Je ne crains pas de partager cet avis, quoique le jugeant excessif. […] On parle beaucoup en ce moment-ci de l’Eden-Théâtre, qui doit se transformer en Théâtre-Lyrique ; je crains qu’on n’en parle trop.
Des cris silencieux empliront nos deux bouches ; Mais nous ne serons pas emportés ni farouches ; Nous saurons nous contraindre à l’effleurant baiser Qui domine sa hâte et craint, parfois, d’oser, Et, tardif à dessein, prolonge en ses paresses L’espoir toujours accrû des prochaines caresses. […] Victime du snobisme, elle n’obtiendra pas les hommages auxquels elle a droit, car beaucoup craindront — à la louer autant qu’il convient — d’être, eux aussi, taxés de snobisme.
Je ne crains pas de le dire nettement, — simplement, — et la conscience sans aucun reproche, — malgré l’exil ! […] il serait absolument supérieur le jour où, au lieu d’achever cette Fin de Satan qu’il projette, — une pensée moderne bonne à laisser à un poète comme Soumet, qui a fait quelque part la Fin de l’Enfer, — il écrirait de préférence quelque violente épopée du xe siècle et ne craindrait pas de mêler les moines, dont c’était l’âge d’or, aux soldats.
Les premiers conspirateurs contre celle d’Alexandre VI sont, aux yeux de son nouvel historien, les mêmes qu’aux yeux d’Audin et de Rohrbacher… Ce sont Burchard, le valet déshonoré et cassé aux gages, et Guichardin, que le sceptique Montaigne ne craint pas de traiter d’esprit pervers ; Burchard surtout, « ce Procope menteur d’antichambre, avec lequel, si ses contes étaient vrais, le profond politique Alexandre VI, ce grand discret, ne serait plus qu’un idiot ! […] Elle n’est pas même, cette mère-là, là Juive errante de la maternité ; car elle pourrait être intelligente alors et éloquente, puisqu’elle serait dans l’humanité, et elle n’y est pas… On la voit donc courir, hagarde, imbécille, folle et enragée, çà et là à travers quelques pages ; car elle ne peut pas en remplir davantage, dans l’économie du roman, de sa personnalité raccourcie et brute, et, comme Hugo n’a pas craint de le dire : de sa divine animalité !
Ce qu’elle doit craindre aussi, c’est que les membres dont elle se compose, au lieu de viser à un équilibre de plus en plus délicat de volontés qui s’inséreront de plus en plus exactement les unes dans les autres, se contentent de respecter les conditions fondamentales de cet équilibre : un accord tout fait entre les personnes ne lui suffit pas, elle voudrait un effort constant d’adaptation réciproque. […] Dès que le souci du corps intervient, une infiltration comique est à craindre.
Allons, s’il vous plaît, chez Pierre et chez Paul : ne craignez pas de vous compromettre. […] C’est « la plus grande plaie que la patrie pût recevoir, et qui en devint la lèpre et le chancre. » Lorsqu’il apprend que d’Antin veut être pair, « à cette prostitution de la dignité », les bras lui tombent ; il s’écrie amèrement : « Le triomphe ne coûtera guère sur des victimes comme nous. » Quand il va faire visite chez le duc du Maine, bâtard parvenu, c’est parce qu’il est certain d’être perdu s’il y manque, ployé par l’exemple « des hommages arrachés à une cour esclave », le cœur brisé, à peine dompté et traîné par toute la volonté du roi jusqu’à « ce calice. » Le jour où le bâtard est dégradé est une « résurrection. » « Je me mourais de joie, j’en étais à craindre la défaillance.
. — Point du tout ; il n’y a rien à craindre.
Dans les négociations qu’il entreprenait, et qui souvent eussent semblé inutiles à d’autres et désespérées dès le début, il ne craignait pas de se mettre en campagne et d’essayer d’attacher sa trame, malgré la distance et les inégalités des prétentions, « considérant qu’un bon marché ne se conclut du premier coup ; que les hommes ne demeurent ordinairement à un mot ; que, pour en achever un, il le faut commencer… ».
voilà qu’il craint de tomber dans un paradoxe, quand il ne s’agit que du plus ou moins d’admiration au sein de Bossuet, et d’un simple classement dans les Oraisons funèbres ; c’est bien de celui qui tout à l’heure a fait, en tremblant, une révolution sur le Télémaque.
Vers cette date de 1686, quand on parlait des réunions du faubourg Saint-Jacques, on pensait généralement à Messieurs de Port-Royal, dont les derniers débris s’y rassemblaient avec mystère ; on était disposé à se les exagérer, soit qu’on les admirât ou qu’on les craignît ; on ne se doutait pas qu’il y avait là, tout près d’eux, quatre ou cinq jeunes gens encore ignorés, à la veille de se produire, animés de l’esprit le moins théologique, et qui feraient faire aux idées et aux sciences bien plus de chemin désormais que tous ces jansénistes dont les coups étaient depuis longtemps portés, qui avaient vidé leur carquois depuis Pascal, et qui finissaient de vider leur sac avec Arnauld.
Une question des plus délicates au sujet de ce fils de Catherine, qui fut Paul Ier, semble tranchée et résolue dans les Mémoires de sa mère et d’après l’aveu même qu’elle ne craint pas de faire tout en faveur de Soltikoff.
« On ne cesse pas sans peine de citer un pareil écrivain », dit-il en un endroit (page xxviii) ; et, en vérité, je crains que ces mots, un pareil écrivain, ne s’appliquent, dans sa pensée, non pas à Bossuet, mais à M.
On s’écria, on dénonça : lui, il resta calme, il se déroba à la polémique comme à un exercice inférieur, et il remonta d’un degré plus haut dans son point de vue, jusqu’à ne pas craindre même de rencontrer un léger nuage, — le nuage d’or de la poésie.
Je ne crains pas de dire que c’est un livre prodigieux au point de vue du bon sens.
L’auteur semble préoccupé d’une idée qui revient souvent dans ses vers : c’est qu’il est plus poëte en dedans qu’en dehors ; il se méfie de sa force et de son art, il craint de ne point donner à son rêve tout l’éclat et la solidité d’une création.
On sait qu’Aristarque a quelquefois changé, qu’il a sans doute plutôt adouci ; qu’en cet endroit, par exemple, où Phœnix s’adressant à Achille dans l’espoir de le fléchir se reporte vers sa propre jeunesse et raconte comment lui-même il a failli un jour devenir parricide, le critique avait cru devoir retrancher cette parole terrible, pour ne pas faire tache à ce caractère vénérable qu’il craignait de voir profaner.
Il sortait de ces rêveries anéanti, brisé, presque moribond. » Cauchemars, insomnie : « Il craignit de s’endormir… il resta étendu sur son lit des heures entières, tantôt dans de persistantes insomnies et de fiévreuses agitations, tantôt dans d’abominables rêves que rompaient des sursauts d’homme perdant pied, dégringolant du haut en bas d’un escalier, dévalant sans pouvoir se retenir au fond d’un gouffre. » « Les couvertures le gênaient, il étouffait sous les draps et il avait des fourmillements par tout le corps, des cuissons de sang, des piqûres de puces le long des jambes. » Troubles de la sensibilité. — Hallucinations de l’odorat : « Sa chambre embauma la frangipane ; il vérifia si un flacon ne traînait pas débouché, il n’y avait pas de flacon dans la pièce ; il passa dans son cabinet de travail, dans sa salle à manger, l’odeur persista. » Puis, à la suite de la symphonie olfactive, « à nouveau la frangipane dont son odorat avait perçu les éléments… assaillit ses narines excédées, ébranlant encore ses nerfs rompus… » Perversions du goût : Il a le désir d’une « immonde tartine » mâchée par un « sordide gamin ».
Un raisonnement reposera tout entier sur un fait reconnu ou sur une proposition admise, qu’il ne faut jamais laisser perdre de vue : là encore on ne craindra pas de se répéter.
4° On ne craindrait pas de mêler au langage courtisan les meilleurs mots de tous dialectes et patois français, « principalement ceux du langage wallon et picard, lequel nous reste par tant de siècles l’exemple naïf de la langue française ».
Quand on s’en tient aux faciles raisonnements de Locke, quand nos gens qui ne s’effraient guère veulent devant Spinoza, non pas devant la hardiesse, mais devant la profondeur de sa doctrine, et craignent de s’y casser la tête, Diderot, sans façon, sans fracas, s’assimile le dur, le grand système de Leibniz : et il n’y a pas d’autre raison, je le crois bien, qui lui ait donné en France la réputation d’être une tête allemande.
Il est vrai que le souvenir de leur sexe peut également se retourner contre elles… En somme, soit que l’idée d’un autre charme que celui de leur style agisse sur nous, soit qu’au contraire l’effort de leur art et de leur pensée nous semble attenter aux privilèges virils, il est à craindre que nous ne les jugions avec un peu de faveur ou de prévention, qu’elles ne nous plaisent à trop peu de frais dans les genres pour lesquels elles nous semblent nées (lettres, mémoires, ouvrages d’éducation), et qu’elles n’aient, en revanche, trop de peine à nous agréer dans les genres que nous considérons comme notre domaine propre (poésie, histoire, critique, philosophie).
José-Maria de Heredia Sans craindre que jamais elle soit abattue Dans un marbre ignoré, dans un divin métal, Le Poète a sculpté lui-même sa statue.
Selon certains bruits, il craignait une sédition populaire 334.
On craignait de se décréditer aux yeux des Hiérosolymites en se mettant à l’école d’un galiléen.
Jésus était populaire 1066 ; on craignait une émeute.
On faisait mystère de leur existence pour ne pas avouer un double adultère, parce que l’on craignait les avanies du marquis de Montespan, et parce que les lois s’opposant à la reconnaissance d’enfants nés d’un commerce doublement adultère, il fallait avoir le temps de préparer par quelques exemples une éclatante infraction de ces lois en faveur des enfants de madame de Montespan, qui ne devaient pas rester au-dessous de ceux de madame de La Vallière.
» — « Ce n’est pas moi qui te tue, c’est toi-même. » — « Crains les Érynnies d’une mère !
la fortune change : elle craint à son tour ; elle presse sa fuite à travers les bois et les neiges.
Il y a deux ans on pouvait craindre pour l’ordre, on en est maintenant à trembler pour la liberté.
Aussi Hegel est-il plus hardi que Fénelon, et ne craint-il pas de dire que Dieu est esprit, et que c’est là sa vraie définition.
Ainsi je ne crains point de vous citer quelques ouvrages sur l’Egypte & sur quelques autres parties d’Afrique qui vous plairont plus par les faits que par le style.
Relevez les deux coins de la bouche en même temps, et tenez les yeux bien ouverts ; vous aurez une physionomie cynique, et vous craindrez pour votre fille si vous êtes père.
Enfin, il faut aller plus loin, il ne faut pas craindre de l’affirmer : le talent de Jules Janin était peut-être tout ce qu’il y avait de plus opposé à ce qu’on pourrait appeler « la faculté critique ».
Et je ne dois pas craindre que mon cours de philosophie en soit plus mal ordonné.
Comme la faiblesse n’a rien à craindre d’aucun pouvoir, elle n’a aucun pouvoir à flatter.
Et puis il craignait que des moines auteurs eussent des âmes d’auteurs : il voyait l’indocilité, la présomption et l’envie déraciner en eux les vertus monastiques d’humilité, d’obéissance et de charité. […] Elle ne craint pas pour sa vertu, elle craint pour son repos Elle est sûre de vaincre, mais elle sait la lutte douloureuse. […] Je crains ce dur combat et ces troubles puissants, Que fait déjà chez moi la révolte des sens. […] L’écrivain veut se distinguer de ce qu’il exprime, il craint de paraître dupe de ce qu’il voit ; il substitue un jugement critique sur la chose à l’impression vive de la chose. […] Le monde, en effet, à force de craindre le pédantisme, s’est fait de l’ignorance un idéal.
« Je ne crains pas qu’on dise qu’il y a absurdité à supposer une même méthode appliquée par une foule d’individus différents. […] Celle-là n’a jamais craint d’escalader les hauteurs difficiles de la religion ; le ciel lui appartient, comme l’enfer, comme la guerre, comme l’Olympe, comme la volupté. […] Ce qui me frappa d’abord dans son accueil, ce fut l’absence totale de cette sécheresse, si pardonnable d’ailleurs, chez tous les hommes accoutumés par position à craindre les visiteurs. […] On craignait la longueur de ce morceau, et cependant le récit contient, comme on l’a vu, une puissance dramatique invincible. […] Pour mon compte, je ne voudrais pas faire mon ami d’un homme qui aurait eu un prix de vertu : je craindrais de trouver en lui un tyran implacable.
Il ne craignit pas plus tard de confier le rôle de Tartuffe à Du Croisy, qui le créa avec beaucoup de talent. […] Comme Magnon était querelleur et spadassin, on craignit de s’attirer quelque affaire en en usant avec lui comme on était résolu à en user avec les auteurs qui franchiraient le seuil du Petit-Bourbon. […] Mais nous ne craignons pas d’affirmer, ce que les faits que nous avons rapportés plus haut ont d’ailleurs démontré, que cette opinion ne repose que sur une erreur en histoire médicale, sur une sorte d’anachronisme. […] « Molière, lui dit-il un jour, je vous fais venir peut-être trop souvent ; je crains de vous distraire de votre travail. […] Ce libelle insidieux avait été précédé, nous l’avons dit, d’un pamphlet non moins perfide et plus furieux peut-être encore, œuvre d’un curé de Paris, qui n’avait pas craint de le présenter au Roi.
Sans doute tant de fougue et de passion était à craindre, mais la timidité n’était pas le défaut de l’époque. […] Dès qu’il voyait un effet, il y marchait à travers tous les obstacles, et, pour donner toute sa valeur à un mot, il ne craignait pas d’imposer le mutisme pendant deux ou trois actes à un principal personnage. […] Thiers, qui, dans son Salon de 1827, ne craint pas, à propos de la Barque du Dante, de placer Eugène Delacroix au nombre des grands maîtres, dut consoler l’artiste de bien des diatribes et des injustices. […] L’Institut semblait craindre que ce feuille révolutionnaire ne renversât la société de fond en comble. […] Car, ne craignons pas de le répéter, Barye n’est pas seulement un admirable faiseur d’animaux, c’est un statuaire dans toute la force du mot, du plus grand goût et du plus grand style.
Je sais que, si j’y vais, j’aurai la compagnie de gens meilleurs que moi, et j’y rencontrerai aussi quelques bons drôles à tête chaude, et pourvu que je n’y sois pas cloué seul, je ne m’en soucie pas… Si je ne craignais pas plus les juges du Banc du Roi que je ne crains Dieu, j’irais, avant de me coucher, fourrer ma main dans le sac d’un bourgeois ou d’un autre. » Un peu après, il a des remords, il se marie, peint en vers délicieux la régularité et le calme de la vie honnête, puis revient à Londres, mange son bien et la dot de sa femme avec une drôlesse de bas étage, parmi les ruffians, les entremetteurs, les filous, les filles, buvant, blasphémant, s’excédant de veilles et d’orgies, écrivant pour avoir du pain, quelquefois rencontrant parmi les criailleries et les puanteurs d’un bouge des pensées d’adoration et d’amour dignes de Rolla, le plus souvent dégoûté de lui-même, pris d’un accès de larmes entre deux buvettes, et composant de petits traités pour s’accuser, regretter sa femme, convertir ses camarades, ou prémunir les jeunes gens contre les ruses des prostituées et des escrocs. […] Ma conscience me la fera plus honnête que le palais du pape, et plus paisible que ton âme, quoique tu sois un cardinal. » — Contre son amant furieux qui l’accuse d’infidélité, elle est aussi forte que contre ses juges ; elle lui tient tête, elle lui jette à la face la mort de sa duchesse, elle le force à demander pardon, à l’épouser ; elle jouera la comédie jusqu’au bout sous le pistolet, avec une effronterie et un courage de courtisane et d’impératrice81 ; prise au piége à la fin, elle restera sous le poignard aussi brave et encore plus insultante. « Je ne crains rien, je recevrai la mort comme un prince reçoit les grands ambassadeurs. […] Insensés ceux qui la craignent ou essayent de la retarder, jusqu’à ce que la vieillesse ait soufflé leur lampe. — Ainsi vous pouvez vous offrir ?
Cervantes se contente de les livrer au bon sens de Sancho, qui raille finement la prétention de « vouloir faire du pain meilleur que le pain de froment. » D’un critique si fin et si modéré je ne crains pas de palinodie. […] Mais rappelons-nous ce qu’il y avait à craindre. […] Boileau ne craignit pas de se voir tel qu’il était, ou plutôt il eut assez de génie pour être vrai avec lui-même ; c’est pour cela qu’il fut si bon juge des autres. […] Ne craignons pas d’accorder aux censeurs de Boileau qu’il lui a manqué, outre l’imagination qui crée les événements pour l’épopée et les caractères pour le théâtre, la sensibilité qui sait faire parler les passions.
Mais nous voulons louer l’auteur, comme saint Chrysostome prétendait louer les satiriques de l’antiquité, en les comparant à ces opérateurs courageux qui ne craignent pas de souiller leurs mains pour panser des ulcères. […] Sainte-Beuve a voulu faire un livre catholique, et il a employé les procédés du paganisme ; il a voulu que son livre fût une leçon, et pour beaucoup il est un piège ; qu’il tempérât l’ardeur de-nos mauvais penchants, et il est à craindre qu’il ne les exalte ; il a voulu imiter saint Augustin, et il a reproduit Juvénal. […] Une femme perdue, mais qui respecte assez le monde pour prendre les dehors de la vertu, c’est bien ; une femme vertueuse qui ne craint pas de laisser planer sur elle le soupçon du vice, c’est mieux encore. […] « Comme elle n’aime pas le vice, elle ne le craint pas, et elle sait traverser cette fange sans faire une seule tache à sa robe » ; comme elle ne se reproche rien, elle se permet tout ; comme elle n’aime pas Saint-Julien, elle l’embrasse sur les deux joues, mais c’est pour l’amour du grec.
Je dirais : « C’est un jeu » ; mais je craindrais toujours. […] Vous craignez que les mots et les formes de phrases vous manquent. […] Et encore je crains bien qu’il ne perde une partie de sa clientèle ; car, n’est-ce pas ? […] Les valeurs imaginaires, les valeurs d’opinion, sont les plus sûres de toutes, puisqu’elles ne craignent point les démentis de la réalité. […] Alors seulement le dur paysan est retourné, non par pitié peut-être, mais plutôt parce qu’il craint que le mort ne revienne le tirer la nuit par les pieds.
un des maîtres de la génération présente n’a pas craint de couvrir de l’autorité de son nom un livre comme Madame Bovary. […] Sainte-Beuve a trop raison, je le crains. […] Mais qu’ai-je à espérer ou à craindre ? […] Voilà les êtres que tu sers, que tu crains, que tu respectes… Ramasse donc les outils de ton travail, ces boulets de ton bagne éternel, et frappe ! […] C’est entre elles qu’il ne craint pas de mettre une haine d’instinct, une inimitié naturelle et fatale !
Vous craignez la mollesse plus que la férocité, et vous prisez moins la sensibilité que l’énergie. Je crains à mon tour que votre choix, tout dicté qu’il est par les intentions les plus morales, ne soit un choix déplorable. […] Il craint toujours d’être dupe ; de là une certaine duplicité toute superficielle qu’il donne pour masque à sa franchise. […] Âmes scrupuleuses et pieuses, ne craignez pas de vous charger de ce devoir ; on défend tous les jours bien des gens qui ne valent pas Werther, et on les défend à juste titre. […] Harmonie d’une délicatesse singulière et qu’il faut craindre de détruire en poussant quelques-unes de ces idées plus loin que Goethe ne voulait les mener !
Là on est hardi, on est couvert, on ne craint rien. […] Elle est, je crains qu’elle ne soit une découverte bibliographique, qu’elle ne soit de l’ordre de la bibliographie. […] que je crains, Madame, un calme si funeste ! […] Sur mes pareils, Néarque, un bel œil est bien fort ; Tel craint de le fâcher qui ne craint pas la mort : Et toute la rigueur de votre premier sort Contre votre mérite eût fait un vain effort. […] Ne craignez rien : mon cœur, de votre honneur jaloux, Ne fera point rougir un père tel que vous ; Et si je n’avois eu que ma vie à défendre, J’aurois su renfermer un souvenir si tendre.
— Les hommes craignent la mort, comme les enfants craignent les ténèbres ; et, ce qui renforce l’analogie, les terreurs de la première espèce sont aussi augmentées dans les hommes faits par ces contes effrayants dont on les berce (329). […] Je crains que tout cela n’explique pas très bien pourquoi l’art est difficile et son enseignement chimérique. […] Il faut craindre également les perfidies du fard et celles de la rhétorique. […] Mais que craint-elle ? […] Un chimiste, s’il isole un nouveau gaz, ne craint pas de qualifier son odeur ; un vocabuliste, s’il enregistre un nouveau mot, devrait noter son degré de conformité avec la langue où il veut entrer.
Chacun applaudira sans doute au courage de l’écrivain qui, sous le régime ombrageux alors dans toute sa vigueur1 en Russie, n’a pas craint de consacrer sa plume à une pareille entreprise. […] Il est ennemi déclaré de la mauvaise compagnie, et craint par-dessus tout de manquer aux convenances ; ce qui n’empêche pas que dans ses moments de bonne humeur il ne lui arrive de se poser en partisan d’Épicure ; mais il estime peu, toutefois, la philosophie ; il l’appelle la nourriture brumeuse des intelligences germaniques, et parfois même il la traite de fatras insipide. […] J’avais souvent entendu parler du forestier Birouk à mon Jermolaï et à d’autres habitants du pays : les paysans le craignaient comme le feu.
Il n’a point la puissance suffisante pour nous mettre en garde contre les retours, toujours à craindre, de la religiosité et du mysticisme chrétien. […] Voilà pourquoi les générations nouvelles seront reconnaissantes à Zola de n’avoir pas craint de nous faire voir l’homme au labeur, à la Table ou à l’amour. […] La vie ne craignait pas d’en créer un de plus dans le défi brave de son éternité.
Sa poésie ne représente pas un large trésor humain étalé devant la foule surprise ; elle n’exprime pas des idées communes et fortes, et qui galvanisent facilement l’attention populaire engourdie par le travail ; elle est personnelle, repliée comme ces fleurs qui craignent le soleil ; elle n’a de parfum que le soir ; elle n’ouvre sa pensée qu’à l’intimité d’une pensée cordiale et sûre. […] Avec la Cathédrale, aucune surprise de ce genre n’était à craindre ; la fantaisie n’a aucune place dans ce roman ; elle y en a trop peu. […] Le prêtre est trop crédule pour n’être qu’un exploiteur ; il craint son dieu autant qu’il se fait, lui, craindre du fidèle. […] Comme ils ont beaucoup d’ennemis (il suffit de vivre pour être haï), ils acceptent de tous côtés les secours d’une sympathie même hautaine, et ils sont souvent reconnaissants, car à leur âge ils ne craignent plus rien, et un bon sentiment peut, sans péril, leur faire honneur. […] « En réalité, le français ne semble pas avoir perdu de terrain, comme on avait pu le craindre un instant.
Offrir une pareille contradiction, n’est-ce pas nous faire voir qu’on n’avait plus à craindre, comme auparavant, le blâme des hommes graves dont l’opinion était autrefois respectée ? […] Au reste, il a laissé un monument plus complet et plus inattaquable de son talent tragique : Mérope peut se présenter à la critique sans la craindre ; et si les détails ont moins de charme que ceux de Zaïre, l’ensemble ne mérite pas les mêmes reproches. […] Je crains de ne pas suffire au noble devoir qui me prescrit de rendre à sa mémoire un solennel hommage. […] Ses opinions pouvaient se ressentir du souvenir qui le préoccupait ; il pouvait craindre avant tout, et plus que tout, la moindre atteinte portée au pouvoir ; il lui était permis d’être partial pour l’autorité royale, après l’avoir défendue devant la Convention et en face de l’échafaud. […] Au contraire, durant la paix, lorsque rien n’appelle et ne justifie l’abus du pouvoir, quand le souverain et son peuple ne se craignent pas l’un et l’autre, les institutions se perfectionnent et jettent de profondes racines dans l’opinion et dans les mœurs.
Mais je crains de ne pas savoir les conter ! […] Une autre raison me porte à craindre que l’œuvre de Lamartine et l’œuvre de Musset, moins durables que la gloire de leurs noms, ne survivent pas immortellement. […] Dame, elle ne craint personne. […] Heureux les hommes dont les pensées sont telles qu’ils ne craignent pas de les retrouver incarnées (sous quelle forme ? […] Cette vierge craintive et d’une ombre offensée, Passe en gardant son voile et sans craindre les yeux.
Ce Leconte de Lisle me semblait, de loin, un terrible homme et j’éprouvais un grand respect pour mes camarades qui ne craignaient pas d’aborder un si redoutable et si haut personnage. […] Le superflu n’en est nullement méprisable et M. de Montesquiou fut un grand producteur de ces superfluités poétiques n’en résulte pas que M. de Montesquieu n’ait aimé les lettres d’un amour sincère et réel mais il les aima en, amateur et c’est cette situation qu’il y conservera, je le crains bien. […] Mais, relique précieuse, elle n’a à craindre aucun sacrilège. […] Il est vrai que tout semble être conjuré pour les détruire, et je crains bien que les efforts faits pour les préserver ne soient vains, tant il semble que le jardin n’ait plus sa place dans notre ville moderne ! […] Les Nobles ne craignaient pas de se montrer en leur compagnie et se faisaient chercher par elles jusqu’à la porte du Sénat. « Elles sont jolies », ajoutez-vous.
Il faut avoir transporté le centre de sa personnalité en dehors de l’existence phénoménale qui se dissout, pour ne pas craindre la destruction. […] Et l’initiative ne saurait être prise que par les riches qui n’ont aucun sujet de haïr, quoiqu’ils aient peut-être lieu de craindre. […] Car la vérité craint l’intransigeance et ne veut pas être soutenue par le fanatisme. […] Déjà ses ouvrages se ressemblent beaucoup ; nous craignons qu’ils n’aillent se ressemblant toujours davantage. […] Et, s’il en est ainsi, comment pouvez-vous craindre qu’un fait quelconque porte atteinte à ce fait d’une certitude immédiate ?
Après nous avoir dit ce que nous devons regretter et ce que nous devons craindre, dites-nous, de grâce, ce dont nous pouvons nous réjouir et ce que nous pouvons espérer. […] C’est possible, mais je crains qu’il n’y ait en France une foule de cantons qui, du moins en politique, ne soient pas beaucoup plus éclairés que Saint-Ouen. […] » mais je crains bien qu’on ne lui ait soufflé. […] Quant aux scènes chantées … d’abord, il n’y a rien compris (moi non plus, du reste) ; puis je crains bien que les personnages, le roi trop petit, la Chimène trop grande, le Rodrigue trop gras, criant et gesticulant avec fureur sur le bord de la scène, ne lui aient paru absolument ridicules. […] Le bétail ne craint plus le taon ni le bupreste.
Non loin de ce rivage est une île ignorée… Là je ne craindrai plus un père inexorable. […] « Je te saisis, je t’atteignis enfin, ô Plaisir ; le long retard m’avait rendu comme insensé : je ne craignais pas dans ma fougue de déchirer les franges de ta tunique légère, d’arracher les fleurs de ta tète et de tes mains ; mais tout renaissait vite et se réparait comme sur la personne d’un Dieu.
« Nous, dit Schopenhauer, qui, philosophes, cherchons à scruter la valeur éthique des actions, et pour qui celle-ci seule importe, nous reconnaîtrons hautement, — sans craindre l’éternelle majorité de la vulgarité et de la platitude, — que le plus grand, le plus important et le plus significatif phénomène n’est pas l’homme qui conquiert le monde, mais l’homme qui le dompte. » — Dans l’ordre intellectuel, tout est aspiration, progression, désir sans fin ; c’est-à-dire éternelle Négation de ce qui est atteint : l’Ironie, cette formule des poètes contemporains de Schopenhauer, n’était autre chose que la destruction par la pensée de nos adorations. […] Ce furent non seulement les vastes connaissances du vieillard dont il profita ; il apprit aussi, chez lui, à ne pas craindre les attaques d’adversaires, et à dédaigner « Sa Majesté le Public », — « il se trouve des gens qui peuvent encore rechercher les applaudissements de cette canaille ?
« Ce serait souiller mes lèvres que de prononcer le nom de l’infâme qui n’a pas craint d’abandonner sa vertueuse épouse », lui répond la nourrice. […] Pourrais-tu craindre encore d’être de nouveau abandonnée par moi ?
Fouquet, a des beautés touchantes, & on y voit avec plaisir un Poëte sensible ; un homme généreux, qui ne craint point de déplorer la disgrace d’un protecteur qui avoit déplu à un Monarque très-puissant. […] Plusieurs autres Poëtes ont cultivé le champ fécond de l’Epître héroïque ; mais il est à craindre que la facilité apparente que ce genre promet à un génie médiocre, ne dégoûte le public de ce genre qui demande une ame très-sensible & un goût très-délicat.
Socrate et Pascal pouvaient offrir à une observation superficielle les apparences de l’hallucination par leurs façons de parler et d’agir ; mais il suffit d’entrer dans l’analyse intime de ces deux natures pour voir que la raison de l’un, pas plus que l’intelligence de l’autre, n’avait rien à craindre, soit d’une simple illusion d’optique psychologique, telle que le démon de Socrate, soit d’une superstition mystique, telle que l’amulette de Pascal. […] Nous craignons que les adversaires du libre arbitre ne confondent la notion de la véritable liberté humaine avec la notion abstraite et toute métaphysique d’une liberté qui s’exercerait dans un état d’indépendance et d’indifférence complète.
« Que craignez-vous ? […] C’en est un au contraire de craindre que l’objection ne me vienne de bien des endroits16. » — Pour sa marquise, il faut confesser qu’elle est bien incommode. […] Je souhaiterais que l’auteur s’adressât enfin à moi-même ; je suis fatigué de l’écouter ainsi comme de profil ; je me sens en tiers dans une conversation, et je crains d’être gênant. […] Je craignais seulement d’être égorgé cette nuit…. » 64. — Mille autres traits ; car c’est à cette idée qu’il s’attache de toutes ses forces. […] Je crains de me tromper en choses que je connais trop peu ; mais il me semble bien que je ne suis pas dans l’illusion en croyant voir qu’il a deux élèves, dont l’un s’appelle Beccaria et l’autre Turgot.
Et il insiste sur ce que ce n’est point là le spectacle et la décoration des montagnes centrales, de ces hauteurs désolées et de ces déserts, où l’œil ne rencontre plus rien qui le rassure ; où l’oreille ne saisit pas un son qui appartienne à la vie ; où la pensée ne trouve plus un objet de méditation qui ne l’accable ; où l’imagination s’épouvante à l’approche des idées d’immensité et d’éternité qui s’emparent d’elle ; où les souvenirs de la terre habitée expirent ; où un sombre sentiment fait craindre qu’elle-même ne soit rien… Ici l’on n’est pas hors du monde ; on le domine, on l’observe : la demeure des hommes est encore sous les yeux, leurs agitations sont encore dans la mémoire ; et le cœur fatigué, s’épanouissant à peine, frémit encore des restes de l’ébranlement.
Il avoue ses opiniâtretés, ses colères, qui sentent le cheval de sang et de race : « Il ne me fallait guère piquer pour me faire partir de la main. » Quelquefois aussi, chez lui, c’était méthode et tactique ; on le verra user de sa réputation terrible pour obtenir de prompts et merveilleux résultats : ainsi, à Casal, ville presque ouverte, où il se jette (1552) pour la défendre, et où il lui fallut improviser des fortifications et de grands travaux de terrassement en peu de jours, il donnera ordre à tout son monde, tant capitaines, soldats, pionniers, qu’hommes et femmes de la ville, d’avoir dès le point du jour la main à l’ouvrage « sous peine de la vie » ; et, pour mieux les persuader, il fit dresser des potences (dont sans doute cette fois on n’eut pas à se servir) : « J’avais, dit-il, et ai toujours eu un peu mauvais bruit de faire jouer de la corde, tellement qu’il n’y avait homme petit ni grand, qui ne craignît mes complexions et mes humeurs de Gascogne. » Et en revanche, sans se fier plus qu’il ne faut à l’intimidation, il allait lui-même, sur tous les points, faisant sa ronde jour et nuit, reconnaissant les lieux, « encourageant cependant tout le monde au travail, caressant petits et grands. » Ces jours-là, où il était maître de lui-même, il savait donc gouverner les esprits autant par les bons procédés que par la crainte, et il s’entendait à caresser non moins qu’à menacer.
C’est à des hommes plus heureux que moi qu’il appartient de craindre le ridicule ; pour moi, je suis accoutumé, depuis longtemps, à des maux beaucoup plus sensibles.
