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1817. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Le caractère de Manon Lescaut ferait honneur au poète le plus savant et le plus habile. […] Si le maniement de la strophe n’avait pu dispenser le poète de l’étude attentive de la vie domestique, comment la pratique de plus en plus savante de la versification l’eût-elle initié à la connaissance des intérêts politiques ou des droits généraux de l’humanité ? […] Si Habibrah excite moins de dégoût que Han d’Islande, c’est que la ruse domine chez lui la férocité, c’est qu’il met au service d’un corps incomplet un esprit d’une vivacité, d’une souplesse singulière, c’est qu’il y a dans sa scélératesse un côté savant qui soutient l’attention.

1818. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

A Genève, grâce à l’esprit de cité et de famille, apparaissent et se croisent de bonne heure des dynasties, des tribus de savants appliqués et honorés, les Godefroy, les Le Clerc, les Pictet, dans une sorte de renommée sans dissipation, qui ne va pas jusqu’à la gloire, et qui demeure revêtue et protégée de modestie et d’ombre.

1819. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Il conviendra aux Écoles publiques si le chant est facile à retenir, c’est-à-dire moins savant que mélodieux.

1820. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Ampère, qui voyage en ce moment dans je ne sais quel coin du monde, était un esprit et un caractère qui échappent, par leur perfection, au portrait ; il y avait en lui du saint Jean par la candeur et l’attachement, du jeune homme par la chaleur d’amitié, du vieillard par la sûreté, du savant par la science héritée de son père, du poète par l’imagination, du voyageur par la curiosité désintéressée de son esprit, du politique par la sévérité antique des opinions, de l’amant par l’enthousiasme, de l’ami par la constance, de l’enfant par le dévouement volontaire.

1821. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Sans nous étendre sur les événements trop souvent microscopiques qui composent l’histoire de la Toscane, cette Athènes de l’Arno, aussi illustre et aussi dramatique que l’Athènes du Céphise, jetons un regard seulement sur les fondements de cette histoire où Machiavel décompose et recompose en quelques pages l’Italie tout entière ; cette anatomie, aussi savante que lucide, rappelle tout à fait, par sa structure fruste mais indestructible, ces monuments cyclopéens qui portaient des temples ou des villes, et qu’on rencontre encore çà et là sur les collines de l’antique Étrurie.

1822. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

C’est une de ces scènes faites de rien, mais décrites avec la minutie savante de Meissonnier, et vues avec l’œil d’une mère, scènes à l’aide desquelles Hugo grave pour l’éternité dans l’œil et dans la mémoire de son lecteur une rencontre dont il veut qu’on se souvienne.

1823. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Pas d’images curieuses ou originales ; pas de style savant et artiste ; le jargon pâteux, incolore, banal de tout le monde : le style de Scribe, pour tout dire.

1824. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Des princes figurent aux premiers rangs sur cette liste de deux cents poëtes que la patience des savants continuateurs de l’histoire des bénédictins a comptés dans ce siècle, et qui s’exerçaient sur tous les tons et ébauchaient tous les genres.

1825. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Je le crois sans peine, et en cela il ressemblait à une quantité d’autres Allemands, savants en us ou en os, dont nos philosophes ne laissent pas de compulser et de citer sans cesse les gloses érudites.

1826. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Et parmi les prédécesseurs d’Hippocrate, son savant traducteur nomme les φυπολόγοι.

1827. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

De là vient l’illusion qui fait croire à tant de philosophes et de savants que les idées sont des fantômes analogues aux ombres des morts dans les inania regna.

1828. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Abordant la question de l’hérédité psychologique, il s’intéresse en particulier aux familles de savants et d’artistes.

1829. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Derrière ce double rang de droite et de gauche, s’assoiront les principaux officiers de l’État ou du palais : les poètes, les astrologues, les médecins, les savants, prendront place au centre derrière le trône.

1830. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

S’il n’était pas né, dans la bibliothèque d’un savant, de l’accouplement stérile de l’utopie et du chiffre, il aurait révélé à l’administration publique, au commerce et aux industries, une foule de vérités pratiques dont il était l’importateur en Europe ; mais, au lieu de couver ses vérités en plein air, il les a couvées dans l’isolement des autres idées, et cet isolement lui a faussé le jugement.

