Livrée aux préjugés orgueilleux de l’esprit moderne, mais sans conviction réfléchie et profonde, elle a, entre le Catholicisme et le Protestantisme de ce temps dont elle écrit l’histoire, — entre Philippe II et Guillaume d’Orange — l’impartialité de l’indifférence ; car elle regarde les choses religieuses au point de vue de cette Libre-Pensée qui dit, comme les Médecins de Molière, que « tout est changé » quand il n’y a rien de changé ! […] … Mme Stern, avant la Commune, ne se doutait pas que la question religieuse bouillonne toujours sous nos pieds, à travers la poussière des faits politiques.
Cela n’est pas sa faute, à cet historien qui n’oublie rien et qui pénètre tout, si l’histoire lui manque sous les pieds, si son cabestan n’enlève que des pailles au lieu d’arracher des montagnes, et si toute cette histoire de la comédie, dont l’origine est religieuse, peut s’écrire partout avec deux mots : des prêtres sur lesquels se sont entés des baladins ! […] Il n’y a, au fond, dans toute cette histoire, reprise en sous-œuvre par du Méril, que la vieille histoire connue, qui peut s’écrire en quelques mots et qu’il a mise en cinq cents pages, — si brillantes de talent, du reste, qu’il semble ne pas avoir bavardé, — de la comédie, sortant partout de la danse, sa plus profonde racine ; dérivant, en peu de temps, du langage mimique au langage religieux et processionnel ; s’imprégnant plus tard de politique dans des sociétés fortement politiques comme les sociétés grecques, et vivant ainsi jusqu’au moment où l’imagination reconquiert ses droits et crée une autre comédie, la comédie désintéressée de tout ce qui n’est pas l’observation de la nature humaine… Et, vous le voyez !
Ce ne sont pas des moralistes ordinaires, quel que soit l’extraordinaire de leur talent, ce n’est ni Montaigne, par exemple, ni La Rochefoucauld, ni Vauvenargues, ni Chamfort, ni madame de Staël (la madame de Staël du sombre livre de l’Influence des passions sur le bonheur individuel), ni même le religieux et platonicien Joubert, qui auraient pu écrire ce traité de « la Douleur », tracé d’une main si attendrie, mais si ferme, pour nous la faire comprendre et pour nous la faire accepter… On sent, en le lisant, qu’on n’a plus affaire ici à un moraliste au détail, inspiré par le spectacle isolé de la misère humaine, étudiée peut-être sur son âme, mais à une tête d’ensemble qui a une nette et transcendante conception de la vie et de la destinée, et qui fait rentrer la douleur dans la notion la plus profonde des choses et dans le pian providentiel de la Création. […] Le mot de Shakespeare, que Saint-Bonnet, — ce penseur par lui-même, — assez fort pour pouvoir se passer de lire (Malebranche ne lisait pas), n’a peut-être pas lu dans Shakespeare, a été redit par son génie et à la manière du plus religieux et du plus métaphysique des génies.
Après sa mort, qui limita ses œuvres, en les interrompant, et les fit complètes, on pensait tout tenir de cet esprit puissant, qui s’était concentré, dans une époque où presque personne ne se concentre, mais où tout le monde s’avachit ; et, de fait, ce qu’il avait publié suffisait à la plus grande gloire religieuse du xixe siècle et à une des grandes de tous les siècles ! […] Dans un temps qui, comme le nôtre, affecte de ne plus croire à rien qu’à l’Histoire, on devrait, si on était conséquent, honorer profondément ce Joseph de Maistre, dont on a fait un utopiste de surnaturalité religieuse, comme l’esprit qui a le plus développé et approfondi dans ses œuvres le sens de l’Histoire.
Embarrassé par les témoignages positifs de l’Évangile sur les guérisons de Notre-Seigneur, il dit que tout l’Orient d’alors guérissait par l’emploi des pratiques religieuses, et que ce fut la joie de revoir son ami (à travers les pierres de son sépulcre probablement) qui ressuscita Lazare, quoiqu’il sentît mauvais déjà (mais c’était le chagrin peut être de ne plus voir son ami qui le faisait sentir mauvais ?). […] Quelquefois des philosophes, importunés de l’exceptionnalité de ce fait éclatant d’ordre divin, nous ont fait la mauvaise plaisanterie de nous parler du bouddhisme, de son organisation religieuse et de la masse de ses croyants.
