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1128. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

On parodia des scènes entières du Cid. […] On en sçait par cœur des scènes entières.

1129. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Ce qui n’était d’abord qu’un chapitre ou à peine un chapitre est devenu par son importance une science tout entière, et cette science elle-même a des chapitres qui sont presque des sciences, car l’infini est partout. […] Si elle ne l’égale pas pour ces grandes et vastes compositions qui embrassent l’histoire tout entière, en revanche nous avons sur presque toutes les grandes écoles philosophiques des travaux étendus et approfondis où la force de la pensée s’unit souvent à la solidité de l’érudition et à la sagacité de la critique.

1130. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Cependant cette France qu’André Chénier célébrait en vers larges et mélodieux, ce n’était encore que la France extérieure en quelque sorte, vue et décrite à la surface, le corps de la France qu’il appartient au poète d’admirer et de faire admirer, mais qui n’est pas la France tout entière. […] Le génie poétique des autres peuples a rempli des saisons entières, créé des chefs-d’œuvre que les nôtres ont égalé mais n’ont pas toujours surpassé.

1131. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

La superstition en faveur de l’antiquité nous fait supposer que les anciens se sont toujours exprimés de la manière la plus heureuse ; notre ignorance tourne au profit du modèle et au détriment de la copie : le traducteur nous paraît toujours, non au-dessous de l’idée que l’original nous donne de lui-même, mais au-dessous de celle que nous en avons : et pour rendre la contradiction entière, nous admirons en même temps cette foule de latinistes modernes, dont la plupart, insipides dans leur propre langue, nous en imposent dans une langue qui n’est plus ; tant il est vrai qu’en fait de langues, comme en fait d’auteurs, tout ce qui est mort a grand droit à nos hommages. […] Les seuls écrivains qui demanderaient à être traduits en entier, sont ceux dont l’agrément est dans leur négligence même, tels que Plutarque dans ses Vies des Hommes illustres, où, quittant et reprenant à chaque instant son sujet, il converse avec son lecteur sans l’ennuyer jamais.

1132. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Les dynasties sont renversées, des générations entières sont noyées dans le sang ; mais les institutions restent. Sans doute c’est un avantage ; car, si les institutions ne survivaient pas, des générations entières seraient encore sacrifiées à l’affermissement des institutions nouvelles.

1133. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

lisez seulement dix lignes de ces deux écrivains à qui on ne peut comparer personne, et vous avez, dans ces dix lignes, entiers et visibles, ces deux esprits, véritables et charmants phénomènes qui sont une gracieuseté du bon Dieu faite à l’intelligence humaine, et qui n’ont, littérairement, ni ancêtres ni postérité, apparemment pour que les hommes ne pussent pas compter sur un tel bonheur tous les jours ! […] Or, s’il est un nom significatif et qui précise dans l’esprit l’image d’une civilisation tout entière, n’est-ce pas ce nom si singulièrement choisi de Koran, que Mahomet — l’un des quatre hommes de l’Histoire qui ont le plus laissé leur empreinte dans les choses humaines — a consacré en l’écrivant, avec la pointe d’un cimeterre, sur le frontispice de sa Loi ?

1134. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

S’il est vrai, comme on le dit, qu’en 1709, un prince, ennemi de Louis XIV, maître de Bruxelles, y donna, pendant l’hiver, un spectacle composé tout entier des prologues de Quinault, ce fut la vengeance la plus cruelle. […] Ce défaut influa non seulement sur la France, mais sur l’Europe entière.

1135. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Cet art ingénieux est tout entier, ce semble, dans une ode à la plèbe de Rome, à cette multitude dont César était aimé et que nourrissaient ses successeurs. […] Horace refait l’hymne entier : « Où m’entraînes-tu191 plein de toi, Bacchus ?

1136. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Après quoi elles se mettent à l’œuvre, et cette feuille imprimée, que la ville entière ouvrait, au matin, frémissante de curiosité et d’impatience… arrive, à la tombée du jour, un homme armé d’un crochet, qui de cette feuille jetée aux immondices fait sa proie et l’emporte, dédaigneux de savoir ce que ce vil chiffon peut contenir. […] — Il s’est jeté sur des corporations entières. — Il a lutté avec les médecins jusqu’à la mort ; s’il était fatigué, il se rejetait avec délices dans l’antiquité, objet de ses études, et dans la vieille farce française qui devait lui rappeler souvent sa vie errante ! […] Voilà une belle scène et bien amenée, et bien imprévue, et bien entière, et vivement rendue. […] Dans cette grande comédie du Misanthrope, Molière est tout entier. […] De notre temps, le journal était de moitié moins grand que du vôtre, et du temps de Geoffroy tout le feuilleton d’aujourd’hui ne serait pas entré dans la feuille entière.

1137. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

laissez-moi jurer du moins que de cinq ans entiers je ne me remarierai. […] Il y resta la semaine entière. […] Cette folie du singulier et de l’exquis le possède tout entier. […] Je ne sais comment exprimer ce qui pénètre dans mon être entier. […] Mais l’occulte le possède tout entier.

