Elle était d’une race qui avait maintes fois donné son sang à l’État.
On épongeait aux coins de sa bouche de l’eau et du sang, qui étaient remontés de sa poitrine, à flots, pendant ses contorsions d’agonie.
Montrer dans Brutus des sénateurs en robe rouge, faire tirer un coup de canon dans Adélaïde du Gueselin et y mettre le bras d’un prince du sang de France en écharpe, costumer Lekain en Tartare avec un grand arc à la main et de farouches plumes ondoyant sur un casque invraisemblable dans l’Orphelin de la Chine, voilà les inventions par lesquelles Voltaire remédie à la froideur de la tragédie.
Car, d’abord, comme je l’ai dit, ce livre, où se déroule une vie humaine si douce, si unie, si exempte de catastrophes et même d’ennuis matériels, est plus triste que s’il y ruisselait des larmes et du sang.
Me blâmera-t-on de ne point aimer les romantiques tirades où éclatent des douzaines de pieds de cette sorte : Ce sang qui rend ma main froide comme un tombeau.
Pensant que le dernier mot du gouvernement est d’empêcher les émotions populaires, il croit faire acte de patriotisme en prévenant par le meurtre juridique l’effusion tumultueuse du sang.
— Ce sera de même, en recourant à îles procédés usités déjà, mais dont l’insuffisance, s’ils demeurent isolés, a été montrée plus haut, que l’on résumera des analyses psychologiques, l’image îles êtres vivants qui y auront été disséqués Le critique concevra que le mécanisme mental exsangue et incolore, qu’il aura lentement et pièce par pièce déduit des données esthétiques, n’est point une entité idéale, une force flottante et sans point d’application, mais qu’animé, existant, nourri d’un sang pourpre, concentré en des cellules sans cesse vibrantes et rénovées, il se situe en un encéphale particulier, un système nerveux, un corps, un être humain, qui fut debout, marchant et agissant dans notre air, sur notre terre.
Elle n’a pas le regard qu’on rabat du ciel sur les choses de la vie et qui, tombant de si haut, va au fond… C’est une femme du monde, qui peint une société dont les surfaces l’attirent, bien plus qu’un romancier moraliste qui prend les passions et les jauge partout où elles sont… Mais, si elle n’est pas, si elle ne peut pas être le moraliste à la façon des grands romanciers qui savent l’ordre le cœur humain pour tirer la morale du sang, des larmes et de la fange qu’ils en font sortir, elle est toujours et partout la plume pure que j’ai dit qu’elle était.
Sans le portrait du dernier de tous, — de celui en qui s’écroula si affreusement cette maison, bâtie avec le mortier du sang et l’or des pillages, — on ne s’arrêterait, soyez-en sûr !
si dans les Mémoires de Lamarck (une révélation aussi comme ces Lettres diplomatiques) nous souffrons amèrement de voir Mirabeau, cette grande canaille de Mirabeau, qui veut sauver la monarchie et qu’on paie pour cela, avoir des coups de sang d’honnête homme indigné parce qu’il ne gagne pas son argent et qu’on ne suit pas ses conseils, si c’est là un de ces spectacles qui relèvent Mirabeau du mépris dans lequel l’aurait tenu l’Histoire, mais, hélas !
Sous le Directoire et jusqu’au 18 Brumaire, le parti royaliste fut, par royalisme, le plus grand obstacle qu’il y eût à cette monarchie à trois pouvoirs que les hommes de milieu, les modérés de ce temps, voulaient déjà faire succéder à cette monarchie de droit divin, noyée dans le sang de Louis XVI.
Journaliste qui défendit pendant toute une vie, qui fut longue, la Religion, la Royauté, la Morale dont on ne voulait plus, dans la démence universelle, on lui coupa, on lui hacha son journal avec les ciseaux d’une censure qui a déshonoré Malesherbes, lequel tenait, pour le compte des encyclopédistes, et faisait aller ces ciseaux, tombés depuis et lavés dans son sang, heureusement pour sa gloire !