La révolution qui s’était opérée, dans l’ordre religieux, ne pouvait pas manquer de s’opérer dans l’ordre politique. […] Le parti presbytérien professait en matière religieuse des principes analogues. […] Enfin le parti républicain, dans l’ordre politique, avait derrière lui le parti républicain, dans l’ordre religieux. […] Les uns s’occupent de matières religieuses ou politiques, les autres de matières administratives ou purement domestiques. […] L’auteur a divisé son travail en deux parties : partie religieuse, partie politique.
— Parmi les journaux religieux assez en vogue dans un certain monde, j’ai omis de vous citer l’Union catholique, journal rédigé par les Jésuites, par eux positivement.
Sapho devait avoir de ces cris-là ; ou plutôt on sent que cette enfant de Douai, cette fille de la Flandre, y a puisé en naissant des étincelles de la flamme espagnole, en même temps qu’elle ne cesse de croire à la madone comme la Religieuse portugaise.
Les plus apparents à bon droit et les plus vénérés dans le groupe des poëtes ont rempli par leurs chants quelque fonction religieuse ou sociale ; ils ont été, ou la voix éloquente et palpitante du présent, ou l’écho lamentable d’un passé détruit, ou l’ardente trompette des espérances et des menaces de l’avenir.
Que ces disparitions réitérées, ces coups mystérieux qui frappent comme à dessein des groupes révérés, des génies au faîte, les derniers chefs d’un mouvement accompli ; que tous ces coups soient autant d’avertissements religieux aux générations nouvelles pour se hâter, pour se serrer dans les voies où elles marchent et où elles n’ont bientôt plus de guides qu’elles-mêmes !
Je ne parle pas de ces néologismes nécessaires, qui manifestent la vie même de la langue et lui font suivre par son incessante transformation l’évolution de la pensée : si le progrès des sciences et de l’industrie, les révolutions politiques, sociales, religieuses, économiques, ont fait éclore des idées nouvelles dans le cerveau de l’homme, ont revêtu les idées anciennes d’une forme nouvelle, il est inévitable que bien des choses ne puissent être désignées par les mots anciens, et il serait absurde de s’opposer à l’admission dans le langage de ce qu’on admet dans la pensée.
Bref, il est dans un état d’esprit auquel, depuis des siècles, les souverains sont restés à peu près étrangers, et qui n’a guère été connu, dans sa plénitude, que de certains princes religieux du moyen âge.
Le chiffre a été donné par un journal monarchiste, religieux et mondain.
Un jour religieux baigne la forêt qui bruit.
C’est une heureuse illusion que celle des âmes simples qui croient que ce poète est religieux ; n’a-t-il pas gardé de la religion la seule chose essentielle : l’amour et le respect de l’homme ?
Le soir, disait-on, le prêtre, au moment où il fermait les portes du temple de Delphes, l’appelait à haute voix par ces mots : « Pindare le poëte est invité au souper du Dieu. » Cette vocation religieuse semblait attachée de naissance il la personne du poëte, venu au monde durant une des fêtes du Dieu, comme l’attestent quelques mots d’un de ses hymnes perdus29 : « C’était la fête qui revient tous les cinq ans, où, pour la première fois, je fus nommé, enfant chéri dans les langes. » Et, selon le commentaire ancien qui cite ces paroles, elles rappellent le cri Évoé, qui commençait les mystères d’un autre Dieu.