1831. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Or, d’après les témoignages concordants de nos plus savants paléontologistes, tel semble devoir être fréquemment le cas.

1832. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Voici déjà une première servitude qu’il acceptera de gré ou de force : même choisi, soigné, savant, gonflé de sens et débordant d’images, le langage qu’il emploiera devra être commun à tous. […] Et il ne reste plus sur la scène qu’un charmant causeur, rompu du reste à la gymnastique savante du Théâtre de la Foire, habile comme pas un aux cabrioles, aux virevoltes du tréteau, et c’est par quoi il tient encore par un fil à l’art dramatique.

1833. (1922) Gustave Flaubert

Un jour que Flaubert devait assister à l’enterrement de la femme de son ami Pouchet, un élève de son père, il écrivait : « Comme il faut du reste profiter de tout, je suis sûr que ce sera demain d’un dramatique très sombre et que ce pauvre savant sera lamentable. […] tu vas faire de saint Antoine un savant, et ce n’était qu’un naïf. » Pendant que Flaubert commence Saint Antoine, Bouilhet commence Melænis. […] Nous devenons savants, archéologues, historiens, médecins, gnaffes et gens de goût. […] Tostes est une image plus sommaire et plus vide d’Yonville, et le passage d’un bourg à un autre, d’une vie à une autre vie qui est pourtant la même, chez les Bovary, forme un chef d’œuvre de gradation savante et de composition.

1834. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

On établira sans peine qu’ils comprennent la causalité tout autrement que nos savants. […] Il en est de même des savants qui pour la première fois construisent une hypothèse. […] Mais la géométrie telle qu’on l’enseigne n’est pas la géométrie telle que la fait le savant. […] Mais ce que nous ne pouvons expliquer, c’est pourquoi telle hypothèse est faite par tel savant plutôt que par tel autre ; aussi dans le cas même de l’hypothèse tirée d’une analogie y a-t-il place pour la création, qui est tout entière une œuvre d’imagination ; tout dans l’analogie n’est pas œuvre de logique, il y a dans l’invention de toute hypothèse une grande part de contingence.

1835. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Je disais : « Ce sont mes cousins qui sont auprès de ma grand’mère qui m’effacent de son souvenir ; il est vrai qu’ils sont aimables, qu’ils sont colonels, capitaines, etc… et moi je ne suis rien encore : cependant je l’aime et la chéris autant qu’eux. » Vous voyez, ma chère grand’mère, tout le mal que votre silence m’a fait ; ainsi, si vous vous intéressez à mes progrès, si vous voulez que je devienne aimable, savant, faites-moi écrire quelques fois, et surtout aimez-moi malgré mes défauts ; vous me donnerez du courage et des forces pour m’en corriger, et vous me verrez tel que je veux être, et tel que vous me souhaitez. […] C’est à cause de cela que la psychologie systématique et savante restera toujours, pour les découvertes, en arrière d’une âme qui, douée de beaucoup de vie intérieure, involontairement se réfléchit sans cesse elle-même. […] Ses négligences sont savantes, ses excès médités ; mais qu’importe si l’usage est pourtant le maître, si l’usage marque le pas ?

1836. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Il n’était pas auprès du maréchal lorsque se livre la bataille d’Isly, « une vraie et savante bataille », qui donne idée de ce que le maréchal pouvait faire dans une grande guerre.

1837. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

D’ailleurs, ce mode d’action est uniforme, et de plus le nerf est construit spécialement pour le recevoir ; la preuve en est dans la structure savante de tout l’organe dont le nerf fait partie et dans la similitude des sensations qu’un coup, un flux électrique sur l’œil ou sur l’oreille excitent à travers le nerf.

1838. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Grâce aux patients travaux que les anciens, les modernes, et surtout un savant français de nos jours, Walckenaer, ont consacrés à l’interprétation de ses œuvres et à la confrontation de ses vers avec sa vie, Horace est pour nous un homme d’hier ou d’aujourd’hui.

1839. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Elle habitait Rome ; son palais était une cour de distinction en tout genre : hommes d’État, poètes, écrivains, peintres, sculpteurs, savants de toutes les nations s’y réunissaient à toute heure.