1138. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Ce ne furent, pendant huit jours entiers, que massacres, incendies, viols et pillages ; puis, la soldatesque lassée, on régularisa les choses. […] voilà le mot de la nature entière… …………………………………………………………………………… Oh ! […] Les Dominicains et les Franciscains se partageaient alors la catholicité tout entière. […] Accorderiez-vous aux Mémoires de Gœthe une confiance entière ? […] Les souffrances de notre poëte provenaient de causes multiples et qui agissaient non sur lui seul, mais sur sa génération tout entière.

1139. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

La Presse donne ce matin 26 le premier acte entier.

1140. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

Il faut bien savoir que le fond de toutes ces discussions, qui passionnent si fort et si soudainement une Chambre et un monde qui la veille paraissaient indifférents, n’est en rien ce dont on se soucie ; la question est tout entière une question de ministère.

1141. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

De telles citations ne tariraient pas ; c’en est assez pour montrer comment l’auteur traite le roman historique ; car il paraîtrait qu’il a eu la prétention d’en faire un, et de préluder ainsi à l’histoire, dont l’étude, nous dit-on, l’occupera désormais tout entier, mais on ne dit pas s’il écrira l’histoire de France.

1142. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

D’une part, engagée par les sollicitations de votre mémoire, disons mieux, de votre conscience ; de l’autre retenue par les scrupules de votre amour-propre, ou du moins de votre délicatesse, il vous faudra, et j’adopte ici la supposition la plus douce, il vous faudra tout ménager, tout prévoir, conter avec apprêt et réserve, fausser presque à votre insu vos réminiscences, prendre à propos vos rêves pour des souvenirs, en un mot, par un officieux et perpétuel mensonge d’imagination, reconstruire le passé en croyant le reproduire ; à moins toutefois, ce que je ne redoute guère, qu’il ne vous advienne l’orgueilleux caprice de nous confesser voire vie pleine et entière, à la mode de saint Augustin, sinon de Jean-Jacques.

1143. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Ils aspirent aux jouissances de l’art, si puissantes à concilier et à purifier les âmes, que de longs ressentiments ont aigries ; et s’ils paraissent commencer en cette voie une sorte de révolution, celle-là du moins se passera tout entière dans la région des idées, dans le domaine de la poésie, et c’est d’ailleurs presque seulement de l’époque de la Restauration qu’elle date, et par des hommes de la Restauration qu’elle est tentée.

1144. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

Elle s’adonna toute entière à l’étude, mais à l’étude des livres sérieux.

1145. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

Elle a été trois mois entiers Hors d’icy, et au bout du tiers Je l’ai toute grosse reçue : L’aurait quelque paillard déçue, Ou de fait voulu efforcer ?

1146. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

« C’est le caractère de cette passion, dit cet homme éloquent en parlant de l’amour, de remplir le cœur tout entier, etc. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe.

1147. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.

1148. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

C’est que l’œil du peuple se conforme à l’œil du grand artiste, et que l’exagération laisse pour lui la ressemblance entière.

1149. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 28, du temps où les poëmes et les tableaux sont apprétiez à leur juste valeur » pp. 389-394

La prédiction de Monsieur Despreaux sur les tragédies de Racine s’est accomplie en son entier.

1150. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

S’ils sont intelligibles tout entiers, ils suffisent à la science comme à la pratique : à la science, car il n’y a pas alors de motif pour chercher en dehors d’eux les raisons qu’ils ont d’être ; à la pratique, car leur valeur utile est une de ces raisons.

1151. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Le problème que nous posions, et qui est de savoir comment des superstitions absurdes ont pu et peuvent encore gouverner la vie d’êtres raisonnables, subsiste donc tout entier. […] Mais le non-civilisé, qui ne dispose que d’une science inextensible, taillée à l’exacte mesure de l’action qu’il exerce sur la matière, ne peut pas jeter dans le champ de l’imprévisible une science virtuelle qui le couvrirait tout entier et qui ouvre tout de suite de larges perspectives à son ambition. […] Cette zone s’élargit à mesure que notre civilisation avance ; l’univers tout entier finit par prendre la forme d’un mécanisme aux yeux d’une intelligence qui se représente idéalement la science achevée. […] Quoique nous n’ayons à agir que sur les objets qui nous entourent, et quoique telle ait été la destination primitive de l’intelligence, néanmoins, comme la mécanique de l’univers est présente à chacune de ses parties, il a bien fallu que l’homme naquit avec une intelligence virtuellement capable d’embrasser le monde matériel tout entier. […] De la foule des esprits on verra surgir une divinité locale, d’abord modeste, qui grandira avec la cité et sera finalement adoptée par la nation entière.

1152. (1898) Essai sur Goethe

Le Boileau entier, c’est un homme qui peut former notre goût, ce qu’on ne pourra jamais attendre d’un Tasse. […] Il nous conduit à travers le monde entier, mais nous, en hommes expérimentés et délicats, nous disons à chaque sauterelle qu’il nous fait voir : Seigneur, il veut nous manger ! […] Jamais snob initié soudain aux mystères de la vie élégante et sportive ne s’y adonna plus complètement, avec une joie plus entière. « C’est là, note avec empressement M.  […] Cette action est tout entière dans l’analyse des souffrances morales de Tasse — non point telles qu’elles furent dans la réalité historique, mais telles que Goethe se plaît à se les figurer. […] Pour l’agrémenter, il imagine donc d’ouvrir leur foyer à l’un de ses amis qui se trouve dans une situation difficile et qu’il n’hésite point à introduire entiers dans leur intimité.