Nous ne savons rien des cérémonies religieuses célébrées tant au dehors qu’au dedans du temple rustique, sauf la messe dite par l’abbé de Santas Creus, le R. […] Castelar, murmurent quelques-uns, — et pour amener semblable entente, en dépit des divergences politiques et religieuses, il faut bien que le mérite soit rare. […] Père le Pape, assistait aux fêtes religieuses et littéraires auxquelles avaient été conviés les deux félibres Joseph Roumanille et Anselme Mathieu. […] Non, ceux qui ont vu dans l’Évangéliste « un plaidoyer passionné contre la vocation religieuse, contre les couvents », ont mal vu et ont vu trop loin. […] L’imprimerie qui se généralise en Angleterre, les prédications de réforme et les polémiques religieuses du schisme vont lancer la littérature dans un courant nouveau.
La musique destinée à plaire doit ou feindre le recueillement religieux, ou décontenancer par sa forme. […] Le tableau ne doit avoir que la valeur d’un symbole exprimant une pensée religieuse. […] Ses tableaux ne font plus seulement appel à la ferveur religieuse, mais aussi au sens de la beauté. […] L’œuvre d’art religieuse était une Bible des Pauvres. […] « En doctrine religieuse et philosophique », dit M.
Le fait littéraire a pris pour lui l’importance exclusive du fait religieux pour un mystique. […] Idée poétique qui se confond avec tout un courant d’idées religieuses orientales. […] « Il était empêché d’ailleurs par une sorte de crainte religieuse. […] Mme Arnoux se détachait sur un fond poétique et religieux. […] Et cette vie, admirablement choisie par Flaubert, comme les grandes légendes ouvre d’infinies perspectives religieuses.
Ce n’est pas davantage dans les méditations en alexandrins sur des sujets philosophiques ou religieux qu’éclate, à notre avis, son originalité sérieuse. […] Le crucifix reste sans doute un chef-d’œuvre, mais où l’on peut contester ce mélange d’inspirations religieuses et d’amoureuses peintures poussé jusqu’à la confusion par les poètes et les romanciers de 1830. […] Dans ce genre de roman jusque-là si étroit, si resserré, George Sand a précipité la description de la nature, une description poétique, attendrie et presque religieuse. […] Mais à cette époque il était de mode dans les mandements des évêques et dans les journaux soi-disant religieux d’accuser tout homme d’esprit de panthéisme germanique. […] Animé de sympathie pour la pensée religieuse, pour ses diverses évolutions à travers les âges, Quinet cherche à démêler leur concordance avec les progrès de l’esprit humain.
Même elle ne se réclame d’aucun précepte religieux. […] Mais les grands sujets, — mœurs et questions politiques, questions sociales, problèmes religieux, révolutions profondes de la conscience, — restent à peu près interdits à la comédie. […] Quelle que soit la raison qui l’ait jetée au couvent, sa foi est profonde, sa piété ardente ; elle a vraiment été, comme elle le dit elle-même, « une bonne religieuse ». […] Mais enfin, dans tout ceci, elle pourrait croire d’abord qu’elle agit en religieuse, en servante de Dieu, et non en femme qui se venge. […] Il est là pour opposer fortement la morale humaine à la morale religieuse, et la conception laïque du mariage à sa conception mystique et ascétique.
Comme mystification littéraire, il est très amusant ; comme exercice pieux et pratique religieuse, il est épouvantable. […] Personne ne fut moins religieux. […] De plus, elle a des sentiments religieux très forts ; elle est même l’instrument de sa famille dévote, dans le dessein de soustraire au docteur ces fameuses rognures de journaux qui sont destinées à révolutionner le monde. On sent, dès les premières pages, que le sujet sera la lutte de l’ancien monde, religieux, décent, conservateur, contre le nouveau monde, scientifique, audacieux, révolutionnaire et sans préjugés. […] Ses études, où il avait brillé surtout en thème latin, en récitation et en instruction religieuse, avaient été fort bonnes.
Molière n’est pas athée militant et du reste il n’aurait pas pu l’être ; il n’est pas antidéiste, mais il est essentiellement indifférent à l’idée de Dieu et à toute idée religieuse. […] Tout indique que ce qu’on a appelé le sens religieux n’était pas un sens de Molière. […] Il a confié Agnès enfant à des religieuses avec instruction « de la rendre idiote autant qu’il se pourrait » ; et le succès a été complet. […] Brave encore, puisqu’il accepte un duel, mais hypocrite de religion et se couvrant de scrupules religieux. […] Il n’a pas été élevé, que je crois, dans un monde religieux, et il n’a pris que le jargon religieux et les mines religieuses ; car il n’a pas ce que Boileau appelle « l’esprit de l’Eglise ».