Il ne s’y rencontre aucune de ces brûlantes empreintes qu’une main véritablement protestante aurait laissées dans un pareil sujet, aucune des éloquences passionnées qui l’eussent animé sous le souffle d’un homme convaincu, ayant au cœur la flamme d’un ressentiment séculaire contre Louis XIV, et résolu à venger par l’histoire la proscription de ses ancêtres et à faire verser aux marbres du mausolée du grand roi ces pleurs de sang qu’au dire des poètes les marbres versent quelquefois… Non !
Un tel acte prouva tout d’abord qu’il y avait dans les veines de cet efféminé, grandi comme Achille sous des vêtements de femme, mais qui se jetait à l’épée, deux gouttes de sang des Wasa qui ne devaient pas froidir et furent toujours prêtes à remonter à ce grand front vaniteux et fuyant qu’on lui a fait dans ses portraits, et la seule chose — le front — qui ait jamais fui, en pareil homme !
Il est malheureux, impatienté, piétinant sous son harnais de guerre qui l’écrase, et s’il n’a pas assez d’ardeur pour couvrir d’écume le mors qu’il ronge, il y laisse de son sang.
Et cependant tout le temps qu’elle dura, cette incarnation, elle fut rongée par une passion, — une passion honteuse ; et ce lis d’honneur, pour la pureté, porta cette tache au fond de son calice, jusqu’au moment où il tomba dans le sang, versé pour le devoir, mais qui ne l’a pas effacée, car, lorsqu’on est si grand, rien ne s’efface.
Né de l’aumône ramassée dans le sang des martyrs, — car les premiers Fidèles, au temps des persécutions et jusque dans les catacombes, portaient leurs offrandes aux évêques et aux prêtres, « et, outre les objets mobiliers, — dit M. de L’Épinois, — ils donnaient des biens territoriaux dont les revenus servaient à l’entretien des clercs », — ce gouvernement temporel ne cessa jamais de représenter la justice, la miséricorde et l’action morale sur la terre.
Il ne l’exalte pas, je le reconnais, avec la netteté et l’enthousiasme des écrivains qui ont du tempérament et de la chaleur de sang au service de leurs idées.
Et cependant, tout le temps qu’elle dura, cette incarnation, elle fut rongée par une passion, — une passion honteuse ; et ce lys d’honneur, pour la pureté, porta cette tache au fond de son calice jusqu’au moment où il tomba dans le sang, versé pour le devoir, mais qui ne l’a pas effacée ; car, lorsqu’on est si grand, rien ne s’efface.
Il est malheureux, impatienté, piétinant sous son harnais de guerre qui l’écrase, et s’il n’a pas assez d’ardeur pour couvrir d’écume le mors qu’il ronge, il y laisse de son sang ; mais tel que le voilà et que la réalité consciencieusement étudiée le montre, il l’emporte pourtant en moraine sur tous les heureux et les célèbres de son époque, et justement parce qu’il eut le hasard d’être pauvre et l’honneur d’être un officier !
Malheureusement, il n’y a pas de ces cris-là, il n’y a pas de ces beautés dans l’œuvre posthume qu’on a publiée de Charles de Rémusat, tête, en somme, de peu de poésie, lettré philosophique à sang blanc et froid, et dont la froideur et la blancheur se retrouvent dans l’Abélard du drame comme dans l’Abélard du traité qui porte ce nom.
Nous sommes ici bien loin de Joseph Delorme, qui écrivit des Consolations, et qui, depuis, a passé cinquante ans à faire de la petite dentelle littéraire… Georges Caumont, qui ne fait pas de vers, il est vrai, mais dont la prose est « de premier jet et de source colorée dans son sang, noyée dans ses larmes, pourprée dans ses plaies, sa bile et son fiel, ayant des monstres de style pour exprimer des monstres de souffrance », Georges Caumont est une bien autre personnalité que Joseph Delorme et tous les Mélancoliques et les Souffrants de ce siècle, et c’est sa force de personnalité qui le rend intéressant et pathétiquement sympathique, malgré les farouches et délirantes aberrations de sa pensée.