1840. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Numa avait consulté des inspirations occultes qui étaient vraisemblablement les lois de Pythagore ; la législation qu’il donna à Rome était et est restée trop savante pour être l’importation de hordes de barbares.

1841. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Quand, après une savante conversation, son adversaire lui avait livré le secret de ses prétentions en croyant le tenir, il lui répondait : “Je ne puis rien conclure sans avoir consulté ma femme.”

1842. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Il fut l’élève du savant docteur Pierre d’Ailly ; son mérite transcendant le fit élire à sa place chancelier de l’Université, chanoine de Notre-Dame, comme Abeilard, puis doyen de l’église de Bruges par la faveur du duc de Bourgogne.

1843. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

L’Art antique, l’Art du moyen âge ne nous sont plus rien : pour les comprendre, il faut les voir en savant, en érudit : ils sont hors nous, pour une autre civilisation.

1844. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Kastner ; le savant musicologue Wagnérien publiera incessamment une série de travaux bibliographiques sur l’œuvre de Richard Wagner.

1845. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

« Poèmes épiques, continue le savant traducteur, systèmes de philosophes, théâtres, mathématiques, grammaire, droit, le génie indien a tenté toutes les grandes directions de l’intelligence.

1846. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Après de premières études classiques et sévères faites à la Ferté-Milon, sous la direction de son tuteur, le crédit de ses tantes religieuses au monastère de Port-Royal, près Paris, le fit entrer au nombre des disciples de cette savante et sainte maison.

1847. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Je n’étais évidemment pas né pour cette poésie à personnages et à combinaisons savantes qu’on appelle le drame.

1848. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Kant étudia d’abord la théologie et les langues savantes ; il avait un génie extraordinaire pour les mathématiques ; il a fait même des découvertes en astronomie.

1849. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Montrez-moi tous les genres d’architecture et toutes les sortes d’édifices ; mais avec quelques caractères qui spécifient les lieux, les mœurs, les temps, les usages et les personnes ; qu’en ce sens vos ruines soient encore savantes.

1850. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

La vérité de nos Annales serait faussée à une telle profondeur que, pendant bien longtemps peut-être, la Critique la plus savante et la plus sagace serait impuissante à la rétablir.

1851. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

(À moins, toutefois, qu’il ne regarde les choses presque uniquement pour les décrire, qu’il n’ait dans son bagage un encrier, une plume et de gros cahiers de papier, et que, sous la hutte de l’Indien, il ne passe plusieurs heures par jour à aligner des phrases artificieuses et savantes dont il attend la renommée et l’admiration des hommes, — comme faisait le chevalier de Chateaubriand : et c’est là sa principale manière de trouver à la vie sauvage « tant de charme ».) […] Ives, brave homme et savant homme, mari d’une charmante femme et père d’une jolie fille de quinze ans, Charlotte, excellente musicienne. […] Les classes de l’Institut, les savants, les gens de lettres, les philosophes philanthropes, théophilanthropes et autres ; ils en revenaient charmés, comblés d’éloges et de tabatières. […] La composition en est large et libre, mais cependant attentive et savante. […] Et encore : Durant la traversée, Bonaparte se plaisait à réunir les savants et provoquait leurs disputes ; il se rangeait ordinairement à l’avis du plus absurde ou du plus audacieux ; il s’enquérait si les planètes étaient habitées, quand elles seraient détruites par l’eau ou par le feu, comme s’il eût été chargé de l’inspection de l’armée céleste.

1852. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Ils ont examiné les manuscrits de Victor Hugo et de Lamartine déposés à la Bibliothèque Nationale ; ils ont eu entre les mains la correspondance inédite du savant Frédéric Dübner ; ils ont possédé et possèdent sans doute encore des lettres inédites de Prosper Mérimée (non ; il n’y s’agit pas de George Sand ; ne vous émoustillez pas) et des lettres inédites d’Ernest Beulé. […] Répétition du coup de barre du 24 février, ou, plutôt, préparation savante d’une répétition du coup de barre du 24 février. […] Le jeune cardinal appartenait à l’une des plus grandes familles latines et romaines ; il s’était distingué, comme écolier et comme étudiant, par sa vive intelligence et sa vertu solide ; il avait étudié à Bologne et à Paris et avait, tout jeune, une réputation de savant très établie. […] Avant que Quinet fût professeur au Collège de France, Michelet était un savant très calme, très rangé, professeur des princesses aux Tuileries, piocheur silencieux aux Archives et faisant, au Collège de France, un cours tout pénétré de libéralisme, mais qui n’avait rien de militant.