La naissance, le progrès, les divers temps de ce mal de jalousie chez Roger, ses soupçons tantôt irrités, tantôt assoupis, et que le moindre mot réveille, son horreur du partage, l’exaspération où il s’emporte à cette seule idée, tous ces degrés d’inquiétude et de torture jusqu’à la fatale et horrible scène où il a voulu n’en croire que ses yeux et être le témoin de sa honte, sont décrits avec un grand talent, avec un talent qui ne se refuse aucune rudesse métallique d’expression, qui ne craint pas d’étreindre, de violenter les pensées et les choses, mais qui (n’en déplaise à ceux qui n’admettent qu’une manière d’écrire, une fois trouvée) a certainement sa forme à lui et son style.
C’était dans le temps que l’on venait de donner les fermes générales ; les fermiers craignaient fort qu’on ne leur retirât le domaine de Paris.
On ne dit pas mieux en moins de mots : Pour remettre mon esprit en équilibre, écrivait-il à M. de Corcelles (un esprit à la fois libéral et religieux, et à qui il savait que cela ferait plaisir), je lis toujours, de temps en temps, du Bourbaloue ; mais je crains bien que le bon Dieu ne m’en sache pas beaucoup de gré, parce que je suis trop frappé du talent de l’écrivain et trouve trop de plaisir à la forme de sa pensée.
Ainsi, simple général de brigade quand il se définissait de la sorte la responsabilité, à peine sera-t-il général de division qu’il dira (22 novembre 1796) ; Avec mon avant-garde, j’étais joyeux ; avec une division, la tristesse me saisit, je crains les événements.
» — « Je lui parlai alors de Joubert, ajoute Fouché, comme d’un général pur et désintéressé, que j’avais été à portée de bien connaître en Italie, et auquel on pourrait, au besoin, donner sans danger une influence forte : il n’y avait à craindre ni son ambition, ni son épée, qu’il ne tournerait jamais contre la liberté de sa patrie. — Sieyès, m’ayant écouté attentivement jusqu’au bout, ne me répondit que par un C’est bien.
Est-ce le poète solennel, est-ce un reste de provincial en lui qui est sur ses gardes, qui est susceptible, qui craint qu’en badinant on ne porte atteinte à sa considération, à sa dignité ?
Je ne les crains pas autant que quelques-uns le pensent, mais le moment pour moi de mordre à celui-ci n’était pas venu.
Mais point d’apparat, et qu’il craigne surtout de chercher l’éloquence.
Il y tint constamment la main et se fit craindre de quiconque était tenté de s’en écarter.
C’en était fait : peu importait, de part et d’autre, les pertes peu considérables en elles-mêmes ; l’effet moral était produit ; la honte du 20 mai était réparée ; l’armée française avait acquis conscience d’elle-même, elle existait ; l’ennemi le sut et, à dater de ce jour, se mit à la respecter, à la craindre.
Si, après toutes ces facilités d’observation auxquelles il prête plus que personne, on pouvait craindre de s’être formé de lui comme homme et comme caractère une idée trop mêlée de restrictions et trop sévère, on devrait être rassuré aujourd’hui qu’il nous est bien prouvé que ses amis les plus intimes et les plus indulgents n’ont pas pensé de lui dans l’intimité autrement que nous, dans notre coin, nous n’étions arrivé à le concevoir, d’après nos observations ou nos conjectures.
Puis, sur une nouvelle question d’Eckermann qui craint toujours que l’entretien ne finisse, et qui demande si le corps dans cette force d’action n’entre pas autant et plus que l’esprit, Gœthe répond : « Le corps a du moins la plus grande influence.
Giscon était près de réussir dans la composition qui se négociait, lorsque deux hommes dont l’histoire a conservé les noms se jetèrent à la traverse : un certain Campanien nommé Spendius, autrefois esclave chez les Romains, homme fort et hardi jusqu’à la témérité, et qui craignait, si les affaires s’arrangeaient, d’être rendu à son maître comme fugitif ; et un certain Mathos, Africain, qui, engagé dans la première sédition, avait tout intérêt à pousser les choses à l’extrémité.
Feuillet ne se fait pas faute de nous offrir de ces intérieurs de vieillards, comme dans le Village ; il triomphe de la difficulté, et il ne craint pas, tant il y met de soin et de coquetterie, que ces vieilles amours nous paraissent sentir le rance), deux vieilles gens donc, Mme d’Ermel, femme de soixante-deux ans, et le docteur Jacobus, Hollandais, qui en a soixante-dix, jouent tous les soirs une partie de dames que le vieux médecin vient faire chez sa voisine à la campagne.
s’écrie Sosie, je crains fort que cette Andrienne ne nous apporte quelque malencontre. » — Pourtant tout se passe encore à merveille ; la femme, il est vrai, pressée par le besoin, se lasse bientôt de gagner sa vie à filer et à tisser ; elle prend un amant, puis un autre, puis plusieurs, et se fait payer.
Cependant jamais Hassan-Aga ne lui donna un coup de bâton, ni ne lui en fit donner, ni ne lui adressa une parole injurieuse, tandis qu’à chacune des nombreuses tentatives que faisait ce captif pour s’enfuir, nous craignions tous qu’il ne fût empalé, et lui-même en eut la peur plus d’une fois.
Je juge les événements avec calme, j’envisage les dangers sans les craindre ; mais je dois dire la vérité à Votre Majesté, et je désire qu’elle ait assez de confiance en moi pour s’en rapporter à ma manière de voir.
Aussi je ne crains pas de dire qu’il faut une très-grande force de volonté aujourd’hui pour rester simple poëte, même quand on est poëte évidemment.
J’en nommerais bien quelques-uns si je ne craignais (ô vanité humaine !
Les Jacobins, les Aristocrates, craignent moins leurs succès réciproques, parce qu’ils les croient passagers, et se connaissent des défauts semblables qui donnent toujours autant d’avantage au vaincu qu’au vainqueur.
Sans doute les Palais nomades, qui ouvrirent la série, préludaient : Bon chevalier, la route est sombre, Crains-tu donc pas les assassins ?
Ne craignez rien ; je lui parlai en chrétienne et en véritable amie de madame de Montespan. » Cette lettre, qui n’est point expressément datée, porte sa date dans les faits qu’elle présente.
Ici je n’affecterai pas plus de sous-entendus qu’il n’en faut, et je ne craindrai pas de toucher le point le plus délicat.
Un ouvrage de M. de Rémusat est fait de tout temps pour attirer l’attention et appeler l’intérêt de ceux qui lisent : aujourd’hui il devra trouver un accueil plus empressé encore et plus favorable auprès de tous ceux qui regrettent l’éloignement d’un si aimable et si ingénieux esprit, qui en veulent à la tourmente politique de l’avoir enveloppé dans son tourbillon, et qui trouveraient certainement des accents pour invoquer les dieux après l’orage, si ce maudit point d’honneur politique ne venait à la traverse, et si l’on ne craignait de déplaire à celui même qui serait l’objet d’un vœu si innocent.
Je me propose aussi d’établir ou de confirmer dans les esprits de ceux qui m’écoutent un sentiment trop rare de nos jours et que je ne crains pas d’appeler le patriotisme littéraire.
Les souvenirs la blessent ; elle semble craindre que des principes anciens ou vieillis ne soient entachés de féodalité.
Georges Rodenbach, par exemple, qui, exaltant le pouvoir de « la vieille chanson qui berçait l’Humanité », ne craint pas d’annoncer un retour de l’humanité aux antiques « credo ».
Mais d’illustres exemples nous ont appris à craindre de compromettre des vérités du plus grand prix en y mêlant des conjectures qui, en faisant briller peut-être l’esprit du philosophe, diminuent aux yeux des sages l’autorité de la philosophie. […] Nous craignons même de voir que nous nous sommes trompés, et nous fermons l’oreille de peur d’être humiliés par ses corrections. Sans doute l’homme, qui craint d’être corrigé par cette raison incorruptible, et qui s’égare toujours en ne la suivant pas, n’est pas cette raison parfaite, universelle, immuable, qui le corrige malgré lui. […] Mais il n’y a qu’un être qui soit digne d’être aimé ainsi, et qui puisse l’être sans mécomptes, sans borne à la fois et sans regret, à savoir l’être parfait qui seul ne craint pas la réflexion et qui seul aussi peut remplir toute la capacité de notre cœur. […] Un homme que je ne crains point de comparer à Winkelmann, le futur auteur du Jupiter Olympien 107, M.
Enfin, aujourd’hui que l’arène parlementaire est fermée et que les grands foyers de polémique se sont éteints ou assoupis, c’est elle qui a recueilli, non sans honneur, les naufragés des partis vaincus ; c’est elle qui sert, non sans courage, à dégager ce trop plein d’idées dont les gouvernements, quels qu’ils soient, doivent toujours craindre le travail latent et les explosions soudaines. […] On a fait quelque bruit, dans ces derniers temps, des contempteurs de nos gloires nationales, des iconoclastes qui, sous prétexte de rétablir les droits de la vérité outragée, ne craignent pas d’attenter à des noms consacrés par l’adoration populaire. […] Gaberel : le digne pasteur semble craindre qu’on ne refuse de le croire s’il affirme que ses concitoyens eurent « une très notable influence sur les efforts de Voltaire, en faveur de la tolérance religieuse… — Cette prétention, ajoute-t-il, peut paraître ambitieuse ou du moins fort nouvelle ». — Oh ! […] Mais craignons, nous aussi, de trop grossir le ton. […] « Je crains fort que ces vers ne soient de vous, écrit M.
On ne craint pas de l’affirmer, aucune des écoles des plus célèbres maîtres modernes n’offre un pareil résultat, et ce sera toujours une gloire pour David d’avoir fondé et entretenu, pendant plus d’un demi-siècle, une véritable école, peut-être la dernière qui ait pu être constituée et qui se maintienne encore. […] Le père aimait tendrement son fils, et il craignait également de lui transmettre une idée fausse, ou de faire germer dans son esprit des pensées dangereuses. […] Giraud, son ami, son contemporain, ce sculpteur qui ne craignit pas de proclamer hautement, en 1779, que le Saint Roch était un bel ouvrage, eut une influence très-salutaire sur la marche que David suivit alors dans ses études. […] car je craignais que vous ne me fissiez une querelle d’avoir consenti à recevoir Garat ce matin pendant notre séance. […] Mais des soldats, presque aussi bourreaux que les bandits que nous avions à craindre, loin de s’opposer à eux, nous firent descendre plus de cent marches à grands coups de crosse de fusil, jusque dans la rue, où nous nous trouvâmes abandonnés et sans secours au milieu de cette populace altérée de notre sang.
Il ne craint pas de poser le grand dilemme dans toute sa rigueur : « Si la Providence efface, sans doute c’est pour écrire… Je suis si persuadé des vérités que je défends, que lorsque je considère l’affaiblissement général des principes moraux, la divergence des opinions, l’ébranlement des souverainetés qui manquent de base, l’immensité de nos besoins et l’inanité de nos moyens, il me semble que tout vrai philosophe doit opter entre ces deux hypothèses, ou qu’il va se former une nouvelle religion, ou que le christianisme sera rajeuni de quelque manière extraordinaire. […] si j’avais un pistolet, ce serait autre chose, je pourrais craindre l’accident. » Mais c’est à l’écrivain qu’il nous faut revenir et nous attacher. […] Dans un sujet que j’ai étudié assez à fond et sur un terrain circonscrit où je me sens le pied solide, je ne crains pas d’affronter, de choquer M. de Maistre, qui y arrive avec quelque peu de cette légèreté et de ce bel air superficiel qu’il a reproché à tant d’autres. […] Et pour parler à sa manière, on ne craindrait pas de dire, dût-on faire regarder d’un certain côté, que le disciple qui s’attache aux termes mêmes de De Maistre et le suit au pied de la lettre est bête.
Chez eux, « aucun citoyen ne craint aucun citoyen. » Causez avec le premier venu, vous verrez combien cette sécurité relève leurs cœurs et leurs courages. […] Les artifices oratoires deviennent entre ses mains des instruments de supplice, et lorsqu’il lime ses périodes c’est pour enfoncer plus avant et plus sûrement le couteau ; avec quelle audace d’invective, avec quelle roideur d’animosité, avec quelle ironie corrosive et brûlante, appliquée sur les parties les plus secrètes de la vie privée, avec quelle insistance inexorable de persécution calculée et méditée, les textes seuls pourront le dire : « Milord, écrit-il au duc de Bedford, vous êtes si peu accoutumé à recevoir du public quelque marque de respect ou d’estime, que si dans les lignes qui suivent un compliment ou un terme d’approbation venait à m’échapper, vous le prendrez, je le crains, pour un sarcasme lancé contre votre réputation établie ou peut-être pour une insulte infligée à votre discernement862… » « Il y a quelque chose, écrit-il au duc de Grafton, dans votre caractère et dans votre conduite qui vous distingue non-seulement de tous les autres ministres, mais encore de tous les autres hommes : ce n’est pas seulement de faire le mal par dessein, mais encore de n’avoir jamais fait le bien par méprise ; ce n’est pas seulement d’avoir employé avec un égal dommage votre indolence et votre activité, c’est encore d’avoir pris pour principe premier et uniforme, et, si je puis l’appeler ainsi, pour génie dominant de votre vie, le talent de traverser tous les changements et toutes les contradictions possibles de conduite, sans que jamais l’apparence ou l’imputation d’une vertu ait pu s’appliquer à votre personne, ni que jamais la versatilité la plus effrénée ait pu vous tromper et vous séduire jusqu’à vous engager dans une seule sage ou honorable action863. » Il continue et s’acharne ; même lorsqu’il le voit tombé et déshonoré, il s’acharne encore. […] Ils ne craignent point de rebuter, et ils ont besoin de faire effet. […] Dubois, qu’on fait tomber dans le ruisseau. — Ces jeunes filles si correctes vont voir jouer Love for Love de Congreve ; les parents ne craignent pas de leur donner miss Prue en spectacle. — Voyez aussi par contraste le personnage du capitaine anglais, si rustre ; il est l’hôte de Mme Duval, et la jette deux fois dans la boue ; il dit à sa fille : « Molly, je vous conseille, si vous faites quelque cas de mes bonnes grâces, de ne plus avoir un goût à vous, en ma présence. » — Le changement est surprenant, depuis soixante ans.
Si nous tenons en main une vérité que pour cent raisons nous estimons bonne, ne craignons pas de paraître pédants en lui faisant toute sa part. […] Il est à craindre que l’auteur qui lâche sa pièce aussitôt écrite et croit que le texte suffit n’ait pas mis dans son texte ce qu’exigeait de lui son art, n’ait pas chargé les mots de ce potentiel dramatique qui fait qu’ils sont mots de théâtre, verbe proféré et actif. […] Je le crains bien. […] Pour y réussir pleinement, je crains qu’il ne s’y soit pris à l’envers : c’est presque toujours lui qui parle et rarement ses personnages.
Ne soyons pas celui qui recule et se cache, Et, d’avance vaincu, Craint d’aimer, de souffrir, de créer : c’est un lâche, Il n’aura point vécu ! […] En lisant le Cœur magnifique, où les rimes s’abattent l’une sur l’autre comme des vagues en furie, je regrettais la féminine précision de cette strophe : Je ne sens plus mon cœur ni mon rêve béant, Je suis une harmonie étroite et paresseuse, Et, si je le voulais, je serais presque heureuse, Mais je crains ce bonheur comme on craint le néant. On dirait que les femmes ne peuvent prendre conscience d’elles-mêmes que dans la frénésie de la passion : elles craignent le calme, le repos, comme la mort.
Je m’engage là bien témérairement, et je crains que ma mémoire ne me fasse défaut. […] Je crains que le froid ne vous ait saisie. […] À vos côtés je ne craindrai jamais ni fatigue ni ennui. […] Je crains bien de ne vous avoir pas fait sentir, comme je m’en étais flattée, la grâce ineffable, la piété, l’amour que Dante n’a ni pu ni voulu éteindre, tant son âme en était remplie, dans cet affreux séjour des vengeances éternelles. […] Non loin de lui, du haut de la chaire évangélique, le pieux Herder ne craint pas d’interroger les mythes et l’esprit caché des races.
Dans cet effort que je vais tenter pour encadrer la partie du moyen âge qui doit nous occuper, et pour y choisir quelques points dominants, caractéristiques, tant de faits que l’on ne peut dire tous, et qu’on craint d’omettre, tourbillonnent autour de mon esprit. […] J’ai rendu Haute-Fort au seigneur Richard ; mais puisque j’ai paru devant lui, et qu’il m’a fait merci en m’embrassant, je n’ai plus rien à craindre. […] Malgré la haine du schisme, ils s’inquiétaient vivement du péril où se trouvait Constantinople, chaque jour resserrée par la conquête des mahométans ; ils s’alarmaient pour l’Espagne ; ils craignaient sans cesse que de l’Espagne, la conquête mahométane ne débordât sur toute la France méridionale. […] « Seigneur Conrad, je connais deux rois qui diffèrent trop de vous aider ; vous entendez qui : le roi Philippe est l’un ; il craint : le roi Richard est l’autre ; il craint aussi. […] Si vous ne redoutez pas les flammes éternelles, ne devez-vous pas craindre les châtiments temporels que vous méritez par tant de crimes ?
je le sais trop ; rien n’est plus beau sous le soleil qu’un homme convaincu et conséquent avec lui-même, marchant la tête haute dans le sentier de sa conviction, quelle qu’elle soit ; cet homme-là, fût-il un athée, est plus chéri de Dieu que le chrétien de naissance au cœur timide, à demi croyant, à demi incrédule, qui veut se ménager une retraite et craint de brûler ses vaisseaux. […] Puisque les majorités ont le dernier mot, il faut les craindre, les flatter, leur plaire ; d’habiles concessions au goût du public font une partie essentielle du talent de l’artiste et de l’écrivain. […] Si ses parents, comme tout porte à le craindre, sont de médiocres amateurs des beaux-arts, le petit Phidias risque fort de passer sa jeunesse à garder les oies, et les larmes de Gray auront trop raison de couler. […] Ils ne craignent pas, eux, de se faire peuple, d’écouter d’où vient le vent, de prêter l’oreille aux bruits confus du monde et de mêler à l’âme de la foule leur « âme aux mille voix », que Dieu mit au centre de tout comme un écho sonore95. […] Je crains plutôt que ce triste accident n’eût fait pour la comédie, dans l’histoire de la littérature française, au siècle de Louis XIV, un vide ou une place d’arrière-rang, comme il y en avait déjà pour la poésie lyrique, pour l’éloquence politique, pour l’histoire, et je crains aussi que la critique littéraire, si habile à prouver que la comédie devait s’épanouir sous Louis XIV, ne démontrât alors, avec la même facilité, qu’il était impossible qu’elle fleurît sous lui et que la tragédie seule convenait aux goûts majestueux du grand roi et du grand siècle.
Il faut ne pas craindre l’hiatus ; il ne faut pas courir après ; mais il ne faut pas le fuir : « Ah ! […] Lui, il l’écrit avant la mort de l’enfant, et sans que rien fasse craindre ou prévoir cette mort. […] Taine et de sa méthode que je crains d’en parler avec impertinence. […] C’est encore un bon livre ; car on croit sentir que l’auteur « est indigné de la prospérité et des succès d’une brute sensuelle », mais le livre est plein de « détails orduriers où l’auteur semble malheureusement se complaire », et cela peut faire craindre pour la suite. […] Je ne songe pas à traiter la question dans toute son étendue, ne craignez rien ; mais j’avise un point qui m’a toujours frappé.
Je crains de lui nuire aux yeux de certaines personnes en révélant ces particularités qui ne sont pourtant pas déshonorantes. […] J’avais craint les déboires du réveil ; et si le rêve s’était prolongé ? […] Je crains que les unes et les autres ne contribuent à détraquer des cervelles qui déjà ne sont que trop enclines au déséquilibre. […] Ici, les femmes craignent presque toujours d’être négligées ou incomprises. […] Le héros ne craignait plus ni les rafales, ni les tempêtes, ni les rencontres hostiles, ni les dieux méchants.
Il faut respecter les mots, les toucher avec soin ; il faut avoir peur de les contrarier, de les pervertir et, en les coupant de leurs racines, il faut craindre de les tuer. […] Ensuite, un jour, il l’aiguise sur une pierre et lui refait une pointe ; il a des remords ; et bientôt il craint que ses remords ne soient des faiblesses, des langueurs de son dévouement religieux. […] Elle veille à ne se mettre ni en colère ni en joie : elle craint d’altérer, par ses passions, la vérité. […] Puis il faut, pour aimer un chagrin, l’avoir inventé ou croire qu’on l’invente : ils ont craint de ressasser le nôtre, sans plaisir. […] Je regardais mes doigts et je craignais d’avoir à lever les yeux.
Harmonieusement groupées, les fileuses, jeunes et vieilles, craignaient et déploraient la guerre. […] Craint-on de discréditer le vers romantique à rejets, ce monstre usé, qui n’est plus désormais ni vers ni prose ? […] Je crains que des sentiments trop quotidiens et dont ne sait intéresser que la « manière », eussent mal supporté une semblable crase. […] Je le crains fort. […] Je crains que MM.
Elle craignait surtout de paraître inspirer ou sentir la passion à cet âge où d’autres l’affectent. […] On n’avait pas besoin de ce témoignage pour conclure que Mme de La Fayette ne se faisait aucune illusion sur les défauts du pauvre Ménage, et je crains même qu’elle n’ait songé à lui, entre autres, et à toutes ses platitudes, le jour où elle dit « qu’il étoit rare de trouver de la probité parmi les savants. » 104.
Rôles de chicane, longueurs et complications voulues de la procédure, vacations à trois livres l’heure pour l’avocat, à six livres l’heure pour le bailli : l’engeance noire des sangsues judiciaires suce d’autant plus âprement qu’elle est plus nombreuse sur une proie plus maigre, et qu’elle a payé le privilège de sucer95 On devine l’arbitraire, la corruption, la négligence d’un pareil régime. « L’impunité, dit Renauldon, n’est nulle part plus grande que dans les justices seigneuriales… Il ne s’y fait aucune recherche des crimes les plus atroces » ; car le seigneur craint de fournir aux frais d’un procès criminel, et ses juges ou procureurs ont peur de n’être pas payés de leurs procédures. […] « La pitié la plus active remplissait les âmes : ce que craignaient le plus les hommes opulents, c’était de passer pour insensibles. » (Lacretelle, Histoire de France au XVIII e siècle, V, 2.)
« Non, dit-il, je craindrais de lui nuire par mes sortilèges comme il me nuirait par sa crédulité ! […] Si le séjour de Venise ne vous convient pas, si vous craignez l’intempérie de l’automne, qu’on ne peut mieux corriger, ce me semble, que par la gaieté des propos avec ses amis, nous irons à Capo d’Istria, à Trieste, où l’on m’écrit que l’air est très bon.
On se précipitait à l’envi dans cette société ; les principaux courtisans du château de Clichy, qu’elle habitait pendant les mois de fête de l’année, étaient des hommes de lettres sauvés du naufrage, tels que La Harpe, Lémontey, Legouvé, Dupaty ; des hommes de politique, tels que Barrère, Regnaud de Saint-Jean d’Angély, Lucien Bonaparte, Fouché, Masséna, Bernadotte, Moreau, Camille Jordan, le jeune Beauharnais ; des hommes de monarchie, tels que les deux Montmorency (Matthieu et Adrien), le duc de Guignes, le comte de Narbonne, M. de Lamoignon, fleur d’aristocratie de naissance qui ne craignait pas de se mésallier parmi les adorateurs de l’aristocratie du cœur, la jeunesse, la grâce et la pureté : cette reine de dix-huit ans régissait cette cour si diverse avec un sourire. […] Il fut informé par une rumeur de cour des démarches que le roi et le ministre faisaient pour me décider à accepter, à mon choix, une de ces deux ambassades ; il craignait que mon choix tombât sur Londres, et qu’il ne fût ainsi réduit à retourner à Vienne.
Ne craignez rien : cela rafraîchit, cela ne brûle pas l’âme. […] Des scènes de bonheur sont les perspectives de la vie : vous en faites peindre sur les murs de vos villas et de vos palais ; ne craignez pas d’en peindre sur la toile vivante de l’imagination fraîche et chaste de la jeunesse.
Que n’ai-je donc pas à craindre aujourd’hui que je m’engage dans un autre genre d’écrire, où le peuple, sur lequel je comptais pour le succès de mes discours, ne peut m’être bon à rien ? […] On voudrait citer, mais il faudrait tout citer ; on s’arrête ébloui de tant de magnificence, et l’on craint de choisir là où rien n’est à préférer.
L’unicité poussée à bout aboutit à l’instantanéité, Stirner craint par-dessus tout de laisser s’enchaîner sa pensée, de la laisser se cristalliser. […] Car pour innover véritablement, pour s’originaliser dans le sens élevé du mot, pour s’aristocratiser et se privilégier intellectuellement, il faut d’abord ne pas craindre d’être différent ; il faut avoir le sentiment de son unicité ; il faut être soi-même ; suivant le précepte de Peer Gynt, et vouloir être soi-même.
Reyer, « admirateur de Wagner », n’a pas craint de se mesurer avec un sujet que l’Auteur de la Tétralogie avait traité longtemps avant lui, ce que Victor Wilder a établi, une fois pour toutes et d’une façon irréfutable. […] Nous pouvons donc dire — et ne point craindre une erreur, — que la musique exprime, avant toute chose, une tendance à priori de l’homme à créer le Drame, de même que nous construisons le Monde de l’Apparence en appliquant aux phénomènes les lois à priori de l’Espace et du Temps, dont nous avons, en notre cerveau, le germe inné.
L’animal, sa proie, l’ennemi qu’il craint, tout cela se meut : c’est le mouvement qui révèle la proie, c’est le mouvement qui révèle aussi l’ennemi. […] L’animal n’a point toutes ces notions ; ce qui ne l’empêche pas de distinguer sensitivement la droite de la gauche (sans les nommer), l’avant et l’arrière, la situation et la distance concrètes d’un objet désiré ou craint, etc.
Inspirez du courage à l’être intelligent, donnez-lui de l’énergie ; qu’il ose enfin s’aimer, s’estimer, sentir sa dignité ; qu’il ose s’affranchir, qu’il soit heureux et libre ; qu’il ne soit jamais l’esclave que de vos lois ; qu’il perfectionne son sort ; qu’il chérisse ses semblables… Qu’il apprenne à se soumettre à la nécessité ; conduisez-le sans alarmes au terme de tous les êtres ; apprenez-lui qu’il n’est fait ni pour l’éviter ni pour le craindre. » Telle était la « prière de l’athée » au dix-huitième siècle. […] Richepin a beau viser à la profondeur philosophique, nous craignons que ses vrais titres ne soient du côté de la rhétorique, et qu’il n’ait appliqué aux grandes idées de l’évolutionnisme contemporain le même traitement que Juvénal se plaignait de voir appliqué à Annibal dans les écoles : Ut declamatio fias 248.
Comme il a été obligé toute sa vie de dominer deux courants contraires, qu’il a été, sans être différent, catholique en France et protestant en Allemagne, il se trouvera, je le crains bien ! […] Michelet ne craint pas de dire, page 113 : « Entourée d’amants en Angleterre, elle leur préférait un chanteur de chapelle italienne, laid et vieux, qui la pillait et vendait ses diamants, et en France… » Nous ne pouvons achever la citation sur cette touchante Théroigne, la meurtrière de Suleau, et qu’on pourrait appeler aussi l’ange de l’assassinat, puisque le mot est consacré !
Il y eut une époque où, se croyant sûr de lui et de sa science nouvelle, il ne craignit pas à son tour de porter l’attaque dans les croyances d’autrui et de les battre en brèche, afin d’y substituer ce qu’il estimait plus raisonnable et mieux démontré.
Mais la différence qu’il y a entre ces modernes, ceux même qui sont plus exclusivement et plus uniquement fabulistes que La Fontaine, et les anciens trouvères, c’est que ceux-ci se complaisent beaucoup plus aux détails domestiques et familiers, à tout ce qui est du monde et des mœurs des animaux, et qu’ils ne craignent ni de déroger, ni d’ennuyer en y insistant.
81. » Il mêlait aux éloges, aux beaux noms de La Bruyère et de Théophraste qu’il ne craignait pas d’appliquer à notre auteur, quelques réserves et quelques censures morales, en priant son nouveau confrère de les lui passer et de les mettre sur le compte du ministère saint dont il était chargé.
Il aura des termes encore plus effrayants quand il voudra signifier la sentence finale, la dispersion par le monde de la nation juive, et nous en étaler les membres écartelés : « Cette comparaison vous fait horreur », ajoute-t-il aussitôt, il est vrai ; et cependant il la pousse à bout et ne craint pas de s’y heurter.
Navier, médecin et chimiste à Châlons-sur-Marne, prononcé le 16 mars 1781, parlant d’une polémique que soutint cet académicien et dont il aurait pu se dispenser, Vicq d’Azyr disait avec la conscience d’un homme qui a éprouvé le venin des libellistes : Ceux qui travaillent avec courage à l’édifice des sciences peuvent-ils donc ignorer qu’il y a une classe d’hommes uniquement occupés à détruire, qui mettent toute leur gloire à troubler celle des autres, toute leur jouissance à les affliger, toute leur adresse à les distraire, dont on est sûr de triompher en n’engageant point le combat, et avec lesquels toute autre victoire compromettrait celui qui ne craindrait pas de souiller ses mains en cueillant de semblables lauriers ?
« Ce traducteur, disait La Harpe, est un homme qui paraît versé dans l’étude de l’histoire de l’antiquité. » — « Nous ne craignons point d’assurer, disait Grimm, que la traduction est fort supérieure à l’original ; ce que M.
Mesnard a traduit : « Par moi l’on entre dans la cité des douleurs ; par moi, dans la plainte éternelle ; par moi, au milieu des races perdues. » Le si va a disparu ; le tintement du glas est abrégé ; l’écrivain français a craint d’être trop monotone. — On m’assure que M.
Pardonnez-moi tout ce qui me fait peur : l’âme qui vous est unie, qu’a-t-elle à craindre ?
On les craint, on les désire, on s’en vante ; et le talent modeste est estimé et souvent oublié.
Lorsqu’on lui érigea de son vivant cette statue à laquelle il consentit sans l’avoir désirée, et qu’il aurait souhaité qu’on ne fît placer qu’après sa mort : « J’ai toujours pensé, écrivait-il à son vieil ami le président de Ruffey, qu’un homme sage doit plus craindre l’envie que faire cas de la gloire, et tout cela s’est fait sans qu’on m’ait consulté. » Cette statue, notez-le bien, lui fut érigée en manière de consolation et de dédommagement honorifique par ceux qui lui avaient fait un tort réel en obtenant sous main la survivance de sa charge d’intendant du Jardin du roi.
comme il nous craint !
a pris cela au sérieux et a relevé le gant ; il n’a pas craint de faire dans les Débats un long article intitulé : Le roi Louis-Philippe et M.
» ; et enfin ce mot qu’on a fort relevé : « Je ne connais guère l’embarras, et je ne crains pas la responsabilité. » C’est le signe d’une disposition chez lui fondamentale ; c’est le geste de son esprit, de son caractère qui se trahit et qui tranche, qui repousse et chasse, pour ainsi dire, les difficultés et leur interdit de reparaître. — Une remarque matérielle et qui n’est pas vaine vient à l’appui, le caractère de son écriture : pas une hésitation, pas une fatigue ; jamais un jambage qui bronche.
Biot, en 1809, ne craignait point d’avoir l’air de parler des causes finales comme Lucrèce, et de l’intervention de la volonté divine dans l’ordre physique comme Laplace ; ce genre de scrupule, du moins, ne lui venait pas.
Fénelon ne craint pas de les nommer ; cet esprit de charme et de grâce n’en a pas l’air, mais il est moralement plus hardi que Bossuet ; il a plus de courage et d’indépendance en présence des Grands.
Il dit qu’une philosophe de quinze ans ne pouvait se connaître soi-même, et que j’étais entourée de tant d’écueils, qu’il y avait tout à craindre que je n’échouasse à moins que mon àme ne fût d’une trempe tout à fait supérieure ; qu’il fallait la nourrir avec les meilleures lectures possibles : et à cet effet il me recommanda les Vies illustres de Plutarque, la Vie de Cicéron, et les Causes de la grandeur et de la décadence de la République romaine, par Montesquieu.
Delécluze qui, dans la pratique, ne craint pas de déroger à ses grands principes et qui aborde le réel et même le laid avec une sorte de gaieté, nous a donné à quelques égards un intérieur flamand.
L’idée de Spendius est de se servir de Mâtho, plus fort et plus hardi que lui, pour enlever du temple de la déesse le voile sacré qui est comme le palladium de Carthage : il a de la peine, toutefois, à le décider, car Mâtho craint les dieux, et il est sérieusement persuadé de la vertu divine de l’objet ; il a peur de commettre un sacrilège.
Cette moralité, on la trouverait dans la réflexion très-sensée qu’adresse M. de Férias à sa petite-fille en voyant les mobiles extraordinaires auxquels elle obéit dans toute sa conduite : « Ma chérie, vous voulez toujours monter sur le cygne ; vous voulez l’impossible : ce sera, je le crains, l’écueil de votre vie. » Le dernier mot du livre serait alors un conseil d’institutrice : « Mesdemoiselles, plaignez Sibylle et ne l’imitez pas : avec toutes ses belles qualités, une seule, poussée trop loin, a failli la perdre. » Mais ce n’est pas là ce qu’a fait l’auteur, et, dans la suite de l’histoire, il paraît bien, au contraire, vouloir nous présenter Sibylle comme une sorte de type de perfection, un modèle ; et c’est bien ainsi que l’ont prise cette quantité d’admiratrices qui se sont écriées en la voyant : « Voilà comme nous sommes, voilà comme nous voudrions être, et comme nous serions à coup sûr si c’était à recommencer !