1153. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

On voit que M. de Fontanes n’était pas un homme de révolution ; aussi la nôtre de 89 ne l’enleva point d’un entier élan. […] Encore un coup, et ils l’y feront entrer tout entier […] C’est une vérité indubitable « qu’il n’y a qu’un seul talent dans le monde : vous le possédez « cet art qui s’assied sur les ruines des empires, et qui « seul sort tout entier du vaste tombeau qui dévore les peuples « et les temps. […] Fontanes lui lut un chant tout entier terminé. […] Par toi changea l’aspect de la nature entière.

1154. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Comme un cercle enchanté, le catholicisme embrasse la vie entière avec tant de force, que, quand on est privé de lui, tout semble fade. […] La lutte qui m’avait occupé tout entier avait été si ardente, que maintenant je trouvais tout étroit et mesquin. […] Je me figurais toujours en la compagnie de mes maîtres, discutant avec eux les objections et leur prouvant que des pages entières de l’enseignement ecclésiastique sont à réformer.

1155. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

La science se compose d’un nombre défini d’idées, que l’entendement saisit tout entières : elle marque un triomphe et un repos de l’intelligence ; la poésie, au contraire, naît de révocation d’une multitude d’idées et de sentiments qui obsèdent l’esprit sans pouvoir être saisis tous à la fois : elle est une suggestion, une excitation perpétuelle. […] Alfred de Vigny voit en lui le symbole de l’humanité entière abandonnée de son Dieu. […] Avant vous j’étais belle et toujours parfumée, J’abandonnais au vent mes cheveux tout entiers, Je suivais dans les cieux ma route accoutumée, Sur l’axe harmonieux des divins balanciers.

1156. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

C’est ce qui arrive aux périodes de transition où l’espèce tout entière est en train d’évoluer, sans s’être encore définitivement fixée sous une forme nouvelle. […] La conscience morale de la société se retrouverait tout entière chez tous les individus et avec une vitalité suffisante pour empêcher tout acte qui l’offense, les fautes purement morales aussi bien que les crimes. […] Même, pour ces criminologistes, c’est l’institution pénale tout entière, telle qu’elle a fonctionné jusqu’à présent chez tous les peuples connus, qui est un phénomène contre nature.

1157. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

D’autres fois, non contente d’être à la base de l’édifice, la mémoire en a construit elle-même les premiers étages sans le secours de l’imagination ; d’autres fois enfin, l’édifice tout entier est mémoriel, et l’imagination n’y a aucune part ; il est vrai qu’alors l’édifice est toujours de dimensions restreintes, car l’énergie constructive de la mémoire est assez faible. […] L’extension du sens des mots, dans une science qui veut être méthodique, ne doit pas se faire au hasard ; le droit d’attacher son nom au genre tout entier n’appartient pas à la première espèce qui a reçu un nom scientifique, quand cette espèce n’est pas dans le genre ou la plus caractéristique ou la plus riche en individus, à plus forte raison quand elle est morbide et exceptionnelle ; or tel est le cas de l’hallucination. […] On voit que la parole intérieure n’est pas même, dans le genre dont elle fait partie, une espèce entière ; mais, dans la vie psychique, elle a plus d’importance à elle seule que tout le reste du genre ; seule aussi, elle est devenue indépendante des autres images : même les images visuelles, si elles sont faciles à abstraire des groupes où elles se présentent, apparaissent rarement isolées ; la parole intérieure, ayant son rôle spécial à remplir, fonctionne à part, sans mélange hétérogène [ch.

1158. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

L’artiste baisse, et si c’est l’artiste, c’est Michelet tout entier ! […] Il s’agit du Christianisme tout entier, du Christianisme, l’erreur absolue qu’il faut balayer de la tête humaine comme une ordure, et le balai, c’est l’éducation ! […] Imagination forte, sensibilité exaltée, mais raison débile, Michelet, ce pauvre moraliste-législateur, était aussi goulu de spectacles pour le compte du peuple français que le peuple romain tout entier, dont ce fut la dépravation… Et cependant, chrétien encore, Michelet, l’homme du Cours de 1847, s’est souvenu — n’en doutez pas ! 

1159. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Jules Lemaître, qu’à moins d’un mensonge sacrilège, qui ne doit guère se rencontrer, tout prêtre, quelles qu’aient pu être ensuite ses faiblesses, a accompli, le jour où il s’est couché tout de son long aux pieds de l’évêque qui le consacrait, la plus entière immolation de soi que l’on puisse imaginer ; qu’il s’est élevé, à cette heure-là, au plus 54] haut degré de dignité morale, et qu’il a été proprement un héros, ne fût-ce qu’un instant. » On ne saurait mieux dire. […] J’allais, un peu en arrière, intimidé par cette qualité de profane et d’intrus, que tout me rappelait, mon costume, les grands corridors blancs, les images pendues aux murs, le silence, la démarche grave et recueillie de la supérieure générale qui nous précédait, vieille femme à qui obéissaient les deux cent vingt monastères du Bon-Pasteur répandus dans le monde entier. […] Le modèle a vécu, et peut-être vit-il encore ; son tempérament tout entier et beaucoup de ses traits passeront dans le livre : mais toute composition a pour but de changer un homme en personnage, et les détails qui l’achèvent le transforment en même temps.

