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1217. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Les deux ouvrages imprimés eurent, devant le public, le même sort qu’à l’académie de Marseille : on en porte encore aujourd’hui le même jugement ; et celui de Chamfort est resté comme un des morceaux les plus précieux que le genre de l’éloge nous ait fournis.

1218. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Si les Juifs eussent voulu adopter la loi chrétienne, ils fussent restés en corps de nation à cette époque ; mais le jugement de Dieu reposait sur ce peuple, dont la mission devait se borner désormais à être le gardien des promesses anciennes, et à entretenir des témoins désintéressés et impartiaux parmi les Gentils appelés à la foi.

1219. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Aristote avait reconnu que les règles premières de nos jugements étaient données par la logique et par les formes absolues du langage ; Kant a déduit de ces formes absolues les notions a priori de l’entendement.

1220. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Justement effrayés du développement que prenait cette coutume du duel, d’origine religieuse, — puisque les jugements de Dieu, qui furent les premiers duels, partaient de l’idée (mal entendue, il est vrai), mais de l’idée de sa justice, — les rois, en France, ne cessèrent, depuis Louis IX jusqu’à Louis XIV, de s’opposer à ce développement et de le combattre.

1221. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Le Succès, qui n’est pas toujours le Jugement dernier, en a probablement la trompette.

1222. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

il mêle à l’admiration un jugement libre.

1223. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

On a bâclé contre lui un jugement superficiel et grossier qu’on tire bien plus des impossibilités de sa position que de la connaissance approfondie de son intelligence et de son âme.

1224. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

De ces deux êtres auxquels il devait sa couronne, Charles VII, que l’histoire appelle si amèrement « le Bien-Servi », laissa brûler l’une comme sorcière, et mettre en jugement l’autre comme concussionnaire et comme empoisonneur.

1225. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Presque tous saisis par la fierté du geste, dupes de l’éternelle duperie de l’attitude, ils ont consenti la grandeur de l’homme, même ceux qui l’ont insultée ; mais nul d’entre eux n’a dit une fois pour toutes le vrai, le pur, l’exact jugement.

1226. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

L’auteur de Saint Louis et son temps ne comprend son sujet qu’avec son esprit, et il ne le fait point sentir avec son cœur… Je sais bien qu’il est rare qu’on ait à mettre son cœur dans une histoire politique, où le jugement est bien assez pour la besogne qu’ordinairement on a à y faire ; mais la politique de Saint Louis n’est pas une politique d’homme d’État « qui a son cœur dans sa tête », comme le voulait Napoléon.

1227. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Je n’ai point ici à examiner le fond de la conscience religieuse de Henri IV, qui, d’ailleurs, n’appartient pas au jugement de l’Histoire.

1228. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Dans la préface de l’édition d’aujourd’hui, il y a, à propos des livres d’histoire publiés par lui et son frère, un jugement très ferme et très impersonnel sur le talent et sur ces livres, à tous les deux… Aucun critique par la plume de qui ces livres, qui embrassent tout le xviiie  siècle, ont passé, n’a mieux dit.

1229. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Moraliste mondain, observateur de société, il en savait les petites lois et les grands ridicules, — et, puisqu’il s’agit de ses Lettres écrites de France et sur la France, il porta sur les hommes et les choses de la société de ce pays des jugements presque toujours justes et que l’amabilité et l’engouement dont il fut l’objet à Paris ne firent jamais fléchir.

1230. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Il serait, sans nul doute, resté, en toutes choses, l’homme de l’incroyable jugement sur Talleyrand, de La France en 1842, et cet homme était un rhéteur !

1231. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

Seulement, son jugement et sa condamnation surtout n’appuient pas assez.

1232. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

L’abbé Gratry, que la force intellectuelle du prêtre préserverait de cette philosophie d’inanité quand son ferme esprit ne l’en préserverait pas naturellement, l’abbé Gratry, qui a éprouvé en lisant Hegel quelque chose de la sublime angoisse des beaux enfants du Songe de Jean-Paul, quand la voix du jugement leur crie : « Il n’y a pas de Christ !

1233. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

On dirait que les tours de force de la politesse auxquels il s’est livré avec Renan, Taine et Vacherot, l’ont amolli en l’assouplissant, et qu’il ne sait plus se tenir debout dans un jugement rigoureux, si ce n’est devant les insensibles et impassibles idées, qui n’ont pas d’amour-propre à blesser !

1234. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Ce qui est acquis demeure acquis, en France surtout, en ce pays frivole et routinier, — et routinier justement parce qu’il est frivole, parce que revenir sur un jugement, c’est réfléchir, et qu’on ne revient pas quand on a si lestement et si étourdiment passé.

1235. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Avec l’immobilité des jugements des hommes, tout dépend longtemps, sinon toujours, du premier moment dans la vie.

1236. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Ce jugement paraîtra sans doute extraordinaire ; mais si l’éloquence consiste à s’emparer fortement d’un sujet, à en connaître les ressources, à en mesurer l’étendue, à enchaîner toutes les parties, à faire succéder avec impétuosité les idées aux idées, et les sentiments aux sentiments, à être poussé par une force irrésistible qui vous entraîne, et à communiquer ce mouvement rapide et involontaire aux autres ; si elle consiste à peindre avec des images vives, à agrandir l’âme, à l’étonner, à répandre dans le discours un sentiment qui se mêle à chaque idée, et lui donne la vie ; si elle consiste à créer des expressions profondes et vastes qui enrichissent les langues, à enchanter l’oreille par une harmonie majestueuse, à n’avoir ni un ton, ni une manière fixe, mais à prendre toujours et le ton et la loi du moment, à marcher quelquefois avec une grandeur imposante et calme, puis tout à coup à s’élancer, à s’élever, à descendre, s’élever encore, imitant la nature, qui est irrégulière et grande, et qui embellit quelquefois l’ordre de l’univers par le désordre même ; si tel est le caractère de la sublime éloquence, qui parmi nous a jamais été aussi éloquent que Bossuet ?

1237. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Planche était autoritaire autant, je crois, qu’on peut l’être ; dogmatique, point : car il ne s’était point fait de lois esthétiques à guider et soutenir son jugement. […] En vain lui faisait-on observer qu’il est singulièrement difficile de se détacher de soi-même pour juger, l’impression qu’on reçoit d’un ouvrage étant, sans doute l’origine nécessaire du jugement qu’on en porte. […] Surtout c’est développer, entretenir et comme nourrir cette impression première pour la transformer en un prétendu jugement qui est faire fausse route. C’est le moyen de ne mettre que soi-même dans la critique et de remplacer peu à peu ce qui doit être un jugement par une confidence. […] Il doit être plus : pour lui l’impression première n’est qu’une occasion de réfléchir sur les principes d’esthétique qu’il s’est faits, une impulsion qui met en jeu son intelligence et sa raison, lesquelles pourront porter un jugement tout autre que celui que sa sensibilité toute seule aurait porté.

1238. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

C’est-à-dire qu’elle a mal agi au jugement de la loi, afin de bien agir à ses propres yeux. […] Cette opposition se marque de plus en plus jusqu’à la fin, et le dénoûment est net, décisif et solennel comme un « jugement dernier ». […] Ne dois-je pas vous expliquer que je me trouve, pour entendre un drame sur Jeanne d’Arc, dans des dispositions particulières qui ne me laissent presque aucune liberté de jugement ? […] Ce combat ne finira apparemment qu’après le jugement dernier. […] Sforza vient lire à Danielo le jugement par lequel il est aussi condamné à mort.

1239. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Et qu’ont-ils ajouté eux-mêmes d’essentiel à ce jugement synthétique de Sainte-Beuve, qui dit tout : « Lamartine, en peignant la nature à grands traits et par masses, en s’attachant aux vastes bruits, aux grandes herbes, aux larges feuillages, et en jetant au milieu de cette scène indéfinie et sous ces horizons immenses tout ce qu’il y a de plus vrai, de plus tendre et de plus religieux dans la mélancolie humaine, a obtenu du premier coup des effets d’une simplicité sublime et a fait une fois pour toutes ce qui n’était qu’une fois possible. » J’ai dit qu’en feuilletant Fontanes et Chênedollé, on rencontrait des vers si harmonieux et si purs qu’il était assez difficile de dire en quoi ils différaient des vers de Lamartine. […] Et si je commence par la forme, c’est que j’éprouve le besoin de m’inscrire tout de suite en faux contre un jugement de M.  […] Vous savez le jugement de Musset sur Jocelyn (dans la première version de Il ne faut jurer de rien) : « Il y a du génie, du talent et de la facilité ». […] L’espèce de violence morale qu’il lui fait n’est pas seulement odieuse : elle est inutile, au jugement même de l’orthodoxie catholique. » Ils ont mal lu. […] Je vous rappellerai aussi le jugement de Leconte de Lisle, jugement très significatif et très précieux, si vous songez à quel point la négligence de Lamartine, et sa surabondance désordonnée, et la facilité de sa mélancolie et de ses larmes devaient offenser un artiste aussi soucieux de la perfection de la forme et de l’objectivité de la poésie que l’auteur des Poèmes barbares.

1240. (1927) André Gide pp. 8-126

Et Jésus dit : « Je suis venu dans ce monde pour un jugement, pour que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles  Quelques uns des Pharisiens qui étaient avec lui, entendant cela, lui dirent : Sommes nous aveugles, nous aussi   Jésus leur dit : Si vous étiez aveugles vous n’auriez point de péché. […] Dans ses jugements littéraires, que d’injustices contre Voltaire, Corneille, Ronsard, Hugo, Théophile Gautier et tout le romantisme ! […] Dans ses Jugements, M.  […] Gide ne faisant pas de politique, je n’ai même pas eu à me demander s’il était royaliste ou républicain, ce qui n’aurait d’ailleurs rien changé à mes jugements sur ses écrits.

1241. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

. —  Son jugement sur la religion, la science, la philosophie et la raison. —  Comment il diffame l’intelligence humaine. —  Les Voyages de Gulliver. —  Son jugement sur la société, le gouvernement, les conditions et les professions. —  Comment il diffame la nature humaine. —  Derniers pamphlets. —  Construction de son caractère et de son génie. […] Puis il conclut en doublant l’insulte : Ayant maintenant considéré les plus fortes objections contre le christianisme et les principaux avantages qu’on espère obtenir en l’abolissant, je vais, avec non moins de déférence et de soumission pour de plus sages jugements, mentionner quelques inconvénients qui pourraient naître de la destruction de l’Évangile, et que les inventeurs n’ont peut-être pas suffisamment examinés. […] Qu’on lise le Journal d’une dame moderne, l’Ameublement de l’esprit d’une dame, et tant d’autres pièces : ce sont des dialogues transcrits ou des jugements notés au sortir d’un salon.

1242. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Ce qu’il y a de plus beau, suivant moi, dans la peinture que Michel-Ange nous a faite du Jugement dernier, et ce qui corrige à mes yeux l’horreur d’un tableau où l’enfer domine, où les damnés abondent, c’est le groupe de femmes, à la droite du Christ, qui s’élèvent de terre et montent au ciel, non pas seules, mais en emportant des hommes avec elles. […] Souffrance, esclavage, subalternisation sur la terre ; mais rédemption proportionnée lorsque la trompette du jugement dernier sonnera, et que le Christ, le divin roi d’équité, paraîtra sur son trône, escorté de ses anges : voilà l’arrêt du Christianisme sur la femme. […] Et Michel-Ange, le sublime peintre, traduisait cette pensée, lorsqu’il représentait ces femmes de son Jugement dernier qui s’élèvent naturellement vers le ciel, comme le fer est attiré vers l’aimant. […] Voilà le jugement du Christ ; et, comme c’est la loi du Christ qui, en donnant à la femme un idéal de l’amour, a établi le mariage, la loi du Christ étant détruite, le mariage, en tant que servitude, est détruit du même coup.

1243. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Il n’a pas un jugement dégagé de l’agenouillement devant la politique à la façon du nôtre et qui lui permette de juger un Pasquier dans son inanité, un Thiers dans son insuffisance, un Guizot dans sa profondeur vide. […] Il n’y a que le jugement, il faut avant tout du jugement. Un quelconque. — C.. pour le jugement, rien que du goût, absolument du goût.

1244. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

A tout le moins, il est tel pour notre connaissance, et les jugements qui composent nos sciences ne portent que sur les impressions par lesquelles il se manifeste à nous. […] Dans ce grand vide inconnu que vous placez au-delà de notre petit monde, les gens à tête chaude ou à conscience triste peuvent loger tous leurs rêves, et les hommes à jugement froid, désespérant d’y rien atteindre, n’ont plus qu’à se rabattre dans la recherche des recettes pratiques qui peuvent améliorer notre condition. […] Douze cents pages m’ont exposé le jugement de Mill sur les diverses parties de la science, et l’abstraction isole son idée fondamentale, à savoir, que les seules propositions fructueuses sont celles qui joignent un fait à un fait non contenu dans le premier. […] Il y a donc des jugements qui sont instructifs, et qui cependant ne sont pas des expériences ; il y a donc des propositions qui concernent l’essence, et qui cependant ne sont pas verbales ; il y a donc une opération différente de l’expérience, qui agit par retranchement au lieu d’agir par addition, qui, au lieu d’acquérir, s’applique aux données acquises, et qui par-delà l’observation, ouvrant aux sciences une carrière nouvelle, définit leur nature, détermine leur marche, complète leurs ressources et marque leur but.

1245. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Si ses sentiments n’étaient exprimés que dans les Considérations, on pourrait jusqu’à un certain point n’y voir qu’une précaution habile prise par l’auteur, pour faire accepter la sévérité de quelques-uns de ses jugements. […] La passion est dans l’expression, mais elle ne trouble ni la clairvoyance du regard ni la droiture du jugement. […] La seconde est un jugement non moins ferme et non moins équitable sur la conduite de l’Europe envers la France. […] La perception succédant à la sensation et précédant le jugement, est une opération de cette intelligence qui, selon Leibnitz, n’est pas contenue dans la sensation, et de l’intellect agissant des scolastiques. […] Royer-Collard, contient une sensation, une perception, un jugement.

1246. (1887) George Sand

Il y a place maintenant, à ce qu’il semble, au milieu d’une indifférence réelle ou affectée, pour un jugement plus impartial, peut-être pour une admiration mieux raisonnée et plus libre. […] Il y a pour ces jeunes intelligences un égal péril ou de s’attacher exclusivement à une doctrine, quand on est incapable de l’examiner avec sang-froid, et d’y puiser l’enthousiasme exclusif d’un sectaire, ou bien de tout confondre et de tout mêler dans un éclectisme sans jugement, de rapprocher par des affinités de sentiment des noms et des dogmes disparates, comme Jésus-Christ et Spinoza. […] En 1836 un jugement du tribunal de Bourges prononça la séparation à son profit et lui laissa l’éducation des deux enfants. […] Mais c’était là l’erreur de son jugement, non de ses instincts ; elle restait fidèle d’intention à sa théorie, alors même qu’elle la trahissait. […] C’est tantôt un jugement amèrement résigné sur la vie et les hommes, tantôt une plainte aigre, un cri d’angoisse, un de ces cris qui se font entendre à travers le monde, et qui ont un long retentissement.

1247. (1900) La culture des idées

Au reste, je ne prétends pas dicter de jugements sur moi-même : un esprit de quelque hardiesse semblera toujours paradoxal aux esprits timorés. […] Huysmans est plus intéressant quand il conte, non ce qu’il a lu, mais ce qu’il a vu, quand il qualifie d’après ses yeux et compare ensemble les trois bas-reliefs, de Chartres, de Dijon et de Bourges, où sont figurées les joies et les angoisses du Jugement dernier ! […] Ainsi vous aurez montré à la fois l’indépendance de votre jugement et la tendresse de votre cœur. […] On trouvera peut-être, malgré mes affirmations, que je me contredis ; mais les jugements, quoique j’aie besoin, autant que nul autre, de la sympathie humaine, me troublent peu. […] de notre syntaxe, ne laisse pas que de nous troubler au souvenir, évoqué aussitôt, d’un célèbre jugement du roi Salomon.

1248. (1888) Portraits de maîtres

Nous ne parlerons pas des doctrines philosophiques et sociales que trahissent nos jugements sur les hommes et sur les faits. […] Le jugement d’ensemble : « ce ne sont que des pièces de marqueterie historique » ne nous paraît pas trop rigoureux. […] Elles témoignent contre son jugement à une certaine date, mais elles glorifient son cœur. […] Ce n’est qu’en s’affranchissant que Sainte-Beuve a trouvé ses meilleurs jugements, les plus sincères, les plus décisifs. […] La suite des temps a-t-elle donné raison ou tort à ses jugements, à ses prévisions ?

1249. (1894) Critique de combat

Il se peut que je me sois trompé çà et là dans mes jugements : il faut être pape ou fou pour se croire infaillible. […] Et alors (conséquence inévitable) les jugements portés et propagés d’un bout de l’Europe à l’autre ont été plus que cléments à ceux qui défendent l’ancien ordre social, plus que sévères à ceux qui rêvent une société meilleure. […] Cela nous vaut quelques jugements savoureux de M.  […] L’origine seule de ce jugement suffirait à le rendre suspect. […] Nos jugements nous jugent.

1250. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Le jugement féminin est peut-être sur ce point plus sûr que celui de nos savants. […] Chez les gens du peuple et les hommes primitifs, l’œil et l’oreille, au lieu de décider immédiatement ce qui est beau ou laid, ne font qu’enregistrer le jugement des autres sens. « Quelle est cette jolie plante ?  […] Dans nos jugements esthétiques sur une action donnée nous ne faisons pas plus abstraction de la fin poursuivie que dans nos jugements moraux : par exemple, l’action de se jeter à l’eau et même de s’y noyer n’a rien de beau en elle-même, elle n’acquiert de valeur esthétique que dans la proportion où elle acquiert une valeur morale, lorsqu’elle se justifie par un but de dévouement. […] Qu’elle soit suscitée par la légende ou par l’histoire, par une vision réelle ou imaginaire, il n’importe : elle correspond toujours à un jugement moral, chose sérieuse par excellence. […] Le jugement esthétique ne devient presque immédiat que par l’accumulation des expériences chez l’individu ou chez la race19.

1251. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Dans un excellent morceau que je lis, daté de 1813, sur la coquetterie, elle n’avait eu besoin que de consulter son observation de moraliste, son jugement sain et ses goûts délicatement sérieux, pour dire, par exemple : « C’est de trente à quarante ans que les femmes sont ordinairement le plus portées à la coquetterie : plus jeunes, elles plaisent sans effort, et par leur ignorance même. […] L’auteur est loin de refuser au ministre espagnol toute qualité affectueuse : « Nous nous trompons souvent dans nos jugements, quand nous penchons trop à supposer qu’un homme est tout à fait, est complétement ce qu’il est beaucoup.

1252. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

poursuivit-il d’une voix tranquille comme s’il nous avait dit bonjour, voici une citation des enfants et héritiers de Francesco Bardi et Domenico Cortaldo, représentants légitimes de la branche aînée des Zampognari, qui réclament, en vertu d’un jugement en bonne forme, le partage de la maison, domaine, eaux, bois et champs du domaine des Zampognari, leurs ancêtres, dont il ne vous revient que le quart, puisque vous, Antonio Zampognari, et vous, Magdalena Bardi, épouse de Felice Zampognari, vous ne représentez que le quart de la succession totale consistant dans le domaine habité et cultivé par vous. […] dit l’homme de loi, puisque vous n’en appelez qu’au bon Dieu, on vous enverra demain deux commissaires au partage qui limiteront votre quart d’avec les trois quarts revenant par le jugement aux Bardi de Bel-Sguardo ; j’oubliais de vous dire que, par un autre papier que voici, les Bardi, vos parents, ont vendu leurs droits sur l’héritage à Gugliamo Frederici, capitaine des sbires de la ville et du duché de Lucques ; c’est un brave homme avec qui vous pourriez vous accommoder et qui pourra, par charité, vous laisser le choix du quart du domaine qu’il vous conviendra de garder à vous, en réservant de faire valoir ses droits sur les intérêts accumulés, depuis que vous jouissez indûment de la totalité des revenus.

1253. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Le lendemain du jugement à mort, comme je vous ai dit, le bourreau vint avec les hommes noirs au cachot. […] Hyeronimo me dit à son aise que le moine ne m’avait pas blâmée de ma ruse, qu’il ne la trahirait pas jusqu’après sa mort ; qu’il avait un faible espoir d’obtenir, non sa liberté, mais sa vie de monseigneur le duc, si ce prince, qui était à Vienne en Autriche, revenait à Lucques avant le jour marqué dans le jugement pour l’exécution ; mais que si, malheureusement, retardait son retour dans ses États, personne autre que le souverain ne possédait le droit de grâce, et qu’il n’y avait qu’à accepter la mort de Dieu, comme il en avait accepté la vie ; que, dans cette éventualité terrible, le père Hilario le confesserait au dernier moment, lui donnerait le sacrement et ne le quitterait pas même sur l’échafaud, jusqu’à ce qu’il l’eût remis pardonné, sanctifié et sans tache entre les mains de Dieu.

1254. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

On reconnut dans le portrait la manière du modèle ; on y reconnut surtout une certaine audace d’idées et une certaine indépendance de jugements qui rappelaient la séve étrangère et qui marquaient alors toutes les œuvres écrites au bord du lac de Genève. […] Gibbon y était venu d’Angleterre pour être plus libre dans ses jugements sur les religions et sur la société ; il y avait écrit, pendant une séance de dix ans, la grande histoire de la décomposition et de la transformation de l’empire Romain par le christianisme.

1255. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Condamné pour ce fait à être pendu, par jugement de la prévôté, il appela au Parlement qui commua la peine en bannissement. […] Mais il faut bien entendre que le machiavélisme de Commynes a ses limites, et que son indifférence morale, sa liberté sceptique de jugement sont bornées par trois ou quatre affirmations positives et très fermes.

1256. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Et, bien que cela lui soit sans doute égal, je fais mes sincères excuses à cet honnête mort d’avoir failli porter sur lui un jugement téméraire. […] J’ai peur de m’être, à moi-même, mon ami le plus cher, c’est-à-dire d’être comme tout le monde ; or il m’arrive assez souvent, je vous assure, de mêler de l’ironie aux jugements intimes que je porte sur moi.

1257. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Il lui faut encore se diminuer dans son idéal toujours et sans cesse, au gré des directeurs de spectacles, des acteurs et surtout des actrices en renom, renoncer à toutes audaces et se résoudre à plaire à une collectivité qui ne peut être, quoi qu’il advienne, qu’une médiocratique agglomération de jugements, effarouchables à l’excès et n’ayant rien de comparable au jugement individuel, salutaire, élevé, supérieur et indépendant d’une élite de lecteurs.

1258. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Hugon racontait qu’il s’accusa, le samedi suivant, en confession « d’avoir formé des jugements téméraires sur la piété d’un saint évêque ». […] Gottofrey ; mais il avait bien plus, de rectitude de jugement.

1259. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

C’est que, prise dans son ensemble, la France est toujours la reine des nations ; c’est que, nulle part, les succès ne font autant de bruit ; c’est qu’une jeunesse ardente et instruite fermente suries bancs de ses universités ; c’est enfin qu’au milieu même de ce monde si prosaïque et si superficiel, se trouvent peut-être cinq cents personnes, femmes et hommes, dont l’âme est aussi poétique et aussi rêveuse que dans les montagnes de l’Écosse ou sur les bords de l’Arno, et qui ne possèdent pas moins cette promptitude de conception, ce jugement sain, cette délicatesse de tact que rien n’égale et ne remplace chez les autres peuples. […] Vous tous, qui avez la science, le jugement et l’imagination, ne formez qu’une ligue en faveur de l’ordre et de la civilisation ; tournez vers le bien et vers le beau toutes les facultés que vous avez reçues du Ciel, mettez en commun tous vos trésors et toutes vos forces pour faire avancer le grand œuvre du 19e siècle, et laissez les versificateurs continuer en paix leur innocent métier.

1260. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Quel que soit le jugement politique ou moral qu’on hasardera sur l’émigration, et qu’on répète ou non à son sujet un mot comme celui du P.  […] Ses plaidoyers sont des plaidoyers que le jugement de l’histoire ne confirme pas très souvent. […] Les jugements de Mme de Staël ne viennent pas tant de ses lectures que de ce qu’elle a entendu dire pendant quatre mois dans les cercles de Weimar. […] Il le fut par son jugement et sa finesse, par la correction élégante de ses vers. […] Hôte de Ferney, admirateur du maître, Voltaire l’avait désigné pour son disciple, avait donné l’investiture à ses jugements.

1261. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Quelque jeune ami, — et il en avait de cet âge, et un particulièrement bien digne de lui134, — devrait se donner pour tâche pieuse de recueillir dans ses divers écrits, et aussi dans les lettres pleines d’effusion et nourries de détails qu’il adressait à ses amis de France durant ses voyages d’Allemagne et d’Italie, des extraits, des pensées, des jugements, de quoi rappeler et fixer dans la mémoire quelques traits au moins de la physionomie de cet homme excellent dont les qualités morales et la candeur égalaient la haute intelligence.

1262. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Or, voir une chose en se souvenant d’une autre, soutenir, au sein de sa pensée, des rapports multiples et presque contraires en les dominant, c’est l’opposé du taureau ardent, c’est le propre du jugement humain par excellence ; et, dans l’exécution des œuvres, c’est la gloire de l’art.

1263. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Il n’en raisonne point, il n’arrive point à des jugements nets ; mais toutes ces émotions sourdes, semblables aux bruissements innombrables et imperceptibles de la campagne, s’assemblent pour faire ce ton habituel de l’âme que nous appelons le caractère.

1264. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Je pourrais en détacher des tableaux pleins de suavité et d’éblouissement : Les Amours de Léda et du Cygne sur l’Eurotas, Le Jugement de Pâris sur l’Ida, Entre les trois déesses ; mais j’aime mieux, comme indication originale, donner la pièce intitulée : Midi.

1265. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Un jugement ferme et sain.

1266. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Les jugements que l’on porte sur la vie ascétique partent du même principe : l’ascète se sacrifie à l’inutile ; donc il est absurde ; ou, si l’on essaye d’en faire l’apologie, ce sera uniquement par les services matériels qu’il a pu rendre accidentellement, sans songer que ces services n’étaient nullement son but et que ces travaux dont on lui fait honneur, il n’y attachait de valeur qu’en tant qu’ils servaient son ascèse.

1267. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Un jugement, un raisonnement, une conception abstraite, une association d’idées sont des faits naturellement simples et surtout homogènes.

1268. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Au reste, les critiques anglais, et Bain à leur tête, viennent de reconnaître en lui « un psychologiste d’un ordre peu commun » ; et nous nous associons pleinement à leur jugement : « que ses traités sont des plus suggestifs que l’École de l’expérience ait publiés en Angleterre, dans ces dernières années. » Signalons encore M. 

1269. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Quintilien n’avoit pas calculé les bévûës ni discuté en détail les fautes réelles et les fautes rélatives des écrivains, dont il a porté un jugement adopté par les siecles et par les nations.

1270. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Assurément, c’est là une opinion qu’on peut appuyer et défendre, mais un homme d’une certaine vigueur de jugement nous aurait donné la raison de la préférence de son esprit dans une question qui contient, en ce moment, l’avenir du monde.

1271. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Il a fait son œuvre, et son œuvre appartient au jugement des hommes.

1272. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Roselly de Lorgues a passé gratuitement condamnation sur les jugements qu’on a fait subir à son héros.

1273. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Cherchant aujourd’hui le droit dans le fait à propos de la Ligue qui l’avait trouvé dans le ciel, et en face de la race nouvelle érigée sur les débris des races anciennes parmi nous, il aurait proclamé l’arrêt suprême et vu ce que tout le monde sans exception verrait pour le moment en France, si la pitié pour les victimes n’attendrissait le jugement contre les coupables, et si quelques gouttes du sang de martyr de Louis XVI ne nous étaient entrées dans les yeux pour nous retomber sur le cœur !

1274. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Le droit de vie et de mort, qui n’existe plus dans nos systèmes énervés de gouvernement, et qu’a gardé, comme un dernier vestige du droit romain, la monarchie française jusqu’à Henri III, qui fit tuer Guise sans jugement, et Louis XIII, le maréchal d’Ancre, ce droit terrible était inhérent au pouvoir politique chez les Romains.

1275. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Une fois l’esprit engrené dans cette logique, on devine ce que va devenir le gouvernement d’Innocent III dans les jugements du comte de Gasparin.

1276. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Paul de Saint-Victor a cet avantage pour le public d’avoir sur Goethe les opinions admises en Europe, et son livre est plus qu’un jugement littéraire sur le talent ou le génie de Goethe.

1277. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Ce livre qui, de la personne très peu connue jusqu’ici et maintenant plus étudiée de Saint-Martin et de ses idées, s’élève jusqu’à la hauteur d’une discussion et d’un jugement sur le mysticisme en général, est une œuvre qui veut être impartiale et sévère.

1278. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Ses jugements pèsent autant en avant qu’en arrière, et ils se gravent encore mieux dans la tête des hommes qui survivent que sur le marbre des tombeaux.

1279. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Bref, il tirait à la fois de lui-même, en quelque sorte, les ouvrages à juger et les principes de son jugement ; et, dans la plupart des études qu’il consacrait aux inventions des autres, c’était lui le principal inventeur. […] Comme il n’est ni mérite, Ni goût, ni jugement qui ne soit contredit, Que rien n’est vrai sur rien, qu’importe ce qu’on dit ? […] Et, alors, je me sens absous, par l’exemple d’un tel maître, de mes étroitesses à moi, de ce qui, dans mes impressions ou dans mes jugements, peut sentir la candeur de l’enfance ou les préventions du collège… Francisque Sarcey Bibliographie dramatique : Souvenirs d’âge mûr, de M.  […] Dumas, parce que je sens très nettement que nous ne portons pas sur ses personnages le même jugement moral. […] » Et nous voyons enfin clairement ce qu’il y avait en elle, par-dessous la vanité et la bassesse du jugement : le désir du fruit défendu, le désir de caresses plus jeunes et plus conformes à ce que rapportent les romans des ivresses de l’amour, et, sous la nostalgie des clairs de lune et de tout le décor romanesque, l’impureté toute crue.

1280. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Or le sûr jugement des œuvres d’art exige l’égale et pleine intelligence et de la forme et du fond. […] Un critique prétendu européen n’arrivera jamais qu’à porter, sur les œuvres particulières des écrivains étrangers à son pays, des jugements sans finesse, à la fois outrés et incomplets. […] Une critique un peu vive de nos écrits nous fait souffrir davantage, nous ulcère plus à fond que ne ferait un jugement défavorable porté sur notre caractère, et se pardonne bien plus malaisément. […] Mais, si j’essayais de formuler un jugement sur l’ensemble, j’en serais fort empêché. […] Des Granges appelle « le sens du relatif » dans le jugement des œuvres d’art, et communique à la critique de cet homme du premier Empire une souplesse et une libéralité fort remarquables pour son temps.

1281. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Le duc de Telramund offrit de soutenir son accusation au jugement de Dieu, par un combat à la vie et à la mort. […] Comte de Telramund, tu vas être convaincu de fausseté par le jugement de Dieu. […] La vérité divine, comme un jugement dernier, le réduirait en poudre. […] Comme un chrétien, il attend le jugement dernier. […] Il l’a déclarée cent fois infaillible, et il attend, il presse son jugement.

1282. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

C’est l’opinion, le jugement motivé d’un savant que nous demandons ici. […] Mais « les maladies nous gâtent le jugement et le sens. […] S’il s’agit de porter un jugement sur le personnage, il est donc permis de trouver que la plupart du temps, jusque dans ses pires friponneries, il porte une bonne humeur égale et souriante qui n’est pas toujours assez éloignée du cynisme. […] S’ils étaient aveugles, ils n’auraient fait que m’entendre, ils m’auraient admiré, car je parlais d’or ; mais ils ont des yeux, ils m’ont vu, et ma mine a tout perdu ; ergo, si leurs yeux n’y voyaient goutte, leur jugement y verrait clair. […] L’auteur de Manon Lescaut ne les a point appelés « ces composés enchanteurs », comme le dit Sainte-Beuve, ce qui serait effectivement un jugement en deux mots, mais bien « ces composés d’Enchanteurs et de Géants, d’intrigues galantes et de combats », ce qui est un autre jugement, et assez différent du premier.

1283. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Aucun n’entre dans le vif de la question, ne tente la synthèse ou l’histoire des idées à la fin du xixe  siècle, comme Brunetière le fit pour le xviie  siècle ; et nul ne pratique pour cela la méthode critique prônée par Remy de Gourmont, si nécessaire pour s’assurer un jugement sain : la dissociation des idées. […] Le public, pressé dans ses jugements, se passe de confirmations concluantes. […] Guidés par les nécessités de la vie qui, de plus en plus orientent nos actes vers la pratique, nous avons besoin de classifications faciles et de jugements bien ordonnés. […] Le critique, placé au rond-point où convergent toutes les facultés d’un tempérament, a le devoir de réagir contre ce jugement sommaire et de parcourir successivement toutes les avenues d’un talent. […] Qu’on relise les interviews et les manifestes de ce temps ; on se convaincra du peu de rapport entre les œuvres et les jugements sur les œuvres.

1284. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Il me suffit de vous dire, en général, que je trouve dans le cours de cette comédie, qui est d’un goût tout nouveau, autant de génie que d’esprit, et, si je l’ose dire, autant de jugement que d’imagination ; c’est ce que bien des gens sont incapables d’apercevoir ; car enfin tout y est préparé, amené, combiné, filé, contrasté, raisonné, conduit, comme dans les ouvrages des plus grands maîtres. […] monsieur le duc, un mot, je vous cherchais. » Tout cela dit l’un sur l’autre, et moi, resté planté là pour reverdir, si bien que ce matin, l’avant rencontré, je l’ai abordé en lui disant : « Fort bien, monsieur, et prêt à vous servir. » Il ne savait ce que je lui voulais dire, et je l’ai fait ressouvenir qu’il m’avait quitté la veille en me demandant comment je me portais, et que je n’avais pas pu lui répondre plus tôt. » Ce sont ces légers travers, ces enivrements du poëte qui se croit arrivé et qui nage en pleine gloire, ces airs de petit-maître enfin, qui choquaient Piron et lui faisaient porter un jugement trop définitif d’après ce qui n’était qu’une impression très-juste et prompte, mais d’un seul moment. […] Il va un peu loin encore, lorsque, désavouant un propos qu’il aurait tenu au roi de Prusse à son sujet, il écrit : « Le roi de Prusse peut m’être témoin qu’il ne m’a jamais parlé de Piron, et que je ne lui ai jamais parlé de ce drôle de corps, qui était alors absolument inconnu. » Piron, en 1740, n’était point « absolument inconnu » ; mais Voltaire a complètement raison lorsque, dans une lettre de cette même année 1776, il donne ce jugement aussi modéré que bref, définitif, et qui achève de régler leurs comptes à tous deux devant la postérité : « Mes amis m’ont toujours assuré que, dans la seule bonne pièce que nous ayons de lui, il m’avait fait jouer un rôle fort ridicule.

1285. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Si j’avais, par exemple, à développer devant mon spirituel auditoire Une théorie ridicule sur la comédie, une critique absurde dans ses principes et dans ses conclusions, dont l’auteur, homme d’imagination d’ailleurs et parfois de jugement, se serait appuyé sur les plus étranges axiomes et sur les définitions les plus arbitraires, pour préparer et amener quelque jugement impertinent sur un grand poêle ; il ne me serait pas difficile de faire rire les gens d’esprit qui m’écouteraient ; je n’aurais qu’à reproduire fidèlement ces doctrines ridicules. […] Si Le Misanthrope ne rentre ni dans le comique avoué, ni dans le comique d’observation, ce n’est pas une comédie de caractère, et si cette pièce n’a pas d’intrigue (de légers incidents sans liaison entre eux, la querelle littéraire avec Oronte, le jugement du procès dont on parle sans cesse, la manière dont Célimène est démasquée, ne suffisent pas à constituer une intrigue), Le Misanthrope n’est point une comédie du tout.

1286. (1925) La fin de l’art

Il n’avait pas toujours beaucoup de distinction dans sa prose et il y en a moins que jamais dans ces lettres à un camarade ; l’on y verra du moins la preuve qu’il est quelquefois bon de séparer l’homme de l’écrivain et d’en faire l’objet de deux jugements séparés, si l’on tient à juger. […] J’entends un vrai Boileau, non un insulteur sans solidité, un homme qui saurait motiver ses jugements. […] Quoi qu’il en soit, un syndicat de médecins dénonça cette femme pour exercice illégal de la médecine et après plusieurs jugements favorables ou défavorables, la Cour d’appel vient de l’acquitter définitivement et, par conséquent, lui rendre la liberté d’imposer les mains tant qu’elle voudra.