Tôt ou tard, je le crains, les Anciens, Homère en tête, perdront la bataille, — une moitié au moins de la bataille.
On craignait que le comte, s’il était prévenu, ne fît enlever sa femme en chemin.
G. de Lavigne, par une sorte d’émulation fâcheuse, il ne craint pas d’appeler ce charmant Cervantes « un esprit léger, frivole et vagabond.
» Monik répondit alors à l’oiseau qui lui parlait de la sorte : « Ne crains rien, l’eau troublée sans tarder redevient claire et limpide ; Mais hélas !
… Au Temps, je suis comme quand nous causions à la table de Magny ; j’y retrouve Nefftzer, Scherer ; nous sommes là toujours entre amis ; on ne craint pas d’y exprimer tout haut ce que l’on pense, quand même ce ne serai pas l’opinion du voisin, et on laisse la parole au voisin qui réplique… » 7.
Racine fils avoue avec candeur qu’on peut regretter dans l’Iphigénie française cette vive peinture de l’Agamemnon grec ; mais Euripide n’avait pas craint d’entrer dans l’intérieur de la tente du héros, et de nommer certaines choses de la vie par leur nom29.
La plupart des gouvernements sont vindicatifs, parce qu’ils craignent, parce qu’ils n’osent être cléments ; vous, qui n’avez rien à redouter, vous, qui devez avoir pour vous la philosophie et la victoire, soulagez toutes les infortunes véritables, toutes celles qui sont vraiment dignes de pitié ; la douleur qui accuse, est toujours écoutée ; la douleur a raison contre les vainqueurs du monde ; que veut-on, en effet, du génie, des succès, de la liberté, des républiques, qu’en veut-on, quelques peines de moins, quelques espérances de plus ?
L’Hôpital, Du Vair, si modérés, si graves, ne craignirent pas d’agiter l’opinion par d’éloquents et forts libelles225.
Si je ne craignais la sécheresse des énumérations, je nommerais encore M.
Lui-même, la plupart du temps, ne prend pas la peine de les motiver, comme s’il craignait d’en diminuer par là le piquant.
Je ne sais si elle est un salon où l’on cause, mais il y règne certainement cet esprit de « bonne société » qui répugne à toute nouveauté et qui craint les trop grands éclats du génie.
Il lui a montré les artistes, ces êtres qu’elle enviait et haïssait, dont elle se sentait séparée par des milliers de lieues, qu’elle craignait en les dénigrant, et il lui a permis de dire : « Eh !
Il serait écouté, je le crains, ou plutôt je n’en doute point.
Leur persuasion que Dieu est en elles et s’occupe perpétuellement d’elles est si forte qu’elles ne craignent nullement de s’imposer aux autres ; notre réserve, notre respect de l’opinion d’autrui, qui est une partie de notre impuissance, ne saurait être leur fait.
Ces esprits-là ne sont pas indifférents comme les autres ; ils ne sont pas tièdes, mais un peu volages et libertins : je crains que, nous autres critiques, nous n’en tenions.
Le crime eut de l’écho par-delà les mers : L’Hôpital, ce représentant de la conscience humaine en un siècle affreux, apprit, dans la retraite de sa maison des champs, l’égarement de celle dont il avait célébré le premier mariage et la grâce première ; il consacra son indignation par une nouvelle pièce de vers latins, dans laquelle il raconte les horreurs de cette nuit funèbre, et ne craint pas de désigner l’épouse et la jeune mère, meurtrière, hélas !
Elle ne craint pas d’y indiquer quelques-uns des officiers municipaux qui, étant de garde à leur tour, entraient dans les chagrins de la famille royale et les adoucissaient par leurs égards et leur sensibilité : Nous connaissions de suite à qui nous avions affaire, dit-elle, ma mère surtout, qui nous a préservés plusieurs fois de nous livrer à de faux témoignages d’intérêt… Je connais tous ceux qui s’intéressèrent à nous ; je ne les nomme pas, de peur de les compromettre dans l’état où sont les choses, mais leur souvenir est gravé dans mon cœur ; si je ne puis leur en marquer ma reconnaissance, Dieu les récompensera ; mais si un jour je puis les nommer, ils seront aimés et estimés de toutes les personnes vertueuses.
Marmont, ramené lui-même à ces temps de splendeur et d’enivrante espérance, lui en exprimait avec feu l’esprit ; il lui parlait de son père, comme il l’avait vu, comme il l’avait aimé alors ; il ne craignit pas d’entrer dans les détails de nature et de caractère : il lui disait que son père avait été bon, avait été sensible, avant que cette sensibilité se fût émoussée dans les combinaisons de la politique ; il lui disait, comme il l’a dit depuis à d’autres, et avec une larme : « Pour Napoléon, c’était le meilleur et le plus aimable de tous les hommes, le plus séduisant, le plus sûr en amitié ; mais l’homme privé était tellement chez lui l’instrument de l’homme politique, que tout ce que l’on a dit de lui, tout ce que j’ai souffert moi-même de l’homme politique, tout cela se concilie avec le sentiment que j’exprime. » Et il avait deux traits singuliers qu’il aimait à citer comme indice et preuve de cette sensibilité première, et si bien recouverte ensuite, de Napoléon.
Feuillet, mon père, lui dit-elle avec une douceur admirable (comme si elle eût craint de le fâcher) ; vous parlerez à votre tour. » Cependant ce docteur Feuillet lui disait à haute voix de rudes paroles : « Humiliez-vous, Madame ; voilà toute cette trompeuse grandeur anéantie sous la pesante main de Dieu.
Vous qui craignez tant la dépendance et les suites où la reconnaissance peut exposer un homme vertueux, pensez-vous que celui qui sacrifie si généreusement les bienfaits à son bienfaiteur les ait acquis par le crime et par la bassesse ?
On inaugure, au milieu de la verdure, des ruisseaux et des fleurs, les bustes d’Homère et de Jean-Jacques Rousseau ; Bernardin de Saint-Pierre et Ducis portent les couronnes que de jeunes enfants déposent ensuite sur les deux marbres : « Votre fête était simple, écrit Ducis à son hôte d’Essonne, comme les beautés de l’Iliade et d’Héloïse. » Cet Homère, que Ducis fêtait ce jour-là, et qui était aussi simple que l’Héloïse, tenait un peu, je le crains, de celui de Bitaubé.
IV C’était une force mal employée, d’abord parce qu’elle était gauche, ensuite parce qu’elle n’était pas dirigée par un esprit net, précis, mesuré, réfléchi, ni bien nourri ; peut-être aussi parce qu’elle l’était par un caractère orgueilleux, un peu ombrageux et un peu aigri ; mais ici, n’étant informé qu’à demi, je craindrais, en affirmant, d’être injuste.
Aussi, loin qu’il faille craindre pour lui un détournement de cette force dominatrice, peut-être faut-il penser que s’exagérant et agissant sans trêve, elle risquerait de le briser.
Si ses pas le conduisent au Salon, qu’il craigne d’arrêter ses regards sur ta toile sévère !
Mais, ne craignons pas d’en faire la remarque, puisque l’occasion s’en présente, Voltaire a bien méconnu l’esprit des traditions lorsqu’il a composé sa tragédie de Mahomet.
Nous craignons Robespierre.
Je crains seulement pour eux qu’il ne leur fallût, — dirai-je plus de talent ?
Néanmoins vous avez fait de si belles réflexions sur la timidité, que j’ai sujet d’espérer que, puisque vous connaissez si bien les dangers, vous pourrez un jour les craindre, et qu’enfin vous ferez le plaisir à vos amis de vous conserver mieux à l’avenir.
Sa plainte est plutôt d’un viveur fourbu qui craint la mort que d’un homme en quête du vrai. […] Ne crains rien ; viens vers moi, pauvre petite bête ! […] Je crains, en vérité, qu’ils ne soient moins épris de l’art grec que de l’idée qu’ils s’en font. […] Pour moins encore, pour avoir non pas douté, mais seulement craint de douter, Pascal est devenu fou. […] Ne craignons point de passer pour un esprit grossier, absolu, ignorant des nuances.
C’est un sentiment de répulsion et c’est un désir de destruction à l’égard de celui qui nous fait du mal ou de qui l’on en craint. […] Je crains toutefois que M. […] Mais il semble avoir pour devise : “Qu’on me haïsse, pourvu qu’on me craigne.” […] Il peut très bien accepter l’égalité de conditions que l’aristocratie maintient au-dessous d’elle, et craindre une démocratie qui serait immédiatement artisan éminent de rapides et tempétueuses inégalités sociales. […] Et comme le peuple craint tantôt ceci, tantôt cela, mais, d’une façon permanente, craint par-dessus tout le désordre, c’est ce qui explique que, si souvent, le peuple permet à son gouvernement d’être aussi mauvais que possible, pourvu qu’il gouverne.
Très discrètement, avec mille précautions, comme s’il craignait de briser en y touchant cet être fragile, il décrit la taille souple de la jeune fille, son sourire fin, son visage délicat, ses yeux bleus, sa joue rosée, sa bouche spirituelle, l’or de ses cheveux soyeux. […] L’auteur de Dégénérescence est venu assez tard pour n’avoir pas à craindre le même sort. […] Puis Rachmed songe que la face du mort doit être tournée vers la ville sainte de la Mecque ; il craint que tout ce travail n’ait été inutile. […] Lorsqu’on voit des gens faire « bande à part », on est porté d’abord à les envier et à les craindre. […] Il ne fait point partie du « Tout-Paris » ; on ne le voit pas aux premières du Théâtre-Libre ; les syllabes de son nom étrange n’ont pas été répercutées par les « échos » sympathiques du boulevard ; les annonciers littéraires ne l’ont pas recommandé aux bons badauds qui vont acheter, sous les galeries de l’Odéon, les productions balbutiantes des « petits camarades » que tout le monde loue parce que personne ne craint leur concurrence.
Contrairement à l’usage des femmes qui se choisissent, comme repoussoir, des amies d’une laideur rassurante, madame Sophie Gay s’entourait bravement de jolies femmes sans craindre d’éteindre sa beauté par la comparaison. […] B. : quoique très-sobre et abstème d’habitude, Balzac ne craignait pas de temps à autre « un tronçon de chière lie » ; il mangeait avec une joviale gourmandise qui inspirait l’appétit, et il buvait d’une façon pantagruélique. […] D’ailleurs il eût craint d’y mettre l’effort soutenu, la contention préoccupée et laborieuse de l’homme de lettres de profession. […] Il sait ce qu’ils pensent, ce qu’ils disent et les plaisanteries traditionnelles qu’ils commettront ce soir en jouant au loto, mais il ne s’en indigne pas, il s’en amuse et il en rit de bon cœur, et lui-même ne craindrait pas de dire, en posant le 22 ou le 77, les deux cocottes ou les jambes à mon oncle, le tout pour être aimable en société. […] Si nous ne craignions que le sens de nos paroles fût mal interprété, nous dirions qu’il s’y trouve d’exquises symphonies de mots ; les mots !
J’ai vu l’amour s’éteindre et l’amitié tarir, Les vierges se voilaient et craignaient de mourir ! […] … Tu souffres et tu crains et l’avenir t’effraie. […] Il ne craint pas la responsabilité pour détruire, il l’élude et la décline pour reconstruire. […] Ce n’est plus que par une vieille habitude que certaines gens font semblant aujourd’hui de craindre les envahissements du parti prêtre. […] Craignez-vous d’être infidèles au culte des anciens ?
Que s’ils sont assez sûrs de leur définition pour pouvoir se livrer au plaisir d’admirer, sans craindre d’être contredits par leur formule, il est démontré que le sentiment du beau n’est pas le résultat d’une opération logique293. […] si je ne craignais de faire de la peine à Gorgias, je te dirais une chose ; mais j’ai peur que ce ne soit un peu impoli. — Quelle chose donc, Socrate, s’il te plaît ?
On les « craignait ». […] Le marquis disait de son père Antoine : « Je n’ai jamais eu l’honneur de toucher la joue de cet homme vénérable… À l’Académie, étant à 200 lieues de lui, son seul souvenir me faisait craindre toute partie de jeunesse qui pouvait avoir des suites un peu dangereuses » L’autorité paternelle semble presque aussi âpre dans la bourgeoisie et dans le peuple.
Nous ne craignons pas de répondre : C’est le peintre, c’est Robert, c’est le grand lyrique des Moissonneurs. […] Une indescriptible impression de bien-être, de paix, d’existence, de sécurité, de plénitude des sens et du cœur, pénètre l’âme avec les rayons, avec l’air, avec le son, avec l’horizon sans bornes de la campagne de Rome ; on se sent noyé dans la béatitude du soleil d’été ; la vie surabondante écume et murmure, comme une cascade de Terni, dans la poitrine ; on craindrait de troubler par une parole, par le bruit même d’une respiration, l’extase qui vous soulève d’ici-bas on ne sait où ; on se tait, et ce silence est l’hymne inarticulé de la saison où l’homme fructifie avec l’herbe des champs.
« Cependant si, comme nous le craignons, vous êtes vaincu dans votre guerre d’agression contre l’Autriche ; si vous êtes refoulé en Piémont et menacé jusque dans Turin en expiation de votre témérité et de votre impatience, alors nous descendrons en Italie pour vous couvrir contre la conséquence extrême de votre agression, nous nous placerons non comme ennemis, mais comme médiateurs armés entre l’Autriche et vous ; nous ne permettrons pas aux armées de l’Allemagne de vous effacer du sol italien ; nous vous laisserons petite puissance gardienne des Alpes ; ce ne sera qu’une question de frontière pour nous. […] Nous prenons nos précautions contre ce danger enfin aperçu, et nous faisons bien ; la Savoie et le comté de Nice sont deux sûretés légitimes, mais deux sûretés bien insuffisantes contre la création d’une sixième grande puissance dans le monde, création qui enceindra la France d’une ceinture de périls partout, et même du seul côté où elle avait de l’air pour ses mouvements et rien à craindre.
Il n’a point à le craindre de cette crainte qui ne convient qu’à l’esclave, puisque, par sa soumission, il peut s’associer à un père plutôt qu’à un maître. Mais il doit craindre de l’offenser, en violant la loi dont il reconnaît lui-même toute l’équité.
La conscription menace, mais Joseph ne la craint pas. […] — Non, non, faisait-il avec bonté, ne crains rien, mon enfant ; tu ne pourrais réellement pas servir.
Essayez donc un peu de taire la même opération avec tel autre siècle que vous voudrez, même le xviie , opposé aux trois autres, et vous verrez quelle infériorité vous trouverez dans quelqu’une de ses parties… René Boylesve, de l’Académie française Je crains de paraître un peu coco en affirmant que le xixe siècle (français) est un grand siècle. […] Et ce sont ces hommes, dont les traits, aux yeux de l’univers, représentent la France moderne, que l’on voudrait montrer aujourd’hui dans une sorte de fresque grotesque, brossée avec des fards et des tons cadavériques, à la Van Dongen, comme une troupe de bouffons noirs, de canailles emphatiques, de gâteux grandiloquents, de diaboliques gredins, je ne crains pas de le dire, ceux qui agissent ainsi font, au regard de la vérité critique, une œuvre impie et méprisable, et, si l’on se place au point de vue national, une besogne de malfaiteurs.
On se trouve de l’esprit en lisant Molière, en lisant Dufresny on craint d’être un sot ; et comme c’est l’espèce de peur qu’on pardonne le moins, on se venge du livre en le fermant. […] Que craindre d’un méchant qui ne tient même pas à ce que ses méchancetés lui profitent ?
Confessions : « La vie m’était en horreur ; je ne voulais pas vivre, réduit à la moitié de moi-même ; et peut-être craignais-je de mourir, de peur qu’avec moi ne mourût tout entier celui que j’avais tant aimé108. » Plus tard, dans ses Rétractations, revenant sur ce passage : « C’est plutôt une légère déclamation, dit-il, qu’une confession sérieuse109. » La phrase sent en effet la subtilité. […] Et si cette utopie a pour cause première une faute contre la nature et l’honneur, il ne faut pas craindre de la discréditer en en signalant la cause.
Je ne sais si hors de Paris il est possible en France de se mettre bien délicatement à ce point de vue, et je craindrais de trop dire en avançant qu’il y actuellement au monde deux ou trois milliers de personnes capables d’adorer de cette manière. […] » Tandis qu’il y en aura, on pourra craindre une invasion.
Dimanche 30 janvier Zola était en train de parler aujourd’hui de la puissance du Figaro, avec une espèce de respect religieux, quand quelqu’un jette dans son amplification : « Vous savez, Scholl dit ne craindre au monde, que La Justice et Le Figaro ! […] Et comme Deshayes me demande à la place de l’exemplaire sur hollande, un exemplaire sur japon, ainsi que Burty en a reçu un du premier volume, et que je lui dis que je ne sais pas, si vraiment maintenant je pourrai lui en procurer un, il m’engage à ne pas lui faire cette réponse, mais à lui faire espérer un exemplaire, comme il le désire, parce qu’il craint que dans l’état nerveux où il se trouve, ma réponse n’amène une crise.
Les chefs de parti reconciliés, le feu de la querelle ne fut pas éteint : il resta caché pendant quelque temps, & enfin il se montra plus violent & plus à craindre que jamais, lorsque l’on vit La Mothe aux prises avec madame Dacier. […] Il a fait à la fois, d’Énée, un prince religieux & un grand homme ; un héros qui craint les dieux, mais à qui les oracles n’en imposent pas ; un héros plein de franchise & de valeur, ne sauvant sa gloire, & ne s’arrachant à Didon, qu’après l’avoir rendue triomphante de ses ennemis, & fait preuve des sentimens les plus élévés.
Une impatience juvénile de vivre, de voir, de sentir, de me plonger dans une mer d’impressions tout à la fois redoutées et attrayantes, était le fond de mon caractère d’alors : du feu qui couvait encore, qui craignait et qui aspirait le vent ; un cœur de jeune fille entre l’âge où l’on rêve et l’âge où l’on aime. […] J’ai toujours craint de paraître affecté en me montrant ému.
Mais l’esthétisme de l’apparence n’est d’ailleurs pas le seul à craindre et nous pourrions appeler le « mauvais tour joué par Dostoïevsky » certain besoin d’excentricité sentimental, désir d’affirmer de mauvais penchants, hâte à répéter : « Nous aussi nous pouvons faire des cochonneries. » Ces sinistres farces n’ont rien à voir avec le merveilleux auquel tant ont voulu les assimiler et dont la production littéraire artistique contemporaine offre de bien étranges exemples. […] Leurs réponses les trahissaient mais ils n’osaient se taire, intimidés par l’audace des nouveaux venus qui ne craignaient point de recourir à des procédés aussi directs, dédaignaient de composer, interrogeaient les autres et soi-même sur les questions essentielles.
L’enfant qui l’a souflée, tremble, baisse la tête, il craint que la bulle ne l’écrase en tombant sur lui. […] Je crains la bastille, et je m’arrêterai là tout court.
Ces poètes, en essayant de traduire les sentiments de Gabrielle, ne craignent pas d’employer les mots de chasteté et de pudeur, qui, dans leur langage, ne tirent pas à conséquence.
que de retours à craindre sur la fidélité de ceux qu’on a choisis pour les ministres et les confidents de sa passion !
Elle n’était pourtant pas sans se rendre compte du principe de faiblesse de son gouvernement ; elle le dit et le redit sans cesse : « Il est très vrai qu’il vaut mieux être bon que méchant, mais la justice consiste à punir aussi bien qu’à récompenser, et il est sûr que celui qui ne se fait pas redouter des Français, a bientôt sujet de les craindre ; car ils méprisent bientôt celui qui ne les intimide pas. » Elle connaît la nation et la juge toujours comme quelqu’un qui n’en est pas.
C’est ce qui a fait dire de lui à Montaigne, assez pareil de nature, et qui était si bien fait pour l’apprécier et le comprendre (il parle en cet endroit des historiens simples, qui ramassent tout ce qui vient à leur connaissance, et qui enregistrent à la bonne foi toutes choses sans choix et sans triage) : Tel est entre autres, pour exemple, le bon Froissart qui a marché, en son entreprise, d’une si franche naïveté qu’ayant fait une faute, il ne craint aucunement de la reconnoître et corriger en l’endroit où il en a été averti, et qui nous représente la diversité même des bruits qui couroient et les différents rapports qu’on lui faisoit : c’est la matière de l’histoire nue et informe ; chacun en peut faire son profit autant qu’il a d’entendement.
Il remplit son ordre en homme qui avait fort envie de réussir ; il lui fit envisager tout ce qu’elle avait à craindre et à espérer, et il lui dit enfin qu’il ne tenait qu’à elle d’être reconnue le lendemain duchesse de Lorraine par le roi ; qu’elle n’avait qu’à faire signer à M. de Lorraine un papier qu’il avait apporté avec lui et qu’il lui montra, et qu’elle serait reçue au Louvre avec tous les honneurs dus à un si haut rang ; mais que, si elle refusait de faire ce que Sa Majesté souhaitait, il y avait à la porte un de ses carrosses, trente gardes du corps et un enseigne, qui avaient ordre de la mener au couvent de La Ville-l’Évêque ; ce que Madame demandait avec beaucoup d’empressement.
C’est encore là un point délicat, et je craindrais qu’un annotateur et un commentateur qui ne serait pas net et sobre ne prît occasion de ces endroits pour en tirer des idées et des inductions un peu autres que celles auxquelles Buffon a réellement songé.
Il défendit ce qu’il croyait le bien public avec ardeur et sincérité ; il ne craignit même point, par sa fermeté, de se faire des ennemis.
Tout le monde lui disait déjà qu’il serait député ; Mme Bailly, avec la prévoyance que donne aux femmes leur tendresse, craignait de grands démêlés dans un avenir prochain, et désirait qu’il n’y fût point engagé : Je ne croyais point aux dangers, dit Bailly, mais j’aimais assez mon repos et ma médiocrité.
David nous disait toujours que c’est le seul maître que l’on puisse suivre sans craindre de s’égarer. » Mais il se souvint de cet autre précepte de David : « qu’il ne faut pas voir la nature bêtement, et qu’il faut savoir trouver le beau ».
Mais, en insistant sur ces détails, je crains aussitôt d’être injuste ; car il faudrait en même temps que je pusse faire remarquer combien il y a d’excellentes choses, et neuves et fines, et subtiles (au meilleur sens, au sens latin du mot), dans ce modeste ouvrage qui rend l’étude du même sujet plus facile à ceux qui viendront après.
Le Tourneux une insinuation de Feller qui n’a pas craint de dire : « La manière dont il (M.
Je ne compte pas le grand Condé qui le pria un jour de s’abstenir de célébrer en vers ses louanges ; car les louanges de Santeul passaient aisément les bornes ; les sages les craignaient, et elles pouvaient choquer le tact des délicats.
Ferez vos noms par toute Europe craindre : Et l’âge d’or verra de toutes parts Fleurir les lys entre les léopards.
Les jeunes princes s’unirent, ils s’accoutumèrent à rester liés et un peu ligués entre eux, à le révérer, à le craindre, et le prince Henri, le plus distingué des trois par l’esprit et par les talents, ne put s’empêcher de l’envier.
On n’a pas à craindre cet inconvénient avec Mme Elliott ; M. de Bâillon s’est borné à la traduire, et il l’a fait en homme d’esprit sans doute et en homme de goût, mais en la laissant d’autant plus elle-même, d’autant plus naturelle, tellement que ce livre a l’air d’avoir été écrit et raconté sous sa forme originale en français.
La faculté de souffrir, de saigner pour tous, et d’espérer, malgré tout, en l’avenir du monde, les sentiments d’humanité, de sociabilité chrétienne, qui y éclatent, sont tels que Lamennais ne craint ici la comparaison avec personne.
J’en fus charmé et je lui en sus gré, non que je haïsse les coups ni que je craigne d’en recevoir à la condition d’en rendre, mais il vaut toujours mieux avoir les gens d’esprit pour soi que contre soi.
« La camarera-mayor, naturellement rigide, ajoutait de nouvelles peines à cette contrainte, et semblait vouloir effacer tout d’un coup jusqu’aux moindres choses qui auraient pu lui laisser quelque souvenir de la douceur et des agréments de son pays. » On essaya de lui inspirer d’abord une entière aversion pour la reine mère, dont cette camarera-mayor craignait l’influence qui s’annonçait comme prête à renaître.
Il voudrait aller en Allemagne pour voir lui-même les grands génies, mais je lui conseillai plutôt d’aller en Grèce. » En ces journées de grande conversation, Sismondi craignait même tellement d’en rien perdre, qu’il allait jusqu’à en vouloir à Mme Récamier d’y apporter quelque distraction et de faire des a-parte à voix basse ; il le dit, et d’une plume assez peu légère : « Ici (Coppet, 30 août 1811) notre société est des plus brillantes, rien moins que deux Montmorency et Mme Récamier ; mais c’est pour peu de temps : eux repartent demain, et elle après-demain.
Nous vous prions aussi d’ordonner qu’on ne le laisse point crier, parce qu’étant un garçon, les efforts sont à craindre, comme vous savez.
Est-ce que Bossuet lui-même, qu’on ne récusera certes pas comme exprimant dans un haut exemple la moyenne des lumières du grand règne, avait profité de l’expérience produite sous ses yeux aux années de sa jeunesse, lorsque dans l’Oraison funèbre du prince de Condé il ne craignait pas de dire en une phrase magnifique et souvent citée : « Loin de nous les héros sans humanité !
On craint de voir apparaître le vice dans sa vraie nature… Tous les ans je lis quelques pièces de Molière, de même que de temps en temps je contemple des gravures d’après de grands maîtres italiens.
J’y arrivai le premier par un accident : je montais un cheval d’Espagne fort vigoureux et qui souffrait impatiemment la neige qu’il avait jusques au ventre, et je craignais, par les efforts qu’il faisait pour en sortir, qu’il ne se jetât dans le précipice qui était sur notre droite, car nous étions fort serrés par la montagne sur la gauche, le chemin n’ayant pas plus de quatre pieds de large.
Il commençait à craindre qu’elle ne voulût plus le visiter ; elle devenait rare.
Il avait d’ailleurs des vues, des idées originales et bien des termes de comparaison, ayant habité l’Angleterre, visité l’Espagne, le Portugal ; il connaissait même l’étranger beaucoup mieux que la France, d’où il avait émigré et où il semblait craindre de remettre les pieds depuis que la Charte en avait empoisonné l’air et le sol.
Il semble que ces vieux rivaux de la guerre de Sept Ans, Frédéric, le prince Henri, Laudon, Lascy, se retrouvant en face les uns des autres, aient craint de tenter de nouveau la fortune et de remettre leur glorieux renom au hasard d’une grande mêlée.
Elles exerçaient partout un tel ascendant, l’une par les inépuisables ressources de son crédit, l’étendue de ses relations commerciales et ses flottes formidables, l’autre par l’autorité de son oligarchie et ses nombreuses armées, qu’on pouvait craindre que, tôt ou tard, elles ne finissent par rallier à leur cause et confédérer contre nous toutes les autres couronnes.
Dans les conclusions du présent livre sur le vrai christianisme qui doit désormais régir le monde, je remarque avec peine la même intrépidité de prédiction que quand l’auteur des Réflexions sur l’État de l’Église (1808) s’écriait en terminant : « Non, ce n’est pas à l’Église à craindre… Les siècles s’évanouiront, le temps lui-même passera, mais l’Église ne passera jamais.
Pindare, ayant à célébrer je ne sais lequel de ses héros, s’écriait au début : « Je te frappe de mes couronnes et je t’arrose de mes hymnes… » Quand le héros est tout à fait inconnu, le poëte peut, jusqu’à un certain point, faire de la sorte, il n’a guère à craindre d’être démenti ; mais quand il s’agit d’un académicien d’hier, d’un auteur de comédies et d’opéras-comiques auxquels chacun a pu assister, d’un rédacteur de journal qu’on lisait chaque matin, il y a nécessité, même pour le poëte, de condescendre à une biographie plus simple, plus réelle, et de rattacher de temps en temps aux choses leur vrai nom.
Ce qui apparaît dans leurs relations qui ne furent jamais intimes, c’est qu’ils se ménagent réciproquement ; ils s’estiment et se craignent, et ne veulent pas se brouiller ; aussi y mettent-ils du leur tous les deux, Bussy avec un peu de piaffe et de morgue féodale, à son ordinaire, Despréaux, en simple bourgeois qui se tient à sa place.
Il était à craindre que l’histoire ne versât dans l’abstraction, et ne tournât à une sorte de mécanique morale.
Je crains qu’on n’en ait pas assez reconnu l’importance.
Une étude d’ensemble sur son œuvre s’imposerait ici si je ne craignais les redites et qu’elle ne fît double emploi avec celle que j’ai déjà publiée en 1911 en tête de l’Assomption de Paul Verlaine, parue aux éditions du Mercure de France.
On en peut dire autant de tous les dogmes de notre religion naturelle et de notre morale, si pâle, si étroite, si peu poétique que je craindrais d’offenser Dieu en y croyant.
C’est un grand malheur que d’avoir découvert en soi les ressorts de l’âme ; on craint toujours d’être dupe de soi-même ; on est en suspicion de ses sentiments, de ses joies, de ses instincts.
toujours, distinguer entre celles qui valent la peine d’être arrêtées et serties et celles qu’il faut laisser passer comme un vol d’oiseaux passagers ; l’Université les repousse toutes, tant elle craint de prendre des bulles de savon pour des étoiles.
Il importait la vérité historique de montrer, non que Molière, La Fontaine, Boileau et Racine affectionnaient mesdames de Sévigné, de La Fayette, de Maintenon et leur société, mais qu’ils en étaient venus au point de la respecter et de la craindre.
Ce valet craint que son maître ne tombe dans le piège et il vient prévenir madame du danger qu’il court.
Mais Sylla, le premier de sa race, voulut être brûlé à sa mort ; car il craignait, par représailles, d’être déterré un jour comme il avait fait déterrer le cadavre de Marius.
Elle publia dans le sens constitutionnel des Conseils sur l’éducation du Dauphin, et ne craignit pas de livrer à l’impression, sous le titre de Leçons d’une gouvernante (1791), une partie des Journaux confidentiels qui se rapportaient à l’éducation des enfants d’Orléans, en assaisonnant le tout de réflexions patriotiques à l’ordre du jour.
Il en est un peu, je le crains, de cet art de diriger les révolutions en modérant les passions, comme de l’art d’être heureux en réglant ses désirs ; cela n’est facile et possible que quand les passions sont déjà amorties.
Lainé dans sa maturité le soin d’apprécier ce coin de son caractère ; mais je crains qu’en faisant de lui un républicain in petto, M. de Lamartine ne se souvienne trop qu’il avait pris au début M.
Il analysait successivement l’esprit des villes en général, celui des bourgeois de toutes les classes, l’esprit des campagnes où le paysan, devenu propriétaire et acquéreur des biens d’émigrés, s’accommodait très bien du régime nouveau et ne craignait rien tant que le retour à l’ancien.
Ce n’est pas que je n’eusse la tête encore passablement garnie ; mais la garniture paraissait un peu trop antique, et je craignais qu’elle ne blessât enfin les yeux d’Amarante ; c’est comme je nomme la belle qui maintenant tient mon cœur.
Mon seul vœu, c’est qu’en avançant, et sûr désormais de lui et de tous, comme il l’est et le doit être, il se méfie moins, qu’il s’abandonne parfois à l’essor, et qu’il ose tout ce qu’il sent ; voyageur, qu’il laisse étinceler cette larme amoureuse du beau, qui lui échappe en présence du Parthénon ou des marbres ioniens de l’Asie Mineure ; romancier, qu’il continue d’appliquer ses burins sévères et qu’il craigne moins, jusque dans la passion ou dans l’ironie, de laisser percer quelque attendrissement ; historien, qu’il laisse arriver quelque chose aussi de l’éloquence jusque dans la fermeté de ses récits ; que, dans la grande et maîtresse histoire qu’il prépare, il réunisse tous ces dons, et comme toutes ces parties séparées de lui-même, qu’il a perfectionnées avec tant de soin une à une ; qu’il les fonde et les rassemble désormais, et qu’il accomplisse avec toutes les forces qu’il possède, et avec ce feu qui unit le cœur à la volonté, cette belle histoire de Jules César, du plus ami de l’esprit entre les conquérants, du plus aimable entre les grands mortels.
Si le règne de Fouquet avait duré, il eût été à craindre que le poète ne s’y relâchât et ne se laissât aller en tous sens aux pentes, aux fuites trop faciles de sa veine.
« Bossuet se mettait dans une chambre froide la tête chaudement enveloppée. » J’en conclus qu’il n’était pas frileux, mais qu’il craignait de s’enrhumer du cerveau.