1160. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Comme il est déjà tout entier, en promesses et en brèves apparitions, dans ses deux premiers livres ! […] Vous ne rencontrerez, dans ce livre, aucune de ces longues descriptions, de plusieurs pages, et quelquefois d’un chapitre entier, dont l’école romantique avait donné le fâcheux exemple. […] En tout cas, il est permis de soutenir que le génie créateur y est incomplet, et que quelque chose manque à ce livre pour prendre place au premier rang, soit dans la littérature de mémoires, parce que nous n’avons là qu’un épisode d’une vie, soit dans la littérature de roman, parce que les grandes œuvres d’imagination possèdent plus d’énergie vitale, plus de force créatrice, et animent, sinon des foules, du moins des groupes entiers de personnages sortis de la pensée humaine.

1161. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

. — S’il est vrai que l’univers entier obéit à un rythme souverain que l’astronome constate dans la marche des soleils et que le physicien retrouve dans l’infiniment petit de la matière, pourquoi serions-nous seuls à vivre au hasard ? […] Le christianisme fut à son heure une délivrance de l’humanité ; je n’ai pas besoin d’y insister, ni du point de vue moral ni du point de vue social ; sa portée s’étendait à l’humanité tout entière ; il dut se plier aux exigences de la réalité, s’adapter aux faits acquis et aux formes de l’histoire ; il se réalisa en théocratie, avec de nombreuses variantes, selon les pays. […] Quand les chrétiens prétendent que le vrai socialisme est tout entier dans le christianisme, ils ont raison d’un certain point de vue ; et quand d’autres retrouvent ailleurs les éléments constitutifs du christianisme, ils ont raison aussi ; mais c’est de la pure théorie analytique qui ne tient pas compte de la mentalité des groupes et des temps.

1162. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

« Comme la branche de laurier d’Apollon, comme le sanctuaire entier a tressailli ! […] Il règne sur la Pamphylie entière, sur les Ciliciens guerriers, les Lyciens, les Cariens belliqueux, et sur les îles Cyclades. […] Les vers surtout qui retracent le repos de l’Égypte, sa paix féconde et son vaste commerce, semblent d’une beauté durable ; mais là même apparaît tout entier le vice de cette monarchie née de la poussière d’Alexandre.

1163. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

De ce génie des arts, déjà levé sur l’Occident, la Turquie n’empruntait encore que des instruments de force matérielle, l’artillerie, la construction des forts et quelques notions de marine appliquées par des renégats ; mais, loin que la confiance des Turcs fut diminuée par ce besoin de secours étrangers, elle devenait plus ambitieuse et plus hautaine, comme se sentant prédestinée à prendre captive la chrétienté tout entière, avec ses richesses et ses arts. […] À Nicosie, les Turcs, entrés par capitulation, avaient massacré la garnison entière ; à Famagouste, le pacha, reçu également à conditions, sur des ruines, devant une garnison exténuée de misère et de faim, avait, dans un transport de colère, violé toute promesse, fait égorger les nobles vénitiens et écorcher vif l’héroïque gouverneur de la place. […] … « Là règne la joie suprême, là domine la paix ; là, reposé dans un saint asile, respire l’amour divin entouré de gloire et de délices ; là l’infinie beauté se dévoile tout entière ; là resplendit dans tout son éclat ce jour pur auquel jamais ne succède la nuit ; là fleurit le printemps des cieux.

1164. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Alors le proscrit put quitter sa retraite et recueillir les épaves de son patrimoine presque tout entier confisqué. […] Il n’est pas aisé de faire au scepticisme sa part ; dès qu’il entre dans l’entendement, il l’envahit tout entier. […] Suard, société diverse par ses origines et ses tendances, mais suspecte tout entière d’idéologie aux yeux de l’empereur, et qui, en effet, si c’est un crime, pouvait être accusée de remuer beaucoup d’idées. […] Aussi voit-on dans Child-Harold que ce fut avec des transports de joie que lord Byron foula cette terre consacrée par le génie ; il la traversa presque tout entière en évoquant ses glorieux souvenirs, pour se rendre à Athènes, qu’il appelait la cité de ses rêves. […] C’était le sourire satanique d’un génie infernal quand il est parvenu à dégrader une génération tout entière.

1165. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Tout entier à mon art, j’ai réfléchi longuement sur mon art et je rassemble ici mes réflexions partiales. […] C’est que le dessein de l’écrivain pur passe presque tout entier dans le livre, soumis aux seules contingences de la grammaire, de la logique et, quant au poème, de la prosodie. […] Il exprimait toute entière la vie de la société française, avec sa bonne humeur native, son bon sens, ses vertus et ses vices, ses qualités et ses travers — avec aussi sa foi. […] Elle y pouvait toute entière accéder. […] Il y va de tout cœur, dans une entière certitude.

