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856. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Le génie est grand, mais l’univers l’est aussi ; et il y a un moment, je ne puis que le redire, où la nature des choses (y compris la conscience des peuples), trop méconnue, se soulève et se revanche, où l’univers, qu’on voulait étreindre, reprend le dessus. […] Mais, au 18 Brumaire, il avait derrière lui toute une nation pour complice : ici, il allait avoir devant lui tout un peuple pour adversaire, et, pour juge, la conscience du genre humain indignée.

857. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Diderot, ainsi rappelé à son examen de conscience, écrivait pour tout commentaire : « Je n’ai jamais lu ce chapitre sans rougir, c’est mon histoire. » Bien des années auparavant, il s’était dit : « Je n’ai pas la conscience d’avoir encore employé la moitié de mes forces ; jusqu’à présent, je n’ai que baguenaudé. » Il put se répéter la même chose en mourant.

858. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

C’est une réflexion que j’ai souvent faite avec les autres ministres du roi ; et, quoique mon caractère soit malheureusement inquiet, quoique toute ma vie j’aie porté mes regards en arrière pour me juger encore dans les choses passées, quoique mon esprit se soit ainsi chargé de toute la partie des remords dont ma conscience n’eut jamais que faire, néanmoins, et à mon propre étonnement, je cherche en vain à me faire un reproche. […] Necker, le premier, le mieux intentionné et le plus innocent de tous, cette intrépidité de conscience et cette certitude d’impeccabilité s’alliaient avec un coin de bonhomie40.

859. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Les causes de l’émotion esthétique sont, contrairement aux causes de l’émotion réelle, une hallucination que l’on sait inconsciemment être fausse, que l’on sent n’avoir rien de menaçant, une hallucination émouvante, dont les images sans cesse combattues en vertu de leur caractère factice, réprimées et modifiées par tout le cours ambiant de la vie, par la conscience générale qu’à leur sujet sur sa sécurité, de sa non souffrance, — cessent d’agir comme des images réelles, demeurent sans cohésion avec le reste du cours mental, ne s’associent pas à des prévisions positives de peine ou de plaisir personnels, et restent ainsi seulement excitantes, comme on n’éprouve d’un assaut avec des épées mouchetées, que l’exhilaration d’un exercice7. […] Voir à la page 30 et plus loin, p. 77, cette définition du beau : « Le beau est une perception ou une action qui stimule la vie et produit le plaisir par la conscience rapide de cette stimulation générale » (NdA) 4.

860. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Non sans doute, son goût naturel et pur sait bien que ce n’est pas dans la poésie de cour que Boileau est lui-même, que c’est dans la solide poésie bourgeoise, la poésie de la raison et de la conscience : là l’influence de la cour est nulle. […] Ce n’est pas seulement sur deux points particuliers que Bossuet me paraît s’être trompé : c’est sur tout un ensemble de faits qui, dans la politique, dans la science, dans la conscience, se sont produits à partir du xve  siècle, et qui, espérons-le, sont appelés à conquérir le monde.

861. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

À part, en effet, les idées, la conscience et les mœurs, c’est-à-dire à part ce qui est le plus important et doit être le premier chez les hommes, Joseph de Maistre s’oppose encore à Rivarol, et par d’autres côtés il le surpasse. […] Pour l’acquit probablement de sa conscience d’éditeur littéraire, M. de Lescure a recueilli, il est vrai, comme un double échantillon des aptitudes littéraires et philosophiques de Rivarol, le Discours (si connu du reste) sur l’universalité de la langue française, couronné par l’Académie de Berlin, et le Discours (moins apprécié) sur l’homme intellectuel et moral, d’un si mâle spiritualisme encore malgré les influences de toutes les philosophies du xviiie  siècle, qui tendaient à l’anéantir.

862. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Deux négations valent une affirmation en grammaire, mais, métaphysiquement parlant, une affirmation et une négation combinées ne peuvent guère donner pour résultat que du scepticisme, et effectivement, sous les girandoles allumées de la brillante imagination de Heine et sous les sensations très vives qu’il exprime, on n’a conscience que d’un scepticisme de poète qui s’agite dans l’image et ne creuse pas jusqu’à l’idée. […] Voici la voix grave, pleine et résolue d’un homme dont la conscience se lève : « Il reste toujours à l’honnête homme (dit Heine) le droit imprescriptible d’avouer ses erreurs, et c’est de ce droit que j’userai ici sans crainte ni jactance.

863. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Ce que dit historiquement le grand Révélateur, la petite révélation du sens le plus infime le répète avec une force inouïe dans la conscience du genre humain. […] « Cette expression de premier jour (dit-il à la page 19 de sa préface) n’est-elle qu’une métaphore pour désigner un état plus ou moins long durant lequel s’accomplit le mystère de l’apparition de la conscience ? 

864. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Grâce à ce prétexte, chacun suit en conscience et sans remords M.

865. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Que les gens du siècle et les philosophes, et les chrétiens dissidents, ne s’étonnent pas trop de retrouver le clergé français si puissant : un tel corps ne s’écrase pas aisément, il renaît bien des fois ; c’est déjà beaucoup que ce clergé et les intérêts d’ambition encore plus que de conscience qu’il représente, ne soient plus qu’à l’état de parti.

866. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

Dévouée, jusqu’à la superstition, à la volonté de Louis XIV, elle n’osait se commettre en rien, de peur de lui déplaire ; un mot de sa bouche eût sauvé Racine, et elle se garda de le risquer ; malgré sa prédilection pour le maréchal de Villeroi, elle en était venue à refuser sa protection à l’abbé de Villeroi pour l’archevêché de Lyon : « Je ne le connais pas assez, écrit-elle, pour me mêler de son établissement ; les places dans l’Église intéressent un peu la conscience de ceux qui les donnent, et l’on a bien assez de ses péchés sans avoir à répondre de ceux des autres.

867. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Brieux, par les recommandations précitées, ne voulut faire œuvre que de metteur en scène et qu’il fut à ce geste incriminé, logiquement amené par sa sincérité et sa conscience de dramaturge.

868. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Ce n’est plus vis-à-vis du sort, mais de sa conscience qu’on se place, et, renonçant à toute influence sur le destin et sur les hommes, on se complait d’autant plus dans l’action du pouvoir qu’on s’est réservé, dans l’empire de soi-même, et l’on fait chaque jour avec bonheur quelque changement ou quelque découverte, dans la seule propriété sur laquelle on se croit des droits et de l’influence.

869. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

« Mais parce que, selon le saige Salomon, la science n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme, il te convient servir, aymer et craindre Dieu. » (Rabelais.)

870. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

C’est plus tard qu’on en goûte entièrement la saveur amère, fine et profonde : car elles expriment, je crois, l’état le plus distingué où se puisse reposer soit notre esprit, soit notre conscience.

871. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Je ne pense pas que personne, dans aucun temps, ait pris plus sérieusement la vie que ce petit Breton de vingt-cinq ans dont l’enfance avait été si pure, l’adolescence si grave et si studieuse, et qui, au sortir du plus tragique drame de conscience, seul dans sa petite chambre de savant pauvre, continuait à s’interroger sur le sens de l’univers, — et cela, dans un tel détachement des vanités humaines, que ces pensées devaient rester quarante ans inédites par la volonté de leur auteur.

872. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

N’est-ce donc rien, cela, à une époque où les vaudevillistes eux-mêmes se font directeurs de conscience ?

873. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Outre les gestes et les détails de toilette, il veut régler la pensée intime et modeler la conscience.

874. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Ce terrible problème religieux qui pèse comme un spectre sur la conscience du XIXe siècle, nous le résoudrions si nous étions seuls au monde.

875. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XII. Ambassade de Jean prisonnier vers Jésus  Mort de Jean  Rapports de son école avec celle de Jésus. »

Le décollé d’Hérodiade ouvrit l’ère des martyrs chrétiens ; il fut le premier témoin de la conscience nouvelle.

876. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Nous voyons par là comment une âme qui se trouverait liée au corps d’un monstre acéphale ne pourrait par aucun moyen manifester ses puissances innées, ni même eu avoir conscience : cette âme serait donc comme si elle n’était pas.

877. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Oter aux jeunes gens la permission de s’inspirer, c’est refuser au génie la plus belle feuille de sa couronne, l’enthousiasme ; c’est ôter à la chanson du pâtre des montagnes le plus doux charme de son refrain, l’écho de la vallée… « Il m’a toujours semblé qu’il y avait autant de noblesse à encourager un jeune homme, qu’il y a quelquefois de lâcheté et de bassesse à étouffer l’herbe qui pousse, surtout quand les attaques partent de gens à qui la conscience de leur talent devrait, du moins, inspirer quelque dignité et le mépris de la jalousie. » Nous avons tenu à donner ces fragments dont la finesse et la vérité sont aujourd’hui trop oubliés des critiques et des auteurs.

878. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Assez voisin du terme où tout s’évanouit, je n’ambitionnais que l’approbation de ma conscience et le suffrage de quelques amis.

879. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Amour, conscience, pensée, art, libre arbitre, inspiration, talent, on a la manie aujourd’hui de tout expliquer par la physiologie.

880. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Vainement avons-nous fait preuve de conscience, de labeur et de recherche, en donnant les plus sérieux documents : corrections inédites de Chateaubriand avec rédactions successives, ratures et refontes manuscrites de Bossuet, variations inédites de Fénelon et ratures relevées sur deux de ses manuscrits, qui trahissent une si curieuse conception littéraire.

881. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Il veut suppléer à cette clarté qui tombe du ciel, des étoiles, de la conscience du cœur, par je ne sais quel jour faux qu’il emprunte à un système qui n’est pas même le sien, le système de la terreur justifié par le sophisme ; la beauté de l’homicide, l’innocence de la férocité, la vertu du crime, la sainteté de la guillotine politique, la légitimité de l’assassinat juridique de sang-froid, tout ce qui fait horreur aux hommes, tout ce qui fait resplendir d’une lueur sanglante, d’une tache de feu, les noms malheureux des hommes qui ont tué en masse ou en détail leurs frères innocents, il le comprend, il le justifie, il l’exalte, il le transfigure, il le divinise. […] On s’attend, sinon à une réclamation modeste, au moins à une réserve de conscience de l’évêque ; pas du tout. […] N’est-ce pas lui préparer pour l’avenir des justifications toutes faites pour d’autres crimes, que de lui dire d’avance : « Ne t’inquiète pas, Dieu est pour toi ; tu as tes raisons, tu as le droit de colère ; les consciences faibles, les esprits timides, la pitié même, autant que la justice, se soulèveront bêtement contre toi, incapables qu’ils sont de comprendre ta foudroyante divinité, ton coup de tonnerre formé des misères de tous les âges !

882. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Le Calvin de l’Écosse, le prophète et l’agitateur de la conscience du peuple, le féroce Knox, s’abstint de paraître à cette inauguration. […] Homme d’autant plus redoutable à la reine que sa vertu était, pour ainsi dire, la conscience du crime. […] La reine s’aliénait tous les cœurs pour en posséder un seul ; et ce cœur était celui d’un histrion, d’un joueur de luth, d’un Italien, d’un Français, d’un papiste réprouvé qu’on faisait passer pour un envoyé secret du pape, chargé de séduire la reine pour enchaîner la conscience du royaume.

883. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Mais l’habitude funeste des mêmes créations nous a fait perdre la conscience joyeuse de notre pouvoir créateur ; nous avons cru réels ces rêves que nous enfantions, et ce moi personnel, limité par les choses, soumis à elles, que nous avions conçu. […] L’Art doit donc recréer, dans une pleine conscience, et par le moyen de signes, la vie totale de l’Univers, c’est-à-dire de l’Ame, où se joue le drame varié que nous appelons l’Univers. […] Il essaya, quelque temps, la reproduction impressionniste de ses visions ; puis — et c’est une surprenante conscience théorique, — il comprit qu’une autre peinture lui était destinée.

884. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Paul Bourget a lui-même caractérisé et résumé comme suit le sujet de ce dernier livre : « Une opposition radicale entre deux consciences d’époux est toujours pénible. […] Mis à même de calculer les forces du passé qui nous commandent, nous accepterions, pour en tirer profit, notre prédestination… Un jeune être isolé de sa nation ne vaut guère plus qu’un mot détaché d’un texte… » « Notre conscience individuelle nous vient de l’amour de notre terre et de nos morts. » Cette formule se trouve sans cesse sous la plume de M.  […] Ne serait-ce pas faire œuvre bien utile et bien haute que de montrer le combat perpétuel entre l’égoïsme et la pitié dans une âme, le trouble de conscience par où peuvent passer ceux qui s’étonnent de dépenser tant de justice sans récolter de reconnaissance, et d’essayer de dire le remède, puisque la souffrance est souvent double ici, et qu’on la trouve chez le patron qui cherche et chez l’ouvrier qui se plaint ? 

885. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Si ces deux poëtes immortels, d’une analogie si frappante pour le caractère de leur esprit & la délicatesse de leur conscience, eussent déposé leurs scrupules dans le sein d’un casuiste, tel que le P.  […] L’apologiste du théâtre termine sa lettre par cette réflexion : « D’autres que vous me feront peut-être un crime d’avoir suivi l’opinion la plus favorable, & m’appelleront casuiste relâché, parce qu’aujourd’hui c’est la mode d’enseigner une morale austère, & de ne la pas pratiquer : mais je vous jure, monsieur, que je ne me suis pas arrêté à la douceur, ou à la rigueur de l’opinion, mais uniquement à la vérité. » Un prêtre, un religieux, qui entreprend de laver le théâtre de son ancien opprobre, étoit capable de rassurer bien des consciences : mais le P.  […] Cromwel, sans périr sur la scène, mais toujours tourmenté par sa propre conscience, toujours environné de spectres, toujours défiant & livré à une agitation plus cruelle que la dissolution même de son être, ne seroit-il pas un sujet théâtral ?