Par le principe des vérités générales, il est accessible et sympathique à tout ce que le xviiie siècle a pu dire de vrai ; mais en même temps, par le principe de la discipline, il se défie même de ses plus grands écrivains, et il est toujours plus près de la restriction de l’éloge ; cependant, à peine a-t-il hasardé une critique, que sa raison et sa conscience lui font craindre d’être trop sévère, et le voilà qui loue de nouveau pour blâmer encore aussitôt après.
mais ne craignez-vous pas d’aller un peu loin !
Le romanesque est un être très aimable qui nous donne bien des satisfactions : celle d’abord de l’aimer ; celle ensuite de l’admirer un peu comme un noble exemplaire en somme de l’humanité ; celle ensuite de ne pas le craindre, encore qu’il ne fallût pas, à cet égard, avoir une pleine confiance ; celle enfin de lui donner ces fameux conseils de bon sens, de prudence, de sagesse pratique, qu’à donner nous nous épanouissons, nous nous élargissons, nous nous enorgueillissons et qui comblent de plaisir, de pleine satisfaction, de joie intime et profonde, du sentiment de la supériorité indulgente et bienfaisante, ceux de qui ils partent.
À cette époque, écrit-il d’un ton hiératique, tout à la fois mystique et mystérieux, beaucoup d’âmes « se révélèrent à moi, ne craignirent pas de montrer des blessures cachées, apportèrent leurs cœurs saignants.
On peut dire, sans craindre de se tromper et d’être démenti par l’histoire du xixe siècle en Europe, que tous les grands poètes contemporains ont été de grands prosateurs.
Je crains bien qu’on ne fasse payer à ces derniers, d’un silence repentant, l’exagération des éloges dont M. […] Le maniérisme n’y est point fatigant ; il se montre, au contraire, presque toujours joli, d’une grâce parfois exquise, d’un goût très sûr ; et il n’y a pas « trop de lys », ainsi qu’on pouvait le craindre d’un homme qui en abusait tant, dans la vie. […] Pourtant, ne craignez-vous pas un peu la monotonie de cette attitude ? […] Et ne dois-je pas craindre d’attirer la déception sur une œuvre que de la prédire telle ? […] … Certes, en tout ceci, mes mains sont nettes… Je n’ai rien à craindre… et personne ne m’accuse !
» Ce tutoiement, je le crains, eût semblé à M. de Sacy insuffisamment académique. […] Faguet ne craint pas de prendre vis-à-vis de son lecteur, et qu’il réussit à tenir. […] On peut le craindre. […] Il ne craint ni l’invective, ni la plaisanterie, ni le grotesque. […] Qu’il les discute bravement sans craindre ni l’aridité des sujets, ni la hardiesse des méthodes !
Je ne crains plus de votre part que trop d’enthousiasme. […] Ils aiment tant à laisser couler leur plume qu’ils ne craignent pas, Lesage un peu de mollesse, Rollin un peu de diffusion. […] Quand on a l’esprit de rédiger de ces prospectus-là, la douleur, nous le craignons, n’est qu’un artifice de plus ajouté au prospectus. […] Il inspira des craintes au père Tellier, que tout le monde craignait. […] Ne craignons donc pas de le reprendre une heure ou deux et de nous rafraîchir à son commerce.
Puis ils font quelque temps conversation ensemble sans craindre que le dîner se refroidisse (no fear lest dinner cool). […] Il sait clairement ce qu’il veut, et ne craint pas de montrer clairement qu’il le sait. […] Ne craignez point qu’il s’oublie, ni qu’il oublie son auditoire.
monsieur, je ne crains pas, avec le secours de la grâce de Dieu, qu’aucune marque de bonté me fasse jamais oublier ce que je dois à mon honneur ; mais ma nature est trop franche et ouverte pour me faire souhaiter d’être ingrate, et si je devais connaître une pensée que je n’ai point encore apprise, avec quel regret descendrais-je dans mon tombeau de penser que je ne saurais haïr l’auteur de ma perte, et qu’au grand dernier jour je dois me lever comme accusatrice de la pauvre malheureuse âme que je souhaiterais pouvoir sauver1044 ! […] « Mon cœur est si complétement à vous que je ne crains rien, sinon d’être plus empressée que vous ne le souhaitez1045. » Sera-ce lundi, ou bien mardi, ou bien mercredi ? […] Il est conservateur et ne craint point d’être suranné.
Le stoïcien l’exhorte à ne point chercher le bonheur en des objets qui sont hors de lui-même, et lui récite tout le chapitre d’Épictète : à ceux qui craignent la pauvreté. […] Celui qui, exposé à toutes les influences d’un état de société semblable au nôtre, craint de s’exposer aux influences de quelques vers grecs et latins, agit selon nous, comme le voleur qui demandait aux shérifs de lui faire tenir un parapluie au-dessus de la tête, depuis la porte de Newgate jusqu’à la potence, parce que la matinée était pluvieuse et qu’il craignait de prendre froid1376.
Il n’y avait point de jour qu’ils ne se communiquassent quelques secours ou quelques lumières ; oui, des lumières: et quand il s’y serait mêlé quelques erreurs, l’homme pur n’en a point de dangereuses à craindre. […] Pendant que nous étions assis auprès de ce feu, un des habitants nous raconta que, dans l’après-midi, il avait vu un vaisseau en pleine mer, porté sur l’île par les courants ; que la nuit l’avait dérobé à sa vue ; que deux heures après le coucher du soleil, il l’avait entendu tirer du canon pour appeler du secours ; mais que la mer était si mauvaise, qu’on n’avait pu mettre aucun bateau dehors pour aller à lui ; que bientôt après, il avait cru apercevoir ses fanaux allumés, et que dans ce cas, il craignait que le vaisseau, venu si près du rivage, n’eût passé entre la terre et la petite île d’Ambre, prenant celle-ci pour le Coin-de-Mire, près duquel passent les vaisseaux qui arrivent au Port-Louis ; que si cela était, ce qu’il ne pouvait toutefois affirmer, ce vaisseau était dans le plus grand péril. […] Dans les balancements du vaisseau, ce qu’on craignait arriva.
— Autrefois, répond l’homme, il y avait un Dieu dans le ciel, un paradis à gagner, un enfer à craindre. […] je crains bien que le législateur ne manque pour une pareille œuvre, ou plutôt je suis certain qu’il manquerait ; car le vrai législateur, dans des époques semblables, c’est l’égoïsme, et par conséquent la volupté ou plutôt le vice. […] Vous craignez que le paupérisme ne s’introduise en France sous cette forme de l’abandon des enfants, et vous voulez interdire au peuple ce recours à la charité publique.
Il respecte la mort, sans la craindre ; vous allez entendre, tout à l’heure, comme il va pleurer Ophélia. […] Il ne craint que la mort dans ce monde ouvert à ses caprices. […] reprend Don Juan, est-ce que ce mendiant est à craindre ? […] Ses affaires se sont disposées avec une facilité merveilleuse ; elle ne respire plus que la pénitence, et sans être effrayée de l’austérité de la vie qu’elle est prête d’embrasser, elle en regarde la fin avec une consolation qui ne lui permet pas d’en craindre la peine !
Il est même permis de craindre qu’il n’ait pas su l’attendre, et qu’il ait acheté sa délivrance par un crime. […] Il se plaint de ne pas savoir se gouverner, il craint les moments de désœuvrement ; il demande conseil contre l’ennui, et il écrit ces lignes significatives : « Je pense à vous avec autant de plaisir que j’eus de regret l’autre jour de vous laisser dans la peine et l’inquiétude. […] écrivait Mlle Lespinasse au chevalier de Guibert, ne craignez pas d’être triste avec moi ; c’est mon ton, c’est mon existence que la tristesse. — Mon âme est un désert, ma tête est vide comme une lanterne. […] Homme extraordinaire par la hauteur, par l’énergie du caractère autant que par le don de poésie, mais se rapprochant du vulgaire par ses passions, il présente un mélange d’éléments disparates qui ne sont pas également avouables, mais il a cherché à s’entourer aux yeux du public d’une grandeur idéale et n’a pas craint d’en emprunter le caractère à un type maudit. […] En 1812, lorsqu’il vient de recevoir les ordres mineurs, un prêtre de Saint-Sulpice lui écrit : « Je crains que vous ne vous livriez trop à une certaine mélancolie qui vous dévore. » Les événements politiques viennent aussi le troubler.
S’il les avait réellement faits comme on l’a admis pendant longtemps, sa réputation n’aurait certes pas à y gagner, et il y a lieu de craindre que la Fronde en le dissipant, en le livrant sans réserve à ses instincts d’opposition et de satire, ne lui ait fait perdre l’habitude plus grave et plus contenue qui sied à l’historien.
Ce dernier était aussi confiant que l’autre l’était peu ; Beyle était toujours en garde contre le sot, et craignait tout ce qui eût laissé percer la vanité.
Une révolution politique survenant (en 1848), on avait pu craindre que l’enceinte classique du temple ne fût envahie et comme emportée d’assaut.
Taine ne craint pas de forcer ses idées en les promulguant : « Selon la coutume des novateurs, a-t-il dit de l’historien philosophe Niebuhr, il pousse la vérité jusqu’à l’erreur : exagérer est la loi et le malheur de l’esprit de l’homme : il faut dépasser le but pour l’atteindre.
À la longue et à force d’habiter l’Italie, il perdit un peu l’air de France et le fil des idées du temps ; à force de craindre la pédanterie, il en contracta une d’une espèce particulière : c’était de vouloir être plus vif que nature et de professer le naturel en des termes qui semblaient un peu cherchés.
je laisse maintenant ces trouvailles à d’autres ; mais ce qui ne sera jamais démenti, c’est qu’ils étaient pleins de compassion pour les pauvres, qu’ils aimaient mieux les peindre que les puissants, qu’ils avaient pour les champs et les campagnards les aspirations de La Bruyère, qu’ils croyaient en leur art, qu’ils l’ont pratiqué avec conviction, qu’ils n’ont pas craint la bassesse du sujet, qu’ils ont trouvé l’homme en guenilles plus intéressant que les gens de cour avec leurs broderies, qu’ils ont obéi au sentiment intérieur qui les poussait, qu’ils ont fui l’enseignement académique pour mieux faire passer sur la toile leurs sensations : enfin, parce qu’ils ont été simples et naturels, après deux siècles ils sont restés et seront toujours trois grands peintres, les frères Le Nain. » J’honore le critique qui trouve de tels accents, et quand il aurait excédé un peu, comme c’est ici le cas, dans ses conjectures ou dans son admiration pour les trois frères indistinctement, il n’aurait fait que réparer envers ces bons et dignes peintres un long arriéré d’oubli et d’injustice, leur rendre avec usure ce que près de deux siècles leur avaient ôté ; il n’aurait pas fait d’eux un portrait faux, car il reconnaît et relève en toute rencontre leurs inégalités et leurs défectuosités originaires, il n’aurait donné en définitive qu’un portrait un peu idéal, ou du moins un portrait un peu plus grand que nature, un peu plus accusé et accentué de physionomie, mais toujours dans les lignes de la ressemblance et de l’individualité.
Ducis ne l’y laissait point trop seul ; après une visite de quelques jours, il l’emmenait ou à Versailles ou d’autres fois à Paris ; ils y allaient voir ensemble Rousseau, encore logé rue Plâtrière, et qui, « malgré ses plaintes contre le genre humain, ne laissait pas de montrer une assez bonne gaieté72. » Ducis craignait pour son ami songeur le trop de solitude et le manque de distractions ; il aurait voulu lui en procurer d’un ordre élevé pour chasser les vapeurs : « Vous n’êtes pas encore obstrué, mais vous n’avez que trop de dispositions à le devenir : Annibal ad portas.
Il ne les obtint pas ; on craignait son trop de crédit et son esprit d’insinuation auprès du roi, et l’on fit entendre au monarque qu’il paraîtrait moins régner seul s’il appelait dans son Conseil un ministre de tant de montre.
É. de Barthélémy ne craint pas de s’exprimer ainsi : « Ce premier travail montre de sérieuses qualités et le soin que La Rochefoucauld apportait au polissement de son style : il ne témoigne pas grandement, par exemple, en faveur de la modestie du duc.
Il y parle de lui, de ses titres littéraires qu’il détaille au long et du peu de fruit qu’il en a tiré ; il ne craint pas d’étaler sa pauvreté avec sa bonne humeur ordinaire.
Oui, il était attentif à tout, même dans la conversation ; oui, quand une pensée, une expression heureuse, délicate ou vive, passait devant lui ou lui venait à l’esprit, il était empressé à la recueillir : toujours inquiet du mieux et de l’excellent, il l’amassait goutte à goutte et n’en laissait volontairement distraire aucune parcelle ; il s’y consumait, il se relevait la nuit quand il le fallait, et, comme il ne pouvait se servir seul, il faisait relever son monde, même en hiver, pour écrire une pensée qu’il craignait de perdre, et qui lui aurait échappé au réveil ; car plus d’une de nos pensées, et des meilleures, sont souvent noyées et englouties à jamais entre deux sommeils, comme les Égyptiens dans la mer Rouge.
Taine, en la citant, prend à son compte et ne craint pas d’endosser en passant : « Il y a deux sortes de vers dans Boileau, les plus nombreux qui semblent d’un bon élève de troisième, les moins nombreux qui semblent d’un bon élève de rhétorique ?
J’ai connu personnellement cette femme dont la mort héroïque a expié l’égarement ; dont l’âme ardente et la tête ambitieuse eussent mérité un cloître ou une principauté ; dont l’esprit fin et turbulent était aussi propre à diriger des intrigues qu’incapable d’écrire avec fidélité les scènes d’horreur où elle n’avait pas craint de jouer un rôle. » Ce jugement est sévère, et je ne le donne qu’à raison de l’autorité que j’accorde aux paroles de Mallet du Pan.
laissons Saint Simon parler et peindre : « De l’esprit, dit-il, dans son admirable et brûlant croquis de La Feuillade, une grande valeur, une plus grande audace, une pointe de folie gouvernée toutefois par l’ambition, et la probité et son contraire fort à la main, avec une flatterie et une bassesse insignes pour le roi, firent sa fortune et le rendirent un personnage à la Cour, craint des ministres et surtout aux couteaux continuels avec M. de Louvois. ».
On dirait qu’ils craignent de ne pas avoir assez d’air à respirer ou assez d’espace pour se mouvoir, s’ils interposent quelque obstacle entre eux et l’immensité du ciel et de la terre. » Les marchands de Ghadamès commercent surtout avec le Soudan ; ils en tirent l’ivoire.
Coigny, vieux lui-même, plus vieux que Noailles, était de ces militaires dont on pouvait dire, en appliquant un mot de Villars, que « s’ils n’ont pas inventé la poudre, du moins ils ne la craignent pas ».
J’avais eu, lors de mon séjour en Belgique en 1848, et à mon arrivée à l’Université de Liége, à demander à M. de Montalembert un bon office que je ne crains pas de rappeler et qu’il me rendit avec bonne grâce.
Elle voudrait la lettre heureuse pour lui, et elle la craint heureuse ; elle est déchirée si elle l’a vu sourire aux premières lignes (car en ces cas d’attente il décachetait brusquement), et s’il lui semble plus triste après avoir parcouru, elle demeure triste et déchirée encore.
Sa faute ayant éclaté aux yeux de la famille de Cléanax, cette famille craignit d’être déshonorée par la présence d’un enfant illégitime à son foyer.
Ne croyez pas, je vous le jure par le nom que je porte, ne croyez pas que je tremble ici pour moi-même (pour moi, qui, éprouvé déjà par la mauvaise fortune, sais qu’il y a autant à craindre de la prospérité) ; non !
L’incohérence des métaphores n’est guère choquante que quand les mots qui les expriment sont étroitement subordonnés entre eux par des rapports de dépendance grammaticale, et cesse de provoquer les objections, dès qu’elles sont contenues dans des expressions juxtaposées et des propositions parallèles ; alors l’esprit voit sans chagrin défiler devant lui les images les plus différentes, dont chacune brille un moment, s’éclipse et fait place aux autres, et il n’y a à craindre de sa part que la fatigue et l’éblouissement de tant d’éclairs successifs, non la révolte du goût offensé.
Ce sont deux égoïsmes, prêts à se donner, mais « donnant donnant », en échange, non gratuitement ; on les voit s’avancer, se reprendre, craindre de faire un pas que l’autre n’ait pas fait, estimer ce qu’un non laisse encore d’espérance, ce qu’un oui contient de sincérité, négocier enfin avec une prudence méticuleuse l’accord où chacun compte trouver pour soi joie et bonheur.
je crains qu’il ne soit trop profondément satisfait de sa manifestation et de tout ce qui s’en est suivi. « Eh bien, c’est une assez bonne pierre dans la mare aux grenouilles !
* * * Ceux qui redoutent les lumières comme un danger pour les peuples ressemblent aux personnes qui craignent que la foudre ne tombe sur une maison par les fenêtres, tandis qu’elle ne pénètre jamais à travers les carreaux, mais par leur encadrement de plomb ou par le trou des cheminées qui fument.
« S’il est une vérité que la sociologie a fermement établie, c’est que la société a sur l’individu une supériorité qui n’est pas simplement physique, mais intellectuelle et morale, qu’elle n’a rien à craindre du libre examen, pourvu qu’il en soit fait un juste emploi105. » — La discipline sociale dans son ensemble, y compris les croyances sociales, est « fondée en raison et en vérité ».
Pour compléter le parallèle, un petit homme, « aux yeux creux et au teint échauffé », entre dans son salon. « Il marche doucement, il semble craindre de fouler la terre, il marche les yeux baissés, et il n’ose les lever sur ceux qui passent.
je ne la hais ni ne la crains ; mais j’en suis, grâce au ciel, tout à fait désabusé.
, et qui n’avait pas cinquante ans, est un modèle achevé ; je le citerais bien, si je ne craignais qu’avec notre besoin de couleurs il ne parût trop simple.
Ne craignez pas de montrer ces misères à travers vos grands tableaux ; l’élévation ensuite s’y retrouvera.
Placé entre une convenance et une vérité, il eût craint également de manquer à l’une ou à l’autre.
Si je ne craignais de commettre un anachronisme de langage, je ne croirais pas en commettre un au moral, en disant qu’il y avait déjà en Mme Du Deffand de ce qui sera Lélia, mais Lélia sans aucune phrase.
l’auteur des Mémoires d’outre-tombe a si bien oublié cela, que, dans ce chapitre où il reproche à Byron de ne l’avoir jamais nommé, il ajoute : Point d’intelligence, si favorisée qu’elle soit, qui n’ait ses susceptibilités, ses défiances : on veut garder le sceptre, on craint de le partager, on s’irrite des comparaisons.
Mais je parle des Lettres spirituelles proprement dites, et je ne crains pas que ceux qui en auront lu un bon nombre me démentent.
Mais Rousseau, avec tous ces désavantages que nous ne craignons pas d’après lui d’indiquer par leur nom, vaut mieux que Chateaubriand en ce sens qu’il est plus humain, plus homme, plus attendri.
Comme ces changements n’ont pour objet que des impiétés du premier ordre ou des traits sur des puissances, on n’a pas à craindre que le roi de Prusse se plaigne qu’on a altéré son texte, et le public ne pourra pas le deviner… Mais, en faisant des retranchements, j’ai évité soigneusement de rien substituer au texte.
Ce cœur de géomètre, si sensible à l’amitié, ne craint pas de s’épancher dans l’âme de Frédéric, d’y verser son affliction et presque ses sanglots, et le roi lui répond en ami et en sage, par deux ou trois lettres de consolation philosophique, qu’il faudrait citer tout entières.
Nous ne craindrons pas de venir parler, après tant d’autres, d’un écrivain aimable, populaire, cher à l’adolescence et à l’enfance, et dont le nom ne s’offre plus guère ensuite à nous que pour faire sourire d’un sourire de demi-dédain notre maturité.
À la vérité, nous n’en avons plus aujourd’hui le même besoin ; mais, en négligeant autant qu’on le fait les connaissances littéraires, n’est-il pas à craindre que nous ne retournions peu à peu vers la barbarie, dont elles seules nous ont retirés ?
Puis, tout à côté, vous la voyez redevenir, ou plutôt rester croyante à la manière des meilleurs catholiques de son âge, donner dans les moindres pratiques, et ne craindre même pas d’y associer des inconséquences.
Puis il se passe en moi des choses singulières, il me semble que les nerfs qui font mouvoir mon individu, ont de la nuque aux talons, des relâchements, des distensions, qui me donnent à craindre de, tout à coup, m’affaisser et tomber à plat, comme un pantin, dont les ficelles seraient coupées.
Il enhardit à ne point craindre toute complication d’idées, sous prétexte d’obscurité, à renoncer à la carrure vulgaire dans la mise en page d’une idée.
Combien de côtés en moi que je craindrais de montrer tout nuds.
Il ne craint point de mourir, il craindroit de faire une grimace.
ne craignez rien.
Le danger n’est peut-être pas grand encore ; et l’on pourrait craindre de l’augmenter en y attachant trop d’importance.
Ils craindraient, disent-ils, d’être moins aimés. » Et elle ajoute comme une objection renversante : « Ombre d’Héloïse, levez-vous et répondez-leur !
Il y a très peu de choses, en effet, qui n’y soient nouvelles, excepté pourtant cette théorie de l’influence des climats sur le tempérament des peuples et du talent, que je n’y voudrais pas ou que j’y voudrais moins ; car, lorsqu’on est un penseur hardi qui ne craint même pas de mettre un peu son chapeau sur l’oreille, comme Xavier Aubryet, on doit se débarbouiller entièrement du xviiie siècle et se décrasser de Montesquieu.
Et c’est le manque de grande et forte conception morale dans Macaulay qui, bien avant qu’il eût passé avec armes et bagages de la Littérature à l’Histoire, fait déjà le vice principal et radical de sa critique dans les quelques morceaux, admirables sous d’autres rapports, que nous avons de lui, et qui en aurait été, je le crains bien, le vice éternel, en supposant qu’il ne fût jamais devenu, lui, le transfuge de la littérature.
La Correspondance diplomatique montre avec une gaieté amère la bêtise profonde de ces rois, têtus et mous, qui se perdent pour ne pas croire leurs serviteurs ou pour les craindre.
III Je veux pourtant vous dire ce qu’il est, ce talent qui aurait dû monter jusqu’au génie pour être digne du sujet qu’il n’a pas craint d’aborder.
Il rassure ses hommes, les encourage : « Ne craignez pas : je tomberai dans les premiers, mais vous passerez. » Un grand Christ qui, jadis, étendait ses bras sur la plaine, est là, à l’entrée de la tranchée ; les obus de l’ennemi lui ont arraché le bras gauche ; son bras droit semble montrer le ciel aux soldats qui vont mourir et qui le saluent en passant.
* * * J’ai tâché de venger la province des mauvais propos que nos romanciers, particulièrement, ne craignent pas de rééditer contre elle.
Nous n’avons plus à craindre en effet que deux des conditions que nous disions favorables à l’égalitarisme se contredisent, de telle sorte qu’il leur serait impossible de se rencontrer dans les mêmes sociétés pour collaborer à la même œuvre.
Désormais, à leur exemple, nous ne craignons plus d’être appelés téméraires et sceptiques.
Si je ne craignais de trop étendre une étude qui ne peut être profitable que par le groupement étroit des idées, je serais heureux d’étudier ici les idylles de M. […] Ne craignez pas tant de sentir comme les autres. […] Je crains que tu me retrouves entièrement insensée. […] L’idéalisme littéraire ne doit pas craindre d’aborder ces sortes de discussions, qui ont une si grande portée sur les mœurs et sur les talents. […] S’agit-il d’une description, ne craignez pas d’avoir le nez dessus, malgré le reproche que Sainte-Beuve adresse à Flaubert.
Berthelot craint, pour son compte, par là-dessus la famine. […] Quelqu’un qui vient me voir, me dit que d’après des paroles qu’il a saisies dans les groupes, il craint une défaite. […] On craint toutefois que Courbet ne soit sur la voie, et les peureux employés du Musée, bien à tort, je crois, craignent tout du farouche moderne contre le chef-d’œuvre classique. […] On a craint la passion déménageante des Prussiens.
Car, en dépit de leur talent très apprécié, surtout à l’Envol, je crains fort que Villon, ni Musset, ni Shakespeare, ni même le doux Brizeux (buveur de cidre) ne se fussent jamais vus admis dans ce choix d’hommes exquis. […] Puis, après tout, à me bien sonder le cœur et les reins, je veux dire le cœur et ses tréfonds, ses tenants et ses aboutissants, et ses entours, il ne serait point impossible, il serait même probable, il est même à craindre que quelque chose qui ressemblerait à une sympathie plus vive et plus active qu’il n’est prudent pour bien faire n’y couve. […] Ce fut immédiatement en-deçà des fortifications nord de Paris, dans un bastion d’octroi flanqué de deux pavillons en l’un desquels je « tirai » six semaines relativement heureuses, très choyées et qui passèrent trop vite sans doute pour très bien faire, même moralement, je le crains. […] Et cependant, mon cher d’Argis, laissez-moi vous le dire, ne craignez-vous pas les reproches ? […] On réunira sans doute quelque jour ces fleurs de jeunesse, et ce sera, je ne crains pas de l’affirmer, un des plus beaux, sinon le plus beau bouquet de la poésie fugitive de la période finale du second Empire.
Ce n’est pas ici l’excès qui est à craindre. […] Étrange appréhension, quand on imite, de craindre d’aller trop loin dans l’imitation. […] Quant à l’art personnel, inventif, imaginatif, il n’a rien à craindre des progrès de la science ; aucun appareil ne pourra se substituer à lui dans sa fonction propre. […] Plus hardie, elle ne craindra pas de modifier visiblement, pour leur donner plus de beauté, l’image des choses. […] Ne craignons pas de le redire une fois de plus, car on ne saurait trop appuyer sur cette idée : l’imagination ne travaille pas à vide.
Michel Berthier a une maîtresse ; il craint qu’on le sache, et ne trouve rien de mieux, ébloui par les splendeurs de ce monde nouveau pour lui, que d’abandonner la malheureuse qu’il a trompée. […] — « Ne craignez rien ! […] — Mon colonel, je le crains. […] — « Je craignais tant, dit-il à d’Aulnay, qu’il ne fût guillotiné ! […] Je trouve que les affaires ne vont pas bien et je crains que, dimanche prochain, elles n’aillent plus mal.
« Je craignis un moment quelque burlesque riotte », par exemple. […] Ils doivent craindre que les déshérités à qui ils ont promis la richesse de la bourgeoisie, dont ils ne disposent pas, deviennent plus exigeants chaque jour et, constatant leur impuissance, leur infligent le châtiment que mérite l’imposture. […] Si l’on craint en se laissant séduire par les côtés ironiques et sceptiques du génie de Renan, de ne plus voir dans l’histoire qu’un jeu décevant d’apparences imaginaires, on écoutera la voix grave de Taine qui nous ordonne de croire à la science et de découvrir sous les changeantes apparences la vérité positive et les lois immuables de l’univers ; si l’on craint, en suivant les austères et durs enseignements de Taine, de perdre le sens et l’amour de la nature et des hommes, on apprendra de Michelet que, dans la poursuite des vérités morales, il ne faut pas s’adresser à l’intelligence seule, mais aussi à l’imagination et au cœur « d’où jaillissent les sources de la vie ». […] Ses épanchements dévoilent le fond de son âme : « Ne craignez pas pour moi le découragement, mon cher ami, ce n’est pas mon mal. […] Je n’insisterai point sur ces idées, qui sont développées par notre promeneur avec une véritable éloquence ; lui-même craint parfois de s’être élevé trop haut et corrige ses beaux accents par une pointe d’ironie.
Le comédien était un bonhomme en bois peint, les comédiennes se composaient d’une douzaine de jolies poupées dont les œillades n’étaient à craindre pour personne. […] La Comédienne : — Ne craignez rien, la gangrène y est. […] Non, non, n’ayez pas peur La Comédienne : — Je ne vous crains pas. […] Voilà la force ingénue, irrésistible, qui incline le spectateur à compatir, à frissonner, à admirer, à craindre, à se troubler, à pleurer, à se trouver mal, à partager avec des angoisses, avec des rires, avec des larmes, la moindre parole échappée au poète : — Allons, fuyons, accourons, appelons à notre aide ! […] Provost, dans le rôle de Chrysale, se ressent de ce mélange heureux de justice et de faiblesse, de bon sens et de bonté qui distingue cet excellent Chrysale, fanfaron loin de sa femme, mais reprenant son humble attitude dès qu’il entend gronder chez lui. — « Ce n’est pas ma femme que je crains, disait un sage ; je crains le bruit !
L’auteur dramatique a « charge d’âmes », qu’il ne craigne donc pas de se poser en moraliste et en législateur. […] Et je crains au contraire que la querelle qu’on fait à M. […] Weiss, qui ne craignait jamais de pousser une idée jusqu’au point où elle devient une impertinence, déclarait qu’Augier n’a rien fait depuis la Ciguë. […] Ils la méprisent et ils la craignent. […] Daudet n’a pas toujours su se défendre de celle-ci ; je crains même qu’il ne s’y soit pas assez efforcé.
Schlegel, admirateur passionné de Shakespeare, observe avec raison, au sujet de cette tragédie, que ce grand génie se laisse toujours aller à la gaieté lorsqu’il peint la multitude et ses aveugles mouvements ; il semble craindre, dit M. […] Shakspeare n’a peut-être pas osé être trop sévère pour celui qu’aimait cette même Hélène, si douce et si modeste malgré la position critique où l’a placée le sot orgueil de Bertrand ; on devine ce sentiment du poëte dans la conduite du roi, dont la reconnaissance ingénieuse eût craint d’humilier sa bienfaitrice dans son époux. […] Émilia n’est point une suivante employée par le poëte comme instrument soit du nœud, soit de la découverte des perfidies qui amènent la catastrophe ; elle est la femme de Jago qu’elle n’aime point, et à qui cependant elle obéit parce qu’elle le craint, et quoiqu’elle s’en méfie ; elle a même contracté, dans la société de cet homme, quelque chose de l’immoralité de son esprit ; rien n’est pur dans ses pensées ni dans ses paroles ; cependant elle est bonne, attachée à sa maîtresse ; elle déteste le mal et la noirceur. […] Le discours de Portia à Bassanio, au moment où le sort vient de décider en sa faveur, et où elle se regarde déjà comme son heureuse épouse, est rempli d’un abandon si pur, d’une soumission conjugale si touchante et si noble à la fois, que son caractère en acquiert un charme inexprimable, et que Bassanio, prenant dès cet instant la situation supérieure qui lui convient, n’a plus à craindre d’être rabaissé par l’esprit et le courage de sa femme, quelque décidé que soit le parti qu’elle va prendre l’instant d’après ; on sait maintenant que, le moment de la nécessité passé, tout rentrera dans l’ordre, et que les grandes qualités qu’elle saura soumettre à son devoir de femme ne feront qu’ajouter au bonheur de son mari. […] Shakspeare est presque le seul poëte dramatique qui n’ait pas craint de s’arrêter sur le tableau du bonheur ; il sentait qu’il avait de quoi le remplir.
Je veux taire les autres ennemis et les autres sujets de deuil, mais non la France scélérate et mauvaise (la Francia scelerata e nera), par qui ma patrie à l’extrémité a vu de près son dernier soir. » Je ne crains pas de rétablir ici le nom de la France, que Leopardi a supprimé dans ses corrections dernières, tout en laissant subsister le passage et en substituant par manière d’adoucissement l’appellation de cruelle (fera. […] Je crains fort que ce ne soit seulement ϰαť Ạσφ сδελὸν λειμῶνα (le long de la prairie d’Asphodèle)160.
On craint pour sa raison autant que pour sa vie. […] Rassurez donc vos amis, mon cher confrère, s’ils sont inquiets : il n’y a à craindre, en littérature les effets du romanesque, qu’où il y a du talent.
Mais il est clair que les relations réciproques entre paroles et musiques sont infiniment variables ; on n’a qu’à étudier les drames du Maître, on verra qu’elles changent à chaque instant ; souvent l’orchestre — pour un moment — se tait presque complètement, il s’éteindrait tout à fait si une rupture d’unité dans l’impression n’était à craindre ; d’autrefois — et ceci est fréquent — la musique seule subsiste. […] Ces premiers romantiques, éblouis par les sensations neuves, n’avaient guère pu encore se faire un sens du réel : toutes les sensations leur paraissaient possibles : ils ne craignirent pas une vie artistique faite d’aventures.