1166. (1888) Poètes et romanciers

C’est notre jeunesse tout entière que nous avons ensevelie avec eux. […] Il faut lire la pièce tout entière des Mages pour se faire une idée de cette apothéose. […] ; il est vrai qu’il eut pour complice la France entière. […] Sa liberté, à lui, la seule conséquente avec elle-même, c’est celle de la nation tout entière. […] On voit que le poète s’est mis tout entier dans son œuvre avec son goût pour les grands problèmes, sa haute culture scientifique, avec tout son talent et aussi son entière sincérité.

1167. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

C’est cet art exquis, joint au labeur consciencieux et à l’incomparable talent des comédiens, qui fait de la Comédie-Française la première école dramatique et théâtrale de l’Europe, c’est-à-dire du monde entier. […] L’art dramatique ne peut se soustraire aux lois qui dominent notre être tout entier. […] Et même, c’est par une sorte de tendance philosophique instinctive que les auteurs se laissent si facilement aller à composer des pièces entières pour tel acteur ou pour telle actrice. […] Jamais, en effet, l’humanité n’aurait pu les réaliser en entier. […] On peut dire, sans exagération, qu’elle est tout entière contenue dans la théorie des milieux.

1168. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

On sent dans toute cette ballade des traces certaines, énergiques ou gracieuses, d’une antique rédaction : il faut lire la pièce en entier.

1169. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

À Athènes on pouvait se faire connaître, et se justifier sur la place publique au milieu de la nation entière ; mais, dans nos associations nombreuses, on ne pourrait opposer que la lumière lente des écrits au ridicule animé du théâtre.

1170. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note III. Sur l’accélération du jeu des cellules corticales » pp. 400-404

Sur l’accélération du jeu des cellules corticales De Quincey, Confessions of an Opium-Eater, p. 83 : « Une proche parente me conta un jour que, dans son enfance, étant tombée dans une rivière et ayant manqué périr, elle revit en un moment sa vie entière déployée et rangée devant elle simultanément comme dans un miroir, et qu’elle se trouva la faculté également soudaine d’embrasser ensemble le tout et chaque partie. » De Quincey et divers buveurs d’opium ont constaté sur eux-mêmes cette faculté de vivre mentalement, pendant un rêve de quelques minutes, une vie de plusieurs années et de plusieurs centaines d’années.

1171. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

La beauté d’un mot est tout entière dans sa pureté, dans son originalité, dans sa race ; je veux le dire encore en achevant ce tableau des mauvaises mœurs de la langue française et des dangers où la jettent le servilisme, la crédulité et la défiance de soi-même.

1172. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Ce dieu est tout entier dans mes veines.

1173. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Les trois Grâces l’occupent presque tout entier.

1174. (1908) Après le naturalisme

L’humanité y collaborera tout entière et en résultera la plus grande vie : c’est-à-dire des chefs-d’œuvre. […] Avec le roman et le théâtre, elle constitue la Littérature une et entière et la grande révolution qui transformera les deux autres genres, la renouvellera de la même manière comme le sang circule dans toutes les parties du corps. […] La faute de la Révolution des partis, si sanglante et si malheureuse, en revient tout entière aux hommes tels qu’ils étaient alors, ambitieux, convoiteurs et passionnels — et tels qu’ils sont encore actuellement. […] Les réformes dont notre troisième République a entrepris l’étude ou l’accomplissement, quoique trop progressistes encore, non radicales (c’est-à-dire entières) en émanent. […] Partie de l’âme provinciale, d’une âme moindre encore, elle s’achemine, au-delà de l’étape nationaliste, vers une conception plus grande d’une patrie plus étendue dont le terme sera l’humanité tout entière.

1175. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

La description animée des Grands bois ne peut être citée que presque en entier. […] Tout à coup, sur le même chemin, parurent quelques hommes bientôt suivis d’un plus grand nombre, et finalement d’une foule entière. […] dis-je, vous êtes une commune entière, et vous ne pouvez venir à bout d’un seul homme ? […] Là, nous passâmes une journée entière, et nous y fîmes une bien belle chasse. […] Il ne trouvait un peu de plaisir que chez sa mère, passait des heures entières dans ses appartements, bas et petits, écoutant son bavardage naïf et sans apprêts, et se gorgeant de confitures.

1176. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Mallarmé facilite, ordonne à la critique ce devoir : parlant d’un poète l’apercevoir entier construit comme un poème, par une intelligence poétique. […] Et nulle souffrance du voyage, nul orgueil du retour, quelques secrets nouveaux dans la main, ne valaient ceux-là dont la tragédie tout entière se jouait dans ce cercle de solitaire clarté. […] Toute métaphore implique un sens des analogies et un obscur postulat idéaliste : elle suppose, en supposant dès l’abord le problème résolu, que ses deux faces décomposent quelque Idée qui leur est commune et qui demeure, en chacune, entière. […] Pareillement elle ne nous met pas en présence de la sensation pleine, donnée dès l’abord et dans son entier, mais après nous l’avoir présentée de biais et dans un éclair, nous demande de lui rendre par notre sympathie son assiette et sa clarté. […] Le dernier des chapeaux-chinois y joue, dans un orchestre, avec une idéale virtuosité, un morceau où sa partie est composée tout entière de silences.

