre après l’avoir en quelque sorte annoncé, explique l’irrésistible attrait de la grâce : on ne comprendrait pas le plaisir qu’elle nous cause, si elle se réduisait à une économie d’effort, comme le prétend Spencer 1. […] C’est cette sympathie mobile, toujours sur le point de se donner, qui est l’essence même de la grâce supérieure.

954. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Mais leur mère, ayant obtenu sa grâce, le renvoie dans son gouvernement. […] On ne lui a point vu ailleurs cette malice spirituelle ni ces grâces simples. […] Quand on demandera une grâce pour vous, il répondra : « Qui est-il ? […] M’accordera-t-on l’insigne grâce de me conduire à Meudon ? […] Une autre grâce est la simplicité.

955. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

C’est merveille de voir ses périodes faire le saut périlleux pour retomber avec grâce. […] Mais il avait la main fine, de l’esprit et une certaine grâce. […] Ses ruelles se courbent avec la même grâce qu’autrefois et dans l’ancien mystère. […] Il semblait mélancolique et las, mais il n’avait point perdu ses anciennes grâces, ni la beauté de ses traits. […] Un grand air d’honnêteté, infiniment de grâce.

956. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

C’est une grâce singulière Qui brille en ce jeu doux et fin, C’est un esprit… c’est vous enfin. […] Oui, mais on y voit des grâces qu’on ne voit point aux autres bouches, et cette bouche, en la voyant, inspire des désirs ; elle est la plus attrayante, la plus amoureuse du monde. […] Sa fille, ou plutôt une de ses filles, joua une des Grâces dans Psyché, mais n’entra dans la troupe qu’après la mort de Molière. […] Donné à Versailles, le 33e jour de Mars l’an de grâce 1675 et de notre règne. […] Le roi qui savait le mal que le comte voulait au comédien, et jugeant de son dessein, lui répondit : “La Feuillade, je vous entends bien ; je vous demande la grâce de Molière.”

957. (1893) Alfred de Musset

Il a sous le pourpoint et le maillot la grâce hautaine que Clouet prêtait à ses modèles, leur élégance suprême et raffinée. […] s’imaginent-ils que je me suis confessé à l’abbé Delille ou que j’ai été frappé de la grâce en lisant Laharpe ? […] Il y a dans cette petite pièce une grâce rafraîchissante. […] quelle bonne grâce aisée ! […] Je sentis qu’un hymne de grâce s’élevait dans mon cœur, et que notre amour montait à Dieu.

958. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Les Froissart, les Commynes étaient arrivés déjà à la science et à l’art avec des grâces restées simples. […] Et quand il aura à peindre des femmes, il a de ces grâces légères, de ces images et de ces suavités primitives, presque homériques (voir le portrait de la duchesse de Bourgogne), que les peintres de femmes proprement dits, les malicieux et coquets Hamilton n’égalent pas. […] Il a sur Bossuet de grandes paroles, sur Mme de Sévigné il en a d’une grâce et d’une légèreté délicieuses. […] Mais il ne faut pas croire que cette production comme naturelle n’ait pas sa raison d’être, sa majesté et souvent sa grâce.

959. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

De même, la langue française se reconnaît à cette netteté de l’expression, à cette grâce du tour, à cette fermeté sans roideur, à cet éclat tempéré, qui frappent le critique le moins suspect d’archaïsme, et que sentiraient ceux même qui veulent lire sans juger. […] Elle est restée aussi loin de la grâce et du naturel d’une femme, que de la force de pensée d’un homme. […] On ne s’attend guère à rencontrer, à cette date, un sentiment si vrai et si profond, exprimé avec la grâce du style de Montaigne. […] Les Mémoires de Comines sont l’histoire de sa vie, de ses débuts à la cour du duc de Bourgogne contre la France, puis de sa désertion, qu’expliquent les mœurs du temps, à la cour de Louis XI, dont il devint le confident et le conseiller de ses services publics et secrets ; de ses disgrâces sous Charles VIII, de son emprisonnement à Loches dans une de ces cages de fer imaginées par Louis XI, et qu’on appelait les fillettes du roi ; de sa rentrée en grâce ; de la part qu’il prit aux guerres d’Italie, et de ses dernières années, sous le règne de Louis XII.

960. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Je vous demande en grâce, mon cher et grand philosophe, écrivait Voltaire à d’Alembert (13 février 1758), de me dire pourquoi Duclos en a mal usé avec vous. […] La relation de Duclos est d’un genre particulier et a mérité l’estime des voyageurs : n’y cherchez pas ce qui est dans de Brosses, le sentiment des arts, la grâce et la fertilité du goût, tout ce qui est des muses ; mais sur les hommes, sur les mœurs, sur les gouvernements, Duclos a de bonnes observations et s’y montre à chaque pas sensé, modéré, éclairé.

961. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Il est tel passage singulier et significatif où Vicq d’Azyr semble même demander grâce autour de lui pour l’idée de Providence, et où il essaie de l’introduire. […] Dans l’Éloge de Lieutaud, de ce docteur peu avenant qui fait contraste aux grâces de Lorry, et qui avait gardé même à la Cour un reste d’esprit professorial, il le montre néanmoins habile.

962. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

On a là toute une matière de drame, la suite et le mouvement des scènes ; les principaux caractères même sont assez bien esquissés, et il y a un personnage d’Othilie qui a de la grâce et de l’idéal. […] Il y mêlera des personnages, des figures selon la rencontre, le berger basque, plus tard le contrebandier aragonais : En ce moment (au moment de la descente), deux jeunes montagnards nous abordèrent ; beaux et bien faits, ils marchaient pieds nus avec cette grâce et cette légèreté qui distinguent éminemment les habitants des Pyrénées.

963. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il s’adressait d’ailleurs à une population déjà exercée et aguerrie ; dès avant son arrivée et au premier cri de cette indépendance menacée, la population de Sienne, et les femmes les premières, avaient eu l’idée de s’organiser pour la défense et d’y aider de leurs mains : à ce souvenir et à la pensée de ce que lui-même a vu de bonne grâce généreuse et patriotique en ce brave et joli peuple, Montluc s’émeut ; son récit par moments épique redouble d’accent ; quelque chose de l’élégance et de l’imagination italienne l’ont gagné : Il ne sera jamais, dames siennoises, que je n’immortalise votre nom tant que le livre de Montluc vivra : car, à la vérité, vous êtes dignes d’immortelle louange, si jamais femmes le furent. […] Henri II, qui est bien le roi de Montluc, celui qu’il a raison de regretter avec douleur, car sous lui il ne fit que de purs et d’honorables exploits, Henri II, en le revoyant, l’accueillit avec amitié, lui donna le collier de l’ordre (distinction encore intacte), une pension et d’autres grâces.

964. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Rabelais nous a donné la liste complète de ceux de Gargantua enfant après ses repas et les grâces dites : Puis… se la voit les mains de vin frais, s’écuroit les dents avec un pied de porc, et devisoit joyeusement avec ses gens. […] Au milieu de la grandeur, la gaieté de la Cour, la légèreté même survivent et se perpétuent, grâce surtout à ces charmantes filles du roi, la princesse de Conti et Mme la duchesse.

965. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Enfin, Mme Arnould Plessy, de la Comédie française, a lu avec une grâce charmante Les Chercheurs d’or, de M.  […] Enfin, en la mettant au premier rang, le jury a cédé à une impression unanime reçue par lui à plus d’une reprise ; il a cru couronner, et il ne s’est pas trompé, quelque chose de la naïveté, du mouvement et de la grâce de la jeunesse.

966. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Un prédicateur disert n’est pas plus attentif à ménager la fin et la chute heureuse de son sermon, — un grand lyrique moderne n’est pas plus préoccupé de clore brusquement chacune de ses pièces par un coup de tonnerre ou par un coup de fouet éclatant, — Mme des Ursins, dans sa correspondance récemment publiée, n’est pas plus ingénieuse à introduire, à varier le compliment obligé et la noble révérence qui termine chacune de ses lettres à la maréchale de Noailles, — le général Bernadotte, dans les billets même qu’il adresse à Mme Récamier, n’est pas plus jaloux d’amener de bonne grâce et de tourner galamment son salut final chevaleresque, — que lui, M. de Montmorency, ne se montre attentif et ingénieux, dans chaque lettre, à insérer et à glisser son petit bout d’homélie. […] Un art et une grâce de Mme Récamier, c’était de faire valoir la personne avec qui elle causait ; elle s’y appliquait, en s’effaçant volontiers ; elle n’était occupée que de donner des occasions à l’esprit des autres, et on lui savait gré même de ses demi-mots, de ses silences intelligents.

967. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

au milieu de ces mets exquis et de ces boissons glacées, il me semblait que j’avais à souffrir les misères de la faim, parce que je n’en jouissais pas avec la même liberté que s’ils m’eussent appartenu ; car l’obligation de reconnaître les bienfaits et les grâces qu’on reçoit sont comme des entraves qui ne laissent pas l’esprit s’exercer librement. […] On suppose avec vraisemblance que c’est dans ces années de séjour à Séville qu’il commença à écrire quelques-unes de ses Nouvelles publiées bien plus tard (1613), et où il devait montrer un talent particulier et tout nouveau, vérité d’observation, vivacité de descriptions, esprit, grâce, et une richesse native d’idiome qui n’a pas été égalée.

968. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Grâce à de respectables amis que j’ai en Hollande et qui sont en partie les héritiers (et de bien dignes héritiers) des derniers papiers manuscrits, des dernières reliques de Port-Royal, j’ai pu lire une Correspondance tout intime d’un des plus fidèles amis du poète, de l’un de ceux qui l’assistèrent dans sa dernière maladie et jusque dans ses derniers instants. […] Mais comme le His tribus noctibus Deo jungimur (Ces trois premières nuits n’appartiennent qu’à Dieu)… dépend de la seule inspiration de l’Esprit du Seigneur et d’une grâce aussi rare que précieuse, même pour un temps, et que l’exhortation à une pratique si respectable convenait au pasteur conjoignant, et n’était nullement du ressort ni de l’entremise du médiateur de l’alliance, ç’a été lettres closes pour lui.

969. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Bérénice ne saurait se citer auprès de ces cinq productions hors de pair ; elle ne soutiendrait même pas le parallèle avec les autres pièces relativement secondaires, telles que Mithridate et Bajazet, et pourtant elle a sa grâce bien particulière, son cachet racinien. […] Pourquoi l’intelligence critique ne consentirait-elle pas au même effort équitable pour apprécier convenablement des œuvres moins hautes sans doute, plus délicates souvent, sociales au plus haut degré, et qu’il suffit de reculer légèrement dans un passé encore peu lointain, pour y ressaisir toutes les justesses et toutes les grâces ?

970. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Il ne se tient pas du tout à Gessner ; les anciens, Tibulle, Properce, lui fournissent des motifs à demi élégiaques qu’il s’approprie et paraphrase avec une grâce affaiblie ; il en demande d’autres à Sapho, à Bion et à Moschus ; il en emprunte surtout aux Anglais, si riches alors en ce genre de tableaux. […] Lui-même, en des vers philosophiques, nous a confessé avec grâce le faible de son inconstance :    Mais le temps même à qui tout cède Dans les plus doux abris n’a pu fixer mes pas !

971. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Il n’est pas vrai, malheureusement, qu’on ne soit jamais entraîné que par les qualités qui promettent une ressemblance certaine entre les caractères et les sentiments : l’attrait d’une figure séduisante, cette espèce d’avantage qui permet à l’imagination de supposer à tous les traits qui la captivent, l’expression qu’elle souhaite, agit fortement sur un attachement, qui ne peut se passer d’enthousiasme ; la grâce des manières, de l’esprit, de la parole, la grâce, enfin, comme plus indéfinissable que tout autre charme, inspire ce sentiment qui, d’abord, ne se rendant pas compte de lui-même, naît souvent de ce qu’il ne peut s’expliquer.

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