Il y a encore, en effet, un dernier morceau de la draperie des temps antiques dans le Roi Lear, mais dans le Père Goriot, il n’y a que le nu du vrai dans la réalité moderne, et c’est peut-être plus puissant Quoi qu’il en soit, je ne crains pas de le dire, moi qui ne sais pas chicaner sa gloire à un homme, parce que cette gloire est nouvelle, Balzac, ce génie universel d’ailleurs comme Shakespeare, quand on le prend dans toutes ses œuvres, est aussi grand pour le moins que Shakespeare dans le Père Goriot. […] Mais il ne s’agit pas de mes affreux goûts… Sur un mot très simple et très explicable, placé dans un des chœurs du Henri V, en l’honneur du comte d’Essex, François Hugo, qui a l’imagination fort alerte, nous enfile toute une histoire qui, je le crains pour lui, ne passera pas plus que le chameau à travers le trou de l’aiguille… Selon François Hugo, le comte d’Essex n’était pas seulement le miroir… de la vieille Reine Élisabeth ; il était par en dessous l’ennemi de l’intolérance religieuse de son gouvernement : c’était un philosophe anticipé et préludant ; et comme ce d’Essex était l’ami de Southampton, et Southampton l’ami de Shakespeare, et comme les amis de nos amis sont nos amis, Shakespeare se trouve donc être par ricochet un libéral et un opposant politique… Et j’ai vu l’heure, ma parole d’honneur !
que Paul Féval ne craigne pas d’étoffer sa manière ! […] Mais il n’a pas craint ce sourire-là.
Saint-Simon ne craint pas de dévoiler « l’ignorance la plus grossière en tous genres dans laquelle on avait eu grand soin d’élever le Roi… », ce roi que l’on nous représente comme éclairé de toutes les lumières. « L’esprit du Roi était au-dessous du médiocre…, ajoute Saint-Simon. […] N’est-il pas plus prodigieux encore qu’un tollé d’indignation et de mépris ne couvre pas pour toujours la voix d’un homme que nous venons d’entendre condamner, quoique à regret, la Révocation, et qui ne craint pas cependant de prononcer d’aussi dérisoires paroles que celles-ci : « Partout où j’ai passé, j’ai pu constater que le catholicisme c’était la France, et la France c’était le catholicisme.
… Il fallait cette horrible fidélité à la parole dans ces temps de violence ; la faiblesse soumise à la force avait à craindre de moins ses caprices. — L’équité de cet âge n’est donc pas l’équité naturelle, mais l’équité civile ; elle est dans la jurisprudence ce que la raison d’état est en politique, un principe d’utilité, de conservation pour la société. […] L’héroïsme dont parle Vico est celui d’une grande âme, d’un génie courageux qui ne craint point d’embrasser dans ses études l’universalité des connaissances, et qui veut donner à sa nature le plus haut développement qu’elle comporte.
La méprise de l’Assemblée constituante fut de suivre et de favoriser de toutes ses forces ce courant, comme s’il n’y avait rien eu à craindre au lendemain, comme si l’on n’avait eu qu’à appliquer en temps paisible les conséquences rigoureuses de la raison politique, et de ne pas voir le flot de la démocratie qui montait, qui s’élevait de toutes parts, et qui allait l’emporter elle-même avec sa Constitution et ses lois : tellement que pour que la partie salutaire et juste de ces lois pût s’appliquer en réalité et être sentie de tous, il fallut qu’auparavant on repassât par l’autorité d’un seul, c’est-à-dire par ce que la Constituante avait le plus méconnu.
Mais Mme Necker, à qui il ne craignait pas de s’ouvrir de ses tristesses, et en laquelle, vers la fin, il retrouvait une dernière amie comme elle avait été la première, lui disait : Gardez-vous, monsieur, de former un de ces liens tardifs : le mariage qui rend heureux dans l’âge mûr, c’est celui qui fut contracté dans la jeunesse.
Puissé-je avoir un petit foyer, un toit simple et qui a ne craigne point la fumée, une source d’eau vive auprès, et l’herbe de la prairie !
Dès ce premier ouvrage il opposait assez finement la modestie de Voiture, ou du moins son bon goût à repousser les éloges trop directs, à la passion bien connue de Balzac pour les compliments, et à ce grand appétit de louange qu’il ne craignait pas de lui rappeler, en l’en supposant gratuitement guéri : Je suis assuré que s’il (Voiture) revenait au monde, et qu’il fût informé des bonnes qualités de M. de Girac et de la franchise de son procédé, il ferait tous ses efforts pour le satisfaire, et pour l’éclaircir de ses doutes ; car je suis obligé de rendre ce témoignage de lui, que je n’ai connu personne, jusques ici, qui souffrît de meilleure grâce qu’on le contredît et qu’on eût des opinions contraires aux siennes.
Je vois que d’autres esprits distingués survenant à leur tour ne craignent pas de faire de Maine de Biran leur chef de file en philosophie et de le proclamer comme le fondateur d’une ferme doctrine qu’ils opposent à l’éclectisme désormais en retraite de l’école de M.
Toutefois, sur cette protestation de son peu d’étude et de lecture, Mirabeau n’est pas dupe et n’est crédule qu’à demi : « Vous ne lisez point, me dites-vous, et vous me citez tous les mots remarquables de nos maîtres ; cela me rappelle Montaigne qui soutient partout qu’il craint d’oublier son nom tant il a peu de mémoire, et nous cite dans son livre toutes les sentences des anciens. » — S’il convie son ami à s’ouvrir à lui, il lui donne largement l’exemple et ne se fait pas faute de se déclarer.
Il ne craignait pas d’avoir raison à outrance.
Non, je ne crains pas de mécomptes avec vous, et ma reconnaissance seule peut égaler la parfaite sécurité que vous m’inspirez. » L’amitié épurée, exaltée, entre ces deux jeunes personnes vivant dans le grand monde artificiel de Pétersbourg et y réfléchissant chacune à sa manière les mystiques influences qui traversaient alors le ciel d’Alexandre, me fait l’effet de ces parfums légèrement enivrants et qui entêtent, exhalés par deux plantes rares nourries en serre chaude et trop poussées.
La ligne de conduite que je vous recommande exige du courage, mais je crains que rien autre chose ne soit capable de prévenir les conséquences que j’appréhende si justement : c’est, en un mot, après avoir employé tous les doux moyens pour prévenir une rupture, que vous en veniez à diminuer graduellement votre intimité avec le prince, que vous soyez moins assidue dans vos visites, que vous fassiez de moins fréquents et de plus courts voyages dans ses résidences de campagne, et que vous vous rangiez vous-même à une vie de société privée et indépendante à Paris.
« La gracieuse beauté qui aime à connaître, — et qui ne craint point la neige inclémente du Nord ; — qui force son accent poli à se plier — aux sons plus rudes de l’idiome britannique, — lira sa louange dans tout climat — où la Presse pourra parler et où les poëtes chanteront. » Mme d’Usson avait aussi son petit couplet.
Les Jésuites, sûrs de lui et ne le craignant point parce qu’il les craignait, et que sa conduite, qui pouvait leur donner toujours prise sur lui, le mettait dans leur dépendance, le laissaient assez faire ce qu’il voulait, d’autant plus qu’il avait toujours l’habileté de les mettre dans sa confidence et de paraître agir de concert avec eux.
Mais on remarquera, avant tout, ce voyage que la veuve du Prétendant, du feu roi soi-disant légitime, ne craignit pas de faire en Angleterre, c’est-à-dire dans le pays où il semble qu’elle dût le moins aller.
Je n’exagérerai rien d’ailleurs ; et tout d’abord je ne craindrai pas de le définir, tel qu’il ressort pour moi de ce commerce plus intime où il se découvre.
Dans l’état d’agitation des esprits, on pouvait craindre non seulement une manifestation, mais des accidents et même des coups de vengeance au milieu des salves et mousquetades des soldats citoyens.
Je l’avais jugé dès longtemps sans espérance ; je l’attendais, je dirai même que je ne la craignais pas pour lui, cette mort.
» Puis vient la lettre à Berthier, en ces humbles termes ; — mais à voir cette accumulation de titres, ne semble-t-il pas que l’on craigne toujours qu’il n’y ait pas assez de barrières de séparation élevées entre les hommes ?
La pensée lyrique, et surtout la portion la plus molle, la plus délicate de celle-ci, la pensée élégiaque, intime, craignait un peu le moment de la victoire à cause du bruit et de l’invasion des profanes ; elle insistait avec une sorte de timidité superstitieuse sur cette interdiction quasi pythagoricienne : Odi profanum vulgus et arceo.
Duméril, et qui s’est égaré on ne sait comment, se rouvrirait aujourd’hui tout entier ; quand on en verrait sortir cette suite du Vert-Vert dont M. de Cayrol porte encore le deuil et dont il a tenté de nous donner en vers la complète restitution, on n’aurait guère à changer d’avis ; on y serait de plus en plus confirmé, je le crains.
je craindrais bien plutôt, en relisant ses défauts dans Adolphe, de les aimer.
Rien ne saurait mieux donner idée du degré de défaveur que la réputation de Boileau encourait à un certain moment, que de voir dans l’excellent recueil intitulé l’Esprit des Journaux (mars 1785, page 243) le passage suivant d’un article sur l’Épître en vers, adressé de Montpellier aux rédacteurs du journal ; ce passage, à mon sens, par son incidence même et son hasard tout naturel, exprime mieux l’état de l’opinion courante que ne le ferait un jugement formel : « Boileau, est-il dit, qui vint ensuite (après Regnier), mit dans ce qu’il écrivit en ce genre la raison en vers harmonieux et pleins d’images : c’est du plus célèbre poëte de ce siècle que nous avons emprunté ce jugement sur les Épîtres de Boileau, parce qu’une infinité de personnes dont l’autorité n’est point à mépriser, affectant aujourd’hui d’en juger plus défavorablement, nous avons craint, en nous élevant contre leur opinion, de mettre nos erreurs à la place des leurs. » Que de précautions pour oser louer !
Comme si l’on craignait que quelqu’un ne vînt ravir ce trésor, fermant mystérieusement la porte sur soi, on se met à faire l’analyse de sa récolte, blâmant ou approuvant Tournefort, Linné, Vaillant, Jussieu, Solander.
La gloire anticipée et la faveur générale qui entourait le jeune Fénelon, firent craindre quelque enivrement du monde au vieil oncle, son tuteur, qui se hâta de le faire entrer dans le séminaire Saint-Sulpice, pour l’attacher au sacerdoce par des vœux.
Le timide sectaire, alarmé des progrès de la science, obligé d’abandonner une à une les superstitions de ses ancêtres, et voyant ébranler chaque jour de plus en plus ses croyances chéries, craint en secret que toutes choses ne soient un jour expliquées ; il redoute la science, pratiquant ainsi la plus profonde de toutes les infidélités — la peur que la vérité ne soit mauvaise.
Ils osent à peine lever les yeux l’un sur l’autre ; on dirait qu’ils ont peur de leur changement réciproque et qu’ils craignent de fondre en larmes en se voyant si vieillis, si grimaçants, si maussades.
Un jour, en une heure d’abandon, causant de ses ouvrages avec Hume, et convenant qu’il en était assez content pour le style et l’éloquence, il lui arriva d’ajouter : « Mais je crains toujours de pécher par le fond, et que toutes mes théories ne soient pleines d’extravagances. » Celui de ses écrits dont il faisait le plus de cas était le Contrat social, le plus sophistique de tous en effet, et qui devait le plus bouleverser l’avenir.
Dans un de ses meilleurs proverbes, Le Jury, il n’a pas craint de railler la nature humaine jusqu’au cœur d’une des institutions les plus chères à l’opinion libérale.
Parlant de la guerre de Corse, où il voulait aller (1768) : « Une probabilité d’avoir des coups de fusil était trop précieuse, pour la négliger, dit-il ; je n’étais pas assez bien avec tous mes parents pour qu’ils craignissent de me faire tuer.
» — C’est après avoir entendu ce poème et tant de pièces inspirées par un même sentiment moral élevé, qu’on a pu dire avec raison : « Si la France possédait dix poètes comme Jasmin, dix poètes de cette influence, elle n’aurait pas à craindre de révolutions. » J’allais oublier de dire que ce troisième volume de Jasmin est dédié à M.
[NdA] Mme de Motteville nous apprend, dans ses Mémoires, que M. de Senneterre lui dit, le dernier jour de l’année 1647, « qu’il craignait qu’à l’avenir l’État ne fût troublé par beaucoup de malheurs ».
Il me dit un jour qu’il était persuadé de cela, parce que je ne lui disais jamais rien des autres, que j’écoutais parler les mécontents, que j’étais dans leur confidence… Et en effet, plus d’un mécontent ne craignait pas de se confier à Mme de Motteville sans même qu’il y eût intimité, et on lui parlait « comme à une personne qui était en réputation de savoir se taire ».
Ayant écrit pour l’un de ses ouvrages, et peut-être pour ses Mémoires, quelques pages où il se ressouvenait, avec une sorte de complaisance, de l’influence salutaire qu’il avait exercée sur les troupes soumises à ses ordres, soit en 1804 dans ce commandement de l’armée gallo-batave, soit en 1805 à l’armée de Dalmatie, soit en 1811 à l’armée de Portugal, et bien qu’il terminât sa récapitulation par ces seuls mots : « L’ensemble de ces souvenirs fait la consolation de ma vieillesse », il craignit d’en avoir trop dit, il raya les pages, et j’ai sous les yeux les feuillets condamnés avec ces mots en marge de sa main : « Je me décide à supprimer ce dernier paragraphe, qui avait été inspiré par un mouvement d’amour-propre 1. » Dans la campagne d’Austerlitz, Marmont, après avoir contribué à la prise d’Ulm, reçut ordre de se mettre à la tête des troupes occupant la Dalmatie ; elles étaient composées de ce qu’avait de moins bon l’armée d’Italie, il les organisa, les exerça, les anima de son zèle.
Boissy d’Anglas, si héroïque comme président de la Convention en Prairial, n’avait pas craint, lors de la fête de l’Être suprême, de comparer Robespierre à Orphée.
Montesquieu n’est pas de ces hommes qui aient à craindre la familiarité : il est un grand esprit de près comme de loin.
C’est son esprit qui en a dicté les principales parties, et il n’est pas difficile d’y suivre une pensée originale, qui ne ressemble ni à celle de La Harpe, ni à celle de Marmontel ; qui est d’un tout autre ordre, et qui ne craint pas le parallèle, en ses bons moments, avec celle de Voltaire.
. — Je n’ai pas craint de laisser voir, sans pourtant y trop appuyer, la doctrine morale de Grimm dans toute sa tristesse et son aridité, sans un désir et sans un rayon ; elle n’a rien qui puisse séduire.
Il y a des anachronismes de ton, comme lorsque Constance, la suivante et la nourrice de Blanche, lui dit en la voyant prête à courir au secours de son amant : « Crains la publicité », et que celle-ci répond : …………… C’est mon unique espoir… L’opinion publique est mon dernier refuge.
Son esprit était fort peu synthétique, se déliait de ses forces, craignait les visions définies, s’attachait distinctement à ne point empêcher par des faits trop précis de s’épanouir sa sensibilité qui était extrêmement vive, douce et tendre.
Paul Desjardins, ne craint pas d’étaler sa fierté et sa liberté spirituelle.
C’est en raison de ce fait anormal qu’il importe, à notre avis, de montrer sur quelles bases repose la solidarité inter-nationale ; car il n’y a rien tant à craindre pour l’avenir que la confusion en ces matières.
Il craint la contagion.
À cette originalité première du Dante, à cet amour, à ce deuil, à ce culte de Béatrix, craindrons-nous d’ajouter une autre inspiration, qui dément toute une théorie de la critique moderne ?
. — Je crains d’avoir rendu la maison insupportable à ton pauvre père, Oswald. » Dès lors elle peut pardonner au mort et tout dire à son fils qui, lui aussi, comprendra et pardonnera. […] Ce qu’elle craint surtout, ce sont les dédains de son gendre et les mauvais propos du quartier. […] il a bien raison, le proverbe : Ne crains pas la mort, mais crains le péché. » Et ce n’est pas. » Mme Jourdain ni Chrysale qui ajouteraient : « Mon seul souci à présent, c’est d’établir Angélique (ou Henriette) comme il convient. […] Je ne vois pas de grâce où tu crains tant d’en voir. […] Sans plus craindre de lui déchirer le cœur, il la prie de lui donner le portrait de « l’autre », qui est là, dans un tiroir.
Renan n’a pas craint de dire et de montrer qu’il y avait des degrés infinis de vraisemblance, mais que le domaine de la certitude était extrêmement restreint ; et que toutes les choses que nous souhaiterions le plus de savoir sont en dehors de ce domaine. Il n’a pas craint, après avoir ainsi tout remis en question, de tenter de reconstituer l’histoire du passé telle qu’il pouvait se l’imaginer, parce que l’homme a besoin d’imaginer, comme il a besoin de croire, et parce que ce qu’il imagine comme ce qu’il croit contient une vérité provisoire et partielle. […] Si l’on craint, en se laissant séduire par les côtés ironiques et sceptiques du génie de Renan, de ne plus voir dans l’histoire qu’un jeu décevant d’apparences imaginaires, on écoutera la voix grave de Taine qui nous ordonne de croire à la science et de découvrir sous les changeantes apparences la vérité positive et les lois immuables de l’univers ; si l’on craint, en suivant les austères et durs enseignements de Taine, de perdre le sens et l’amour de la nature et des hommes, on apprendra de Michelet que dans la poursuite des vérités morales, il ne faut pas s’adresser à l’intelligence seule, mais aussi à l’imagination et au cœur « d’où jaillissent les sources de la vie. » Ernest Renan Il est difficile de parler avec équité d’un grand homme au moment où la mort vient de l’enlever. […] La vraie pudeur consiste à craindre d’offusquer même l’œil des anges. » VII Le moment n’est pas encore venu, je l’ai dit en commençant, d’apprécier l’œuvre et les idées d’Ernest Renan. […] Il avait également peur de tromper et d’être dupe, et il ne craignait pas de proposer des hypothèses contradictoires sur des questions où il croyait la certitude impossible.
Deschanel ne craint point de donner dans ces doctes baguenauderies oh ! […] « Souvent traditionnelles, générales comme il convient à un esprit philosophique, effacées quelquefois par l’usage, peu nourries, toujours délicates, les comparaisons interviennent dans son style poétique non pas comme d’insistantes et serviles copies de la réalité, mais comme les allusions légères d’un esprit qui plane sur la nature. » M. de Pomairols observe aussi que, dans l’immense champ des images, « Lamartine choisit spontanément Tout ce qui monte au jour, ou vole, ou flotte, ou plane, parce que, occupé avant tout de l’âme, il se plaît à retrouver au dehors les attributs de légèreté, de souplesse, de transparence de l’élément spirituel. » Et encore : « C’est l’élément liquide qui fournit à Lamartine le plus grand nombre de ses images… Tous les phénomènes qu’offre la fluidité, aisance, transparence, reflets du ciel, murmures harmonieux, défaut de saveur peut-être, manque de limites et de formes arrêtées, tous ces caractères de la fluidité se confondent avec les attributs de l’imagination lamartinienne. » Et voici, entre beaucoup d’autres, un exemple bien joliment choisi et commenté, à l’appui de ces remarques : « Il est des êtres, semble-t-il, pour qui l’idée de pesanteur n’est pas à craindre, comme la jeune fille. […] Et vers l’Occident seul, une porte éclatante Laissait voir la lumière à flots d’or ondoyer… Et alors il semble que tout soit attiré vers cette porte et aille s’y engouffrer : Et les ombres, les vents, et les flots de l’abîme, Vers cette arche de feu tout paraissait courir, Comme si la nature et tout ce qui l’anime En perdant la lumière avait craint de mourir ! […] ces jeux d’arène, ce drame brutal, ces tableaux vivants et ces exhibitions toutes crues, je crains bien que notre théâtre ne s’y achemine tous les jours… Mais, je le répète, les cruautés lamartiniennes ne nous hérissent pas plus que les luxures lamartiniennes ne nous avaient troublés.
Vit-on jamais une absolution plus forte que celle-là, et l’Église, qui craint le sang et la violence, a-t-elle jamais des sacrements qui fassent mourir ? […] — Mais, mon ami, lui dis-je, nous ne venons pas pour Callias, et nous ne sommes pas sophistes, ne crains rien. […] Ils n’ont jamais appris ni à craindre ni à fléchir. […] Allons, s’il vous plaît, chez Pierre et chez Paul : ne craignez pas de vous compromettre. […] « Je me mourais de joie, j’en étais à craindre la défaillance.
Ce tacticien de la logique ne craint pas de répéter sans cesse ses principes, afin de fortifier ses déductions et d’assurer le terrain sur lequel il marche ; mais il arrive souvent ainsi à de véritables découvertes en philosophie, et, en politique, à des prévisions qui pourraient passer pour des prophéties, tant elles sont circonstanciées, et tant l’événement a pris soin de les justifier. […] Il était donc continuellement entre ces deux écueils : faire trop pour les idées religieuses et sociales, ou trop peu ; c’est-à-dire craindre la monarchie, jusqu’à tomber dans les idées révolutionnaires, ou reculer devant les idées révolutionnaires, jusqu’à se trouver précipité dans le principe monarchique. […] Sans doute, les métaphysiciens sensualistes étaient les moins redoutables pour un pouvoir dictatorial, car le sensualisme s’accommode du pouvoir absolu ; mais ils remuaient dans leurs recherches les questions fondamentales avec un esprit d’examen : c’était assez pour qu’un pouvoir, peu favorable d’ailleurs à l’esprit d’examen, les craignît. […] Dans cette seconde année, en effet, son cours fut moins historique que dogmatique ; plus sûr de sa méthode, plus maître de son sujet, il ne craignit pas de marcher sans le secours de son guide, et il présenta une analyse plus précise et plus complète du grand fait de la perception et des notions environnantes, dégagé et distingué de la sensation avec laquelle l’école de Condillac, comme celle de Locke, l’avait confondu.
Sans doute jamais il n’a exposé un système ; un critique comme lui a peur des affirmations trop vastes et trop précises ; il craindrait de froisser la vérité en l’enfermant dans des formules. […] Comme eux, il est analyste d’instinct, il excelle à découper et diviser les idées, ingénieux jusqu’à ne pas craindre l’apparence de la subtilité, aussi fin dans ses raisonnements que dans ses perceptions, dialecticien serré et capable de se confier jusqu’au bout à la logique. […] En effet, ici la corruption, telle qu’on l’a reprochée aux électeurs de la monarchie de Juillet, n’est guère à craindre. […] Il y a là un trait de caractère, et je ne crains pas de le marquer. […] Comment envisage-t-il la mort et qu’est-ce qu’il craint ou espère par-delà le tombeau ?
Je crains, en finissant, d’avoir été injuste. […] Augier a évidemment le plus de considération, Sergines et Henri Charrier, ne m’inspirent qu’une estime mêlée, incertaine, et qui craint d’être dupe. […] je crains que ces propos ne soient horribles, bien que je les sente conformes à la philosophie de M. […] Je la crains infiniment plus que la mort. […] Par malheur je crains que Flore de Frileuse ne soit seulement une erreur fort intéressante.
Ce que les prêtres athéniens pouvaient détester ou craindre, c’étaient les philosophes, les vrais philosophes, un Socrate ou un Platon, apportant soit une doctrine morale, soit une doctrine métaphysique et une doctrine morale destinées à remplacer la religion ou capables d’en prendre la place. […] Ne craignez pas et ne détestez pas ce qui limite Dieu, que ce soit la nécessité ou que ce soit des dieux inférieurs à lui. […] S’il en est ainsi, l’amour sera nécessairement jaloux, tyrannique et persécuteur, puisqu’il est la poursuite d’un bien dont on craint furieusement qu’on soit privé ou que l’on craint que d’autres possèdent et vous dérobent. […] « Je craindrais bien davantage d’avoir affaire à d’autres qui auraient étudié ces sciences, mais qui les auraient mal étudiées. […] Il pénètre dans l’intérieur des familles, les pères s’accoutumant à traiter leurs enfants comme leurs égaux et même à les craindre, les enfants s’égalant à leurs pères et n’ayant pour eux ni crainte ni respect.
Il faut craindre ces influences en sens contraires, également intimidantes et également destructives de tout jugement personnel, réfléchi et cohérent. […] De même, pour Rodogune, Voltaire nous dit : « Il est vrai que tous les lecteurs sont révoltés qu’une princesse si douce, si retenue, qui tremble de prononcer le nom de son amant, qui craignait de devoir quelque chose à ceux qui prétendaient à elle, ordonne de sang-froid un parricide à des princes qu’elle connaît vertueux et dont elle ne savait pas un moment auparavant, qu’elle fût aimée ; elle fait détester, elle sur qui l’intérêt de la pièce devrait se rassembler… » — Oh ! […] Je demande sa tête et crains de l’obtenir ! […] Les employés le craignent, je ne dis pas comme le feu, que les employés ne craignent jamais mais comme le froid. […] Point de frais de patente et d’établissement ; Il faut, pour réussir, du raient seulement ; Et vous ne craignez pas d’être mis à l’épreuve.
On craint, à cause de l’oracle ; on espère, à cause des dispositions généreuses de Jocaste et de Polynice. […] C’est un sacrifice spontané, aussi spontané que celui d’Iphigénie dans Iphigénie à Aulis et même beaucoup plus spontané, à mon avis, ce que je démontrerais si je ne craignais d’être trop long ; mais je vous renvoie aux deux textes. […] Mais aujourd’hui je crains que les paroles ne me manquent pour exprimer à Mme Bernhardt mon admiration, mon émotion et ma reconnaissance. […] Achille à un certain moment dit à Àrcas (III, v) : Qui que ce soit, parlez, et ne le craignez pas. […] Voici le texte connu : Mais croyez-vous n’avoir à craindre ici qu’un père ?
Mais Cicéron craignit qu’on n’enlevât les conjurés ; il voulut se presser, et par timidité il fit une imprudence que dans la suite il expia cruellement. […] On parlait aussi d’un rassemblement formé par un esclave du malheureux Agrippa ; et l’on pouvait craindre des complots parmi les grands de l’empire. […] Le romancier n’a pas craint de commencer par un début qui ressemble à un dénouement. […] Je crains encore, et je ne sais quelle en est la cause ; mais chacune de mes jointures tremble pendant que je te donne cela. […] Quelquefois le poète se plaignait de l’oubli de son noble patron ; quelquefois il craignait de mériter sa disgrâce par des torts de conduite, dont il semble rougir.
Le sage craint l’homme d’un seul livre. […] Il faut craindre le mien. […] Ne la remplaçons pas par la ridicule manie de l’incertitude, mais craignons cette attitude qui rend si vite le critique insupportable et sot : la manie d’avoir raison, la figure stéréotypée et suffisante de l’homme qui a raison, toujours raison, raison quand il se lève, raison quand il se couche, raison à déjeuner, raison aux thés de cinq heures, raison en chemin de fer, raison au journal, raison dans sa chaire… Le critique parle de ce qu’ont écrit les autres. […] Ces esprits-là ne sont pas indifférents comme les autres ; ils ne sont pas tièdes, mais un peu volages et libertins : je crains que, nous autres critiques, nous en tenions. […] Oui, je crains, par moments, que le maître, avec son magnifique style (il s’agit de Cousin !)
Je crains bien que Leconte de Lisle n’ait pas trop à se louer du feuilletoniste du Journal des Débats, car le petit monsieur qui hoche la tête à côté de moi est Jules Lemaître, et le critique n’est pas toujours tendre. […] Lorsque, au coup de sonnette, Elisa, la fidèle femme de chambre, était venue vous ouvrir, on pénétrait dans un salon dont l’encombrement luxueux n’indiquait pas un goût très sûr de la part de la maîtresse de la maison qui s’était conformée à celui d’une époque où l’on ne craignait pas de s’entourer d’un mobilier sans style et sans grâce. […] Elles s’achevaient ordinairement par d’interminables conduites et reconduites de porte à porte qui les prolongeaient fort tard, mais je ne craignais pas alors les rentrées matinales et j’acceptai la proposition.
Mais, après la furie des cris et des interrogations, il y eut une rémittence, et ce fut la littérature de la tristesse, de l’inquiétude et de l’angoisse ; la révolte a été jugée inutile et puérile l’imprécation : assagie par de vaines batailles, l’humanité lentement se résigne à ne rien savoir, à ne rien comprendre, à ne rien craindre, à ne rien espérer, — que de très lointain. […] Jadis et encore au temps de Charles-Quint, il n’y avait pas de fêtes publiques sans théories de belles filles nues ; on craignait si peu le nu que les femmes adultères étaient promenées nues par les villes ; il est hors de doute que, dans les mystères, tels rôles, Adam et Ève, étaient tenus par des personnages abstraits du maillot, luxe hideux. […] Leur crime, après tout, fut de ne pas vouloir « faire comme tout le monde » et il semble qu’elles l’aient assez payé cher, elles — et toute la poésie française qui, pendant un siècle et demi, craignit vraiment trop le ridicule.
Mais, en même temps, Gui Patin n’était pas d’avis qu’on traduisît Hippocrate : « Si j’avais du crédit, je l’empêcherais. » Il craignait que cela ne fournît texte et matière à faire habiller les charlatans et les singes du métier.
Ils doivent se faire craindre, et respecter.
Dès la première phrase, Marianne, qui prend la plume, se fait prier et craint de gâter son histoire en l’écrivant : « Car où voulez-vous que je prenne un style ?
Revenant habiter à Paris l’année suivante, vers octobre 1793 : J’ai la douce consolation, dit-il, d’y éprouver que l’on peut trouver Dieu partout, que partout où on trouve son Dieu on ne manque de rien, on ne craint rien, on est au-dessus de tout, enfin que l’on peut obtenir toutes les connaissances qui nous sont nécessaires sur notre propre conduite si on les demande avec confiance.
Les imprudents se battent, et les gens sages viennent à profiter de l’objet du combat quand on est bien sûr qu’ils ne s’en sont pas mêlés ; et cette aventure de tertius gaudet arrive dans les cours les plus intrigantes tout comme pendant les gouvernements forts et tranquilles… Dans ces intrigues, ajoute-t-il, le moindre risque, selon moi, surpasse les plus hautes espérances ; je crains extrêmement la disgrâce et la Bastille ; j’aime ma liberté et ma tranquillité, et je ne les veux jamais sacrifier qu’au bonheur de mes citoyens ; mais quelle sottise de les sacrifier à ses vues personnelles !
Rendant hommage au mérite de M. de La Motte, qu’il ne craint pas d’appeler, « de l’aveu de tout le monde littéraire, un des premiers hommes de son siècle », l’abbé de Pons s’exprimait en paroles bien senties et moins contestables sur son caractère moral et ses vertus de société : Cette supériorité24, disait-il, est d’ordinaire compagne de l’orgueil immodéré ; mais le souverain éloge de M. de La Motte, c’est d’avoir su allier aux talents les plus éminents la plus modeste opinion de lui-même ; c’est de n’avoir jamais cherché dans les ouvrages de ses rivaux que le beau pour le protéger, et de s’être imposé un silence religieux sur les fautes dont il aurait pu triompher.
Je ne crains pas d’opposer ces pages à ce qu’ont écrit de partial et de singulièrement injuste les estimables auteurs de La France protestante, MM.
Ne crains rien, tu t’en sortitas encore !
Elle a jusqu’à présent tout le crédit qu’une jolie femme peut avoir ; elle a dans l’esprit tout l’enjouement et l’amusement qui peut plaire, menteuse avec un air naïf, n’aimant rien, point de vues pour l’avenir, hardie, ordurière, nulle teinture de modestie, livrée aux présents de M. le prince d’Orange, prenant de l’Empereur et du roi d’Espagne, et ce qu’il y a de beau, c’est que M. de Savoie le sait et qu’il trouve en cela le ménagement d’un méchant cœur ravi que sa maîtresse rencontre dans la libéralité d’autrui ce qu’elle ne pourrait pas trouver dans la sienne… Il redit tout à sa maîtresse, et sa maîtresse redit tout aux alliés… Dans tout cela Mme la Duchesse Royale ne fait qu’aimer son mari, le servir, vouloir ce qu’il veut et ne se mêler de rien ; Madame Royale (la mère) n’ose parler, et M. et Mme de Carignan sont dans une circonspection si craintive que, si M. de Savoie meurt, vingt-quatre heures après ils craindront qu’il n’en revienne. » Toute cette correspondance de Tessé que nous connaissons par des extraits de M.
Épicurisme du goût, à jamais perdu, je le crains, interdit désormais du moins à tout critique, religion dernière de ceux même qui n’avaient plus que celle-là, dernier honneur et dernière vertu des Hamilton et des Pétrone, comme je te comprends, comme je te regrette, même en te combattant, même en t’abjurant16 !
Ne cherchons pas une grande délicatesse d’expression sous sa plume ; il ne hait nullement la trivialité, et il l’a parfois très pittoresque ; d’autres fois, il ne craint pas d’accuser tout net une sorte de grossièreté.
Avec lui, on ne doit pas craindre d’employer les termes ni marchander les mots ; il portait haut ses vices comme ses qualités ; il les menait à grandes guides, il ne les dissimulait pas.
Frédéric de Rougemont, qui n’a pas craint de le qualifier de la sorte.
Ce que c’était qu’être classique au sens où l’avait conçu Du Bellay, et comme on l’a été en France jusqu’au temps de notre jeunesse, nous le savons tous, nous qui y avons passé et qui en avons été témoins ; mais nos neveux, je le crains, ne le sauront plus bien et auront peine à se le figurer dans la juste mesure.