1177. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

La douleur et la colère du roi furent partagées par son armée, puis, bientôt, par la nation tout entière. […] La chanson de geste consacrée à Roland, — née sans doute dans la Bretagne française, dont il était comte, puis répandue par la France entière, — traversa ainsi toute l’époque carolingienne. […] Tu t’affliges de ce que tu as perdu ; tu veux m’avoir quand tu ne peux m’atteindre ; et tu crois que j’ai un œuf d’autruche dans le corps quand mon corps tout entier n’est pas si gros158 ». […] Et comment peux-tu croire qu’il y ait dans mon corps une pierre précieuse du poids d’une once, quand tout entier je ne pèse pas autant ? […] Tu as cru cependant que j’avais dans le corps deux rubis du poids de cinquante miscals, moi qui tout entier n’en pèse pas dix, et tu te repens d’une chose qui est passée. » Et il s’envola laissant l’oiseleur en proie au chagrin173.

1178. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

C’est pour m’être donné tout entier que j’ai mérité des amis inconnus. […] L’humanité a commencé tout entière par le crime. […] S’il n’est pas vrai tout entier, il contient quelque vérité. […] De tout temps, l’art a voulu représenter l’homme, et l’homme tout entier. […] Son existence entière égoutta un petit nombre de vers.

1179. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

C’est le devoir du critique de montrer les défauts aussi bien que les mérites, et invariablement il accomplit son devoir avec la plus entière sincérité et la plus parfaite douceur. —  Le sentiment de l’égalité et de la fraternité entre les auteurs m’a toujours frappé comme une des plus aimables qualités distinctives de cette classe. […] Ce qui rend ces ironies encore plus fortes, c’est leur durée ; il y en a qui se prolongent pendant un roman entier, par exemple celui des Bottes fatales. […] C’est pourquoi Thackeray déprécie notre nature tout entière. […] Il a écrit là-dessus un livre entier, sorte de pamphlet moral et demi-politique, le Livre des Snobs. […] Il nous les représente telles qu’elles sont, tout entières, sans les blâmer, sans les punir, sans les mutiler ; il les transporte en nous intactes et seules, et nous laisse le droit d’en juger comme il nous convient.

1180. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Ornementer son intelligence de quelques imageries et l’enrichir de nombreux paradoxes, ces soins l’accaparaient tout entier. […] Et enfin les dominant de sa statue, voici la Mort, atroce et grandiose figure qui semble résumer l’horreur entière de cette contrée pestilentielle, la Mort qui apparaît. […] Retté, mais il incarne aussi, dans une statue qui la résume, l’Humanité tout entière, qui erre, s’égare, trébuche dans le chemin du Bonheur, franchit les dures étapes, subit les jougs souverains, se heurte, tel Œdipe, au front énorme de l’énorme sphynx mystérieux. […] Brunetière lui-même, l’a avoué, le Naturalisme ne périra pas tout entier. […] M. de Souza qui s’est fait une spécialité de ces saugrenuités s’est surtout distingué par la complication burlesque et l’inélégance de ses paradoxes Ce mallarmiste incompréhensif surnommé le maniaque de « l’e muet » assurait récemment que la jeune génération littéraire, tout entière ignorait la Science du vers libre.

1181. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Et pourtant ils ne cessent jamais de raccompagner, relatifs avec elle à des objets visibles, si nous contemplons quelque chose, étrangers comme elle à tout ce qui nous environne, si nous sommes immobiles et plongés dans nos réflexions, ou si nous marchons par habitude, sans regarder même notre route, tout entiers à une rêverie, à une méditation, ou bien ne pensant à rien, ce qui est encore penser à quelque chose. […] 40 Ce n’est pas tout : en affirmant que la parole intérieure est nécessaire pour penser, Bonald commet une nouvelle erreur d’observation ; comme il n’a pas vu que la parole intérieure est constante en fait, de même il ne voit pas qu’elle est toujours moins riche que la pensée ; en réalité, la pensée déborde toujours la parole, jamais elle ne peut s’exprimer tout entière ; pendant que nous nommons une de nos pensées, d’autres naissent à la conscience qui attendent leur tour de parole, et, le moment venu, toutes ne seront pas nommées. […] 3° Variétés individuelles. — Tous les hommes ne sont pas maîtres au même degré de leur parole intérieure : il y en a qui sont obligés, pour lire ou pour écrire, de parler tout haut ; d’autres se laissent vite distraire de leur méditation ; d’autres ne savent rien se dire par eux-mêmes ; il y en a, au contraire, qui, « doués d’une puissance de réflexion extraordinaire, passent des heures entières à se rendre compte de leurs idées », et chez qui cette éloquence silencieuse rivalise avec le talent de la parole extérieure : chez d’autres enfin, la parole intérieure est plus facile et plus abondante que la parole prononcée87. […] [La citation entière de Diderot, que Egger coupe en partie ici et dont il utilise un autre morceau p. 285 est la suivante : « Je crois que nous avons plus d’idées que de mots. […] Voici le passage entier : « Je crois qu’un enfant qu’on aurait nourri en pleine solitude, éloigné de tout commerce, — qui serait un essai malaisé à faire, — aurait quelque espèce de parole pour exprimer ses conceptions.