Mais elle n’a pas beaucoup de sentiments religieux. Du moins, les sentiments religieux ne sont pas ce qui l’empêche de tourner mal. […] Une « étude de psychologie religieuse », dit M. […] et, le problème religieux, une histoire d’amour ne risque-t-elle pas de le profaner ? […] Je lisais la Doctrine de la Science de Fichte et me sentais redevenir religieux.
Qu’on ne parle pas des fabliaux, farces, soties, qui témoignent, je crois, d’assez de liberté d’esprit et qui sont un peu gais pour des affolés de terreur religieuse. […] D’abord, il ne touche guère aux choses religieuses sans montrer qu’il les ignore. […] Ses matelots sont superstitieux, point religieux. […] Et l’amour, allant jusqu’au bout, jusqu’au fond, jusqu’au haut, ayant Dieu pour suprême objet, et étant essentiellement acte d’âme, unissant les âmes, et les unissant en Dieu, par Dieu, avec Dieu, l’amour a un caractère religieux, une portée religieuse. » Dès lors, combien l’ordre de la moralité pure est dépassé ! […] Nul laïque, en effet, mieux que ce religieux, ne connaît son époque.
Wagner dit, en parlant de la Missa Solemnis de Beethoven : « Ici, le texte ne doit pas être saisi selon sa signification abstraite, mais ne doit servir qu’à réveiller en nous les impressions que produisent des formules religieuses bien connues ». […] ag Au commencement du troisième acte, après le retour de ces pèlerins, qui, cette fois, en traversant la scène, reprennent tout le thème religieux de l’ouverture, Elisabeth aux pieds de la même Madone que nous avons remarquée au premier acte, fait sa dernière prière, où paraît s’exhaler son dernier soupir, pour celui qu’elle a si souffrement aimé ! […] Mais alors, comme à un signe visible que la Lumière Éternelle avait lui pour les deux amants, toutes les voix entonnent dans un immense chœur sur les huit premières mesures du thème religieux de l’ouverture, un « Alléluia ! […] A la vue de cette destinée flétrie, brisée sur la terre comme un jonc foulé, et refleurissant dans le Ciel comme un lys splendide, nous sentons palpablement pour ainsi dire, comment en se perdant, on se sauve : si forte est la puissance du religieux élan renfermé dans le morceau final, formant l’Épilogue de la pièce.
Il y a travaillé pour les délicats, pour les esprits choisis, pour les âmes religieuses, pour le petit nombre des Élus, aussi petit, ce nombre-là, en littérature que dans le ciel ! […] S’il y a, en effet, des hommes historiques qui, à force de génie et d’héroïsme, de science religieuse et de science mondaine, semblent allumer le roman dans l’histoire, ce sont les Jésuites, à coup sûr. […] C’est, de toutes les histoires que la Normandie puisse raconter, la plus religieuse, la plus héroïque, la plus longue, en un mot, et, de toutes manières, la plus merveilleuse, — et c’est pourquoi l’auteur l’a nommée : Les Merveilles du Mont Saint-Michel 20. […] Qui sait si cette mâle histoire sera plus qu’un roman religieux et historique pour ceux qui aimèrent et lurent longtemps Paul Féval, et qui regrettent le brillant et fécond romancier d’autrefois ?
Quand on fait la critique ou l’apologie de la religion, tiento-n toujours compte de ce que la religion a de spécifiquement religieux ? […] La vérité est que si une aristocratie croit naturellement, religieusement, à sa supériorité native, le respect qu’elle inspire est non moins religieux, non moins naturel. […] On en découvrirait les origines sentimentales dans l’âme de Rousseau, les principes philosophiques dans l’œuvre de Kant, le fond religieux chez Kant et chez Rousseau ensemble : on sait ce que Kant doit à son piétisme, Rousseau à un protestantisme et à un catholicisme qui ont interféré ensemble. La Déclaration américaine d’indépendance (1776), qui servit de modèle à la Déclaration des droits de l’homme en 1791, a d’ailleurs des résonances puritaines : « Nous tenons pour évident… que tous les hommes ont été doués par leur Créateur de certains droits inaliénables… etc. » Les objections tirées du vague de la formule démocratique viennent de ce qu’on en a méconnu le caractère originellement religieux.