1853. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

que ce savant m’ennuie avec ses huttes en forme d’arbre… Comme on serait bien mieux au ballet de Roxelane, où danse cette petite Déa que j’adore ! […] Toute la réputation du littérateur, du savant, va sombrer devant les faux que la pauvre dupe a produits à l’Académie comme de précieux autographes. […] Alors le savant prit une note ! […] Et ici la bête humaine est vivante ; ce ne sont pas les organes morts qu’interroge le savant, c’est la vie elle-même, ce sont l’âme et la chair dans leur activité. […] L’auteur croit à l’âme, comme tous les hauts esprits français, comme Michelet, Cuvier, Victor Hugo, etc. ; à ceux qui se sont fait la règle facile de ne croire qu’à ce qu’ils voient, Mme Adam dédie ces lignes : Expliquez l’élément psychique, disent les savants.

1854. (1887) Essais sur l’école romantique

Or, une portion du public étant donnée, celle-là d’abord qui s’entend à ces questions, et qui en connaît de plein droit, et celle-là ensuite, moins savante, moins versée en ces matières, mais dont le bon sens ne sait être ni classique ni romantique, demandez-leur ce qu’elles pensent du bon en poésie et en prose ; elles vous répondront en vous citant des noms, et vous aurez, ni plus ni moins, ce qu’on appelle le jugement de la postérité. […] Aussi, quelle témérité, dira-t-on, d’oser les mêmes choses que la Bible avec la langue sévère et circonspecte de Boileau ; de monter une lyre savante et artificielle au ton de la harpe de David, poète-roi ; de redemander à l’art ces inspirations qui nous apparaissent dans le passé si incultes et si spontanées ! […] Victor Hugo a rassemblé tout cet amour sur Notre-Dame de Paris ; il en a fait une personne, il lui a donné pour âme la longue et patiente pensée qui l’a élevée de terre et montée jusqu’à trois cents pieds, avec les tributs et les bras des générations ; il y a mis des personnages dans lesquels il s’est placé lui-même, pour s’identifier avec elle, pour la voir de plus près, pour la servir ; et son Quasimodo, le sonneur de cloches, cet homme sourd et presque muet, espèce de gnome mystérieux, qui y cache aux yeux des hommes sa vie rampante et détestée, est son personnage de prédilection, parce qu’il porte en lui sa pensée favorite, et qu’il est l’organe naïf et confus d’une admiration savante pour l’art du moyen âge. […] Mais un corps savant ne croirait-il pas qu’on se moque de lui, ou qu’on veut le tenter, si, dans un Mémoire sur les premières enceintes de Paris, on lui lisait des choses comme celles-ci ? […] Et pourtant ceux qui sauvaient l’honneur des lettres, ceux à qui l’avenir est resté, c’étaient les récalcitrants, les exilés : c’était Benjamin Constant, protestant du fond de la Suède contre les volontés et les caprices du grand public, qui s’appelait l’empereur ; c’était Chateaubriand, échappant aux honneurs que conférait ce public, comme à la gloire dont son ministre de la police imposait le programme, et allant promener le long des grands fleuves de l’Amérique une imagination qui n’a jamais été mieux inspirée que par la liberté ; c’était madame de Staël, cette femme qui apprenait à des hommes comment-on tient tête à un despote ; c’étaient des savants ; c’était Laplace qui se dérobait, dans les profondeurs de la science, à la censure soupçonneuse de Napoléon, et qui gardait la belle langue du xviiie  siècle de cet amollissement, de cette insignifiance commandée, de ce vague imposé sous des peines de police, qui rendaient si fade et si parfaitement inutile la littérature dite de l’Empire ?