1287. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

— Notre jugement peut bien aller jusqu’à élire avec quelque équité le bouquet Lamartine, Hugo, Musset, Vigny, Baudelaire, Verlaine, Mallarmé… parmi quoi c’est la nuance de notre teint qui choisit. […] — À une telle question quelle réponse faire qui ne soit avant tout le résultat d’une inclination sentimentale étayée par des jugements plus ou moins fondés et rationnels. […] Et néanmoins il ne me répugne point d’admettre un tel jugement et je ne le veux ronger ni de restrictions ni de réserves, convaincu que tout autre renfermerait une dose quasi équivalente d’erreur.

1288. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Or, qu’on me permette préalablement à tout jugement une question, — bien française, celle-là : — peut-on être ce que l’on appelle un homme de génie et être ennuyeux ? […] Et quand on songe que Gœthe, cet arrangeur, avait derrière lui, pour s’en inspirer, cette ribambelle et cette ribaudaille de démons : lago, Lovelace, Tartufe, don Juan, Valmont, le Satan de Milton et celui de Byron dans la Vision du Jugement, tous les dandies de la terre, Voltaire dans Candide et Talleyrand pendant quatre-vingts ans d’existence, on est tout étonné que Gœthe, ce tondeur sur tous les œufs pour en rapporter quelque chose, n’ait pas tondu sur ces œufs-là, qui sont des œufs d’autruche, et ne nous ait pas donné mieux que son grand diable, déhanché et maigre, qui ne paraît à l’imagination éveillée, pour peu qu’elle ait une conception juste du diable, qu’un Crispin, — un Crispin de l’Enfer, écrasé par ce nom de Méphistophélès que le polisson ose porter ! […] Dès les premiers jugements d’ensemble qu’il porte sur l’organisation de l’homme dans Gœthe, on reconnaît la vibration staëlique.

1289. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

On voit de ce dernier un tableau du jugement universel placé dans la Sacristie des Minimes du Bois de Vincennes. […] Du reste, il lui pardonna cette faute de jugement en faveur de quelques morceaux qu’on regretterait de voir écrits en prose. […] Quelques-uns de nos contemporains appellerent de ce jugement au Génie même ; il daigna y joindre quelques interprétations en leur faveur. […] Ils soutinrent que l’imagination devait précéder le jugement, & que, d’ailleurs, ils avaient fait preuve, à la fois, de jugement & d’imagination. […] Il en citait pour exemple, & l’Abbé Desfontaines, & son successeur, qui ne recuserent ni l’un ni l’autre son jugement.

1290. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Bourget sont pour le roman qui prouve, pour la peinture de la vie qui amène à porter un jugement sur la vie. […] Voici une impression que je soumets au jugement des bons lecteurs, et que je retirerai bien volontiers s’ils ne la confirment pas. […] Le jugement de la postérité sur Bossuet et Monod est bon. Le jugement favorable des classes moyennes sur M.  […] De sorte qu’un critique prendrait, dans les premiers volumes d’une histoire du roman, des habitudes de classification et de jugement dangereuses.

1291. (1886) Le naturalisme

On a prononcé des jugements fort différents sur le mérite de ces deux livres. […] Dédaignant l’opinion de la foule de ses admirateurs comme de celle de ses insulteurs, il ne tient aucun compte du jugement de la multitude. […] Comme chaque auteur entend la morale à sa manière, ils l’expliquent ainsi : je laisse au jugement du lecteur de décider ce qui est le plus mauvais, de laisser la morale de côté ou de la falsifier. […] Le lecteur n’ignore pas combien les jugements généraux en matière de morale sont parfois sans fondement et erronés. […] Mon jugement est celui qu’émettent les critiques qui considèrent surtout le côté littéraire, et en second lieu, comme il est juste, le côté moral, et qui voient que la fabrication précipitée et la sujétion au goût du public font tort à la fraîcheur, à l’inspiration et à l’énergie de la pensée.

1292. (1913) Poètes et critiques

L’auteur du poème fut maltraité par les tribunaux ; mais le jugement du public lettré ne se laissa pas égarer, et tous les gens qui, pour crier « bravo !  […] Que ne puis-je citer ici le jugement de celui qui fut la critique même, du maître des maîtres, de M.  […] À cet ascendant de la personne, au charme du regard ouvert, lumineux et direct, aux caresses de la voix chaude, enveloppante, se joignaient toute la force des convictions, toute la précision des jugements, toute l’élévation de la pensée. […] Par bienséance, et j’ajoute par modestie, il ne se croyait pas tenu de discuter les jugements de l’historien. […] La morale des stoïciens a pu tenir dans le Manuel d’Épictète, et toutes les bibliothèques des philosophes, au jugement du plus grand orateur romain, ne valaient pas le répertoire minuscule, mais sacré, des lois des douze tables : vingt volumes de lyrisme épais, amplifié, diffluent, « expansif », peuvent être moins pleins que le fasciculet de romances d’un vrai poète.

1293. (1930) Le roman français pp. 1-197

Je ne puis me lasser de les relire, avec la même joie, la même curiosité, le même enthousiasme… Comment, après de tels précédents, oser décider de l’avenir de tel ou tel roman contemporain, du jugement que portera sur lui la postérité ? […] Victor Giraud, et je ne puis que m’accorder avec lui dans ce jugement sévère. […] S’ils eussent été bonapartistes, le jugement parti du salon de la princesse Mathilde eut sans doute été tout différent. […] J’ai reçu de lui les plus hautes leçons, sinon d’art — le sien fut inimitable — du moins de liberté de jugement : car nul homme jamais ne fut plus libre de sa pensée, au point qu’on l’accusa « d’anarchisme intellectuel ». […] Il ne s’agit plus de juger, mais de s’arranger pour ajourner le jugement.

1294. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Devions-nous au roi de Piémont le droit impuni d’aller, à la tête d’une armée royale, poursuivre, assièger, bombarder dans son dernier asile, à Gaëte, un jeune roi à qui sa jeunesse, innocente du despotisme de son père, n’avait pas même permis de commettre des fautes qui motivent l’animadversion d’un ennemi ou le jugement d’un peuple ? […] Le jugement des intéressés exprimé par des armées et rédigé par des conquêtes est suspect à tout le monde.

1295. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

IV Je ne voulus pas prendre la plume et analyser la perte que la littérature classique venait de faire en lui, dans le premier moment de ma douleur : je craignais que le cœur en moi ne faussât le jugement ou n’exagérât l’éloge ; je voulais rester vrai pour être juste. […] ces jugements si défavorables, ces portraits si peu ressemblants que la presse multiplie, n’ont-ils rien qui puisse vous choquer, Milady ?

1296. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Ils mettaient la piété au-dessus de tout, mais ils s’efforçaient de former la volonté et le jugement, afin qu’on pût faire en ce monde tous les devoirs d’un état honnête. […] Voltaire disait encore qu’il estimerait moins les Provinciales si elles avaient été écrites après les comédies de Molière : on comprendra ce jugement paradoxal, si l’on regarde avec quelle puissance expressive, quel sens du comique, et quel sûr instinct de la vie, sont dessinées les physionomies des personnages que Pascal introduit ; deux pères jésuites surtout, subtils et naïfs, celui dont l’ample figure occupe la scène de la 5e à la 10e lettre, et celui dont la vive esquisse illumine la 4e Provinciale.

1297. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Beaucoup de mes jugements étonnent les gens du monde parce qu’ils n’ont pas vu ce que j’ai vu. […] Beaucoup de personnes demanderont sûrement ce qu’était cet ouvrage, pour lequel mon respectable directeur croyait qu’il fallait une préparation spéciale de jugement et de maturité.

1298. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Qu'ils m'entendent, qu'ils me communiquent les Pieces justificatives du Libelle, & j'adopte & signe sans balancer leur jugement. […] Ducis me seroit parvenu avant qu'on eût achevé d'imprimer l'article Voltaire, de la nouvelle Edition des Trois Siecles, cette lecture ne m'auroit rien fait changer au jugement que j'ai porté de cet Ecrivain célebre.

1299. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

» Je ne puis, dans ces pages rapides, porter de jugement analytique sur chacun des romans de M.  […] L’indulgence d’ailleurs n’empêche point chez lui la pénétration, et, s’il est toujours prêt à défendre et à excuser les coupables dans la passion, sa lucidité laisse intactes toutes ses facultés de jugement.

1300. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Toute notre prétention, dans le jugement que nous avions porté sur les poésies d’un homme que l’on a trop nommé un grand poète, avait été de montrer cela et de le prouver. […] Mais ces vers, rares d’abord — rari nantes in gurgite vasto, — matériels, d’ailleurs, comme des camées, des soucoupes, des vases ébréchés ; rompus souvent d’un hémistiche à l’autre, tous ces débris, où un reste d’art brille et s’exhale, ne peuvent arrêter le jugement définitif que la Critique est tenue, en honneur, de porter sur un talent qui n’a plus ni ensemble, ni articulations, ni vie régulière, ni chaleur vraie, ni lumière tranquille, ni rien enfin de ce qui constitue une créature, supérieure aux facultés sensibles et raisonnables de l’humanité, comme doit l’être un poète, et qui, au contraire, peut écrire des choses comme celles-ci :                               Tout est plein d’âmes !

1301. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Édouard Goumy, dans une thèse complète et fort spirituelle, soutenue à la Faculté des lettres et devenue presque un volume, a tracé de l’homme et du philosophe un portrait qui ne paraît nullement flatté, et il a porté des jugements qui s’appuient sur l’analyse détaillée des œuvres.

1302. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Oui, en France, dans ce qu’on déprime ou ce qu’on arbore en public, on ne pense guère le plus souvent au fond des choses ; on pense à l’effet, à l’honneur qu’on se fera en défendant telle ou telle opinion, en prononçant tel ou tel jugement.

1303. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Si j’avais compris, dès le commencement, qu’aimer un mari qui n’était pas aimable, ni ne se donnait aucune peine pour l’être, était une chose difficile, sinon impossible, au moins lui avais-je, et à ses intérêts, voué l’attachement le plus sincère qu’un ami, et même un serviteur, peut vouer à son ami et son maître ; mes conseils avaient toujours été les meilleurs dont j’avais pu m’aviser pour son bien ; s’il ne les suivait pas, ce n’était pas ma faute, mais celle de son jugement qui n’était ni sain ni juste.

1304. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Visiblement destiné à l’éloquence de la chaire et à l’action de l’orateur, on ne lui laissa pas complètement ignorer l’action même du théâtre : il vit donc des spectacles dans sa jeunesse, mais sans s’y attacher ; et après en avoir profité pour ce qui le concernait, il n’en fut que plus sévère ensuite contre la Comédie, jusqu’à nous sembler violent même et cruellement injuste : son jugement sur Molière restera une des taches, une des inintelligences comme des duretés de Bossuet.

1305. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

que d’étranges jugements de choses et de personnes, qu’on est étonné plus tard d’avoir proférés !

1306. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

J’ai toujours été persuadé, mon Révérend Père, qu’on ne risque rien à vous louer beaucoup, et que les effets ne peuvent que faire honneur à mon jugement quand votre ouvrage paraîtra.

1307. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

si vous tenez tant à mettre des contradictions en présence, je suis homme à vous proposer, moi aussi, mon amendement, et cet amendement, je le formule en ces termes : « Les ministres ne dépendent que de l’empereur, mais ils gardent en présence de l’empereur leur entière indépendance de jugement, de caractère et de langage. » Que si, encore une fois, on tient tant à faire antithèse et à mettre des contradictions aux prises, je propose celle-là.

1308. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Ce qui fait qu’on trouve dans les choses plus d’évidence qu’elles n’en ont, c’est quelque circonstance locale et personnelle qu’elles contiennent ; c’est l’habitude que l’on a de les voir, le sentiment et l’expérience qu’on a qu’elles sont bonnes et utiles pour nous, la connaissance que ceux parmi lesquels nous vivons en portent même jugement que nous.

1309. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Il connaît la peinture, la musique : je ne dis pas qu’il n’en raisonne un peu à tort et à travers ; mais jamais le défaut de connaissances précises ou techniques n’est la source de ses déviations de jugement.

1310. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Dès que l’Ève éternelle ou l’éternelle Phryné est citée devant nous, nous sommes en cause, sciemment ou non ; et qui répondra de notre entière liberté de jugement ?

1311. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Il pense que le mari ne doit pas tout lui laisser lire, qu’« elle ne doit pas savoir ce que sait l’homme, ou doit le savoir autrement. » Il ne craint pas de lui attribuer une certaine vulgarité de jugement, un faible pour l’« amateur », l’homme agréable, l’« honnête homme » d’autrefois, brillant et superficiel.

1312. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

La bonne servante lyonnaise avait entendu dire que les jugements de Dieu sont le renversement des apparences humaines, que Dieu se plaît souvent à choisir ce qu’il y a de plus humble, de plus laid et de plus méprisé pour confondre ce qui paraît beau et fort.

1313. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

La plupart des hommes ne pensent que d’après l’habit qu’il portent ; leur profession crée leurs idées ; celui qui a rompu les liens nuisibles au progrès de la raison paroît seul posséder un jugement libre que rien ne tyrannise : Accoutumé à renfermer ses desirs dans le cercle de ses besoins réels il n’en aura point d’illimités.

1314. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Tous quatre doivent être attribués à l’intuition, et cependant le premier est l’énoncé d’une des règles de la logique formelle ; le second est un véritable jugement synthétique a priori, c’est le fondement de l’induction mathématique rigoureuse ; le troisième est un appel à l’imagination ; le quatrième est une définition déguisée.

1315. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Dans le Livre de Daniel, au milieu de la vision des empires représentés par des animaux, au moment où la séance du grand jugement commence et où les livres sont ouverts, un être « semblable à un fils de l’homme » s’avance vers l’Ancien des jours, qui lui confère le pouvoir de juger le monde, et de le gouverner pour l’éternité 370.

1316. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Lui qui doit juger le monde, il ne connaît pas le jour du jugement 725.

1317. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Votre jugement sera en proportion.

1318. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

et se peut-on croire obligé d’éloigner, comme jugement téméraire, la pensée que le prodige de cet édit qui les appelle à la couronne après le dernier prince du sang, et qui leur en donne le nom, le titre, et tout ce dont les princes du sang jouissent et pourront jouir, n’ait pas été, dans leurs projets, un dernier échelon, comme tous les précédents n’avaient été que la préparation à celui-ci ; un dernier échelon, dis-je, pour les porter à la couronne, à l’exclusion de tous autres que le dauphin et sa postérité ?

1319. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Il faudrait supposer madame de Maintenon une femme sans jugement et tout à fait vulgaire pour croire qu’elle ait pu être dupe d’un aussi petit esprit et d’un caractère aussi ignoble que Gobelin : et pour faire une telle supposition, il faudrait ne pas lire sa correspondance avec le directeur dont elle dirigeait les directions.

1320. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

« Les fables de La Fontaine, dit-il, me paraissaient à la fois puériles, fausses et cruelles, et je ne pus jamais les apprendre par cœur. » Cela me rassure de voir que M. de Lamartine n’ait jamais eu de goût pour La Fontaine, et dès lors je me confirme dans mon secret jugement.

1321. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Tronson, Fleury, Hébert ; le jugement impartial qu’en avoit porté le cardinal de Noailles : tout cela faisoit un grand bruit.

1322. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Dans le fond, la mythologie est favorable à la poësie comme à la peinture, pourvu que l’usage en soit tempéré par le goût & le jugement.

1323. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

C’est le jugement qu’en portoit le Pere Charlevoix.

1324. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Chacun de nous en a sa petite provision, et c’est la base du jugement que nous portons de la laideur et de la beauté.

1325. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Vous sentez qu’il vous fait réfléchir, qu’il renouvelle en vous vos sensations et impressions de lecteur, qu’il éveille en vous des curiosités de lecteur, qu’en épousant ou en contrariant vos jugements, il fait que vous les révisez, à quoi sans doute votre goût s’exerce et s’affine ; qu’en vous dirigeant du côté de nouvelles lectures, il vous ouvre des pays nouveaux auxquels vous songiez vaguement, ou ne songiez point, et qui peuvent être d’une grande beauté on d’une étrangeté captivante.

1326. (1761) Apologie de l’étude

Dans ces sciences on n’a besoin de personne pour se juger : dans les matières de goût on n’est vraiment apprécié que par le jugement public.

1327. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Bien qu’il soit assez difficile d’émettre un jugement favorable sur l’une ou l’autre des deux parties, on reste convaincu après lecture que Furetière n’eut pas seulement pour lui l’esprit et la verve, et qu’il eut quelque raison d’exciper de sa bonne foi.

1328. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Malgré les jugements pessimistes que peuvent nous inspirer les spectacles de l’heure présente, il n’est peut-être pas absolument vain d’espérer, si nous surprenons sous la plume d’un patriote aussi avancé que M. 

1329. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Jugement sur ce prince.

1330. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

On peut alléguer, à l’appui de ce jugement, toute l’idée du poëme d’Empédocle appelé l’Expiation, ces accents sévères du poëte, ces pénitences prescrites, et en même temps cet éclat d’images et d’harmonie qui adoucit la menace, en la rendant plus persuasive.

1331. (1885) L’Art romantique

Une des grandes préoccupations de notre peintre dans ses dernières années était le jugement de la postérité et la solidité incertaine de ses œuvres. […] » Ainsi ayez soin de conformer votre jugement au mien. » Dans le feuilleton auquel je faisais tout à l’heure allusion, M.  […] Sa cause sera jugée par le jugement de Dieu. […] telle est ma terrible sentence de damnation… Jour du jugement, jour suprême, quand luiras-tu dans ma nuit ? […] Une société restreinte pourra enlever au public immense de Paris le droit d’apprécier un ouvrage dont le jugement appartient à tous.

1332. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Il faut dire que c’est au sortir d’une « grave maladie » (mais chez lui on ne les compte plus) qu’il forme le dessein d’accorder sa vie avec ses maximes « sans s’embarrasser aucunement du jugement des hommes », — « dessein le plus grand peut-être, dit-il, ou du moins le plus utile à la vertu que mortel ait jamais conçu ». […] Notons ici un assez curieux exemple de la diversité des jugements humains. […] Il ne vaut que ce que vaut le public lui-même. — Rousseau, qui croit les choses mauvaises à proportion qu’elles s’éloignent de l’état de nature, estime le théâtre le plus dangereux des divertissements parce qu’il en est le plus artificiel ; mais ce jugement ne repose que sur l’excellence présumée de ce mystérieux « état de nature ». […] Sitôt que nous avons pour ainsi dire la conscience de nos sensations, nous sommes disposés à rechercher ou à fuir les objets qui les produisent, d’abord selon qu’elles nous sont agréables ou déplaisantes, puis selon la convenance ou disconvenance que nous trouvons entre nous et ces objets, et enfin selon le jugement que nous en portons sur l’idée de bonheur ou de perfection que la raison nous donne. […] Tandis que le gouverneur d’Émile lui accordait toute la liberté possible et voulait qu’il ne fût jamais puni que par les choses, et tandis qu’il excitait son élève à penser par lui-même et à se mettre au-dessus du jugement des hommes, — deux Muses sévères, la Contrainte, et le Respect de l’Opinion, président à l’éducation des filles : Les filles doivent être gênées de bonne heure… La dépendance est un état naturel aux femmes, les filles se sentent faites pour obéir… (On peut les punir, elles.) — … Il résulte de cette contrainte habituelle une docilité dont les femmes ont besoin toute leur vie, puisqu’elles ne cessent jamais d’être assujetties ou à un homme, ou aux jugements des hommes, et qu’il ne leur est jamais permis de se mettre au-dessus de ces jugements. — Il n’importe pas seulement que la femme soit fidèle, mais qu’elle soit jugée telle par son mari, par ses proches, par tout le monde… L’apparence même est au nombre des devoirs des femmes… La femme, en faisant bien, ne fait que la moitié de sa tâche, et ce qu’on pense d’elle ne lui importe pas moins que ce qu’elle est en effet… Toute l’éducation des femmes est relative aux hommes.

1333. (1903) La pensée et le mouvant

. — Effets rétroactifs du jugement vrai. — Mirage du présent dans le passé. — De l’histoire et des explications historiques. — Logique de rétrospection. […] Si le jugement est vrai à présent, il doit, nous semble-t-il, l’avoir été toujours. […] Comme si un jugement avait pu préexister aux termes qui le composent ! […] Elle avait, quoique fondée sur la seule raison, la sécurité de jugement que le théologien tient de la révélation. […] Qu’est-ce qu’un jugement vrai ?

1334. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il se dit qu’il n’y a pas que la vérité géométrique dans ce monde, et que même c’est une marque à peu près assurée d’erreur sur les choses de la vie morale, que d’aboutir à un jugement à propos d’elles dont le caractère absolu ne réserve pas sa place à un jugement sinon tout à fait contraire, au moins différent. […] On s’aperçoit que quelques-uns des jugements portés sur l’écrivain par la critique et l’opinion n’étaient pas entièrement exacts. […] Et voyez comme aux dates critiques de son âge mûr cette même solidité de jugement se retrouve et cette même robustesse. […] Seule son œuvre a rendu possible le jugement que ces jeunes gens et l’auteur qui raconte leurs aventures portent sur la société actuelle. Ce jugement peut se résumer d’un mot : ces jeunes gens et l’auteur lui-même sont à l’antipode des idées de la Révolution sans être des réactionnaires.

1335. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Si c’est un jugement, le juge est là, pour eux, à cette place, avec sa trogne et ses verrues ; le plaignant à cette autre, avec ses besicles et son sac de procédures ; l’accusé en face, courbé et contrit, chacun avec ses amis, cordonniers ou seigneurs ; puis la foule grouillante par derrière, tous avec leurs museaux risibles, leurs yeux ahuris ou allumés56. C’est un vrai jugement qu’ils imaginent, un jugement pareil à celui qu’ils ont vu devant le justice, où ils ont crié ou glapi comme témoins ou parties, avec les termes de chicane, les pro, les contra, les rôles de griffonnages, les voix aigres des avocats, les piétinements, le tassement, l’odeur des corps et le reste. […] Voir le jugement de Vittoria Accoramboni, celui de Virginia dans Webster, Coriolan et Jules César dans Shakspeare.

1336. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Voulez-vous avoir, sur cette partie de l’ouvrage que j’examine, non pas le jugement d’un esprit fort ou d’un cœur profane, mais celui d’un prélat de l’Église romaine, du plus éloquent et du plus austère de nos évêques catholiques, le jugement de Bossuet sur Volupté ? […] Saint Paul prononce un jugement pareil : il ne permet, sous aucun prétexte, sous aucune de ses mille formes, qu’il soit question devant les fidèles de ce vice si cher au genre humain, dont le nom chatouille délicieusement les oreilles les plus chastes, dont le venin se glisse, subtil et pénétrant, jusqu’au travers des plus austères paroles et des plus redoutables menaces. […] S’il m’en coûte de livrer ainsi, toutes vivantes, au jugement sévère du lecteur, des pages d’un si consciencieux travail, je me serais reproché bien davantage, à l’égard d’un écrivain de si grand renom, une censure dépourvue de preuves.

1337. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Volonté d’un homme commandant à des millions d’hommes selon son jugement, sa réflexion ou son caprice […] Celui qui applique la loi ne la fera pas. — N’est-il pas évident, en effet, que le cas est le même, et que, s’il la faisait, il la ferait dans le sens des jugements qu’il désirerait rendre ? […] Le moyen que le jugement eût été autre, n’eût pas été de faire nommer les juges de Toulouse par les Toulousains. […] C’est précisément ce que le partisan de la volonté générale cherche sans doute, et que cette volonté générale s’impose par les jugements comme par les lois et les actes de l’exécutif, et inspire également les uns, les unes et les autres ; mais on peut être d’un autre avis. […] Ce sont ces lois de sang qu’on devrait réformer en proportionnant la punition à la faute ; mais tant que ces lois rigoureuses demeureront établies, les magistrats ne pourront pas se dispenser d’y conformer leur jugement… Nous connaissons les crimes que le fanatisme de religion a fait commettre.

1338. (1923) Nouvelles études et autres figures

Il n’ignore rien des jugements qui se rendent au sein des villes. […] Reynaud, que ses lettres à son père, écrites en cours de route, doivent modifier notre jugement. […] On n’a jamais révélé une littérature étrangère avec plus d’intelligence et un jugement en somme plus conforme à celui de la postérité. […] Ses jugements soulèvent non seulement des questions littéraires, mais des problèmes psychologiques. […] Mais dès maintenant il me semble qu’on peut souscrire au jugement de M. 

1339. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il ne se pique pas d’inventer quoi que ce soit, soit paresse, ou, pour en revenir au jugement de Perrault, humilité. […] C’est un de ces jugements qui ne se pardonnent pas. […] Ces qualités, qui ne sont pas fort honorables au jugement des honnêtes gens, sont horribles étant considérées selon les principes de la religion chrétienne et les règles de l’Évangile. […] Il écrit donc, dans sa réponse à Lionne qui lui avait envoyé Andromaque (et son jugement est d’un homme qui ne veut absolument pas céder à son plaisir) : Cette tragédie a bien l’air des belles choses ; il s’en faut presque rien qu’il n’y ait du grand. […] Phèdre est la seule douce et la seule pure parmi ces « femmes damnées » ; Phèdre est une conscience tendre et délicate ; elle sent le prix de cette chasteté qu’elle offense : elle est torturée de remords ; elle a peur des jugements de Dieu.

1340. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

La mère est mise en jugement et acquittée. […] La mort comme la distance sont deux choses qui poétisent les objets dont on s’occupe et enlèvent à l’esprit une partie de la sévère rectitude qu’il doit avoir pour formuler son jugement. […] On ne sait et ne saura probablement jamais sur quoi les critiques s’appuient pour porter leur jugement, pour écraser ou vanter une œuvre. […] Il puise dans le fait isolé, la règle de son jugement, et dans un sentiment intérieur, la règle de ses actes ; mais avec un heureux instinct, il sait dégager de l’un et de l’autre tout ce qui est momentané et fortuit. […] Ses jugements et ses aspirations sont limités à l’isolé.

1341. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Sa mémoire est riche, exacte et presque infaillible ; son jugement est sain, exempt de troubles autres que ceux qu’il cherche, de passions autres que ses colères contenues ; il est studieux et calme. […] Il peut être Homme de lettres, ou mieux encore ; si la philosophie vient à son aide, et s’il peut se dompter, il deviendra utile et grand écrivain ; mais à la longue, le jugement aura tué l’imagination, et avec elle, hélas ! […] — C’est au législateur à guérir cette plaie, l’une des plus vives et des plus profondes de notre corps social ; c’est à lui qu’il appartient de réaliser dans le présent une partie des jugements meilleurs de l’avenir, en assurant quelques années d’existence seulement à tout homme qui aurait donné un seul gage du talent divin.

1342. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

De là le pouvoir directeur du jugement et de la volonté. […] Ce lien, en devenant conscient et même irréfléchi, constitue le jugement d’attribution au moi : je souffre, je jouis, je vois la mer, j’entends le tonnerre, etc. Le jugement d’attribution est, nous l’avons vu, en germe dans toute image, mais il n’y est qu’en germe, et on peut concevoir qu’une vibration en un point isolé du cerveau, le reste étant comme paralysé, aboutisse à une image sans attribution consciente au moi, presque suspendu en l’air, pour ainsi dire.

1343. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

On voyait que le jugement était moins sûr que l’imagination n’était vaste dans cette création. […] Je ne suis pas pressé pour ma mémoire ; j’ai bravé la sottise des jugements de l’opinion toute ma vie ; je puis la braver quarante ans dans ma tombe. […] Justesse d’idée, finesse de tact, sûreté de jugement, élévation de point de vue, largesse d’horizon, dignité de but, moralité de moyen, sang-froid dans le trouble, amour du peuple, dédain de la popularité, horreur de l’anarchie, haine des démagogues, pitié des utopistes, constance et modération dans le caractère, tout se réunissait en lui pour rendre cet homme rare digne et capable du rôle de conseiller confidentiel de la liberté.

1344. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Les catholiques, — écrivait-il dans son Encyclique sur l’origine du pouvoir civil, du 29 juin 1881, — vont chercher en Dieu le droit de commander, et le font dériver de là comme de sa source naturelle, et de son principe nécessaire… Toutefois, il importe de remarquer ici que, s’il s’agit de désigner ceux qui doivent gouverner la chose publique, cette désignation pourra, dans certains cas, être laissée au choix et au jugement du plus grand nombre, judicio multiludinis, sans que la doctrine catholique y fasse le moindre obstacle, non adversante neque repugnante doctrina catholica… Il n’est pas question davantage des différents régimes politiques, et il n’existe pour l’Église aucune raison de ne pas approuver le gouvernement d’un seul ou celui de plusieurs, pourvu seulement qu’il soit juste et qu’il s’applique au bien commun. […] Quel jugement Bossuet portait-il sur les dragonnades, sur la Saint-Barthélemy, sur l’Inquisition, et quels jugements portons-nous aujourd’hui ? 

1345. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Il serait encore vain de prétendre porter des jugements définitifs. […] Permettez-moi de relever une légère inexactitude : ce n’est pas cette année, c’est l’année dernière, que j’ai fait suivre de réflexions personnelles le règlement du concours de poésie qui porte mon nom, mais dont la Société des gens de lettres m’a fait l’honneur d’accepter la gestion littéraire (comportant, bien entendu, l’entière indépendance de ses jugements). […] Elle aura le discernement prompt et le jugement sévère.

1346. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Les tendances exerçant la censure sont celles que le rêveur, dans son jugement de l’état de veille reconnaît comme étant siennes, avec lesquelles il se sent d’accord… Les tendances contre lesquelles est dirigée la censure des rêves… sont des tendances répréhensibles, indécentes au point de vue éthique, esthétique et social… sont des choses auxquelles on n’ose pas penser ou auxquelles on ne pense qu’avec horreur 6. […] Après l’avoir regretté, je me demande si je ne vais pas bénir le manque de temps qui m’a empêché la dernière fois de conclure et de porter avec vous un jugement sur cette conception si frappante que nous avons trouvée chez Proust, des Intermittences du cœur. Peut-être ce jugement, auquel j’allais m’efforcer pour en faire ma conclusion, eût-il été hâtif. […] Je voyais tout vaciller comme quelqu’un qui tombe de cheval et je me demandais s’il n’y avait pas une existence toute différente de celle que je connaissais, en contradiction avec elle, mais qui serait la vraie, et qui m’étant montrée tout d’un coup me remplissait de cette hésitation que les sculpteurs dépeignant le Jugement dernier ont donnée aux morts réveillés qui se trouvent au seuil de l’autre Monde 35. […] Le meilleur moyen de parvenir à un jugement général me paraît être d’ailleurs de réfléchir d’abord sur leur conception de l’amour, plus spécialement sur celle que Proust nous en propose.

1347. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Mais, à l’ordinaire, il contenait sa sensibilité ; il montrait un jugement net, une volonté ferme ; il avait la notion du possible et du pratique, le besoin de l’action efficace et précise. […] Ces réalités sont celles où se manifestent les desseins et les jugements de Dieu : leur image éveille en lui tous les sentiments dont son Dieu est l’objet, toutes les ardeurs de la foi, de l’espérance et de l’amour.

1348. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Ou l’homme exprimera directement, mais très imparfaitement, par le langage abstrait, le résultat de sa vie intérieure ; Ou il ira puiser dans le monde extérieur, à la source commune des impressions, dans l’océan de vie où tous nous sommes plongés, des images capables de donner par elles-mêmes les sensations, les sentiments, et jusqu’aux jugements qu’il veut exprimer. […] La poésie est cette aile mystérieuse qui plane à volonté dans le monde entier de l’âme, dans cette sphère infinie dont une partie est couleurs, une autre sons, une autre mouvements, une autre jugements, etc., mais qui toutes vibrent en même temps suivant certaines lois, en sorte qu’une vibration dans une région se communique à une autre région, et que le privilège de l’art est de sentir et d’exprimer ces rapports, profondément cachés dans l’unité même de la vie.

1349. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Ce jugement s’applique surtout aux pensées de Pascal sur la foi, et aux pensées de morale chrétienne qui ont pour objet d’y amener. […] Ai-je trouvé dans mon admiration pour Pascal quelques-uns des motifs de son jugement ?

1350. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Je m’habituai dès lors à suivre une règle singulière, c’est de prendre pour mes jugements pratiques le contre-pied exact de mes jugements théoriques, de ne regarder comme possible que ce qui contredisait mes aspirations.

1351. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Mais il a donné lieu à tous les faux jugements portés par des amis, et par des ennemis également aveugles. […] Nous ne pouvons nous dispenser de rappeler qu’aux auteurs seuls appartient la responsabilité des jugements et des théories exposées dans les articles que nous publions (La Red.).

1352. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Il se peut qu’à l’intérieur de l’Opéra-Comique tout se passe bien entre hommes d’un jugement sain et impartial. […] Il n’y a pas assez longtemps que Wagner est mort pour qu’on ait oublié les jugements profondément blessants qu’il a si souvent portés sur la France, et le musicien n’a pas encore effacé l’homme.

1353. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Ici les faits sont plus près de nous et mieux connus ; nous pouvons les suivre, Galilée en rompant avec Aristote est encore un « philosophe. » Il se vantait d’avoir consacré « plus d’années à la philosophie que de mois aux mathématiques » ; sa doctrine, au jugement de l’Inquisition, est déclarée « absurde en philosophie. » Pour Descartes, la philosophie est un « arbre dont la métaphysique est la racine et la physique le tronc. » Sa physique comme celle de Newton est exposée sous le titre de Principia philosophiae. […] Suivant le philosophe allemand, la majeure d’un syllogisme se rapporte à l’entendement, la mineure au jugement, la conclusion à la raison.

1354. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

La critique moderne a révisé ce jugement porté dans la fièvre de la lutte ; elle a fouillé les archives et elle a découvert aux Romantiques des ancêtres authentiquement Gaulois et irréprochablement Moyen-Âge ; elle insinue même, l’audacieuse, des doutes sur la légitimité de la littérature classique ; elle la traite de variété accidentelle, particulière aux xviie et xviiie  siècles et dans les goûts et les idées de ces temps aristocratiques. […] Quelque temps avant l’apparition de René, on avait publié, pour la première fois, Jacques le fataliste : La Harpe le régent de la littérature, — devant son opinion tout le monde se taisait, — portait ce jugement sur cette œuvre de verve et d’esprit : « Rapsodie insipide, aussi scandaleuse qu’ennuyeuse, quoique impie, plate, quoique extravagante. » Le fanatisme ou la persécution, etc.

1355. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Il n’y a pas tant d’élégance, ni une si grande pureté de langage, au jugement de M. l’Abbé Colin, dans Bossuet, que dans Fléchier ; mais on y trouve une éloquence plus forte, plus mâle, plus nerveuse. […] Cependant malgré la sévérité de ce jugement & le dégoût du public pour ces sortes de discours, j’ose avouer que j’en ai lu un grand nombre avec plaisir.

1356. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Il accorde à ces derniers la perception, le jugement, le raisonnement, la volonté et jusqu’à la faculté de faire des abstractions sensibles ; il ne leur refuse que la faculté de généraliser. […] Lhuys vous décrira comment les impressions sensitives, irradiées des centres de la couche optique au milieu des réseaux de la substance corticale, y prennent une forme distincte, se déposent à l’état de souvenirs, et se transforment en idées, en jugements, en raisonnements.

1357. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Ce jugement ne saurait s’appliquer qu’à la masse des croisés et non aux chefs.

1358. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Ce qui manque pourtant à ce discours, c’est l’originalité ; Vicq d’Azyr s’y montre ouvert à tous les courants d’opinions et de jugements de son siècle.

1359. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

On hésite toujours à se mettre en avant quand l’opinion de la foule ne nous a pas frayé le chemin : il faut même, pour cela, une espèce particulière de courage, ce que j’appelle le courage du jugement.

1360. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Si j’osais me permettre aujourd’hui une espèce de jugement sur une société à jamais regrettable, dont j’ai été, et dont l’auteur des Mémoires veut bien m’assurer que j’aurais pu être encore davantage, je dirais qu’en admettant qu’il y eût péril et inconvénient par quelque endroit dans ce monde gracieux, ce n’était pas du côté du goût ; il s’y maintenait pur, dans sa simplicité et sa finesse ; il s’y nourrissait de la fleur des choses : s’il y avait un danger à craindre, c’était le trop de complaisance et de charité ; la vérité en souffrait.