Ce personnage, alors inconnu et bien oublié de nos jours, qui s’appelait lui-même à travers le désert bruyant de son époque le Robinson de la spiritualité, que M. de Maistre a nommé le plus aimable et le plus élégant des théosophes, créature de prédilection véritablement faite pour aimer, pour croire et pour prier, Saint-Martin s’écriait, en s’adressant de bien loin aux hommes de son temps, dans ce langage fluide et comme imprégné d’ambroisie, qui est le sien : « Non, homme, objet cher et sacré pour mon cœur, je ne craindrai point de t’avoir abusé en te peignant ta destinée sous des couleurs si consolantes.
Littérairement, d’ailleurs, nous nous sommes dit qu’écrire ces détails sur un homme bien jeune encore, sur un poëte de vingt-neuf ans, à peine au tiers de la carrière qu’il promet de fournir, ce n’était, pour cela, ni trop tôt ni trop de soins ; que ces détails précieux qui marquent l’aurore d’une belle vie se perdent souvent dans l’éclat et la grandeur qui succèdent ; que les contemporains les savent vaguement ou négligent de s’en enquérir, parce qu’ils ont sous les yeux l’homme vivant qui leur suffit ; que lui-même, avec l’âge et les distractions d’alentour, il revient moins volontiers sur un passé relativement obscur, sur des souvenirs trop émouvants qu’il craint de réveiller, sur des riens trop intimes dont il aime à garder le mystère ; et qu’ainsi, faute de s’y être pris à temps, cette réalité originelle du poëte, cette formation première et continue, dont la postérité est si curieuse, s’évanouit dans une sorte de vague conjecture, ou se brise au hasard en quelques anecdotes altérées.
Je crains que le spirituel Charivari n’ait aussi, cette fois, oublié de rire.
Tout ce qu’on a introduit dans cette édition du Lépreux perfectionné se trouve compris, par manière d’indication, entre crochets, absolument comme dans les histoires de l’excellent Tillemont, qui craint tout au contraire de confondre rien de lui (le scrupuleux véridique) avec la pureté des textes originaux.
Ampère ne doit pas craindre : dans quel rapport est son histoire littéraire avec la portion de celle des vénérables Bénédictins qui embrasse les mêmes sujets dans les mêmes âges ?
Cette règle morale qu’on ne craindrait pas de dire qu’il observa jusque dans le sentiment, nous la retrouvons nettement traduite dans son expression d’écrivain.
Mais il était tard déjà, et ils se trouvaient si heureux, si amoureux du passé, qu’ils craignirent de rien déranger à une situation accomplie, d’où disparaissait même la crainte lointaine.
Quoi que je m’en promette, ils n’en ont rien à craindre : C’est le dernier éclat d’un feu prêt à s’éteindre ; Sur le point d’expirer, il tâche d’éblouir, Et ne frappe les yeux que pour s’évanouir.
Cela est d’autant plus probable, que depuis quelque temps je ne travaille à exprimer que des choses inexprimables. » Comme ceci est tout à fait inédit et pourra s’ajouter heureusement à une réimpression des Pensées, je ne crains pas de transcrire : c’est un régal que de telles pages.
Les cabinets étrangers, et même les ambassadeurs qui étaient de la partie, crurent voir des intentions menaçantes sous ces airs de fête, et à force de craindre une agression des Russes contre la Porte, on la fit naître à l’inverse de la part de celle-ci.
Ma conscience aujourd’hui m’oblige à avouer que je crains d’avoir chargé sa mémoire d’une horreur qu’il ne mérite peut-être pas.
Il n’est pas étonnant qu’un homme qui souffre et qui craint, crie, vibre sous la pression du fait présent.
Activité philosophique de Voltaire Alors, n’ayant plus rien à ménager puisqu’il n’avait plus rien à craindre, sentant la nécessité de ne pas se laisser distancer par les jeunes, Voltaire s’épanouit, plus fort, plus actif, plus jeune à soixante ans passés qu’il n’avait jamais été.
Octave Feuillet résume comme il suit : Développer à toute leur puissance les dons physiques et intellectuels qu’il tenait du hasard, faire de lui-même le type accompli d’un civilisé de son temps, charmer les femmes et dominer les hommes, se donner toutes les joies de l’esprit, des sens et du pouvoir, dompter tous les sentiments naturels comme des instincts de servage, dédaigner toutes les croyances vulgaires comme des chimères ou des hypocrisies, ne rien aimer, ne rien craindre et ne rien respecter que l’honneur : tels furent, en résumé, les devoirs qu’il se reconnut et les droits qu’il s’arrogea.
II Ces adoucissements et ces atténuations, je crains que M. le duc d’Aumale ne les ait fait subir aussi au portrait moral de son héros.
Celle-ci, qui avance en âge, lui fait craindre quelque inconvénient.
Le très puissant Figaro ne craignait pas, au moment de la polémique boulangiste, de l’opposer à Maurice Barrès.
Les habitudes de la société française, si sévères pour toute originalité, sont à ce point de vue tout à fait regrettables. « Ce qui fait l’existence individuelle, dit Mme de Staël, étant toujours une singularité quelconque, cette singularité prête à la plaisanterie : aussi l’homme qui la craint avant tout cherche-t-il, autant que possible, à faire disparaître en lui ce qui pourrait le signaler de quelque manière, soit en bien, soit en mal. » Les natures vraiment belles et riches ne sont pas celles où des éléments opposés se neutralisent et s’anéantissent ; ce sont celles où les extrêmes se réunissent, non pas simultanément, mais successivement, et selon la face des choses qu’il s’agit d’esquisser.
J’ai, à mes risques, fondé la Revue Wagnérienne, je l’ai soutenue par beaucoup de sacrifices peu soupçonnés, sacrifices de temps, d’argent et autres (et cela malgré le secours à jamais admirable de quelques honnêtes gens épris d’art wagnérien), je l’ai conduite pure radicalement de toute concession et indéniablement vierge de compromis quels qu’ils soient avec l’argent ou la puissance : j’aimerais mieux qu’elle pérît plutôt que de déshonorer ces trois années de dévotion à un idéal d’art très vénéré, plutôt que d’en faire hommage à quelqu’un (même fût-il wagnérien) plutôt que de trahir la religion de mon maître Richard Wagner — celui qui ne craignit pas de faire la guerre aux grands… Et la Revue Wagnérienne, fière de son titre et d’avoir avant tout et constamment été une « revue wagnérienne » aura dit pourquoi, en 1887, après tant de luttes nobles et courageuses, le wagnérisme aura honteusement succombé à Paris.
Mais elle craint d’offenser son mari, qu’elle respecte et qu’elle aime avec une sorte de passion religieuse, en installant sous son toit ce témoin vivant de sa faute.
Ici, l’homme d’esprit chez Béranger, l’homme prudent, celui qu’on peut appeler (sauf respect) une grande coquette, l’a emporté, on ne craint pas de le dire, sur le citoyen et même sur le poète.
) qu’elle voit assez avec vous, ou ses maréchaux de France qui ne la charment pas au point de ne s’en pouvoir passer ; elle craint les ministres ; elle n’aime point les princesses ; si c’est le repos que vous lui voulez, elle n’en trouve qu’avec vous ; si c’est sa santé, elle y trouve son régime et sa commodité ; en un mot, elle trouve tout avec vous, et rien sans vous.
Vous verrez cette enfant gâtée de soixante ans et plus, à qui l’expérience n’a rien appris, car l’expérience suppose une réflexion et un retour sur soi-même ; vous la verrez jusqu’à la fin appeler la foule et la presse autour d’elle ; et à ceux qui s’en étonnent elle répondra : « J’ai le malheur de ne pouvoir me passer des choses dont je n’ai que faire. » Il faut que chaque chambre de ce palais d’Armide soit remplie, n’importe comment et par qui ; on y craint, avant tout, le vide : Le désir d’être entourée augmente de jour en jour, écrivait Mme de Staal (de Launay) à Mme Du Deffand, et je prévois que, si vous tenez un appartement sans l’occuper, on aura grand regret à ce que vous ferez perdre, quoi que ce puisse être.
Fontaine, le même que nous citions il n’y a qu’un instant, et qui était un grand géomètre, mais un assez mauvais homme, avait remarqué les premiers travaux analytiques de Condorcet et avait pu craindre de voir s’élever en lui un rival : « J’ai cru un moment qu’il valait mieux que moi, disait-il, j’en étais jaloux ; mais il m’a rassuré depuis. » C’est Condorcet lui-même qui raconte agréablement cette anecdote dans l’éloge de Fontaine, et avec bon goût cette fois.
On n’est pas moins adoré, et l’on est plus craint.
Bergeret, qui le reçut, lui parla d’abord de son trisaïeul le chancelier de L’Hôpital, et ne craignit pas de comparer Mme de Choisy, celle même qui avait élevé si singulièrement son fils, aux illustres Cornélies de Rome.
Mme de Montespan, particulièrement, raillait fort ce projet des Carmélites, et on craignait que le roi n’y mît opposition : il fallait tout ménager.
Il descendit donc, et, pour arriver à la langue générale et publique, il ne craignit point de traverser la déclamation à la nage et de se plonger dans le plein courant du siècle, bien sûr qu’il était d’en ressortir à la fin non moins original et plus grand.
Il faut craindre ces grands ébranlements de l’âme, qui préparent l’ennui et le dégoût.
Veille, grand Dieu, sur l’ami, sur l’unique ami qui recevra nos derniers soupirs, qui fermera nos yeux et ne craindra pas de donner un baiser d’adieu sur des lèvres flétries par la mort !
Le plus infortuné des amants heureux, Marmontel nous raconte d’une manière piquante quelques-unes des bizarreries de démon par lesquelles elle le tenait perpétuellement en haleine dans ce tête-à-tête qu’elle craignait avant tout de rendre monotone.
Ma joie n’est pourtant point sans inquiétude, et la tendresse que j’ai pour mon petit espalier et pour quelques œillets me fait craindre pour eux le froid de la nuit, que je ne sentirais point sans cela.
Il semble qu’ils aient craint d’être notés de légèreté, en s’approchant de ce siècle dont la légèreté n’est que la surface et le masque.
Dimanche 2 octobre Je crains bien que les comédiens, quand vous les interrogez sur leur métier, vous racontent un tas de blagues.
Il faut les aimer et les craindre : on peut toujours les sous-entendre ; elles sont le filigrane du papier où l’on écrit, quand on sait écrire.
En outre, on n’est jamais sûr de trouver chez les autres les vertus ou l’honnêteté qu’on désirerait ; il en résulte qu’on craint d’être dupe, et on hurle avec les loups. » Pourtant, il ne faut pas exagérer cette part de la compétition dans relations sociales : « il y a aussi, de tous côtés, coopération.
L’émotion esthétique est la plus immatérielle et la plus intellectuelle, des émotions humaines ; les organes à l’aide desquels elle se produit surtout, sont les yeux et les oreilles : préservés de tout contact direct avec les objets, de tout choc, ils n’ont pas à craindre d’être violemment déchirés et désagrégés : une vibration légère comme le rayon ou l’onde sonore qui la produit, une excitation qui peut s’arrêter à telles fibres isolées sans mettre en mouvement la masse des nerfs optiques et auditifs, c’est assez pour provoquer dans ces sens un changement d’état saisissable : ils sont donc très propres à ces délicates distinctions intellectuelles qui sont l’une des marques auxquelles nous reconnaissons les sentiments esthétiques.
Nous le craignons du moins.
Sans doute si l’on considère combien peu d’hommes dans une société, quelque civilisée qu’elle soit, méritent le nom d’hommes éclairés, combien peu même ont les connaissances strictement nécessaires, combien enfin les idées dans l’homme sont voisines des passions, on peut craindre que cette émancipation des esprits, cette rupture avec toute tradition, cet appel à la raison individuelle, cette liberté de penser en tous sens ne soit la source de bien des maux, et je reconnais qu’il faut avoir l’esprit ferme pour envisager sans terreur l’avenir inconnu vers lequel marche la société contemporaine.
Comme donc ce n’est point une chose bizarre d’entendre s’élever de tout un amphithéâtre un ris universel sur quelque endroit d’une comédie, et que cela suppose au contraire qu’il est plaisant et très naïvement exécuté, aussi l’extrême violence que chacun se fait à contraindre ses larmes, et le mauvais ris dont on veut les couvrir prouvent clairement que l’effet naturel du grand tragique serait de pleurer tous franchement et de concert à la vue l’un de l’autre, et sans autre embarras que d’essuyer ses larmes, outre qu’après être convenu de s’y abandonner, on éprouverait encore qu’il y a souvent moins lieu de craindre de pleurer au théâtre que de s’y morfondre.
Il ne pèse pas une once ; quoiqu’il ne soit soutenu d’aucun nuage, je ne crains pas qu’il tombe.
Je craignais de blesser les sentiments de libérale hospitalité de mon hôte.
L’Atlante m’en voulut inonder, m’amenant d’un coup Careo et Apollinaire, Pour une modeste agape qui a laissé, je le crains, d’insuffisants souvenirs à notre parfait Tyrtéej de Montmartre, j’avais adjoint à tant d’inconnu, doux tempéraments, un poète suissek et un jeune peintre français qui revenait avec élégance du front où il avait reçu une blessure et trouvé envers les Hommes de la bonté fraternelle.
Dieu a révélé à l’homme par la parole tout ce qu’il doit savoir et connaître, aimer et craindre.
Nettement, a oublié ses circonspections ordinaires, il est monté jusqu’à cette indépendance où l’on ne craint plus de paraître implacable, et il l’a été en restant juste.
Amédée Pommier, le poète chrétien, de tête du moins, doit être appelé matérialiste par les spiritualistes du Déisme et de la métempsychose, parce qu’il n’a pas craint de retracer, avec une énergie formidable, les douleurs de la damnation et les supplices de ces ténèbres extérieures où, selon notre foi et nos saints livres, il y aura des pleurs et des grincements de dents.
Je ne craindrai pas de faire suivre ici, de considérations personnelles purement logiques, l’analyse des deux épopées mystiques dont Emile Zola et M.
Quelque sûrs d’eux-mêmes qu’ils soient, ils ne veulent pas qu’on les approche de trop près ; ils craignent d’être heurtés, et veulent toujours qu’il y ait des barrières au-devant d’eux.
La Grammaire de la Touche voudroit une cinquieme conjugaison des verbes en aindre, eindre, oindre, tels que craindre, feindre, joindre, parce que ces verbes ont une singularité qui est de prendre le g pour donner un son mouillé à l’n en certain ; tems, nous craignons, je craignis, je craignisse, craignant. […] ) elle craint.
Craignez les imprudences des chauvins, mais écoutez bien aussi ceux qui crient tant contre le chauvinisme français, et dites si vous ne leur trouvez pas le plus souvent un peu d’accent étranger. […] Nous ne craignons pas de l’affirmer ; Saint-Simon est pour les trois quarts, sinon pour le tout, dans ces sottises atroces et, disons-le, même bêtes, qui se sont fixées sur cette belle tête voilée historique, mais dont le voile de veuve pieusement gardé laissera, toujours apercevoir la beauté, le caractère et le courage. […] Quelques critiques s’en tirent en étant à la fois débonnaires et cruels, débonnaires pour ceux dont ils redoutent la réplique, cruels pour les amis de qui ils n’ont rien à craindre. […] On ne craint pas de voyager avec une jeunesse aussi saine, et c’est plaisir de la suivre où sa gentillesse et son cœur nous conduisent. […] Maxime Du Camp lui ouvre un peu trop tôt la porte de son foyer, ce qui prouve qu’il ne la craint pas ; il ne l’envisage pas avec l’amertume de La Rochefoucauld, mais fait songer à La Bruyèreh, qui constate que le « souvenir de la jeunesse est tendre dans les vieillards ».
Rendons-leur encore ce juste hommage qu’ils n’ont pas craint, en donnant leurs conclusions, de déconcerter le plus grand nombre de leurs admirateurs. […] Il ne craint pas de célébrer, lui aussi, « l’horreur de certaines interventions sanglantes, qui leur imprime une sorte de grandeur tragique ». […] Ils craignent que des débutants qui deviendraient pour la nation une parure, une force et une richesse par leurs œuvres d’écrivains ou leurs travaux de savants, se trouvent arrêtés net dans leur développement par cette insuffisance de moyens. […] Que nous sommes loin du temps où Joseph de Maistre pouvait écrire dans les Soirées de Saint-Pétersbourg : « Observez, je vous prie, que le métier de la guerre, comme on pourrait le croire ou le craindre, si l’expérience ne nous instruisait pas, ne tend nullement à rabaisser, à rendre féroce ou dur celui qui l’exerce. […] Mais si l’on prend le mot dans la signification plus étendue que je lui donnais tout à l’heure, celle de « travail accumulé », les classes les plus déshéritées apparaissent comme investies d’un immense Capital, intellectuel et matériel, dont elles sont les dépositaires, et, il ne faut pas craindre de le leur dire, les débitrices.
Commençons donc par voir ce qu’il a pensé en politique, sans trop craindre de nous tromper en nous réservant d’étudier sa philosophie comme une sorte de prolongement de ses idées sociales. […] Il y a une infinité de choses vraies et justes qui ne doivent pas être dites et encore moins écrites Pratiquées par le souverain, ces choses sont des bienfaits de la royauté ; mises dans la loi, elles ne sont que des armes des partis ; si la nation (russe) venait à comprendre nos perfides nouveautés et à y prendre goût, concevait l’idée de résister à toute révocation ou altération de ce qu’elle appellerait ses privilèges constitutionnels… je n’ai point d’expression pour vous dire ce qu’on pourrait craindre. […] On craint toujours que tel jugement ne soit porté que pour satisfaire le système. […] Ils craignaient, comme un auteur, d’emprunter les caractères ou les situations d’un ouvrage déjà existant. […] Nullement ; le ton seul des premiers mots, l’air du début, l’attaque du morceau sent son Jean-Jacques ; mais n’espérez pas ou ne craignez point une contrefaçon de la Nouvelle Héloïse.
Il en donnait des raisons qui étaient peut-être vraies : qu’il ne voulait donner sa pensée que sous la forme arrêtée et définitive de l’exposition écrite ; qu’il craignait qu’un auditeur peu scrupuleux et de plume rapide ne donnât comme siennes des idées recueillies la veille à la conférence de Fourier. […] Qu’ont-ils à craindre cependant ? […] Il y a eu un mouvement intellectuel et un mouvement social dont il ne s’est préoccupé que pour les craindre et nullement pour les comprendre. […] Je ne crains pas de l’avoir trahi ; je suis sûr que je l’ai trahi ; je suis sûr que je l’ai faussé, seulement à vouloir m’en rendre raison ; tout au moins je l’ai certainement dénaturé ; car sa nature est d’être insaisissable. […] Après avoir condamné les anciennes institutions religieuses, ils en ont admis d’autres sur lesquelles ils ont bâti des sociétés nouvelles ; et c’est après que les peuples ont contracté ce tempérament nouveau que la porte a été rouverte plus tard à l’ancien culte, qui, par désuétude, avait cessé de se faire craindre.
On pouvait craindre que selon les tendances de l’esthétique romantique et septentriomane, Gobineau ne sacrifiât le premier au second. […] Entendez-le au sens symbolique : il est clair que Notre-Dame n’a rien à craindre, mais il existe en France, d’après M. […] Il a craint de rebuter un public frivole, s’il lui servait le texte intégral, et de s’aliéner les stendhaliens, s’il leur avouait de quelle masse il l’avait allégé. […] Elle n’ouvre même pas sa « chambre intérieure », le secret de son amour, à l’époux qu’elle craindrait d’enlever au service de la patrie en le retenant auprès d’elle. […] Phoibos à l’arc d’argent Aime d’amour ardent cette nymphe mortelle ; Il s’élève, il grandit, il se rapproche d’elle, Mais elle craint ce dieu qui, brûlant, irrité, Aime sa beauté seule et non sa pureté.
Platon chasse les poètes de la République parce qu’il craint qu’ils n’efféminent par la sensiblerie la race forte et joyeuse. […] Mais il ne faut pas être lâche et il ne faut pas craindre la défaite, car craindre la défaite, ceci même est une défaite avant le combat ; c’est donc être vaincu pour ne pas risquer d’avoir le dessous. […] Oui. « on a maintenant honte du repos, remords de la méditation… on vit comme quelqu’un qui craindrait sans cesse de laisser échapper quelque chose. […] Ce qu’ils craignent plus que tout, c’est, le lendemain de la tâche finie, cette morne tristesse qui saisit le bon Gibbon quand il eut écrit la dernière ligne de son énorme Histoire romaine. […] Croire que de cette façon on n’entre pas dans les profondeurs, on ne va pas assez au fond, c’est la superstition de ceux qui craignent l’eau, des ennemis de l’eau froide.
Ces premiers romantiques, éblouis par les sensations neuves, n’avaient guère pu encore se faire un sens du réel : toutes les sensations leur paraissaient possibles ; et ils ne craignirent pas une vie artistique faite d’aventures. […] Il a cherché la forme parfaite du Livre ; et, comme sa recherche des symboles, je crains que cette recherche des typographies ne se prolonge, indéfinie. […] Je crains même qu’à force d’être variées, ingénieuses, et belles, ces digressions n’empêchent au premier abord de sentir tout l’intérêt et toute la vérité de l’aventure d’amour qui forme le sujet principal. […] Mais je craindrais de scandaliser mes lecteurs en insistant plus à fond sur l’inutilité de la critique. […] Léon Daudet, qui, après les avoir longuement et consciencieusement observés, n’a pas craint de nous les présenter tels qu’il les a vus.
En outre, on n’est jamais sûr de trouver chez les autres les vertus ou l’honnêteté qu’on désirerait ; il en résulte qu’on craint d’être dupe, et on hurle avec les loups. […] Nous craignons fort que les effets sociaux du réalisme, dont nos romanciers font étalage, n’aillent contre leurs belles intentions de moralistes et de sociologistes.
Après avoir été dans l’Apologie un biographe exact et précis, il n’a pas craint, malgré son pieux respect pour la mémoire de Socrate, de commencer cette légende dans le Banquet, dans le Théétète, et ailleurs ; son imitateur, l’auteur du Théagès, y a ajouté quelques traits ; puis sont venus les auteurs inconnus184 auxquels Cicéron, Diogène Laërce et Plutarque ont emprunté des anecdotes aussi puériles que merveilleuses ; bientôt l’interprétation prend des allures alexandrines, et tout esprit critique a disparu des intelligences avant que le merveilleux socratique ait été l’objet d’une exégèse scientifique185. […] Jeanne d’Arc craignit quelque temps d’être hantée par un mauvais esprit ; l’apparition la rassura peu à peu et pour toujours, par ce fait que son langage était celui des anges.
Je crains bien qu’il n’y ait là cercle vicieux. […] — Je craindrais l’homme d/un seul poète, autant que l’homme d’un seul livre.
Car, il faut revenir sans cesse à cela, quand on a carré et cubé à un homme une telle gloire, il faut que la Critique ne craigne pas de se répéter et de traîner derrière son char neuf fois autour des murs de Troie le cadavre de ce faux Hector. […] Prudent, comme un serpent qui craint pour sa queue, il fermait la main sur la vérité quand parfois il en attrapait une, — espèce de Fontenelle, moins la grâce, avec un air de charlatan majestueux que le bonhomme Fontenelle n’avait pas.
Si la raison publique ne l’avait dès longtemps écartée pour certaines notions fondamentales, on ne doit pas craindre d’assurer que les doutes insensés qu’elle suscita, il y a vingt siècles, sur l’existence des corps extérieurs subsisteraient encore essentiellement, car elle ne les a certainement jamais dissipés par aucune argumentation décisive. […] Quant à leur défaut habituel de cette sorte de culture régulière que reçoivent aujourd’hui les classes lettrées, je ne crains pas de tomber dans une exagération philosophique en affirmant qu’il en résulte, pour les esprits populaires, un notable avantage, au lieu d’un inconvénient réel. […] Or, il n’est plus à craindre que désormais les hommes d’État s’écartent gravement, à cet égard, de l’impartiale modération de plus en plus inhérente à leur propre indifférence spéculative : l’école positive a même lieu de compter, sous ce rapport, sur la bienveillance habituelle des plus intelligents d’entre eux, non seulement en France, mais aussi dans tout notre Occident.
C’est le vers réel, musical, rapport dans le langage de l’esprit, mais qui, dans le langage des sens, et pour l’oreille qui le goûte, est chose, réalise un absolu, accordé à la profondeur infinie ; le vers qui n’est pas atteint de plain-pied, comme certitude claire et due, mais furtivement, dans le miracle aigu et douloureux, dans la piqûre de l’instant : Je ne crains pas les épines ! […] Votre sommeil importe à mon enchantement, Il craint jusqu’au frisson d’une plume qui plonge La Jeune Parque commençait par des vers qui semblent indivis entre Narcisse et elle Qui pleure Si proche de moi-même au moment de pleurer ? […] Elle ne doit pas craindre de les employer dans l’intérêt de son œuvre propre, et, comme on dit, avec un égoïsme sacré, tempéré d’ailleurs par la courtoisie, la soumission à une nature, la sympathie et l’amour.
D’abord, je crains de les louer plus que de juste, parce qu’ils m’inspirent une grande sympathie et sont mes auteurs de prédilection. […] Il lui fallait un éditeur qui s’associât à ses plans et ne craignît pas d’entreprendre la publication d’une suite aussi vaste d’œuvres d’un auteur presque inconnu. […] Charles Dickens ne craignit pas, chez ce peuple d’aristocrates, de s’abaisser à l’étude des dernières couches sociales, voleurs, assassins et mendiants. […] A chaque fois qu’on m’en demandait un, je leur eusse conseillé pour leur bien de l’acheter, si je n’eusse craint qu’on n’attribuât le conseil au désir de ne pas prêter.
Mais au milieu du mouvement de jeunesse qui emportait, pour ainsi dire, toute la nation, la sévérité des réformateurs n’était encore qu’un spectacle importun, dont se détournaient bientôt ceux qui l’avaient remarqué en passant ; et les accents du puritanisme, unis à ceux de la liberté, étaient réprimés sans effort par un pouvoir dont le peuple goûtait trop récemment la protection pour en craindre beaucoup les envahissements. […] Dès que les personnages sont connus, dès que la situation est développée, on a fait son choix ; on sait ce qu’on désire, ce qu’on craint, qui l’on hait et qui l’on aime. […] Le doute ne se présente encore à nous que comme un ennemi dont on commence à craindre les atteintes ; il semble que la discussion porte un aspect menaçant, et que l’examen ne puisse sonder sans renverser. […] Athalie, ce chef-d’œuvre de notre théâtre, nous trouve encore saisis d’une certaine prévention contre Joad et en faveur d’Athalie qu’on ne hait pas assez pour se réjouir de sa perte, qu’on ne craint pas assez pour approuver l’artifice qui l’attire dans le piège.
Ce n’est pas que l’on soit idéal, extra-fin et nobilissime… C’est-à-dire je ne sais au juste… je ne me fie pas à mon jugement ; lorsqu’on est idéal je crois que je prends de la fadaise pour de la distinction, et quand on me semble énergique et extraordinaire, je crains que ce ne soit de la rusticité, du commun, du bourgeois. […] Le grand-duc s’est rappelé du fait et a été extrêmement gracieux en ajoutant que toute la famille était héroïque, puisque maman n’a pas craint de sortir par un temps aussi effroyable. […] Si je ne craignais de devenir anémique ! […] Nous sommes très gais, il fait très beau et je crains que ma sainte famille ne m’apporte les tracasseries habituelles.
— Je crains, disait-il au médecin, que mademoiselle ne se soit luxé la rotule. […] le douzième gilet, à mademoiselle X… — Est-ce que ce serait véritablement montrer trop d’exigence que de vous redemander… (avec un fin sourire) vous devez cependant y être habituée… mademoiselle x… — C’est que je crains de fatiguer ces messieurs. […] Quant à la chaleur, elle était véritablement torride ; non-seulement les bougies fondaient, mais encore on a eu à craindre un moment que le bronze des lustres n’entrât lui-même en fusion. — Il a été impossible de se procurer une glace avant trois heures du matin. — Dans le parcours des buffets aux loges, elles se transformaient en eau bouillante. — Mademoiselle A… e…, qui, sans doute par amour de l’antithèse, s’était coiffée avec une couronne de fleurs d’oranger, en rentrant le matin chez elle, a trouvé des oranges parfaitement mûres, à la place des fleurs et des boutons symboliques. — Cette atmosphère, qui aurait fait crier grâce au ver à soie le plus frileux, a causé également plusieurs accidents, sans compter les rhumatismes qui pourront en résulter. — On cite notamment une aventure dont l’héroïne est une actrice qui n’a pas encore débuté, et qui a été surnommée Bérésina, à cause de sa réserve tellement glaciale, qu’un seul de ses regards suffisait pour donner des engelures. […] Dans la journée, il a été à la répétition générale de la pièce des Français, — Il s’est disputé avec l’auteur, qui ne voulait pas consentir à faire les coupures qu’il lui indiquait. — Il lui a pris son manuscrit de force et l’a emporté chez lui pour faire des changements. — Il faudra qu’il passe la nuit à ce travail ; mais enfin il faut bien obliger un confrère. — Il y a surtout la scène cinquième du quatrième acte ; il craint d’être obligé de la recommencer entièrement. — Notez bien qu’il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce qu’il dit. — La tache d’encre était préméditée, sa répétition, les changements, les coupures, il a entendu raconter cela dans la journée et s’attribue le rôle actif qu’un autre a ou n’a pas joué. […] Ne pas craindre de se coucher tard pour tenir compagnie au maître le soir, ni de se lever matin pour être le premier à lui apporter le bulletin de l’enthousiasme du public à propos de l’œuvre récemment publiée ; avoir de la mémoire pour se rappeler le nom des tièdes, afin qu’il leur soit marqué un mauvais point. — Au besoin, chercher querelle à l’un d’eux, et se battre en duel avec lui : Être complaisant et agile comme un lévrier ou un troisième collaborateur, qui fait les courses dans les vaudevilles (commissionnaire sans médaille.)
Quand on a osé se faire amazone, on ne doit pas craindre les massacres sur le Thermodon. […] L’absence ou la forme différente des « hauts-de-chausses », les mœurs étonnantes, les habitudes inouïes, tout le trouble et l’épeure : il se demande si l’âme est bien la même ici ; il craint d’avoir à combattre une pensée contradictoire, à lutter pour la vie mentale. […] A chaque page, elle leur demande l’explication de phrases comme celle-ci : « Quant à sa pseudo-écriture (une espèce de gribouillis hiéroglyphique, des c en convulsion de limaces, des e hydrocéphales, des t plus tordus que la fée Carabosse…) sa soi-disant écriture, il eût fallu, pour la déchiffrer, un nouveau Champollion. » *** Mme Constant Améro, qui signe aussi Marie Améro et Daniel Arnauld, combat l’esprit d’aventures en personne qui craint de s’y laisser séduire. […] Tel est le régime auquel, depuis plusieurs mois, me condamnent les Amazones, que j’ai craint un instant d’être grisé par Mme Le Coz. […] Influence du milieu ou excessive bonté qui craint d’humilier les pauvres consœurs ?
Quels étaient ces étrangers, que ma chérie semblait craindre et à qui nous devions obéir ? […] Je regardais les tournants des allées, m’attendant à voir s’avancer quelque personnage du passé, qui ne devait plus craindre de se montrer, puisqu’il n’y avait que moi. […] J’eus envie de lui crier : « Emmène-moi tout de suite » ; mais comme il parlait bas, je compris qu’il craignait d’être entendu, et que, pour l’instant, il fallait se taire. […] Elle craignait, surtout pour moi, les punitions, mais j’avais toujours une provision de bons points, que je m’efforçais de gagner, uniquement pour avoir de quoi me libérer et pouvoir tout me permettre. […] Ne craignez rien, cette institution n’a que des analogies lointaines avec le couvent.
Je crains bien que, pas plus aujourd’hui qu’en 1877, M. […] Cependant, on peut craindre que ce ton n’éveille des idées de polémique et ne semble donner à telle religion une valeur excessive. […] Mais pourquoi faut-il qu’il ait aussi réprouvé « ces hommes qui ne craignent pas d’empoisonner de vapeurs de tabac la brise printanière d’un matin de mai » ? […] Mais surtout craignez le violet. […] Nous n’avons pitié que de nous-mêmes ou de ceux que nous craignons.
Quand sa fureur épique s’est bien satisfaite sur des personnages de convention, comme le Lysidas de La Critique de l’École des femmes, et même contre des personnages réels, tels que Montfleury, Benserade, Boursault, qu’il traduit à la moindre offense, au moindre soupçon d’offense, en chair et en os, sur son théâtre, il lui reste encore assez de colère pour traîner sur la scène et livrer à la risée du parterre, dans Les Femmes savantes, presque sous son nom, avec un sonnet de lui, afin que personne ne puisse s’y méprendre, un vieillard, un ecclésiastique, Cotin, qui ne lui avait jamais rien fait, sinon d’être devenu célèbre « sans que personne ait jamais pu savoir pourquoi, et d’être entré à l’Académie française, sans que personne ait jamais pu savoir pourquoi non plus. » Je ne crains pas de le dire : c’est là un abus excessif de la force ; mais plus l’action est violente, plus elle trahit dans ses pensées d’impuissantes colères, des colères nées des insultes qu’il a dévorées jadis sans espoir de vengeance. […] Pour cela vous pouvez vous en détacher, si je chante ce soir… Où est-il donc ce maître que vous craignez de renvoyer ! […] Voilà comment on en agissait dans l’ancien régime ; les auteurs de ce temps-là ne craignaient pas d’exercer librement leur esprit sur les œuvres d’autrui pour faire mieux : ils avaient bien raison. […] Peut-être que dans cet excès de misère, ne rien craindre et ne rien espérer donnent une force et un ressort qu’on ne verrait pas à un degré moins bas. […] C’est un résultat abusif de l’autorité morale acquise de longue main sur lui, de la confiance qu’on lui inspire ; craignez et prenez garde qu’il n’ait une opinion qu’il n’aurait pas, qu’il ne fasse un choix qu’il ne ferait pas, s’il était moins mené et mieux éclairé.