Quand j’y songe, les larmes me viennent aux yeux, et je suis toute triste. » Elle regrette de voir pourtant des tracasseries ou des persécutions religieuses introduites dans le pays, et de se sentir impuissante à intervenir pour protéger ceux qu’on tourmente. […] Elle avait gardé de lui et des autres réformateurs, jusqu’à travers sa conversion, une habitude d’invectives contre les ordres religieux de tout genre ; elle a, à ce propos, des sorties qui sont moins d’une femme que de quelque savant du xvie siècle en colère ou de quelque docteur émancipé de la rue Saint-Jacques.
… » Mais il y met son originalité et y ajoute sa flamme, un sentiment moral et religieux qui ne l’abandonne jamais, un éclair de saint Paul et des apôtres, avec l’appréciation toutefois d’un confort et d’un bien-être que les apôtres ne connurent jamais. […] Newton, et aux exemples qu’on lui alléguait de cas plus ou moins semblables au sien, et qui avaient été restaurés et guéris, il répliquait : « Ce n’est point là exactement mon mal, et je suis une exception. » Dans cette désespérance entière de lui-même, voyant son nom définitivement rayé du livre de vie, religieux et chrétien comme il était, on peut juger de son angoisse et de sa dépression mortelle.
En 1785, il entra au collége de la Marche, où il demeura quatre ans à faire ses humanités, jusqu’en juillet 89, studieux écolier, incapable d’un bon vers latin, mais remportant d’autres prix, et surtout dévorant Malebranche, Helvétius et les livres philosophiques du siècle ; ses croyances religieuses étaient, dès cet âge, anéanties. […] Dans les autres écrits de M. de Sénancour, soit ceux qui précèdent, soit ceux que j’omets (le livre essentiel et ingénieux de l’Amour, les réfutations de MM. de Chateaubriand et de Bonald, le Résumé des traditions morales et religieuses chez tous les peuples, etc.), presque toujours on rencontre à l’occasion une sorte d’aigreur sardonique contre le christianisme tel que les âges l’ont constitué et transmis ; car, pour son essence prétendue primitive et le caractère purement moral de son fondateur, M. de Sénancour serait disposé à lui rendre hommage.
De 1819 à 1824, sous la double influence directe d’André Chénier et des Méditations, sous le retentissement des chefs-d’œuvre de Byron et de Scott, au bruit des cris de la Grèce, au fort des illusions religieuses et monarchiques de la Restauration, il se forma un ensemble de préludes, où dominaient une mélancolie vague, idéale, l’accent chevaleresque, et une grâce de détails curieuse et souvent exquise. […] En s’appliquant à ces faits, pour leur imprimer le cachet de son génie, pour les tailler en diamants et les enchâsser dans un art très-ferme et très-serré, l’auteur n’a jamais songé, ce semble, à les rapporter aux conceptions générales, soit religieuses, soit politiques, dont ils n’étaient que des fragments ou des vestiges ; la vue d’ensemble ne lui sied pas ; il est trop positif pour y croire ; il croit au fait bien défini, bien circonstancié, poursuivi jusqu’au bout dans sa spécialité de passion et dans son expression matérielle ; le reste lui paraît fumée et nuage.