1361. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Ces esprits faits, quand ils s’y mettent, ont sur les livres des jugements droits et justes, et qui ne sentent en rien le métier.

1362. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Napoléon a toujours parlé très bien de Joubert, et comme d’un ami ; son jugement, conservé tant dans ses Mémoires que dans les conversations de Sainte-Hélène, résume toute la carrière du jeune guerrier, ses services, ses mérites et ses qualités, avec cette conclusion : « Il était jeune encore et n’avait pas acquis toute l’expérience nécessaire.

1363. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

La vraie et juste disposition à leur égard est un premier fonds de respect, et tout au moins beaucoup de sérieux, de circonspection, d’attention, une patiente et longue étude de la société, de la langue, un grand compte à tenir des jugements des Anciens les uns sur les autres, ce qui nous est un avertissement de ne pas aller à l’étourdie, de ne pas procéder à leur égard avec un esprit tout neuf en partant de nos idées d’aujourd’hui.

1364. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

L’exactitude du compte rendu et le soin des informations s’y joignent à la justesse des idées, à la rectitude des jugements, à la sobre fermeté du langage.

1365. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Un hasard a fait connaître à celle-ci le jugement si sévère qu’il porte sur elle : piquée au vif, elle prend à tâche de le réfuter.

1366. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Marie-Joseph Chénier, dans son Tableau de la Littérature, avait donné les vrais jugements dans les termes mesurés.

1367. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Dans les jugements réciproques et contradictoires qu’ils porteront les uns sur les autres, nous verrons encore mieux se dessiner leur ligne et leur caractère.

1368. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Les lettres que nous avons à citer nous-même auront toute leur valeur et tout leur prix, quand on les mettra en opposition avec ce jugement dont elles sont la meilleure réfutation et dont elles montrent l’injustice.

1369. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Cet excellent homme de bien dissimula jusqu’au dernier jour à ses compagnons de prison l’issue trop certaine de son jugement au tribunal révolutionnaire ; ce ne fut que la veille de la condamnation qu’il laissa échapper devant eux quelque chose de ses pensées.

1370. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

., 1851, tome II, pages 1-38), le jugement définitif que la science militaire et l’histoire ont porté sur cette campagne de 1758, qui a immortalisé dans le plus triste sens le nom du comte de Clermont.

1371. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

15 janvier 1844 Pour compléter ces jugements sur Racine, on peut chercher ce que j’en ai dit plus tard dans une étude reprise à fond et développée, au tome V de Port-Royal (liv.

1372. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

On ne doit pas se mettre au niveau du plus grand nombre, mais tendre au plus haut terme de perfection possible : le jugement du public est toujours, à la fin, celui des hommes les plus distingués de la nation.

1373. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Gloire, ambition, fanatisme, votre enthousiasme a des intervalles, le sentiment seul enivre chaque instant, rien ne lasse de s’aimer ; rien ne fatigue dans cette inépuisable source d’idées et d’émotions heureuses ; et tant qu’on ne voit, qu’on n’éprouve rien que par un autre, l’univers entier est lui sous des formes différentes, le printemps, la nature, le ciel, ce sont les lieux qu’il a parcourus ; les plaisirs du monde, c’est ce qu’il a dit, ce qui lui a plu, les amusements qu’il a partagés, ses propres succès à soi-même, c’est la louange qu’il a entendue, et l’impression que le suffrage de tous, a pu produire sur le jugement d’un seul.

1374. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Ce sont des esprits crédules, soit qu’ils se passionnent pour ou contre les vieilles erreurs ; et leur violence, sans arrêt, leur donne le besoin de se placer à l’extrême de toutes les idées, pour y mettre à l’aise leur jugement et leur caractère.

1375. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Dans la seconde partie, on a d’abord décrit le mécanisme et l’effet général de leur assemblage, puis, appliquant la loi trouvée, on a examiné les éléments, la formation, la certitude et la portée de nos principales sortes de connaissances, depuis celle des choses individuelles jusqu’à celle des choses générales, depuis les perceptions, prévisions et souvenirs les plus particuliers jusqu’aux jugements et axiomes les plus universels.

1376. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Leurs chansons, saluts d’amour, tensons et jeux-partis 72 qui sont les genres qu’ils empruntent aux Provençaux, sont des formes compliquées qu’il faut analyser pour les admirer : leurs rythmes subtils, toujours différents, laborieusement renouvelés dans chaque pièce73, sont parfois expressifs, mais le pins souvent ils sollicitent la réflexion à les décomposer ; plus intelligibles que sensibles, ils appellent le jugement de l’homme de métier, échappant au sens populaire ou le déconcertant.

1377. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Outre les raisons personnelles qui ont égaré leur jugement, ils ont mal interprété les moralités finales des Fables.

1378. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Ces restrictions font honneur à son jugement : tout le monde ne les faisait pas alors ; et, avec cette frénésie qui scandalisait ou effrayait les classiques, un journaliste converti de la veille donnait en deux phrases le credo romantique : « Vivent les Anglais et les Allemands !

1379. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Il le fait tranquillement, n’esquivant rien, n’exagérant rien, avec un désintéressement, une impartialité, une indépendance de jugement telle, que cette sorte de sacrifice ou plutôt (car il n’avait point à la sacrifier) d’oubli provisoire de la piété filiale en face de la science qui prime tout, m’a rappelé, je ne sais comment, la hauteur d’âme des vieux Romains mettant tout naturellement l’intérêt de la patrie au-dessus des affections de famille… Puis, tout à coup, après ce long, tranquille et consciencieux exposé qui n’eût point été différent s’il se fût agi d’un étranger, la voix du professeur s’altère et laisse tomber ces mots : … Moi qui vous parle, moi qui seul sais le respect et la reconnaissance que je lui dois, j’ai dû m’abstenir de les exprimer comme je les sens, autant pour être fidèle à cette modération qu’il aimait à garder en toutes choses, autant pour ne rien rire ici qui ne dût être dit par tout autre à ma place, que pour ne pas m’exposer à être envahi par une émotion trop poignante qui ne m’aurait pas laissé la liberté et la force de rendre à cette mémoire si chère et encore si présente l’hommage public auquel elle a droit.

1380. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Toute une méthode historique, celle de l’histoire à jugements, est doucement bafouée en ce seul mot d’un écrivain intelligent et spirituel… Si l’on ne lit ainsi, on ne comprend pas.

1381. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

« L’Art chrétien est mort le jour où un pape s’est avisé de voiler les nudités de Michel-Ange, dans le Jugement dernier. » Charles Morice, qui dit cela, ne peut souffrir l’imagerie ni les divinités en carton-pâte du style Saint-Sulpice.

1382. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

C’est un fait juif, en ce sens que le judaïsme dressa pour la première fois la théorie de l’absolu en religion, et posa le principe que tout novateur, même quand il apporte des miracles à l’appui de sa doctrine, doit être reçu à coups de pierres, lapidé par tout le monde, sans jugement 1153.

1383. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Il est une manière d’envisager Marie-Antoinette qui me paraît la vraie, et que je voudrais bien définir, parce que c’est de ce côté que me paraît devoir être aussi le jugement définitif de l’histoire.

1384. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Mais chacun lit avec son humeur et avec son imagination encore plus qu’avec son jugement, et ce qui est si bien raconté séduit, bien que la chose racontée soit fort laide, et que le narrateur, après le premier moment d’enthousiasme passé, ne prétende pas à l’embellir.

1385. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Dans le jugement que les journalistes portèrent des ouvrages de la vieillesse de Despréaux, ils avoient sans doute raison.

1386. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

On ne peut lui interdire de juger ; mais si d’un jugement rapide et concis il passe à la discussion, et si de la discussion elle-même il tire une conclusion sur le fond des choses, il cesse d’être historien et devient philosophe.

1387. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

C’est un très-bel usage en Allemagne que celui d’envoyer les pièces des procès les plus compliqués, les plus délicats, à quelque faculté de droit d’une université, en supprimant le nom des parties, et faisant ainsi juger le procès sous des noms supposés par la faculté ; c’est-à-dire par une assemblée de jurisconsultes, qui, ne connaissant aucun des intéressés, sont nécessairement exempts de tout soupçon de partialité, de tout parti, de toute passion quelconque qui se glisse quelquefois dans les jugements des hommes les plus intègres d’une manière imperceptible, et à eux-mêmes inconnue.

1388. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Apulée qui a pû voir Lucien, nous rend un compte exact de la représentation du jugement de Paris faite par une troupe de pantomimes.

1389. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Ceci n’est pas en contradiction avec ce qui a été dit plus haut ; car une telle suspension de la puissance conservatrice, de l’énergie vitale, pouvait en effet entraîner la destruction et la mort ; c’est même ce qui explique et excuse, au jugement des hommes qui se sont fait un devoir de l’impartialité, les opinions de ceux qui ont admis le 20 mars comme fait nouveau, et qui en ont déduit la nécessité de modifier nos institutions futures.

1390. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

D’opinion donc, de jugements, d’aperçus, il n’y en a pas à discuter ici, parce que le cerveau de Mme Colet n’est pas conformé pour se faire des opinions et donner aux autres des aperçus.

1391. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Jugement sur ce prince.

1392. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Dans ce contraste, et d’organisation et de caractère, chacun cependant prend pour la nature ce qui est lui : nos passions ou nos faiblesses, voilà la règle de nos jugements.

1393. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Voltaire avait plus de motifs que personne pour ne pas trop appuyer sur l’incertitude des jugements du public, un écrivain aussi heureux que lui, comblé de tant d’honneurs, a plus à perdre qu’à gagner à cette doctrine. […] On ajoute que la même tragédie fut soumise au jugement du cardinal de Fleury, ministre supérieur aux Richelieu et aux Mazarin, si le bonheur des peuples est le chef-d’œuvre des ministres. […] Ainsi, au jugement de La Harpe, Voltaire, déjà sur le retour et au-dessous de lui-même, surpasse infiniment un des plus admirables chefs-d’œuvre du premier tragique de l’antiquité. […] L’auteur avait soumis son manuscrit au jugement du père Brumoy ; celui-ci le communiqua au père Tournemine. […] Il vaut beaucoup mieux ne point faire de pièces de théâtre que d’en faire qui séduisent et corrompent notre jugement.

1394. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Il raconta, avec un ton de juge, « comment ce roi persécuteur de la religion, oppresseur des lois, après une longue tyrannie, avait été vaincu les armes à la main par son peuple ; puis mené en prison, et, comme il n’offrait ni par ses actions ni par ses paroles aucune raison pour faire mieux espérer de sa conduite, condamné par le souverain conseil du royaume à la peine capitale ; enfin, frappé de la hache devant les portes mêmes de son palais… Jamais monarque assis sur le plus haut trône fit-il briller une majesté plus grande que celle dont éclata le peuple anglais, lorsque, secouant la superstition antique, il prit ce roi ou plutôt cet ennemi, qui, seul de tous les mortels, revendiquait pour lui, de droit divin, l’impunité, l’enlaça dans ses propres lois, l’accabla d’un jugement, et, le trouvant coupable, ne craignit point de le livrer au supplice auquel il eût livré les autres ?  […] Si dans cet acte, le plus consommé de son zèle et de sa maturité, nul âge, nulle diligence, nulle preuve antérieure de capacité ne peut l’exempter de soupçon et de défiance, à moins qu’il ne porte toutes ses recherches méditées, toutes ses veilles prolongées, toute sa dépense d’huile et de labeur sous la vue hâtive d’un censeur sans loisir, peut-être de beaucoup plus jeune que lui, peut-être de beaucoup son inférieur en jugement, peut-être n’ayant jamais connu la peine d’écrire un livre, —  en sorte que, s’il n’est pas repoussé ou négligé, il doive paraître à l’impression comme un novice sous son précepteur, avec la main de son censeur sur le dos de son titre, comme preuve et caution qu’il n’est pas un idiot ou un corrupteur, —  ce ne peut être qu’un déshonneur et une dégradation pour l’auteur, pour le livre, pour les priviléges et la dignité de la science464. » Ouvrez donc toutes les portes ; que le jour se fasse, que chacun pense et jette sa pensée à la lumière ! […] Montons plus loin et plus haut, à l’origine des choses, parmi les êtres éternels, jusqu’aux commencements de la pensée et de la vie, jusqu’aux combats de Dieu, dans ce monde inconnu où les sentiments et les êtres, élevés au-dessus de la portée de l’homme, échappent à son jugement et à sa critique pour commander sa vénération et sa terreur ; que le chant soutenu des vers solennels déploie les actions de ces vagues figures, nous éprouverons la même émotion que dans une cathédrale quand l’orgue prolonge ses roulements sous les arches, et qu’à travers l’illumination des cierges les nuages d’encens brouillent les formes colossales des piliers. […] Cette défense est écrite en latin : « Les deux plus grandes pestes de la vie humaine et les plus hostiles à la vertu, la tyrannie et la superstition, Dieu vous en a affranchis les premiers des hommes ; il vous a inspiré assez de grandeur d’âme pour juger d’un jugement illustre votre roi prisonnier vaincu par vos armes, pour le condamner et le punir, vous les premiers des mortels.

1395. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

. —  Jugement de Burke et du peuple anglais sur la Révolution française. […] Quand le docteur Sacheverell est mis en jugement, les garçons bouchers, les boueurs, les balayeurs de cheminée, les marchands de pommes, les filles de joie et toute la canaille, s’imaginant que l’Église est en danger, l’accompagnent avec des hurlements de colère et d’enthousiasme, et le soir se mettent à brûler et à piller les temples des dissidents. […] Il pense au jugement final et se dit qu’il y sera condamné. […] Jugement d’Addison.

1396. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Mais il s’agit bien toujours d’une enquête à conduire et d’un jugement à formuler sur le monde et sur l’homme. […] Descharmes et Dumesnil n’ont pas achevé cette édifiante histoire des jugements portés sur Flaubert par les défenseurs de la morale et du bon goût. […] Il relève à sa charge quelques jugements critiques erronés. […] Ainsi s’explique, par un principe supérieur, l’impartialité qui l’amène à concilier des jugements contradictoires en apparence. […] Il applique ce critérium dans tous ses jugements.

1397. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Voilà pourquoi on peut porter sur l’Orient deux jugements contraires. […] Tel est le fait de l’affirmation primitive, antérieure à toute réflexion et pure de toute négation ; cette affirmation est déjà un jugement, mais un jugement évident par lui-même, de cette évidence qu’on nomme intuitive pour la distinguer de celle qui s’obtient par les procédés laborieux de l’induction ou de la déduction67. […] L’histoire est la manifestation des vues de Dieu sur l’humanité ; les jugements de l’histoire sont les jugements de Dieu même. […] Le jugement de l’humanité sur un de ses membres. […] Ce qui distingue la réputation de la gloire, c’est que la réputation est le jugement de quelques-uns, et que la gloire est le jugement du grand nombre.

1398. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Ce qui peut se résumer en disant que dans l’expérience il faut porter un jugement par comparaison de deux faits, l’un normal, l’autre anormal. […] En effet, il y a dans toute connaissance expérimentale trois phases : observation faite, comparaison établie et jugement motivé. La méthode expérimentale ne fait pas autre chose que porter un jugement sur les faits qui nous entourent, à l’aide d’un criterium qui n’est lui-même qu’un autre fait disposé de façon à contrôler le jugement et à donner l’expérience. […] Il y aura toujours jugement par une comparaison s’appuyant sur deux faits, l’un qui sert de point de départ, l’autre qui sert de conclusion au raisonnement. […] Ce serait là un jugement faux dans un très grand nombre de cas ; les tableaux statistiques de présence ou d’absence ne constituent jamais des démonstrations expérimentales.

1399. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Dieu sait que je n’aurais jamais appelé de ce jugement, si Sarah n’avait eu l’idée de ressusciter ma gredine. […] Ou plutôt, dès qu’il a résolu ce doute par un coup d’État du cœur sur le jugement incertain, le reste lui est léger, car mourir n’est rien pour lui. […] Un préjugé est un jugement imparfait, mais qui peut être provisoirement salutaire pour ceux qui en sont pénétrés ; et ce provisoire peut durer des siècles. Sans compter que, même discutable en tant que jugement, le patriotisme échappe à la discussion en tant que sentiment ou instinct. […] J’aurais besoin de lire la pièce, ou de la revoir, pour en porter un jugement assuré.

1400. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Il venait assister aux jugements des tribunaux ; et, s’il croyait apercevoir faveur ou corruption dans les juges, il les réprimandait : mais ce qu’il faisait ainsi pour la justice, il pouvait le faire au profit de la tyrannie ; et il ne tarda pas. […] Il ne voulait pas permettre qu’on leur ôtât leur salaire, dans le cas où l’accusé se tuait avant le jugement, pour prévenir la confiscation de ses biens ; et il les fit payer alors de l’argent du trésor. […] Parmi les réminiscences de l’antiquité, une seule pièce, jouée devant la reine en 1584, le Jugement de Pâris, par George Peel, annonçait un poète. […] Ce dernier jugement est plus que douteux ; et, sous aucun rapport, il ne peut devenir l’opinion des étrangers. […] Probablement il inclinait poulies Whigs ou pour les Torys, suivant qu’il était plus ou moins blessé par les jugements littéraires de l’un ou de l’autre parti.

1401. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Mais s’il y a des familles d’esprits, s’il y a des genres, des espèces dans ces genres, des rangs dans ces espèces, nos impressions ne sont donc plus rien en critique, ni même nos jugements ? […] — et que, s’ils n’ont certes pas nui à sa gloire d’écrivain, on y voit percer trop souvent le rhéteur sous le poète ; — non seulement le rhéteur, mais l’acteur ; — et ce qui est encore plus grave, il s’en dégage des doutes sur la sincérité de ses convictions. — Les dernières années de Chateaubriand ; — l’Abbaye-au-Bois et la société de Mme Récamier. — Publication des Mémoires d’outre-tombe, 1849 ; — et polémiques qu’ils soulèvent autour du nom de Chateaubriand. — Du livre de Sainte-Beuve sur Chateaubriand ; — des précautions avec lesquelles il faut le lire ; — et que le jugement de la postérité sur Chateaubriand est encore à prononcer. […] M. de Vogüé, Heures d’histoire, Paris, 1893]. — Il lui appartient encore par son Histoire des Girondins, 1847 ; — où sans doute l’histoire est étrangement défigurée ; — mais dont un poète seul pouvait écrire certaines pages ; — et il lui appartient enfin par ses romans personnels ; Raphaël, 1849 ; — Les Confidences, 1849 ; — Les Nouvelles Confidences, 1851 ; — Graziella, 1852. — Mais, à partir de cette date, — réduit, comme on disait jadis, à « travailler pour le libraire », — on trouve sans doute quelque ressouvenir de son passé dans ses livres et dans ses journaux ; — et on y trouve surtout plus de critique et de jugement qu’on n’affecte parfois de le croire ; — mais il a cessé d’agir sur l’opinion ; — et, près de quinze ans avant sa mort, — son rôle littéraire est terminé. […] 2º L’Historien. — Originalité de sa manière ; — et qu’elle ne diffère pas moins de celle de Guizot, dont on l’a souvent rapprochée, — que de celle de Thiers ou d’Augustin Thierry. — La Démocratie en Amérique, 1835-1840 ; — et que, du consentement des Américains, on n’a rien écrit sur eux de plus consciencieusement observé ; — ni qui demeure plus vrai dans ses grandes lignes, après soixante ans écoulés. — C’est que la sereine impersonnalité du philosophe s’y joint à la perspicacité de l’observateur ; — le désintéressement du savant à la curiosité du politique ; — et l’art de formuler la loi des phénomènes à celui d’en saisir le caractère essentiel. — L’Ancien Régime et la Révolution, 1856 ; — et que ce livre a marqué une époque dans la manière même de concevoir les origines de la Révolution ; — et d’en représenter l’histoire. — Comment Tocqueville a bien vu : 1º que la Révolution tenait par toutes ses racines au plus lointain passé de notre histoire ; — 2º qu’elle devait à la profondeur de ses causes son caractère « religieux » ; — et 3º que pour cette raison il ne dépendait d’aucune puissance politique d’en abolir les effets. — Par le moyen de ces deux ouvrages nul n’a plus fait que Tocqueville, — pour soustraire l’histoire à l’arbitraire du jugement de l’historien ; — préparer l’idée que nous nous en formons de nos jours ; — et lui donner tout ce qu’on peut lui donner des caractères d’une science. […] L’Épopée du Ver ; — Pleurs dans la nuit ; — La Trompette du jugement], le poète trouve alors des images et des accents inconnus ; — il rejoint les Eschyle ou les Isaïe ; — et de son obscurité même se fait un moyen d’action. — Seulement, c’est là que l’on voit la vérité de la parole célèbre que : — « du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas » ; — et ce pas, Hugo le franchit dans Le Pape ; — L’Âne ; — Religions et Religion ; 1878-1880 ; autant d’œuvres illisibles ; — qui n’ont même plus pour elles cette obscurité sous laquelle on cherchait un sens ; — qui ne nous procurent plus seulement la sensation de l’énorme ou du gigantesque ; — mais celle du vide ; — et dont l’unique originalité, si c’en est une, est d’être « frénétiquement banales ». — On en verra la raison tout à l’heure ; — et quand on aura vu d’abord combien la banalité de quelques-unes des idées d’Hugo a contribué à sa popularité. — Il faut d’ailleurs faire attention que ce qu’il y a de successif dans ces trois manières, — ne l’est que relativement ; — et que, s’il se retrouve jusque dans L’Âne des restes du poète des Orientales, — il y avait déjà, dans l’auteur des Feuilles d’automne, — des commencements de celui de Religions et Religion.

1402. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

. — Ainsi se justifie le jugement demi-scientifique, demi-divinatoire par lequel nous affirmons que tout phénomène, changement, état, propriété, manière d’être, tout caractère transitoire ou permanent d’un objet quelconque, a sa raison d’être, et que cette raison se trouve incluse dans le groupe de ses conditions. […] Le lecteur vient de voir comment il se construit en nous, et par quelle adaptation notre connaissance correspond aux choses. — Elle se compose de jugements généraux qui sont des couples d’idées générales. […] Enfin les signes qui les résument et les remplacent forment des idées générales et, par suite, des jugements généraux. — Tels sont les matériaux de notre esprit, et telle est la façon dont ils s’ajustent ensemble.

1403. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Chaque scène met en relief une vérité morale ; l’auteur veut qu’à chaque page nous portions un jugement sur le vice et sur la vertu ; d’avance il a blâmé ou approuvé, et les dialogues ou les portraits ne sont pour lui que des moyens par lesquels il ajoute notre approbation à son approbation, notre blâme à son blâme. […] Il est sûr de son jugement, et l’a mûri. […] Les récits de campagnes, les jugements épars sur les livres et les événements du temps, cent petites scènes, mille petits faits visiblement inutiles, font par cela même illusion.

1404. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

» Et Stevens témoigne du respect de Rousseau pour Millet, qui d’abord ne lui trouvait pas de talent : ce qui, d’après Stevens, décida Rousseau à venir habiter Barbizon, pour le conquérir, et il arrivait au bout de quelque temps que la communion d’esprit entre les deux peintres, amenait Millet à revenir sur ses premiers jugements. […] Oui, ce gros et épais normalien, il est pour le travail courant, sans prétention, lui, qui ne laissera dans toute sa prolixe et abondante copie, ni un jugement durable, ni une pensée, ni une phrase, ni une expression… lui, ô blasphème ! […] » Une autre femme plus timide en ses jugements, que je rencontre, me dit : « Eh bien, comment trouvez-vous Charles Demailly ?

1405. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Autour de tes bonheurs, autour de tes désastres, Autour de tes serments à bras tendus prêtés, Et de tes jugements et de tes vérités, Les constellations colossales se lèvent ; Les dragons sidéraux s’accroupissent et rêvent Sur toi, muets, fatals, sourds et tu te sens nu Sous la prunelle d’ombre et sous l’œil inconnu. […] La diversité de jugements portés sur Hugo tient en grande partie à la diversité et à la complexité de l’œuvre du poète. […] Dumas aboutit à ce jugement, naïf à force de subtilité malveillante : « Il a aimé la liberté, parce qu’il a compris que la liberté seule pouvait lui donner la gloire telle qu’il la voulait, et qu’un simple poète ne pouvait aspirer à être au-dessus de tous que dans une société démocratique… Il a répudié la monarchie et le catholicisme, parce que, dans ces deux formes sociale et religieuse de l’Etat, il aurait toujours eu inévitablement quelqu’un au-dessus de lui. » Ainsi Hugo n’a pas d’autre raison à opposer au catholicisme que les intérêts de son orgueil personnel !

1406. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Si vous voulez examiner ce beau jugement et le confronter au mien, vous y verrez la preuve évidente de ce caractère hybride que je vous reprochais tout à l’heure. […] Ce fut l’article de début de M. de Feletz ; on peut le trouver recueilli dans ses Jugements historiques et littéraires (1840).

1407. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

J’en dirai autant de la conscience, cette preuve sans preuve que nous portons en nous-mêmes du bien ou du mal moral : ses jugements, pour être certains, n’ont pas besoin d’autres témoignages qu’elle-même ; ce qu’elle condamne est mal, ce qu’elle approuve est bien ; que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas, elle prononce en nous, pour nous ou contre nous, des arrêts contre lesquels il nous est impossible de protester. […] Impassible, il reprend la parole : « Le jugement que vous venez de prononcer, Athéniens, m’a un peu ému ; mais ce qui m’étonne bien plus, c’est d’être condamné à une si faible majorité ; car, à ce qu’il paraît, il n’aurait fallu que trois voix de plus pour que je fusse absous.

1408. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il est entêté, systématique, pour n’avoir rien à céder aux autres, ce qui serait donner quelque chose de soi ; bizarre, pour ne pas faire de sacrifice à la convenance ; brutal, pour éviter la gêne de la civilité ; vain, parce qu’on ne peut pas s’aimer, comme fait Sganarelle, sans estimer son jugement par-dessus tout. […] Il faut lire le jugement que porte de Pierre de Larivey et de sa pièce, Sainte-Beuve, dans son Histoire de la poésie du seizième siècle.

1409. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

On arrivait ainsi à avoir, comme dit Montaigne, la souvenance pleine, mais le jugement creux. […] Autre est le résultat produit par l’enseignement, autres sont les qualités et les défauts qu’il développe, selon qu’il est actif ou passif, concret ou abstrait, selon qu’il s’adresse à la mémoire ou au jugement, à l’oreille ou aux yeux, etc.

1410. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Leur jugement n’a plus de vivacité, d’indignation, de colère. […] Là-dessus nous allons visiter l’ancienne salle de garde, décorée par les peintres, amis des internes, par Baron qui a représenté les Amours malades, reprenant et rebandant leurs arcs, à la sortie de l’hôpital ; par Doré, qui a composé une sorte de jugement dernier de tous les médecins passés et présents aux pieds d’Hippocrate ; par Français, etc., etc.

1411. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Il aurait besoin de passer un mois dans une ferme, en Beauce… et dans ces conditions… avec une lettre de recommandation d’un riche propriétaire à son fermier… lettre, qui lui annoncerait l’arrivée avec son mari, d’une femme malade, ayant besoin de l’air de la campagne… « Vous concevez, deux lits dans une chambre blanchie à la chaux, c’est tout ce qu’il nous faut… et bien entendu, la nourriture à la table du fermier… autrement je ne saurais rien. » Les chemins de fer, son roman sur le mouvement d’une gare, et la monographie d’un bonhomme vivant dans ce mouvement ; avec un drame quelconque… ce roman, il ne le voit pas dans ce moment-ci… Il serait plus porté à faire quelque chose, se rapportant à une grève dans un pays de mine, et qui débuterait par un bourgeois, égorgé à la première page… puis le jugement… des hommes condamnés à mort, d’autres à la prison… et parmi les débats du procès, l’introduction d’une sérieuse et approfondie étude de la question sociale. […] Pierre Gavarni me parle, ce soir, de dédicaces laudatives de Champfleury, mises en tête des livres envoyés à son père, et même de tentatives d’abouchement qui n’ont pas réussi… ça expliquerait un peu le jugement sévère du critique sur les dessins du peintre, dont le chic fait rire.

1412. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Tant de nuances concourent à former cette atmosphère qu’il est impossible à l’homme qui la sent de la décomposer ; il aime ou il n’aime pas, voilà toute son analyse ; le jugement n’est qu’une impression aussi rapide qu’un instinct, et aussi infaillible en nous que l’impression que nous ressentons en plongeant la main dans une eau brûlante, tiède ou froide. […] Cette tribune sacrée du sacerdoce moderne fut en réalité à cette époque, et à son insu, la plus puissante institution littéraire qui pût initier le peuple illettré au sentiment, au goût et même au jugement des lettres.

1413. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Ce jugement de chêne à roseau est trop altier et trop sévère.

1414. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Arago a introduites dans ses jugements des savants, qui n’y donnent une certaine vie, tant qu’elles n’excèdent pas la mesure.

1415. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

La propagation des lumières, la foule innombrable d’écrits, les journaux, les commentaires sur les grands écrivains, les extraits, les dissertations critiques ont formé un dictionnaire général d’idées, de résultats, de jugements où chacun peut trouver à s’assortir et puiser la matière d’un ouvrage, en changeant, décomposant, délayant.

1416. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

La grande préférence païenne de Bossuet, si l’on peut ainsi parler, a été tout naturellement pour Homère, ensuite, pour Virgile : Horace, à son jugement et à son goût, ne venait que bien après.

1417. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Bailly a beau faire, on ne peut se détacher de l’esprit de son tempsk : il rêve et place un xviiie  siècle idéal à l’origine des choses, il en fait sa mesure de jugement, et là où il ne le retrouve plus, il dit qu’il y a eu décadence.

1418. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Léopold Robert ne commença à s’en former un meilleur jugement que dans le voyage qu’il y fit pendant l’été de 1831.

1419. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Tandis qu’un peintre comme Saint-Simon commande l’opinion du lecteur par ses tableaux et ne laisse pas toujours de liberté au jugement, un narrateur plat, mais véridique et sans projet comme Dangeau, permet à cette impression du lecteur de naître, de se fortifier et de parler quelquefois aussi énergiquement toute seule qu’elle le ferait à la suite d’un plus éloquent.

1420. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Thiers ; je ne voudrais qu’un peu moins de certitude et de particularité dans les résumés de jugement.

1421. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Louis XIV, dans son jugement de maître, le nota donc et le tint en réserve comme l’homme nécessaire et indiqué, pour le cas où il faudrait à tout prix agir et remonter par quelque action hardie le moral des Français.

1422. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Homme d’esprit à la mode de nos pères, curieux comme on ne l’est pas, à l’affût de tout ce qui se dit et se fait à l’entour, informé dans le dernier détail de tous les incidents et de tous les commérages de société, il en tient registre, non pas tant registre de noirceurs que de drôleries et de gaietés ; il écrit ce qu’il sait par plaisir de l’écrire, avec le sel de sa langue qui est une bonne langue, et en y joignant son jugement, qui est naturel et fin.

1423. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

[NdA] Voir sur Schlegel les pages 119, 151, d’un agréable volume de miscellanées littéraires qui vient de paraître et qui a pour titre : Jugements, maximes et réminiscences, par M. 

1424. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Buffon, dans un admirable récit philosophique, a supposé le premier homme s’éveillant à la vie et rendant compte de ses premiers mouvements, de ses premières sensations, de ses premiers jugements.

1425. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Le court jugement qu’il porte de Carnot en passant (« honnête homme autant que peut l’être un fanatique badaud  ») indique que, pour tout ce qui sort de son cercle défini, de son champ de vision tracé, le dédain peut le rendre léger, injuste, sans qu’il y ait jamais malveillance.

1426. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Quelque jugement qu’on porte de l’ensemble du tableau, l’expression particulière que M. 

1427. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Et puis, les meilleurs et les plus fins jugements du monde ne sont pas la même chose qu’un recours direct aux manuscrits et que l’établissement définitif d’un texte.

1428. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Ce n’est plus la question classique ou romantique, si vous le voulez ; il s’agit de bien autre chose que d’une cocarde, que des coupes et des unités, — des formes et des couleurs — il s’agit du fond même et de la substance de nos jugements, des dispositions et des principes habituels en vertu desquels on sent et l’on est affecté.

1429. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Son père ne tarda pas à être ressaisi par la loi des suspects ; compris ensuite dans la mise en jugement du parlement de Paris, il allait monter à l’échafaud.

1430. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Cherchant à me rendre compte de son talent lyrique et poétique, et des limites naturelles de cette vocation, j’écrivais dans le Globe (20 mars 1827), lorsque parurent les Sept Messéniennes nouvelles, le jugement que voici : — Quand un beau talent a remporté, du premier coup, un succès d’enthousiasme, et qu’une prédilection presque unanime s’est plu à le parer, jeune encore, et des louanges qu’il méritait déjà et de celles qu’on rêvait pour lui dans l’avenir, il arrive difficilement qu’une gloire où l’espérance a tant de part soutienne toutes ses promesses, et que l’augure si brillant de son début ne finisse point par tourner contre elle.

1431. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Mais en général il me paroît, jusque dans sa prose, ne parler point assez simplement pour exprimer toutes les passions. » Il faut se souvenir que l’auteur de cet étrange jugement avait la manière d’écrire la plus antipathique à Molière qui se puisse imaginer.

1432. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Les lumières se réunissaient dans un seul foyer : le goût pouvait s’y former aussi ; et c’était d’un même tribunal que partaient tous les jugements littéraires.

1433. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

A chaque instant, il jugera l’action ou le personnage, et ce jugement sera un résumé ; une louange, un reproche, un mot de compassion, un sourire moqueur, sont des conclusions sous lesquelles se groupent toutes les parties d’une aventure.

1434. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Mais comme le monde n’a souci d’éruditions et suit son plaisir, il ne remonte point aux temps antérieurs ; une tradition mondaine, en fait de jugements littéraires, ne commence à se former que dans les dernières années de Malherbe, et c’est à partir du xviie  siècle seulement que se constitue et s’enrichit peu à peu dans l’opinion de la société polie le dépôt des chefs-d’œuvre de notre littérature classique.

1435. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Les jugements sont des équations, et les termes qu’on assemble sont des objets abstraits, idéaux : nulle part on n’aperçoit mieux que chez Condillac pourquoi l’esprit français au xviiie  siècle élimine de sa pensée toute réalité concrète, les formes par conséquent de la vie et la matière de l’art, et pourquoi la poésie ne peut plus être qu’un jeu intellectuel, réglé par des conventions arbitraires.

1436. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

On peut fort bien manquer d’assurance à définir un personnage de drame ou de roman, — et ne point manquer de décision à distinguer le bien du mal ; on peut être hésitant dans ses investigations et jugements littéraires, — et ferme sur ses principes de conduite.

1437. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Mais voilà un jugement bien sévère et qui va certainement désespérer notre respectable ami Prosper Bricolle !

1438. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Le miracle est un moment du jugement.

1439. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Tel fut Dante, qui conçut dans l’exil son poëme de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis, embrassant dans son plan les trois règnes de la vie future, et s’attirant toute l’attention d’un siècle où on ne parlait que du jugement dernier, de la fin de ce monde et de l’avènement d’un autre.

1440. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Il y a du vrai dans ce jugement final ; mais il est exagéré et rembruni par l’impression même du narrateur.

1441. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Dargaud, qui sont trop dans le goût du jour pour ne pas se recommander d’elles-mêmes, je demanderai à suivre de préférence un historien plus sévère, et dont le jugement et la marche m’inspirent toute confiance.

1442. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Dans ce récit exact, méthodique, sensé et touchant, Madame donne la mesure de sa raison précoce et de son bon jugement dans les choses de l’âme.

1443. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Au premier abord, ces Mémoires de Cosnac plaisent assez peu et semblent ne répondre qu’imparfaitement à la réputation de l’auteur : ce n’est que peu à peu, en avançant, ou quand on les a quittés, qu’on s’aperçoit qu’ils ont augmenté nos connaissances sur bien des points et enrichi notre jugement.

1444. (1903) Zola pp. 3-31

Le maître est descendu au fond de l’immondice. » Soustraction faite de la véhémence inséparable d’une rupture que, du reste, on voulait rendre éclatante, le jugement est presque juste et la condamnation n’est pas imméritée.

1445. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Les degrés de cette faculté assigneront la mesure dans laquelle il faudra porter ce jugement.

1446. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

L’action dramatique est soumise aux yeux et doit se peindre comme la vérité : or, le jugement des yeux, en fait de spectacle, est infiniment plus redoutable que celui des oreilles.

