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919. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Ainsi tous les hommes commencent par les mêmes infirmités : dans le progrès de leur âge, leurs années se poussent les unes les autres, comme les flots ; leur vie roule et descend sans cesse à la mort par sa pesanteur naturelle ; et enfin, après avoir fait comme des fleuves un peu plus de bruit, et traversé un peu plus de pays les uns que les autres, ils vont tous se confondre dans ce gouffre infini du néant, où on ne trouve plus ni rois, ni princes, ni capitaines, ni tous ces noms qui nous séparent les uns des autres, mais la corruption et les vers, la cendre et la pourriture qui nous égalent. » C’est ainsi, c’est avec un semblable regard mélancolique et vaste, que souvent, à l’occasion d’une prouesse vulgaire et d’un nom sans souvenir, le poëte thébain suscite une émotion profonde par quelque leçon sévère sur la faiblesse de l’homme et les jeux accablants du sort. […] C’est déjà la pleine lumière de ce bel âge de la Grèce qui commence à Eschyle et que couronne Platon, âge où le sublime, soit de la passion, soit même de la réflexion, a toujours la forme et l’accent de la poésie.

920. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

« Il y a plus : c’est que, faute d’un certain sens spirituel nécessaire pour discerner par nous-mêmes la vérité, nous étions réduits à nous citer les uns les autres, et à citer même des anciens de deux mille ans, nous qui, aidés de leurs lumières et des lumières de soixantes générations, devions avoir incomparablement plus de lumières et de connaissances que ces anciens qui vivaient dans l’enfance de la raison humaine… » Nous touchons ici à une idée essentielle de l’abbé de Saint-Pierre, c’est que le monde intellectuel ne date que d’hier, que les hommes sont dans l’enfance de l’esprit et de la raison, que l’humanité n’a guère que sept ans et demi, l’âge à peine de la raison commençante45. […] M. de Fontenelle lui demandait : « Quel âge me donnez-vous ? 

921. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Si l’on est honnête, on garde, même dans les vivacités de cet âge, des réserves et des égards : on ne s’attaque dans les adversaires qu’aux travers de l’esprit, non à des ridicules extérieurs ou futiles que le plus souvent on serait réduit à inventer ; on s’abstient de la calomnie, cette chose odieuse ; du mensonge, cette chose honteuse ! […] Les difficultés augmentent d’ordinaire pour lui vers quarante ou quarante-cinq ans, c’est-à-dire à l’âge ou bien des gens dans d’autres professions ont déjà fait leur fortune et où tous du moins sont casés.

922. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Il faut voir encore comme en toute occasion le poëte a conscience de lui-même, comme il a foi en sa gloire, et avec quelle sécurité sincère, du milieu de la tourbe qui l’importune, il se fonde sur la justice des âges : Ceux dont le présent est l’idole Ne laissent point de souvenir ; Dans un succès vain et frivole Ils ont usé leur avenir. […] Vingt ans plus tard, on trouve les deux poëtes unis entre eux par l’amitié et même par les goûts, malgré la différence des âges.

923. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Cousin, que l’humanité se développe à la manière de l’individu ; que les périodes de l’une répondent aux âges de l’autre ; que dans son enfance elle débute par la spontanéité et la religion, pour arriver dans son âge mûr à la réflexion et à la science, il est bien vrai, en ce sens, de dire que la destinée de l’espèce peut se lire en raccourci dans celle de l’individu ; mais, après quelques rapprochements ingénieux, quelques perspectives neuves du passé, il faut bientôt quitter ce point de vue trop hasardeux, trop vague, et duquel on ne tire rien de certain ni de vivant sur l’avenir.

924. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Les jeunes gens de nos écoles et de nos lycées commenceront naturellement par faire une courte excursion dans le moyen Age. […] Ils ont si peu cherché, si constamment fui tout ce qui est singularité ou exception, que, dès le jeune âge, on peut les goûter sans idolâtrie, autrement que sur parole, par une claire intelligence de leur profonde vérité.

925. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Jeune Grec exilé dans la laideur des âges, Tu te ressouvenais, cil pleurant, les retards De la beauté qui fait se lever les vieux sages ! […] Elles sont construites selon un plan déterminé dont l’auteur ne s’écarte pas ; la rime, si difficile qu’elle peut se présenter, ne l’entraîne jamais hors de la voie qu’il s’est tracée, car il la force à obéir et elle obéit, venant, à point nommé, compléter sa pensée, selon la forme voulue et le rythme choisi… Dans ses poésies, aussi bien dans celles de la jeunesse que dans celles de l’âge mur, Gautier a une qualité rare, si rare, que je ne la rencontre, à l’état permanent, que chez lui : je veux parler de la correction grammaticale… De tous ceux qui sont entrés dans la famille dont Goethe, Schiller, Chateaubriand, Byron ont été les ancêtres, dont Victor Hugo a été le père, ceux-là seuls ont été supérieurs qui ont fait bande à part… J’ai déjà cité Théophile Gautier et Alfred de Musset, qui eurent à peine le temps d’être des disciples qu’ils étaient déjà des maîtres.

926. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Et aussitôt les hommes reconnaissent que cette merveille leur est née : un poète vraiment inspiré, un poète comme ceux des âges antiques, ce « quelque chose de léger, d’ailé et de divin » dont parle […] Il est en effet à l’âge des chefs-d’œuvre, à cette maturité où le poète atteint toute sa puissance de conception et possède en même temps une expérience qui lui manquait dans ses premières années.

927. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

En quel âge du monde se passa ceci ? […] Il instruit, par exemple, sa fille Olivette dans l’art du jardinage : « Comment, à ton âge, grande comme te voilà, et ma foi !

928. (1842) Essai sur Adolphe

Adolphe est ennuyé, comme tous les hommes de son âge qui ont entremêlé leurs études vagabondes de loisirs nombreux et indéfinis. […] Si Adolphe cédait naïvement au besoin d’aimer, il ne marquerait pas si haut le but de ses espérances ; il choisirait près de lui un cœur du même âge que le sien, un cœur épargné des passions, où son image pût se réfléchir à toute heure sans avoir à craindre une image rivale ; il comprendrait de lui-même, il devinerait cette vérité douloureuse, et qui n’est jamais impunément méconnue, c’est que l’avenir ne suffit pas à l’amour, et que le cœur le plus indulgent ne peut se défendre d’une jalousie acharnée contre le passé ; il ne s’exposerait pas à essuyer sur les lèvres de sa maîtresse les baisers d’une autre bouche ; il tremblerait de lire dans ses yeux une pensée qui retournerait en arrière et qui s’adresserait à un absent.

929. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Mais qui voudrait dire que Jésus eût été plus heureux, s’il eût vécu un plein âge d’homme, obscur en son village ? […] Je n’ose encore me prononcer sur l’âge de ces monuments, ni par conséquent affirmer que Jésus ait enseigné dans aucun d’eux.

930. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

M. de Lamartine assurément ne le croit pas, car il nous dit, en parlant de sa formation précoce : Cette vie entièrement paysannesque, et cette ignorance absolue de ce que les autres enfants savent à cet âge, n’empêchaient pas que, sous le rapport des sentiments et des idées, mon éducation familière, surveillée par ma mère, ne fit de moi un des esprits les plus justes, un des cœurs les plus aimants, etc., etc. […] Ceux surtout qui savent ses vers par cœur (et le nombre en est grand parmi les hommes de notre âge) en retrouvent, non sans regret, des lambeaux entiers étendus et comme noyés dans sa prose.

931. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Devenue veuve à l’âge de vingt-cinq ans, ayant de la beauté, du bien, une naissance honnête, un esprit fait pour le monde, elle voulut y vivre comme dans un cloître, & s’entêta de ce qu’on appelle spiritualité. […] On parla beaucoup de sa liaison, innocente sans doute, mais qui passa longtemps pour suspecte, avec Lacombe, barnabite, natif de Tonon en Savoye, homme débauché dans sa jeunesse, dévot & mystique dans l’âge mur, & mort fou.

932. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Guizot L’un des plus nobles spectacles que présente notre temps si décrié est celui de l’indomptable vitalité de quelques hommes illustres qui, sur des théâtres et à des titres divers, occupent encore le premier rang, quoique par leur âge ils semblent appartenir à une autre époque. […] Tous les peuples ont eu l’idée d’un âge d’or, d’un état primitif de parfaite paix et de parfaite innocence : n’est-ce point là le sentiment secret et comme le souvenir de l’état dans lequel ont été créés nos premiers parents ?

933. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Par exemple, en rapprochant la courbe qui exprime la marche du suicide pendant une période de temps suffisamment longue, des variations que présente le même phénomène suivant les provinces, les classes, les habitats ruraux ou urbains, les sexes, les âges, l’état civil, etc., on peut arriver, même sans étendre ses recherches au-delà d’un seul pays, à établir de véritables lois, quoiqu’il soit toujours préférable de confirmer ces résultats par d’autres observations faites sur d’autres peuples de la même espèce. […] La comparaison ne peut être démonstrative que si l’on élimine ce facteur de l’âge qui la trouble ; pour y arriver, il suffira de considérer les sociétés que l’on compare à la même période de leur développement.

934. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre III. Les questions que l’historien doit se poser. » pp. 16-17

Traduisons tout cela en langage plus simple : Par la complexité, par la solidarité, par la mobilité du vaste ensemble que l’historien d’une littérature embrasse, il est obligé : D’abord de distinguer, dans la suite ininterrompue des âges, des époques enfermées entre des dates aussi précises que faire se peut ; Ensuite de trouver la formule générale de la littérature pendant chacune de ces époques ; Puis d’indiquer, ses attaches, lors de ces mêmes époques, avec tous les phénomènes d’ordre divers au milieu desquels elle évolue ; Enfin, d’expliquer par quelles transitions et, si possible, par quelles causes et suivant quelles lois elle a passé de l’une à l’autre.

935. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 202-207

Le funeste effet qu’ils produisent sur les Lecteurs, est d’en faire, dans la jeunesse, de mauvais citoyens, des criminels scandaleux, & des malheureux dans l’âge avancé ; car il y en a peu qui aient alors le triste avantage d’être assez pervertis pour être tranquilles.

936. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 122-127

Boileau a très-bien jugé ce Poëte ; quand il a dit après avoir parlé de Marot : Ronsard, qui le suivit, par une autre méthode, Réglant tout, brouillant tout, fit un Art à sa mode, Et toutefois long-temps eut un heureux destin ; Mais sa Muse, en François, parlant Grec & Latin, Vit dans l'âge suivant, par un retour grotesque, Tomber de ses grands mots le faste pédantesque.

937. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Homère, et le grammairien Thestorides. » pp. 2-6

Il ne se consola jamais du vol de son plus bel ouvrage ; & la douleur de ne pouvoir confondre la perfidie de Thestorides le conduisit au tombeau, plus que l’âge, les infirmités & l’extrême misère.

938. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IV. Le Père. — Priam. »

Le souvenir le plus tendre que l’on pût offrir au fils de Pélée, après lui avoir rappelé son père, était sans doute l’âge de ce même père.

939. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

On reconnaît ceux du bel âge de la France à la fermeté de leur style, au peu de recherche de leurs expressions, à la simplicité de leurs tours, et pourtant à une certaine construction de phrase grecque et latine qui, sans nuire au génie de la langue française, annonce les modèles dont ces hommes s’étaient nourris.

940. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre III. Suite du précédent. — Seconde cause : les anciens ont épuisé tous les genres d’histoire, hors le genre chrétien. »

On n’était obligé qu’à peindre, et non pas à réfléchir ; les vices et les vertus des nations n’en étaient encore qu’à leur âge poétique.

941. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Loutherbourg » pp. 224-226

Dans l’âge mûr, avec les plus heureuses dispositions, après une longue expérience, on s’élève rarement à ce point de perfection.

942. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Toutes les idées et tous les sentiments dont on avait ensemencé les esprits et les cœurs dans l’âge philosophique, devaient porter et avaient, en effet, porté leurs fruits dans l’âge politique. […] L’expérience avait donné d’éclatants démentis à toutes les théories de l’âge précédent. […] à votre âge, cela ne convient pas. — Général, je n’ai jamais eu d’autre voiture quand le trajet m’a paru trop long pour mes jambes. — Non, non, vous dis-je, cela ne se peut pas ; il faut qu’un homme de votre âge, de votre talent, ait une bonne voiture à lui, bien simple, bien commode. […] Cousin est à peu près du même âge, M.  […] C’est l’âge philosophique du génie poétique de

943. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

À l’âge de neuf ans, sans étonner personne, Dante tombait éperdument épris d’une enfant de même âge. […] Il ne paraît plus douteux aujourd’hui qu’elle fut mariée, vers l’âge de vingt-un ans, au chevalier Simon de Bardi. […] Nos paysans de l’Ouest disent encore vivre son droit âge, et ils entendent par là ne pas mourir avant soixante-dix ans. […] Quel âge avait-il alors ? […] Je ne me suis jamais figuré Gœthe, il est vrai, autrement qu’avancé en âge, assez indifférent et tout à fait impassible.

944. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Ce n’est pas méchant ; mais la pièce a été faite pour les « souvenirs du jeune âge », et ces souvenirs du jeune âge sont mis en très jolis vers, très dignes de Corneille jeune. […] Mais que ce soient des vertus héroïques, l’âge précédent ne s’en serait pas douté. […] Ce dix-huitième siècle est un âge assez étrange, qui a eu toutes les audaces, excepté les hardiesses inoffensives. […] On pourrait à la rigueur jouer un rôle de mère quand on a largement l’âge d’aïeule.) […] Il eut un âge mûr très pénible, et il ne connut pas la vieillesse, ce qui, du reste, est le plus grand bonheur qui puisse échoir à un homme.

945. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Cette génération : celle qui, au moment de la guerre, était à l’âge puéril. […] Ils dénigrent les préjugés de l’ancien temps : ces préjugés composent d’âge en âge la conscience d’un pays. […] Il la signale, à toutes les étapes de la civilisation : elle se marque, à ses yeux, toujours plus nettement d’âge en d’âge. […] Seulement, il n’a plus l’âge d’un soldat de chez nous. […] si loin que nous allions dans les âges, la terrible science nous fait apercevoir des âges plus anciens ; et, quand nous cherchons la jeunesse du monde, nous n’arrivons nulle part.

946. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Le lecteur sentira, à la fureur de l’invective, quel excès de rancune le gouvernement des Stuarts a laissé dans le cœur d’un patriote, d’un whig, d’un protestant et d’un Anglais : Alors vinrent ces jours dont on ne se souviendra jamais sans rougir, jours de servitude sans fidélité, de sensualité sans amour, de talents imperceptibles et de vices gigantesques, le paradis des cœurs froids et des esprits étroits, l’âge d’or des lâches, des bigots et des esclaves. […] Plus nous lirons l’histoire des âges passés, plus nous observerons les signes de notre époque, plus nous sentirons nos cœurs se remplir et se soulever d’espérance à la pensée des futures destinées du genre humain1379. […] Ne point s’inquiéter de la symétrie, et s’inquiéter beaucoup de l’utilité ; n’ôter jamais une anomalie, uniquement parce qu’elle est une anomalie ; ne jamais innover, si ce n’est lorsque quelque malaise se fait sentir, et alors innover juste assez pour se débarrasser du malaise ; n’établir jamais une proposition plus large que le cas particulier auquel on remédie : telles sont les règles qui, depuis l’âge de Jean jusqu’à l’âge de Victoria, ont généralement guidé les délibérations de nos deux cent cinquante parlements1383. […] Voilà quelques-uns des défauts qui ne peuvent manquer de frapper toute personne qui examinera l’Acte de Tolérance d’après ces lois de la raison qui sont les mêmes dans tous les pays et dans tous les âges. […] Toute la science et toute l’industrie d’un âge pacifique ne peuvent extraire rien d’utile de ce désert ; mais dans un âge de violence et de rapine, le désert lui-même devenait utile par l’abri qu’il offrait au bandit et à son butin1387.

947. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Ses traits, effacés par l’âge, lui rappelèrent cependant ceux de Marie Talbot, de cette bonne fille qui avait pris soin de son enfance. […] » Et avec une vivacité inouïe à son âge, elle jette sa quenouille, renverse son rouet et se précipite dans ses bras. […] Un jour que j’étais assis au pied de ces cabanes et que j’en considérais les ruines, un homme déjà sur l’âge vint à passer aux environs. […] Celui de Marguerite, appelé Domingue, était un noir iolof, encore robuste, quoique déjà sur l’âge. […] lui disaient quelques amies du voisinage. — Aux cannes de sucre, répondait Virginie. — Votre visite nous sera encore plus douce et plus agréable, reprenaient ces jeunes filles. » Quand on l’interrogeait sur son âge et sur celui de Paul: « Mon frère, disait-elle, est de l’âge du grand cocotier de la fontaine, et moi de celui du plus petit.

948. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Judith (1845-1917) »

La ligne du nez continue celle du front, comme aux âges heureux où les divinités marchaient sur la terre, car il a été donné au poète que ses filles fussent véritablement créées et modelées à l’image de sa pensée.

949. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pailleron, Édouard (1834-1899) »

. — L’Age Ingrat, trois actes (1879). — Le Chevalier Trumeau, un acte, en vers (1880). — Pendant le Bal, un acte, en vers (1881). — Le Monde où l’on s’ennuie, trois actes, en prose (1881). — Le Narcotique, un acte, en vers (1883). — La Poupée, recueil de vers (1884). — Discours académiques (1886). — La Souris, trois actes (1887). — Amours et haines, poésies (1888). — Émile Augier (1889). — Cabotins !

950. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

Théodore de Banville Ce poète qui, quand il était jeune, n’a pu obtenir rien de ce qu’il désirait, si ce n’est le don d’écrire de beaux vers, a tout obtenu dans son âge mûr ; popularité, gloire, honneurs et même la beauté, car le succès, le contentement intérieur, la joie du devoir accompli ont éclairé sa tête naguère souffrante, poli l’ivoire de ses joues, allumé son regard et rendu ses lèvres aussi spirituelles, ses fiers sourcils — qui, très victorieusement, le dispensent de toute chevelure — aussi beaux que ceux de Boileau.

951. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Si cette image semble le rêve d’un autre âge, j’en suis fâché pour le nôtre.

952. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 527-532

Ses vertus égaloient ses talens, & il se vit en possession de l’estime & de la confiance publique, dans un âge où les autres commencent à peine à en sentir le prix.

953. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 296-302

La maturité de l’âge & la perfection du goût les lui firent sentir & éviter dans ses derniers Ouvrages.

954. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 519-526

A l’âge de dix-neuf ans elle vint à Paris.

955. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

Tels on vit les Romains, dans leurs jours lumineux, Du second des Césars dégrader l’âge heureux, Ensevelir Horace & déterrer Lucile, Préférer la Pharsale aux beaux Vers de Virgile, Vanter l’esprit guindé du Maître de Néron, Et bâiller sans pudeur en lisant Cicéron.

956. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

À nous deux, nous avons à peine l’âge de M. 

957. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Il est pour un grand peintre une infinité de joïes et de douleurs differentes qu’il sçait varier encore par les âges, par les temperamens, par les caracteres des nations et des particuliers, et par mille autres moïens.

958. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 49, qu’il est inutile de disputer si la partie du dessein et de l’expression, est préferable à celle du coloris » pp. 486-491

L’âge et plusieurs autres causes, produisent en nous ces sortes de changemens.

959. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Alcide Dusolier »

C’est facile, animé, observé, senti, sans le moindre pédantisme, — le mal de notre âge où les plus vides sont les plus lourds.

960. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Enfin Numance commençait à peine son âge héroïque, lorsqu’elle fut accablée par la puissance romaine, par le génie du vainqueur de Carthage, et par toutes les forces du monde.

961. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Si les annalistes, contemporains nécessaires de ce second âge du monde, se mettent à recueillir les traditions et commencent à compter avec les siècles, ils ont beau faire, la chronologie ne peut chasser la poésie ; l’histoire reste épopée. […] Cependant l’âge de l’épopée touche à sa fin. […] comme il fait hardiment saillir toutes ces formes bizarres que l’âge précédent avait si timidement enveloppées de langes ! […] Ainsi, pour résumer rapidement les faits que nous avons observés jusqu’ici, la poésie a trois âges, dont chacun correspond à une époque de la société : l’ode, l’épopée, le drame. […] Le nouveau siècle est dans cet âge de croissance où l’on peut aisément se redresser.

962. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

— C’est que j’y prends un grand intérêt ; c’est qu’ils m’annonçaient par ce mot une grande sensibilité d’âme, une sorte de pénétration, une justesse d’esprit au-dessus de leur âge. — L’abbé, à l’application. […] Je me mêlai à l’entretien de nos philosophes, qui devinrent à la fin si brouillés, si bruyans que, n’étant plus d’âge aux promenades du parc, je pris furtivement mon chapeau et mon bâton, et m’en allai seul à travers champs, rêvant à la très-belle et très-importante question qu’ils agitaient, et à laquelle ils étaient arrivés de fort loin. […] Baliveau à cinquante ; c’est tout juste mon âge. […] Nous abandonnâmes les débris de notre repas aux domestiques qui nous avaient servis, et, tandis que nos jeunes élèves se livraient sans contrainte aux amusemens de leur âge, leur instituteur et moi sans cesse distraits par les beautés de la nature, nous conversions moins que nous ne jettions des propos décousus. […] C’est qu’ils ont moins de raison et d’expérience ; attendez l’âge, et vous les verrez sourire de mépris à leur bonne.

963. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Le mystère a, au long des âges, revêtu bien des costumes divers. […] Albert Vandal ne s’est pas contenté de présenter à son lecteur un édifiant tableau des âges révolus. […] C’est un grand âge, pour un révolutionnaire. […] Ainsi, le seizième siècle italien est un âge de décadence. […] Les meubles, d’âge inégal et de différent style, font des contrastes singuliers et amusants.

964. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Quoi qu’il en soit, tous les deux y représentent, comme deux chefs, les deux grands instincts et les deux principaux courants de ce siècle, duquel on a pu dire tour à tour qu’il est un siècle d’action et un âge de rêverie ; une époque vague, sceptique, et une époque positive. […] Thiers, dévoré de ses feux et ravi avant l’âge, comme Gilbert, André Chénier, Hoche, Barnave, Vergniaud et Bichat. » M. […] Vingt héros, divers de caractère et de talent, pareils seulement par l’âge et le courage, conduisaient ses soldats à la victoire : Hoche, Kléber, Desaix, Moreau, Joubert, Masséna, Bonaparte, et une foule d’autres, s’avançaient ensemble. On pesait leurs mérites divers ; mais aucun œil encore, si perçant qu’il pût être, ne voyait dans cette génération de héros les malheureux et les coupables ; aucun œil ne voyait celui qui allait expirer à la fleur de l’âge, atteint d’un mal inconnu, celui qui mourrait sous le poignard musulman ou sous le feu ennemi, celui qui opprimerait la liberté, celui qui trahirait sa patrie ; tous paraissaient grands, purs, heureux, pleins d’avenir ! […] Le style de Laplace dans l’Exposition du système du monde, de Napoléon dans ses Mémoires, voilà les modèles du langage simple et réflechi propre à notre âge. » Et il finit par risquer ce mot qui, depuis, a tant fait fortune : « Napoléon est le plus grand homme de son siècle, on en convient ; mais il en est aussi le plus grand écrivain. » Il faudrait bien de la pédanterie pour venir contester, contrôler un jugement si piquant. si vrai même, à l’entendre d’une certaine manière.

965. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Je ne me montre volontairement que par les distractions que je sais encore quelquefois me donner. » Ce qu’elle était stoïquement à la veille de sa mort, elle tâchait de l’être dès l’âge de quinze ans. […] Le comte Xavier de Maistre, ce charmant et fin attique, y arrive en ce moment, pour la première fois de sa vie, à l’âge de soixante-seize ans. […] A l’âge d’environ douze ans (1779), on le voit, par une lettre à sa grand’mère, déjà lancé, l’épée au côté, dans le grand monde de Bruxelles ; il y parle de la musique qu’il apprend, des airs qu’il joue, et dans quelle manière : « Je voudrais qu’on pût empêcher mon sang de circuler avec tant de rapidité et lui donner une marche plus cadencée ; j’ai essayé si la musique pouvait faire cet effet. […] Ne soyons pas si fiers en effet : austères régents de notre âge, et qui le preniez si haut, kantistes, éclectiques, doctrinaires et tous, nous ne sommes pas si riches en morale, et vous-mêmes l’avez bien, à la longue, un peu prouvé. […] Sa santé se détruisait avant l’âge.

966. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Son père le conduisait dès l’âge de deux ans avec lui chez les jeunes filles de la noblesse et de la bourgeoisie de la ville auxquelles il donnait des leçons ; et l’enfant, tout en recevant leurs caresses, profitait à son insu des enseignements répétés de son père à ses élèves. Les règles mêmes de la composition entraient dans sa frêle intelligence ; avant de comprendre les lettres il lisait les notes et comprenait la grammaire des sons ; à l’âge de quatre ans et quelques mois il jouait du petit violon de poche à la proportion de sa taille, et il étudiait par imitation le doigté de l’orgue sur les genoux de l’organiste ; semblable aux anges du tableau de Raphaël, accoudés aux pieds de sainte Cécile, esprits enfantins qui savent tout sans avoir rien appris. […] « M. de Méchel, le graveur, travaille à force à nos portraits peints par un amateur, M. de Carmontelle : Wolfgang joue du piano ; moi, derrière lui, du violon ; Nanerl s’appuie d’une main sur le piano, et tient dans l’autre un morceau de musique, comme si elle allait chanter. » Qui peut lire sans attendrissement ces pieuses superstitions d’un cœur de père et d’un cœur de mère vouant à l’autel d’un Dieu-enfant des sacrifices propitiatoires pour l’enfant de leur amour, afin que l’analogie des âges attendrît plus puissamment l’enfance du Dieu pour l’enfance de l’homme ! […] On songe à lui faire écrire un opéra, c’est-à-dire le poème épique du chant, avant l’âge où les passions ont donné leur note dans un cœur d’homme. […] Tu es un jeune homme de vingt-deux ans ; tu n’as par conséquent pas le sérieux de l’âge qui peut empêcher de rechercher ta connaissance ou ton amitié tant de jeunes hommes de quelque rang qu’ils puissent être, tant d’aventuriers, de mystificateurs, d’imposteurs, jeunes ou vieux, qu’on rencontre dans le monde de Paris.

967. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Il fait fi maintenant de ces gentilles Demoiselles qui habitent le sommet d’Hélicon ; cependant, il les avait adorées dès son âge le plus tendre. […] Ce poète, mort à la fleur de l’âge, était plein de mérite. […] Un tel mesnage à l’âge d’or ressemble, Tant regretté par les siècles passez. […] Hardi, aventureux, le jeune Agrippa commence ses prouesses dès l’âge de onze ans. […] Aveugle, paralysé, presque sans ressources, Passerat mourut à l’âge de soixante-huit ans.

968. (1900) Molière pp. -283

Il quitte Paris en 1646, et il n’y rentre qu’en 1658, à l’âge de trente-huit ans, treize ans après. […] Il n’y a pas d’expérience générale, il n’y a que des expériences particulières à chaque âge ! […] Enfin, la vieillesse arrive, il y a d’autres manières de pécher dans la vieillesse que dans l’âge mûr et que dans la jeunesse ; tout cela, vous ne le savez jamais qu’alors qu’il n’est plus temps ; toutes les passions, selon le mot d’un moraliste, tous les vices propres à chaque âge attendent et guettent l’homme, dans les différentes saisons de la vie, comme des voleurs sur un chemin. […] Passé l’âge de la première candeur aucune femme n’a aimé jusqu’à avouer tout d’elle-même. […] (Voyez les Souvenirs d’âge mûr de M. 