» Ernest est parfait, mais il n’est pas idéal ; mais, après cette amère et religieuse douleur d’une amie morte pour lui, morte entre ses bras, après cette sanctifiante agonie au sortir de laquelle l’amant serait allé autrefois se jeter dans un cloître et prier éternellement pour l’âme de l’amante, lui, il rentre par degrés dans le monde ; il trouve moyen, avec le temps, d’obéir à l’ordre de celle qui est revenue à l’aimer comme une mère ; il finit par se marier et par être raisonnablement heureux. […] Trouvez-vous qu’une religieuse défroquée, qu’un cadet cardinal (les Tencin), soient heureux, comblés de richesses ?
c’est le signe d’une puissance d’aimer plus religieuse, plus largement humaine peut-être que celle des grands amoureux. […] Mais ce à quoi les écrivains russes sont amenés par le mouvement spontané de leurs âmes religieuses et rêveuses, par l’étude des cœurs simples et par le spectacle d’infinies souffrances et d’infinies résignations, nous y arrivons, je crois, par la banqueroute de l’analyse et de la critique, par le sentiment du vide qu’elles font en nous et de la somme énorme d’inexpliqué qu’elles laissent dans le monde.
Les vrais méritants sont ceux qui, tout en comprenant d’une manière élevée le but suprême de la science, tout en ressentant d’énergiques besoins philosophiques et religieux, se dévouent pour le bien de l’avenir au rude métier de manœuvres et se condamnent comme le cheval à ne voir que le sillon qu’il creuse. […] quand la vie est si courte et qu’il s’y présente tant de choses sérieuses, ne vaudrait-il pas mieux prêter l’oreille aux mille voix du cœur et de l’imagination et goûter les délices du sentiment religieux, que de gaspiller ainsi une vie qui ne repasse plus et qui, si on l’a perdue, est perdue pour l’éternité ?
Les protestants, réfugiés en Hollande, prêchent de là, par la bouche de Jurieu et de Bayle, la haine de la tyrannie et la tolérance religieuse. […] Elles peuvent être, suivant les cas, religieuses, politiques, morales, scientifiques, etc.
Les vraies amantes, la Religieuse portugaise, par exemple, songeait-elle à cela ? […] Elle n’avait point d’enfants ; elle vieillit dans la tristesse, et mourut le 6 septembre 1789, retirée au couvent des Religieuses hospitalières à Saint-Mandé.
Pour se rendre compte en lui de cette question assez singulière et de ce scrupule, il faut se rappeler que Saint-Simon était religieux, chrétien croyant, fervent et pratique ; qu’il allait souvent en retraite à La Trappe, dans l’intervalle de ses contestations nobiliaires et de ses médisances. […] Cela dit, et se croyant en mesure de prendre tout son plaisir sans trop de péché, il se lance dans sa voie, et définit admirablement l’histoire telle qu’il la conçoit, dans toute son étendue, ses embranchements, ses dépendances, et avec la moralité finale qu’on en peut tirer, si après tout un véritable esprit religieux s’y mêle ; car, de cette multitude de gens qui en sont les acteurs, remarque-t-il, « s’ils eussent pu lire dans l’avenir le succès de leurs peines, de leurs sueurs, de leurs soins et de leurs intrigues, tous, à une douzaine près tout au plus, se seraient arrêtés tout court dès l’entrée de leur vie, et auraient abandonné leurs vues et leurs plus chères prétentions », reconnaissant qu’il n’y a ici-bas rien que néant et que vanité.
Ce parti, qui se composait du groupe politique et du groupe religieux, avait pour lui l’organisation, l’ensemble, et ne ménageait aucuns moyens. […] Mitis est un laïque, un écrivain qui a de certains emplois secrets peu honorables, et qui finissent par tourner contre lui-même : « Il y a dans ce moment-ci, dit-il à un ancien ami qu’il veut séduire, deux partis très distincts dans le gouvernement, le parti religieux qui mène, et le parti politique qui se lasse d’être mené.
Toute la journée cependant était prise par les cérémonies religieuses ; on devait dîner à la hâte. […] De tels exemples, où tant de sentiments délicats et généreux se confondent des deux parts dans un sentiment religieux supérieur, semblent ramener la poésie à ses plus nobles origines et ne se peuvent raconter sans émotion.
Hors de là, dans l’ordre religieux, l’Église eut aussi ses belles odes sacrées, ses proses : qu’est-ce que le Dies irae, sinon une ode terrible et sublime ? […] Ce que je veux conclure de tout ceci, c’est que, pour être véritablement vivante, une ode politique ou religieuse ne doit être que la voix harmonieuse et vaste de tout un peuple assemblé, qui y reconnaît et y salue son âme, et s’y exalte en l’écoutant : tel était le chœur antique.