1447. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

On croit avoir vu cent prêtres qui ressemblaient à celui-là ; c’est une des plus fortes preuves de la sotise des règles de convention, et du moyen d’intéresser en se renfermant presque dans les bornes rigoureuses de la nature subsistante, choisie avec un peu de jugement.

1448. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Michel-Ange fut universellement blâmé pour avoir mêlé avec ce qui nous est revelé du jugement universel les fictions de l’ancienne poësie, dans la répresentation qu’il en peignit sur le mur du fonds de la chapelle de Sixte IV.

1449. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Et comme cette synthèse a lieu en dehors de chacun de nous (puisqu’il y entre une pluralité de consciences), elle a nécessairement pour effet de fixer, d’instituer hors de nous de certaines façons d’agir et de certains jugements qui ne dépendent pas de chaque volonté particulière prise à part.

1450. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

IV Elles parurent et firent leur effet, ces Névroses que j’avais annoncées bien avant tous les autres qui en ont parlé, bien avant que les Spéculateurs connus en matière de publicité, avec leurs trompettes, — qui ne sont pas les trompettes du jugement dernier, — aient vomi le nom de Rollinat de leurs horribles conques, intéressées seules au bruit qu’elles font !

1451. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

C’était, d’ailleurs aussi, le jugement de Baudelaire et Gautier.

1452. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Si un sérieux jugement peut se fonder sur les échantillons trop peu nombreux que nous a laissés le ravage du temps, Pindare, pour la grandeur des images et la majesté, est surpassé par M. 

1453. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Du point de vue de Chénier, le citoyen juge l’homme d’État et n’est qu’un pied plat si son jugement dépend de la fortune. […] Il n’en résulte pas que le digne et janséniste Boileau modifiât ses jugements selon les circonstances et les gens à qui il parlait. […] Le romantisme n’a pu inventer le moi, déjà déclaré haïssable par Pascal, dont le jugement prouve que la littérature personnelle a toujours existé. […] « Le plus beau roman qu’on ait vu depuis Balzac » : c’est Taine qui porte ce jugement sur Madame Bovary. […] Les relations personnelles avec les auteurs risquent de fausser les jugements en bien ou en mal.

1454. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Son jugement est juste et délicat, avec une finesse d’esprit qui est le résultat de la réflexion. […] Les poètes sont là-haut, bien loin, sur la cime du Parnasse ; ils y forment une sorte de cénacle glorieux et tranquille où chacun jouit sans trouble de l’admiration des belles choses lues en commun et ne tient compte que du jugement de ses pairs. […] L’esprit public se calme ; il est prêt à revenir, s’il y a lieu, d’un premier jugement précipité. […] L’histoire contemporaine s’impose à nous, elle influence plus ou moins tous nos jugements littéraires. […] L’imagination est plus vive dans son histoire de France racontée aux enfants que dans les sévères ouvrages de sa jeunesse et de sa maturité, mais la raison et le jugement sont restés les mêmes.

1455. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Ce jugement nous paraît faux, car il suspecte la sincérité de l’homme le plus sincère du monde. […] Mais au moment où il allait se rendre à son poste, il entend crier dans la rue le jugement et la condamnation du duc d’Enghien. […] C’est toujours au jugement porté sur Shakespeare qu’il faut en revenir pour apprécier la valeur d’un critique. […] » Quel triomphe pour Dussault et son école que ce jugement sévère prononcé par l’auteur du Génie du Christianisme contre son émule en innovation ! […] Rien n’est beau pour l’homme qui ne doive ses effets à certaines combinaisons dont notre jugement peut toujours donner le secret quand nos émotions en ont attesté la puissance.

1456. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Et ce qu’on appelle la vie intérieure, la pensée, le jugement composé, le raisonnement : c’est un mode nouveau de la vie, issu logiquement de la sensation. […] Mallarmé avait dit son jugement sur Wagner ; il l’avait montré conduit par son génie, lui musicien, à créer le drame complet et vivant, qu’aurait dû créer la littérature. […] « Tout concourt à compléter cette physionomie de citadin provincial » : tel est le jugement que porte en dernier lieu sur lui M.  […] Hatzfeld, « qu’un jugement porté sur une œuvre d’art », il m’est assez difficile d’en comprendre l’utilité. […] La vraie critique ne se trouve plus guère que dans les journaux ; encore y est-elle en général d’une partialité trop visible, ce qui réduit à presque rien la portée de ses jugements.

1457. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

… Enfin le duc de La Rochefoucauld guidait le jugement de Mme de La Fayette, qu’elle avait naturellement bon. […] Il se mit à les consoler doucement, et il disait que les hommes devaient penser toujours au jugement du Dieu tout-puissant ; mais qu’il ne fallait pas désespérer de sa sainte miséricorde. […] Il établit une distinction entre être sensible et sentir : l’un est une affaire d’âme et l’autre une affaire de jugement. […] Au comédien parfait, il faut une tête froide, un jugement sûr, un goût sans tache, l’étude et l’expérience. […] Les jugements de Tolstoï sur Shakespeare littérateur sont massifs, et tout à coup très fins, sans jamais quitter une arrière-pensée hostile.

1458. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Ce qui restait se jeta avidement sur ce mouvement romantique, qui avait les apparences du génie et de la nouveauté, sans avoir la réalité du génie, qui est la supériorité et la clarté du jugement. […] Mais sa renommée, son influence ont été très supérieures à sa vigueur intellectuelle et se sont appuyées surtout sur ce qu’il y a en lui d’inférieur, qui est la rectitude du jugement. […] A cela, pas d’autre raison que l’infirmité du jugement des contemporains, accompagnée, comme c’est la règle, d’une béate satisfaction de soi. […] Car la conception de l’homme de génie, telle qu’elle fut forgée par les salonnards, est une conception romantique, au même titre que celle de l’arbitrage et du jugement de la foule. […] La Science ne développe guère le jugement.

1459. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Le jugement est l’écho de celui que j’ai entendu moi-même M.  […] Je m’inscris pourtant en faux contre le jugement que j’ai rapporté. […] Quant à Sainte-Beuve, qui, lui, savait tout comprendre, j’en appellerai de son second jugement à un premier. « M.  […] Il avait le caractère, cette faculté de défendre son jugement intérieur contre les influences les plus pressantes ou les plus insidieuses. […] D’autres furent aussi malheureux qui ont su prémunir leur intelligence contre les surprises de leur sensibilité trop vive et garder la rectitude de leur jugement dans le désordre de leur fièvre intérieure.

1460. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Quelques Fabulistes ont même personifié des êtres abstraits ; nous avons une fable connue où l’auteur fait parler le jugement avec l’imagination.

1461. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Car la critique n’a pas de raison d’être ou son rôle consiste à mettre en regard de l’opinion irraisonnée de la foule un jugement réfléchi qui peut concorder avec elle ou en différer, mais qui en tout cas repose sur d’autres fondements. […] C’est dire qu’avant de longues années encore il sera bien impossible de formuler sur l’œuvre de Taine un jugement d’ensemble, d’en apprécier l’originalité et d’en mesurer la portée. […] Non seulement dans la Philosophie de l’art il ne cesse de porter des jugements, mais voyons de quels principes il autorise ces jugements ! […] C’est un retour au jugement de goût. […] Des gens parfaitement honnêtes, dont la conduite est irréprochable et le jugement droit, se surprennent à être plus émus qu’indignés.

1462. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Et, dans le Bal du comte d’Orgel, il mettra, avec la rapide expérience qu’il a du monde, tous les jugements qu’il porta sur les oisifs, sur le temps présent. […] Son domaine est celui des faits. » Voilà un jugement un peu court et imprudent que vient démentir la dernière comédie dramatique de M.  […] Toutefois je serais tenté de reprocher à ce critique de nous tromper, de ne pas suivre son programme puisqu’il semble rattacher Giraudoux à une tradition qu’il est convenu d’appeler bien française ; et de même quand il établit un parallèle entre Duvernois97 et Gustave Droz, Henri Monnier et Murger, il fonde son jugement sur des règles qui n’ont pas l’air bien inédites. […] Rabelais vient à propos soutenir son ministre à Montpellier et lui permet d’affirmer que le grec et le latin n’ont jamais été pour lui « matières à subtilités vaines et à bel esprit oratoire », mais qu’il les tient pour nécessaires « à pourvoir son élève d’une pensée ferme et d’un jugement clair ». […] D’un coude nonchalant, comme s’il allait pouffer, et rire au professeur, il amène alors sur sa bouche une main enfantine, et ses doigts écartés musèlent le récit ; puis, il se contente de sourire ; ses gestes ne sont plus qu’excuses, allusions, réticences : sans doute devait-il se prendre à quelque faux semblant, prononcer un jugement trop superficiel, et comme il déteste la tricherie, il a préféré s’abstenir.

1463. (1925) Portraits et souvenirs

Il semble que le publié, en effet, accorde une réelle valeur au jugement des dix artistes qui lui signalent ainsi, chaque année, une œuvre remarquable dont ils lui garantissent en quelque sorte le mérite littéraire. […] Il m’a toujours paru résulter de cette constatation que le jugement à porter sur un ouvrage de poésie exigerait, pour être à la fois impartial et compétent, une espèce de dédoublement. […] Après y avoir plus ou moins longuement parlé de Pétrarque et de Ronsard, de Théophile de Viau et de Desportes, d’André Chénier et de Népomucène Lemercier, sans oublier Louise Labbé et Permette du Guillet, Moréas consacre à Hugo quelques pages amusantes, mais qui sont loin de nous donner le jugement véritable que portait, sur l’auteur de la Légende des Siècles, l’auteur des Sylves. […] N’avons-nous même pas vu des critiques de profession, dont toute l’étude avait été dirigée vers le but d’acquérir une certitude de jugement à laquelle nous ne pouvons prétendre, commettre, en matière de prédictions littéraires, de graves erreurs d’évaluation ? […] Cet ouvrage fut une lecture très importante pour les jeunes artistes de ce temps, comme Régnier se le rappellera bien plus tard : « J’ai gardé un souvenir très présent de l’impression que causa aux hommes de ma génération, qui étaient alors de jeunes gens, la lecture de ces pages de forte et subtile analyse, de vivante et profonde compréhension, d’une si clairvoyante et ferme justesse de jugement » (Chronique « La vie littéraire », dans Le Figaro du 19 mars 1929).

1464. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Ces fous, — au jugement de la masse, — et moi, nous nous efforçons d’éveiller chez les jeunes gens, les seuls qui soient encore capables d’un élan vers la beauté, une conscience nouvelle de la vie. […] Mais… le jour de notre jugement, il se présenterait sur le même pied que moi. […] Il prétend encore qu’à la suite du jugement, vous soyez sous ses ordres, comme il fut si longtemps sous les vôtres. […] Il a exercé mon jugement et ma volonté ; et lorsqu’il m’a trouvé apte à jouer, dans la comédie sociale, le rôle pour lequel j’étais marqué, il m’a laissé continuer mon évolution tout seul, sachant que je ne dévierais pas, désormais, de la voie qu’il était en moi de suivre… Je lui ai donné beaucoup de mal, — sans doute autant que vous. […] C’est pourquoi les ennemis que me valent ma perspicacité sans cesse en éveil aussi bien que les jugements contradictoires portés sur moi par nos contemporains sont largement compensés par les progrès du rythme de destruction dont je suis un des promoteurs.

1465. (1940) Quatre études pp. -154

Il est bien entendu que je ne porterai pas de jugements, que je ne décernerai pas de prix, que je ne dresserai pas de palmarès. […] Suivant un jugement qui est chez eux séculaire, la poésie française est vouée à une sorte d’infériorité constitutionnelle parce que, d’une part, la race dont elle émane a justement les qualités qui tendent à la prose et manque de celles qui sont proprement poétiques, puisqu’elle est raisonneuse, sceptique et intellectuelle, beaucoup plus qu’imaginative, sensible et passionnée ; d’autre part, parce que les mêmes caractères, les mêmes tendances, se marquent jusque dans la langue, à laquelle font défaut la couleur, la force de l’accent, la brusque envolée du lyrisme. […] Or ce jugement s’applique au temps du romantisme. […] L’histoire littéraire est pleine de jugements sévères portés sur des poèmes qui nous paraissent admirables, mais qui durent, jadis, payer chèrement le prix de leur nouveauté. […] Voir aussi le jugement porté sur l’opposition de la poésie anglaise et de la poésie française, dans la préface écrite par G. 

1466. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Quoique bien novice et inexpérimenté alors en matière d’histoire et en jugement politique, quoique mal édifié sur la vraie grandeur de Richelieu, j’en savais assez déjà pour relever dans cet ingénieux roman la fausseté de la couleur, le travestissement des caractères, les anachronismes de ton perpétuels : non, quoi que de complaisants amis pussent dire, non, ce n’était pas là du Walter Scott français ; M. de Vigny n’eut jamais, pour réussir à pareil rôle, la première des conditions, le sentiment et la vue de la réalité, — j’entends aussi cette seconde vue qui s’applique au passé. […] Et comme il cherchait dans sa tête sans trouver, il fallut qu’on lui en nommât plusieurs pour qu’il dît au passage : « C’est lui. » Je n’eus l’honneur de connaître M. de Vigny qu’en 1828 ; je m’étais fait pardonner, par l’admiration bien sincère que j’avais pour sa poésie, mon jugement antérieur sur Cinq-Mars.

1467. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

En ne parlant aujourd’hui que des peintres, par exemple, est-ce que, quand vous parcourez de l’œil la voûte vertigineuse du Vatican, où Buonarotti a rêvé le jugement dernier, vous ne songez pas à Moïse ? […] Parce que Léopold Robert est mort, d’abord, et que la mort laisse la liberté du jugement tout entier ; parce que Léopold Robert est à lui seul, selon nous, toute une peinture : la peinture poétique, le point de jonction entre la poésie écrite et la poésie coloriée ; enfin parce que Léopold Robert est un inventeur, un découvreur de terres inconnues, le premier qui soit franchement sorti des routines de la mythologie, des lieux communs de la peinture historique, pour entrer hardiment, seul avec son génie, dans la peinture de la pensée, du sentiment et de la nature.

1468. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Il n’y a certainement qu’un usurpateur de génie qui ait la main assez ferme et même assez dure pour rétablir… Laissez faire Napoléon… Ou la maison de Bourbon est usée et condamnée par un de ces jugements de la Providence dont il est impossible de se rendre raison, et, dans ce cas, il est bon qu’une race nouvelle commence une succession légitime, etc. » On voit avec quelle souplesse de logique le fidèle de l’ancien régime se convertit aux volontés de la Providence et les justifie même contre son propre dogme. […] Je ne connais aucun peuple que je mette au-dessus des Piémontais pour ce qui s’appelle bon sens et jugement ; mais, lorsqu’ils venaient en Savoie pour y commander, ce bon sens n’était plus le même. » XXVI On a vu en 1848 combien le comte de Maistre avait eu le sentiment de ces antipathies intestines qui empêchent tout amalgame durable entre les diverses nationalités italiennes, sous un sceptre italien, et plus peut-être sous un sceptre italien que sous un protectorat étranger.

1469. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Tu te révolteras contre son jugement ! […] que de la profondeur de jugement.

1470. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

« Cependant le mauvais temps continuait avec une obstination incroyable ; depuis plus de quinze jours que j’étais à Paris, je n’avais pas encore salué le soleil, et mes jugements sur les mœurs, plus poétiques que philosophiques, se ressentaient toujours un peu de l’influence de l’atmosphère. […] Je bénirai toujours le moment où j’y arrivai, car je m’y composai un petit cercle de six ou sept hommes doués de sens, de jugement, de goût et d’instruction, ce qu’on aura peine à croire d’un pays aussi petit.

1471. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Et mon interlocuteur appuie sur les incertitudes du critique, ses tergiversations de jugement, sa quête de l’opinion des autres, du jugement des petites dames, et parfois sur l’intimidation morale, produite par l’invasion de grands diables comme Turgan et Feydeau, tombés inopinément chez lui, et qui enlevèrent son article sur Fanny.

1472. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

3 janvier Si on écoutait ses maux, on resterait couché et on ne se lèverait qu’au jugement dernier. […] Il meurt d’une maladie de cœur, et son ami prétend, à l’encontre du jugement de tous, que cette maladie vient de la sensibilité rentrée de l’écrivain, qui était très tendre, sous le masque de l’égoïsme et du cynisme.

1473. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

… Les amis et les adversaires de Victor Hugo, ont accrédité des jugements téméraires portés sur lui par la crainte et l’admiration : dans l’intérêt de sa gloire il est nécessaire de les réviser. […] Parfois les générations futures ne ratifient pas les jugements des contemporains.

1474. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

On trouve la peine trop faible pour ses prétendus crimes ; un second jugement populaire le condamne à mourir par le feu ! […] « Là il se trouvait au rendez-vous des générations, jouissant du même horizon qui sera celui du jugement universel, et qui embrassera toutes les familles du genre humain.

1475. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Écoutez avec attention les pages que je vais vous lire ; recueillez bien vos impressions et vos jugements ; je vous interrogerai ensuite sur vos propres sentiments, et je vous donnerai pour sujet de composition demain l’analyse raisonnée de ces pages. […] Mes amis se récrièrent alors sur la sévérité de ce jugement précoce, qu’ils ont ratifié depuis ; ils m’ont rappelé bien souvent plus tard cette précocité de bon sens qui se laissait séduire, mais qui ne se laissait pas tromper par ce grand génie de décadence.

1476. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Il dira encore, en faisant la critique de notre manière de traduire les anciens et des jugements qu’on en a portés à l’aveugle : C’est à la source qu’il faut aller.

1477. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Mais, en admettant ces obligations, il serait singulier qu’un homme de bon sens et de ferme jugement, comme Sully, fût tenu d’affaiblir son opinion d’historien sur une femme, parce qu’elle lui aurait rendu quelques bons offices dans un intérêt tout personnel.

1478. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Fréron, homme de sens (ou Desfontaines), l’avait déjà distingué et cité lors de la publication première (Jugement sur quelques ouvrages nouveaux, t. 

1479. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Je ne viens pas concourir comme bien l’on pense, ni anticiper non plus sur un jugement dans lequel j’entrerai très peu : je ne veux que rendre à ma manière, et comme quelqu’un du dehors, l’impression qu’a faite sur moi la lecture de Froissart, la rejoindre et la comparer à cette autre impression que m’ont produite les mémoires de Joinville.

1480. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

C’est l’ouvrage où il se peint le mieux dans la force de sa maturité, avec ce bon goût qui naissait d’un bon jugement, avec sa sûreté d’appréciation et cet esprit net et ferme qui était le sien.

1481. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Il se prend résolument pour point de départ de ce qu’il préfère ; son goût personnel entraîne tout son jugement dans une seule et même verve.

1482. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Son jugement sur les choses publiques en est affecté et va changer dès lors de point de vue : lui qui jusque-là considérait la Révolution comme une sorte de grand chemin uni où l’on n’avait qu’à marcher droit en se tenant, il croira, à dater de ce moment, à je ne sais quel moteur invisible et qu’il ne désigne pas ; il lui attribuera toutes les fausses nouvelles, les craintes, les défiances, ce qui corrompra et dénaturera désormais la liberté : « Pour avoir tissu et suivi ce plan abominable, il faut, disait-il, et un esprit profond et beaucoup d’argent.

1483. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Or, cette personne qui revient quelquefois dans ses lettres, disciple de Corinne à beaucoup d’égards, surtout par les prétentions à l’enthousiasme, et qui paraît avoir été peintre, si ce n’est poète, il ne put jamais, malgré son esprit et son mérite, parvenir à la goûter : Ma foi, mon cher, écrivait-il à un ami, malgré son amabilité (affectée bien souvent), je lui trouve si peu de naïveté, de vrai sentiment, de jugement raisonnable, qu’elle est bien loin d’aller sur ma piquée… Elle nous fait des compliments si exagérés souvent, qu’il est impossible de ne pas voir qu’ils ne sont que dans sa bouche ; et puis, enfin, on voit le caractère des gens dans leur peinture ; je trouve qu’elle n’a pas l’ombre de sentiment, pas d’expression, pas de vérité bien souvent dans la couleur ; pour le dessin, elle ne s’en doute pas : et elle veut mettre à tout cela une touche-homme… Ma foi, je la juge violemment, tu diras.

1484. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Sur L’Homme à bonnes fortunes, sur La Coquette, sur Le Jaloux de Baron, Dangeau, en les mentionnant, glisse un jugement favorable ; il nous indique en même temps celui du roi.

1485. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Les soldats, au jugement des ingénieurs, avaient plus travaillé en ces huit jours que n’eussent fait quatre fois autant de pionniers en cinq semaines.

1486. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Il y en a pourtant qui, pour n’être pas si polies, ne laissent pas d’imprimer du respect et de la révérence. » Ce jugement de l’abbé de Rancé est celui d’un homme de sens et de goût ; il fait les deux parts et reconnaît, même aux vieilles hymnes dont le langage rebute parfois, ce caractère qui imprime de la révérence.

1487. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

. — Essai de jugement.

1488. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Je n’accuse point votre cœur, mais votre inhabileté et votre peu de jugement pour prendre le meilleur parti.

1489. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

La nécessité dans laquelle on se trouve chaque jour de porter un jugement sur ce qui a paru de nouveau dans les arts, oblige chaque maison d’avoir un bel esprit, c’est-à-dire un homme qui la fournisse de décisions sur tout ce qui se présentera.

1490. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

En lisant son Journal, on ne saurait lui accorder que des qualités solides, du sens, de la droiture, du jugement, une parfaite sincérité ; mais il a l’esprit peu éclairé (accessible aux superstitions, aux dires populaires), il a peu d’esprit dans l’acception vive du mot ; jamais un trait ne lui échappe, jamais une étincelle ; et de plus son goût, quoique sain et sobre en soi, ne l’empêche pas de trouver merveilleux les amphigouris métaphoriques de M. 

1491. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Il suffît d’ouvrir le livre admirable où elle apprécie d’un jugement si ferme les principaux événements de la Révolution française, pour être pleinement édifié sur le peu de foi qu’elle accordait au libéralisme de celui, etc., etc. » Mais, Madame, il ne s’agit pas, encore une fois, du livre de Mme de Staël rédigé plus tard et d’après une impression totale et résumée où l’on supprime et l’on abolit tout ce qui a pu s’en écarter un moment ; il s’agit de lettres écrites dans les cinq premières semaines des Cent-Jours, sous le coup des événements les plus menaçants, de conseils d’amis sans doute très pressants, et sous l’inspiration aussi d’un sentiment national honorable, dont la suggestion a pu être plus forte que les règles et les principes.

1492. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Là surtout de nombreux et excellents travaux critiques, d’abondantes publications qui datent de quelques années seulement, ont fort éclairci la question et ne laissent guère aux critiques amateurs et divulgateurs, comme nous, que le soin de les bien reproduire et de les résumer, sauf à y mêler chemin faisant un jugement et une réflexion.

1493. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

J’ai continué depuis de le lire, et je voudrais résumer mon jugement sur les parties qu’il a traitées jusqu’à présent de la seconde Restauration, comme je l’ai fait sur l’ensemble de la première.

1494. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

. — Il faut tout dire, et un moraliste de ma connaissance, qui aime marquer le plus qu’il peut les contradictions de la nature morale, me souffle à l’oreille ce dernier mot : « Allons, convenez-en, ce tendre et mélancolique Deleyre était athée en toute sécurité de conscience, et à la Convention, dans le jugement de Louis XVI, il vota la mort sans biaiser et sans sourciller. » L’aveu qui me coûtait le plus à faire est sorti.

1495. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Mais que celui qui, pendant la durée de l’orage, n’a été froissé par aucune secousse douloureuse, qui n’a sacrifié à aucune passion, n’a épousé aucun parti, n’a éprouvé aucun sentiment de haine ou de ressentiment, dont l’opinion a toujours été calme, l’esprit toujours froid, le jugement toujours impartial ; que celui qui peut dire avec Tacite, non dans une épigraphe pompeusement inscrite sur le frontispice de son livre, mais dans l’intérieur de sa conscience : Mihi Galba, Otho, Vitellius, nec amicitia, nec odio cogniti, que celui-là écrive pour nos contemporains l’histoire de la Révolution.

1496. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Son indolence le portait à céder facilement à tout ce qu’ils lui proposaient, sans prendre la peine de l’examiner, encore moins de le contredire ; son jugement sain et l’expérience qu’il avait des affaires lui faisaient souvent désapprouver en secret leur conduite et leurs mesures ; rarement il se permettait des représentations, il n’y insistait jamais : la consolation de ces âmes indolentes, que la faiblesse domine sans leur ôter l’intelligence, est le mépris pour ceux qui les conseillent mal, soit par ignorance, soit par des passions particulières.

1497. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

., La poésie épique, enfin, dégénérée de la perfection de Virgile, est inspirée dans la Pharsale d’un souffle tout oratoire et mérite à Lucain ce jugement de Quintilien, qu’il était plutôt un orateur qu’un poète. » C’est ingénieux et incontestable.

1498. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Cette remarque est nécessaire pour expliquer et motiver, au premier coup d’œil, certaines parties de notre jugement auprès des personnes nombreuses qui ne connaissent M. de La Mennais que par ses plus récents écrits et qui même commenceront à le connaître par celui-ci tout d’abord.

1499. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Un jugement même semblera bien superflu après le succès universel.

1500. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Ravy de tous objects, j’ayme si vivement Que je n’ay pour l’amour ny choix ny jugement.

1501. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Entre les innombrables brochures publiées alors, quatre pièces principales suffisent pour éclairer l’opinion et fixer le jugement : 1° la préface explicative que M.

1502. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Son jugement sur Ennius est passé en proverbe.

1503. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Les courtisans de tous les régimes imitent ceux qu’ils louent ; ils se pénètrent d’estime pour ceux dont ils ont besoin ; ils oublient que le soin même de leur intérêt n’exige que les démonstrations extérieures, et qu’il n’est pas nécessaire de fausser jusqu’à son jugement pour se montrer ce qu’on veut paraître.

1504. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Malgré la conformité fréquente de leurs jugements particuliers, il n’y a pas chez eux communauté absolue de principes : ils ne sont pas au même point de vue.

1505. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Il lui a fallu croire et professer la nature toute bonne, parce qu’il aimait toutes les manifestations de cette nature ; et son jugement moral s’est refusé à supprimer, même en désir et en pensée, aucune des formes de la vie.

1506. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Dès qu’il ouvre la bouche, Napoléon est orateur ; car il règle sa parole pour enlever à ceux à qui il parle, individus ou peuples, contemporains ou postérité, la liberté de leur jugement, pour asservir leurs esprits ou leurs volontés.

1507. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Il a ses limites et ses préjugés : mais que de pénétration, quel jugement sain et droit, quelle abondance de vues personnelles !

1508. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Cette théologie est sans compassion ; elle accable l’homme par la brièveté de ses jugements sommaires, à la différence de la religion, qui découvre d’une main maternelle toutes les plaies du cœur qu’elle va guérir, et qui montre, à côté des ravages du mal originel, les ressources de la nature rachetée.

1509. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Il s’agit de faits réels, dûment constatés et enregistrés, dont force est aux esprits les plus méfiants de tenir compte et, alors, se crée la Société psychique de Londres qui se propose de soumettre tous les phénomènes d’apparitions spectrales et de matérialisation au contrôle rigoureux du jugement et de la raison.

1510. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

C’est à expliquer, sinon à concilier des jugements si divers, que veut s’employer cette étude, sorte de mise au point impartiale du débat.

1511. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Après avoir été une enfant délicieuse, elle grandit sans cesser d’être charmante ; son esprit se développa avec sa taille, et son jugement, chaque jour plus avancé, promettait une maturité précoce.

1512. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Ne demandez pas à Mme de Sévigné, une fois engagée dans ce récit, de l’impartialité, ni un jugement sur le fond ; elle est amie, elle est dévouée, elle est déterminée à trouver tout bien et admirable de la part de l’accusé.

1513. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Par exemple, le paragraphe sur la Terreur que j’ai cité précédemment, et qu’on lit d’abord dans sa brochure de La Révision des jugements (1795), se retrouve textuellement au dernier chapitre de son livre sur L’Usage et l’Abus de l’esprit philosophique.

1514. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Si sa volonté eût été aussi éclairée que tenace, c’eût été un chef de gouvernement assez remarquable ; mais il péchait par le jugement.

1515. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Vous avez toutes les parties qui s’y peuvent désirer, l’esprit, le jugement et la fidélité.

1516. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Il est difficile d’asseoir un jugement littéraire complet sur les premiers essais dramatiques de M. 

1517. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Le régent Boris ordonna une enquête ; il s’ensuivit un jugement et une sentence des plus rigoureuses.

1518. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Réduisant l’opinion de M. de Lamartine à son véritable sens, j’y cherche moins encore une erreur de son jugement qu’une conséquence de sa manière d’être et de sentir.

1519. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Il en résulte que lorsqu’il s’agit de déterminer si une forme doit prendre le nom d’espèce ou de variété, l’opinion des naturalistes doués d’un jugement sûr et en possession d’une grande expérience semble devoir seule faire autorité.

1520. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Si nous parcourions toute la série d’idées que peut faite naître le sujet qui nous occupe, nous verrions que le duel, reste de nos anciennes mœurs, s’est conservé intact dans nos mœurs nouvelles, mais qu’il commence à sortir de la sphère des opinions ; que l’institution du jury, réclamée par nos opinions, et regardée avec raison comme le fondement de toutes nos garanties sociales et de nos libertés actuelles, n’est point entrée dans nos mœurs, puisque nous obéissons avec tant de répugnance à la loi qui nous impose le devoir de juger nos pairs, puisque les jugements rendus dans le sanctuaire de la justice, sous la responsabilité de la conscience des jurés, sont attaqués ouvertement, et discutés comme nous discutons tout ; nous verrions enfin que si nous n’étions pas soutenus par l’esprit de parti, nous nous acquitterions de nos fonctions d’électeurs avec une négligence que l’on prévoit déjà pour l’avenir.

1521. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Les chroniqueurs d’habitude se marquent, en ce fourmillement de faits, par l’absence de jugement supérieur sur les événements et les choses, de repli d’âme, de réflexion sur ces faits qu’on n’a souci que de raconter en les peignant de couleurs vives.

1522. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Deux autres de ces drames : Othello et Shylock, sont des traductions de Shakespeare qui sont à peu près ce que serait le Jugement dernier de Michel-Ange copié par Raphaël, mais n’expriment du génie qui les traduit que la grande souplesse dans la grande pureté.

1523. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Pour qu’aucune voix n’ait osé porter ce fait à la connaissance de tous, il a fallu une ignorance et un manque de jugement extraordinaires, dont profita le parti catholique.

1524. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Seulement, n’étant pas en mesure de se faire un jugement par lui-même, ignorant d’ailleurs d’où provenait l’erreur de ces contemporains, il aura simplement interprété selon ses vues personnelles l’incompréhensibilité autrefois reprochée à l’œuvre par une critique peu clairvoyante. […] Dans tous ces jugements, comme en général dans toute la conception esthétique de Tolstoï, il n’y a ni clarté, ni sûreté de déduction, ni compréhension véritable du sujet. […] Le maître russe ne s’est même pas donné la peine d’étudier les idées et l’œuvre de Wagner ; et c’est de sa part faire preuve d’une légèreté vraiment difficile à pardonner que d’émettre dans ces conditions, des jugements qui restent sans portée parce qu’ils portent à faux. […] La deuxième, c’est que rien n’est laid que l’homme qui dégénère ; — avec cela l’empire des jugements esthétiques est circonscrit. » Et il explique que l’horreur du laid résulte d’instinct de la crainte de la dégénérescence, de la décomposition. […] Quoi qu’il advienne de leurs efforts, gardons-nous des jugements hâtifs et surtout des impressions pessimistes habituelles aux esprits chagrins, aux tempéraments rassis, ennemis de l’aventure.

1525. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Son jugement sur Fénelon en est une preuve éclatante. […] La preuve en est dans la diversité des jugements portés sur elles. […] Maurice Muret, qui nous rapporte ce jugement, ajoute que « sous la plume d’un critique de Würzburg, il ne manque pas de saveur ». […] Courtois-Suffit et Giroux nous font comprendre pourquoi, rien qu’en reproduisant le compte rendu d’un certain nombre d’affaires et les jugements qui les ont terminées. […] N’était-ce pas hier que M. le recteur Appell prenait à son compte le dur jugement du célèbre mathématicien Joseph Bertrand sur l’éducation nouvelle : « On instruisait autrefois.

1526. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Je n’ai cherché avant tout qu’à établir une échelle des valeurs, en portant sur les œuvres un jugement de raison, mais seulement après avoir essayé de les recréer et de les revivre en moi par la sympathie. […] Vertu merveilleuse des statistiques, signes de la foi nouvelle, devant lesquels se prosterne, abandonnant tout jugement, l’homme moderne. […] La volonté du ou des signataires dans les testaments comme dans les contrats est pourtant, aux yeux des juristes, considérée comme un élément sacré, qui doit être toujours recherché, précisé et sur lequel tout jugement doit être fondé.

1527. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

… Telle est l’objection que je dissimule d’autant moins, qu’à mon propre jugement, l’art, abstraction faite de la période d’apprentissage, est, par nature, toujours égal à lui-même, dans un niveau inférieur à ses plus grandes sublimités. […] Jamais la démocratie ne se montra plus souveraine et le jugement populaire plus incorruptible. […] Aussi est-il du devoir de tous ceux qui luttent de s’entraider, d’attirer au besoin les colères des médiocrités, d’être solides dans leurs opinions, sérieux dans leurs jugements, et de ne pas imiter la prudence du vieillard Fontenelle. […] Ils devancent l’opinion, ils la forment, précisément parce qu’ils n’ont pas besoin de la consulter pour asseoir leur jugement.

1528. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

« On le définit : un discernement spécial, un jugement rapide, l’avantage de distinguer certains rapports … » Mais je me récite Bouvard et Pécuchet. […] Quand il écrivait, toute sa sensibilité passait dans ses longues et dures écritures, et avec elle toutes ses rancunes, toute sa rage d’être un duc si obscur, tout le dédain secret de l’homme qui juge pour des gens dont l’importance, par le jugement même qu’ils subissent, est amoindrie et limitée. […] Faguet est un homme d’érudition grave et de jugement mobile. […] Les erreurs de jugement à ce sujet viennent de ce que l’on croit qu’il n’y a pas de style, quand il n’y a pas de « style poétique ». […] C’est devant cet Aréopage très sérieux, de jugement sûr et même sévère, que chaque poète vierge comparaît à la fois avec orgueil et avec tremblement.

1529. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Presque tous les copistes ont commis des erreurs, soit de jugement, soit accidentelles. Erreurs de jugement si, étant à demi instruits et à demi intelligents, ils ont cru devoir corriger des passages ou des mots de l’original qu’ils n’entendaient pas72. […] Les modifications qui proviennent de fraudes et d’erreurs de jugement sont souvent très difficiles à rectifier, et même à voir. […] Leur orgueil et leur excessive âpreté dans les jugements qu’ils portent sur les travaux de leurs confrères sont souvent reprochés aux érudits, nous l’avons vu, comme une marque de leur excessive « préoccupation des petites choses », en particulier par des personnes dont les essais ont été sévèrement jugés. […] La notion de fait, quand on la précise, se ramène à un jugement d’affirmation sur la réalité extérieure.

1530. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Ces débridés qui l’emportent encore sur Othello par leur absence de jugement, ont néanmoins un frère dans Shakespeare. […] À la suite de son livre curieux ou documenté, Hennequin donnait un modèle, un schéma de son jugement avec Victor Hugo comme exemple. […] Le difficile est d’avoir un jugement lucide et une opinion sincère. […] Je crois que sa frénésie imaginative, maintenue ici par les faits, s’épanche en jugements violents, en qualificatifs sévères. […] Ils joignent à l’ardente imagination un jugement net.