1855. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Dans cette crainte, le cœur lui battait en secret, et, s’étant couvert la tête d’un voile, elle suivait pas à pas les traces de son époux, les joues rougissantes de honte, comme Cypris lorsque les habitants de l’Olympe l’aperçurent à découvert dans les bras de Mars à travers les mailles du filet du savant Vulcain. […] Là, des milliers de cadavres, que des mains savantes élaborent, s’élèvent lentement à la dignité de momies, en passant par toutes les phases de la chrysalide transformée et de la statue dégrossie. […] Il se trouva des Juifs, forts savants dans la leur, qui répondoient de sang-froid des choses surprenantes. » La messe des Morts fut célébrée : à l’Évangile, le prêtre quitta l’autel, et le roi d’Espagne, debout et tête nue, vint prêter serment au Saint-Office entre les mains du Grand-Inquisiteur. […] La camarilla autrichienne exploita cette hallucination maladive ; sa démence fut cultivée par des mains savantes.

1856. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Ajoutons que, tout en faisant la guerre à Théocrite contre ceux qu’il appelait les savants, et qui, dans ce cas-ci, n’étaient pas autres que les gens de goût, Fontenelle lui-même semble reconnaître son impuissance, et il rend les armes lorsqu’il dit : « Quoi qu’il en soit, je vois que toute leur faveur est pour Théocrite, et qu’ils ont résolu qu’il serait le prince des poëtes bucoliques. » Ils l’ont résolu en effet, et, comme quiconque remonte sincèrement à la source est aussitôt de leur sentiment, l’arrêt toujours rajeuni ne saurait manquer de vivre1.

1857. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Mais ce n’est point là le jugement primitif ni ordinaire ; il faut être devenu savant pour le porter ; l’explication est ultérieure et surajoutée. — D’ailleurs, la difficulté n’est que déplacée : munis de la théorie, nous disons que les molécules de l’air ou de l’éther ont le pouvoir, lorsqu’elles oscillent, de provoquer en nous les sensations de son ou de couleur.

1858. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Le reflux d’étrangers longtemps privés par la guerre du séjour de cette capitale des ruines concourait à cette splendeur restaurée de Rome ; c’était la capitale des peintres, des sculpteurs, des musiciens, des poètes, des savants de toute l’Europe.

1859. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Il se hâta aussi d’oublier les langues savantes et importunes dont on avait obsédé sa mémoire et la chicane dont on avait sophistiqué son esprit.

1860. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

XIII Le livre, à partir de là, devient foudroyant contre les révolutionnaires quels qu’ils soient, savants, lettrés, modérés, régicides, justement enveloppés, s’écrie-t-il, dans le nuage de la vengeance céleste contre ceux qui attentent à la souveraineté.

1861. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Lenormant, savant distingué, avait passé, grâce au parti doctrinaire, aux places scientifiques, récompenses de ce parti.

1862. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Parvenu à l’âge de quarante et un ans, possesseur par ses héritages personnels et par la dot de Térentia, sa femme, d’une fortune qui ne fut jamais splendide (car il ne plaida jamais que gratuitement, pour la justice ou pour la gloire, jugeant que la parole était de trop haut prix pour être vendue) ; lié d’amitié avec les plus grands, les plus lettrés et les plus vertueux citoyens de la république, Hortensius, Caton, Brutus, Atticus, Pompée ; père d’un fils dans lequel il espérait revivre, d’une fille qu’il adorait comme la divinité de son amour ; n’employant son superflu qu’à l’acquisition de livres rares, que son ami, le riche et savant Atticus, lui envoyait d’Athènes ; distribuant son temps, entre les affaires publiques de Rome et ses loisirs d’été dans ses maisons de campagne à Arpinum, dans les montagnes de ses pères ; à Cumes, sur le bord de la mer de Naples ; à Tusculum, au pied des collines d’Albe, séjour caché et délicieux ; mesurant ses heures dans ces retraites comme un avare mesure son or ; donnant les unes à l’éloquence, les autres à la poésie, celles-ci à la philosophie, celles-là à l’entretien avec ses amis ou à ses correspondances, quelques-unes à la promenade sous les arbres qu’il avait plantés et parmi les statues qu’il avait recueillies, d’autres au repas, peu au sommeil ; n’en perdant aucune pour le travail, le plaisir d’esprit, la santé ; se couchant avec le soleil, se levant avant l’aurore pour recueillir sa pensée avant le bruit du jour dans toute sa force, sa santé se rétablissait, son corps reprenait l’apparence de la vigueur, sa voix ces accents mâles et cette vibration nerveuse que Démosthène faisait lutter avec le bruit des vagues de la mer, et plus nécessaires aux hommes qui doivent lutter avec les tumultes des multitudes.