Elle est, enfin, dans ce fait, d’une splendeur importune peut-être, mais inévitable en histoire, et que nous prions la Philosophie de vouloir bien méditer : c’est qu’il n’y a point dans les œuvres de l’homme — et cela depuis le Deutéronome de Moïse jusqu’aux Capitulaires de Charlemagne, et depuis les Capitulaires de Charlemagne jusqu’aux constitutions des Jésuites, — de constitution qui prévaille où le sang du surnaturel n’ait pas abondamment coulé !
, La Buveuse de sang, Le Printemps, Le Cierge, et surtout les vers à Charles Baudelaire, — qui sont certainement les plus beaux du recueil, — et ceux-là encore qui finissent, à chaque strophe, par ce mouvement d’un désespoir si doux et d’une si magnifique lassitude : O !
Ils lavent leurs pourritures dans le sang qu’ils versent et ils les guérissent.
Thierry, du Moniteur) dans une appréciation supérieure : pour trouver quelque parenté à cette poésie implacable, à ce vers brutal, condensé et sonore, ce vers d’airain qui sue du sang, il faut remonter jusqu’au Dante, magnus parens !
de Charles IX, cette singulière et royale fleur de poésie, fécondée peut-être par l’intimité de Ronsard, et qui, plus tard, mourut écrasée dans du sang… Ronsard semble avoir été fait avec tous les genres de grandeurs : naissance, vie, relations, facultés, sentiments et œuvres.
Or, comme bon sang ne peut mentir, M.
Le prêtre, qui, s’il est digne de sa fonction, ne doit, selon la magnifique expression d’Arnaud de Brescia, n’avoir soif que du sang des âmes, ne le leur fait répandre qu’à la condition de leur commander !
Il a, dans un temps où il n’y en a plus, du vieux sang romantique (sangre azul)> dans les veines, et il le fait souvent couler largement dans ses œuvres.
Peut-être ressembla-t-il au sénat de Rome, qui remuait toutes les nations pour être le maître de la sienne, et cimentait son pouvoir au-dedans par les victoires et le sang versé au loin sur les champs de batailles.
À la mort du grand dauphin, héritier de son sang, il refusa de l’être de ses pensions.
Si grande est la douceur que tu jettes dans l’âme, immortelle récompense plus précieuse que l’or, que la noblesse du sang et que le charme du sommeil !
Comme si cette soif de sang ne pouvait s’étancher dans les meurtres juridiques, les massacres s’ajoutaient aux supplices ; les femmes, les enfants, les vieillards, tout était trouvé bon pour mourir. […] La génération si ardente et si passionnée de 89 avait été décimée par les catastrophes successives de la révolution ; son sang s’était calmé dans ses veines en s’épuisant. […] Lorsqu’on arrache une maison royale de la sienne, le vide qu’elle laisse se remplit de sang humain ; mais le vide laissé par la maison de France est un gouffre, et quel sang n’y a pas coulé depuis Calcutta jusqu’à Tornéo ! […] La France n’en pouvait plus de fatigue et d’épuisement ; elle éprouvait, comme un homme hors d’haleine, une sensation de bien-être inexprimable à pouvoir s’arrêter pour respirer et pour étancher le sang de ses blessures. […] Cette époque sort elle-même des champs de bataille de l’empire, toute poudreuse de sa route, toute brûlante de l’incendie dont la dernière lueur vient de s’éteindre dans le sang.
On me rattrapa, on me supplia : ma pauvre nounou pleurait ; mais je ne parvins pas à surmonter l’horreur : l’affreuse bête ne suça pas mon sang. […] La plus ancienne entrevue avec mon père dont je me souvienne, fut plutôt froide ; la voix du sang ne parla pas du tout en moi. […] Au carrefour du Petit-Montrouge, après avoir passé devant la tourelle du puits public, badigeonné d’un si beau ton de sang, on n’avait plus qu’à traverser l’avenue d’Orléans : on y était. […] On me releva couverte de sang. […] Le lendemain, pendant qu’on m’habillait pour le baptême, la blessure se rouvrit et envoya un jet de sang sur la robe blanche.