1531. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Prevost-Paradol, analysant ce livre dans les Débats, disait : « Jamais la vie de Mme Récamier n’a été mieux racontée que dans les cent premières pages du livre original et spirituel que nous avons sous les yeux. » Mais il ajoutait : « Ce livre est d’une Anglaise, et il ne serait pas écrit en anglais10 qu’on le devinerait sans peine à l’indépendance un peu brusque des jugements, au ton sérieux qui y est soutenu dans les passages les plus agréables, à l’esprit pratique et réformateur qu’on y surprend de temps en temps, non parfois sans sourire. […] Moreau lui-même la définit dans son livre du Haschisch et de l’Aliénation mentale, est une agitation confuse, espèce de mouvement oscillatoire de l’action nerveuse, qui met obstacle à l’association régulière et libre des idées : on est incapable de diriger ses pensées et de former des jugements ; « l’intelligence semble se dissoudre ; on sent ses idées, toute son activité intellectuelle, emportées par le même tourbillonnement qui agite les molécules cérébrales… » Le principal caractère de l’excitation est donc, d’après le docteur Moreau lui-même, que l’on perd le contrôle de l’hallucination par la réalité, qu’on ne distingue presque plus le moi du non-moi, que les idées ne se lient plus entre elles que par des rapports fortuits, que l’esprit fait de vains efforts pour les rattacher, pour les diriger, et qu’il perd ou se sent tout près de perdre la conscience comme la volonté. […] Mais, quand on ne connaîtrait pas ce fait, quand on ignorerait la prédilection de Michel-Ange pour le poète de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis, est-ce que la vaste page du Jugement dernier n’apparaîtrait pas toujours comme le résumé de cette grande trilogie et comme la Divine Comédie en un seul tableau ? […] C’est à Urbino, au milieu de l’une des contrées les plus gracieuses des Apennins, entre les hauts sommets de ces Alpes italiennes et la mer Adriatique, que naquit Raphaël59. » Son père, Giovanni Santi, et trois autres de ses ancêtres, étaient des peintres distingués. « Ce père, homme de sens et de jugement, dit Vasari, savait combien il importe de ne pas confier à des mains étrangères un enfant qui pourrait contracter des habitudes basses et grossières parmi des gens sans éducation : aussi voulut-il que ce fils unique et désiré fût nourri du lait de sa mère, et put, dès les premiers instants de sa vie, s’accoutumer aux mœurs paternelles. » Giovanni fut le premier maître de son fils.

1532. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

je fais mon examen de conscience) il me serait impossible de lire l’article de tel autre et de le constater conforme à mon jugement propre, sans qu’aussitôt je changeasse d’avis avec une sorte de précipitation passionnée, de fougue ardente, et avec la conviction profonde que je m’étais abominablement trompé. Il faut craindre ces influences en sens contraires, également intimidantes et également destructives de tout jugement personnel, réfléchi et cohérent. […] Sur quelques points, cependant, on a quelque chose à reprendre aux jugements du suffrage universel. […] « Une certitude de mauvais goût qui rassure et qui vérifie par le contraire tout ce qu’on doit penser d’un auteur et d’un livre. » Voilà ce qu’il en dit, et comme c’est à propos du jugement de l’abbé d’Aubignac sur la Théodore de Corneille qu’il en parle ainsi, il a raison dans l’espèce ; mais, considéré comme jugement d’ensemble sur le docte abbé, ce serait bien rude ; ce serait même tout à fait absurde, s’il faut tout dire. […] Et sait-on bien encore que la plupart (la plupart seulement) de ses jugements sur le théâtre de Corneille sont très justes ?

1533. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Ses jugements portent de plus en plus l’empreinte de cette décision qui impose la certitude… Que de motifs pour être économe de son temps et de ses forces ! […] Mais, s’il est inévitable qu’un écrivain qui ne travaille que pour les femmes tombe dans la mignardise, l’afféterie et la misérable élégance, c’est une mauvaise condition, en revanche, de mépriser tout à fait leur jugement. […] Cette ignorance doit nous décider à suspendre notre jugement, si nous tenons à être justes, même à l’égard des personnes dont les idées répugnent le plus, à nos idées. […] Vous ne le saurez jamais, et pas davantage son jugement sur les vilenies de ses personnages, sur l’état social dont ils sont les produits, sur les maladies morales dont ils sont les victimes. […] Traduit en langue vulgaire, il signifiait autrefois, comme son étymologie l’indique, un jugement.

1534. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Ses jugements sont d’un grand prix, et le bon sens qui est au fond de son amabilité s’y décèle.

1535. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Qui ne sent pas son prix n’est pas digne d’elle ; mais qui l’a pu sentir et s’en détache est un homme à mépriser… — Gibbon a l’honnêteté de renvoyer à cette lettre où les noms étaient restés masqués par des initiales ; il indique que c’est à lui qu’elle s’applique, et il ajoute : « Comme auteur, je n’appellerai pas du jugement, ou du goût, ou du caprice de Jean-Jacques ; mais cet homme extraordinaire, que j’admire et que je plains, aurait pu mettre moins de précipitation à condamner le caractère moral et la conduite d’un étranger. » j.

1536. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Il tint de cette mère estimable et de vieille roche plusieurs des qualités qu’il mit en œuvre : Elle réunissait, dit-il, des qualités qui vont rarement ensemble ; avec un caractère singulièrement vif, une imagination brillante et gaie, elle avait un jugement prompt, juste et ferme : voilà déjà une femme assez rare, mais ce qui est peut-être sans exemple, elle a eu, à cent ans passés, la tête qu’elle avait à quarante.

1537. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Elle était la solidité et le jugement même.

1538. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Or, tout en s’occupant, il est vrai, de l’Amérique, mais en pensant aussi beaucoup à l’Europe, Franklin a porté les jugements les plus irrévérencieux et les plus moqueurs sur le système d’éducation qui continuait de prévaloir sous ses yeux.

1539. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Il semblerait donc que le marquis d’Argenson fût suffisamment connu et qu’il n’y eût aujourd’hui qu’à résumer les impressions et jugements que nous laissent ces diverses lectures.

1540. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

) Je ne donne ici que la moralité que tire Frédéric de ce démêlé avec Voltaire : quant à ses jugements sur l’homme, ils sont trop sévères, trop durs, pour qu’une plume française se complaise à les répéter.

1541. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Quelque jugement qu’on porte sur l’ensemble de ce travail, il le conçut à bonne fin et le commença avec un zèle extrême : L’entreprise est délicate, écrivait-il à un de ses amis de Paris, M. de Chénevières ; il s’agit d’avoir raison sur trente-deux pièces ; aussi je consulte l’Académie toutes les postes, et je soumets toujours mon opinion à la sienne.

1542. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Mais l’homme dur et rigide, l’homme tout d’une pièce, plein de maximes sévères, enivré de sa vertu, esclave des vieilles idées qu’il n’a point approfondies, ennemi de la liberté, je le fuis et je le déteste… Un homme haut et ardent, inflexible dans le malheur, facile dans le commerce, extrême dans ses passions, humain par-dessus toutes choses, avec une liberté sans bornes dans l’esprit et dans le cœur, me plaît par-dessus tout ; j’y joins, par réflexion, un esprit souple et flexible, et la force de se vaincre quand cela est nécessaire : car il ne dépend pas de nous d’être paisible et modéré, de n’être pas violent, de n’être pas extrême, mais il faut tâcher d’être bon, d’adoucir son caractère, de calmer ses passions, de posséder son âme, d’écarter les haines injustes, d’attendrir son humeur autant que cela est en nous, et, quand on ne le peut pas, de sauver du moins son esprit du désordre de son cœur, d’affranchir ses jugements de la tyrannie des passions, d’être libre dans ses idées, lors même qu’on est esclave dans sa conduite.

1543. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

» Aucune circonstance de sa vie, pas même l’inclination qui détermina son mariage, n’est venue démentir ce jugement qu’il portait sur lui-même ; il n’aima jamais qu’à la surface et, pour ainsi dire, devant le premier rideau de son âme : le fond restait mystérieux et réservé.

1544. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Flousset aurait beaucoup le talent d’écrire et de peindre, d’être éloquent, comme on dit, dans le cas où il marcherait tout seul et où il aurait à composer, pour son compte, quelque morceau de sa propre étoffe ; mais aujourd’hui il ne nous donne pas le temps d’y songer : dans ce long travail d’analyse, d’extrait, de résumé et d’assemblage, il a fait preuve partout d’un excellent jugement, d’un goût sobre, d’un choix sévère, d’une fermeté de pensée et d’expression qui inspire toute confiance.

1545. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Ces esprits attiques sont parfois terribles dans leurs jugements : quoi !

1546. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Mais certes il n’est pas indifférent d’avoir le sentiment vrai de l’un sur l’autre, et je ne crois pouvoir mieux faire, puisqu’il s’agit de saisir en courant la première manière d’Horace, que de donner le premier et instinctif jugement de M. 

1547. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Il reste donc vrai de dire avec Napoléon dans son jugement résumé des campagnes du prince Eugène : « En 1712, il prit Le Quesnoi et assiégea Landrecies.

1548. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Une lettre écrite dans les premiers moments à sa sœur Marie-Christine nous la livre dans tout le feu de sa douleur et dans le cri de sa conscience révoltée (1er septembre 1786) : « Je n’ai pas besoin de vous dire, ma chère sœur, quelle est toute mon indignation du jugement que vient de prononcer le Parlement, pour qui la loi du respect est trop lourde ; c’est une insulte affreuse, et je suis noyée dans des larmes de désespoir.

1549. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Jamais il n’aura d’entretien particulier avec moi ; il ne pourra plus dire qu’il m’a conseillé ou déconseillé une chose ou une autre… » — Ce jugement de Napoléon, tout à huis clos, où il n’entre aucun emportement, où Talleyrand ne vient que comme incident et par manière d’exemple, doit être la vérité.

1550. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Le jugement de M.

1551. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Le châtiment d’un jugement si faux et surtout si maussade ne s’est pas fait attendre, car, après avoir transcrit pour les blâmer les deux vers touchants, voici la phrase un peu étrange d’allure que M.

1552. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Si donc aujourd’hui, et avec raison, l’on s’attache à réviser et à remettre en question beaucoup de jugements rédigés, il y a quelque vingt ans, par les professeurs d’Athénée ; si l’on déclare impitoyablement la guerre à beaucoup de renommées surfaites, on ne saurait en revanche trop vénérer et trop maintenir ces écrivains immortels, qui, les premiers, ont donné à la littérature française son caractère d’originalité, et lui ont assuré jusqu’ici une physionomie unique entre toutes les littératures.

1553. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Patin, dans un jugement qu’il a porté sur Mme de Souza19, préfère ce joli roman de Charles et Marie à tous les autres.

1554. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Aucun principe, aucune doctrine d’art n’est en jeu ; et c’est pourquoi nous pouvons ne pas nous arrêter aux pamphlets de Mairet, accusant Corneille de plagiat, aux Observations de Scudéry se faisant fort de démontrer : 1° que le sujet du Cid ne valait rien ; 2° qu’il choquait les règles ; 3° qu’il manquait de jugement en sa conduite ; 4° que les vers en étaient méchants — et qualifiant Chimène d’impudique et de parricide.

1555. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Cet admirable ouvrage n’est pas aussi lu chez nous qu’il devrait l’être : et la raison en est qu’il y a trop de pensée pour le commun des lecteurs : jamais de saillies, rien pour l’amusement ni le délassement : c’est un enchaînement austère et vigoureux de faits, de jugements, de prévisions.

1556. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

… Et aujourd’hui, si nous voulons, cette consolante parole peut retentir à nos oreilles : Mon fils, allez en paix… Il faudrait être fou pour hésiter entre ces doux jugements.

1557. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Ses figures font penser à la fresque du Jugement dernier.

1558. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Enfin, pour dernière raison, qui pourrait au besoin servir à justifier l’éditeur du recueil que nous annonçons3, si on venait à lui reprocher qu’il a tiré à peine quelques paillettes d’or d’une mine si riche, nous rappellerons le jugement de madame de Staël dans son livre de l’Allemagne : « La poésie du style de Jean Paul ressemble aux sons de l’harmonica, qui ravissent d’abord, et nous font mal au bout de quelques instants. » À tout prendre, ce petit livre est donc un présent dont nous devons remercier l’éditeur.

1559. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Les Lettres à Angèle sont ornées de bien jolis jugements critiques.

1560. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Quand la publication de L’Avenir, empreinte de talent et de générosité, mais si mêlée d’imprudences et de hasards, eut provoqué, de la part du Saint-Siège, un jugement de désapprobation, tous les rédacteurs se soumirent dans le premier instant ; mais, tandis que le maître indigné se soumettait en frémissant, d’une soumission impatiente et qui ne devait pas durer, M. 

1561. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

S’il est quelques lecteurs (comme j’en crois connaître) qui voudraient me voir la réprouver plus souvent et plus vertement, je leur ferai remarquer que je réussis bien mieux si je les provoque à la condamner eux-mêmes, que si je prenais les devants et paraissais vouloir leur imposer un jugement en toute rencontre, ce qui, à la longue, fatigue et choque toujours chez un critique.

1562. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Ce début primitif, beaucoup moins emphatique et moins fastueux que celui qu’on lit en tête des Confessions, ne nous fait point entendre le coup de trompette du Jugement dernier, et ne finit point par la fameuse apostrophe à l’Être éternel.

1563. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Le roi n’était pas seulement l’homme le plus aimable de son royaume ; si l’on excepte le Milord Maréchal, il était le seul : « Il est presque la seule personne de son royaume, dit d’Alembert, avec qui on puisse converser, du moins de ce genre de conversation qu’on ne connaît guère qu’en France, et qui est devenu nécessaire quand on le connaît une fois. » D’Alembert ne tarit pas sur l’affabilité, la gaieté du roi, les lumières qu’il porte en tout sujet, sa bonne administration, son application au bien des peuples, la justice et la justesse qui se marquent en tous ses jugements.

1564. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

nous retrouvons le même excellent jugement dans la manière dont Pasquier en parle avant de l’avoir contracté.

1565. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Il s’amuse lui-même, dès qu’il a quitté Rulhière, à lui faire l’application de sa propre méthode, et à tirer sur lui un jugement dans lequel il entre un grain de critique et d’ironie.

1566. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Ayant joué en Espagne un rôle considérable pendant treize années, interrompues à peine par une première disgrâce, puis s’étant vue brusquement précipitée et comme déracinée en un clin d’œil, sans laisser derrière elle de partisans ni de créatures, elle a excité des jugements contradictoires, et la plupart sévères.

1567. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Et cependant, en quittant ces deux personnages de haute représentation, Mme des Ursins et Mme de Maintenon, ces deux sujets habiles et du premier ordre, me sera-t-il permis de rappeler au fond, en arrière et au-dessous d’elles, d’une époque un peu plus ancienne, une simple spectatrice de cette belle comédie de la Cour, une personne qui n’a eu en rien le génie de l’intrigue et de l’action, mais d’un bon sens égal, doux et fin, d’un jugement calme et sûr, la sage, la sincère et l’honnête femme véritablement en ce lieu-là, Mme de Motteville ?

1568. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Ce sont là, d’ailleurs, des points délicats où il nous est impossible, à cette distance, de venir prononcer un jugement.

1569. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Vers la fin, elle promettait quelquefois à ses amis qu’elle irait mourir chez eux : « Je ne veux pas que cette demoiselle (disait-elle de la mort) me trouve seule. » Ne lui demandez pas dans ses jugements cet esprit de justesse et d’impartialité qui prend sa mesure dans les choses mêmes et qui rend à chacun ce qui lui est dû.

1570. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Jordan, que sa famille avait engagé malgré son inclination dans le ministère et dans la profession théologique, avait un bon esprit, de la sagesse, du jugement : au loin, cela faisait l’effet d’être du goût.

1571. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Ravaisson et Ferri, confondent la force de cohésion, qui amène la consécution de telles idées dans la conscience, avec le jugement que l’esprit prononce sur les idées une fois apparues : « L’intelligence, dit M. 

1572. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

La pensée de chacun était au jugement de Bazaine.

1573. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

On ne sçauroit donc asseoir sur les fragmens de la peinture antique qui nous restent, aucun jugement certain concernant le dégré de perfection où les anciens pourroient avoir porté ce bel art.

1574. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Ils ne s’aperçurent même pas qu’il n’y avait que le catholique, et le catholique croyant à l’infaillibilité papale, qui, seul, pût se permettre sans danger ces fières libertés de jugement sur la politique du pontife.

1575. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Mais je ne sache pas que la condamnation judiciaire qui l’a frappé ait supprimé le livre ; je ne sache pas qu’elle puisse l’ôter des mains qui l’ont acheté et de la mémoire de ceux qui l’ont lu ; je ne sache pas, enfin, que cette condamnation doive empêcher la Critique littéraire de rendre son jugement aussi, non sur la chose jugée, qu’il faut toujours respecter pour les raisons sociales les plus hautes, mais sur les mérites intellectuels d’un poète au début de la vie4 et aux premiers accents d’un talent qui chantera très ferme plus tard, si j’en crois la puissance de cette jeune poitrine.

1576. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

(On pourrait ici examiner si la Nature agit exactement de la même façon chez les Agnès de tous les temps, et si, au jugement même de l’Instinct qui les guide, l’âge de la jeunesse chez l’homme ne s’est pas un peu déplacé depuis Molière. […] Il en a même le devoir, toutes les fois qu’il sent un peu vivement ce qu’il y a de relatif et de caduc dans les jugements qu’il formule ; toutes les fois que ses confidences peuvent aider les lecteurs à compléter ou à rectifier ses jugements ; bref, toutes les fois qu’il n’est pas très sûr de lui-même et qu’il se sent particulièrement faillible. […] Je vous ai dit qu’au jugement de M.  […] Aujourd’hui, cela nous semble presque imbécile : telle est la contrariété des jugements humains, d’une génération à l’autre. […] Alphonse, en épousant la veuve Guichard, ne déshonorent qu’eux-mêmes : Raymonde se met dans le cas de déshonorer son mari le jour où la vérité sera connue, ce qui peut arriver (je sais bien qu’il ne sera « déshonoré » qu’« au jugement absurde de l’aimable société où nous vivons ».

1577. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Toute une philosophie de l’histoire littéraire et, à la fois, toute une esthétique et toute une éthique sont visiblement impliquées dans les moindres de ses jugements. […] Si tel de ses jugements particuliers paraît « étroit », comme on dit, ce n’est que par une illusion ou un jeu de mots ; car toute une conception de l’esprit humain et de la destinée humaine tient dans l’ampleur sous-entendue de ses considérants. […] On croit sentir en lui quelque chose de solide, de constant, d’immuable, où l’on peut s’appuyer ; une intelligence qui reste invariablement la même en face de la diversité des choses où elle applique son jugement. […] Les jugements de MM.  […] Dans les deux cas, son jugement sera d’abord déterminé, je n’en doute point, par le mérite des candidats, mais aussi, dans une mesure aussi petite que vous voudrez, par autre chose que ce mérite.

1578. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Un optimisme clairvoyant, une indulgence très avertie et très décidée à l’égard de ceux que l’« influence divine » a placés hors de la portée de nos jugements, anime cette confession d’un lettré, ce récit très varié et très simple où défile plus d’un demi-siècle de littérature et d’art. […] « Tout comme il y a cent ans, disait le duc d’Aumale en 1867, tout comme il y a cent ans, les jugements qu’on porte actuellement pèchent par ce qu’ils ont d’exclusif. […] C’était un jugement téméraire. […] Je ne crois pas que jamais, au temps du Bas-Empire, le désœuvrement et la malice aient jamais inventé quelque chose de plus hybride, de plus byzantin, de plus opposé à la rectitude de notre jugement et à la probité de nos mœurs. […] Un jour cru, brutal, une lumière de jugement dernier, tombait des hautes verrières du plafond.

1579. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

bien, il n’a qu’à établir son jugement « au-dessus de son empire » et, son empire, le considérer « comme accident étranger » ; alors, il saura « jouir de soy à part ». […] … » Je ne vais pas comparer le médecin Duhem et André Chénier, certes ; mais il y a quelque analogie entre leurs deux jugements de Voltaire. […] Puis il nous conseillera de nous en tenir à notre jugement d’oreille : l’oreille d’un lettré, dix siècles de poésie française lui ont donné ses habitudes, sa préférence et peut-être le désir de quelque nouveauté. […] Ce ne sont pas des fragments, ce ne sont pas des morceaux de la vérité : ce sont des jugements qui en valent bien d’autres. […] Il faut, dit-il encore, que l’historien donne à son lecteur le moyen de juger les jugements qu’il lui présente et de les reviser.

1580. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Ce goût du jugement fait sa marque propre, et le distingue aussi du Philosophe, qui se renferme, lui, dans la spéculation désintéressée et ne sait même pas s’il est des conséquences pratiques de ses idées… Spinoza est assis, seul et chétif, au coin de son poêle, dans sa pauvre chambre. […] A lire de près le compte rendu des procès de notre époque, à suivre par le détail l’existence de ses politiciens et de ses artistes, on demeure convaincu que la faculté de réagir a subi de nos jours une déperdition singulière, et à cette déperdition correspondent des jugements nouveaux sur les actes. […] C’est au moraliste et à l’esthéticien que le jugement du bien et du mal, du beau et du laid est réservé. […] Tant qu’un homme respire, il peut agir, s’il veut n’agir que pour lui seul et sans aucun souci de la figure extérieure de ses actes et du jugement porté sur eux.

1581. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

« À l’époque de la lutte intellectuelle que la littérature allemande a été forcée de soutenir contre l’influence écrasante de l’école française, Racine, Corneille et toute la littérature de cette période ont été condamnés sans jugement, et Molière n’a pas été exclu de ce verdict. […] Ceux-là ne font pas attention au jugement porté par un appréciateur autrement compétent que Schlegel : Goethe. […] Nous relisions hier un jugement de Gustave Planche sur Alfred de Musset. […] « Bref, conclut La Martinière, dans les intéressantes additions qu’il mit aux biographies de Vinot et La Grange, et de Grimarest41, Molière a été pour le comique ce que Corneille a été pour le tragique ; mais Corneille a vu, avant de mourir, un jeune rival lui disputer la première place, et faire balancer entre eux le jugement du parterre. […] En rappelant ce souvenir, je n’ai pas la pensée d’obscurcir la gloire du père de la Comédie-Française, je tiens à dire simplement que le ridicule qu’on donne aux Limousins est la meilleure preuve de la délicatesse de leur goût et de la sûreté de leur jugement.

1582. (1893) Alfred de Musset

Les contemporains l’ont vu à tour de rôle sous ces divers aspects, et ils ont porté sur lui des jugements contradictoires qui contenaient tous une part de vérité. […] Elles n’ont pas plus d’importance à ses yeux que l’Albertu s de Théophile Gautier : « C’étaient, dit-il, des poésies de jeunesse et de bravade pour ainsi dire où s’affirmaient toutes les outrances du premier feu et que les poètes eux-mêmes, par des œuvres ultérieures, ont remis au dernier plan23. » Ce jugement est bien sévère et bien absolu. […] Je trouverai peut-être le bonheur au fond de ma corbeille de noces. » — C’est la jeune fille qui a un fonds solide d’esprit sain et de bon jugement, mais à qui l’on a fait lire imprudemment beaucoup de romans anglais, et qui, dans son ignorance du monde, a été troublée par leur romanesque décent et sentimental. […] Le jugement sur l’homme est exquis de délicatesse. […] Musset concluait que tous les motifs de jugement peuvent se ramener à l’évidence.

1583. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

L’ange prit pitié du bon gros juge et du suppléant si vénérable et engagea leurs anges gardiens à plus énergiquement désormais intervenir dans leur for intérieur pour qu’à l’avenir ils missent plus de jugeotte dans leurs jugements et ne se laissassent plus monter le coup par les hésitations d’un plaignant trop gentil et la mauvaise foi d’un méchant croquant. […] Il y avait appel d’un premier jugement rendu en son absence contre le mari. […] Et tandis que le président annonçait le jugement à travers son binocle d’or trémulant sur son nez de chèvre, le Malin n’époussetait-il pas du bout de sa queue de vache le crâne étincelant du digne ma-a-gis-te-rat ! […] Sur quoi le tribunal de rendre un jugement qui condamna la pauvre fille à six mois de prison et d’ordonner son arrestation immédiate. […] Mais quelle est la critique, quels sont les jugements douteux me concernant, si bizarres qu’ils paraîtront sans doute dans 1 avenir, qui grandiront ma réputation ou lui porteront tort dans mille ans ?

1584. (1888) Poètes et romanciers

Le jugement de Béranger sur le 18 Brumaire n’est que l’expression raisonnée de cet instinct. […] Son admiration pour Bonaparte n’exclut jamais l’indépendance de son jugement. […] Toutes les fois que dans la Biographie ou dans les notes posthumes l’occasion d’un jugement littéraire se présente, on peut être assuré que le jugement arrive, modeste de forme, mais sûr et précis. […] Il y a, dans ce jugement de Béranger, une confusion qu’il est bon d’éclaircir. […] C’est là une preuve nouvelle à l’appui de ce qu’on a dit tant de fois sur les singulières erreurs de jugement que les auteurs commettent envers eux-mêmes.

1585. (1908) Après le naturalisme

La caisse de l’éditeur ne fournit pas le critérium du jugement public. […] Et si le premier se forme, se pensionne par un apprentissage technique de l’art, la seconde ne peut se développer que par le travail des vérités et du jugement. […] L’écrivain, dont la mission devient de diriger efficacement les hommes, qui tend au rôle de pasteur de peuple, moins que quiconque doit par son ignorance ou sa paresse, vicier son jugement et fausser ses conclusions.

1586. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Chaworth, son parent, et avait passé en jugement devant la chambre des lords. […] —  Nos sens étroits, —  notre raison fragile, —  la vie courte, —  la vérité, une perle qui aime l’abîme, —  toutes les choses pesées dans la fausse balance de la coutume ; —  l’opinion, souveraine toute-puissante, qui jette — sur la terre le manteau de ses obscurités, jusqu’à ce que le juste — et l’injuste semblent des accidents, et que les hommes pâlissent — de la crainte que leurs propres jugements n’éclatent au jour, —  et que leurs libres pensées ne soient des crimes, et que la terre n’ait trop de lumière. […] Jusqu’ici, dans nos jugements sur l’homme, nous avons pris pour maîtres les révélateurs et les poëtes, et comme eux nous avons reçu pour des vérités certaines les nobles songes de notre imagination et les suggestions impérieuses de notre cœur.

1587. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Si, en beaucoup de cas, nous voyons les crimes nationaux suivis d’un prompt châtiment, dans une foule de cas aussi nous voyons le monde régi par des jugements moins sévères ; beaucoup de pays ont pu être faibles et corrompus impunément. […] Le jugement et le gouvernement des choses ont été transportes à la masse ; or la masse est lourde, grossière, dominée par la vue la plus superficielle de l’intérêt. […] Chez nous, les dons brillants, le talent, l’esprit, le génie sont seuls estimes ; en Allemagne, ces dons sont rares, peut-être parce qu’ils ne sont pas fort prisés ; les bons écrivains y sont peu nombreux ; le journalisme, la tribune politique n’ont pas l’éclat qu’ils ont chez nous ; mais la force de tête, l’instruction, la solidité du jugement sont bien plus répandues, et constituent une moyenne de culture intellectuelle supérieure à tout ce qu’on avait pu obtenir jusqu’ici d’une nation.

1588. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Quant à son devoir, il croit le connaître : ce devoir est de maintenir à travers les tableaux de mœurs les plus délicats son jugement sévère et sa plume chaste. » Peut-être n’a-t-on pas assez remarqué cette sévérité du jugement de Feuillet ; la chasteté et l’élégance de sa plume ont fait illusion. […] Ils ont un jugement qui leur permet « de juger un Pasquier dans son inanité, un Thiers dans son insuffisance, un Guizot dans sa profondeur vide85 ». […] On retrouve encore dans l’indépendance — et dans l’imprévu — de quelques-uns de ses jugements les effets de cette première culture faite à hâtons rompus. […] On a signalé dans sa critique un côté aventureux, certains jugements téméraires. […] Pour qu’un critique de la valeur de Weiss ait commis de telles méprises, il faut qu’il y ait mis quelque bonne volonté ; il faut que son jugement ait été altéré par quelque parti pris originel.

1589. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Quel jugement ! […] Je n’ai vu chez personne un sentiment plus vif des valeurs littéraires, si peu de parti-pris dans le jugement, un don d’appréciation si exempt de paradoxe. […] Ce jugement scandalisera les petits maîtres de la Critique, ceux qui font les difficiles et s’imaginent que c’est un signe de supériorité de n’être sensibles qu’aux défauts de Flaubert. […] … » Ces jugements déroutaient certains jeunes gens, pour qui la littérature se résumait à Rimbaud, Tinan, Baudelaire et Verlaine. […] La sensibilité prenant la place du jugement, voilà son originalité.

1590. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Schlegel, dont les jugements sur Shakespeare méritent toujours beaucoup de considération, me semble cependant tomber dans une légère erreur lorsqu’il remarque que « le poëte a indiqué avec finesse la supériorité que donnaient à Cassius une volonté plus forte et des vues plus justes sur les événements ». […] Dans une de ces ballades, rapportée par Johnson sous le titre de : A lamentable song of the death of king Leir and his three daughters, Lear, comme dans la tragédie, devient fou, et Cordélia ayant été tuée dans la bataille, que gagnent cependant les troupes du roi de France, son père meurt de douleur sur son corps, et ses sœurs sont condamnées à mort par le jugement « des lords et nobles du royaume ». […] Un jugement pareil à celui de Portia a été attribué à Sixte V qui, plus sévère, condamna, dit-on, à l’amende les deux contractants, pour les punir de l’immoralité d’un pareil marché. […] Quoi qu’on puisse penser de la gêne des mouvements d’un homme vêtu d’une manière si inquiétante, le prince se jeta aux pieds de son père, et, après avoir protesté de sa fidélité, lui présenta son poignard, afin qu’il se délivrât de ses soupçons en le tuant, « et en présence de ces lords, ajouta-t-il, et devant Dieu au jour du jugement, je jure ma foi de vous le pardonner hautement ». […] Hollinshed rapporte simplement que le roi s’apercevant qu’on avait ôté sa couronne de dessus son chevet, et apprenant que c’était le prince qui l’avait emportée, le fit venir et lui demanda raison de cette conduite : « Sur quoi le prince, avec un bon courage, lui répondit :--Sire, à mon jugement et à celui de tout le monde, vous paraissiez mort.

1591. (1813) Réflexions sur le suicide

L’inflexible loi du devoir est la même pour tous, mais les forces morales sont purement individuelles, et la profonde connaissance du cœur humain peut seule donner à nos jugements sur le bonheur et le malheur de ceux qui ne nous ressemblent pas, une équité philosophique. […] Toute autre règle de jugement conduit nécessairement à l’erreur.

1592. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

La gloire et la vertu consistent dans la puissance ; les scrupules sont faits pour les âmes viles ; le propre d’un cœur haut est de tout désirer et de tout oser. « Ici, la conscience est une souillure, la fortune tient lieu de vertu, la passion de loi, la complaisance de talent, le gain de gloire, et tout le reste est vain. » Ravi de cette grandeur d’âme, Séjan s’écrie : Royale princesse ; À présent que je vois votre sagesse ; votre jugement ; votre énergie, Votre décision et votre promptitude à saisir les moyens De votre bien et de votre grandeur, je proteste Que je me sens tout enflammé et tout brûlé D’amour pour vous125. […] Mais, si elles étaient livrées à notre jugement qui veut absoudre, nous ne craindrions pas de les déclarer, comme c’est notre avis, très-malicieuses. » — « Oh !

1593. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Lady Wortley Montagu, qui dans son temps fut la fleur des pois, et que l’on compare à Mme de Sévigné, a l’esprit si sérieux, le style si décidé, le jugement si précis et le sarcasme si âpre, qu’on la prendrait pour un homme. […] Dire que le bon goût est rare, qu’il faut réfléchir et s’instruire avant de décider, que les règles de l’art sont tirées de la nature, que l’orgueil, l’ignorance, le préjugé, la partialité, l’envie pervertissent notre jugement, qu’un critique doit être sincère, modeste, poli, bienveillant, toutes ces vérités pouvaient alors être des découvertes, aujourd’hui point.

1594. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Autrefois vous étiez un peu amer dans vos jugements, vous ne l’êtes plus. […] Voilà maintenant notre rôle, étrangers au pouvoir, étrangers aux factions, seuls avec notre passé, que l’histoire jugera avec d’autant plus d’indulgence que nous aurons moins pressé son jugement !

1595. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Il devrait se surveiller lui-même, s’imposer de bonnes habitudes d’esprit, une scrupuleuse attention à ne pas violer les règles élémentaires de la logique ; il devrait s’interdire le mensonge et la calomnie, présenter ses idées avec clarté, exercer par des discussions lucides et simples le jugement de ses lecteurs, à tout le moins rester fidèle aux grands principes qu’a consacrés la tradition morale de l’humanité, ne jamais glorifier la violation des lois, le faux, l’assassinat. […] Les gens qui se font des rentes à pervertir ainsi la conscience et le jugement du peuple, nous donnent des leçons de patriotisme.

1596. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Et il s’émerveillait, que des gens qui avaient pris part à des actions militaires, et dont l’un passait pour un homme de guerre tout à fait distingué, il n’était pas possible de leur extirper un détail de bataille, de combat, d’épisode militaire : disant que Canrobert ou Mac-Mahon, tout en gardant la plus grande discrétion dans leurs paroles et leurs jugements, ne pouvaient se tenir de parler sur les affaires, où ils ont assisté. […] Vendredi 28 février Dans la non-concordance de la critique théâtrale avec le sentiment sincère du vrai public, il me venait l’idée, si je tentais encore une fois une grande bataille au théâtre, de faire afficher au-dessous du titre de la pièce, avec l’indication qu’elle est jouée tous les soirs, des affiches couvrant les murs de Paris, et ainsi conçues : « Je m’adresse à l’indépendance du public et lui demande, s’il trouve que c’est justice, de venir casser comme il l’a fait pour Germinie Lacerteux, le jugement porté dans les journaux par la critique théâtrale.

1597. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

On y lit dans l’immobile physionomie de l’autre monde la confiance dans le jugement irréfléchi des multitudes et l’inquiétude sur les jugements de Dieu, qui pèse le sang répandu contre l’ambition satisfaite.

1598. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Mais, dans l’immense majorité des cas, nous nous prononçons sur l’intensité de l’effet sans même connaître la nature de la cause, à plus forte raison sa grandeur : c’est même l’intensité de l’effet qui nous amène souvent à hasarder une hypothèse sur le nombre et la nature des causes, et à réformer ainsi le jugement de nos sens, qui nous les montraient insignifiantes au premier abord. […] Mais il ne faudra pas oublier que la conscience a passé par les mêmes intermédiaires que le psychophysicien, et que son jugement vaut ici ce que vaut la psychophysique : c’est une interprétation symbolique de la qualité en quantité, une évaluation plus ou moins grossière du nombre des sensations qui se pourraient intercaler entre deux sensations données.

1599. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

La réaction romantique contre la tragédie est bien connue ; elle trouble encore notre jugement. […] Ce jugement paraîtra sévère ; j’ai dit ailleurs ce que le drame moderne a de bon et de grand à nos yeux ; je dirai plus loin quelle est sa conquête durable, comparé à la tragédie du xviie  siècle ; et j’ajoute que, à Paris, mes soirées se passent presque toutes au théâtre, dans une joie toujours nouvelle ; mais ici je me suis placé au point de vue de la technique, des conventions ; il fallait protester contre certains préjugés ou certaines illusions, et protester surtout contre la louange à jet continu d’une critique dramatique bien dégénérée depuis la mort de Francisque Sarcey et la retraite de Jules Lemaître.

1600. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

J’aurais voulu, pour éviter les jugements téméraires, que les circonstances qui l’ont précédée eussent pu l’annoncer au public ; au reste, nous nous sommes donné réciproquement les plus grandes marques de confiance et d’amitié ; nous ne saurions donc nous soupçonner l’un l’autre sans une très grande témérité.

1601. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Mais sans Malherbe, sans sa juste et ferme direction, on peut croire que Racan n’eût point été ce qu’on l’a vu, et lui-même, s’adressant à son maître, a dit : « Je sais bien que votre jugement est si généralement approuvé, que c’est renoncer au sens commun que d’avoir des opinions contraires aux vôtres. » Né en 1589 au château de La Roche-Racan, en Touraine, aux confins du Maine et de l’Anjou, Racan, de trente-quatre ans plus jeune que son maître, connut Malherbe étant page de la chambre de Henri IV.

1602. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Je trouve l’auteur assez aimable, mais il a, si je ne me trompe, une grande ambition de célébrité ; il brigue à force ouverte la faveur de tous nos beaux esprits, et il me paraît qu’il se trompe souvent aux jugements qu’il en porte.