Je relève tout d’abord ce fonds de sagesse, qui semblait appartenir à la race : Mme de Motteville avait une sœur cadette que, dès son enfance, on appelait Socratine à cause de sa sévérité, et qui finit par se faire religieuse de la Visitation27. […] [NdA] [Corrigé conformément à l’Errata du tome VII (3e éd.), p. 537 :] Au tome V de cette troisième édition, p. 169, à l’article de Mme de Motteville, à propos de sa sœur cadette qu’on appelait Socratine à cause de sa sévérité, au lieu de ces mots : « et qui finit par se faire carmélite », il faut mettre : « et qui finit par se faire religieuse de la Visitation ».
Louis XIV, religieux comme il est, croit qu’il est des lumières qui se proportionnent aux situations, et particulièrement à celle de roi : « Dieu qui vous a fait roi vous donnera les lumières qui vous sont nécessaires, tant que vous aurez de bonnes intentions. » Il croit qu’un souverain voit naturellement les objets qui se présentent, d’une manière plus parfaite que le commun des hommes. […] La pensée religieuse qui s’y joint dans son esprit ajoute plutôt qu’elle n’ôte à ce que cette maxime royale a de politiquement remarquable ; et c’est en ces parties qu’on reconnaît chez lui le véritable homme de talent dans cet art difficile de régner : La sagesse, dit-il, veut qu’en certaines rencontres on donne beaucoup au hasard ; la raison elle-même conseille alors de suivre je ne sais quels mouvements ou instincts aveugles, au-dessus de la raison, et qui semblent venir du ciel, connus à tous les hommes, et plus dignes de considération en ceux qu’il a lui-même placés aux premiers rangs.
Ajoutez à ce premier caractère que ce théâtre est à la fois religieux et national : ce sont des légendes sacrées et toutes grecques, mais touchantes et effroyables, que le génie d’un Eschyle ou d’un Sophocle développait dans une action simple, relevée et animée par le mélange des chœurs et de la musique. […] Le théâtre français n’est ni religieux ni national, il est humain ; son objet, c’est la nature humaine, la vie humaine dans sa plus grande généralité.
Sans doute une histoire générale de la caricature dans ses rapports avec tous les faits politiques et religieux, graves ou frivoles, relatifs à l’esprit national ou à la mode, qui ont agité l’humanité, est une œuvre glorieuse et importante. […] C’est pourquoi je ne trouve pas étonnant que nous, enfants d’une loi meilleure que les lois religieuses antiques, nous, disciples favorisés de Jésus, nous possédions plus d’éléments comiques que la païenne antiquité.
L'Univers, le journal religieux, a été le premier journal catholique doctrinaire et dynastique, et c’était même là son trait distinctif au début.
Laubardemont, qui revient partout, et qui semble poursuivre Cinq-Mars, depuis que celui-ci l’a frappé au front d’un crucifix ardent dans l’affaire de Loudun, est un héros ignoble de mélodrame ; son fils devenu brigand et contrebandier, sa nièce religieuse devenue folle, cette scène entre tous les trois, la nuit, au milieu des Pyrénées, tout ce luxe de conceptions bizarres fait tort à la vérité.
Des passions semblables, quoique en sens inverse, des ressouvenus terrifiants de 93, des réactions religieuses et monarchiques, un regret superstitieux de l’ancienne forme en haine du sang qui avait souillé la nouvelle, un sublime égarement de guerre et de conquête : voilà encore ce qu’il fallut pour renverser la Constitution de l’an III, moins brillante, moins hardie que celle de 91, mais aussi sincère, aussi consciencieuse, et d’une modération profonde, d’une graduation expérimentée dans toutes ses parties.
La vie domestique, des idées religieuses assez sévères, des occupations sérieuses, un climat lourd, rendent les Anglais assez susceptibles des maladies d’ennui ; et c’est par cette raison même que les amusements délicats de l’esprit ne leur suffisent pas.