— Ne craignez-vous point, lui dis-je, que ce livre, qui contient quelques scènes osées et pas mal de jurons, vous nuise pour votre élection ? […] Quand on n’est rien, on ne craint rien ! […] Son mariage, sa paternité, récits délicats, ensembles parfaits que je craindrais de dénaturer en en donnant seulement quelques lignes. […] Le prince y craignait quelque manifestation imprudente, provoquée par les partis légitimiste et orléaniste, qui, sous l’administration de mon prédécesseur, avaient acquis une influence prépondérante dans presque tout le département, et contre lesquels on ne pouvait pas compter sur l’action énergique du général commandant supérieur d’Arbouville, neveu de M. le comte Molé. — C’est pourquoi le Prince ne s’était pas contenté de me donner, dans la circonstance présente, les pouvoirs exceptionnels qu’il allait conférer à tous les préfets : il m’avait investi, par décret spécial, d’un mandat presque illimité, avec la qualité de commissaire extraordinaire du gouvernement.
Le bétail ne craint plus le taon ni le bupreste. […] Tantôt ses sourcils se fronçaient, le regard indiquait la colère, la main frappait la table, la voix avait des éclats de tonnerre — pour se changer en un rire franc qui se modérait tout à coup et passait, par une transition subtile, au sourire timide d’un enfant qui craint la punition. […] S’il dit vrai, si ces belles mœurs sont aussi répandues qu’il l’affirme dans l’aristocratie, ou plutôt (puisqu’il n’y a plus de castes), dans les premières du train vertigineux qui nous emmène vers une destination inconnue, les moralistes ont raison de s’indigner et de craindre. […] Je crains qu’ils n’aient été dupes d’une illusion. […] Si je ne craignais de risquer un mauvais jeu de mots, je dirais que la diplomatique est utile à tout le monde, même aux diplomates.
Cette franc-maçonnerie des Insignifiants est bien à craindre, ayant des grands maîtres en plus d’un haut lieu ! […] Je le crains. […] Il craint de mécontenter Oronte octogénaire, il ménage Aminte et Polyxène sur le retour, il veut plaire à l’antique Hôtel de Rambouillet tombé en enfance et qui a la goutte : L’amour n’ayant point de part en cette tragédie, etc., etc. […] Rien de plus léger, de plus délibéré que cette Critique, qui s’en va sans ordre apparent, se jette de droite et de gauche, — et parfois retourne sur elle-même, tant elle craint d’avoir laissé échapper quelque nuance et désire de les fixer toutes ! […] Il y a, je le crains, en lui, comme en Émile Montégut, une âme lasse du Présent, une âme profondément ennuyée… Ennuyée !
Elle était la fille d’Antonin ; il aurait craint, en la répudiant, d’offenser la mémoire de son bienfaiteur. […] Les Gaulois ne craignaient rien, sinon que le ciel croulât sur leurs têtes : les Huns n’avaient qu’une peur, celle que les toits ne tombassent sur eux. […] Et par ainsy mon roy vif ou mort, je ne crains pas mes ennemys. […] Qui soupçonner, et qui craindre ? […] Le Fou, non plus, ne craint pas la Mort.
il le craignait d’abord : « Vous êtes, lui écrivait-il, le cygne qui me passe sur la tête en me disant : Je vous chéris, addio !
Mais nous voyons déjà le caractère du Journal de Mathieu Marais ; il s’est plu à consigner par écrit des nouveautés en usant des franchises du vieux langage ; il ne craint pas d’appeler les choses par leur nom, sauf à garder ses historiettes sous clef et, après deux ou trois lectures à huis clos, à les resserrer dans son tiroir.
Il y a des actions qui nous arrivent si bien présentées, que l’on peut craindre que l’art et l’habileté du narrateur n’y soient pour quelque chose.
Je crains qu’on ne se trompe beaucoup sur l’utilité dont je puis être : je suis propre à bien peu de chose, si à quelque chose.
On a diversement parlé du ministre de la justice en ce temps-là, Martin (du Nord) ; je crains que sa fin n’ait nui à ce qu’il pouvait y avoir de bien dans sa vie.
Si celui qui entreprendra un si grand ouvrage ne se sent pas assez fort pour ne point avoir besoin de conseil, le mélange sera à craindre, et par ce mélange une espèce de dégradation dans l’ouvrage… La simplicité en doit être le seul ornement.
Vinet, dans sa modestie, n’a voulu et n’a cru faire que cela, et il semble craindre même de n’avoir pas atteint son but : il l’a, selon nous, dépassé de beaucoup, ou mieux, surpassé.
Les analyses qui précèdent et expliquent ces réveils frénétiques d’égoïsme sont parfaitement déduites et dans une psychologie très-déliée, surtout pour les deux premiers cas : « C’était enfin une lutte perpétuelle entre mon cœur qui me disait : Crois, — aime, — espère…, et mon esprit qui me disait : Doute, — méprise, — et crains !
L’esprit persistait ; la philosophie revient toute voisine de cette pièce pénitente et de quelques paraphrases des Psaumes, dans des réflexions hautement stoïques ; on dirait qu’elle essaie la mort de tous les côtés : Misérable jouet de l’aveugle fortune, Victime des maux et des lois, Homme, toi qui, par mille endroits, Dois trouver la vie importune, D’où vient que de la mort tu crains tant le pouvoir ?
Il ne reste pas dans son centre ou à peu de distance ; il ne se retranche pas dans sa cour, ni dans sa citadelle, ni dans son académie ; il ne craint pas de se mésallier ; il va partout, le long des rues, s’informant, accostant ; la curiosité l’allèche, et il ne s’épargne pas les régals qui se présentent.
Je ne la crains pas pour ce que j’écris en ce moment.
L’abbesse de Jouarre m’a dit hier que, dans son canton, en Brie, on n’avait pas pu ensemencer la plupart des terres. » — Rien d’étonnant si la famine gagne jusqu’à Paris. « On craint pour mercredi prochain… Il n’y a plus de pain à Paris, sinon des farines gâtées, qui arrivent et qui brûlent (au four).
Et, quant à lui, non seulement il les voit, mais il les voit plus grands que nature ; l’intensité du regard qu’il fixe sur eux les gonfle, les rend démesurés ; il les admire, il les craint, il les trouve sublimes ou redoutables, il frémit sous leur parole.
Le général n’est pas jaloux, il est plein de confiance dans sa femme ; mais celle-ci est prudente, et sa science du monde, nouvellement acquise, elle s’en sert pour éviter le danger, sans paraître le craindre ou même le soupçonner.
Sa sœur Marthe, qui craignait Dieu, et tenait à l’honneur de sa lignée, la décidait à aller entendre prêcher un jeune homme, le plus beau de tous, disait Marthe.
J’aurais bien à dire sur le fil un peu léger qu’il établit entre l’acte commis par un jeune détraqué et la doctrine du savant austère qui fut son inspirateur sans le savoir ; j’estime qu’il calomnie le déterminisme en lui reprochant de supprimer la distinction du bien et du mal ; je crains qu’il ne conseille une chose de valeur morale très douteuse, quand il invite l’homme qui croit avoir trouvé une vérité psychologique contraire aux opinions reçues à ne pas la divulguer, de peur des conséquences qu’elle pourrait entraîner.
Le combat n’est pas entre moi et une puissance étrangère que je bats ou qui me bat ; il est entre moi et moi-même, entre moi qui désire une chose, par exemple, et moi qui crains le remords.
Que craindrait-elle ?
Et comment n’a-t-elle pas craint les pièges que peut receler ce rendez-vous donné par un nabab féroce, comme un thug, lorsque le désir lui monte au cerveau.
Malesherbes, jeune, ne craint pas de traiter avec vivacité Buffon, nouvellement célèbre et non encore consacré : « M. de Buffon, dit-il, qui ne s’est adonné que depuis peu de temps à l’étude de la nature. » Il venge Gessner, Linné, Bernard de Jussieu, tous les grands botanistes que Buffon avait traités un peu dédaigneusement et presque voulu déshonorer en les assimilant aux alchimistes, sans considérer « que la botanique est le tiers de l’histoire naturelle par son objet, et plus de la moitié par la quantité des travaux ».
On ne tarde pas à s’apercevoir que c’est là son idée fixe de convaincre le monde qu’il n’est pas trop malheureux ; il sait le cas que le monde fait des malheureux ; il craint qu’on ne le plaigne ou qu’on ne sourit de lui là-bas en le nommant.
La politique d’André Chénier dans son ensemble se définirait donc pour nous très nettement en ces termes : Ce n’est point une action concertée et suivie, c’est une protestation individuelle, logique de forme, lyrique de source et de jet, la protestation d’un honnête homme qui brave à la fois ceux qu’il réfute, et ne craint pas d’appeler sur lui le glaive.
Allez voir Desmoulins, embrassez-le pour moi, et dites-lui qu’il ne me reverra jamais, que j’estime son patriotisme, mais que je le méprise, lui, parce que j’ai pénétré son âme, et qu’il craint que je ne le trahisse.
Ç’a été une douleur au cœur, et le sang si fort à la tête que je craignais à tout moment de tomber.
Il me dit que Lagier est allée voir Flaubert à Rouen, et qu’elle craint que la solitude et le travail ne lui fassent partir la tête.
* * * — Ce qu’il y a à craindre pour l’homme de lettres, ce n’est point le foudroiement, la mort complète de sa cervelle : c’est la douce imbécillité, l’insensible ramollissement de son talent.
Il est permis de soutenir le mouvement de la terre sans aller en prison comme Galilée, l’infinité du monde sans être brûlé comme Bruno ; on peut être panthéiste et même athée sans craindre le supplice de Michel Servet et de Vanini.
Loin d’avoir à craindre le dédain des salons, l’écrivain illustre devra plutôt redouter leurs séductions importunes.
Là-dessus Descartes est d’une précision à laquelle il n’y a rien à désirer, qui ne laisse certainement rien à désirer. « Au reste, je me suis étendu ici sur le sujet de l’âme à cause qu’il était plus important ; car après l’erreur de ceux qui nient Dieu, laquelle je pense avoir ci-dessus assez réfutée, il n’y en a point qui éloigne plus tôt les esprits faibles du droit chemin de la vertu que d’imaginer que l’âme des bêtes soit de même nature que la nôtre, et que, par conséquent, nous n’avons rien à craindre ni à espérer après cette vie, non plus que les mouches et les fourmis.
Ce n’est pas le haïr, Acanthe, c’est le craindre.
« Je crois bien qu’elle vit venir la mort, — a écrit Mlle Marie, sa sœur, — mais elle n’en parlait pas : elle aurait craint de nous faire mal.
On ne peut lire sans une admiration qui va jusqu’à la douleur, telle lettre où l’enfant laisse voir comment il vient d’être bouleversé par une première communion de village, et puis s’interrompt, étant remonté aux tranchées, pour réclamer des siens le calme et l’énergie ; — telle autre lettre de charmante gratitude, où cet enfant qui donne sa vie s’inquiète du bien-être qu’il doit aux petites sommes que lui envoient les siens et dont il craint que le modeste foyer ne souffre ; — cette lettre enfin pour la fête de son père, à qui il écrit, oublieux de son propre sacrifice : « Croyez bien que je comprends la peine que doit éprouver un père en voyant partir pour le grand inconnu de la guerre un fils de vingt ans, qu’il a élevé à force de travail, de souci, d’économie… » Et toute la suite.
Ne craignez pas d’être tendres, d’être naïfs, de redire de l’éternel.
N’est-il pas à craindre par là que l’homme d’un métier ne reste, forcément, unius societatis, et qu’il lui devienne de plus en plus impossible de nouer association en dehors de sa profession ?
On ne craindrait nullement de conserver, dans la traduction de cette ode grecque il la Fortune, l’image des vicissitudes que voyait t’œil du poëte, et de porter dans l’expression cette alternative de haut et de bas qui fait le sujet même.
« Comprenez aujourd’hui ces vérités, vous qui oubliez Dieu ; et craignez que je ne vous saisisse, et qu’il n’y ait personne pour vous délivrer.
Si, au xiiie siècle, l’Église eût vu l’art passionner trop vivement les imaginations pour les belles couleurs et les belles formes, elle n’eût pas manqué d’en prendre de l’ombrage ; elle eût craint que la forme remise trop en honneur, n’entraînât dans sa réhabilitation la matière, source de corruption et de péché ; elle eût craint que l’amour, l’estime et l’adoration des hommes ne s’égarassent de nouveau, en se détournant de Dieu vers ses créatures. […] Ne craignez pas de compromettre votre réputation d’esprit en frayant avec la bourgeoisie. […] Furetière éclabousse son marquis de la boue des rues, et cette boue, en laquelle les marquis de Molière craignent si fort d’imprimer leurs souliers, fait dans le salon de Lucrèce les frais de la conversation, ni plus ni moins que les petits vers, ou bien la pluie et le beau temps. […] On connaît la préface de la Comédie humaine : « La loi de l’écrivain, ce qui le fait tel, ce qui je ne crains pas de le dire, le rend égal et peut-être supérieur à l’homme d’État, c’est une décision quelconque sur les choses humaines, un dévouement absolu à des principes. […] Ajoutez qu’il a « besoin de repos et de sommeil pour réparer ses forces épuisées » ; de plus, « il est obligé d’écouter un général qui se plaint d’un passe-droit, les prières d’habitants effarés qui craignent de se voir abandonnés, le rapport d’un officier envoyé pour faire la reconnaissance du terrain, en contradiction complète avec le précédent rapport, tandis que l’espion, le prisonnier et un autre général viennent lui décrire la position de l’ennemi ».
De même pour les compositions romanesques ; les lecteurs patients de ces pays ne craignent pas un roman touffu, philosophique, bourré d’idées, qui fait travailler leur intelligence autant qu’un livre de science pure. […] J’ai peine à comprendre ceux qui s’effrayent de ces emprunts faits au dehors et semblent craindre pour l’intégrité du génie français. […] Enfin, et c’est là le nœud du débat, vous ne trouverez chez Pouchkine aucun des traits communs à ses successeurs : pas l’ombre de mysticisme, ni d’inquiétude philosophique ; le sentiment religieux n’est pour lui, je le crains, qu’un moyen poétique. […] Je crains de lasser en multipliant les exemples : je cours au plus probant, au morceau qui est à mon sens le point culminant du livre. […] L’opinion fut si bien prévenue que je crains d’étonner les Russes en demandant la révision du procès.
Au point de vue de sa dignité, elle a satisfaction ; elle a été acceptée comme impératrice par le Sénat ; elle quittera Rome, sinon le front couronné, du moins le front haut ; mais elle craint l’avenir pour Titus. […] — Malgré les vœux publics refuser d’être heureuse, C’est plus craindre qu’aimer. […] Je crains que vous ne me disiez : avec la même femme. […] — Non, c’est moi qui crains qu’on ne la fasse. […] Indiana, qu’on a donné pour un plaidoyer contre le mariage et l’amour, se résout dans une affection pure et sereine, assez sûre d’elle-même pour ne craindre ni la durée ni le nombre des jours pareils, assez sainte et sérieuse pour demander à Dieu de la bénir, assez dévouée pour compter sur l’avenir.
Je ne laisse pas de craindre qu’elles ne renaissent, cent dix ans après leur destruction, dans les syndicats ouvriers. […] Dupuy n’a pas à craindre cette interprétation méchante. […] Qu’on ne craigne point que j’essaye une définition du romantisme ; et que personne ne sorte. […] Sur ce point je ne crains pas d’être dogmatique. […] La seule chose même que je craigne, c’est que cette méthode ne devienne trop facilement un procédé entre les mains des écoliers.
L’impudence et la théorie sont sa dernière couronne : écoutez Philippe : « Les femmes, dit-il, sont des enfants méchants ; c’est des bêtes inférieures à l’homme, et il faut s’en faire craindre ; car la pire condition pour nous c’est d’être gouvernés par ces brutes-là ». […] Lorsqu’il est vice Président sous John Adam, il recommence ses menées secrètes, il cherche les voies tortueuses et souterraines : il craint le grand jour ; il aime mieux compromettre les autres que de se hasarder lui-même. […] Ajoutez que la soumission, du peuple, l’adoration des courtisans et les respects de l’Europe autorisent encore cette confiance et cette théorie ; la Fronde ne semble qu’une escapade ridicule et lointaine : personne ne craint le mécontentement de M. […] Elle aime ailleurs, et, trompée par un mensonge du roi, elle s’est trahie ; elle vient d’entrevoir un danger pour sa dignité et une raison pour sa résistance ; à l’instant, elle se sent et se dit libre ; un tranquille sourire apprend au roi quelle estime elle fait de sa conduite, et quel cas elle fait de ses menaces ; n’ayant plus que la force à craindre, elle n’a rien à craindre ; son devoir seul la pliait, et non la peur. […] Nous ne savons pas ce dont nous sommes capables ; tel bourgeois qui se chauffe en robe de chambre, occupé à ne rien faire et à tout craindre, sursautera si l’on touche une certaine fibre, et, sans y penser, sera un héros.
Mérimée, au contraire, par l’attitude qu’il gardait dans le monde, par son affectation de choisir souvent des sujets étranges, par ce flegme britannique qu’il revêtait comme un uniforme et qu’il déposait en rentrant dans sa demeure, paraît avoir craint toute sa vie d’être confondu avec les vulgaires gens de lettres. […] C’est ainsi que Martial, dans une de ses épigrammes, montre Phryné devenue vieille et offrant son miroir à Vénus, épigramme que l’on pourrait peut-être traduire ainsi : Je le donne à Vénus, et Vénus, toujours belle, Ne craindra point d’y voir son image fidèle. […] Là où autrefois on riait avec rime et sans raison, à présent on discute en prose et un ne craint pas d’aborder les plus hautes questions. […] Le lecteur est ravi, parce que, a dit Pascal, il craignait de rencontrer un écrivain, et il a trouvé un homme. […] Paul Féval À qui craindrait qu’à force de produire l’imagination des romanciers ne s’épuise, à qui craindrait que nous n’ayons bientôt plus d’aventures imaginaires pour nous consoler des aventures réelles, nous opposerions l’exemple rassurant autant que caractéristique de M.
Il montait rarement à la tribune aux harangues, il craignait sa propre émotion ; elle était si forte qu’elle serrait ses lèvres et qu’elle étouffait sa voix. […] Que ceux qui craignent pour la société en France se rassurent : ce peuple, assaini par sa littérature, est sain de cœur comme de bon sens.
La beauté du site nous tenait alternativement suspendus d’admiration, je parlais sans trop m’entendre, j’étais écouté avec la même distraction ; d’ailleurs, les jeunes disciples de l’abbé couraient de droite et de gauche, gravissaient sur les roches, et leur instituteur craignait toujours, ou qu’ils ne s’égarassent, ou qu’ils ne se précipitassent, ou qu’ils n’allassent se noyer dans l’étang. […] Mon imagination échauffée place à l’entrée de cette caverne une jeune fille qui en sort avec un jeune homme ; elle a couvert ses yeux de sa main libre, comme si elle craignait de revoir la lumière, et de rencontrer les regards du jeune homme.
Sully Prudhomme mieux que dans ses déclarations antérieures nous donne toute sa conception de la poésie et de l’art des vers, et je crains d’attrister et de décevoir l’illustre poète, car je sens que ma réponse ne sera pas celle qu’il me demande. […] Pourtant, chacun se spécialisant de plus en plus, il est à craindre qu’un certain affaissement du niveau moral suive l’indifférence des hommes à l’égard des problèmes essentiels qui doivent avant tout nous préoccuper.
Enfin, défauts et qualités, il a tout ce qu’on n’a plus de nos jours, ce qu’on évite et craint d’avoir. […] Il est à craindre que Jean-Christophe ne demeure généralement tenu, malgré les très grandes beautés du Michel-Ange et du Beethoven, comme l’œuvre maîtresse de Rolland. […] Ceci, par un contraste qu’il faut signaler, au moment où l’enseignement de l’Église, au cours d’une retraite prudente, mais sans doute devenue nécessaire, atténue la rigueur de certains de ses dogmes, particulièrement en ce qui concerne le Péché Originel : au moment où le néo-thomisme tente un effort si intéressant — bien qu’on le puisse craindre un peu tardif et insuffisant, ainsi que le fait voir M. […] Ce n’est donc pas, on peut le craindre, une recrue de tout repos pour l’Église, pas plus que M. […] Mais, quand son catholicisme se montre, on peut craindre qu’il ne soit là que pour donner plus de valeur, plus de mérite, d’intensité, en tout cas, au déchaînement des passions humaines à toute leur sensualité, leur brûlure — et jusqu’à leur vice.
Je les respecte profondément, je crains qu’ils ne soient les derniers… Au résumé, monsieur, je souhaite que votre enquête sur ces fins de la littérature aboutisse à une meilleure conclusion que la mienne. […] Nous avons tenu un gros morceau du siècle, nous n’avons pas à nous plaindre ; et nous représentons un moment assez splendide dans l’évolution des idées au dix-neuvième siècle pour ne pas craindre d’envisager l’avenir. […] Mais je crains bien qu’il ne reste toujours à faire. […] Augurer que les anathèmes qu’édite à l’ordinaire la librairie Perrin puissent produire un tel cataclysme me semblerait paradoxal… Je ne crains pour les doctrines, dont je m’honore d’être le servant, que les Russes, les Mongols et les Nègres. […] … — Je préfère l’interprétation directe de la nature, car je la crois plus haute en beauté que toutes les œuvres humaines et je crains que les symboles ne la défigurent.
Le continuel ouvrage de vostre vie, c’est bastir la mort54. » Vers la fin du chapitre : « La mort est moins à craindre que rien, s’il y avoit quelque chose de moins que rien ; elle ne vous concerne ny mort ny vif ; vif, parce que vous estes ; mort, parce que vous n’estes plus55. » Et ailleurs : « Recueillez vous, vous trouverez en vous les arguments de la nature contre la mort, vrays, et les plus propres à vous servir à la nécessité : ce sont ceulx qui font mourir un païsan, et des peuples entiers, aussy constamment qu’un philosophe. […] « Mais je desire qu’après tout cela, on vienne à bien sonder et estudier à cognoistre cet esprit, car nous trouverons qu’après tout, c’est et à soy et à autruy un très dangereux outil, un furet qui est à craindre, un petit brouillon et trouble-feste, un émerillon fâcheux et importun, et qui comme un affronter et joueur de passe-passe, sous ombre de quelque gentil mouvement subtil et gaillard, forge, invente et cause tous les maux du monde, et n’y en a que pour luy91. » Quelques traits sont vrais dans cette caricature ; mais qu’est-ce que l’auteur prétend tirer de ce pauvre esprit si fort maltraité ? […] Je veux que sans paradis et enfer, l’on soit homme de bien : ces mots me sont horribles et abominables : si je n’estois chrestien, si je ne craignois Dieu et d’estre damné, je ferois cela. […] Il ne craint guère de choses, et ne craint aucunement la mort. […] On les envie ensuite, on les hait, on les craint, on les estime quelquefois, et on les respecte.
Jules Claretie un habile administrateur, avait fait perdre à la littérature un de nos écrivains les plus estimés ; tout au moins était-ce à craindre. […] Le roman n’y perd rien de sa liberté d’observation, mais le lecteur n’éprouve aucune inquiétude, et ne craint pas de voir une page maculée d’un gros mot ou d’une repoussante image. — « Si vous voulez bien vous rendre compte d’un roman, de sa portée, de sa moralité, disait Préault, mettez-y des gravures, par la pensée. » À ce compte, la plupart des romans et nouvelles qui remplissent aujourd’hui des centaines de volumes de toutes les couleurs ne seraient, sous prétexte d’études, que de monstrueux recueils d’obscénités, calqués presque les uns sur les autres. […] Cité par la défense, le bon candidat craignait que cela lui fît du tort dans l’esprit de son maître, et il s’excusait, expliquait comment il avait rencontré ce misérable Fage chez Védrine ; mais son chuchotement se perdait dans le bruit de la salle et le ronron du tribunal appelant, expédiant les causes, le monotone : « À huitaine… à huitaine… » tombant comme un éclair de guillotine, coupant court aux réclamations des avocats, à la plainte suppliante de pauvres diables, rouges, s’épongeant le front devant la barre : « Mais, monsieur le président… — À huitaine. » Quelquefois, du fond de la salle, un cri en larmes, des bras éperdus : « Je suis là, m’sieu le président… mais je peux pas arriver… y a trop de monde. — À huitaine. » Ah ! […] Hector Malot prend un fils de paysans assez près encore de la nature pour subir le besoin du crime, mais assez cultivé aussi par son éducation scientifique et philosophique pour être certain que s’il commet ce crime habilement il n’aura rien à craindre : ni de la loi, dont il se jouera ; ni de lui-même, puisqu’il sait que la conscience n’existe pas. […] Rien à craindre cependant : la loi, le monde, ne lui demandent pas de comptes, puisqu’un autre, un innocent, a payé pour lui.
Sue parle de faire des drames ; avec les idées morales qu’il a développées dans ses romans, il portera à la scène des choses dont le genre a déjà lassé le public, cela est à craindre. […] Son influence est fort grande : tout le monde le craint, et il ne craint personne.
C’est une rétractation partielle, une rectification de ce que j’avais écrit précédemment dans un article du Globe, dont je reproduis ici le début : « Il y a dans Werther un passage qui m’a toujours frappé par son admirable justesse : Werther compare l’homme de génie qui passe au milieu de son siècle, à un fleuve abondant, rapide, aux crues inégales, aux ondes parfois débordées ; sur chaque rive se trouvent d’honnêtes propriétaires, gens de prudence et de bon sens, qui, soigneux de leurs jardins potagers ou de leurs plates-bandes de tulipes, craignent toujours que le fleuve ne déborde au temps des grandes eaux et ne détruise leur petit bien-être ; ils s’entendent donc pour lui pratiquer des saignées à droite et à gauche, pour lui creuser des fossés, des rigoles ; et les plus habiles profitent même de ces eaux détournées pour arroser leur héritage, et s’en font des viviers et des étangs à leur fantaisie.
Cela est cause « que ses portraits ressembleront toujours ; mais il est à craindre que « les vôtres ne perdent quelque chose de ce vif et de ce brillant qu’on « y remarque, quand on ne pourra plus les comparer avec ceux sur « qui vous les avez tirés. » On voit que si La Bruyère tirait ses portraits, M.
Déjà le parterre prenait parti et l’on pouvait craindre des violences, lorsque M.
Decazes un favori du roi, tantôt caressant dans M. de Villèle et dans ses amis royalistes modérés un parti dont il pressentait l’avenir ; il se fit craindre et aimer, selon les temps.
Quand il voulut se venger ou se faire craindre, il prit lui-même les vices de la démocratie.
Tout cela nous inquiète : et quand il réclame ensuite partout la simplicité et le naturel, on craint qu’il ne mette pas sous ces mots la même chose que nous.
Je crains que Racine, comme Bossuet, n’ait été trop poète pour un siècle qui s’éloignait de plus en plus de la poésie : on sentit la vérité humaine mieux que la grandeur poétique de son œuvre.
En revanche, ces mêmes professeurs qui raillaient, excellents latinistes par ailleurs, et parfois lettrés délicats, ne craignaient pas de s’encanailler.
., item les bons vins53. » C’est aussi le Dieu de Platon, « le grand plasmateur54 » ; c’est enfin le Dieu de l’Évangile, « qu’il convient servir, aimer et craindre, et dont la parole demeure éternellement55. » Pourquoi ne serait-ce pas surtout ce dernier ?
Et par suite l’encombrement, l’embarras, la pesanteur, ce je ne sais quoi de traînassier. comme on disait alors, dans un style sans précision, qui craignait d’autant moins de se charger en chemin de nuances, d’épithètes, d’emprunts aux autres langues, que le discours, n’ayant à aller nulle part, n’était point pressé d’arriver.
Je ne crains pas d’exagérer en disant que la philologie, inséparablement liée à la critique, est un des éléments les plus essentiels de l’esprit moderne, que, sans la philologie, le monde moderne ne serait pas ce qu’il est, que la philologie constitue la grande différence entre le Moyen Âge et les temps modernes.
Or nous savons bien que l’ordre temporel est vide, vain, creux et frivole, que nous craignons de donner du corps même à l’amitié.
On a eu peur des conséquences, et l’on a rejeté ces doctrines en bloc, sans s’inquiéter de ce qu’elles contenaient de bon. « On peut malheureusement faire craindre la vérité aux hommes, en les trompant et en les cajolant.
Je lis à la première page de ce catalogue : Airs fugitifs : D’Albanèse : « Bergère légère, je crains… », nº 55.
En chemin, il ne put me cacher la surprise qu’il éprouvait de le trouver si bien, d’après tout ce que lui faisaient craindre les lettres de sa mère, et confiants dans cette heure de résurrection, nous avons eu dans la bouche les mots de convalescence, de guérison.
Samedi 29 décembre Le maréchal disait, il y a un mois, à de Béhaine : « C’est affreux… c’est affreux… je n’en serais pas là, si je n’avais pas craint la guerre étrangère. » 3.
» Je sais que quelques pères n’ont pas craint de faire rejaillir jusque sur les animaux et même sur la nature matérielle en général les conséquences du péché primordial47 et les théologiens réformés ont été extrêmement loin dans cette voie.
Cette sorte de rivalité, d’émulation dans la timidité est fort amusante et nous sert de leçon parce qu’il faut nous dire qu’il y a parmi nous des grenouilles et des lièvres qui s’effraient du moindre accident, de la moindre ombre d’accident possible et qui créent le danger à le craindre.
Il hésite à entrer en contact avec les faits, quels qu’ils soient, à plus forte raison avec des faits tels que les maladies mentales : il craindrait de se salir les mains.
Je crains que M.
Il nous suffit de constater que, dans la civilisation qui nous occupe, — celle qui commence à marcher vers l’égalitarisme, — les individus en rapport sont trop nombreux et leurs rapports trop fréquents pour qu’on puisse espérer, ou craindre de si tôt un arrêt, et comme une sorte de pétrification de leurs imitations réciproques.
N’exposez aux regards que ce que l’usage permet d’y exposer, & ne craignez point de multiplier les portraits.
levez les yeux vers la sphère éternelle ; vous dédaignerez les aspects de cette vie menteuse, et tout ce qu’elle craint, et tout ce qu’elle espère.
À la date, du moins, où écrit La Fontaine, il nous faut attendre près de deux fois cent ans pour que l’humanité retrouve ce sentiment du Mystère qui est pourtant le fond vivant de la Poésie, — il nous faut attendre près de deux fois cent ans ce vers de Lamartine : Adore ici l’écho qu’adorait Pythagore, ce vers de Gérard de Nerval : Crains dans le mur aveugle un regard qui t’épie, ces vers de Baudelaire : La nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles : L’homme y marche à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers. […] Je crains qu’il en veuille surtout au Loup d’être fort. […] Je crains qu’il se fuie lui-même, qu’il cherche plutôt un spectacle où se distraire du désir d’infini qu’il a dans l’âme.
Mais dans ces cas on ne pourra se diriger que d’après une sorte d’intuition, suivant les probabilités que l’on apercevra, et même si le sujet est complètement obscur et inexploré, le physiologiste ne devra pas craindre d’agir même un peu au hasard afin d’essayer, qu’on me permette cette expression vultaire, de pêcher en eau trouble. […] Si l’on est bien imbu des principes de la méthode expérimentale, on n’a rien à craindre ; car, tant que l’idée est juste, on continue à la développer ; quand elle est erronée, l’expérience est là pour la rectifier. […] Quand au contraire un homme suit un chemin tortueux dans l’obscurité et sur un terrain accidenté et inconnu, il craint les précipices, et n’avance qu’avec précaution et pas à pas. […] Il y a des médecins qui craignent et fuient la contre-épreuve ; dès qu’ils ont des observations qui marchent dans le sens de leurs idées, ils ne veulent pas chercher des faits contradictoires dans la crainte de voir leurs hypothèses s’évanouir. […] Quand on entre sur un terrain neuf, il ne faut pas craindre d’émettre des vues même hasardées afin d’exciter la recherche dans toutes les directions.