1603. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Il l’a vue telle qu’elle était, tout occupée du salut du roi, de sa réforme, de son amusement décent, de l’intérieur de la famille royale, du soulagement des peuples, et faisant tout cela, il est vrai, avec plus de rectitude que d’effusion, avec plus de justesse que de grandeur ; enfin, il a résumé son jugement sur elle en des termes précis, au moment de l’accompagner dans son œuvre de tendresse et de prédilection : Mme de Maintenon, dit-il, n’a donc pas eu sur Louis XIV l’influence malfaisante que ses ennemis lui ont attribuée : elle n’eut pas de grandes vues, elle ne lui inspira pas de grandes choses : elle borna trop sa pensée et sa mission au salut de l’homme et aux affaires de religion ; l’on peut même dire qu’en beaucoup de circonstances elle rapetissa le grand roi ; mais elle ne lui donna que des conseils salutaires, désintéressés, utiles à l’État et au soulagement du peuple, et en définitive elle a fait à la France un bien réel en réformant la vie d’un homme dont les passions avaient été divinisées, en arrachant à une vieillesse licencieuse un monarque qui, selon Leibniz, « faisait seul le destin de son siècle » ; enfin en le rendant capable de soutenir, « avec un visage toujours égal et véritablement chrétien », les désastres de la fin de son règne.

1604. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

La Harpe fut utile en 1800, quand presque tout le monde, après la Révolution, eut son éducation à refaire : est-ce une raison pour éterniser les jugements rapides qu’on a reçus de lui ?

1605. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

La maladie de Cowper continuait encore sous une forme religieuse, et il ressentait souvent des terreurs que ses amis faisaient tout pour combattre et pour guérir, mais que pourtant leur doctrine rigide sur la prédestination et sur la grâce n’était que trop propre à fomenter : « Il se présente à moi toujours formidable, disait-il de Dieu, excepté quand je le vois désarmé de son aiguillon pour l’avoir plongé comme en un fourreau dans le corps de Jésus-Christ. » Ces terribles images du Jugement et de la réprobation, même au moment où il croyait en avoir triomphé, le poursuivaient donc et dominaient encore sa pensée.

1606. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Après les perplexités et les partages d’esprit où M. de Rohan convient lui-même avoir été au début de cette troisième guerre, et qu’il trahissait quelquefois dans sa conduite, on concevra le jugement sévère et irrité que porte de lui Richelieu : Ce misérable Soubise, s’écrie-t-il avec indignation (car il ne sépare pas les deux frères), dont le malheur, l’esprit et le courage sont également décriés, n’ayant autre art pour couvrir ses hontes passées que de s’en préparer de nouvelles, sollicite en Angleterre.

1607. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Je sens par moi-même, qui, ayant plus d’imagination que de jugement, embrasse toute sorte d’objets, que les plus dignes de moi sont dans un avenir presque impossible.

1608. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Granier de Cassagnac, en produisant les pièces les plus curieuses et les plus authentiques sur les massacres de septembre, avait, dans ses jugements violents, confondu la limite qui sépare les Girondins des Jacobins : M. 

1609. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

On peut se faire cette question, de même qu’on a pu se demander quelle part sa profession de magistrat avait apportée dans sa connaissance et son jugement des lois et coutumes qui régissent les sociétés.

1610. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Quelques citations nous familiariseront vite avec la manière du peintre ; outre qu’elles sont agréables, elles sont nécessaires pour motiver notre jugement et pour associer le lecteur aux conclusions que nous allons tirer au fur et à mesure : « Onze heures.

1611. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Chimène, se voyant refuser la justice qu’elle poursuit sous la forme du châtiment, en prend assez son parti et se rabat à demander le duel, le jugement de Dieu par les armes : « A tous vos cavaliers je demande sa tête ; Oui, qu’un d’eux me l’apporte et je suis sa conquête… J’épouse le vainqueur……… » Ce sont là des semblants ; elle sait bien en son cœur qu’elle n’épousera personne autre et que Rodrigue, à ce jeu de l’épée, sera le plus fort.

1612. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

. — Jugements et témoignages.

1613. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

C’est pour la première fois que la conduite de l’abbé Raynal dans cette solennelle circonstance nous est complètement expliquée, et ceci nous mène naturellement à parler des relations intimes établies de tout temps entre Malouet et le célèbre abbé : on peut dire même que l’on ne connaît bien Raynal que d’aujourd’hui, et qu’avant les éclaircissements inattendus qui nous viennent de ce côté on manquait à son égard d’un élément essentiel de jugement.

1614. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Mon ami, je vous envoie les feuilles que je vous ai promises, et je désire que vous les lisiez avec attention ; car j’ai besoin de votre jugement et de vos conseils.

1615. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

J’ai vu dans le dépôt de Rennes plusieurs maris arrêtés sur la seule dénonciation de leurs femmes, et autant de femmes sur celle de leurs maris ; plusieurs enfants du premier lit à la sollicitation de leur belle-mère ; beaucoup de servantes grosses des œuvres du maître qu’elles servaient, enfermées sur sa dénonciation, et des filles dans le même cas, sur la dénonciation de leur séducteur ; des enfants sur la dénonciation de leur père, et des pères sur la dénonciation de leurs enfants : tous sans la moindre preuve de vagabondage et de mendicité… Il n’existe pas un seul jugement prévôtal qui ait rendu la liberté aux détenus, malgré le nombre infini de ceux qui ont été arrêtés injustement. » — Supposons qu’un intendant humain, comme celui-ci, les élargisse : les voilà sur le pavé, mendiants par la faute de la loi qui poursuit la mendicité et qui ajoute aux misérables qu’elle poursuit les misérables qu’elle fait, aigris de plus, gâtés de corps et d’âme. « Il arrive presque toujours, dit encore l’intendant, que les détenus, arrêtés à vingt-cinq ou trente lieues du dépôt, n’y sont renfermés que trois ou quatre mois après leur arrestation, et quelquefois plus longtemps.

1616. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Faut-il donc, au théâtre comme ailleurs, renoncer au critérium chancelant du suffrage universel, estimer que la beauté des drames ne se mesure pas aux nombres des représentations ou aux chiffres des encaissements, bien que ces nombres et ces chiffres attestent, d’un témoignage mathématique, irrécusable, le jugement du vrai public ?

1617. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Faut-il donc, au théâtre comme ailleurs, renoncer au critérium chancelant du suffrage universel, estimer que la beauté des drames ne se mesure pas aux nombres des représentations ou aux chiffres des encaissements, bien que ces nombres et ces chiffres attestent, d’un témoignage mathématique, irrécusable, le jugement du vrai public ?

1618. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Non : c’est saine méthode, et rectitude de jugement.

1619. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Thiers, et le premier emportement apaisé, il déféra à un tribunal d’honneur, composé des grands de l’Empire, le jugement de cette affaire.

1620. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Quelques-unes des pastilles parurent douteuses ; mais la quantité n’était pas suffisante, disait le chimiste, pour permettre de constater les expériences et d’asseoir un jugement.

1621. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Chateaubriand, dans un jugement final, insistant sur le défaut essentiel du caractère, a dit de lui : Qu’un auteur devienne insensé par les vertiges de l’amour-propre ; que toujours en présence de lui-même, ne se perdant jamais de vue, sa vanité finisse par faire une plaie incurable à son cerveau, c’est de toutes les causes de folie celle que je comprends le moins, et à laquelle je puis le moins compatir.

1622. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Ce jugement de Byron me paraît le vrai.

1623. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Si donc, comme cela est probable, vous réimprimez jamais cette étude, croyez-moi, jetez-y un rayon de plus, et atténuez, dans le sens que je prends la liberté de vous indiquer, ce que votre jugement a d’un peu trop rigoureux.

1624. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Mais si c’est un jugement impartial, désintéressé et historique, que M. de Noailles a prétendu porter, comme cela était si digne de son esprit, je me permets de croire qu’il n’a pas rendu à Saint-Simon l’éclatante justice que ce grand observateur et peintre mérite à tant d’égards, et particulièrement pour la bonne foi, pour la probité, pour l’amour de la vérité qui se fait jour jusque dans ses erreurs et ses haines, et pour un certain courage d’honnête homme dont on ne voit pas que, jusqu’en ses excès, il ait manqué jamais.

1625. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Ce portrait de Fontenelle d’après Mme Geoffrin doit se joindre à un excellent jugement de Grimm (Correspondance, février 1757), lequel, tout sévère qu’il semble, porte en plein dans le vrai pour ce qui est du goût.

1626. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Une conduite déréglée aiguise l’esprit et fausse le jugement.

1627. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Il est difficile d’essayer un jugement sur les ouvrages d’Amyot et de les apprécier au vrai sans avoir à la fois sous les yeux les textes et les traductions : mais non, prenons celles-ci, comme on l’a fait presque toujours, comme des écrits originaux d’un style coulant, vif, abondant, familier et naïf, qui se font lire comme s’ils sortaient d’une seule et unique veine.

1628. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Mon admiration pour ce grand maître s’est accrue en recopiant les tableaux tracés de sa main… Si ce jugement favorable trouve sa justification, c’est surtout à l’origine des Mémoires, et dans la partie qui nous occupe.

1629. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Ce jugement général souffrirait quelque exception, si l’on examinait son ode intitulée Le Triomphe de nos paysages, où il y a des peintures assez fraîches, et celle qui a pour titre Mes souvenirs ou les Deux Rives de la Seine, où il a mis quelque sensibilité, mais de cette sensibilité où l’on n’a que soi-même pour objet21.

1630. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Avec l’homme d’honneur, avec celui qui tient purement et simplement sa parole et ses engagements, on sait sur quoi compter, tandis qu’avec l’autre, avec l’homme de conscience qui fait ce qu’il croit être le mieux, on dépend de ses lumières et de son jugement.

1631. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Montesquieu, dans le monde, ne se laissait pas aller aux coteries qui devenaient impérieuses ; on a retenu sur lui les jugements de Mme Geoffrin et de la duchesse de Chaulnes, c’est-à-dire de deux femmes qui aimaient assez à tirer parti de ceux qu’elles voyaient et à en jouer à leur gré.

1632. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Richelieu, très lié avec Barbin, intendant de la maison de la reine et homme de bon jugement, qui venait d’être nommé secrétaire d’État, dut agir et influer par lui dès ce moment décisif.

1633. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Le vieux Tissot qui, au milieu de ses abaissements, avait des jugements de critique, disait de lui : « Il aurait eu du talent s’il avait aimé la retraite. » 59.

1634. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

On pourra prétendre que l’analyste devant constater les effets émotionnels de l’œuvre qu’il examine, et ces effets étant extrêmement variables selon les goûts, il sera obligé, sinon de porter positivement un jugement littéraire, du moins d’introduire dans ses constatations un élément personnel, par le fait même qu’il admettra que telle ou telle œuvre a produit tel ou tel effet.

1635. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

L’atrophie fonctionnelle de la volonté nous est présentée avec tous ses symptômes habituels, la surabondance d’idées et de sentiments abstraits, la disposition que donne cette perpétuelle agitation à l’analyse intérieure et à l’ironie envers soi-même, l’incapacité finale de formuler un jugement arrêté ou de ressentir une émotion entraînante et la scission de l’âme en deux courants d’idées contraires, cette division intestine conduisant à la perception de deux moi irréconciliables, puis causant la mort de l’organisme qu’elle affecte.

1636. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Cependant il serait présomptueux de prétendre porter un jugement définitif sur cette question.

1637. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

En diminuant le personnage historique, nous aurons diminué l’historien, et mis l’un et l’autre à sa place ; car, il ne faut pas s’y méprendre, les hommes donnent leur mesure par leurs admirations, et c’est par leurs jugements qu’on peut les juger.

1638. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Toute chaude, toute noble, profondément douloureuse pour ceux qui l’écoutent avec une parfaite sympathie, mais pour lui nuancée de paix joyeuse :‌ Je me suis interdit de porter des jugements de valeur sur les événements de ma vie ; je les accepte tous comme des occasions que m’offre le sort pour mieux me connaître et m’améliorer.‌

1639. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Ni pour le jugement, ni pour le raisonnement, ni pour aucun autre acte de pensée nous n’avons la moindre raison de les supposer attachés à des mouvements intra-cérébraux dont ils dessineraient la trace.

1640. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il était trop fier pour se soumettre au jugement du public, trop dédaigneux surtout de l’opinion. […] C’est pour protester contre leurs imputations ou leurs insinuations qu’il fait ses confidences à l’aréopage dont le jugement seul le préoccupe. […] Il apportera, en appréciant les livres, une candeur et une intégrité de jugement que ne troublera plus aucune préoccupation personnelle. […] La fausse Mme Caverlet va être punie par les sévérités de l’opinion, par le malheur de ses enfants et surtout par leur jugement ; il lui faudra rougir sous leur regard. […] Ce dénouement, qui pourrait suffire au jugement du monde, ne satisfait pas Bernard.

1641. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Le dix-septième siècle a condamné Ronsard ; le dix-huitième siècle a confirmé ce jugement ; le dix-neuvième l’a cassé. […] Quel jugement l’avenir portera-t-il sur Victor Hugo ? […] Leur jugement est rendu. […] Quant aux jugements qu’on en porte aujourd’hui, — je parle des jugements qui font loi, — ils sont très divers. […] Mais il faut se garder des jugements trop généraux et entrer un peu dans le détail des choses.

1642. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Et maintenant, s’il faut me prononcer sur les théories prêchées par Rousseau, que puis-je faire de mieux que de leur opposer son propre jugement et d’en appeler de Jean-Jacques à lui-même ? […] Quel que soit le jugement qu’on porte sur lui on ne peut se défendre d’un sentiment de pitié, en pensant que ses erreurs n’ont pas apporté moins d’amertume à lui-même que de scandale aux autres. […] Une telle destinée n’est possible que de nos jours. » Une dernière appréciation doit s’ajouter à ces jugements. […] Au surplus, si l’un de ces jugements était dur pour le caractère de M. de Senancour, l’autre n’était pas flatteur pour son esprit, et tous deux devaient froisser grandement ses admirateurs. […] Quelque jugement qu’il faille porter sur ce fait au nom du patriotisme, il n’est pas douteux qu’alors le génie étranger put s’introduire en France, non seulement sans résistance vive, mais avec faveur.

1643. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

que vous ai-je fait, cruelle Mélicerte, Pour traiter ma tendresse avec tant de rigueur, Et faire un jugement si mauvais de mon cœur ? […] Le Sicilien ou L’Amour peintre Voltaire a pleinement raison _au jugement qu’il donne de L’Amour peintre : « C’est la seule petite pièce en un acte [de Molière] où il y ait de la grâce et de la galanterie. […] » Tels qu’ils sont, ils se montrent ; ils font ressortir, ils mettent dans son jour la complaisance universelle et un peu vile de Philinte, l’égoïsme féroce d’Arnolphe, la sottise de Monsieur Jourdain, les minauderies prétentieuses d’Armande ou la préciosité solennelle de Philaminte. » Je remarque ici que la théorie ne doit pas être très sûre puisqu’elle ne produit pas, puisqu’elle ne fournit pas des jugements concordants sur les personnages, puisque, toujours en s’appuyant sur elle, on nous range le même personnage, tantôt parmi les servants de la nature, tantôt parmi ceux qui la contrarient. […] Sachez, s’il vous plaît, Monsieur Lysidas, que les courtisans ont d’aussi bons yeux que d’autres ; qu’on peut être habile avec un point de Venise et des plumes, aussi bien qu’avec une perruque courte et un petit rabat uni ; que la grande épreuve de toutes vos comédies, c’est le jugement de la Cour ; que c’est son goût qu’il faut étudier pour trouver l’art de réussir  ; qu’il n’y a point de lieu où les décisions soient si justes  ; et sans mettre en ligne de compte Ions les gens savants qui y seuil, que, du simple bons sens naturel et du commerce de tout le beau monde, on s’y fait une manière d’esprit qui, sans comparaison, juge plus finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants. […] Donc il ne proteste pas contre le propos de Lysidas, donc le propos de Lysidas est écho de jugements qui ont de l’autorité ; donc bien des personnes ont trouvé Arnolphe homme d’esprit et sérieux en beaucoup d’endroits.

1644. (1876) Romanciers contemporains

Mais persisterait-il à crier bien haut que son génie est tout aussi vaste, tout aussi puissant que par le passé, nous n’écrirons pas moins avec regret, mais aussi avec conviction, en tête de ces sincères jugements le mot : décadence. […] Cet excès de couleur, ce grossissement exagéré ont pu, au moment de la publication de ses livres, tromper le lecteur et pervertir son jugement. […] Les jugements tout faits et simples se gravent profondément dans la mémoire, et il est malaisé de les en effacer. […] Daudet, chez lequel ce qui vient du cœur est plus irréprochable que ce qui dépend du jugement. […] Après ce jugement d’ensemble favorable à l’homme qui est irréprochable, favorable au romancier qui est moral, nous livrerons-nous à un examen détaillé d’un œuvre aussi étendu ?

1645. (1933) De mon temps…

Dans le débat contradictoire dont son « caractère » a été l’objet et dans les divers jugements qui en ont été portés, je ne suis pas en mesure de prendre position, de même que je ne veux pas m’aventurer dans la critique de ses attitudes politiques ou sociales, mais, malgré ces mises à part et ces réserves, j’ai toujours ressenti pour l’homme que fut France un certain éloignement que n’a pu vaincre le sentiment admiraitif qui m’inclinait vers l’écrivain. […] Elle était d’un vif intérêt quand elle abordait quelque point de l’histoire de « l’Empereur et Roi », mais, quand elle en venait aux uns et aux autres, il fallait se méfier des jugements que portait sur eux cet impulsif à l’imagination chimérique et à l’esprit hanté de phantasmes. […] Il y aurait une amusante étude à faire sur les trois manières de ces redoutables virtuoses de l’épigramme, ainsi que l’on nommait jadis ces sortes de jugements en raccourci portés sur les gens et les faits.

1646. (1925) Dissociations

C’est donc le vieux proverbe qui aurait raison, s’il n’est pas plus juste de dire que le bonheur est un état de hasard, qu’on le gagne comme on gagne le gros lot à la loterie, qu’on n’en connaît pas les conditions, ni la recette, et que d’ailleurs c’est peut-être un état inconscient, donc qui échappe à notre jugement. […] C’est, en effet, une croyance que les morts inhumés à Bonsecours n’ont rien à craindre du jugement dernier et qu’ils peuvent compter sur la bienveillance du juge suprême : on ne sort de la terre Bonsecours que pour aller en paradis. […] Et je trouve vraiment cela un peu plus digne, quoi qu’on dise, et plus respectueux de la liberté des filles et de leur jugement.

1647. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Ainsi, les héros qui s’immolent pour leur patrie sont sûrs de notre admiration, parce que, au jugement de la raison, le bonheur de tout un peuple est préférable à celui d’un homme, et que rien n’est plus grand que de pouvoir se porter ce jugement contre soi-même et agir en conséquence. Ainsi, le courage des ambitieux nous en impose, parce que, au jugement de l’orgueil humain, l’éclat du commandement n’est pas trop acheté par les plus grands périls.

1648. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Les contemporains de Marivaux ont dit de lui à peu près tout ce qu’on en peut dire : si l’on prend la peine de recueillir ce qu’ont écrit à son sujet Voltaire, Grimm, Collé, Marmontel, La Harpe, et surtout d’Alembert dans une excellente notice, on a de quoi se former un jugement précis et d’une entière exactitude : et pourtant il vaut mieux, même au risque de quelque hasard, oublier un moment ces témoignages voisins et concordants, et se donner soi-même l’impression directe d’une lecture à travers Marivaux.

1649. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Il a dit ailleurs avec une grande pénétration morale, et en rectifiant pour ainsi dire les âges de la vie, en les rétablissant dans leur première intégrité et dans leur véritable direction : … L’enfance ne s’annonce-t-elle pas par la rectitude du jugement et le sentiment vif de la justice ?

1650. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Pour nous expliquer toute la vérité sur Villars, sans lui faire injure, et pour nous expliquer en même temps le jugement indigné de Saint-Simon sans faire à ce dernier trop de tort, nous n’avons qu’à nous figurer (ce qui arrivait en effet) Villars dans quelque retour à Versailles, Villars déjà comblé et se présentant comme à moitié délaissé et déçu, parlant avec ostentation de sa malheureuse petite fortune à peine commencée, et de son peu de faveur en Cour, disant tout haut qu’il voyait bien que c’était une des maximes favorites des rois qu’on retient plus les hommes par l’espérance que par la reconnaissance, qu’ils font espérer beaucoup et accordent peu, et donnant par là à entendre qu’à lui, on lui promettait plus qu’on ne tenait.

1651. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

quelqu’un de ses favoris à lui-même et des courtisans de Louise, quelque Olivier de Magny peut-être : « Celui qui ne tâche à complaire à personne, quelque perfection qu’il ait, n’en a non plus de plaisir que celui qui porte une fleur dedans sa manche ; mais celui qui désire plaire, incessamment pense à son fait, mire et remire la chose aimée, suit les vertus qu’il voit lui être agréables, et s’adonne aux complexions contraires à soi-même, comme celui qui porte le bouquet en main, donne certain jugement de quelle fleur vient l’odeur et senteur qui plus lui est agréable. » En un mot, qui aime, s’applique et s’évertue.

1652. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Le dernier mot du maréchal de Saxe est le jugement le plus vrai : sa vie fut en effet un beau songe.

1653. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Aussitôt qu’il voit le premier décret qui le met en jugement, il court chez l’ambassadeur de France à Londres, M. de Chauvelin, pour lui demander un passe-port, son intention étant d’aller s’offrir à la Convention pour défendre Louis xvi.

1654. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

On prendrait plaisir et profit à plus d’un de ses jugements naïfs et fins.

1655. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Mais je dois me borner ici à rendre une impression, non un jugement ; à faire comprendre l’ordonnance et le mouvement du livre, peut-être aussi l’esprit qui l’a inspiré.

1656. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Il n’était ni adroit, ni habile aux détails, avait le jugement peu délicat, le goût peu sûr, le tact assez obtus, et se rendait mal compte de ses procédés d’artiste ; il se piquait pourtant d’y entendre finesse, et de ne pas tout dire.

1657. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Il suffirait que sur quelques autres articles le biographe eût apporté la même complaisance et facilité de jugement, pour que nous eussions le droit de modifier certaines de ses conclusions.

1658. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Le jugement, la critique, la recherche des documents et le contrôle des témoignages y font trop défaut : ce ne sont pas des œuvres de science.

1659. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Elle n’échappe pas au galimatias mystique : mais, avec un ferme jugement pratique et moral, elle fixe la limite au libre développement de l’individu.

1660. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Mais le jugement d’Horace, mais la cour d’Auguste, et le caractère d’Auguste, et le caractère de Nicomède, et la chronologie d’Héraclius, et ce chimérique Flaminius si dextrement substitué au réel Flamininus pour amener une belle riposte, est-ce de l’histoire tout cela ?

1661. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Sous cette réserve, Boileau fut vraiment le premier à se constituer conseiller du public dans le jugement des écrits, à entreprendre, sans passion personnelle, pour de pures raisons de goût, de démolir ou d’élever les réputations littéraires.

1662. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Cette servitude énorme s’ajoute pour eux aux servitudes qui pèsent toujours sur les jugements humains.

1663. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Dans ce jugement on retrouve la libre activité de mon esprit.

1664. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Nous n’aurions donc demandé à nos sens toutes les représentations, et, impatients d’élaborer notre formule de foi, nous ne nous serions épuisés pour la construction de notre édifice idéal, que pour y retrouver encore un résidu des tares physiques qui alourdirent notre marche et influencèrent nos jugements !

1665. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Je ne sais quel sera le jugement des temps futurs sur ces puissants et brillants écrivains, mais je croirais volontiers que, mis à part leur incontestable talent, ils représenteront un jour un célèbre exemple d’une des plus graves et des plus éclatantes erreurs esthétiques de notre Littérature, au moins dans le principe de sa doctrine.

1666. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Les esprits, en effet, diffèrent beaucoup plus par ce qu’ils ont appris, par les faits sur lesquels ils appuient leurs jugements, que par leur nature même 183.

1667. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Nous ne donnons cette impression que comme un jugement tout personnel ; l’expérience eût peut-être tourné tout autrement avec un éducateur d’un autre sexe.

1668. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Le grand tort de tous ces réformateurs de la langue, du père Bouhours et de Vaugelas lui-même, fut de procéder sans méthode, avec une légèreté qui reflète les frivoles jugements du monde.

1669. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Ceux des wagnéristes qui connaissent à quel tarif sont payées les réclames insérées au Figaro, ne peuvent guère avoir foi, ce me semble, en des jugements qu’ils savent soldés contre quittances ; et ceux qui ignorent ces trafics, ont-ils donc tant de confiance dans l’impeccable wagnérisme des journaux boulevardiers ?

1670. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Son jugement chancelle et sa vue s’égare ; il prend des lieux communs pour des découvertes, des paradoxes obscurs pour des vérités éblouissantes, des rêves incohérents pour des idées vives.

1671. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Cette terrible page de Chénier, jugement de l’honnête homme, mérite de rester attachée aux huit volumes des Révolutions de France et de Brabant comme la flétrissure qui leur est due.

1672. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Son miroir n’a pu l’entretenir dans le moindre doute sur les agréments de sa figure : le témoignage de ses yeux lui est plus suspect que le jugement de ceux qui ont décidé qu’elle était belle et bien faite.

1673. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Il vit la mort de près, il entendit les médecins dire de lui : « Il n’en a pas pour deux heures. » L’image de sa vie passée lui apparut sous son vrai jour ; rapproche des jugements de Dieu le jeta dans l’épouvante.

1674. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mademoiselle, personne d’imagination, de fantaisie et d’humeur, mais de peu de jugement, réalisa beaucoup de ce type en elle : elle y ajouta tout ce qui était propre aux préjuges de sa race et aux superstitions de sa naissance.

1675. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

. — Et pour résumer, non pas mon jugement (ce serait prématuré), mais tout mon vœu sur lui, je dirai : Il a en ce moment la vogue, il a ce que tant d’autres, et des plus dignes, ont vainement attendu toute leur vie, l’attention et le regard du public ; il a le cri du moment, comme dit le poète ; il chante pendant des heures, et on l’écoute, on l’applaudit ; il a de l’action.

1676. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

On voit que le rigorisme entre pour beaucoup dans ce jugement de M. de La Rivière.

1677. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Tel, on le voit, tel vivait le duc de Raguse pendant la seconde moitié de la Restauration, oubliant peu à peu ses disgrâces, très aimé de ses amis, absous et plus qu’absous de tous ceux qui rapprochaient, et qui lisaient à nu dans cette nature vive, mobile, sincère, intelligente, bien française, un peu glorieuse, mais pleine de générosité et même de candeur (le mot est d’un bon juge, et je le reproduis) ; piquant d’ailleurs de parole, pénétrant dans ses jugements, parlant des hommes avec moquerie ou enthousiasme, des choses avec intérêt, avec feu et imagination, parfaitement séduisant en un mot, comme quelqu’un qui n’est pas toujours froidement raisonnable.

1678. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

D’Aguesseau, résumant cette impression si juste, lui écrivait après l’avoir lu : « J’envie presque à ceux qui étudient à présent, un bonheur qui nous a manqué, je veux dire l’avantage d’être conduit dans les belles-lettres par un guide dont le goût est si sûr, si délié (délié est un peu fort), si propre à faire sentir le vrai et le beau dans tous les ouvrages anciens et modernes. » Voltaire lui-même, qui fut sévère et une fois surtout injuste pour Rollin, l’a proclamé « le premier de son corps qui ait écrit en français avec pureté et noblesse. » Il l’a loué dans Le Temple du goût en des termes qui sont le jugement même, et il est allé jusqu’à appeler le Traité des études « un livre à jamais utile », ce qui est même trop dire, puisque ces sortes de livres n’ont qu’un temps, et que les générations qui en profitent les usent.

1679. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Cette troupe ne réussit pas dans sa première représentation au gré de Mme de Calvimont, ni par conséquent au gré de M. le prince de Conti, quoique, au jugement de tout le reste des auditeurs, elle surpassât infiniment la troupe de Cormier, soit par la bonté des acteurs, soit par la magnificence des habits.

1680. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Hennin, qu’il désolait, lui écrivait ce mot, qui résume tout notre jugement : « Vous êtes bon, simple, modeste, et il y a des moments où vous semblez avoir pris pour modèle votre ami Jean-Jacques, le plus vain de tous les hommes. » Cependant, à travers ces boutades et ces quintes d’un cerveau tant soit peu malade, Bernardin ne cesse de solliciter auprès de tous les ministères, et, grâce à de bons amis, parmi lesquels M. 

1681. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Volney, dans sa défense, ajoute avec plus de raison, en faisant allusion aux variations de croyances dont le docteur Priestley savait quelque chose : Si, comme il est vrai, l’expérience d’autrui et la nôtre nous apprennent chaque jour que ce qui nous a paru vrai dans un temps nous semble ensuite prouvé faux dans un autre, comment pouvons-nous attribuer à nos jugements cette confiance aveugle et présomptueuse qui poursuit de tant de haine ceux d’autrui ?

1682. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

La classification distincte en mien et tien, moi et toi, suppose sans doute un jugement réfléchi, avec la conception de deux centres opposés, si bien que les idées du moi et du non-moi sont des produits tardifs de la réflexion ; mais le sentiment du passif et de l’actif est immédiat, universel.

1683. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

A ce moment le public, blasé et refroidi, sympathise moins avec les êtres mis en scène par l’auteur d’une œuvre qu’avec l’auteur lui-même ; c’est une sorte de monstruosité, qui permet pourtant de voir dans un grossissement le phénomène habituel de sympathie ou d’antipathie pour l’artiste, inséparable de tout jugement sur l’art.

1684. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

On n’est ni vain de ses petites lumières, ni décidé dans ses jugements, ni dogmatique, ni sceptique à l’aventure, quand on se doute de tout ce qui resterait à savoir pour affirmer ou nier, pour approuver ou contredire.

1685. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Même jugement de l’ oiseau retrouvé, du musicien champêtre, de la fille endormie, de la dame qui brode, du portrait de la demoiselle qui vient de recevoir une lettre.

1686. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

On sait le jugement que portait le P. 

1687. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

En France, Byron a inspiré beaucoup de phrases poétiques et quelques beaux vers, mais de jugement sensé et élevé, je ne connais que M. 

1688. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

J’y vois aussi la même hauteur relative dans les jugements généraux, les mêmes tendances politiques, la même gravité, et s’il y a une différence de fond entre ces deux intelligences dont l’effigie si ressemblante qu’elle soit n’a pourtant pas été frappée d’un seul et même coup de balancier, elle serait toute à l’avantage de l’auteur des Récits de l’histoire romaine qui a le sentiment chrétien que son frère ne connaissait pas.

1689. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Je crois que l’humanité future modifiera à leur endroit les anciens jugements.

1690. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Les « qualités » de toutes sortes avec lesquelles ils se présentent à notre jugement nous empêchent de les mettre aisément sur un pied d’égalité, pour mesurer justement leurs facultés ou équilibrer leurs droits.

1691. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

À la postérité ce difficile jugement.

1692. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Si je vous avais adressé cette lettre sous la Restauration, je n’aurais pas manqué de vous comparer à une abeille se posant et butinant sur toutes les fleurs du jardin des lettres pour en extraire de suc et en composer le miel de ses jugements. — Miel est le véritable mot, votre critique étant toujours douce. […] Recommandé à deux de ces messieurs, qui s’étaient chargés de me faire tout voir et avec lesquels je passai ma journée, personne ne se gêna devant moi, et ce que j’entendis en fait d’anecdotes, de propos sur la robe chiffonnée de la Reine, de jugements, passe tout ce que je pourrais dire. […] » Vient une page intéressante pour la Société protectrice des animaux, où il est dit que sous la Terreur un juré proposa, en pleine audience, de mettre un chien en jugement parce qu’il allait chaque jour pleurer son maître sur la place de la Révolution, au pied de l’échafaud où il avait péri. […] Mabilleau, libre de toute consigne de coterie, et se dégageant, chose difficile, de tant de jugements, portés sur notre plus grand poète, a formulé sur Victor Hugo des opinions qui lui sont personnelles. […] Il n’a pas lu la Critique du jugement.

1693. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Le jugement favorable dont il a été l’objet de la part de l’éminente compagnie m’encourage à le soumettre aujourd’hui au public. […] J’ajoute seulement une prière : c’est qu’on veuille bien ne juger le livre qu’après l’avoir lu tout entier ; sa force résidant dans les développements, dans le nombre des citations, dans l’accumulation des preuves : si bien qu’alors même que quelque doute s’élèverait sur de certains points de détail, la conclusion n’en serait, je crois, pas moins légitime, et le jugement général porté sur le caractère et les tendances de notre littérature, ne s’en trouverait nullement infirmé. […] Parler toujours au nom de la morale, c’est courir le risque de devenir promptement ennuyeux ; montrer exclusivement le mauvais côté d’une littérature, c’est s’exposer au reproche de partialité ; c’est faire dire qu’on a écrit un réquisitoire passionné au lieu de rendre un jugement équitable. […] On ne lui reproche pas seulement d’être quelquefois injuste dans ses jugements, inégale dans ses châtiments ; on lui reproche de méconnaître les cœurs aimants et candides qui s’affranchissent de la loi trop pénible du devoir, et vont demander à des liaisons condamnées le bonheur que leur a refusé le mariage… VII. […] Marcelle vient de voir s’anéantir toute sa fortune ; elle dit à son fils : « Tu auras la gloire et peut-être le bonheur de ne pas succéder à la richesse de tes pères… Puisses-tu comprendre un jour, ô mon enfant, que cette loi providentielle (qui détruit la fortune du riche) t’est favorable, puisqu’elle te jette dans le troupeau de brebis qui est à la droite du Christ, et te sépare des boucs qui sont à sa gauche228. » Ainsi parle l’Évangile nouveau, faisant à sa façon et par anticipation du dernier jugement, la séparation des bons et des méchants, des brebis et des boucs.

1694. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Paul Verlaine, car ce « faune » s’y connaît ; ce « satyre » porte sur la peinture des jugements éclairés. […] La postérité possède assez de documents pour asseoir son jugement définitif. […] Et je ne sache point que le chef-d’œuvre de Sophocle en soit diminué, pas plus que le chef-d’œuvre de Racine… D’ailleurs, il convient d’ajourner son jugement. […] Il est chassé de ses terres par un jugement et exilé dans une ville lointaine. […] J’estime qu’il égale Sainte-Beuve par la solidité du jugement et des connaissances ; qu’il le surpasse par l’éclat d’une forme merveilleusement ferme et légère.

1695. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

. —  Son jugement sur Le Paradis perdu. —  Accord de son art et de sa critique. —  Limites de la critique et de l’art classiques. —  Ce qui manque à l’éloquence d’Addison, de l’Anglais et du moraliste. […] Placer les gens, manier l’argent, interpréter la loi, démêler les motifs des hommes, prévoir les altérations de l’opinion publique, être forcé de juger juste, vite et vingt fois par jour, sur des intérêts présents et grands, sous la surveillance du public et l’espionnage des adversaires, voilà les aliments qui ont nourri sa raison et soutenu ses entretiens ; un tel homme pouvait juger et conseiller l’homme ; ses jugements n’étaient pas des amplifications arrangées par un effort de tête, mais des observations contrôlées par l’expérience ; on pouvait l’écouter en des sujets moraux, comme on écoute un physicien en des matières de physique ; on le sentait autorisé et on se sentait instruit.

1696. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Dans un volume publié par moi il y a près d’un an, et qui a donné lieu à beaucoup de jugements divers, quelques personnes, dont le suffrage m’est précieux, avaient paru remarquer et estimer, comme une nouveauté en notre poésie, le choix de certains sujets empruntés à la vie privée et rendus avec relief et franchise. […] Il y mêle son jugement sur les Consolations, lequel est si favorable qu’il y aurait pudeur à le produire, si lui-même, bien des années après, n’avait dit les mêmes choses, et en des termes presque semblables, dans un de ses Entretiens familiers sur la littérature.

1697. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

De plus (toujours dans la même supposition) il jouit de toutes ses facultés, il est d’une bonne santé, exempt de maux, content de ses enfants, d’une belle figure ; et, si, indépendamment de tant d’avantages, il termine bien sa carrière, il sera celui que vous cherchez, et digne d’être appelé heureux ; mais, avant sa mort, il faut suspendre notre jugement et l’appeler, jusque-là, l’homme favorisé de la fortune, et non l’homme heureux. […] Celle qu’un jugement solennel a désignée, après avoir reçu les félicitations et les éloges, tant des femmes que des hommes, se rend sur le tombeau du mort où le plus proche de ses parents l’égorge ; on l’enterre ensuite avec le corps de son mari.