Du moins il n’y a que ces documents pour nous montrer des figures vivantes, petits nobles, curés, moines et religieuses de province, avocats, échevins et bourgeois des villes, procureurs de campagne et syndics de villages, laboureurs et artisans, officiers et soldats.
La terrible croisade des Albigeois fut un grand événement littéraire autant que politique et religieux : elle porta d’un coup la langue française jusqu’aux Pyrénées et jusqu’à la Méditerranée.
Aucune influence religieuse d’abord : Dieu n’est nulle part dans son œuvre ; il n’en a pas besoin.
Les encyclopédistes, même les plus candides et les meilleurs, traitant toutes les religions positives en ennemies, n’avaient pas l’accent religieux.
On peut affirmer que, sans cet attrait, jamais les premiers érudits des temps modernes, qui n’étaient soutenus ni par une haute vue philosophique, ni par un motif immédiatement religieux, n’eussent entrepris ces immenses travaux, qui nous rendent possibles les recherches de haute critique.
Par l’abnégation, il est arrivé à la gloire et à une position unique dans le panthéon religieux de l’humanité.
L’esprit s’élève-t-il au-dessus de cette conception contradictoire, il ne trouve un terme et un but à la vie phénoménale que dans la cessation de celle-ci, dans sa résorption en un état d’unité absolue hors de la conscience de soi-même : c’est à quoi aboutissent tous les efforts logiques du souci religieux ou métaphysique, le Boudhisme avec une entière sincérité, le Brahmanisme et le Déisme avec la confusion en Dieu assignée comme but au perfectionnement individuel.
Cette passion religieuse est d’autant plus énergique, qu’elle est en contradiction avec toutes les autres, et que, pour subsister, il faut qu’elle les dévore.
Même les ennemis religieux et politiques de l’auteur, qui n’auraient, pour perdre Michelet comme historien, qu’à citer les faits étrangement immondes dont son livre est plein, ne peuvent pas justement les citer !!!
Sous les gouvernements aristocratiques qui vinrent ensuite, les mœurs étant toujours religieuses, les lois restèrent entourées du mystère de la religion et furent observées avec la sévérité et les scrupules qui en sont inséparables ; le secret est l’âme des aristocraties, et la rigueur de l’équité civile est ce qui fait leur salut.
En ce temps-là on ne relègue pas la conversation dans les heures tardives et nocturnes ; on n’est pas forcé comme aujourd’hui de la subordonner aux exigences du travail et de l’argent, de la Chambre et de la Bourse : causer est la grande affaire « Arrivés à deux heures, dit Morellet, nous y étions encore presque tous de sept à huit heures du soir…496 C’est là qu’il fallait entendre la conversation la plus libre, la plus animée et la plus instructive qui fut jamais… Point de hardiesse politique ou religieuse qui ne fût mise en avant et discutée pro et contrà… Souvent un seul y prenait la parole et proposait sa théorie paisiblement et sans être interrompu. […] Le collège des jésuites devient désert ; cent vingt pensionnaires ont été retirés à ces moines si tarés… On a observé aussi pendant le carnaval de Paris que jamais on n’avait vu tant de masques au bal contrefaisant les habits ecclésiastiques, en évêques, abbés, moines, religieuses. » — L’antipathie est si grande, que les plus médiocres livres font fureur dès qu’ils sont antichrétiens et condamnés comme tels. […] Walpole, bon observateur, ne s’y est pas trompé. « D’après ce que je vous ai dit de leurs opinions religieuses ou plutôt irréligieuses, ne concluez pas, écrit-il, que les personnes de qualité, les hommes du moins, soient athées.
La révolution française secouait déjà le monde de ses pressentiments ; Goethe, au fond plus philosophe et aussi incrédule aux théories populaires du christianisme que Voltaire, dominait du haut d’une indifférence superbe les querelles religieuses et politiques du temps. […] Il respectait tout ce qui était sincère dans les croyances humaines ; il considérait la foi religieuse en artiste et non en apôtre ou en martyr. […] Voilà les véritables croyances religieuses de Goethe.