L’esprit national n’est pas plus contrarié par ces apports que le sang d’un homme n’est vicié par une nourriture saine ; il suffit que la nourriture soit saine. […] Cela ressemble beaucoup (peut-être trop) à la circulation du sang. […] Albalat remarque avec naïveté : « Homère ne nous dit pas qu’il tomba baigné dans son sang, comme auraient dit vaguement Fénelon, Florian, Raynal ou Saint-Lambert. Il nous dit : « Un jet de sang sortit de sa narine. » Homère ne peut pas dire : baigné dans son sang ; c’est une métaphore. […] Il y a deux ou trois exceptions apparentes ; dans hôtel-Dieu, sang-dragon, le mot Dieu est en réalité une sorte de génitif et il faut comprendre ï hôtel de Dieu, sang. de dragon.
« Cela fait des écorchures effroyables d’où coulent des ruisseaux de sang. » Leurs dames, à travers les jalousies, les encouragent par quelque signe. […] Pour l’Espagnol, au contraire, la religion est une émotion de la chair et du sang, une hallucination du cerveau, une explosion de la férocité native. […] La sève du printemps crève leur écorce, et le sang végétal suinte entre les écailles de leurs troncs. […] préserve mes mains du sang ! […] Je dois à l’Etat mes sueurs, ma peine, mon sang, ma vie, pourvu qu’on ne me vexe pas dans mon honneur.
Charriées par le sang artériel sous forme de glycose, ces substances se déposent, en effet, sous forme de glycogène, dans les diverses cellules qui forment les tissus. On sait qu’une des principales fonctions du foie est de maintenir constante la teneur du sang en glycose, grâce aux réserves de glycogène que la cellule hépatique élabore. […] Au contraire, dans le tissu nerveux, la réserve est faible (les éléments nerveux, dont le rôle est simplement de libérer l’énergie potentielle emmagasinée dans le muscle, n’ont d’ailleurs jamais besoin de fournir beaucoup de travail à la fois) : mais, chose remarquable, cette réserve est reconstituée par le sang au moment même où elle se dépense, de sorte que le nerf se recharge d’énergie potentielle instantanément. […] Si la fonction glycogénique du foie dépend de l’action des nerfs excitateurs qui la gouvernent, l’action de ces derniers nerfs est subordonnée à celle des nerfs qui ébranlent les muscles locomoteurs, en ce sens que ceux-ci commencent par dépenser sans compter, consommant ainsi du glycogène, appauvrissant de glycose le sang, et déterminant finalement le foie, qui aura dû déverser dans le sang appauvri une partie de sa réserve de glycogène, à en fabriquer de nouveau.
La valeur de chaque peuple est proportionnelle à la quantité de sang aryen qui coule dans ses veines. […] Puis, selon l’inévitable loi, ce sang noble commença de se diluer peu à peu, par suite des croisements. […] Par quelle chimie M. de Gobineau a-t-il analysé, à chaque moment de l’Histoire, le sang de chaque peuple ? […] Il faut des flots de sang pour laver ces flots de pus. […] Cet internationaliste, ce pacifiste, ne réprouve donc plus l’effusion du sang ?
rouge de feu, rouge de sang durant l’Inquisition. […] (Les autres arts, il est vrai, dormirent, sauf chez les peuples protestants dont le coup de sang de la Réforme prolongea, tout en la dépravant peut-être, l’inspiration artistique.) […] On dirait d’un enfant, après de longues heures d’immobilité, qui s’étire et gesticule pour rétablir la circulation du sang dans ses veines. Après le mortel ensommeillement du xviiie siècle le sang avait un furieux besoin de circuler dans les veines modernes. […] D’un rêve d’or et de sang, bellement théâtral, il fait des poëmes sans pensées et pleins de mouvement et de couleur, des vers sonores et rudes.