1698. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

L’esprit de comparaison, qui nous aide à porter des jugements exacts sur les écrivains, deviendrait un travers si nous voulions donner des rangs à ceux qui sont hors de rang, et distinguer des degrés dans la perfection. […] De là son usage d’écrire ses pièces d’abord en prose, afin d’éviter l’illusion du poète, et ce chatouillement de l’imagination et de l’oreille, qui aurait pu troubler son jugement.

1699. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Mais il disait cela dans l’intimité, et ne prenait pas la peine de communiquer ce jugement à son public. […] Les uns attribuaient ses jugements sévères à une vile jalousie ; d’autres, à un intérêt de spéculateur du plus bas étage ; personne ne soupçonna qu’il pût être sincère.

1700. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Tel est cet ensemble de sentiments et d’idées qui nous viennent d’une éducation mal comprise, celle qui s’adresse à la mémoire plutôt qu’au jugement. […] Dire qu’un certain ami, dans certaines circonstances, agirait très probablement d’une certaine manière, ce n’est pas tant prédire la conduite future de notre ami que porter un jugement sur son caractère présent, c’est-à-dire, en définitive, sur son passé.

1701. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Tous tant que nous sommes, poètes, mathématiciens, marchands de laines, nous portons sur la nature des jugements qui, sans qu’on s’en doute, demeurent en corrélation parfaite avec nos humeurs, notre état d’âme habituel, notre degré d’intelligence. Ces jugements sont autant de systèmes qui nous résument.

1702. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Le jugement porté sur le premier atteint naturellement le second ; le poète français, inférieur au poète latin en ce qui concerne le mouvement et l’originalité des pensées, lutte avec lui de précision et de propriété dans l’expression ; mais ces deux qualités, si précieuses, ne suffisent pas pour dominer la foule. […] Les jugements portés par l’orateur sur tous ces moments de notre histoire n’ont rien d’original ni de nouveau, et sont exprimés en termes si vagues, qu’il est vraiment difficile de savoir si l’académicien approuve ou condamne l’homme d’État, si les théories politiques de M.  […] Guizot, c’est l’éloge du xixe siècle ; la biographie de M. de Tracy, racontée avec une complaisance apparente, et le jugement porté par l’orateur sur la révolution française, ne sont, à proprement parler, que les prémisses d’un hardi syllogisme, facile à découvrir, il est vrai, dès que le discours du récipiendaire est soumis à l’analyse, mais cependant assez habilement masqué pour ne pas blesser l’orgueil de l’auditoire. […] L’étude vigilante de l’œuvre qui s’accomplit sous ses yeux développe en lui une finesse de jugement, une délicatesse de perception à laquelle il ne serait jamais arrivé sans le secours de cette excitation quotidienne. […] Sa volonté une fois réalisée, prudente ou étourdie, aveugle ou clairvoyante, est acquise à la multitude et soumise irrévocablement au jugement le plus sévère.

1703. (1891) Esquisses contemporaines

L’intérêt qu’elles peuvent offrir n’est pas non plus dans la valeur des jugements qu’elles portent. […] Aujourd’hui c’est autre chose : on se garde de tout jugement et l’on pense avoir achevé sa tâche si l’on a compris et fait comprendre. […] La conscience interdit d’interpréter le mal en dehors du jugement qu’elle porte sur lui. […] La filiation des peuples, la marche des civilisations, le caractère des temps, le génie des langues, le sens des mythologies, l’inspiration des poésies nationales, l’essence des religions, sont autant de révélations dues à la science moderne — Explication du passé, cette règle du jugement contient en même temps le secret de l’avenir. […] La classification rationnelle des systèmes est leur succession, et le seul jugement équitable et utile qu’on puisse prononcer sur eux est celui qu’ils prononcent sur eux-mêmes en se transformant. » Cette enthousiaste consécration du fait, — du fait sensible extérieur, remarquons-le, par lui-même toujours légitime et toujours normatif, recèle néanmoins un idéalisme inavoué.

1704. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Léon Bloy pour avoir exigé de lui la plus légère modification à des appréciations ou à des jugements que beaucoup trouveront excessifs, injustes et peut-être même offensants. […] En conséquence, nous déclarons d’avance, n’accepter en aucune façon la solidarité de ces jugements ou de ces appréciations, nous renfermant dans notre droit strict d’éditeur et de marchand de curiosités littéraires. […] » car vous vous jugeriez alors, vous vous mesureriez d’une façon quelconque et le Poète, quand il contemple la Poésie, doit perdre tout jugement, toute mesure, tout repli sur soi. […] Et l’Europe, si formidablement armée, qui regarde la pauvre France par-dessus ses frontières démantelées, — quel jugement voulez-vous qu’elle prononce sur cette apostate de la Croix, sur cette renégate de l’Épée qui ne sait plus ce qu’elle fait, hélas ! […] Sans même parler de l’importance extraordinaire du sujet, il y a pour le démolisseur qui signe ce livre, où beaucoup de gens se verront insultés, un intérêt tout littéraire à placer en tête de son recueil le seul jugement motivé qui ait été prononcé sur un écrivain célèbre dont il passe pour continuer les traditions.

1705. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

En dépit des jugements préconçus et des querelles de partis, son nom subsistera évidemment dans l’histoire de notre siècle, et non pas seulement, comme l’ont cru quelques-uns, parmi les anthologies des poetæ minores. […] Mais n’est-ce pas en somme un jugement bien osé porté sur l’écrivain qui fut peut-être de tous ceux de notre siècle le moins occupé de la réclame et le plus dédaigneux du succès ? […] On s’est inquiété de n’avoir pu démêler soi-même son propre sentiment, net et exact, sur le mérite de MM. de Goncourt : on se demande, en somme, combien on en pourrait compter qui sachent précisément ce qu’ils pensent des deux artistes, et qui soient en état de déduire les motifs de leur jugement. […] Pas une minute, la douleur, pourtant sincère, ne le possède assez pour obscurcir son jugement. […] Sans doute, il lui a manqué la sereine fécondité des esprits souverains que n’arrête pas un sens critique incessamment éveillé ; il posséda en revanche, par cette sûreté de jugement, l’incomparable mérite de n’avoir jamais produit une page qui ne soit à peu près parfaite.

1706. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

L’impression que laisse le tableau est trop compliquée pour qu’on puisse la résumer banalement ; aussi la foule réserve-t-elle son jugement sur les œuvres d’art, jusqu’à ce qu’elle soit arrivée devant de l’imagerie moins troublante. « C’est du papier peint !  […] Efforts et Tendances Le jugement que portait Richepin sur l’œuvre de ses confrères était imprégné d’une bonhomie que certes l’on n’aurait pas cherché chez le poète de la Chanson des Gueux et des Blasphèmes. […] Quand, dans la conversation courante, il prononce quelque jugement sur des camarades, son refrain ordinaire est : « Il n’a pas de sève. » Certes il a de bonnes raisons pour reconnaître cette faiblesse chez les autres ; car si le sort l’avait pourvu lui-même avec prodigalité il n’aurait pas ou à passer par un détour pour arriver au cœur de l’humanité. […] J’étais venu pour vous entendre dire autre chose, je voulais vous parler des difficultés que j’éprouve à porter un jugement sur le roman psychologique contemporain… » À peine ces paroles m’avaient-elles échappé que Marcel Schwob s’emporta, et sans me permettre la moindre explication, se mit à tonner : — « Vous osez prononcer devant moi ces mots néfastes ! […] D’une main s’appuyant sur sa table de travail, tenant le manuscrit de l’autre, Renard, debout, attendait le jugement qu’un de ses deux visiteurs allait prononcer.

1707. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

On ne peut s’empêcher de sourire lorsqu’on se rappelle quelques-uns des graves jugements portés par la critique française et par les honnêtes gens sur Dante ou sur Gœthe. […] Un décret général de bannissement fut prononcé contre les Blancs, et bientôt une sentence particulière, rendue sans jugement, dans un latin barbare, condamne Dante Allighieri, lui onzième, pour cause de baraterie, d’extorsions et de lucre, à être brûlé vif, si jamais il remet les pieds sur le territoire florentin. […] À la façon des prophètes hébraïques dont il a le génie visionnaire et imprécateur, il veut émouvoir d’une terreur salutaire les âmes endurcies ; il cherche à ranimer la foi des croyants en mettant sous leurs yeux les récompenses et les châtiments réservé dans l’autre vie aux fidèles et aux pécheurs, en rendant visible et palpable la vérité des jugements de Dieu. […] Il n’y avait pas d’hésitation ; il n’était besoin d’aucune recherche de l’esprit pour admirer la Minerve de Phidias ou le Jugement dernier de Michel-Ange. […] Il faut lire, pour comprendre ce Jugement dernier de l’Allighieri, tout l’ensemble de ses œuvres, la Vita nuova, il Convito, le de Monarchia, les Lettres surtout.

1708. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Là, on trouve non seulement la suite méthodique et l’analyse raisonnée des opérations de Villars, mais ses lettres au roi, aux ministres, les ordres ou les réponses qu’il reçoit, enfin tous les éléments pour former un jugement solide sur son caractère et son mérite de général.

1709. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Il visitait les ateliers (studi) et y laissait, ne fût-ce que par ses jugements et ses louanges, des traces de ce patronage fin, délicat, généreux, qui était sa vocation véritable.

1710. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Je suis bien sûr que, dans le petit Journal qu’il tenait pour lui et où il écrivait ses moindres pensées et ses jugements, il y avait plus d’une sévérité à l’adresse de quelqu’un de ceux qui sont célébrés aujourd’hui presque en son nom.

1711. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Royer-Collard obéissait à sa propre loi, à la forme élevée et dominante de son jugement qui agrandissait tout ce qu’il ne déprimait pas.

1712. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Mais je ne voudrais à aucun prix être privé de son édition, non plus que de celle de Burmann : elles sont absolument essentielles, à mon jugement, non seulement pour un examen critique, mais encore pour une intelligence élégante de ce parfait et délicieux auteur. » (Lettre à Fox, du 22 avril 1801.)

1713. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

C’est peut-être un des droits piquants du roman historique que de risquer ces revirements soudains de jugements.

1714. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Villemain qui, avec tant de qualités supérieures du critique, n’a pas le courage du jugement, n’a pu se défaire de l’idée que Mlle de Launay avait été femme de chambre, une soubrette !

1715. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

J’aurais plus d’un point à modifier aujourd’hui dans mon premier jugement ; il a commencé à me paraître moins juste, quand des continuateurs exagérés me l’ont rendu comme dans un miroir grossissant.

1716. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Comme ceci n’est pas un inventaire exact, ni même un jugement général des nombreux écrits de notre auteur, nous ne nous arrêterons qu’à ceux qui nous aideront à le peindre.

1717. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Prenez des femmes qui ont faim et des hommes qui ont bu ; mettez-en mille ensemble, laissez-les s’échauffer par leurs cris, par l’attente, par la contagion mutuelle de leur émotion croissante ; au bout de quelques heures, vous n’aurez plus qu’une cohue de fous dangereux ; dès 1789 on le saura et de reste  Maintenant, interrogez la psychologie : la plus simple opération mentale, une perception des sens, un souvenir, l’application d’un nom, un jugement ordinaire est le jeu d’une mécanique compliquée, l’œuvre commune et finale437 de plusieurs millions de rouages qui, pareils à ceux d’une horloge, tirent et poussent à l’aveugle, chacun pour soi, chacun entraîné par sa propre force, chacun maintenu dans son office par des compensations et des contrepoids.

1718. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

« Quand les poèmes de Moïse, de David, d’Isaïe, ne nous auraient été donnés que comme des productions purement humaines, ils seraient encore, par leur originalité, par leur antiquité, dignes de toute l’attention des hommes qui pensent, et, par les beautés littéraires dont ils brillent, dignes de l’admiration et de l’étude de ceux qui ont le sentiment du beau. » Lisons donc ces chants inspirés ; ils ont passé par des bouches humaines, et, sous ce point de vue au moins, ils ressortent du jugement humain.

1719. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Politien, remarquez encore que, de tous mes enfants, nul n’a montré une nature égale à celle de Pierre, de telle sorte qu’il me fait augurer et espérer qu’il ne le cédera à aucun de ses ancêtres, à moins que les expériences que j’ai déjà faites de ses talents ne me trompent. » Il m’a donné récemment une preuve de la vérité du jugement et de la prévision de son père, quand nous l’avons vu sans cesse près de lui dans sa maladie, toujours prévenant dans les services les plus intimes et les plus désagréables, supportant le plus patiemment possible les veilles, la privation d’aliments, ne pouvant souffrir qu’on l’arrachât du lit de son père que pour les affaires les plus urgentes de la république, et tout cela avec une merveilleuse piété répandue sur toute sa personne.

1720. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Les auditeurs de Roland et des Lorrains, ceux du Jugement de Renart ou de Richeult ne s’inquiétaient guère du problème des universaux ni de savoir quel est le principe d’individuation.

1721. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

L’article essentiel de son programme, le blanc où il faut viser, c’est de former un bon jugement : c’est-à-dire une raison qui aille à la vérité, une conscience qui aille au bien.

1722. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Vous avez tous rencontré de ces abbés lauréats qui prennent tous les membres de l’Institut au sérieux, enclins à respecter, en littérature comme ailleurs, les jugements qui se formulent par voie d’autorité, d’un amour-propre littéraire très éveillé et à la fois très ingénu, et où se révèle un fond, sinon d’humilité, au moins de docilité chrétienne, de soumission aux puissances constituées  toutes, et même celles que signalent les palmes vertes, émanant en quelque sorte de Dieu lui-même.

1723. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

C’est affaire de sentiment et d’ « opinion » matière aux disputes et aux jugements incertains des hommes.

1724. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Mais la suprême Beauté ne suppose point qu’on les sépare : De tout notre instinct et de toute notre énergie nous devons aimer et poursuivre le premier, — admirer le second par tout ce que notre esprit contient de jugement et de lumineuse raison, — mais infrangiblement les unir si nous voulons que notre œuvre soit vivante et sacrée, tressaillante et surnaturelle.

1725. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Calvin s’était trahi dans une lettre écrite dès 1546, à l’époque où Servet songeait à venir à Genève : « S’il y vient, écrivait-il à son collègue Farel, pour peu que mon autorité puisse prévaloir, je ne souffrirai pas qu’il en sorte vivant76. » Le logicien de la prédestination exécutait sept ans d’avance les prétendus jugements de Dieu, tant il croyait le repentir impossible au prédestiné !

1726. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Puis je me dis : « Ce n’est pas leur faute s’ils sont laids ; c’est une façon de vivre. » Il est d’un petit esprit, me disais-je, de moraliser la nature et de lui imposer nos jugements.

1727. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Nous ne nous abordâmes point de front ; nous ne fîmes qu’exposer, moi, la nature de mes doutes lui, le jugement qu’il devait en porter comme orthodoxe. fut extrêmement sévère et me déclara nettement 1ºqu’il n’était nullement question de tentations contre la foi, terme dont je m’étais servi dans ma lettre, par l’habitude que j’avais contractée de me conformer à la terminologie sulpicienne pour me faire entendre, mais bien d’une perte totale de la foi ; 2º que j’étais hors de l’Église ; 3º qu’en conséquence je ne pouvais approcher d’aucun sacrement, et qu’il ne m’engageait pas à pratiquer l’extérieur de la religion ; 4º que je ne pouvais sans mensonge continuer un jour de plus à paraître ecclésiastique, etc.

1728. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Rousseau, dont le jugement sur les Philosophes est d'un si grand poids, puisqu'il a été long-temps leur partisan & leur confrere.

1729. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Salomon, du fond de son harem, ayant tout goûté et tout épuisé, prononce sur la vie humaine des jugements mortellement amers.

1730. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

— s’écrie-t-elle — et que tout le monde entre chez moi, puisque cette femme y est entrée. » La scène est d’un grand éclat théâtral ; elle étourdit le jugement sur le premier coup : mais l’invraisemblance qu’elle contient se met à crier dès qu’on l’examine.

1731. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Il paraît avoir eu assez de jugement, si ce terme n’était pas trop élevé pour signifier l’espèce d’immobilité et de paresse dans laquelle il aimait à tenir son esprit ; mais il lui fallait avant tout être gouverné.

1732. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Et malgré tout, le voilà placé à la tête de cette censure, et investi de la plus délicate des fonctions, en présence d’une littérature philosophique très émancipée, dont il partage plus d’une doctrine ; en face d’une opposition religieuse et réactionnaire très irritée, qui a des appuis à la Cour auprès de la reine et du Dauphin, en regard enfin du Parlement, qui a ses préjugés, ses prétentions, et qui voudrait, dans bien des cas, évoquer à lui le jugement des livres et des auteurs.

1733. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Aveuglant leur jugement, il les met en posture de prendre le change sur eux-mêmes et de s’identifier à leur propre vue avec l’image qu’ils ont substituée à leur personne.

1734. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

J’étais avec Hugo et Villemain. » Le Roi prit avec effusion les mains d’Hugo et le remercia très chaudement d’avoir rappelé, dans son discours, le jugement de Napoléon sur lui.

1735. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Un jugement prématuré rectifié par l’expérience.

1736. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

La descendance et titres de noblesse de cette dernière branche ont été confirmés par jugement souverain prononcé à Montpellier, par M. de Bezons, intendant de la province de Languedoc, le 26 novembre 1668.

1737. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

En résumé la complication sociale, multipliant le nombre des associations dont peut faire partie, à des titres divers, un même individu, permet à chacun d’eux de se détacher de chacune d’elles, et de poser, en face des collectivités quelles qu’elles soient, sa personnalité : brouillant les distinctions collectives au profit des distinctions individuelles, elle prépare les hommes à obéir, pour porter les uns sur les autres ces jugements d’estimation qui règlent leur conduite, aux prescriptions de l’égalitarisme.

1738. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

De même, quand la barbarie antique reparut au moyen âge, les princes décidaient eux-mêmes les querelles nationales par des combats singuliers, et les peuples se soumettaient à ces sortes de jugements.

1739. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

La tâche est malaisée, et peut-être passerait-elle nos forces et nos lumières, si nous n’avions pour nous guider dans le dédale des recherches historiques les travaux chaque jour plus nombreux des biographes et des archéologues, et dans la voie de la critique les jugements si souvent décisifs des meilleurs esprits de notre temps. […] Michel-Ange est plus près de l’idéal dans La Création de la femme que dans son Jugement dernier, où l’on a blâmé quelque excès de recherche anatomique. […] C’est pourquoi, au jugement du christianisme primitif, résolu à lutter contre le relâchement des mœurs païennes, l’art est condamnable quand il vise à nous faire admirer la beauté : il nous détourne de notre véritable objet pour nous attacher à ce qui est périssable. […] Voici surtout le jugement : un ange tient une balance ; les âmes des justes défilent ; Abraham les recueille en son sein : c’est encore de l’idéalisme. […] Que faire cependant quand on a le malheur d’être né avec plus d’imagination que de jugement, plus de sentiment que de volonté ?

1740. (1922) Gustave Flaubert

aime-le, ce pauvre Bouilhet, car il t’aime d’une façon touchante, et qui m’a touché, navré. » Mais Flaubert n’a jamais su porter un jugement sain sur la littérature de ses contemporains, et d’autre part les poésies de Louise Colet, couronnées quatre fois par l’Académie, étaient vers 1850 de l’honnête article courant, un ordinaire dont on pouvait sans ridicule parler courtoisement. […] Flaubert regimba d’abord, mais sitôt après accepta stoïquement le jugement qu’il avait provoqué. […] Il y eut exception, un moment, pour la Tentation, mais il ne crut pas à son jugement, se soumit à celui de Bouilhet et de Du Camp et l’accepta. […] il considérait le jugement de l’une comme infaillible, et cependant il trouvait l’autre irréprochable ». […] Il est évident que l’auteur de Madame Bovary met autant de soin à créer ses personnages pour eux-mêmes (ce qui est le propre du reconstructeur), qu’à nous laisser entendre le jugement qu’il porte sur leur nature, qui est le grotesque triste.

1741. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Il est absurdement crédule, parce qu’il aime, et que le premier effet de l’amour est de troubler le jugement. […] Les servitudes qui pèsent sur les jugements humains sont innombrables et de toutes sortes. […] Camille Doucet m’a jeté dans un embarras presque égal, par d’autres raisons ; car il y a encore d’autres tyrannies que celles des antiques jugements transmis et enseignés. […] Il ne passe pas pour être animé d’un grand esprit de douceur dans ses jugements sur les hommes et sur les choses. […] Mais, pendant l’entracte, Maurio fait tuer Bonneville dans une embuscade ; et, naturellement, le « jugement de Dieu » condamne Guillaume.

1742. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Il m’a semblé qu’une sage modestie et la prudence m’engageaient à mettre mes jugements sous le couvert de principes qui ont, en eux-mêmes et indépendamment de moi, leur qualité. […] Or, il écrit : « Une grande famille ressemble à un couvent. » C’est une remarque, ce n’est pas un jugement ; et, pour induire de là un jugement, il faudrait savoir l’opinion de M.  […] Un des volumes, La Foire sur la place, contient des opinions, des jugements, touchant la politique, les concerts du dimanche, la question juive, le socialisme et la Schola cantorum. […] Et comme il sied à la critique de garder, en ses jugements, une prudente, une tremblante modestie ! […] Vous voyez donc que je puis, sans imprudence logique, étendre à la corporation le jugement que nous portons sur Mag, Sandra, Fanny et Rosalie.

1743. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Elle renferme toutes les variantes, une lettre inédite de La Bruyère, sa biographie, plusieurs jugements portés sur lui par ses contemporains et par les nôtres, et quantité de notes, renseignements et commentaires. […] Ce jugement, tout français et classique, dérive des habitudes de vie et d’esprit du dix-septième siècle ; il suppose deux choses, l’une qu’on parle à des hommes du monde, l’autre que ces hommes forment leurs idées par analyse. […] Et il les engage à s’arrêter, à se contenter pour le moment d’une Charte royale, à ne marcher que pas à pas, à la manière anglaise, à se séparer après avoir obtenu : « 1° la liberté individuelle ; 2° la liberté de conscience ; 3° la liberté de la presse ; 4° le jugement par jury ; 5° la représentation législative ; 6° la périodicité des réunions ; 7° le droit d’initiative ; 8° le droit exclusif de voter les taxes et d’en régler l’emploi ; 9° la responsabilité des ministres ». […] En effet, cette éducation est toute morale ; jamais il ne le pousse vers un emploi ; jamais il ne lui parle de succès, mais seulement de droiture, de religion et de devoir, corrigeant ses jugements hasardés, lui enseignant le respect, ne voulant pas qu’il traite lestement Cicéron ni aucun autre grand homme ; ne lui souffrant ni romans ni comédies. […] « La durée de la vie de l’homme est un point ; sa substance, un écoulement ; sa sensation, une impuissance ; son corps, un bâtiment qui tombe ; son âme, une toupie qui tourne ; sa fortune, une obscurité ; sa renommée, un jugement d’aveugles.

1744. (1802) Études sur Molière pp. -355

. — J’entends tous les jours mettre cette comédie au rang des pièces d’intrigue, et c’est à tort qu’on le soutient ; l’intrigant Mascarille imagine, il est vrai, toutes ses fourberies avec tant de jugement, qu’une seule suffirait à ses desseins, s’il n’était croisé par les étourderies de son maître ; mais l’étourdi Lélie, entraîné par son caractère, détruit si bien ce que fait Mascarille, qu’une seule de ses étourderies dérangerait totalement, ou couperait le fil de l’intrigue, sans l’adresse de Mascarille à tout renouer. […] Le genre. — On remarque dans cet ouvrage, dit Voltaire, plus de bouffonnerie que d’art ; et d’après son jugement, toujours peu sûr quand il s’agit de comédie, plusieurs personnes regardent la pièce comme une farce presqu’indigne de Molière. […] Les courtisans applaudirent à l’échange ; mais il ne put le soumettre au jugement des Parisiens, que le 10 juin suivant. […] j’ai beau chercher dans son ouvrage la moindre connaissance de l’art dramatique, je suis forcé de lui avouer que je ne le crois pas appelé au théâtre ; je tremble de l’affliger : point du tout ; mon jugement ne lui cause aucune émotion ; il me présente avec confiance plusieurs numéros d’un journal auquel il fournit les articles spectacles. […] Molière reprit haleine, au jugement de sa majesté ; et aussitôt il fut accablé de louanges par les courtisans, qui tous, d’une voix, répétaient tant bien que mal ce que le roi venait de dire de l’ouvrage.

1745. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Il improvise fiévreusement des Lettres sur la Corse, et il soumet cette œuvre passionnée au jugement de l’abbé Raynal. […] Le capitaine Dautancourt tremblait déjà de remords : « Pût-il dépendre de moi, disait-il, de me trouver à cent batailles et jamais à un jugement !  […] Nous avons, sur ce point, sa propre confession, qui est ainsi conçue : À peine le jugement fut-il signé, dit-il, que je me mis à écrire une lettre, dans laquelle, me rendant en cela l’interprète du vœu unanime de la commission, j’écrivis au Premier Consul pour lui faire part du désir qu’avait témoigné le prince d’avoir une entrevue avec lui, et aussi pour le conjurer de remettre une peine que la rigueur de notre position ne nous avait pas permis d’éluder. […]  » Un grand seigneur que je ne veux pas nommer, après avoir lu le jugement de Marie-Antoinette, jeta le Moniteur sur la table, en disant avec dédain : « Il n’y a pas là de quoi fouetter un chat, continuons notre partie. […] Le répertoire littéraire où nous avons dû, faute de mieux, puiser nos sentiments et nos pensées, nos règles de jugement et nos principes de conduite, n’était vraiment pas fait pour nous réconforter.

1746. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

— Toutes s’écrient : — « Tu es saint, saint,  — le roi des anges du Ciel,  — notre Seigneur,  — et tes jugements sont — justes et vastes,  — ils règnent éternellement partout — dans la multitude de tes ouvrages. » On reconnaît là les chants des anciens serviteurs d’Odin, tonsurés à présent et enveloppés dans une robe de moine ; leur poésie est restée la même ; ils pensent à Dieu, comme à Odin, par une suite d’images courtes, accumulées, passionnées, qui sont comme une file d’éclairs ; les hymnes chrétiennes continuent les hymnes païennes. […] Les monstres scandinaves, les Iotes ennemis des Ases ne se sont point évanouis ; seulement ils descendent de Caïn, et des géants noyés par le déluge64 ; l’enfer nouveau est presque le Nastrond antique, « mortellement glacé, plein d’aigles sanglants et de serpents pâles  » ; et le formidable jour du jugement dernier, où tout croulera en poussière pour faire place à un monde plus pur, ressemble à la destruction finale de l’Edda, à « ce crépuscule des dieux », qui s’achèvera par une renaissance victorieuse, et par une joie éternelle « sous un soleil plus beau. » Par cette conformité naturelle, ils se sont trouvés capables de faire des poëmes religieux qui sont de véritables poëmes ; on n’est puissant dans les œuvres de l’esprit que par la sincérité du sentiment personnel et original.

1747. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Heureux d’obtenir un moment de silence, il rappelle tout son courage, et dit: « Après avoir porté votre jugement sur les mémoires qui ont concouru pour le prix de morale, vous examinerez sans doute la fin de mon rapport, qui a excité de si étranges réclamations. […] « Si je lis donc à la tribune de l’Institut mon rapport sur les mémoires du concours, j’y serai sans doute l’interprète de vos jugements ; mais je ne changerai rien à sa péroraison.

1748. (1896) Études et portraits littéraires

« Il ne peut pas s’en tenir à l’expression simple ; il entre à chaque pas dans les figures, il donne un corps à toutes ses idées. » Je lui applique à la lettre son jugement sur Carlyle. […] Aristocrate enfin par la morgue de son esthétique, le ton impérieux de ses jugements, ses exclusions dédaigneuses et ses louanges aussi hautaines parfois que ses mépris. […] Lintilhac s’approprie le jugement traditionnel, en essayant des variantes sur les motifs. […] Elle justifie nos jugements sur autrui et sur nous-mêmes ; elle nous dicte l’emploi de la vie. […] Je signale d’amusants détails sur Delille, une rencontre avec Désaugiers, un jugement magistral sur les doctrinaires, et encore un paysage : Angerville, un soir de juillet 1830, — de la fin de juillet.

1749. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Si elle veut être grave, elle a l’air d’un démon ; on dirait d’une écervelée ou d’une coureuse quand elle tâche d’être polie : disputeuse, perverse, indigne de confiance, et avide pour tout dépenser en luxure552. » Quelle confession qu’un tel jugement, et quel abrégé de vie ! […] Il réduisait les jugements à « l’addition de deux noms », les idées à des états du cerveau, les sensations à des mouvements corporels, les lois générales à de simples mots, toute substance au corps, toute science à la connaissance des corps sensibles, tout l’être humain à un corps capable de mouvement reçu ou rendu562, en sorte que l’homme, n’apercevant lui-même et la nature que par la face méprisée, et rabattu dans sa conception de lui-même et du monde, pût ployer sous le faix de l’autorité nécessaire et subir enfin le joug que sa nature rebelle refuse et doit porter. […] Parfois, sans doute, l’esprit naturel rencontre de bons jugements neufs : Temple, le premier, trouve un souffle pindarique dans le vieux chant de Regnard Lodbrog, et met le Don Quichotte au premier rang parmi les grandes œuvres de l’invention moderne ; de même encore lorsqu’il touche un sujet de sa compétence, par exemple les causes de la puissance et de la décadence des Turcs, il raisonne à merveille. […] Et ce rire n’est pas une simple convulsion de gaieté physique ; un jugement l’a provoqué.

1750. (1899) Arabesques pp. 1-223

. — En cela, il se montre conséquent avec lui-même, car, au jugement d’un catholique détraqué, quelle époque pourrait l’emporter sur ce Moyen Âge où le Pape fut tout-puissant, où les moines pullulèrent à l’aise, où l’on n’imprimait pas, où l’on ne discutait que les billevesées de la scolastique et où l’homme abêti avait peur du Bon Dieu qu’il s’était imposé ? […] De la part de Thiers, un tel jugement ne doit pas surprendre. […] Vous qui avez subi son emprise énervante, souscrivez au jugement de Nietzsche lorsqu’il déclare : « La même espèce d’hommes qui s’est enthousiasmée pour Hegel s’enthousiasme, aujourd’hui, pour Wagner… Ce n’est pas avec la musique que Wagner a enlevé les jeunes gens, c’est avec l’idée. […] Au milieu de la multiplicité, de la plénitude et de l’arbitraire de Wagner, ils sont, d’après leur propre jugement, sauvés.

1751. (1902) Le critique mort jeune

Jusqu’à quel point ces jugements sommaires ont pu mener les « jeunes » dénombrés jadis par M.  […] Jean-Jacques pratiquait et enseignait « la subordination totale du jugement à la sensibilité ». […] Toute femme française qui lira la « Nouvelle Héloïse », si elle n’est gâtée de littérature, si elle a conservé, avec la netteté du jugement, cette conscience du vrai rôle féminin que donne une éducation catholique, trouvera que Saint-Preux et Julie sont des insensés. […] N’était la tendance des juges à accorder, quoi qu’on dise dans les « Deux Vies », très aisément la séparation (il serait sans doute intéressant d’avoir le nombre des demandes en face des jugements favorables depuis 1884), la loi Naquet constituerait encore, à l’extrême besoin, une sorte de défense contre les abus de l’union précaire.

1752. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Juan Valera a voulu montrer comment la foi du moine et le scepticisme du philosophe peuvent s’accorder en ces délicates circonstances, s’unir dans un commun jugement et dans un commun plan de conduite. […] Garcia quévedisait presque toujours sans s’en rendre compte ; parfois, comme il le disait lui-même, il gongorisait, mais bien rarement il était poète. » D’après ce jugement, auquel nous nous associons pleinement, on comprend qu’il ne faut pas chercher en Garcia un poète original, un poète personnel, mais seulement un poète de reflet, encore ce reflet est-il celui d’une décadence, car Gongora et Quévedo, — un hôtel de Rambouillet, tout entier, réuni dans le premier, et poussé jusqu’au génie, un Scarron, autrement vigoureux que le nôtre, en même temps qu’un Sénèque chez le second, — ne pourront jamais passer pour des talents sains. […] Notre scène tragique a donné plusieurs fois à l’Europe le spectacle de Shakespeare muselé et conduit en laisse par un académicien. » J’ai cité ces quelques lignes parce qu’elles suffisent à marquer l’esprit du jugement porté par M.  […] Frédéric Bataille l’attribue « à la cruelle hypocrisie et au fanatisme béatement tranchant des bigots du calvinisme, négateurs de la liberté humaine, fatalistes grimés et fabricateurs d’un faux Christ qui brûle les Servet et anathématise jusqu’à la vertu. » Nous n’avons pas à prendre position et à formuler un jugement sur cette sortie à fond de train contre ce que, volontiers, nous appellerions l’Esprit genévois : le seul fait intéressant notre étude, c’est l’isolement du poète, utopiste en politique, rebelle à tout joug en matière de religion. […] Il y a surtout, dans certains détails, une grâce et une fleur de poésie qui montrent que l’auteur est appelé à réussir dans le drame poétique et idéal dont Shakespeare a donné de si parfaits modèles. » Sauf cet intempestif rappel du grand nom de Shakespeare, je n’ai rien à retrancher de ce jugement, et Paul Gaussen semblait alors autoriser de brillantes espérances qu’une vie errante, et souvent attristée, l’ont mis hors d’état de justifier jusqu’à ce jour56.

1753. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Jacquinet, qui ne veut pas faire de peine à Bossuet, a un peu trop choisi, parmi les témoignages contemporains, ceux qui s’accordent le mieux avec le jugement de l’orateur et a tu pieusement les autres. […] Et alors son orthodoxie a souvent je ne sais quelle, allure hardie et paradoxale, reformant çà et là les jugements traditionnels, ou bien, pour nous faire enrager, nous montrant les classiques aussi vivants que nous et découvrant chez eux une foule de choses que nous croyons avoir inventées. […] Ce sont celles qui m’intéressent le plus, et d’ailleurs je l’y trouve tout entier, puisqu’il ne juge les écrivains d’aujourd’hui que par comparaison avec ceux du XVIIe siècle et que l’opinion qu’il a de ceux-ci est contenue dans le jugement qu’il porte sur ceux-là. […] - Je ne voudrais pas commettre gratuitement une impertinence facile et, si je comparais Madame Bovary et Athalie par exemple, ce ne serait point pour m’amuser, mais pour mieux dégager encore le principe des jugements de M.  […] Je ne saurais me guinder à un jugement aussi distingué.

1754. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il disait qu’il n’ignorait point les motifs de la décision de l’Institut ; qu’il savait bien que, si l’Institut de France distinguait le poète Klopstock, c’est parce que celui-ci, dans ses odes, avait parlé des événements de la Révolution avec un accent de vérité frappante, avec l’accent que l’histoire aurait plus tard, lorsqu’elle prononcerait le jugement définitif. […] Sa correspondance est pleine de jugements sévères sur eux et de véhémentes explosions de colère à leur endroit. […] Il ne cessait pas de se dénoncer lui-même à l’accusateur public et de solliciter un prompt jugement. […] Il va sous une forme abandonnée et du reste encore hésitante, dans une lettre familière, un jugement de lui sur Sainte-Beuve, jugement qui était encore inédit et qu’il convient de citer aussi complètement qu’on le peut d’après Mlle Bourgain : « … D’où vient que Sainte-Beuve, qui comprenait si finement les choses de la croyance, se montre si peu délicat dans les sentiments qui avoisinent la foi, j’entends la délicatesse dans l’amitié, dans l’amour ; que sa poésie soit si matérialiste, si brutale [un peu trop fort] parfois ? […] On sursit à l’exécution parce qu’il y avait des protestations très fortes contre le jugement, entre autres celles du lord-maire.

1755. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Mais quand Lamennais s’en prenait aux excès de la « raison individuelle », quand il attaquait en elle sa confiance en elle-même, dans l’infaillibilité de ses lumières, dans la souveraineté de ses jugements, c’est là qu’il avait raison, et c’est là qu’il triomphait ! […] C’est là, dans cette complaisance même, bien plus que dans ses jugements, que l’on sent percer l’esprit de parti. […] et ne devons-nous pas, en dépit de nous-mêmes, essayer de prévenir et de préparer le jugement de la postérité ? […] Mais sans presque en avoir l’air, il a déterminé le jugement que nous devions porter sur les uns et sur les autres, et c’est là toute la morale. […] Puisqu’il n’y a pas de livre, même de vers, qui ne soit un acte en quelque manière, il ne nous est pas permis de ne pas envelopper la considération de ses conséquences dans le jugement que nous en portons.