969. (1913) Poètes et critiques

N’est-ce pas ce qui éclaire et fait saillir les figures qu’il nous dépeint, ce qui rend le frisson de joie ou de douleur aux âmes qu’il interprète, ce qui, dans ses évocations d’âge et d’ordre divers, fait vivre le présent, rajeunit le passé, ressuscite l’histoire ? […] Songez-y, ce n’est pas une petite chose, de se dire qu’on modifie une âme, et cela, justement, à un âge où l’on est tout plein de chimère et d’incertitude. […] Il a passé son âge mur, non pas à regretter les joies, mais à réparer les fautes de la jeunesse ; il a passé une partie de ses vieux ans à renier tous les efforts de l’âge mûr ; et enfin, dans l’isolement de cette âpre agonie qui a causé tant de scandale, il a voulu comme expier les suprêmes attachements. […] Cette sorte de culte prenait un caractère étonnamment religieux, dans des assemblées d’un autre âge tenues à mi-hauteur du clocher de l’église. […] L’étonnement fut grand : « nulle cuistrerie, avec une langue suffisante et de l’effort assez pour ne se montrer qu’intéressamment… Comme c’est chaud, ces romances de la jeunesse, ces souvenirs de l’âge de femme, ces tremblements maternels… Quels paysages, quel amour de paysages !

970. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Bon frère, le Seigneur t’a appelé à la fleur de ton âge. […] Croiriez-vous qu’à son âge il est toujours matelot ? […] En 1873, à l’âge de vingt et un ans, M.  […] On peut dire qu’avec lui la critique est décidément sortie de l’âge théologique. […] La nouvelle, en ces âges naïfs, faisait pendant au sonnet.

971. (1885) L’Art romantique

Ce fut peut-être vers cet âge que M.  […] Elle a ses âges et ses plaisirs, ses travaux, ses conceptions analogues à ses âges. (Analyse du calendrier emblématique de Chenavard. — Que tel art appartient à tel âge de l’humanité comme telle passion à tel âge de l’homme. […] L’âge total de l’humanité sera de huit mille quatre cents ans. […] Elle est très-simple, et elle explique l’âge suivant.

972. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Cette piété prématurée n’était pour elle qu’une perspective de l’âge avancé ; l’ivresse du monde ne lui laissait pas le temps des réflexions ; la trempe même de son âme ne l’inclina jamais à la dévotion : celle qui n’avait pas assez de passion pour les hommes n’en avait pas assez non plus pour Dieu ; mais elle se prêtait complaisamment tantôt à ces voix qui voulaient la séduire, tantôt à ces voix qui voulaient la sanctifier. […] Villemain, la lumière, la force et la grâce des entretiens ; Benjamin Constant, Machiavel des salons, incapable de crime comme de vertu ; M. de Tocqueville, jeune esprit mûr avant l’âge, que toutes les situations ont trouvé égal à ses devoirs, et qui vient d’emporter en mourant l’immortalité modeste de l’estime publique ; M.  […] D’autres qui vinrent selon leur âge dans le siècle. […] M. le duc de Noailles, homme sérieux, orateur écouté, chef de parti important, écrivain studieux, politique réfléchi, futur premier ministre si les Bourbons avaient duré, y venait assidûment ; il semblait y écouter avec une déférence convenable d’âge et de talent M. de Chateaubriand, flatté d’un tel disciple.

973. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

IV Je glisse sur les premières années de ce rejeton des Nelli et des Machiavelli ; son intelligence vive, étendue, profonde et éloquente comme la passion, le fit remarquer avant l’âge. […] VIII Il y avait alors à Florence un citoyen d’une grande opulence, ami des Médicis, nommé Cosme Ruccellai, infirme et mûri par ses infirmités avant l’âge. […] « Malgré mon âge, qui touche à cinquante ans, écrit-il à Vettori, je vais chaque jour visiter celle qui captive mon cœur ; je ne me laisse ni rebuter par les ardeurs de l’été, ni arrêter par la longueur et les difficultés du chemin, ni effrayer par l’obscurité des nuits. » Tant que dura ce violent amour qui lui faisait tout oublier, même la dignité de son nom, même sa misère, même la décence de son âge, il n’écrivit plus rien que des lettres amoureuses ou que les confidences de son bonheur.

974. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Sita et Rama s’extasient ensemble sur les scènes reproduites par le pinceau : « Jours heureux pour moi », s’écrie Rama à l’aspect de ces peintures, « quand un père vénéré vivait encore, quand la tendresse d’une mère veillait attentivement sur mon existence, quand tout était plaisir pour mon jeune âge… Voyez… Voilà que ma jeune épouse, la belle Sita, attire l’admiration de ma mère… Le sourire est sur ses lèvres, sa bouche entrouverte laisse éclater des dents aussi blanches que les calices allongés du jasmin ; de longues nattes de cheveux souples, et doux au toucher comme la soie, répandent un crépuscule sur ses joues ; tous ses membres, élégants de formes, gracieux de mouvements, ont la blancheur et la flexibilité des rayons de la lune glissant dans le vague des airs ! — « Voyez cet autre tableau », lui dit Sita ; « il représente l’instant où vous vous revêtez de l’habit de pénitence parmi les saints cénobites. » — « Oui », réplique le héros, « cet état de vie austère que les anciens rois de notre race adoptaient pour se sanctifier quand ils avaient abdiqué l’empire en faveur de leurs enfants, nous l’avons adopté à la fleur de notre âge, nous avons été heureux de languir dans ces ermitages au fond des forêts, pour nous former à la sagesse sous des maîtres inspirés des dieux. […] qu’il est heureux celui qui, dans la peine comme dans le bonheur, peut compter sur une tendresse éprouvée, dont le cœur repose avec confiance sur le cœur d’un autre dans toutes les fortunes, et qui, au déclin même de son âge, comme à la fleur de sa vie, jouit des douceurs d’une consolante union !  […] Qu’il est malheureux que ni l’âge, ni l’infortune, ni les austérités de la pénitence n’aient pu délivrer mon âme de ce corps qui l’accable !

975. (1914) Boulevard et coulisses

Ou bien, elle va dans une des innombrables boîtes de la Butte ; elle voit jouer la comédie par de jeunes personnes de son âge et elle pense : − Ce n’est pas malin. […] Et elle se représente tout de suite les embarras d’argent dont elle voit les désordres autour d’elle depuis qu’elle a l’âge de raison, la préoccupation des termes à payer, de toute une vie médiocre à organiser et à maintenir. […] Un homme de mon âge, messieurs, séparé de vous par vingt-cinq années de la rude vie contemporaine, et mis soudain en présence de toute votre jeunesse et de toute votre sympathie, éprouve, il faut que je vous le dise d’abord, une impression singulière. […] Je viens de perdre pendant quelques secondes, en vous regardant, la notion exacte de mon âge, pas assez pour que je me figure avoir le vôtre, mais suffisamment pour croire que je n’ai pas encore le mien.

976. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Il appartient, ainsi que la plupart des grammairiens philosophes de son temps, à cette école qui considérait avant tout une langue en elle-même et d’une manière absolue, comme étant et devant être l’expression logique et raisonnable d’une idée et d’un jugement ; il la dépouillait volontiers de ses autres qualités sensibles ; il ne l’envisageait pas assez comme une végétation lente, une production historique composée, résultant de mille accidents fortuits et du génie persistant d’une race, et qui a eu souvent, à travers les âges, plus d’une récolte et d’une riche saison ; il ne remontait point à la souche antique, et ne se représentait point les divers rameaux nés d’une racine plus ou moins commune. […] » Duclos, fort et robuste comme il était, mourut avant le temps, le 26 mars 1772, à l’âge de soixante-huit ans.

977. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Un jeune prince grec, Alexis, fils d’Isaac l’Ange, d’un de ces empereurs dépossédés à qui leurs parents et frères usurpateurs faisaient crever les yeux, sollicite l’appui de l’armée ; il arrive lui-même dans le camp ; d’un visage animé et avec le feu de son âge, il implore les chefs. […] Celui-ci, au moment de l’expédition, était jeune, dans la fleur de l’espérance et de la confiance première ; et lorsque plus tard, parvenu à l’âge le plus avancé, il retraçait ses souvenirs chéris, il était dans son beau châtel de Joinville, entouré des objets de ses affections et de tout ce qui pouvait lui rendre le sourire.

978. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Il ne faudrait pourtant point se le figurer à cet âge un sujet trop régulier, toujours esclave de son travail et le front courbé sur le Digeste : tel n’était point le président Jeannin en sa jeunesse : Car nous avons appris de tous ceux de son temps, dit Saumaise, qu’il avait exercé toutes les libertés que la chaleur du sang et celle de l’âge peuvent imaginer en cette heureuse saison.

979. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Ramond était arrivé à l’âge de vingt-cinq ans : ici sa carrière va subir une déviation singulière et qui aurait pu être fatale à tout autre. […] quels âges de la vie pastorale et quels lieux aimés des troupeaux ne me rappellerait-elle pas ?

980. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère.

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