1182. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Mme de La Fayette écrit cette lettre à Mme de Sablé, ancienne amie de M. de La Rochefoucauld, la même qui eut tant de part à la confection des Maximes, et qui, depuis quelque temps, s’était tout à rait liée avec Port-Royal, par intention de réforme et peur de la mort, à ce qu’il semble, plutôt que par conversion bien entière : — « Ce lundi au soir. — Je ne pus hier répondre à votre billet, parce que j’avois du monde, et je crois que je n’y répondrai pas aujourd’hui, parce que je le trouve trop obligeant. […] Ce mot, qui la peint tout entière, est bien de celle qui disait aussi, à propos de Montaigne, qu’il y aurait plaisir à avoir un voisin comme lui109. […] Elle en avoit aussi beaucoup que M. de Nemours les connût ; mais cette dernière douleur n’étoit pas si entière, et elle étoit mêlée de quelque sorte de douceur. » — Les scènes y sont justes, bien coupées, parlantes, en un ou deux cas seulement invraisemblables, mais sauvées encore par l’à-propos de l’intérêt et un certain air de négligence. […] Après l’amour, après l’amitié absolue, sans arrière-pensée ni retour ailleurs, tout entière occupée et pénétrée, et la même que nous, il n’y a que la mort ou Dieu.

1183. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Il est résulté aussi de cela qu’à côté de sa pensée si grande et de sa science irrassasiable, il y a, grâce à cette vocation imposée, à cette direction impérieuse qu’il subit et ne se donne pas, il y a tous les instincts primitifs et les passions de cœur conservées, la sensibilité que s’était de bonne heure trop retranchée la froideur des autres, restée chez lui entière, les croyances morales toujours émues, la naïveté, et de plus en plus jusqu’au bout, à travers les fortes spéculations, une inexpérience craintive, une enfance, qui ne semblent point de notre temps, et toutes sortes de contrastes. […] Ampère, les contrastes sont sans doute d’un autre ordre ; mais ce qu’il suffit d’abord de dire, c’est qu’ici la vanité du moins n’a aucune part, et que si des faiblesses également y paraissent, elles restent plus naïves et comme touchantes, laissant subsister l’entière vénération dans le sourire. […] Élevé dans une solitude presque entière, l’étude et la lecture, qui avaient fait si longtemps mes plus chères délices, me laissaient tomber dans une apathie que je n’avais jamais ressentie, et le cri de la nature répandait dans mon âme une inquiétude vague et insupportable. […] Mais il faut citer la promenade entière d’un de ses grands jours de congé : dans le commencement de la lettre, il vient de s’écrier comme un écolier : Quand viendront les vacances !

1184. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Les domaines des ducs de Bouillon, d’Aiguillon et de quelques autres occupent des lieues entières, et par l’immensité, par la continuité, rappellent ceux que le duc de Sutherland, le duc de Bedford possèdent aujourd’hui en Angleterre. […] On trouverait à peine des exactions égales dans l’Irlande de 1830, sur ces domaines où, le fermier général louant à des sous-fermiers, et ceux-ci à d’autres moindres, le petit colon, placé au bas de l’échelle, portait à lui seul tout le poids de l’échelle entière, d’autant plus foulé que son créancier, foulé lui-même, mesurait les exigences qu’il pratiquait aux exigences qu’il subissait. […] Dans le bailliage de Domfront, « les habitants de plus de dix paroisses sont obligés de veiller la nuit entière pendant plus de six mois de l’année pour la conservation de leurs moissons97 »  Voilà l’effet du droit de chasse en province. […] Tu ne saurais penser le plaisir que j’ai eu les jours de fête de voir le peuple entier partout dans le château, et de bons petits paysans et petites paysannes venir regarder le bon patron sous le nez et presque lui tirer sa montre pour voir les breloques, tout cela avec l’air de fraternité sans familiarité.

1185. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

La race entière des hommes est retenue dans l’ordre par la peine, car l’innocence est rare. […] Il cherche dans le fond de son être quelque partie saine sans pouvoir la trouver ; le mal a tout souillé, et l’homme entier n’est qu’une maladie. […] La terre entière, continuellement imbibée de sang, n’est qu’un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu’à la consommation des choses, jusqu’à l’extinction du mal, jusqu’à la mort de la mort. […] Tu ne saurais croire combien je me suis fait d’ennemis jadis pour avoir voulu en savoir plus que nos chers Allobroges. » « Le chef-d’œuvre des femmes, écrit-il ailleurs à sa seconde fille Constance, c’est de comprendre ce qu’écrivent les hommes. » Il y a dans ses œuvres un volume entier de ces tendresses, de ces conseils et de ces badinages de cœur et de plume avec ses chères filles, et ce volume n’a point de paradoxe parce que le sentiment n’en a pas.