Le sang coulait à l’Abbaye, aux Carmes ; les églises étaient fermées ou profanées, les prêtres massacrés ou en fuite, la royauté abolie ; le roi portait sa tête sur l’échafaud. […] La filiation du roman-idylle s’arrête à l’Astrée, douce folie d’un siècle amoureux de courtoisies et de parfums, comme il semble que d’autres temps devaient être amoureux de sang et de fange. […] Le temps le presse, la chaleur de son sang le pousse, il va, il court, jouant avec sa verve intarissable et dépassant aujourd’hui le miracle de fécondité qui nous étonnait hier. […] Il est certain que l’écritoire de ce partisan de la paix contient une encre couleur de sang qui donne à toutes choses un monotone aspect de carnage. […] On dirait une de ces Javanaises, vampires d’amour, succubes diurnes, dont la passion tarit en quinze jours le sang, la moelle et l’âme d’un Européen.
On eût pu croire que la communion du sang répandu sur les champs de bataille ferait de l’Europe occidentale un seul pays, que la vieille et utopique formule : « un bon Européen » prendrait enfin un sens. […] Le sang coule. […] Soyons fiers d’être du même sang, de la même terre que les officiers et gardons-nous de toucher à celles de nos institutions militaires qui nous les ont donnés ! […] Vous le voyez par ce témoignage d’il y a quatre siècles, c’est dans leur sang. […] Le sang perle.
II Molière, au contraire, est moins poëte, il n’est même pas poëte tragique du tout, ce n’est pas du sang qu’il verse de sa coupe, ce ne sont pas des larmes, c’est de l’eau, mais c’est de l’eau limpide et rythmée qui coule naturellement de sa veine, qui amuse l’auditeur ou le lecteur par le plaisir de la difficulté vaincue, mais qui ne lui est pas nécessaire ; la preuve en est que mettez en vers les Précieuses ridicules ou en prose le Misanthrope, vous aurez toujours le même Molière devant vous : sa force est en lui, non dans sa forme ; il est versificateur parfait ; il n’est pas poëte, bien qu’il ait fait des milliers de vers faciles et agréables. […] Il n’y eut pas été un moment qu’il envoya demander à sa femme un oreiller rempli d’une drogue qu’elle lui avait promis pour dormir. « Tout ce qui n’entre point dans le corps, dit-il, je l’éprouve volontiers ; mais les remèdes qu’il faut prendre me font peur ; il ne faut rien pour me faire perdre ce qui me reste de vie. » Un instant après, il lui prit une toux extrêmement forte, et après avoir craché il demanda de la lumière. « Voici, dit-il, du changement. » Baron, ayant vu le sang qu’il venait de rendre, s’écria avec frayeur […] Enfin, il rendit l’esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs ; le sang qui sortait par sa bouche en abondance l’étouffa. […] Il reprit courage comme il faut ; Et, contre tous les maux fortifiant son âme, Pour réparer le sang qu’avait perdu madame, But, à son déjeuner, quatre grands coups de vin.
S’il plaide pour la victime devant l’assassin, pour la liberté devant les oppresseurs ; si les infortunés qu’il défend écoutent en tremblant le son de sa voix, pâlissent lorsqu’il hésite, perdent tout espoir si l’expression triomphante échappe à son esprit convaincu ; si les destinées de la patrie elle-même lui sont confiées, il doit essayer d’arracher les caractères égoïstes à leurs intérêts, à leurs terreurs, de faire naître dans ses auditeurs ce mouvement du sang, cette ivresse de la vertu qu’une certaine hauteur d’éloquence peut inspirer momentanément, même à des criminels.
Maintenant, si vous cherchez, sur ce point particulier, un cas analogue à celui de Stendhal, vous serez tout surpris de rencontrer Mirabeau et Jules Vallès… Et, en dépit de son sang froid et de sa sécheresse d’écrivain, vous n’hésiterez plus à classer parmi les « violents » cet abstracteur de quintessences.
Après le colossal Balzac, qui a renouvelé les sources du roman, il faut, pour avoir le courage d’en écrire un, se sentir du sang sous les ongles, plus qu’il n’en peut tenir dans toute la petite main d’une femme.
Cette glorieuse descendance a eu probablement son ivresse… Pour peu qu’on ait du même sang et de la même chair, on se croit un peu du même esprit.