Mais il est à craindre que ce bel exemple dont Hennequin avait été l’initiateur ne soit pas suivi. […] Je ne puis les énumérer ici, car elles sont innumérables, et je craindrais qu’elles parussent, à la longue, bien monotones, car elles s’appliquent à tout et à tous, se ressemblent toutes et varient seulement en enthousiasme, selon le plus ou moins de férocité qu’ont les choses, le plus ou moins d’importance sociale ou financière qu’ont les personnes. […] Je ne voudrais pas décourager M. de Bonnières, et moins encore lui causer de la peine ; mais je crains bien que ses livres, de plus en plus courts et improbables, même étayés du préventif et psychologique enthousiasme de M. […] La police a de la pudeur et elle craint le ridicule. […] Il s’en dégage aussi de la pitié, non pas de la pitié sentimentale et bêlante qu’on débite en couplets de romance, mais de la pitié mâle, de la pitié d’homme qui n’a pas craint de poser ses pieds et ses mains dans cette fange et dans cette sanie, et, de l’acte individuel, si horrible qu’il soit, si conscient qu’il paraisse, a eu cette hardiesse de remonter jusqu’à la grande coupable, la grande responsable de tous les crimes, de toutes les monstruosités sociales : la société.
Et c’est incroyable, car, ce succès, on le tuerait peut-être en l’expliquant ; et certes, avec les mœurs et les idées de ce temps, il n’est pas difficile de l’expliquer. » Barbey d’Aurevilly accuse Manon Lescaut d’avoir produit les Dame aux camélias, les Madame Bovary, les Fanny ; il traite Dumas fils de « sauvage », Sainte-Beuve de « tricoteur », Gustave Planche « d’ivrogne infiltré de madère ». « Il a fallu, dit-il, le dévergondage romantique pourvoir dans ce livre, que je ne crains point d’appeler une pauvreté littéraire, des beautés qui n’y étaient pas… Les benêts corrompus s’attendrissent sur l’histoire naturelle de Manon… Il faut flétrir cette sale histoire qui révoltait le génial bon sens de Napoléon et où, dit-il, le grotesque, l’incroyable et le ridicule s’ajoutent agréablement au crapuleux. » Quand on a lu les romans de Barbey d’Aurevilly, Une histoire sans nom, Ce qui ne meurt pas, le Prêtre marié et la Vieille Maîtresse, on se demande qui ce prétendu moraliste a voulu mystifier. […] Mais Télémaque s’élança loin (de lui) ayant laissé là même des Amphinome la lance à la longue ombre, car il craignait grandement que quelqu’un des Achéens ou, s’étant élancé, ne frappât de (son) glaive ou ne blessât (du glaive) penché en avant (lui) retirant la longue lance. […] Et Telemakos revint à la hâte, ayant laissé sa longue lance dans le corps d’Amphinomos, car il craignait qu’un des Achaïens l’atteignît, tandis qu’il l’approcherait et le frappât de l’épée sur sa tête penchée. […] Il faut donc, de toute nécessité, si vous choisissez la carrière journalistique, soigner votre improvisation, écrire lentement, ne rien laisser au hasard, se maîtriser, se condenser, ne pas craindre de refaire ses phrases et surtout (ceci est essentiel pour bien se juger) ne jamais livrer un article avec des ratures et des corrections, mais le recopier soigneusement, afin de pouvoir le relire sur page propre ; sans cela vous serez étonné, ayant cru bien écrire, de n’avoir produit qu’un style plein de négligences, un style à escaliers et à régimes indirects, contourné, bistourné, qui choquera ceux qui ont encore quelque souci de la diction et de la grammaire. […] Lord Lytton, par exemple, se trompait, quand il écrivait à lady Blessington, à propos des Derniers jours de Pompéi : « Je crains que cet ouvrage ne plaise pas aux femmes.
Cesare Lombroso, fort de la science, ne craignit point la réalité. […] Mais Du Plessys, habile à mener les muses grecques vers les rives de la Seine et du Loir, au son de ses romanes chansons, ne craindra pas ces hostilités vaines et « saura mourir ainsi qu’il sait vivre ». […] Le vieux porcher du fermier Lycophron, sage entre les sages, l’avait averti : « Hyalis, la première loi du monde est la conformité des êtres à leur destinée ; l’âme qui regarde par tes yeux n’est pas celle d’un faune et je crains qu’il ne t’en arrive malheur ! […] Il ne craignit pas d’être obscur ; et peut-être, parfois, rechercha-t-il d’être, au moins, difficile. […] Et ses amis craignaient que l’éminent historien ne parût — comment dire ?
Si vous imitez encore, ce sera que vous le voudrez bien ; ce sera parce que vous prélèverez votre part là où vous la trouverez bonne à prendre ; ce sera en rival qui ne craint pas les rencontres, en roi puissant pour agrandir votre empire. […] On le retrouve pourtant en défiance continuelle de ce côté ; il craint les boutiques de la galerie du Palais ; il préfère être jugé aux chandelles, au point de vue de la scène, sur la décision de la multitude.
« Nous désirions de voir Alceste aux prises avec Célimène ; nous étions impatients d’assister à cette lutte d’un amour impétueux qui ne souffre ni détours ni délais, et d’une froide coquetterie qui ne craint rien tant que d’être forcée dans ses retranchements. […] 41 Votre honneur avec moi ne court point de hasard, Et n’a nulle disgrâce à craindre de ma part.
Maintenant l’impression là-dedans, c’est un sentiment d’abomination pour ce bourgeois de Louis-Philippe, qui, avec son Musée, ses peintures au rabais, a tué la belle antiquaillerie de cette demeure de la monarchie française, aux xviie et xviiie siècles, et n’a pas craint de faire la nuit avec un grand vilain tableau moderne, fermant la fenêtre de la salle de bain de Mme Adélaïde, qui est peut-être le plus riche spécimen de la décoration intérieure, au xviiie siècle. […] Et vraiment je croyais, qu’il allait nous annoncer qu’elle ne jouait pas, préférant le type ingénu et pervers de Cerny, mais non, et ça m’embête qu’elle accepte le rôle, parce que je crains bien, que Koning lui ait promis d’édulcorer complètement le rôle, aux répétitions.
Vous savez bien que l’âme est forte Et ne craint rien Quand le souffle de Dieu l’emporte ! […] Nous sommes trop près des romantiques pour ne pas nous répandre en protestations contre leurs défauts, d’autant plus grands à nos yeux que nous craignons presque d’y tomber encore ; notre esprit est en réaction trop directe avec le leur pour que nous puissions clairement démêler le vrai du factice dans l’art romantique, pas plus d’ailleurs que nous ne saurions apprécier dans une exacte mesure les exagérations de l’art contemporain.
Au rebours de Victor Hugo, qui se défiait de la science — rappelons-nous l’Âne, rappelons-nous la satire contre Darwin, — Richepin la vénère, et comme il n’en craint pas les conclusions, il a tenu à honneur d’en exprimer, à sa façon, les résultats. […] Quelqu’un a paru craindre qu’en procédant toujours ainsi le critique ne courût le danger de l’uniformité, de la monotonie. […] Je ne crains pas d’y insister. […] « La vérité t’enveloppera de son bouclier : tu n’auras rien à craindre des terreurs nocturnes, de la flèche qui vole dans l’air du jour, du complot qui chemine dans les ténèbres et des assauts du démon de midi. » C’est cette assurance qu’il médite, et c’est le chef-d’œuvre lyrique intitulé Via dolorosa qui traduira cette méditation.
Mais le grand monde, cette classe que l’ambition, les grandeurs et la richesse, séparent tant du reste de l’humanité, le grand monde me paraît une arène hérissée de lances, où, à chaque pas, on craint d’être blessé ; la défiance, l’égoïsme et l’amour-propre, ces ennemis-nés de tout ce qui est grand et beau, veillent sans cesse à l’entrée de cette arène et y donnent des lois qui étouffent ces mouvements généreux et aimables par lesquels l’âme s’élève, devient meilleure, et par conséquent plus heureuse.
Jouffroy a dit qu’il y a dans l’air qu’on respire quelque chose qui procure aux esprits l’étendue, ce n’est, je le crains, qu’un même fait diversement exprimé ; car cette étendue si précoce, cette intelligence ouverte et traversée, qui se laisse, faire et accueille tour à tour ou à la fois toutes choses, est l’inverse de la concentration nécessaire au génie, qui, si élargi qu’il soit, tient toujours de l’allure du glaive.
Mais ces sortes de frais sont d’habitude, et ils y comptent, au lieu qu’ils craignent, s’ils devenaient plus exacts, d’être plus chargés l’année d’ensuite. » En effet, le receveur, qui paye ses garnisaires un franc par jour, les fait payer deux francs et gagne la différence.
XV Je sais que Rome est la grande difficulté d’une constitution indépendante de l’Italie moderne ; je ne crains pas de l’aborder face à face avec vous, cette difficulté.
L’âme qui vous est unie, qu’a-t-elle à craindre ?
Je craignis, si je laissais passer cette assertion sous silence, que cela ne donnât lieu au public de conclure qu’il en était vraiment ainsi et que j’aurais trahi mes devoirs, comme cela en paraissait la conséquence naturelle.
Moi, mes deux oiseaux n’avaient pas d’ailes ; je ne craignais pas qu’ils s’envolassent pendant l’ouvrage.
Il a peut-être plus de sensibilité qu’il n’en montre : il est capable d’affection ; mais il craint extrêmement le ridicule ; il pose pour l’homme fort et détaché.
Seulement, il y a Théophile Gautier, de Tarbes ; il y a même Catulle Mendès, de Bordeaux et Armand Silvestre, sans doute, de Toulouse… Je crains d’enfreindre la règle que vous imposez ; je m’arrête, non à ceux qui en 1880 ne sont pas nés, mais à ceux qui, en 1880, n’ont pas produit encore !
On ne flatte jamais plus la femme qu’en lui témoignant qu’on la craint.
Car ils craignaient d’être surpris au palais par un nain difforme et trois méchants larrons qui haïssaient Tristan et le voulaient perdre.
On n’avait pas à craindre de ne pouvoir réunir en nombre suffisant des musiciens et des chanteurs ; les premiers artistes se sont mis à la disposition de Wagner, qui ade même trouvé des collaborateurs distingués pour les travaux techniques, M.
Qu’on lise tels airs de Richard cœur de Lion, « Je crains de lui parler la nuit … » « La danse n’est pas ce que j’aime … » les notes y ont la précision merveilleuse de mots ; et puis c’est un âge délicat et léger qui s’épand, tandis que sont inquiètement dandinées les phrases douces.
Samuel se hasarda à mettre au programme une œuvre de Wagner et, cependant, rien ne faisait craindre que l’opposition dût se manifester, comme à Paris, d’une manière ostensible.
Ces chants, de ma prison témoins harmonieux, Feront à quelque amant des loisirs studieux Chercher quelle fut cette belle : La grâce décorait son front et ses discours, Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours Ceux qui les passeront près d’elle.
N’était-il pas craint et redouté de tout l’Empire ?
Il a, ce rhétoricien d’autrefois, toujours défendu son droit de faire des phrases… et c’est même la seule nouveauté et la seule portée du vieux livre composé avec des centons de dix ans, qu’il ne craignit pas de republier.
C’est cette manière raccourcie de comprendre l’Histoire religieuse, la même dans Hugo que dans Béranger, qui convient aux bourgeois, les dominateurs de l’opinion, je le crains, encore pour longtemps.
Selon Tite-Live, Tullus ne voulut point juger lui-même Horace, parce qu’il craignait de prendre sur lui l’odieux d’un tel jugement ; explication tout à fait ridicule.
Il doit craindre surtout le fléau de l’envie, aveu d’impuissance, raison de sécheresse, car l’entraide est un puissant secours. […] Et aussitôt je tremblai ; car je craignais de voir ses prunelles, sachant bien qu’après les avoir contemplées je dirigerais le gouvernail de notre bateau vers le gouffre de la mer. » Je note au passage un complet chef-d’œuvre en quatre pages : l’Ombrelle de Tanagra. […] Ne craignez point de vous perdre. […] Enfin la plupart des moralistes apportent avec leurs doctrines quelque chose de terne, de pluvieux, de protestant qui les empêchera toujours, je le crains, d’agir sur la masse ou sur l’élite française, éprise avant tout de lumière et de jets théoriques. […] Je ne crains pas ce rapprochement ; ils me comprendront ceux qui savent lire ou juger d’un être à travers les mots.
Renan a exprimé à plusieurs reprises son dédain, ou plutôt son appréhension à l’égard des gens du monde ; il craignait autrefois de livrer à leur légèreté tranchante et inconsidérée sa pensée délicate, subtile et fuyante. […] On semble craindre que nous ne dépassions la quantité de vérité que notre faible nature est capable de supporter sans défaillir. […] Savez-vous qu’il n’y a que deux ou trois personnes capables d’écrire avec cette grâce, cette souplesse, cette magie à laquelle on craint de se livrer, tant la séduction en est irrésistible et dangereuse ? […] Je regrette que l’éditeur Calmann Lévy n’ait pas imprimé ce bréviaire incomparable sur le satin et la soie, ou du moins sur un joli papier, de petit format, afin que les personnes raffinées pussent y poser leurs yeux sans craindre l’injure d’une typographie trop fautive ou la gêne d’une excessive dimension.
Au reste il n’y a pas lieu de craindre que cette façon d’expliquer apprenne à mal parler françois. […] Plus le tour latin est éloigné du tour françois, moins on doit craindre qu’on l’imite dans le discours. […] Mais quand il s’intéresse pour Tityre, qu’il craint pour lui quelqu’accident, il éleve le ton, pour donner à son avis plus de poids, & par-là plus d’efficacité ; occursare Capro…caveto : cave seroit foible & moins honnête, parce qu’il marqueroit trop peu d’intérêt ; il faut quelque chose de plus pressant, caveto.
Castille prétend ne pas en avoir le démenti, il fera bien de devenir ministre le plus tôt possible ; car — « hors qu’un commandement exprès du roi ne vienne », — le public s’obstinera longtemps, je le crains, à ne voir dans M. […] Castille. — Le jour où l’on proclamera sa dictature, que n’aurons-nous pas à craindre de ses rancunes ? […] Madame Toscan remplissait le principal rôle, et, conséquemment, recevait le plus de sifflets ; mais si l’on crut un moment que le théâtre allait s’écrouler sur les spectateurs, ce ne furent certes pas les bras samsonesques de madame Toscan qui inspirèrent cette craints, mais le tumulte qui régnait dans la salle.
Lorsqu’il se contente de répudier les familles, les foyers, tous les obstacles à l’affranchissement et aux expériences vagabondes, on peut observer qu’au fond il s’exprime à peu près comme l’Evangile et recommande quelque chose d’analogue à l’ascétisme chrétien : « Si tu voulais, si tu savais, Myrtil, en cet instant, sans plus de femme ni d’enfants, tu serais seul devant Dieu sur la terre… A travers indistinctement toute chose, j’ai éperdument adoré. » Et cela n’a jamais été bien inquiétant, parce que la contagion de ce renoncement n’est pas à craindre. […] Gide craignit que Louÿs ne fût vexé.
Il est à craindre que, six mois après l’acte du Parlement pour l’extirpation de l’Évangile, les fonds de la banque et des Indes-Orientales ne tombent au moins de 1 pour 100. […] Il amène « des témoins, des questions de fait, des sentences avec dépens. » On crie si fort que la déesse craint de tomber en discrédit, d’être chassée de l’Olympe, renvoyée dans la mer, sa patrie, « pour y vivre parquée avec les sirènes crottées, réduite au poisson, dans un carême perpétuel. » Quand ailleurs il raconte la touchante légende de Philémon et Baucis, il l’avilit par un travestissement.
Et, il ne le dit point, n’étant pas le prophète ou l’apôtre que l’on se représente, s’il n’est pas non plus le bouffon ou le Silène ivre, et n’ayant en vérité qu’un trait de commun avec son Panurge, qui est de craindre naturellement les coups ! […] Ce grand liseur est un grand pillard, et il n’a pas toujours indiqué tous ses larcins, en vérité comme s’il eut craint que son livre n’y fondit tout entier.
Il a parlé quelque part des pensées de par derrière la tête ; mais les pensées de par derrière la sienne, il n’a jamais craint de les mettre par devant. […] Il a fait échouer le théâtre lui-même, qui, je le crains bien, ne reprendra plus la haute mer.
Si l’on ne craignait d’être entraîné trop loin, on pourrait poursuivre le parallèle jusque dans l’ordre économique et industriel. […] Il ne voulut pas que son nom franchît prématurément plusieurs degrés d’initiation à la gloire ; aussi ce nom n’a-t-il rien à craindre du temps. […] C’est sur ce point du problème que notre époque a surtout fixé son attention ; et, si un excès est à craindre pour elle, c’est plutôt l’exagération de l’idée de l’association et du pouvoir que celle de l’idée de liberté. […] Ne craignons donc pas d’amoindrir les questions en nous occupant uniquement de l’art et du style, dans une époque qui doit sa célébrité à son esprit de réformes positives, aux graves débats qu’elle a soulevés sur l’organisation sociale, sur la vérité philosophique.
La vérité est pour moi une lumière que je crains d’éteindre en l’agitant. […] Et ne voit-on pas que la nation européenne chère à Tocqueville, restée la plus décentralisée et la plus aristocratique, et qui peut se permettre même un demi-essai, très honorable, de fédéralisme libéral, c’est la nation qui, à l’ancre au milieu des mers, a moins à craindre qu’une autre de la guerre perpétuelle qui pèse, ou en acte, ou menaçante, sur l’Europe entière ? […] Très opposé au suffrage restreint qui crée « une petite oligarchie bourgeoise préoccupée de ses seuls intérêts et totalement séparée du peuple », il ne craint pas de faire passer la volonté populaire à travers une première sélection, avant qu’elle arrive à se personnifier dans l’Assemblée nationale. […] Une magistrature n’est indépendante que dans deux cas : si elle a un caractère sacré dans un pays très religieux, si elle est assez forte par sa richesse pour n’avoir rien ni à espérer ni à craindre de personne ; dans les deux cas, si elle est indépendante, c’est qu’elle est ou une caste ou une classe, c’est-à-dire un pouvoir, dans le sens précis du mot, une force autonome.
Voici : d’Axa n’avait pas craint d’ouvrir une souscription destinée à venir en aide aux femmes et aux enfants des compagnons détenus ou assassinés. […] Les uns répètent aujourd’hui le geste qu’ils faisaient hier, remâchent les mots ternes, symboles de pensée rudimentaire que leur apprirent leurs dirigeants, obéissent aux notions imposées leur fussent-elles nocives, craignent de se distinguer, adorent en l’enviant le bâton qui les frappe, croient au Maître. […] Je crains que, comme tous les réalistes, comme M. Zola qui, presque toujours, porta sur les poètes les jugements les plus faux, comme enfin Edmond de Goncourt qui ne nomma nul poète pour son Académie, je crains que M. […] Il n’est même pas excessif d’affirmer qu’ils restèrent presque toujours au-dessous de la vérité, soit qu’ils aient craint d’être taxés de parti-pris, soit que, rentrés dans la vie civile, ils aient un peu oublié les horreurs qu’ils subirent.
On n’a donc pas craint, à mesure qu’on avançait dans les siècles plus à découvert, d’assembler un nombre plus grand d’explorateurs et d’amateurs.
. — Il n’y a que les petits hommes qui craignent les petits écrits. — Le hasard fit les distances, l’esprit seul peut tout changer. — Courtisan, on dit que c’est un métier bien difficile.
Nous aussi, enfin, nous voilà libres ; nous ne sommes plus déterminés à désirer ou à craindre.
« Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort je ne crains pas qu’il m’arrive du mal ; ta houlette et ton bras sont ma sécurité.
CXIII Mais l’amour d’un débauché qui a vu une innocente, et qui pense l’emmener dans sa maison, est un charbon ardent qui brûle la main et qui ne laisse pas dormir celui qui ne craint pas Dieu plus que le feu dans ses veines.
il craignait sans doute de nous informer trop tôt de la condamnation sans remède de Hyeronimo ; mais chaque heure de silence nous paraissait le coup de la mort pour tous les quatre !
Les revendications féodales des légitimistes n’étaient pas à craindre : ce fut contre la démocratie que M.
Remarquez que Joad est ou se croit profondément désintéressé, qu’il s’imagine travailler pour Dieu et agir sous son inspiration, que, si j’entends bien la magnifique scène de la prophétie, il sacrifie à ce Dieu la vie de son propre enfant et que la vision du meurtre de Zacharie ne l’empêche point de faire ce qu’il croit être son devoir dans le présent Les fanatiques sont gens fort curieux, surtout dans un drame, où l’on n’a rien à craindre de leur manie.
Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou ?
On peut craindre que la caractéristique de nos esprits ne finisse par s’atténuer ; qu’à force d’être européen, notre génie ne devienne enfin moins français.
Et cependant on prit des précautions vis-à-vis de lui, tant on le craignait.
que je crains l’étude médicale du cas de Bernadette Soubirous, et la description du Lourdes commercial, des hôtels et des boutiques, et les plaies, et le grouillement des stropiats autour de la grotte, et les odeurs des trains de pèlerins, et les pelures de saucisson !
Il ne faut donc pas craindre d’y mettre tout ce qu’on peut imaginer de bonté et de beauté.
Aussi fit il, une fois seulement mais en une suite longuement enchaînée, s’enfler l’insatiable désir, de la timide confession, de la plus tendre attirance, au travers de l’hésitant soupirer, de l’espérer et du craindre, du lamenter et du souhaiter, du jouir et du souffrir, jusque le plus puissant pressement, la plus violente lassitude, pour trouver l’irruption qui au cœur ouvrît la voie en la mer de l’infinie joie d’amour.
— Eschyle n’a pas craint de noter ce bruit de leurs narines, nullement ridicule venant de pareils êtres ; le lion ronfle avant de rugir.
Entre la Vénus de Milo et une faunesse de Clodion, ne craignez pas que leur choix hésite.
J’aurais pris aussi la liberté d’en envoyer un à Sa Majesté votre Impératrice ; mais j’aurais craint que cette marque de mon souvenir ne lui fût pas agréable ; car lui ayant fait parvenir en 1773 un exemplaire de mon Voyage à l’île de France par la voie de M.
Dans l’île de Sardaigne, que les grecs nommaient Ichnusa à cause de sa ressemblance avec la plante du pied, Calaris, qui est Cagliari, était en quelque sorte sous la griffe punique ; Cibalis, en Mysie, avait à craindre les triballes ; Aspalathon, les illyriens ; Tomis, futur tombeau d’Ovide, les scordisques ; Milet, en Anatolie, les massagètes ; Dénia, en Espagne, les cantabres ; Salmydessus, les molosses ; Carsine, les tauro-scythes ; Gélonus, les sarmates arymphées, qui vivaient de glands ; Apollonia, les hamaxobiens rôdants sur leurs chariots ; Abdère, patrie de Démocrite, les thraces, hommes tatoués.
Cette considération est, à mes yeux, d’une si grande importance, que je ne crains pas d’attribuer en partie à ce vice de nos éducations actuelles l’état d’imperfection extrême où nous voyons encore les sciences les plus difficiles, état véritablement inférieur à ce que prescrit en effet la nature plus compliquée des phénomènes correspondants.
Comme la supériorité que la société a sur lui n’est pas simplement physique, mais intellectuelle et morale, elle n’a rien à craindre du libre examen, pourvu qu’il en soit fait un juste emploi.
Dans l’Horoscope La Fontaine met en lumière par deux exemples combien sont trompeuses les prédications ou les prévisions que certains pensent tirer de la conjonction des astres ; puis il se met à raisonner : De ces exemples il résulte Que cet art, s’il est vrai, fait tomber dans les maux Que craint celui qui le consulte ; Mais je l’en justifie et maintiens qu’il est faux.
Le Journalisme qui parla de lui était trop superficiel pour discuter ses idées, et on le laissa dans ses systèmes comme si on eût craint d’y toucher.
Mais cette leçon, l’Europe ne savait pas la lire dans la conduite de ces religieux qu’elle craignait tout en les frappant.
Il m’a paru valoir mieux qu’un éloge et ne pas craindre un examen impartial et désintéressé.
. — Si l’aristocratie romaine combattit toujours les lois agraires proposées par les Gracques, c’est qu’elle craignait d’enrichir le petit peuple.
Des chapitres ne craignent pas de s’intituler : « Influence de la Révolution républicaine de la Grèce sur la Perse, et de la Révolution républicaine de la France sur l’Allemagne. — Déclaration de la guerre médique (505 av. […] Craignons-nous que les misères inhérentes à notre nature d’homme ne remplissent pas assez ce court espace sans y ajouter des maux d’opinion ? […] Bref (et je ne dis rien de plus), Chateaubriand a fait tout ce qui était en lui pour que nous pussions supposer, par le rapprochement du texte de René et des Natchez et de celui des Mémoires, qu’il inspira une grande passion à sa sœur Lucile, un peu plus âgée que lui (charmante, mais mal équilibrée), et qu’il en fut lui-même fort troublé, comme l’indique ce qu’il fait dire à René par le Père Souël : « Votre sœur a expié sa faute ; mais, s’il faut dire ici ma pensée, je crains que, par une épouvantable justice, un aveu sorti du sein de la tombe n’ait troublé votre âme à son tour. » Notez enfin que, après le voyage au Canada, c’est Lucile qui marie son frère. […] Car, en portant aux cendres de M. de Chénier le tribut de respect que tous les morts réclament, je crains de rencontrer sous mes pas des cendres bien autrement illustres… Ah ! […] Charles Maurras a écrit, il y a quatorze ans, sur Chateaubriand homme politique, quelques pages admirables de pénétration et de couleur… Après avoir montré à quel point et de quel voluptueux amour cet homme aimait les calamités, les désastres et les ruines pour en nourrir sa tristesse, Maurras nous dit : « À ses façons de craindre la démagogie, le socialisme, la République européenne, on se rend compte qu’il les appelle de ses vœux.
Il craindrait d’être dupe, il croirait même commettre un péché. […] Et ainsi je crains d’avoir, lundi dernier, traité un peu légèrement notre auteur. […] Académicien, confrère d’un évêque, de plusieurs ducs, et de divers professeurs et moralistes, il n’a pas été hypocrite ; il n’a pas craint de chanter l’idylle faubourienne de sa quarante cinquième année. […] « … J’irai plus outre, dit l’intrépide bonhomme ; et quoique peut-être on voudra prendre cette proposition pour un paradoxe, je ne craindrai point d’avancer que le sujet d’une belle tragédie doit n’être pas vraisemblable. […] Les figures semblent lentement, lentement venir à nous d’un fond de fumée, un peu comme ces figures des tableaux de Carrière, d’autant plus expressives que c’est, on le dirait, notre regard qui les crée à mesure, et qu’en même temps nous craignons de voir s’évanouir leurs contours de fantômes.
Et tout se meut, sourit ou pleure, craint ou espère, se pourvoit de finalité à l’instant affectif de la méditation du poète. […] Cet emploi des images accumulées est d’un heureux effet, car l’émotion du poète, pour être communiquée dans sa vérité mouvante et ténue, doit craindre de s’enfermer dans une épithète nue, abstraite ou trop rigide. […] Qu’on ne craigne donc pas non plus l’intrusion dans notre poésie d’un sensualisme purement impressionniste. […] Je n’ai pas craint, en effet, de répéter souvent à quel point les symbolistes se sont montrés d’abord ignorants de l’œuvre qu’ils accomplissaient collectivement.
. — Je ne les crains pas, je ne sens mon cœur que pour toi seule. — Parle-moi, quand ce serait avec courroux. […] Haydée « ne parle point de scrupules, ne demande point de promesses. » Elle ne sait rien, elle ne craint rien. « Elle vole vers son jeune ami comme un jeune oiseau1313. » C’est la nature qui soudainement se déploie, parce qu’elle est mûre, comme un bouton qui s’étale en fleur, la nature tout entière, instinct et cœur. « Hélas !
Barrès a déjà conspiré, sans craindre le ridicule d’une défaite ; raconte-t-il ses désillusions ou ses espérances ? […] Il faut être différent des autres êtres ; par l’âme, comme on est différent par les apparences corporelles, « craindre que l’habitude, la routine, ne dominent notre conduite, prolongeant en nous l’envahissement d’une vitalité étrangère ». Les grands tyrans à craindre, ce sont les mots ; il y a là une page remarquable : « Qui dira jamais le pouvoir des mots sur la vie ?
Keats rencontra par hasard ses poésies à Oxford, au temps où il écrivait Endymion, et trouva dans l’une d’elles une « fantaisie très délicate, dans le genre de Fletcher » mais je crains bien que de nos jours l’incomparable Orinda ne trouve plus un seul lecteur. […] Ainsi donc je t’enjoins de ne rien craindre pour toi de la Destinée et de ses actes, mais de les craindre pour moi, et je t’enjoins de prêter une oreille secourable à mon danger. […] Vous avez emprunté à la France jusqu’au langage de vos statuts, mais les Français ne craignent pas d’imposer leur loi, et vous, vous avez peur d’appliquer la vôtre.
Mais ne craindraient-ils pas d’avoir un reproche à se faire à eux-mêmes, si, par une opinion légèrement énoncée, ils parvenaient à m’ôter ou du moins à me rendre plus difficile le courage dont j’ai pu avoir besoin pour sacrifier, à ce que je regardais comme un devoir, des convenances que mon éducation et mes habitudes m’avaient appris à respecter ?
Il nous est donné d’assister à une contradiction étrange et qui, je le pressens avec douleur (et rien qu’à voir les éléments inflammables qui s’amassent), est de nature à faire craindre quelque choc, une collision dans l’avenir.
L’alliance prussienne est une duperie, puisque la Prusse est, par sa situation géographique, la pointe de l’épée russe sur le cœur de la France ; puisque, par son ambition et par ses affinités traditionnelles, la Prusse est un cabinet annexe de l’Angleterre ; puisque, par sa rivalité germanique avec l’Autriche, la Prusse est le noyau de l’unité allemande, unité que nous devons craindre comme la mort.
Ils n’ont pas les moyens de savoir si c’est le vagabondage qui veut les exploiter, ils craignent d’être trompés ; ils font l’aumône autrement, à grandes proportions, souvent par des mains indirectes.
La reine et Bothwell craignirent qu’il n’y portât ses plaintes contre l’humiliation et l’impuissance auxquelles il était condamné, qu’il n’y fît appel aux mécontents de la noblesse et qu’il ne marchât à son tour contre Édimbourg.
XV La cour de Berlin ressemblait à celle de Denys de Sicile : un roi jeune, vainqueur, absolu, très-élevé par le génie et par l’instruction au-dessus de son peuple, aimable quand il avait intérêt à être aimé, terrible quand il fallait être craint, prince grec au milieu des Teutons demi-barbares, joignant aux élégances d’Athènes les mœurs suspectes de la Grèce, philosophe par mépris des hommes, poëte par contraste avec son rang, réunissait autour de lui une société nomade d’aventuriers d’esprit, fuyant leur patrie et cherchant fortune.
L’autorité civile, se souvenant du siècle précédent, craignit que la secte religieuse ne contînt le germe d’un parti politique, et crut de son intérêt de faire cause commune avec les jésuites, servant ainsi ceux qui devaient la combattre et persécutant ceux qui devaient la défendre dans ses rapports avec Rome.
Il craignait beaucoup plus la réputation qu’il ne la souhaitait, estimant qu’elle diminue toujours quelque chose de la liberté et du loisir de ceux qui l’acquièrent ; deux choses qu’il considérait comme les deux plus précieux avantages de sa retraite.
Je crains fort que nos écrits de précision de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, destinés à donner quelque exactitude à l’histoire, ne pourrissent avant d’avoir été lus.
Un pays qui contient des maîtres comme Villiers, Stanford, Cowen, Mackenzie et quantité d’autres, n’a pas à craindre des comparaisons avec aucune autre nation dans tout ce qui se rapporte à la science et au talent naturel.
Elles ont senti que ces âmes-là, l’auteur les aime ; au risque d’être incompris de quelques-uns, il n’a pas craint de se montrer tendre, spontané, ni même de redire l’éternel.
Je n’en sais rien, mais je suis bien malheureux de ce livre non terminé, et c’est pour moi comme une victoire, chaque chapitre que j’ajoute au manuscrit, avec la hâte d’un homme, qui craindrait de n’avoir pas le temps d’écrire tous les articles de son testament.
Craignez-vous d’être infidèles au culte des anciens ?
Lorsqu’après plus de soixante ans on voit cet attardé reprendre par terre, où elles étaient tombées, toutes les impiétés de Voltaire, on ne craint pas, malgré le talent dont il abuse, de lui dire sur la tête qu’il est un esprit inférieur.
Mais je crains que cette essence très subtile ne soit de celles qui se décomposent à la lumière.
Comme il craint d’en être oublié ! […] Car il serait peu séant et maladroit de n’admirer que soi-même, et l’on coopère volontiers à des gloires dont on ne saurait avoir rien à craindre. […] Anatole France, dans les lignes suivantes, nettes, simples, belles, et, à mon sens du moins, irréfutables : « Je ne crains pas qu’on dise qu’il y a absurdité à supposer une même méthode appliquée par une foule d’individus différents.
Il faut songer que l’homme en qui se remuent ces grandes idées bat en grange, nettoie ses vaches, va piocher de la tourbe, clapote dans une boue neigeuse, et craint en rentrant de trouver des recors qui le mèneront en prison. […] Lord Byron s’exila sous la même contrainte, et quand il partit, ses amis craignirent que la foule assemblée autour de sa voiture ne portât les mains sur lui.