1756. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Aujourd’hui, pour le jugement définitif du livre et le rang qui lui est dû dans l’ordre des œuvres de l’art, cette fin de Werther nuit aux parties principales, et quand on considère le caractère si opposé de l’auteur, et ses destinées en un sens si inverse, elle a peine à ne pas nous faire l’effet d’une mystification.

1757. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Je suis heureux de trouver dans le même ouvrage un jugement sur La Mettrie, qui marque chez Diderot un peu d’oubli peut-être de ses propres excès cyniques et philosophiques, mais aussi un dégoût amer, un désaveu formel du matérialisme immoral et corrupteur.

1758. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Un éditeur instruit17, qui, dans un premier travail, avait jugé fort sainement, selon nous, de Marguerite, a cru devoir revenir sur ce jugement dans une seconde publication, et il a été conduit par une interprétation laborieuse à dénoncer dans le cœur de cette princesse je ne sais quel sentiment fatal et mystérieux, dont son frère aurait été l’objet.

1759. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Ils tâchent de faire représenter leurs pièces, ils subissent le jugement préalable des comédiens, ils sollicitent un mot d’éloge au Mercure, ils lisent des fables aux séances de l’Académie.

1760. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Je n’ai pas besoin de vous dire avec quelle admiration je l’ai lu, mais aussi avec quelle sévérité de jugement je vous le rends.

1761. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

« Ne pensez pas, écrivait Politien à un de ses amis, qu’aucun des savants qui composent notre société, même ceux qui ont consacré leur vie tout entière à l’étude, puisse prétendre à quelque supériorité sur Laurent de Médicis, dans tout ce qui tient à la subtilité de la discussion et à la solidité du jugement, ou dans l’art d’exprimer ses pensées avec autant de facilité que d’élégance.

1762. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Boileau n’affranchit jamais, quand il s’agit de poésie, le jugement rationnel de l’esprit de la sensation irraisonnée de l’oreille.

1763. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Le jugement ici porté se justifierait par : Pradon, Régulus, ou Phèdre et Hippolyte ; Genest, Pénélope ; Longepierre, Médée ; Campistron.

1764. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Doutes et nécessité (pour un jugement strict) de discerner les circonstances que rencontra, au début, l’effort du Maître.

1765. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Nous ne voulons pas refaire ce que d’autres ont fait ; nous ne voulons pas non plus, dans cet article, examiner les vieux romans, sources du poème, car ces intéressantes recherches, appliquées aux œuvres de Wagner, sont la cause d’innombrables malentendus ; nous nous abstiendrons aussi de tout jugement et de toute réfutation.

1766. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Ce n’est pas une conjecture ; j’atténue au contraire l’expression de la colère poétique sur les lèvres du vieux maître : s’il a porté ce jugement sur Notre-Dame de Paris, de quels termes se serait-il servi pour condamner Salammbô ?

1767. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Les papiers lui furent remis, et, au premier coup d’œil, il porta un jugement dont on ne saurait assez lui savoir gré, et qui est aujourd’hui son premier titre d’honneur.

1768. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

La méconnaissance de soi-même et de ses vrais besoins entraîne ici ses conséquences funestes : la collectivité est menacée de payer de sa ruine le défaut de jugement qui lui fait prendre pour une vérité d’application universelle, ce qui fut une attitude d’utilité pour un groupe déterminé, différent d’elle et d’un degré plus intense de brutalité.

1769. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Non, ce n’est plus une lettre de cachet d’un ministre tyrannique qui vous jette dans un cachot, mais c’est le jugement d’un tribunal correctionnel, qui est aux ordres d’un ministère rétrograde et imbécile.

1770. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Villemain, un des premiers, concevant l’œuvre d’art comme l’expression d’une société, joignit à ses jugements l’histoire des auteurs et de leurs époques.

1771. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Saint-Évremond, un bel esprit de cette famille des beaux esprits, disait souvent que les grands admirateurs étaient de sottes gens, et La Bruyère, qui se plaignait, puisque les grands sujets lui étaient défendus, d’être forcé de faire la satire des ouvrages de l’esprit, indique à merveille les limites de la critique : « Il ne faut pas, dit-il, mettre un ridicule où il n’y en a point, c’est se gâter le goût, c’est corrompre son jugement et celui des autres.

1772. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

En sociologie, la complexité et la mobilité plus grandes des faits obligent à bien plus de précautions, comme le prouvent les jugements contradictoires dont le même phénomène est l’objet de la part des partis.

1773. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

En choses charmantes, on y rencontre, entre autres, un jugement poignant de vérité et de regrets sur le génie de Géricault, — le lord Byron de la peinture, — et sur le sentiment, quel qu’il fût, qui tua son génie, dans sa force.

1774. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Je sais qu’elles ont leurs détracteurs, je sais qu’on n’est pas tendre pour elles, et qu’il y a des jugements qui condamnent les carnets et les tiroirs d’un auteur.

1775. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Sur le degré et la valeur de cette nouveauté les jugements peuvent varier à l’infini ; nous n’avons pas à entrer dans le détail de ces discussions.

1776. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

De là ces erreurs de goût, cette fausse poésie et ces faux jugements d’un siècle, parfois si puissant par le naturel et la vigueur qu’il portait dans la philosophie, la critique savante, la controverse, l’histoire.

1777. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Nul jugement, nulle louange, nul blâme, nulle phrase générale ne les mesure. […] Il ne peut décider qu’à tâtons, par improvisation téméraire, ou sur l’avis des autres ; si son jugement est original, il ne peut être accrédité ; s’il est accrédité, il ne peut être original. […] Ils ne sont point soutenus par cette vanité généreuse qu’on appelle l’honneur, mais par leur bon sens et leur droit jugement. […] Que dois-je penser de la critique et du jugement de l’auteur après la phrase suivante : « Bacchus, saint Jean et la Joconde dirigent leurs regards vers vous ; vous êtes fascinés et troublés, un infini agit sur vous par un étrange magnétisme. […] Ils inventent peu d’eux-mêmes, ils sont trop jeunes encore ; parfois cependant ils rencontrent des mots heureux et tournent leurs jugements d’une façon agréable.

1778. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Ces saints que Michel-Ange dresse et tord dans le ciel au Jugement dernier sont une assemblée d’athlètes capables de bien combattre et de beaucoup oser. […] Y en a-t-il un qui ait pensé avec angoisse et larmes au jugement de Dieu, qui ait excédé et dompté sa chair, qui se soit rempli le cœur des tristesses et des douceurs évangéliques ? […] Parades, combats, blessures, défis, amour, appel au jugement de Dieu, pénitences, on trouve tout cela dans la vie de Surrey comme dans un roman de chevalerie. […] Figurez-vous en même temps quelle prise cette forme d’esprit a sur les choses, combien de faits elle concentre en chaque conception, quel amas de jugements personnels, d’autorités étrangères, de suppositions, de divinations, d’imaginations elle déverse sur chaque objet, avec quelle fécondité hasardeuse et créatrice elle enfante les vérités et les conjectures.

1779. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Il s’agit ici par suite d’impressions individuelles et non de jugements. […] Une crise, l’étymologie nous l’apprend, est un jugement. « La maladie va être jugée », dirait Bianchon au chevet d’un malade. […] Notamment, Nicolas Pisano et son fils Giovanni — mais leur facture sévère et tragique ainsi le Jugement dernier et la chaire du baptistère, ainsi le frénétique Massacre des Innocents de celle de la cathédrale — décèlent l’angoisse de cette époque de transition où le citoyen saigne dans l’artiste, au lieu qu’au quinzième siècle Florence envoie à sa rivale domptée, ses créateurs de beauté sereine : son Andrea del Sarto, qui a laissé au Dôme ses deux admirables figures aux yeux brûlants et voilés, une Sainte Agnès et une Sainte Marguerite, son Ghirlandajo, dont le Saint Sébastien et le Saint Roch se voient aujourd’hui dans le couvent de San Francesco transformé en musée civique, Benozzo Gozzoli, en fin, le prestigieux décorateur du mur du nord du Campo Santo. […] A dirigé les opérations de ses armées avec une sûreté de jugement et une décision incomparables.

1780. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

— Elle demande que nous mettions Cyrille en jugement. — Cyrille et les autres, Stawrowski, Lapkowitch, Kostka… — Jugement pour toute la bande, pour ces coquins, ces voleurs de chevaux ! […] — Si vous ne voulez pas fuir, repris-je, livrez-vous à la commune, soumettez-vous à son jugement, payez les dommages, jurez de devenir d’honnêtes gens, travaillez. […] Je ne suis pas satisfaite du jugement ; il m’en faut un autre.

1781. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Gustave Larroumet : Nouvelles études de littérature et d’art, s’il contient de précieux renseignements sur les lettres, des jugements sains et sainement exprimés sur l’art avant Louis XIV, Lamartine, Weiss, Taine, Jules Lemaître, etc., renferme aussi des renseignements très piquants sur la vie privée des artistes dont il a analysé l’œuvre, témoin ces deux pages que j’emprunte à sa belle étude sur un grand et consciencieux artiste de notre temps, M.  […] Il s’en faut que les jugements des deux frères ressemblent à ceux des guides ou aux relations de voyageurs qui tombent en arrêt d’admiration devant les chefs-d’œuvre acceptés et convenus ; c’est ainsi que je trouve cette courte description de Florence : « Ville toute anglaise, où les palais sont presque du triste noir de la ville de Londres, et où tout semble sourire aux Anglais, et en première ligne le Moniteur Toscan, qui ne s’occupe que des choses de la Grande-Bretagne. […] » À propos de l’étrange interdiction du Thermidor de Victorien Sardou, l’auteur refuse au gouvernement le pouvoir d’anticiper sur le jugement que le publié a le droit de porter sur des pièces surtout quand elles sont représentées sur des théâtres subventionnés, par conséquent payés aussi bien par l’argent des réactionnaires que des républicains. […] » Je passe les faits de l’arrestation, du jugement, de l’exécution, tout en enregistrant cette réponse de Napoléon au cri de Joséphine éperdue : « ?

1782. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Ils le diront et, par là, feront preuve de peu de jugement. […] Nous sommes étonné qu’une pareille accusation parte de ce critique au goût sûr, au jugement sain, qui s’appelle Édouard Thierry. […] On accorde généralement de l’imagination aux gens de lettres, mais, généralement aussi, on leur refuse du « jugement ». […] l’écrivain qui, par fonction, fixe incessamment les rapports du mot à l’idée, du matériel à l’immatériel, ne serait pas homme de jugement ! […] Duruy, persuadé que les pommiers portent des abricots et qu’il faut demander un travail tout de jugement, de goût et de réflexion à qui fait profession de s’en passer, a chargé M. 

1783. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Voilà bien le jugement d’une femme, mais d’une femme délicate, éprise des beaux sentiments, non d’une Ninon.

1784. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Nous laissons subsister cette page qui fut exacte, nous la maintenons, bien que nos sentiments et nos jugements à l’égard de M. 

1785. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Decaisne était las de mesurer l’infranchissable distance qui sépare la main de l’artiste de la réalisation de sa pensée ; il était dégoûté d’un monde qui a pour les artistes des engouements ou des aversions, et point de jugement juste et impartial.

1786. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Dieu le sait, il n’est pas encore dans l’été de sa vie ; mais, si mon jugement ne me trompe pas, il fera ce que nous appelons de notre temps un poète intime, c’est-à-dire un de ces poètes rassasiés de la pompeuse déclamation rimée dont nos oreilles sont obsédées dans nos écoles classiques ou dans nos théâtres redondants et ronflants d’emphase ; il sera un de ces poètes nés d’eux-mêmes, originaux parce qu’ils sont individuels ; un de ces poètes qui n’ont pour lyres (comme on dit) que les cordes émues de leur propre cœur, et qui font, dans la poésie moderne, cette révolution que J.

1787. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Enfin demandez à ces publicistes de Paris qui semblent emboucher chaque matin les trompettes du jugement dernier, dans un Josaphat européen, pour dire à toutes les nationalités de se lever et de se reconnaître dans cette vallée des morts, pour protester contre leur annexion à des races étrangères, demandez-leur s’ils trouveraient bon que Bretons, Normands, Francs-Comtois, Alsaciens, Flamands, Basques, Aquitains, se prévalussent de ce droit de nationalité originel pour revendiquer leur indépendance et pour décomposer la patrie désormais commune.

1788. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Je ne nie pas mon incompétence pour un jugement ; je ne prends pas ma taille pour mesure du génie dramatique ; je ne dis pas : « Ce qui est plus haut que moi n’existe pas. » VI Quoi qu’il en soit, c’est l’âge qui fait les idées, c’est la jeunesse qui fait les amitiés.

1789. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Ce qui reste d’une fusée d’artifice après qu’on l’a tirée. » On ne peut mieux terminer qu’avec le jugement, modèle en l’espèce porté sur Tristan d’un philosophe esthéticien, M. 

1790. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Nous analysons simplement chaque partition, comme s’il s’agissait d’un ouvrage nouveau ; nous notons nos impressions ; puis, nous formulons notre jugement, en critiques impartiaux, épris de la vérité, et non en théoriciens, soucieux de faire prévaloir un système.

1791. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Cela dit, et sans rétracter les premiers éloges, on ne revoit pas une pièce, à vingt années de distance, sans que le jugement qu’on a porté sur elle en soit modifié.

1792. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Rien de plus puéril que sa conception du jugement dernier, exposée à la fin des premières Légendes.

1793. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Aux lecteurs qui seraient tentés de trouver ce jugement un peu sévère, je ne ferai pas cette mauvaise plaisanterie de leur demander s’ils connaissent la philosophie de Duns Scot, — dont Renan, dans L’Histoire littéraire de la France, t. 

1794. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Les deux comiques latins que nos modernes ont imités, ont inséré plusieurs monologues dans presque toutes les comédies que nous en avons ; mais comme il y en a quelques-uns qui sont faits à propos, et d’autres contre toute raison, je n’en veux pas faire ici le jugement en détail.

1795. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Mais quel rapport ont ces fous avec notre nom, avec le jugement qu’on porte de nous ?

1796. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Pour mon humble part, il m’est impossible de souscrire à un jugement pareil ou de m’y associer.

1797. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Selon Tite-Live, Tullus ne voulut point juger lui-même Horace, parce qu’il craignait de prendre sur lui l’odieux d’un tel jugement ; explication tout à fait ridicule.

1798. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

À tout le moins, il y a des groupes de renseignements positifs qui, en matière politique, servent à préciser la discussion, à diriger le jugement, à limiter le champ du rêve, de l’extravagance et de l’erreur. […] Républicains, absolutistes, partisans de la monarchie modérée, socialistes, quelles que soient nos préférences, nous en avons besoin, ne, fût-ce que pour avoir confiance en notre jugement et ne pas mépriser notre choix. […] Il n’y a pas dans l’histoire littéraire un autre exemple aussi instructif, une collection de matériaux si riche et qui remonte si loin, un cas aussi précieux pour nous renseigner sur l’hérédité psychologique. — Ajoutez que sur George Sand elle-même les renseignements abondent ; dans ses Mémoires, bien plus sincères que ceux de Chateaubriand, nous suivons d’année en année toute son enfance, toute son éducation, tous les éléments et accroissements de son caractère et de son talent, l’origine et la filiation de ses idées, la formation de ses premiers jugements sur les grands sujets, sur la religion, sur la société, sur le beau, sur la philosophie. […] Son talent, encore un peu flottant, se fixa ; son jugement se mûrit ; son style, déjà sérieux et réfléchi, atteignit, par l’observation soutenue des plus exactes bienséances, la gravité, la dignité, l’ampleur, et, du biographe vif et libre, on vit se dégager le critique, le moraliste, l’historien que nous connaissons. […] Mais, sur les Assemblées, les partis et les foules, ses jugements sont aussi exacts que pénétrants ; là-dessus, en refaisant son travail, je ne l’ai jamais trouvé en défaut ; les documents de toutes mains, authentiques et multipliés, autorisent ses descriptions les plus sombres et ses sévérités les plus âpres.

1799. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Singulière diversité des jugements humains ! […] Songez, en effet, qu’il était dans les meilleures conditions pour ’ porter sur toutes choses des jugements ingénus et non appris. […] Lorsque les journalistes « comprennent leur mission du côté honorable » (sic), c’est-à-dire lorsqu’ils admirent Edmond Kean, il voit en eux « la gloire de la presse », et « les anges du jugement de la nation », ce qui est beaucoup dire. […] Le jugement sur la Révolution qui se dégage du drame de M. Sardou, c’est, en somme, celui de Quinet et presque de Michelet ; c’est le jugement de la moyenne du peuple français ; c’est celui qui est formulé dans les manuels d’histoire de nos lycées nationaux ; il consiste à exalter 89 et même 92, et à répudier la folie sanglante de 93.

1800. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Ces détracteurs acharnés se sont rangés absolument sur la même ligne, & rien ne les distingue plus que leur nom ; car ils ont une dose égale de fureur de pédanterie & d’animosité ; ce n’est plus un jugement que le Public lui-même va chercher dans ces feuilles ; c’est le modèle d’une Diatribe plus ou moins sanglante, plus ou moins ingénieuse. […] Qu’il environne à despotisme aveugle & violent de tous les reproches, de tous les cris, de tous les gémissemens ; qu’il rende l’accent aigu & plaintif de l’opprimé ; qu’il fasse gronder sur la tête de l’oppresseur le bruit lointain & formidable du tonnerre de la postérité, & qu’il sache, malgré l’audace qu’ont affecté quelques malheureux politiques, qu’il est peu d’hommes publics qui ne craignent le jugement public. […] Une autre fois, j’acheverai ma confession ; j’ôserai dire ce que je pense au milieu de tant de Gens de Lettres, qui taisent leur façon de penser & qui dissimulent leur jugement.

1801. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Il faut remarquer que la fiction, quand elle a de l’efficace, est comme une hallucination naissante : elle peut contrecarrer le jugement et le raisonnement, qui sont les facultés proprement intellectuelles. […] Une des personnes qui me communiquèrent leurs impressions s’était crue à la fin du monde, an commencement du jugement dernier. […] Songeons au jugement qu’il porterait de son côté sur nous, sur nos facultés d’observation et de raisonnement, sur notre bon sens, s’il savait que le plus grand de nos moralistes a dit : « L’homme est un roseau pensant ! 

1802. (1904) Zangwill pp. 7-90

Il n’en raisonne point, il n’arrive point à des jugements nets ; mais toutes ces émotions sourdes, semblables aux bruissements innombrables et imperceptibles de la campagne, s’assemblent pour faire ce ton habituel de l’âme que nous appelons le caractère. […] Et cette singulière et inquiétante affirmation, ce jugement implacable, hautain, désabusé : le propre de ces études est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir .

1803. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

. — Vogue de Du Bartas en pays protestant ; — un jugement de Goethe [Œuvres complètes, Cotta, 1868, Stuttgart, t.  […] — Le style de Montaigne est une « création perpétuelle » ; — il n’y a pas plus de métaphores, ni de plus naturelles, ni de plus nouvelles, dans Shakespeare même ; — et, à ce propos, de la métaphore comme principe et moyen de la « fructification des langues ». — Universalité du vocabulaire de Montaigne. — Le jugement de Sainte-Beuve sur le style de Montaigne [Cf. 

1804. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Les jugements de Stendhal sur les mœurs de son temps, à travers bien des contradictions dont nous ne relèverons que celles qui donnent une lumière nouvelle à connaître son tour d’esprit, dérivent presque tous des principes précédents, en même temps que de son humeur chagrine et contredisante. […] Il y a infiniment de jugements littéraires de ce genre répandus dans les œuvres de Stendhal. […] J’ai bien travaillé, je me suis sacrifié ; j’ai travaillé tant que j’ai pu, et tout cela pour recueillir ce triste jugement : « bon garçon « au fond, mais fou d’orgueil et dangereux, gibier de « Cayenne. » — Est-ce pas touchant ; et cette surprise de ce que la société compte pour rien la probité, la loyauté et l’intransigeance morale et de ce que la vertu ne soit pas un élément de succès, ne trahit-elle pas une âme restée d’une ingénuité charmante ? […] Le fond de la Révolution française, et c’est pour cela que si les hommes en sont petits, l’idée en est immense et immortelle (Renan a plusieurs fois émis le même jugement), le fond de la Révolution française, c’est l’idée de justice. […] Très passionné, peu doué par la nature pour séduire, le sachant et en souffrant, horriblement jaloux, ses prétentions, ses déceptions et ses rancunes ont eu leur influence sur ses jugements et sa critique, et c’est pour cela que je suis forcé d’en parler.

1805. (1900) Molière pp. -283

Et comment faire pour que de ce rigoureux jugement il ne retombe pas une bonne part sur la célèbre ingénue de L’École des femmes, sur celle Agnès, dont l’ingénuité cache des abîmes de machiavélisme inconscient et d’autant plus effrayant ? […] On croit généralement que les seuls écrivains qui aient élevé quelques objections soit morales, soit littéraires contre Molière, c’est Bossuet, c’est Boileau ; Bossuet, par esprit religieux ; Boileau, dans des vers restés célèbres sur « Scapin et le sac où il s’enveloppe », vers qui ne constituent un jugement exact ni dans la forme ni dans le fond. […] N’a-t-il pas imprimé un jugement très sévère sur Molière, dans l’un de ses deux écrits critiques, la Lettre sur les occupations de l’Académie (1714) ? […] Savez-vous comment La Harpe, dont le jugement est très sain en général, traite Le Malade imaginaire ?

1806. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Il semble qu’il y ait plus de facilité pour le coup d’œil, plus de sûreté pour le jugement, dans ces premières éditions originales, dans ces sortes de gravures avant la lettre.

1807. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

L’animal contient tous les matériaux de l’homme, sensations, jugements, images, et, de ces matériaux assemblés par une loi nouvelle, naît la raison, comme des corps minéraux liés par une loi nouvelle naît la vie.

1808. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Sans doute, cette reconstruction est toujours incomplète ; elle ne peut donner lieu qu’à des jugements incomplets ; mais il faut s’y résigner ; mieux vaut une connaissance mutilée qu’une connaissance nulle ou fausse, et il n’y a d’autre moyen pour connaître à peu près les actions d’autrefois, que de voir à peu près les hommes d’autrefois.

1809. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

« Je suis toujours très fâché de mourir sans vous avoir vu. » XIX Ce jugement du meilleur juge en imagination et en légèreté de main dans les rythmes atteste assez la prodigieuse difficulté que le Tasse abordait en s’exposant lui-même à la comparaison avec l’Arioste, son maître.

1810. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Alors sa conversation devenait ouverte et pétillante d’esprit ; néanmoins ses jugements étaient pleins de réserve et il était toujours maître de sa parole.

1811. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Croyez après cela à la véracité des jugements de parti !

1812. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

M. de Serre et le général Foy689 valent mieux : M. de Serre, avec ses précisions subtiles et pressantes, ses audacieux raisonnements de légiste, son froid jugement d’homme de gouvernement, savait user à l’occasion des effets sentimentaux, et produire cette éloquence ronflante ou grondante que trop souvent les magistrats sont enclins à prendre pour le sublime.

1813. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

C’est la poésie du crépuscule exprimée dans le songe encore, avant la réflexion, avant que les images et les sentiments que le crépuscule éveille n’aient été ordonnés et liés par le jugement.

1814. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Il la doit surtout à son sûr jugement et à ce goût de l’ordonnance qui évoque en sa technique même la stabilité des attitudes qu’elle érige.

1815. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

L’origine des jugements sévères que nous en portons est dans la ridicule manière dont la mythologie nous est présentée.

1816. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

C’est à cette dernière pensée que je m’arrête, vous priant instamment de ne pas différer davantage à me donner de vos nouvelles et à me faire part de votre jugement dont je ferai toujours un grand cas, malgré votre modestie90.

1817. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Les sombres allégories du Palais hanté, du Ver conquérant, de la Cité en la Mer voilent les images de la Folie, de la Mort, du Jugement dernier, sous la noire dentelle de leur style.

1818. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Quatorze trilogies : les Prométhées, dont faisait partie Prométhée enchaîné ; les Sept Chefs devant Thèbes, dont il nous reste une pièce ; la Danaïde, qui comprenait les Suppliantes, écrites en Sicile et ayant trace du « sicélisme » d’Eschyle ; Laïus, qui comprenait Œdipe ; Athamas, qui se terminait par les Isthmiastes ; Persée, dont le nœud était les Phorcydes ; Etna, qui avait pour prologue les Femmes Etnéennes ; Iphigénie, qui se dénouait par la tragédie des Prêtresses ; l’Éthiopide, dont les titres ne se retrouvent nulle part ; Penthée, où étaient les Hydrophores ; Teucer, qui s’ouvrait par le Jugement des armes ; Niobé, qui commençait par les Nourrices et s’achevait par les Gens du cortège ; une trilogie en l’honneur d’Achille, l’Iliade tragique, composée des Myrmidons, des Néréides et des Phrygiens ; une en l’honneur de Bacchus, la Lycurgie, composée des Édons, des Bassarides et des Jeunes hommes.

1819. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Mais regardez d’un peu près les œuvres de ces habiles peintres, appliquez-leur la méthode de jugement qui résulte de l’étude des maîtres, et vous découvrirez qu’ils n’ont ni unité, ni science, ni sincérité, ni idéal, ni bonne foi, ni art de composition, rien, en un mot, de ce qui constitue, non pas le grand peintre, mais le peintre.

1820. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Montrez-moi une idée morale, un jugement, une opinion, — même politique !

1821. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Cela dit, pour l’honneur de la vérité et pour l’apaisement d’une conscience dont Balzac sentit noblement les murmures, je n’aurai plus qu’à exprimer en peu de mots le jugement du critique littéraire sur un livre inouï, de première originalité dans l’imitation, et qui enlève désormais le sens à ce mot d’inimitable que l’on voit prodigué dans les traités de littérature.

1822. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Or, pour développer la matière propre à la haute poésie qui la met en œuvre, nous avons sondé, comparé le goût universel des temps et des nations ; indispensable tableau de ce qui leur sembla digne d’être célébré, tableau d’où rejaillirent les clartés qui devaient nous diriger en nos jugements ; et pour reconnaître par quelles facultés le poète sait démêler et choisir cette même matière, que son art embellit avec tant d’efforts et de persévérance, nous dûmes interroger sa vie, scruter les sentiments intérieurs de son âme, descendre dans le mystère de sa studieuse sagesse, et revenir ainsi, par cet examen de son portrait moral, au principe sur lequel je fondai particulièrement mon cours, qui tend à rapporter aux vertus du cœur de l’homme le caractère analogue de son génie. […] Si nous nous en rapportions au jugement qu’une prévention nationale dictait à Michel Cervantesc sur le poème de l’Araucana, la littérature espagnole opposerait une épopée excellente aux plus belles de la littérature italienne. […] Nos respects pour Voltaire n’adouciront pas ce jugement de notre cœur : nous en déduirons en instructive conséquence de notre analyse du rapport des poètes avec leur temps, et du danger pour nous des contacts extérieurs, que s’il n’eût pas cédé à la manie moderne du dénigrement de l’utile et du beau en toutes choses, et qu’il eût mieux gardé l’antique feu qui brûlait Eschyle et Tyrtée, il ne se fût pas joué d’une martyre de la patrie. […] N’est-ce pas une triste idée que de construire toute son épopée sur le jugement du Sauveur, et que de consacrer plusieurs chants entiers à ses souffrances, aux heures de son agonie sur la croix ? […] Enfin il énonce des faits, et rapporte les discours des personnages dont il trace les caractères et les actions ; mais il les récite plus en témoin qu’en translateur, sur un ton passionné qui les embellit, qui les exagère en y mêlant des merveilles, et non avec la raisonnable impartialité qui les présente au jugement en vérités irrécusables ; ce n’est donc pas celui de l’histoire.

1823. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Avec le christianisme, quel que soit d’ailleurs le jugement que l’on porte sur les destinées ultérieures de la loi nouvelle, l’homme a conquis dans l’histoire l’importance individuelle que les biographies païennes lui refusaient. […] Toutefois, pour compléter ce tableau biographique, et avant d’aborder l’analyse et la discussion des titres, je dois mentionner deux fragments de Maturin, qui servent à dessiner la franchise de son caractère et l’élévation de son jugement. […] Cette épreuve de conscience, ce jugement de soi par soi-même, trompent rarement. […] Que M. de Lamartine se rappelle les jugements littéraires de Napoléon ; et en voyant comment les hommes d’action jugent les hommes d’invention, qu’il accepte comme diverses, sinon comme contradictoires, les destinées de l’imagination et celles de la volonté. […] On avait pris pour du mépris l’expression froide et austère de son jugement, que d’ailleurs on ne voulait pas contredire.

1824. (1902) Propos littéraires. Première série

C’est, sous forme directe, ou sous forme indirecte, une suite de jugements sur tout ce que nous pensons, disons, sentons, faisons, et surtout ne faisons pas. […] Est-il amical, ce jugement ? […] Jules Legras rapproche, à plusieurs reprises, Henri Heine, tout en maintenant, bien entendu, les distances ; et, par parenthèse, les jugements cursifs que M.  […] Legras accuse d’être à base d’ignorance tous les jugements qui ne sont pas les siens, je ne l’accuserai nullement de ne pas connaître Musset ; mais je dirai que tous ceux qui prononcent ce mot de rhéteur en parlant de Musset me paraissent ne se rappeler de Musset strictement que Rolla et le commencement, abominable, je le reconnais, de La Confession d’un enfant du siècle. […] C’est ce qui fait douter et hésitez si souvent les jugements humains.

1825. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Mais, pourtant, son jugement porté sur quelques poètes, qu’il ne précise pas en nom et en nombre, n’est pas très différent de celui de M.  […] Cette double voie de protestation n’est guère possible contre des jugements contemporains, éphémères, qui sont amendés souvent par une évolution intellectuelle des juges ou infirmés par de nouvelles œuvres de ces mêmes auteurs, pour lesquels on avait tenté, un peu prématurément, un essai de classement. […] * *   * Quelque jugement qu’on porte sur la valeur, la beauté, l’opportunité du mouvement symboliste, il est certain que ce furent les écrivains englobés sous ce nom qui produisirent (vers 1885 et 86) le premier mouvement qui se dessina avec carrure depuis l’avènement, antérieur à eux d’une quinzaine d’années, du naturalisme.

1826. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Procès, rapports, beaux jugements en langue grave et claire, quelques discours d’apparat, immenses lectures, il eût volontiers passé toute sa vie dans ces occupations sévères et nobles. […] — Il n’y a rien de plus répugnant à l’intelligence, au jugement, au cœur, que toutes ces idées, que cette dernière surtout, qui les résume toutes. […] Elles ont mis Mme de Staël sur la voie de quelques vérités, et aussi de quelques jugements qui étonnent. […] On craint toujours que tel jugement ne soit porté que pour satisfaire le système. […] Elle corrige beaucoup des jugements littéraires de son livre de 1800.

1827. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Nous n’avons plus de principes et il n’y a plus de modèles ; un écrivain crée son esthétique en créant son œuvre : nous en sommes réduits à faire appel à la sensation bien plus qu’au jugement. […] L’initié, juge de soi-même, l’est aussi de ses compagnons, et ses jugements, qui n’ont pas à tenir compte de l’opinion publique, ont, par cela même, quelque chance de durée et une autorité qui, pour n’être pas bruyante, n’en est que plus profonde. […] En critique, Aurier était encore d’avis que l’on doit examiner l’œuvre en soi et qu’il est ridicule de faire intervenir dans son jugement des motifs aussi vagues et aussi trompeurs que l’hérédité et le milieu.

1828. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Tel est du moins le jugement qu’une femme a porté d’elles [Cf.  […] En ce qu’elle a de philosophique, d’abord, — elle substitue dans le jugement des hommes et des choses l’autorité d’un critérium abstrait au sentiment de la diversité des époques ; — elle ramène donc toutes les histoires sur le même plan ; — et par conséquent elle les déforme ou elle les fausse. — Elle ne les fausse pas moins en tant que littéraire ; — si l’importance des événements historiques n’a rien de commun avec l’agrément de la forme dont on peut les revêtir ; — si cette importance, en tout cas, n’a pas pour mesure leur intérêt actuel ; — et si rien d’autre part n’est plus propre à brouiller la signification des temps que le souci de les représenter d’une manière qui plaise à nos contemporains. — Elle a enfin des inconvénients en tant que narrative ; — si le choix des faits à mettre en lumière ne saurait dépendre du caprice de l’historien ; — s’il y a des « matières qui demandent de l’attention » et qu’on ne « puisse pas faire que l’attention ne soit une chose pénible » ; — et s’il n’y a pas enfin en histoire de faits inutiles ou encombrants, — mais seulement des faits dont on n’a pas aperçu la signification. […] 2º La Doctrine. — Qu’on ne fait point habituellement de place aux « Économistes » dans l’histoire de la littérature française ; — et qu’il y a lieu de réparer cet oubli ; — s’ils n’écrivent pas après tout plus mal que la plupart des encyclopédistes ; — si le meilleur jugement qu’on ait porté sur le livre d’Helvétius est celui de Turgot [Cf. la Correspondance inédite de Turgot et de Condorcet, publiée par M. 

1829. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Le tableau qui m’a le plus frappé, c’est le jugement de Salomon en costume moyen âge, — il y a plusieurs autres naïvetés pareilles. […] Ce n’est pas que l’on soit idéal, extra-fin et nobilissime… C’est-à-dire je ne sais au juste… je ne me fie pas à mon jugement ; lorsqu’on est idéal je crois que je prends de la fadaise pour de la distinction, et quand on me semble énergique et extraordinaire, je crains que ce ne soit de la rusticité, du commun, du bourgeois. […] Je suis sûre maintenant qu’une des raisons pour lesquelles je faisais peu de progrès, c’est que je me préoccupais trop de ces délicieuses voix de femmes dont les jugements paralysaient mes efforts ; en vérité, quand j’étais en train de peindre, j’avais toujours dans l’idée qu’elles déprisaient mon œuvre.

1830. (1888) Études sur le XIXe siècle

Mais, s’il plaît à Dieu, nous publierons les lettres de mon père à Giacomo, et alors la vérité se fera jour, et on reconnaîtra mon pauvre père pour l’homme sincèrement attaché à ses enfants qu’il fut. » Mais cet homme de bon sens et de grande conscience était en même temps un gentilhomme de province et un érudit de petite ville : dès l’âge de dix-huit ans, il s’habillait de noir des pieds à la tête, ce qui, selon son propre jugement, lui évitait « beaucoup de dépenses » et lui valait « le respect du peuple ». […] Ce sont là quelques-uns des jugements de Holman Hunt sur ceux auxquels il aurait pu demander de lui servir de maîtres. […] Il faut remarquer encore que c’est à l’instigation des littérateurs que les préraphaélites ont levé leur étendard, tandis que nos réalistes sont des artistes qui se révoltent contre les jugements des gens de lettres. […] Les cohortes célestes s’entremêlent, les millions de victimes de la guerre et du fanatisme se précipitent dans l’infini en demandant justice, l’ange est à son tribunal, c’est l’appareil complet du jugement dernier.

1831. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Son jugement final sur Keats, qui « serait l’esprit le plus shakespearien qui ait paru depuis Shakespeare », n’est pas très heureux et nous sommes surpris de l’entendre insinuer, sur la foi d’une anecdote assez suspecte de Severn, que Sir Walter Scott avait sa part dans l’article du Blackwood. […] Le Professeur Veitch écrit sur presque tous ces poètes des pages d’un jugement fin, d’un sentiment délicat, et même son admiration pour Burns n’a rien d’agressif. […] En général, son jugement et son goût sont excellents, et dans son ensemble, son livre est une contribution des plus attrayantes, des plus agréables, à l’histoire de la littérature. […] De plus, quelque prix qu’on attache à la modernité de l’expression, et avec raison sans doute, il faut encore en user avec tact et jugement.

1832. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Que mon excellent et ancien ami et collègue d’autrefois durant mon court passage dans l’Université, que M. le ministre de l’instruction publique, si zélé pour le bien, si occupé en ce moment même, avec des ressources restreintes, de doter la science des instruments qui lui sont indispensables, que ce parfait et honnête représentant en haut lieu de la classe moyenne éclairée, me permette de le lui dire : Il a lui-même beaucoup pris sur lui en déclarant que la thèse « contient la négation du principe même de la morale et de l’autorité des lois pénales. » Telle n’est point, à mon sens, la conclusion obligée de cette thèse, quelque jugement qu’on en porte.

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