1863. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

C’est une véritable encyclopédie hellénique, sans prix pour les savants et pour les poètes.

1864. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Sur ma réponse que c’était quelqu’un de sage et de savant : “Donc, Mademoiselle, vous êtes philosophe.”

1865. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Et c’est ainsi que, par une étrange rencontre, ce divin auteur qui devait aussi faire, un jour, mes plus chères délices, venait, une seconde fois, se placer sous ma main, grâce à un autre ami véritable, semblable sous bien des rapports à ce cher d’Acunha que j’avais tant aimé, mais beaucoup plus savant et plus instruit que ce dernier.

1866. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Je n’avais pas une très grande estime pour le pape comme pape ; je n’en avais aucune pour Braschi comme savant ou ayant bien mérité des lettres, qui en effet ne lui devaient rien.

1867. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Pour vous mettre mieux à même de comparer ses mœurs avec celles du troglodyte commun d’Europe (les mœurs des oiseaux ayant toujours été, comme vous le savez, le sujet de prédilection de mes études), je vous présente ici les observations que mon savant ami W. 

1868. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Trente ans après, grave et triste, bruyante et savante, avant tout théâtrale, c’est-à-dire aussi objective qu’elle peut l’être, la musique, avec Wagner et son école qui veulent réformer le drame lyrique et en bannir la convention, se rapproche, par cette recherche de la vérité, du roman naturaliste, qui est, lui aussi, violent, sensuel, pessimiste et scientifique.

1869. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Le savant philologue Nietzsche, professeur à l’université de Bâle, a écrit : « Ce qu’il y a de plus splendide dans le génie de Wagner, c’est cette faculté de créer pour chaque nouvelle œuvre une langue nouvelle… » (Richard Wagner à Bayreuth, 71).

1870. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Mais ce que je tiens à faire saisir du lecteur, c’est à quel point ce projet de 1848 n’est vraiment rien que cela, rien qu’une mise en œuvre de traditions mythologiques ; car j’espère qu’ils sentiront alors très clairement combien différent est le second poème, celui que nous connaissons tous aujourd’hui, et qu’ils comprendront combien il y a de puérilité à ne voir dans ce dernier que des mythologies dramatisées, ou à faire de savantes recherches dans les Eddas et les Sagas sur « les origines de l’Anneau du Nibelung ».

1871. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

De l’axiome même d’identité, en effet, résulte cette règle logique sur laquelle le savant se guide toujours : des principes supposés les mêmes auront les mêmes conséquences, les mêmes données auront les mêmes solutions.

1872. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

On parle de l’insénescence du sens intime et des trois moi de je ne sais quel savant.

1873. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Ce parent, était le représentant de la grande bourgeoisie française, qui souffre des poèmes créés par le poète, des victoires gagnées par le général, des découvertes mises au jour par le savant.

1874. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Dimanche 6 mars Rosny parle du curieux pesage qui se fait du calorique, produit dans une cervelle, par l’effort d’un travail, et cite ce fait curieux d’un savant italien, qui se croyait aussi fort en grec qu’en latin, et auquel on a appris, qu’il possédait beaucoup mieux la langue latine, en opposant le poids du calorique qu’avait développé chez lui une traduction grecque, au poids du calorique développé chez le même par une traduction latine.

1875. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Par là il en viendra nécessairement à considérer l’objet non plus en artiste qui l’admire, mais en savant qui l’examine : il s’efforcera de le connaître et de le faire connaître intellectuellement ; rien ne sera moins poétique, plus prosaïque, et s’il a à montrer de la même façon une passion, une émotion, une idée, il se bornera de même à la donner à concevoir, à comprendre et nullement à évoquer ; de sa tentative résultera une notion et non un sentiment.

1876. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Ces opinions sont aussi celles du savant traducteur hébreu de la Bible, M. 

1877. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Quelle que soit notre estime pour l’exécution savante du poème héroï-comique de Boileau, nous ne ferons pas à l’Arioste l’offense de lui comparer son imitateur français.

/ 1956