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863. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

L’Impératrice tient absolument à son idée. […] Il n’y a ni livre, ni quoi que ce soit au monde, qui ait pu me tenir lieu et place de la femme… Comment exprimer cela ? […]Tenez, j’ai eu, tout jeune homme, une maîtresse, une meunière des environs de Saint-Pétersbourg, que je voyais dans mes chasses. […] En la conduisant, il lui dit : « Tenez-vous à danser, si nous causions ? […] Il organise dans la République des lettres, une espèce de démocratie, où les premiers rôles seront exclusivement tenus par des reporters ou des cuisiniers de journaux : les seuls littérateurs que connaîtra la France, dans cinquante ans.

864. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Vous pouvez tenir pour certaines la médiocrité d’un artiste qui trouve bonne son œuvre telle qu’elle est, l’insuffisance d’une vertu qui ne se souhaite pas plus parfaite : augurez de même d’un siècle ou d’un peuple qui n’aspire pas à sortir de soi pour s’élever plus haut. […] elles ne savent plus tenir l’épée, — comme si de nos jours la guerre n’était pas principalement affaire de science et d’argent ! […] Au fond, Aristote tient pour l’immutabilité des espèces, ou tout au moins de certains types essentiels qui marquent à ses yeux comme les échelons de la vie dans la nature. […] Sa théorie de l’âme n’est qu’une généralisation de l’expérience ; elle se tient à une distance égale du matérialisme et du spiritualisme. […] Aristote tient légitimement compte de ce qu’on pourrait appeler le moral des bêtes, et l’auteur distingué des Prolégomènes à la psychogénie moderne, M. 

865. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

 » Toute la genèse du fascisme tient dans ces quelques lignes. […] Taine s’en tient presque uniquement au point de vue pragmatique, c’est-à-dire utilitaire. […] L’autorité centrale ne pouvait pas tenir contre une critique incessante et multipliée sur tous les points. […] Chaque compagnon est tenu de prendre part à l’union de prières pour l’Église et pour la France. […] Enfin, Florence aurait le droit de bâtir une forteresse à Camporegio où elle tiendrait garnison.

866. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Ne m’étais-je pas cru sûr, un instant, de tenir enfin ce coup de tam-tam ? […] Je vous conseille de vous tenir hors de son chemin. […] comme nous jouerions mieux, si nous ne tenions pas tant à être applaudis !  […] Pourquoi Brisson tenait-il tant à terminer son livre avant d’être pendu ? […] Chaque année voit poindre tant de réputations qu’il n’est plus possible de tenir la carte de toute cette poussière d’étoiles.

867. (1888) Poètes et romanciers

Mais qui donc tient la chaîne ? […] En est-ce moins un joug, et qui le tient dans sa main ? […] Tant qu’on le peut, il faut s’y tenir. […] Il tient à sa réputation ; il y tient assurément beaucoup, mais il ne peut supporter l’idée d’y être asservi. […] En revanche, elle est sincère et il s’y tient invariablement fidèle.

868. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Si vous y changez un détail quelconque, rien ne s’y tient plus d’ensemble. […] L’animal ne tient pas la pose. […] Il se croit toujours tenu de rester à son niveau. […] Tout cela se tient admirablement. […] On n’a pas le droit de s’y tenir.

869. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Au lieu d’en prendre une et de s’y tenir, il a fait défiler la galerie entière des fantômes de sa rêverie. […] Voici la sale posada où l’académie des thons tient ses séances. […] Il a pour lui la plus haute ambition, et il tient pour lui école de manières nobles et polies. […] Son amitié pour Schiller tient presque de la grandeur d’âme. […] Pendant longtemps, nobles et lettrés tinrent à honneur d’être affiliés à la secte.

870. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

On ne peut tenir une plume avec honneur dans notre pays qu’en faisant de la vérité l’objet de ses recherches, qu’en doutant pour mieux assurer ses croyances, qu’en ne communiquant aux autres que ce qu’on tient soi-même pour évident. […] Il vécut comme suspendu dans le vide, n’ayant plus les goûts qui, sans jamais le contenter, l’avaient du moins tenu occupé de recherches ou distrait par la réputation, et n’ayant pas encore cette curiosité des choses de la foi qu’il devait garder jusqu’à la mort. C’est même la peur de la perdre, et de ne retrouver ni la curiosité des choses de la science, ni le goût du monde, c’est l’horreur de ce vide qui fut la passion d’une partie de sa vie ; voilà le précipice qu’il avait sous les yeux, et au bord duquel il se tint comme accroché avec ses mains sanglantes, quelquefois affaibli, jamais épuisé. […] Dans les Provinciales, Pascal n’a fait que tenir la plume pour Port-Royal ; dans les pensées qui regardent la foi, c’est pour son compte, c’est sur ce qui l’intéresse personnellement que Pascal écrit. […] Mais ce que l’imagination du poète pouvait concevoir de plus grand, Pascal seul l’a surpassé par cette lutte sublime de la nature immatérielle qui, dans le temps de son union intime avec le corps, veut néanmoins s’en tenir séparée, et, dans la cohabitation même, se défend du contact.

871. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Il nous reste à parler des documents qui, se présentant comme des biographies du fondateur du christianisme, doivent naturellement tenir la première place dans une vie de Jésus. […] À chaque page se trahit l’intention de fortifier son autorité, de montrer qu’il a été le préféré de Jésus 40, que dans toutes les circonstances solennelles (à la Cène, au Calvaire, au tombeau) il a tenu la première place. […] Ceux-ci ne s’envisageaient que comme de simples scribes et ne tenaient qu’à une seule chose : ne rien omettre de ce qu’ils savaient 78. […] Sprenger d’avoir, en écrivant la vie de Mahomet, tenu grand compte des hadith ou traditions orales sur le prophète, et d’avoir souvent prêté textuellement à son héros des paroles qui ne sont connues que par cette source. […] Dans les histoires du genre de celle-ci, le grand signe qu’on tient le vrai est d’avoir réussi à combiner les textes d’une façon qui constitue un récit logique, vraisemblable, où rien ne détonne.

872. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Le personnage de Tartuffe appartiendrait au drame par ses actions : c’est quand nous tenons plutôt compte de ses gestes que nous le trouvons comique. […] Mais nous tenons à le répéter, parce que nous estimons que cette formule suffit à définir la comédie. […] Mais il est universellement accepté, universellement tenu pour vivant. […] Les raisonnements dont nous rions sont ceux que nous savons faux, mais que nous pourrions tenir pour vrais si nous les entendions en rêve. […] Elle tient à ce que Mark Twain déclare être un de ces jumeaux, tout en s’exprimant comme s’il était un tiers qui raconterait leur histoire.

873. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

quand ils virent la riche et belle flotte, qui avait si peu perdu pour attendre, surgir à toutes voiles et passer bientôt tout près d’eux, « ils en eurent si grande honte, dit Villehardouin, qu’ils n’osèrent se montrer » ; et le comte de Flandre ayant envoyé une barque pour les reconnaître, un des soldats non chevaliers, qui était parmi les transfuges, se laissa couler dedans, et cria de là à ceux qu’il abandonnait : « Je vous tiens quittes de tout ce que je laisse à bord, mais je m’en veux aller avec ceux-là qui m’ont tout l’air de devoir conquérir du pays. » Ce soldat, qui s’échappait d’avec les fugitifs pour s’en revenir avec les conquérants, fut reçu à merveille, on le peut croire ; on l’accueillit comme l’enfant prodigue87, et cet épisode anima la traversée. […] Incapables de tenir les engagements contractés, ils y manquent sans franchise et engagent la guerre avec fourberie. […] Parlant de ces habitudes asiatiques et lâchement cruelles par lesquelles ces empereurs grecs rivaux se réconciliaient en apparence, faisaient mine de s’embrasser, s’invitaient à des festins, et se crevaient les yeux à l’improviste, Villehardouin nous dit : « Jugez maintenant s’ils étaient dignes de tenir la souveraineté et l’empire, des hommes qui exerçaient de telles cruautés les uns envers les autres ; qui se trahissaient les uns les autres si déloyalement. » S’il y a quelque moralité naturelle dans cette croisade des Français d’alors et dans leur victoire sur Byzance, elle est tout entière dans cette réflexion, qui était aussi celle de Baudouin et de son frère, de ces nouveaux empereurs, vrais chrétiens et honnêtes gens. […] Il a des larmes de pitié sous sa visière, mais il n’en abuse pas ; il sait s’agenouiller à deux genoux, et se relever aussitôt sans faiblesse ; il a l’équité et le bon sens qu’on peut demander aux situations où il se trouve ; jusqu’à la fin sur la brèche, il porte intrépidement l’épée, il tient simplement la plume : c’est assez pour offrir à jamais, dans la série des historiens hommes d’action où il s’est placé, un des types les plus honorables et les plus complets de son temps.

874. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Aussi, tant qu’il fut à l’étranger et qu’il ne fit la guerre qu’aux ennemis de la France, il résulta de sa méthode et de son humeur autant et plus de bons effets que de mauvais ; les vaincus mêmes préféraient en lui un chef et gouverneur sévère, mais obéi des siens, et qui les maintenait dans la discipline ; les villes prises l’envoyaient demander au général pour y tenir garnison et les protéger : « Car, en Piémont, dit-il quelque part, j’avais acquis une réputation d’être bon politique pour le soldat et empêcher le désordre. » Tel était Montluc dans son bon temps. […] Mais tout cela ne tint pas, et la baronnie devait s’en aller bientôt en fumée. […] Montluc, toutefois, sachant que le roi tenait fort à cette entreprise, et piqué par l’idée que tous les autres l’estimaient impraticable, résolut de la tenter : il suffisait, en général, qu’on dît devant lui qu’une chose était impossible pour qu’il se dît : « J’en fais mon affaire. » Impossible n’était pas pour lui un mot français, ou du moins un mot gascon. […] Il ne commanda point en chef avec étendue et dans de grandes proportions : mais, je le répète, il paraît avoir excellé dans certaines parties rares, difficiles et hardies de la guerre, et il en donne leçon, il en tient école autant que cela se peut, et une école brillante, dans ses Commentaires. — J’ai hâte d’en venir à sa conduite aux jours où il est plus en vue, avant et pendant la bataille de Cérisoles, et surtout dans sa mémorable défense de Sienne, qui fut pour lui ce que fut à Masséna sa défense de Gênes.

875. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

À la suite de la gageure et pour la tenir, Benjamin Constant est passé du salon dans son cabinet et a pris la plume, qui a couru sur le papier en nuances fines et subtiles. […] Mais se détachant soudain du groupe des joueurs derrière lequel jusqu’alors il s’était tenu debout, mon rival s’avança vers nous d’un air affable, et le plus naturellement du monde, nous demanda de quoi nous parlions. Avec une politesse exquise qui excluait toute forme familière et nous tenait à distance l’un de l’autre comme il l’entendait, mais avec une tranquillité d’accent et une manière courtoise, il se mit immédiatement à conduire le discours, et je ne pus m’empêcher de le suivre. […] C’est une autre question qu’on ne peut s’empêcher de se poser d’abord après avoir lu Fanny, et qui tient surtout à la manière réelle, poignante et saignante, dont toutes choses y sont présentées. — À cette question, les réponses ne sont pas unanimes.

876. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Sachons donc gré à l’auteur des présents mémoires d’avoir rempli son dessein, même au prix de tant de détails qui sont de pure étiquette, de nous avoir tenus au courant de tous les pas et démarches du roi, de la reine, du principal ministre, de livrer ces faits tout secs et nus à notre critique, à nos réflexions : à voir le soin et le scrupule de ponctualité qu’apporte dans les moindres circonstances de son narré le noble chroniqueur, je suis tenté de l’appeler (toute proportion gardée) le Tillemont de la Cour. […] Un masque de contrebande put ainsi s’introduire et se faufiler dans le bal ; mais je laisse conter M. de Luynes, qui tenait le récit du bailli de Froulay, qui disait le tenir du cuisinier lui-même : Il (le cuisinier) était fort bien masqué en don Quichotte ; il était bien fait, avait de l’esprit et parlait espagnol à merveille. […] Parmi les historiettes rétrospectives qui se glissent dans les nouvelles courantes et dans le menu du jour, il en est une des plus piquantes sur Colbert ; mais comme, ici, M. de Luynes ne la tient que de seconde ou de troisième main, il y aurait à vérifier si tout ce récit concorde en effet avec les circonstances auxquelles il se rattache : tel qu’il est, je le livre à l’exacte critique de l’historien de Colbert, M. 

877. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Ainsi, en 1802, à l’ouverture du xixe  siècle, la réunion de Chateaubriand, Fontanes, Joubert… Ce groupe-là, à s’en tenir à la qualité des esprits, n’était pas trop chétif non plus ni à mépriser. […] Chaque ouvrage d’un auteur vu, examiné de la sorte, à son point, après qu’on l’a replacé dans son cadre et entouré de toutes les circonstances qui l’ont vu naître, acquiert tout son sens, — son sens historique, son sens littéraire, — reprend son degré juste d’originalité, de nouveauté ou d’imitation, et l’on ne court pas risque, en le jugeant, d’inventer des beautés à faux et d’admirer à côté, comme cela est inévitable quand on s’en tient à la pure rhétorique. […] Il est des genres modérés auxquels la vieillesse est surtout propre, les mémoires, les souvenirs, la critique, une poésie qui côtoie la prose ; si la vieillesse est sage, elle s’y tiendra. […] Tant qu’on ne s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a pas répondu, ne fut-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces questions sembleraient le plus étrangères à la nature de ses écrits : — Que pensait-il en religion ?

878. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Dumont (de Genève) la tenait de sa bouche, et il l’a racontée dans ses Souvenirs. […] M. de Talleyrand, sommé peu après par le pape de revenir à résipiscence sous peine d’excommunication (et il faut convenir qu’il ne l’avait pas volé) se le tint pour dit, et quitta décidément l’Église pour embrasser la vie séculière. […] Il se tenait à distance et ne s’exposait point. […] » Mais selon une autre version qui m’est affirmée, le général Bertrand racontant une scène terrible dont il avait été témoin, et dans laquelle Napoléon lança à Talleyrand les plus sanglants reproches, ajoutait que les derniers mots de cette explosion furent : « Tenez, monsieur, vous n’êtes que de la m… dans un bas de soie. » Le mot, sous cette dernière forme, sent tout à fait sa vérité.

879. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Mais n’en demandons pas tant pour le quart d’heure, tenons-nous à Mme de Staal-Delaunay et à notre sujet. […] Le commencement des Mémoires est d’une grâce infinie et tient du roman ; c’est ainsi que la vie se dessine d’abord avant le charme cessé , avant l’illusion évanouie. […] Ce ne sont que des riens, mais comme ils sont vrais, comme ils tiennent aux fibres secrètes, à celles de chacun ! […] Elle poussa même l’amitié, dans une violente crise de passion qui le bouleversa, jusqu’à l’assister à titre de médecin-moraliste , je ne trouve pas de terme plus approprié : les lettres qu’elle lui écrit tiennent à la fois du directeur et du médecin.

880. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

On doit d’abord distinguer l’esprit de parti de l’amour propre, qui fait tenir à l’opinion qu’on a soutenue ; il en diffère tellement qu’on peut même quelquefois mettre ces deux penchants en opposition. […] On a dit souvent, dans le cours de la révolution de France, que les Aristocrates et les Jacobins tenaient le même langage, étaient aussi absolus dans leurs opinions, et, selon la diversité des situations, adoptaient un système de conduite également intolérant. […] L’esprit de parti est une sorte de frénésie de l’âme qui ne tient point à la nature de son objet. […] Cette passion étouffe dans les hommes supérieurs les facultés qu’ils tenaient de la nature, et cette carrière de vérité, indéfinie comme l’espace et le temps, dans laquelle l’homme qui pense jouit d’un avenir sans bornes, atteint un but toujours renaissant ; cette carrière se referme à la voix de l’esprit de parti, et tous les désirs, comme toutes les craintes, vouent à la servitude de la foi les têtes formées pour concevoir, découvrir et juger.

881. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

L’état actuel de la critique littéraire française Une opinion qu’on peut tenir pour générale, aujourd’hui, est que nous avons encore des critiques, et même en nombre considérable, — mais que nous n’avons plus une critique française. […] Deux tribunes critiques, c’est tout ce que le journalisme de Paris peut offrir, et encore grâce à l’esprit réactionnaire du Temps et des Débats qui tiennent à protester par leur tenue sévère contre l’américanisme brutal. […] L’organisation de la presse ne permettant même plus à leurs jugements d’avoir une influence sur la vente des livres, on s’accoutume à les négliger ; on ne tient plus guère qu’à l’opinion et au compte rendu d’une dizaine de personnes dans les grandes revues et les grands quotidiens, et l’amitié, les relations personnelles sont des éléments précieux pour les obtenir dans la cohue. […] Si, lors du mouvement symboliste, à peine terminé depuis trois ans après avoir occupé douze années, lors de cette confuse aspiration de la jeunesse française vers une réunion de tous les arts sous l’influence de Wagner et de l’internationalisme, un critique de haut sens moral s’était levé pour arrêter les polémiques inutiles et substituer la logique aux dédains des critiques et aux saillies des nouveaux venus, il aurait précisé l’un des plus curieux mouvements intellectuels du siècle, et peut-être développé deux ou trois conséquences fécondes de cette crise pleine d’intentions et de promesses ; il y avait là un rôle considérable et bienfaisant à remplir, le rôle de Heine dans le second romantisme allemand, après Schlegel et Tieck, le rôle de Baudelaire, de Gautier et de Nerval, en 1840, le rôle de Taine dans les débuts du rationalisme, le rôle de William Morris dans les tentatives de socialisation d’art qui suivirent le préraphaélisme, le rôle professoral de César Franck dans l’école symphonique après Wagner ; ce rôle, personne ne se présenta pour le tenir, et si le symbolisme a avorté, s’est restreint à un dilettantisme de chapelle alors qu’il était parti pour une bien plus grande tentative, c’est à cause des obstinées plaisanteries des critiques superficiels, à cause du manque d’intelligence logique dans l’école, autant et plus qu’à cause des défauts eux-mêmes des symbolistes.

882. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Dans ses meilleurs projets pour le bien du pays, notamment en tout ce qui tenait aux travaux publics, il avait rencontré la Loi comme un obstacle infranchissable. […] Pilate tint d’abord peu de compte de ces susceptibilités ; il se vit ainsi engagé dans des répressions sanglantes 1126, qui plus tard finirent par amener sa destitution 1127. […] 1149 » Le faible Pilate n’y tint pas ; il lut d’avance le rapport que ses ennemis enverraient à Rome, et où on l’accuserait d’avoir soutenu un rival de Tibère. […] Mais, à l’époque où écrivai Tacite, la politique romaine envers les chrétiens était changée ; on les tenait pour coupables de ligue secrète contre l’État.

883. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Elle tenait presque à vous blesser d’abord le cœur, pour se donner ensuite le plaisir et le miracle de vous guérir. […] Henri de Laval se rencontrait souvent chez elle avec le duc de Laval son père ; il tenait bon et ne sortait pas, ce dont le bon duc enrageait, et, comme il avait de l’esprit, il écrivait à Mme Récamier le plus agréablement du monde : « Mon fils lui-même est épris de vous, vous savez si je le suis ; c’est au reste le sort des Montmorency : Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. […] Elle ne tint jamais plus de place dans le monde que quand elle fut dans cet humble asile, à une extrémité de Paris. […] Dans son innocence obstinée, je tiens à le faire sentir, elle avait gardé de l’enfance.

884. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Il ne pensoit pas que ce fût nuire à l’action que de tenir un cahier à la main & d’y lire d’excellentes choses, que d’être au moins rassuré par une personne dont l’emploi seroit de suggérer ce qui ne s’offre plus à la mémoire. […] On retrouve dans ses sermons l’auteur de Lysimaque, de Cyrus, de l’Andrienne, & de beaucoup d’autres ouvrages qui lui font tenir un rang sur le Parnasse. Il eut peut-être donné dans l’esprit sans le propos que lui tint un courtisan : « Mon père, lui dit-il, continuez à prêcher comme vous faites ; nous vous écouterons toujours avec plaisir, tant que vous nous présenterez la raison. […]         Et lon lan la :     Je crains plus ces dieux-là, Que celui qui tient le tonnerre.

885. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

Les hommes sont en général des animaux d’habitude, qui ne changent d’allure que lorsqu’ils sont vexés dans celle qu’ils avaient coutume de tenir. […] En Allemagne, il y a, matin et soir, des heures fixes pour l’instruction publique, où tous les enfants assistent gratuitement ; mais, après ces heures publiques, le maître d’école en tient encore une privée pour les enfants des citoyens plus aisés, qui lui payent pour ces soins particuliers une modique rétribution. […] Le tribunal, qui consulte ainsi la faculté (ou même les facultés de plusieurs universités sur le même procès), n’est pas obligé de suivre leur décision, il reste le maître de prononcer suivant ses principes et ses lumières ; mais dans les villes impériales, par exemple, où le magistrat est intéressé à convaincre ses sujets de la plus grande intégrité et impartialité dans l’administration de la justice, il s’en tient volontiers, et surtout dans les cas criminels, à la décision d’une faculté. […] J’observe qu’il serait bon, dans ces Lese-Schreib und Rechen-Schulen, de pousser l’instruction plus loin qu’elle ne va communément en Allemagne, et d’y faire enseigner, par exemple, à ceux qui se destinent aux professions mécaniques et au commerce, la manière de tenir les livres en parties doubles, la science du change, et tout ce qu’il est bon, dans ces professions, de savoir pour y devenir plus habile en moins de temps.

886. (1927) Des romantiques à nous

Il n’y a pas ici d’interprétation qui tienne. […] La place ne se tient pas cependant sur une défensive féroce. […] Il tenait à la main la Jeanne d’Arc de Joseph Delteil. […] Un jour je découvris la source d’où elle le tenait par intermédiaire. […] Ces génies sont ceux dont l’inspiration tient avant tout à la fraîcheur de la sensation, à la fleur première de la sensualité.

887. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

Ceci tient aux causes mêmes de désorganisation et de ruine qui travaillent la littérature actuelle. […] La corruption est au cœur de la littérature, et trop souvent ce n’est pas au cœur seulement qu’elle se loge, elle s’étale sur le front, elle s’affiche, elle tient boutique ouverte.

888. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXI » pp. 281-285

Tranchons le mot, tout cela est triste et honteux pour les Lettres, et nous avions grand’raison d’insister sur la nécessité pour le véritable homme littéraire et pour le poëte de modérer ses goûts, ses désirs de bien-être matériel, et de se tenir dans une certaine médiocrité, nourrice des bonnes et saines pensées. […] Il n’est que trop vrai, en effet, que le Journal des Débats, depuis des années, ne cesse de contrevenir et de faire défaut de plus en plus au rôle important qu’il lui convenait de tenir : la Presse dit très-insolemment de lui : « Il a l’expérience de la vieillesse, mais il en a aussi la corruption, l’ironie et la stérilité.

889. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XII. Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord » pp. 270-275

Ils tiennent aux défauts de leurs écrivains presque autant qu’à leurs beautés ; tandis qu’ils devraient se dire comme une femme d’esprit, en parlant des faiblesses d’un héros : C’est malgré cela, et non à cause de cela, qu’il est grand. […] Quand vous rappelez des objets dégoûtants, vous excitez une impression fâcheuse, qu’on fuirait avec soin dans la réalité ; quand vous changez la terreur morale en effroi physique, par la représentation de scènes horribles en elles-mêmes, vous perdez tout le charme de l’imitation, vous ne donnez qu’une commotion nerveuse, et vous pouvez manquer jusqu’à ce pénible effet, si vous avez voulu le pousser trop loin : car au théâtre, comme dans la vie, quand l’exagération est aperçue, on ne tient plus compte même du vrai.

890. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

Loin de là ; son génie tenait trop de l’humeur de Franklin et de la verve courante de Voltaire pour être essentiellement un génie poétique. […] Leconte de Lisle Le génie de Béranger est à coup sur la plus complète des illusions innombrables de ce temps-ci, et celle à laquelle il tient le plus ; aussi ne sera-ce pas un des moindres étonnements de l’avenir, si toutefois l’avenir se préoccupe de questions littéraires, que ce curieux enthousiasme attendri qu’excitent ces odes-chansons qui ne sont ni des odes ni des chansons.

891. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

En 1664, nous le verrons tenir sur les fonts de baptême avec Madame, le premier enfant du poète. […] La duchesse de Bouillon trouvait du plaisir dans cette société ; elle présenta nos poètes à ses sœurs, la duchesse de Mazarin et la comtesse de Soissons, qui tenaient de grandes maisons à Paris.

892. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 28, du temps où les poëmes et les tableaux sont apprétiez à leur juste valeur » pp. 389-394

Le monde remarque encore de lui-même, que ceux qui lui avoient promis quelque chose de meilleur que l’ouvrage dont le mérite a été contesté, ne lui ont pas tenu parole. […] Mais le public s’étant affermi dans son sentiment par l’expérience, il est sorti de l’espece de contrainte où l’on l’avoit tenu, et il a eu la constance de parler enfin comme il pensoit déja depuis long-temps.

893. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Nous sommes encore trop accoutumés à trancher toutes ces questions d’après les suggestions du sens commun pour que nous puissions facilement le tenir à distance des discussions sociologiques. […] En effet l’essence du spiritualisme ne tient-elle pas dans cette idée que les phénomènes psychiques ne peuvent pas être immédiatement dérivés des phénomènes organiques ?

894. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Le sujet tient à la fois de la critique et de la morale. […] Jamais tout homme de lettres ne se tint si fort pour affranchi de la routine, pour maître et souverain de son esprit. […] Elle tient la première place dans les plaisirs de la société moderne, pour qui l’art est surtout une affaire de plaisir. […] L’Orient avait tenu la raison et la liberté de l’homme emmaillotées dans les langes du panthéisme. […] Le vers moderne n’observe plus la loi principale du vers ancien ; il ne tient plus compte de la quantité dans les syllabes.

895. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Son individualité spirituelle tenait à l’intégrité de sa dépouille matérielle. […] Ils y mangeaient, ils y dormaient, ils y tenaient leurs conseils. […] L’enfant effrayé avait fui à Naples, où il se tenait pendu aux jupes de sa mère. […] Le colosse vidé au dedans, se tient debout encore, les pieds sur deux mondes. […] Il tient à deux mains le bréviaire que sa vie s’est usée à lire.

896. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Dans cette rare et fine lignée des Sévigné ou des Motteville, Mme de Rémusat tiendrait bien sa place ; elle l’aura surtout du jour où les Mémoires qu’elle a laissés sur l’Empire pourront être publiés. […] La Révolution la trouva très en méfiance, elle eût été d’avis de quitter la France avant les extrémités funestes ; mais son mari n’y ayant pas consenti, elle ne s’occupa plus que d’y tenir bon, de faire face aux malheurs, et, au lendemain des désastres, de sauver l’avenir de sa jeune famille. […] Il y avait bien des degrés dans les anciens noms ; mais celui de Vergennes était connu, était historique, et tenait à l’ancien régime. […] L’histoire de la conversation, je viens de le dire, me paraît impossible, comme cette de tout ce qui est essentiellement relatif et passager, de ce qui tient aux impressions mêmes. […] On ne se doute pas de toutes les peines et de toutes les ruses à bonne fin qu’il nous a fallu avoir, nous autres critique qui tenions à accroître sur quantité de points délicats et neufs l’histoire littéraire contemporaine ; qui avions besoin d’être bien informé, et qui ne voulions écrire sous la dictée de personne.

897. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

On a vu qu’elles tenaient aux plus grands événements ; qu’elles les expliquaient, qu’elles étaient expliquées par eux, que désormais il fallait leur donner une place, et l’une des plus hautes places, dans l’histoire. […] À cet égard, un voyage dans l’Inde serait le meilleur enseignement ; faute de mieux, les récits des voyageurs, des livres de géographie, de botanique et d’ethnologie tiendront la place. […] Elle-même provient d’une autre cause plus générale, l’idée de la conduite humaine tout entière, intérieure et extérieure, prières, actions, dispositions de tout genre auxquelles l’homme est tenu vis-à-vis de Dieu ; c’est celle-ci qui a intronisé la doctrine et la grâce, amoindri le clergé, transformé les sacrements, supprimé les pratiques, et changé la religion disciplinaire en religion morale. […] Que le lecteur considère quelques-unes de ces grandes créations de l’esprit dans l’Inde, en Scandinavie, en Perse, à Rome, en Grèce, et il verra que partout l’art est une sorte de philosophie devenue sensible, la religion une sorte de poëme tenu pour vrai, la philosophie une sorte d’art et de religion, desséchée et réduite aux idées pures. […] Une civilisation fait corps, et ses parties se tiennent à la façon des parties d’un corps organique.

898. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Cela tient à son ubiquité. […] Dieu et Satan y tiennent : voyez Job. […] Les acteurs qui jouaient ses pièces étaient tenus d’aller collationner leurs rôles sur cet exemplaire complet et unique. […] Si vous tenez à lire le mot que nous hésitons à écrire, adressez-vous à Racine. […] Cela tenait peut-être à ce qu’il avait de l’esprit.

899. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Le futur citoyen de Genève y tint lui-même un rôle. […] Tout simplement, c’est que son rôle le tient. […] Ils étaient tenus de lui rester fidèles et même reconnaissants. […] Son père lui tient les discours les plus tendres et les plus sensés du monde. […] Mais enfin il ne tient plus du tout au Contrat.

900. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Mais comme ce mérite d’être irréprochable tient surtout en ce cas-là à un moindre déploiement poétique, je persiste à le préférer dans sa complète et, si l’on veut, inégale manière. […] Sa nature originelle y reprend le dessus, y tient le dé, si j’ose dire. […] À s’en tenir au point de vue de la stricte réalité, on sait déjà les inconvénients de toute chose, le néant des amitiés, le revers des enthousiasmes, l’insuffisance des doctrines stoïques et altières. […] Par le seul fait que l’époque antérieure à la vie publique est terminée jusqu’en 1800, que l’époque postérieure à la retraite politique est tout près d’être terminée d’une façon non moins définitive, nous tenons donc dès à présent un monument sans exemple, et dont l’aspect, même dans cet état inachevé, simule quelque chose d’accompli. […] car comment abandonner sans désespoir la main que l’on a couverte de baisers, et que l’on voudrait tenir éternellement sur son cœur ? 

901. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Tout le rayon du siècle est tombé juste sur chaque page du livre, et le visage de l’homme qui le tenait ouvert à la main s’est dérobé. […] Tienne qui voudra contre de si grandes extrémités, je me jette et me réfugie dans la médiocrité. » Les simples bourgeois viennent là bien à propos pour endosser le reproche, mais je ne répondrais pas que la pensée ne fût écrite un soir en rentrant d’un de ces soupers de demi-dieux, où M. le Duc poussait de Champagne Santeul142. […] Il sait la mesure qu’il faut tenir et le point où il faut frapper. […] C’est la première fois qu’à propos d’un des maîtres du grand siècle on entend toucher cette corde délicate, et ceci tient à ce que La Bruyère, venu tard et innovant véritablement dans le style, penche déjà vers l’âge suivant. […] A l’appui de cette opinion, qui n’est pas récente, sur le caractère de novateur entrevu chez La Bruyère, je pourrais faire usage du jugement de Vigneul-Marville et de la querelle qu’il soutint avec Coste et Brillon à ce sujet : mais, le sentiment de ces hommes en matière de style ne signifiant rien, je m’en tiens à la phrase précédemment citée de D’Olivet.

902. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Messieurs, si l’on pouvait faire abstraction des remarquables discours en sens divers qui ont rempli les dernières séances, et si l’on s’en tenait uniquement à l’impression produite par le sage et prudent rapport qui a précédé, on voterait la loi présente sans trop d’observations, comme un progrès relatif, très-modéré, et l’on oublierait trop aisément les circonstances dans lesquelles cette loi a surgi, les incidents qui en ont accompagné la présentation, la discussion première, ce qu’elle promettait, ce qu’elle est devenue. […] On sait les craintes, les obstacles qu’on s’exagérait peut-être, les péripéties du débat, l’éclat de l’éloquence qui y fut déployée, la joie qui suivit le succès : il y eut un moment où l’on crut réellement (et dans cette supposition je me place en dehors du Sénat, et je me tiens avec le simple public), — où l’on crut tout de bon qu’on entrait à pleines voiles dans un second bassin politique, dans la seconde période toute libérale de l’Empire. […] J’avais dessein d’abord, messieurs, de traiter à fond ce point devant vous, d’établir à ce propos le vrai principe de la tolérance en matière d’opinions, telle que je la conçois et que je la crois digne du xixe  siècle ; mais une occasion prochaine devant s’offrir où, si on daigne me le permettre, je me propose de vous exposer mes idées à ce sujet, je passe rapidement, et j’exprime seulement mon regret de trouver dans la Ici présente l’absence absolue de la seule juridiction de laquelle la presse me paraît devoir relever ; je déplore que, du moment qu’on prétendait rentrer dans la voie libérale, on ait tenu si peu de compte des grandes traditions que nous avaient léguées nos maîtres en politique : la loi, à ce titre, me paraît profondément défectueuse, et, s’il faut parler franc, profondément viciée dans sa constitution même. — Je passe outre. […] Laissez-moi achever, messieurs ; je crois que ce sera de meilleur goût ; je tiens à avoir mon affront jusqu’au bout, de même que j’ai mon public. […] Ce que je tiens à faire observer ici, c’est que, dans la pratique, ce point de vue qui sépare le livre du journal est plus apparent que réel ; la ligne de démarcation est toute fictive ; le livre est presque forcément impliqué et compris dans la situation qu’on fait à la presse périodique.

903. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Mais Wagner y tenait furieusement ; et l’on sait qu’il se fâcha avec le baron de Hülsen, qui, un jour qu’il était venu exprès à Wahnfried lui proposer de représenter le Ring, lui demandait la suppression du « bétail ». […] Ainsi, un drame de Wagner, difficilement isolable cependant des autres éléments de la Tétralogie, et où des symboles mythiques peu connus, peu goûtés de nous en général tiennent une très considérable place, a été entendu, compris, applaudi ! […] Enfin, Mme Balensi s’est fait apprécier dans le rôle de Fricka qu’elle a tenu avec beaucoup de noblesse. […] Il est certain que nul n’est obligé d’être wagnérien, mais il n’est pas moins vrai que tous ceux qui prétendent à ce titre sont tenus de connaître Wagner et son œuvre, et de partager ses idées. […] Felia Litvinne (1860-1936) tenait le rôle-titre.

904. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Le métaphysicien est un marchand qui spécule hardiment, mais sans un capital convertible qui le mette en état de tenir ses engagements. […] Lewes, et il tient promesse. […] Si l’on a accusé Gall de matérialisme, c’est à tort ; car il a plusieurs fois déclaré « s’en tenir aux phénomènes » et n’avoir jamais compris dans ses recherches rien qui tienne à l’essence du corps ou de l’âme. […] Quand les arguments font défaut, l’éloquence les remplace, l’émotion tient lieu de démonstration. » Une doctrine, une seule, l’éclectisme est sorti de ce mouvement et a tenu quelque temps la position d’une école. « Il est mort, mais il a produit quelques bons résultats, par le mouvement qu’il imprima aux recherches historiques, et en confirmant par sa propre faiblesse cette conclusion : que toute solution à priori du problème transcendental est impossible235. […] La conséquence fut qu’étant d’une ignorance grossière des sciences, il tint la philosophie éloignée de toutes les influences scientifiques.

905. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Par lui, lorsqu’on le comprend bien, on remonte à Homère, et par Homère, le magnus parens, on tient l’origine de cette civilisation gréco-romaine dont Virgile et Auguste datent et résument le développement harmonieux et final, car le Christianisme va naître. […] Il faut du biceps pour tenir droite cette balance. […] je n’ai pas parlé des morales, dont les qualités intellectuelles doivent être doublées pour qu’il y ait un grand critique… La sincérité, la sécurité, l’autorité… Sainte-Beuve y tenait peu, et son siècle peut-être y tient encore bien moins que lui ! […] Il y a deux ou trois excellents articles (puisque articles il y a) dans le Port-Royal, entre autres celui-là, que je suis tenu à citer, où l’auteur compulse tous les maux que les Provinciales, ce livre plus grand par le résultat que par le talent, firent aux Jésuites et au catholicisme, par cela même… C’est presque tout un volume sur les conséquences historiques du livre de Pascal, que je ne crains pas d’appeler le chef-d’œuvre de Sainte-Beuve, et qu’il faudrait publier à part du Port Royal et tirer de cette chiffonnière aux tiroirs brouillés… En effet, la haine a eu là le regard aussi profond que l’amour. […] Quand on tient par l’affection ou par l’admiration à la gloire d’un homme ou au charme incontesté d’une femme, il n’est permis, sous aucun prétexte, de publier des choses si évidemment, si manifestement inférieures que cette gloire et ce charme en reçoivent une profonde atteinte.

906. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir ainsi son Delenda est Carthago et de s’y tenir résolument. […] J’accorde qu’il existe, qu’il tient même dans l’humanité une large place. Mais est-il donc vrai qu’il tienne toute la place ? […] Nous savons ici à quoi nous en tenir sur la vérité générale de leurs portraits, et eux-mêmes au fond savent bien qu’ils n’ont représenté, en les exagérant, que certaines exceptions monstrueuses. […] C’est de ces maîtres qu’il a reçu son impulsion ; c’est d’eux qu’il tient ses curiosités et ses méthodes d’observation.

907. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Profondément distincte de ce qui tient aux passions personnelles, au milieu et comme au travers de leurs impressions, elle nous arrive plus désintéressée et plus pure, et ne nous parle que du beau, du sublime, de l’invisible. […] La plupart des esprits en sont là et s’y tiennent. […] De là un éclat brillanté qui blesse ; nulle gradation de couleurs, nulle science des lointains : le pli d’un manteau tient autant de place que la plus noble pensée.

908. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Un éclat de rire universel sort des voitures qui suivaient la sienne ; le Suisse sur sa porte se tient les côtés, la foule des laquais rit aux larmes et fait cercle autour du malheureux. […] Je marque avec un crayon, sur l’exemplaire que je tiens à la main, les endroits précis où l’on rit, et de quel genre est ce rire. […] Je tenais mon exemplaire et mon crayon à la main : l’on n’a ri exactement qu’une seule fois ; c’est quand le gendre, conseiller d’état, et qui va être ministre, dit au petit cousin qu’il a lu son placet.

909. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

La littérature n’est pas militante ; elle respecte les cadres sociaux, la hiérarchie, les pouvoirs temporels et spirituels ; elle tient pour résolues, ou elle écarte les grandes questions métaphysiques, qui sont essentiellement révolutionnaires. […] La société du xviiie  siècle est trop désintéressée de la chose publique, pour conserver le patriotisme ; elle tient les malheurs de l’État pour indifférents. […] Le moins que l’esprit français puisse faire pour reconnaître cette universalité de domination qu’on lui cède, c’est de tenir les sociétés qui l’adoptent en même estime que celle où il est né.

910. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Un signe de sa tête tient tout le monde en devoir. […] Balzac pense qu’à l’aménité, ils joignaient cette grandeur « dont il leur était impossible de se défaire, parce qu’elle tenait à leur cœur et à leur esprit, parce qu’elle avait racine en eux et n’était pas appliquée sur leur fortune. Pas un de leurs gestes, pas un de leurs mouvements qui fût indigne de la souveraineté du monde ; ils riaient même, ils se jouaient avec une sorte de dignité. » Ici l’auteur fait un retour vers madame de Rambouillet, pour remarquer qu’elle est de ce caractère, qu’elle descend du même principe, fille de leur discipline et de leur esprit , et ne tient pas moins de l’a magnanimité des César et des Scipion que de l’honnêteté des Livie et des Cornélie.

911. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Daniel eut une vision où il le voyait, « heurtant de la corne vers le nord et vers le midi ; et aucun peuple ne pouvait tenir contre lui ». […] » Un esclave eut ordre de se tenir debout derrière lui, à sa table, et de lui répéter par trois fois, pendant le repas ; — « Maître, souviens-toi des Athéniens !  […] Qui l’accordait, livrait le pays ; il tenait tout entier dans cette double offrande.

912. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Tout se tient dans le système social, tout marche en même temps : gardons-nous donc, je ne saurais assez le répéter, gardons-nous de porter un jugement quelconque sur une législation ancienne ou moderne, ayant d’avoir examiné l’ensemble de cette législation. […] Une telle législation ne pouvait être qu’incomplète et insuffisante, parce qu’elle tenait à un état transitoire ; parce que, depuis longtemps, l’unité manque aux directions de la société ; parce que enfin aucun des pouvoirs ne possédait en entier le dépôt des traditions sociales. […] Dès lors la liberté de la presse devient un des éléments nécessaires des gouvernements représentatifs, qui eux-mêmes sont un résultat forcé d’un tel ordre de choses, ainsi que la coopération des jurés dans les procès criminels ; car, encore une fois, tout se tient et tout marche en même temps.

913. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

» Ce Job de la diplomatie savait tenir contre la misère avec la gaité de Beaumarchais, mais il ne savait plus qu’être triste devant l’abandon d’un gouvernement, stupide de cœur comme de tête, qui ne lui donnait ni mission réelle, ni instructions, et, en échange d’admirables conseils demandés pour ne pas les suivre, lui renvoyait d’ordinaire d’ineptes duretés… Ah ! si dans les Mémoires de Lamarck (une révélation aussi comme ces Lettres diplomatiques) nous souffrons amèrement de voir Mirabeau, cette grande canaille de Mirabeau, qui veut sauver la monarchie et qu’on paie pour cela, avoir des coups de sang d’honnête homme indigné parce qu’il ne gagne pas son argent et qu’on ne suit pas ses conseils, si c’est là un de ces spectacles qui relèvent Mirabeau du mépris dans lequel l’aurait tenu l’Histoire, mais, hélas ! […] Être doué d’un esprit prodigieux dans le sens le plus leste et le plus brillamment impertinent de ce mot d’esprit, qui souvent dominait chez Joseph de Maistre toutes les gravités du génie, et devenir d’autant plus spirituel qu’on est plus respectueux, et gagner, dans cette compression féconde, mais douloureuse, d’un respect même immérité, des formes toutes — puissantes ou délicieuses pour sa pensée, qu’on n’aurait peut-être jamais eues sans cela, voilà ce que nous tenions à faire remarquer, nous qui pensons que la moralité d’un homme ajoute toujours à la beauté de ses œuvres !

914. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Mallet-Dupan, dans lequel Thureau-Dangin a appris son latin politique et qui tient plus de place que Thureau-Dangin lui-même dans le livre de Thureau-Dangin ; Mallet-Dupan mourut à la peine d’une besogne impossible. […] On peut tenir aisément là-dessus sans être un bien grand cavalier et s’y cramponner, comme l’ânier au cou du baudet de la fable, quand le sel se fut fondu… Il croit, au moment où nous enfonçons, qu’un gouvernement monarchique, mais parlementaire, nous sauverait. Ce modéré, qui, en voyant l’impuissance fatale des modérés en face des partis extrêmes, ne se demande pas si cette impuissance tient à la volonté des hommes où à l’involontaire des institutions ; si elle ne vient pas de la nature même des gouvernements parlementaires plus que de la faute de ces partis extrêmes qu’il est impossible à ces pauvres gouvernements d’accommodement, de transaction et de soi-disant équilibre, de contenir et de dominer !

915. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

« La France — a dit Sterne — n’a de salique que sa monarchie. » En ce pays, qui tient les femmes tient le fond même de la société, le secret de la civilisation. […] Dans le pays des choses extérieures, où les grands hommes sont tenus d’avoir de l’éclat, la simplicité et la profondeur ne feront jamais leurs affaires.

916. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Si, par hasard, il est des Musées qu’on n’ait pas visités, il peut y avoir là tels chefs-d’œuvre qui ne sont pas seulement telles idées de moins pour le critique d’art, mais dont l’ignorance où il en est doit compromettre l’aplomb et lui donner de terribles anxiétés de conscience ; car, en peinture, l’imitation, la ressemblance, la réminiscence, et, je dirai plus, la pillerie, peuvent tenir une grande place et se dissimuler mieux que partout ailleurs. […] Mais le génie humain, luttant d’inspiration avec ou contre le Saint-Esprit tel que l’entendent les races chrétiennes — et Doré est de ces races-là — doit, même avant la lutte, se tenir nécessairement pour vaincu. […] Mais, quoique je n’aie jamais cru aux traducteurs ou aux illustrateurs à la douzaine, quoique la puissance de s’incorporer à un génie, déjà très rare, n’implique nullement la puissance de s’incorporer avec tous ou avec plusieurs, et qu’interpréter à merveille les Contes drolatiques de Balzac, par exemple, ne soit pas une raison pour bien interpréter Shakespeare, cependant la difficulté de traduire les différents génies qui concourent à cette grande œuvre de la Bible, à cette Babel sans confusion de langues qui ne menace pas le ciel, mais qui le fait descendre sur la terre, cette difficulté tient encore plus à la grandeur des scènes et des personnages qu’on y trouve qu’à la diversité des génies qui les ont exprimés, et ici la question du surnaturalisme revient par un autre côté, car bien évidemment l’Histoire, la stature de l’Histoire et de l’homme, sont ici dépassées.

917. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

Mais si ce n’est pas excessivement facile de lui ôter ces fleurs et ces rubans, qui ressemblent à des rayons, et ce coup de fouet qu’on n’apprend point et qui tient à la force de l’avant-bras, n’importe ! […] Mais c’est là une illusion qui tient à la confusion des deux comiques ; car il y en a deux, il ne faut pas s’y tromper ! […] L’histoire du xviie  siècle tient presque toute la place dans ce livre à queue de rat, qui rappelle le ridiculus mus du poète, et on se dit en finissant : Ce n’est que cela !

918. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Le poète du Paradis perdu tient une place trop éclatante dans l’Histoire littéraire de son pays pour ne pas crever les yeux, comme un soleil. […] Il s’est pris d’admiration pour Milton, à part de son siècle et aussi à part des théories du nôtre, et de cela — de ces deux à-partés — il est sorti un livre droit et simple, grave et renseigné, très heureusement pensé par places, et partout écrit avec une ampleur un peu traînante et un peu lourde, mais de cette lourdeur, que je ne crains pas, qui tient à l’étoffé du style et que l’on pourrait comparer à celle d’une draperie de velours. […] Il tint une école et même il aima ce métier, qu’il garda la plus grande partie de sa vie.

919. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Son existence fut un phénomène de courte durée qui tint à l’indépendance d’Athènes. […] Cela tient au génie : le reste ne dépend que du talent et des étroites bienséances. […] L’esprit eût perdu trop de bonnes choses à se tenir si fort à l’étroit. […] Plus de promptitude à défendre le droit sied mieux à la main qui porte l’épée qu’à celle qui tient la balance. […] La carrière lui eut-elle été fermée à défaut de modèles et croit-on qu’il s’en fût tenu là ?

920. (1902) Propos littéraires. Première série

Tenez ! […] Avec Passionnette, Bijou est le roman de Gyp qui se tient le mieux. […] À quoi cela tenait-il ? […] Voilà l’idée neuve, et qui se tient, et qui a une vraie valeur. […] Maeterlinck se tiennent, s’enchaînent et forment système.

921. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

La chose ne tint pas dans un seul numéro. […] Cette idée de décadence, elle tenait encore à de vieux errements. […] Un bel amour de l’art le tenait comme nous tous et contribuait à resserrer les liens d’amitié avec lui. […] Cela tenait pourtant encore, mais tout autour de sa propre demeure des teintes crues s’étaient peintes sur toute la face des maisons voisines. […] À quoi tient la fréquence des enquêtes sur ces deux postulats, et leur irréductibilité ?

922. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Moi, j’avoue qu’en pareil cas, et si j’étais absolument sûr que ce fussent des vérités, j’aurais grand’ peine à la tenir fermée. […] L’auteur a eu tort de resserrer en vingt-quatre heures des événements qui, dans l’histoire, ne tiennent pas moins de quatre années. […] Il n’a pas tenu à vous que, du premier lieu, où beaucoup d’honnêtes gens me placent, je ne sois descendu au-dessous de Claveret. […] C’était Chapelain qui avait tenu la plume. […] Celle-ci, dans la première moitié, promettait de l’être ; mais elle ne tint pas parole dans la seconde.

923. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Qu’à cela ne tienne ! […] Je tiens de la munificence de M.  […] Et il s’en tient là. […] Ils tiennent de l’ogre et du croquemitaine. […] Je la tiens du chevalier de Nantouillet, qui la tenait du comte de Cézy.

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