886. (1929) La société des grands esprits

Précurseur des Bayle et des Voltaire, il a été l’apôtre de la liberté de conscience et de la paix religieuse. […] Fernand Gregh qui, faisant son examen de conscience, ne croie que son caractère se rapproche plutôt de Pascal. […] Car enfin ce Leibniz a bien quelques peccadilles sur la conscience. […] La conscience est Dieu ». […] Il voulait l’Irlande autonome : elle l’est ; la liberté de conscience pour les catholiques : ils l’ont.

887. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Gustave Flaubert, parce qu’il possède une qualité qui devient de plus en plus rare aujourd’hui : le soin, le sérieux, la conscience littéraire, la religion de l’art et du style. […] Au lieu de critiquer l’espèce d’argot qui a conscience de lui-même et qui se croit drôle, M.  […] Ce qu’il salue en lui avec une espèce d’adoration, c’est l’empire absolu de la conscience, rare parmi les hommes et presque introuvable chez les rois. […] Les bêtes, qui sont sans conscience morale, s’aiment elles-mêmes, et c’est à cette condition qu’elles subsistent. […] Préférence toute sentimentale et littéraire, où la raison et la conscience morale elle-même ne sont pour rien.

888. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Modifiés par l’hérédité, par une sommé sans cesse croissante de connaissances transmises ou acquises, nous avons passé par des états de conscience inconnus aux hommes que n’a pas visités la civilisation. […] Un soldat, au milieu de la mêlée, n’a pas immédiatement conscience d’une blessure qu’il vient de recevoir ; il ne s’en aperçoit que lorsque le sang qui coule attire son attention. […] Le théâtre est donc en quelque sorte fondé sur le transport de nos propres états de conscience dans les personnages du drame. […] Le comédien, malgré lui, sans d’ailleurs qu’il en ait conscience, est la proie d’une personnalité qu’il revêt trop souvent et dont la nature composée se substitue peu à peu par l’habitude à sa propre nature. […] Or, on peut aisément reconnaître que l’école réaliste, ses excès mis à part, obéit, mais aveuglément et sans conscience du but final de l’art, à l’esprit qui gouverne le monde moderne.

889. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Ces sortes de conversions renouvelées de saint Paul ne sont pas uniquement le fait d’une conscience foudroyée par la vérité ; le tempérament de l’écrivain y entre bien pour quelque chose. […] L’ouverture, qui commençait comme une œuvre de conscience, indépendante de toute imitation avec une grande velléité de formes fuguées, m’avait d’abord donné bon espoir… Malheureusement, M.  […] — le cri de la conscience publique qui, en cette circonstance, parle sans qu’il soit besoin de l’interroger rien n’a pu éclairer M.  […] Il n’y a qu’un amour-propre littéraire blessé à mort qui, pour satisfaire de lointaines rancunes, puisse se condamner à de telles capitulations de conscience et descendre à de pareilles… extrémités ! […] Je puis faire autre chose je puis faire Antony, le Comte Hermann et la Conscience ! 

890. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Psychologie morbide qui fait rire telle honnête femme à certaines gravelures, et qui répand sur une salle entière une odeur de luxure ; psychologie puissante qui réveille les consciences et fait passer dans les âmes bourgeoises au souffle d’héroïsme. […] Distraction facile, émotion violente et passagère, grossissement des vices et des vertus, extériorisation de la conscience, curiosité des conflits, des péripéties, des perversités, et toujours par le contact avec la foule, par la lumière, la forme plastique, la musique, voilà de quoi est fait le goût du spectacle qui, à son degré aigu, se retrouve à toutes les époques de crise morale. […] Ainsi le christianisme aboutit à la théocratie, la féodalité à la constitution d’une caste privilégiée, l’idée de la raison universelle au rationalisme. — La royauté absolue a perdu la conscience de ses devoirs ; elle décline ; avec elle, tout le système, social, religieux, philosophique, littéraire. […] Première période : de la Révolution à 1840 Dans les réalités de la politique, l’absolutisme persiste avec Napoléon et la Restauration ; son règne est fini dans les idées, dans les consciences. […] Cet effort est un fait indestructible de la civilisation, une partie intégrante de la conscience humaine.