La vieille monarchie des évêques, dont parle Gibbon quelque part, ne s’était pas rajeunie dans la Saint-Barthélémy, dans ce bain de sang qui, dit-on, a la puissance de renouveler, et qui ment parfois à sa renommée.
Renée aurait pu ajouter encore à tous ces docteurs et dictateurs de l’histoire : Thierry, qui fait de Grégoire VII un ambitieux à la manière humaine, voulant tout simplement, au prix de flots de sang, la suzeraineté de l’Angleterre ; Michelet, qui en fait un sceptique ; et Quinet, qui déshonore de son respect le saint pontife, après l’avoir transformé en révolutionnaire religieux, en une espèce de Robespierre !
Nous sortons tous d’un passé qui parfume ou souille à jamais la coupe du sang de notre vie, si nous ne mettons pas notre vertu à l’épurer.
III Et d’ailleurs, dans le livre de Fournier, j’ai cherché vainement les scandales non prouvés, les crimes sans authenticité dont il se vante, c’est-à-dire, en définitive, les grandes choses qui changent l’aspect des annales du monde et importent à la morale des nations parce que ces mensonges-là sont des oppressions et des injustices, et à cela près de deux ou trois faits remis sur la pierre du lavoir et sous le battoir, comme, par exemple, l’arquebusade de Charles IX, par cette fenêtre équivoque, le jour de la Saint-Barthélemy, — ce qui ne blanchit pas beaucoup, du reste, la mémoire tachée de sang de cet insensé du fait de sa mère, — je ne vois guères que des faits de très peu d’importance et je comprends mieux le sous-titre de ce livre de l’Esprit dans l’histoire : L’Esprit dans l’histoire, ou recherches et curiosités sur les mots historiques.
Il avait organisé des duels splendides au premier et au dernier sang, élargissant devant la mort la personnalité humaine, et entraînant des tourbillons d’amis dans un cercle chevaleresque de dévouements et de dangers.
Après Laclos vient de Sade, sous la plume de MM. de Goncourt ; de Sade, dont ils ne disent qu’un mot et qui suffit : « Il vint pour mettre, avec le sang des guillotines, la Terreur dans l’Amour… C’en est assez, — ajoutent-ils, — ne descendons pas plus bas, ne fouillons pas plus loin dans les entrailles pourries du xviiie siècle.
— ce lys pur de Chénier des premières gouttes de son poison… Je sais bien qu’il les a essuyées, et que le lys trempé dans le sang n’en paraît que plus beau dans l’Histoire, mais il eut besoin de les essuyer… Certes !
Au sein de cette génération qui avait du sang de Faublas dans les veines, ç’avait été une femme pure devenue très franchement une dévote.
Nous n’avons pas ici que l’éloquence en flammes de l’amour, nous en avons l’analyse ensanglantée, faite par ce noble imbécile d’amoureux avec le perçant du génie, qui n’est pas, lui, aveuglé par tout ce sang et qui se discerne souffrir… Peu d’hommes maîtrisés par l’amour ont parlé avec une pureté plus ardente d’un sentiment qui entraîne dans toutes les sensations que ce Benjamin Constant, auquel il suffisait de la peau du bras de Madame Récamier quand elle ôtait son gant pour rouler dans tous les égarements et dans tous les délires !
Le latin, le grec, les comparaisons classiques, et toutes ces choses bonnes quand elles font chair et sang avec notre pensée, ne disparaissent pas dans Lawrence en cette assimilation toute-puissante d’où jaillit le talent dans toute sa vierge originalité.
Non content de cette traduction sueur de sang, M.
Elle est partout, circulant dans beaucoup de livres, comme certains poisons circulent dans le sang, mais elle ne se formule nulle part, dans des œuvres transcendantes, non pas seulement de fait, mais même de visée.
Pour le fort spiritualiste qui a pensé audacieusement un tel conte, le crime intellectuel serait aussi certain, aussi positif, aussi réprouvé que si le sang physique avait coulé des veines de la victime rêvée, et le remords et l’épouvante qu’il cause vont jusqu’à la folie et au suicide.
» et le bois de la croix qui avait sauvé le monde aurait bu un sang inutile.