1186. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

X Telle m’apparut dans ce coup d’œil la femme qui causait en se retirant avec la duchesse de Devonshire ; à peine eus-je le temps de voir, comme on voit des groupes d’étoiles dans un ciel de nuit, un front mat, des cheveux bais, un nez grec, des yeux trempés de la rosée bleuâtre de l’âme, une bouche dont les coins mobiles se retiraient légèrement pour le sourire ou se repliaient gravement pour la sensibilité ; des joues ni fraîches ni pâles, mais émues comme un velours où court le perpétuel frisson d’un air d’automne ; une expression qui appelait à soi non le regard, mais l’âme tout entière ; enfin une bonté qui est l’achèvement de toute beauté réelle, car la beauté qui n’est pas par-dessus tout bonté est un éclat, mais elle n’est pas un attrait. […] J’entrevoyais bien que la belle visiteuse, tout en ayant l’air de se retirer modestement devant un nouveau venu, n’était pas fâchée d’être contemplée à loisir par un admirateur de plus, dont l’enchantement ne pouvait lui échapper tout entier, malgré la discrétion de mon attitude et la distraction affectée de mon coup d’œil. […] Les étrangers qui visitaient la France la voyaient là tout entière sous la forme de l’aristocratie de naissance, du génie, de l’esprit, de l’art, du goût et de la beauté ; j’y étais accueilli par la famille avant l’époque de ma célébrité naissante. […] « Si j’ai parlé de ces premières années, malgré mon intention d’abréger tout ce qui m’est personnel, c’est à cause de l’influence qu’elles ont souvent à un si haut degré sur l’existence entière : elles la contiennent plus ou moins.

1187. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

« Elle ne consent pas à le laisser repartir tant qu’il n’est pas rétabli en parfaite santé, tant la tendre pitié qu’elle a éprouvée à son premier aspect, étendu sur la terre, puis, après le premier étonnement, tant sa beauté, sa grâce, ses manières, lui mordent le cœur d’une lime invisible : elle sent cette lime lui ronger peu à peu le cœur, qui se consume enfin tout entier d’une flamme amoureuse. […] La plus grande de toutes fut facile à reconnaître : elle renfermait le bon sens du malheureux comte d’Angers ; elle en était pleine en entier, et de plus il était écrit dessus : Bon sens du paladin Roland. […] On passe de là, avec une surprise que les mœurs seules du temps expliquent, à un chant rempli tout entier par l’histoire du petit chien qui sème les perles, conte de fées dont les détails égalent Boccace en grâce et le surpassent en poésie. […] Le chanoine n’avait pas seulement mis un sinet ici, il avait déchiré la page tout entière.

1188. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

L’intelligence tout entière se ramènerait à l’éducation et au langage. […] Du point de vue de l’intuition, je ne dois pas parler de la vérité ; je dois dire, avec Stirner : « Ma vérité. » * * * Mais, dira-t-on, n’y a-t-il pas une vérité objective au nom de laquelle un groupe peut s’arroger le droit de discipliner intellectuellement l’individu et d’exiger de lui une pleine et entière soumission d’esprit ? […] Poincaré, que les mathématiques elles-mêmes relèvent du principe de commodité ; bref admettre que notre connaissance est tout entière fonction de notre utilité vitale ou de notre utilité intellectuelle, cette dernière n’étant elle-même qu’une forme de notre utilité vitale, admettre, dis-je, tout cela, ce n’est pas compromettre l’objectivité de la vérité scientifique. […] Chez le penseur spectaculaire, l’intelligence s’est résorbée tout entière dans le sens esthétique qui, parvenu à sa parfaite autonomie, devient indifférent au succès ou à l’insuccès des processus sociaux qui lui sont un spectacle.

1189. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Et l’on se met à regretter ce qui manque à Saint-Victor ; on en ferait un si joli ami, de ce garçon à l’expansion de cœur auquel on n’arrive jamais, quand même on est arrivé à sa plus entière expansion d’esprit, de ce garçon qui, après trois ans de relations d’amitié, a des glaces subites et des froideurs de poignées de main comme pour un inconnu. […] * * * — Peut-être n’y a-t-il de bien vraie liberté pour l’individu, que lorsqu’il n’est pas encore enrégimenté dans une société parfaitement civilisée, où il perd l’entière possession de lui-même, des siens, de son bien. […] Quand vous avez travaillé toute la journée, quand votre pensée s’est échauffée le jour entier, sur le papier, sans le contact et le rafraîchissement de l’air extérieur et des distractions, votre tête que vous sentez, dans la journée, lourde de la crasse d’une cervelle, vous semble à la nuit, pleine d’un gaz, léger, spirituel, capiteux. […] C’est vraiment un triomphe pour une religion d’avoir amené une femme, cette faiblesse, ce délicat appareil nerveux, à la victoire de dégoûts de cette nature, d’avoir amené l’affectuosité d’une créature distinguée à appartenir tout entière à d’abjects et sordides misérables qui souffrent.

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