891. (1894) Études littéraires : seizième siècle

. — Nous avons écrit ce volume pour contribuer, dans notre petite mesure, mais avec conscience et probité, à l’étude de cet âge si considérable. […] Du même fond d’énergie sombre, d’entêtement, de rigueur et de dureté, le calviniste tire une conscience qui le tyrannise, et une doctrine qui le flagelle, et du tout une vie sévère. […] Non, il n’est pas loisible il chacun d’adopter ou de rejeter ce qu’il lui plaît, selon l’inspiration de sa conscience. […] La liberté de conscience lui paraît un monstre exécrable qu’il faut exterminer de la terre. […] Ses moindres traités nous paraissent bien étendus, il est vrai ; mais ceci est à son honneur, étant un effet de « son extrême conscience.

892. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Jules Lemaître qui l’a prouvé et dans une page si spirituellement poétique qu’on se ferait conscience de n’en être pas convaincu. […] Le cas Grouchy est un cas de conscience et le plus terrible peut-être qui puisse se poser devant l’esprit d’un militaire. […] Brunetière d’une haute conscience et d’une énergique volonté ; car, on le sent, nul ne serait naturellement plus porté que lui à juger par humeur. […] L’individu ne prend décidément conscience de sa personne que dans le fait de posséder quelque chose. […] Ribot avec beaucoup de conscience et de zèle, est d’un secours très grand et donne des éclaircissements singuliers.

893. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Puis, sachant bien ce qu’elle fait, elle jette un scrupule de conscience au cœur de Thérèse. […] Brunetière, n’a pas pour fond un cas de conscience, elle a des chances de ne pas valoir grand’chose ». […] Duflos ne manque pas de relief brutal, et c’est bien la note qu’il fallait donner dans le rôle de Chambalot, le tueur de consciences. […] Il faut, oui, il faut… par acquit de conscience, interroger Mlle Claire. […] Ils n’ont pas lu même tour d’esprit, ils n’ont pas les mêmes habitudes d’âme, ils n’ont pas la même conscience ; c’est évident.

894. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Presque toujours, lorsqu’une génération nouvelle arrive à la virilité et à la conscience, elle rencontre un code de préceptes qui s’impose à elle de tout le poids et de toute l’autorité du passé. […] Le catholicisme, réduit aux pratiques extérieures et aux tracasseries cléricales, vient de finir ; le protestantisme, arrêté dans les tâtonnements ou égaré dans les sectes, n’a pas encore pris l’empire ; la religion disciplinaire est défaite, et la religion morale n’est pas encore faite ; l’homme a cessé d’écouter les prescriptions du clergé, et n’a pas encore épelé la loi de la conscience. […] Songez enfin que les scrupules de conscience et la sévérité des puritains sont alors choses odieuses, qu’on les tourne en ridicule sur le théâtre, et mesurez la différence qui sépare cette Angleterre sensuelle, débridée, et l’Angleterre correcte, disciplinée et roidie, telle que nous la voyons aujourd’hui. […] Ce sont là les férocités du moyen âge ; on les rencontrerait encore aujourd’hui dans les compagnons d’Ali-Pacha, dans les pirates de l’Archipel ; nous en avons gardé l’image dans ces peintures du quinzième siècle qui représentent un roi avec sa cour tranquillement assis autour d’un homme vivant qu’on écorche ; au centre, l’écorcheur à genoux qui travaille avec conscience, fort attentif à ne point gâter la peau44. […] Ainsi appuyées sur l’innocence et la conscience, on les voit porter dans l’amour un sentiment profond et honnête, mettre bas la coquetterie, la vanité et les manéges, ne pas mentir, ne pas minauder.

895. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Voltaire envoie à Bernis quelques-uns de ses écrits avant la publication ; il le consulte sur ses tragédies, sur celle de Cassandre, autrement dite Olympie ; il lui demande ses avis, que Bernis lui donne fort en détail avec conscience et sincérité. […] Averti que l’Assemblée nationale avait décidé qu’il fallait un serment pur et simple, et prévenu qu’il s’exposait à être rappelé s’il persistait dans sa restriction, il répondait le 22 février : « La conscience et l’honneur n’ont pu me permettre de signer sans modification un serment qui oblige de défendre la nouvelle Constitution dont la destruction de l’ancienne discipline de l’Église fait une partie essentielle. » Le rappel fut prononcé.

896. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Ainsi, il proclame hardiment cet homme de mérite mort à trente-deux ans, et qui n’avait été promu qu’à des charges locales et aux dignités de son quartier, il le proclame le plus grand homme, à son avis, de tout le siècle : il a connu, dit-il, bien des hommes qui ont de belles parties diverses, l’un l’esprit, l’autre le cœur, tel la conscience, tel autre la parole, celui-ci une science, celui-là une autre ; « mais de grand homme en général et ayant tant de belles pièces ensemble, ou une en tel degré d’excellence qu’on le doive admirer ou le comparer à ceux que nous honorons du temps passé, ma fortune ne m’en a fait voir nul40 ; et le plus grand que j’aie connu au vif, je dis des parties naturelles de l’âme, et le mieux né, c’était Étienne de La Boétie. […] Heureux qui, dès sa jeunesse, trouve dans un compagnon et dans un ami une seconde et quelquefois une première conscience, un témoin perpétuel qui l’encourage, qui l’enhardit, qui le maintient, et que partout ensuite, absent ou présent, il s’habitue à respecter !

897. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Dès l’instant où il hérita du sceptre, de ce sceptre de saint Louis, et où il reçut les serments de la noblesse près du lit ensanglanté de Henri III, Henri IV avait dû, par une déclaration expresse (3 août 1589), donner à la religion catholique toutes les promesses rassurantes pour le maintien de sa prédominance à titre de religion, du royaume, en même temps qu’il garantissait aux calvinistes une pleine liberté de conscience, et l’exercice public de leur culte dans de justes limites : il ne pouvait faire moins. […] Non, la conscience publique ne s’est point trompée, la reconnaissance nationale et populaire n’a point salué à faux le roi longtemps guerrier qui devint celui des laboureurs et des gens du plat pays, qui les releva de la ruine, réprima les brigandages, permit à tout gentilhomme ou paysan « de demeurer en sûreté publique sous son figuier, cultivant sa terre ».

898. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Royer-Collard eut de hautes et belles paroles, et surtout appropriées aux temps : elles tombaient de tout leur poids dans cette Chambre royaliste qu’il adjurait de ne pas vouloir être plus sage que le roi, ou moins clémente que lui ; de ne point rentrer et se traîner dans les voies révolutionnaires, en voulant combattre l’esprit de la Révolution ; de ne pas infirmer la justice, en mettant à une trop rude épreuve la conscience du juge ; de ne pas intercepter le pardon et de ne pas lui faire rebrousser chemin, après qu’il était descendu du trône ; de ne pas ériger après coup contre des condamnés un surcroît de peines rétroactives ; de ne pas introduire sous le titre d’indemnités, et dans une loi d’amnistie, l’odieuse mesure des confiscations expressément abolies par la Charte : « Les confiscations, nous ne l’avons pas oublié, disait-il avec l’autorité d’un témoin aussi pur que les plus purs, sont l’âme et le nerf des révolutions ; après avoir confisqué parce qu’on avait condamné, on condamne pour confisquer ; la férocité se rassasie ; la cupidité, jamais. […] Ainsi, quand il a donné en conscience et très au long toutes les preuves qu’il y a eu Terreur blanche dans le Midi, il se dédit et ne veut pas qu’on dise la Terreur de 1815 ; il appelle cela de l’emphase.

899. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

L’humain entendement serait-il un mensonge, L’existence un néant, la conscience un songe ? […] On suit Érostrate dans le gynécée, dans l’hippodrome, au bois sacré ; les peintures locales que promettent ces divers titres sont exécutées avec étude, conscience, talent.

900. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Les grands genres, où Boileau s’arrête en son 3e chant, sont l’épopée, par tradition antique, et par respect d’Homère et de Virgile, la tragédie et la comédie, par tradition aussi, mais surtout par sentiment de leur importance actuelle, par goût personnel et conscience du goût commun de son siècle. […] Il a eu conscience de ce qu’on pouvait faire en son temps, et il a aidé de plus grands génies que lui, La Fontaine, Racine, Molière, à en prendre conscience.

901. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

MM. de Goncourt ont conscience d’avoir été « des créatures passionnées, nerveuses, maladivement impressionnables » : ils ont été en effet des maniaques littéraires. […] Il veut représenter les apparences de la vie, faisant entendre par les mouvements, par les actes, les ressorts et les forces intimes de la conscience.

902. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Si l’œil était immobile, ou si nous n’avions pas conscience de ses mouvements, nous n’aurions pu reconnaître que ces deux sensations de qualité différente avaient quelque chose de commun ; nous n’aurions pu en dégager ce qui leur donne un caractère géométrique. […] Quand on cherche à analyser ce sentiment, on constate qu’il se réduit soit à la conscience de la convergence des yeux, soit à celle de l’effort d’accommodation que fait le muscle ciliaire pour mettre l’image au point.

903. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

» Ainsi tout autour de la peine de mort s’épanouit une abondante floraison d’œuvres littéraires, qui, si elles n’ont pas encore réussi à la faire disparaître, l’ont du moins réduite à se défendre, à se cacher, à reculer devant la lumière du jour et le regard de la conscience humaine. […] Il semble que l’on s’achemine doucement vers cette conclusion : le livre est justiciable de la conscience des lecteurs ; il ne relève de la loi qu’en des cas très exceptionnels, par exemple quand il prend le caractère d’une tentative avérée de corruption sur des mineurs.

904. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Elle devait être féconde en jouissances nouvelles cette amitié vive qui, par une conversation animée, sans chicane et sans contrainte, multipliait sans cesse et variait à l’infini ses épanchements vers l’objet aimé, les lui offrait toujours avec intérêt et toujours à propos, provoquait les siens, lui communiquait une vie nouvelle, une existence inconnue, créait en lui un autre homme, avec des facultés jusque-là ignorées de lui-même, l’introduisait dans ce pays nouveau dont parle madame de Sévigné, où avec d’autres yeux il voyait d’autres choses et d’autres hommes, l’introduisait dans son propre cœur où il n’était jamais descendu, l’apprenait à s’étudier et à se connaître, lui donnait une conscience pénétrée du besoin de sa propre estime, une conscience qui lui rendit bon témoignage de lui et de son amie.

905. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Et se redressant avec la conscience de sa force devant ces hommes de routine, leur montrant qu’il y a eu en ce monde plus d’affaires encore perdues par le trop de finesse que par l’imprudence ; que, s’il y avait imprudence dans le cas présent, elle n’eût été que pour lui seul, et que son idée d’ailleurs avait été approuvée à l’avance par un petit nombre d’hommes sages qu’il avait consultés : Or, permettez-moi de vous le dire, monsieur le chevalier, lorsqu’une idée née dans une tête saine qui surmonte un cœur droit a de plus été examinée attentivement et approuvée par quatre ou cinq hommes de poids, elle ne saurait plus être absurde ni condamnable ; elle peut être simplement désapprouvée, mais c’est bien différent. […] Dans la polémique, fort de sa conscience et de la droiture de ses intentions, il passe les bornes, et il s’en doute un peu, comme lorsqu’il dit, par exemple, à propos de sa réfutation de Bacon : « Je ne sais comment je me suis trouvé conduit à lutter mortellement avec le feu chancelier Bacon.

906. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Tout d’abord j’y trouve cette pensée, par exemple : « Il ne faut pas seulement s’acquitter de ses devoirs particuliers, mais il faut aussi s’acquitter de ses talents et de ses circonstances envers sa conscience et la société. » S’acquitter de ses talents est ingénieux et neuf, et se comprend ; mais s’acquitter de ses circonstances, pour dire : faire ce qu’on doit dans une grande situation et avec une grande fortune, cela ne s’entend plus. […] Entrée dans la société de Paris avec le ferme propos d’être femme d’esprit et en rapport avec les beaux esprits, elle a su préserver sa conscience morale, protester contre les fausses doctrines qui la débordaient de toutes parts, prêcher d’exemple, se retirer dans les devoirs au sein du grand monde, et, en compensation de quelques idées trop subtiles et de quelques locutions affectées, laisser après elle des monuments de bienfaisance, une mémoire sans tache, et même quelques pages éloquentes.

907. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Guyau n’absorbait point la morale entière dans la sociologie, car il considérait que le principe « de la vie la plus intensive et la plus extensive », c’est-à-dire de la moralité, est immanent à l’individu, mais il n’en admettait pas moins que l’individu est lui-même une société de cellules vivantes et peut-être de consciences rudimentaires ; d’où il suit que la vie individuelle, étant déjà sociale par la synergie qu’elle réalise entre nos puissances, n’a besoin que de suivre son propre élan, de se dégager des entraves extérieures et des besoins les plus physiques, pour devenir une coopération à la vie plus large de la famille, de la patrie, de l’humanité et même du monde. […] « Nous sentons s’enrichir notre cœur quand y pénètrent les souffrances ou les joies naïves, sérieuses pourtant, d’une humanité jusqu’alors inconnue, mais que nous reconnaissons avoir autant de droit que nous-mêmes, après tout, à tenir sa place dans cette, sorte de conscience impersonnelle des peuples qui est la littérature. » Enfin la sociabilité humaine doit s’étendre à la nature entière ; de là cette part croissante que prend dans l’art moderne la description de la nature.

908. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Mais cette diversité de sentiments préserva d’autre part Heine d’en être totalement envahi, l’état de sa conscience, ce qui constituait son moi, variant sans cesse il fut amené comme toutes les personnes qui ont une vive activité intellectuelle, beaucoup (le pensées, beaucoup de volonté, à éprouver, connaître, distinguer ces changements intérieurs, à s’analyser particulièrement dans ses sentiments, et à en diminuer ainsi non seulement l’intensité, mais la franchise, la vérité, un sentiment n’étant véritable que quand on n’a pas la liberté d’esprit de le discerner, c’est-à-dire de nouveau quand on en a peu et de durables. […] Il assouplit sa conscience par le commerce de la dialectique hégélienne, et apprit à confondre dans le même dédain les moments divers de l’évolution religieuse.

909. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Le plus fougueux des ultramontains consentirait-il à remettre entre les mains du seul juge infaillible non-seulement sa conscience et sa pensée, mais encore ses intérêts et ceux de sa famille ? […] Je ne me refuse pas sans doute de me soumettre à l’autorité du genre humain, car cela même est un des principes de ma raison ; mais encore faut-il que je m’assure que telle ou telle vérité a réellement pour garant la voix unanime des hommes, et cette voix elle-même, pour me subjuguer, a besoin d’être d’accord avec ma conscience, car l’expérience m’apprend qu’elle s’est plus d’une fois égarée.

910. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

« Le rôle de la poésie est d’agrandir la conscience humaine au-delà même des vérités contrôlées : la poésie réalisée est la forme transcendante du savoir. […] Leur désir a été d’exprimer immédiatement l’inexprimable, si j’ose dire, de fondre leur âme avec la conscience universelle afin de noter, par une sorte d’auscultation intellectuelle, jusqu’aux pulsations de la matière, jusqu’à la respiration du monde. » Tancrède de Visan, Paysages Introspectifs, in-8º, 1904.

911. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Dans tous ces dessins, dont la plupart sont faits avec un sérieux et une conscience remarquables, le roi joue toujours un rôle d’ogre, d’assassin, de Gargantua inassouvi, pis encore quelquefois. […] Il a, remarquez bien ce trait, souvent refusé de traiter certains motifs satiriques très-beaux, et très-violents, parce que cela, disait-il, dépassait les limites du comique et pouvait blesser la conscience du genre humain.

912. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

La preuve qu’on en cherchait dans de vains raisonnements, Bossuet nous la fait voir et comme toucher en nous, dans le secret de notre conscience. […] Je ne prétends seulement pas qu’il eût une conscience très claire de la nature, de l’étendue, de la portée des conclusions où il se laissait entraîner par sa dialectique. […] conscience de sa propre valeur ? […] L’homme, s’il en descend, s’oppose à l’animal, et s’en distingue par la conscience même qu’il a de son animalité. […] Il est vrai que celui-ci, le progrès moral, ne devait pas beaucoup inquiéter les consciences du siècle.

913. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Flaubert croit obéir aux règles de la psychologie scientifique en constituant les âmes de ces personnages par des successions d’état de conscience, et ces états de conscience par une série d’images mentales. […] Il en avait une pleine conscience, et il essayait raisonnements sur raisonnements, ou mieux sophismes sur sophismes, pour venir à bout de ses révoltes intimes contre la démocratie grandissante. […] Le pacte concordataire paraissait garantir pour toujours aux consciences chrétiennes la célébration paisible de leur culte. […] Ce développement de la Cité lui-même, comment y participer sans s’associer en pensée à la conscience qu’elle a prise de son propre caractère à travers les siècles ? […] Puis, sur le point de noter cette demi-hallucination, leur conscience se troublait.

914. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

Cette légère réserve faite, je ne sais rien de mieux raconté. » M. le comte de Circourt enfin, cet homme de haute conscience et de forte littérature, dans une lettre qu’il m’écrivait le 24 avril 1864, reconnaissait la vérité du Portrait et s’exprimait en ces termes par lesquels je terminerai et qui me couvrent suffisamment : « Les grands côtés du talent de M. de Vigny sont mis par vous en relief d’une manière tout à la fois large et fine ; et malgré la sévérité de quelques-unes de vos appréciations, je n’ai rien à souhaiter de mieux pour la mémoire de M. de Vigny, si ce n’est que la postérité s’en tienne sur lui à votre jugement, ce que j’espère ; j’apprends que ses vrais (et par conséquent rares) amis sont tout à fait de ce sentiment. » 79.

915. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

« Sa Majesté, lui écrit-elle, aussi modeste que vos jeunes demoiselles de Saint-Cyr, voudrait passionnément cacher à tout le monde ce que sa seule conscience l’oblige à faire. » L’abbé Albéroni fut seul chargé de tout conclure ; on connaît assez l’issue.

916. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Mais un éclair de la conscience fait évanouir ces lâches idées.

917. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Ce n’est pas impuissance ou grossièreté de nature, mais rudesse et manque de culture, qui fait que devant une œuvre d’art, un poème, un paysage, on reste morne et muet, sans émotion, que factice, sans idée, que convenue, sans parole, que banale, Par cet effort de conscience, on contraindra les sentiments à se préciser : le nuage confus des émotions se divisera, et de l’obscure vapeur qui bout dans l’âme surgiront des couleurs et des formes, de plus en plus nettes et délicates.

/ 1833