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767. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Il est hors de doute pour nous, que leur public une fois débarrassé des médiocrités qu’on lui sert de toutes mains, prendrait facilement l’habitude d’une moyenne d’inspiration, où l’aventure et la mêlée des classes sociales, qui l’intéressent essentiellement, tiendraient encore une large place, mais d’où ne seraient pas exclus l’observation, l’humour et le sens de l’humanité. […] Faire arriver le peuple à l’HUMANITÉ, tout est là. […] Il faudrait enfin que, dans le plus grand nombre des romans, le vice ne s’étalât point avec une obsessive complaisance, de façon qu’on n’en fût pas réduit à composer une spéciale et niaise littérature pour jeunes filles ; et que, dans les sujets où de graves questions de mœurs doivent nécessairement être traitées, l’auteur entrât dans son sujet avec le respect dû à sa propre dignité, à la délicatesse du lecteur même viril, et aux misères morales de l’humanité, qui en souffre et qui a tant de peine à s’en délivrer. […] Il devrait se surveiller lui-même, s’imposer de bonnes habitudes d’esprit, une scrupuleuse attention à ne pas violer les règles élémentaires de la logique ; il devrait s’interdire le mensonge et la calomnie, présenter ses idées avec clarté, exercer par des discussions lucides et simples le jugement de ses lecteurs, à tout le moins rester fidèle aux grands principes qu’a consacrés la tradition morale de l’humanité, ne jamais glorifier la violation des lois, le faux, l’assassinat.

768. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Je goûtais moins l’extrême petitesse d’un peuple, la taille gigantesque d’un autre, l’île volante et les chevaux raisonnables, que ce tableau si vif de l’ingratitude et de la légèreté lilliputiennes, du calme mépris des géants pour nos misères, des vaines recherches où s’égaraient les sages de Laputa, et de l’horrible dégradation où rampait chez les Houyhnhnms l’humanité dégénérée. […] « Quiconque, disait-il, voyage dans ce pays et y considère l’aspect de la nature, l’aspect, l’extérieur et les habitations des hommes, ne se croira pas dans une contrée où la loi, la religion, où la plus vulgaire humanité soient respectées. » L’imprimeur de cet écrit fut accusé. […] Mais l’île des Houyhnhnms est l’abîme où l’humanité s’engloutit tout entière ; les arts, les lois, les mœurs, la religion, la raison même, tout succombe ; la beauté s’avilit, l’amour fait horreur, et après cette universelle dégradation de tout ce qui peut occuper, charmer, élever l’homme sur la terre, on n’est plus surpris de voir le voyageur qui est rejeté parmi le genre humain, au sortir d’une telle épreuve, se voiler la face et refuser de voir des hommes. […] C’est lui qui perce par intervalle dans Candide, et qui s’y déguise sous tant d’images légères ; il éclate librement dans Gulliver, il y a toute sa force ; parce qu’il part d’un cœur déchiré aussi bien que d’un esprit sceptique, parce que ce contempteur de l’humanité doit être compté parmi les plus malheureux des hommes.

769. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

La science enorgueillie de ses succès, « démocratisée » par de nombreuses universités, et exploitée souvent par des pédants dont la vanité n’est égalée que par leur pauvreté d’esprit, la science a dépassé les limites de sa compétence ; s’abusant elle-même sur la valeur de ses catégories, elle a cru enfermer l’univers de l’âme dans ses formules rigides ; elle a fixé les lois mécaniques du langage, celles de la pédagogie, celles de l’hérédité, celles de la création artistique, en négligeant dédaigneusement cette inconnue qui seule féconde l’humanité : l’individualité. […] Le drame moderne, grâce à une compréhension plus large de l’humanité, et grâce aux libertés conquises, mènera sans doute à une beauté nouvelle. […] — Et les principes directeurs offrent une probabilité du même genre : le christianisme, qui fut un élément essentiel du moyen Âge, semble étranger au principe de la Renaissance et à celui de la Révolution ; en théorie, oui ; dans la pratique, il a gardé une importance considérable, non seulement en ce qu’il a d’éternellement vrai, mais aussi en ce que ses dogmes ont de suranné et d’inhumain : l’Église romaine commande encore à des millions de consciences ; la notion chrétienne du Mal trouble encore notre morale et même notre droit pénal ; bien plus : l’intolérance haineuse des « libres penseurs » est elle-même une action du christianisme qui entrave ainsi l’évolution de cette humanité qu’il avait jadis délivrée. […] Plus encore : si elle savait que, demain, notre planète sera réduite en poussière, l’humanité pensante n’en garderait pas moins cette fierté d’avoir pesé les soleils, d’avoir créé l’idée de justice, et d’avoir, par l’amour, rempli sa journée d’un rêve d’éternité.

770. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

… » Comme Voltaire l’avait dénoncé d’emblée aux puissances et signalé comme un calomniateur de Louis XIV, de Louis XV et du roi de Prusse, La Beaumelle le rappelait à l’ordre et lui faisait toucher son inconséquence : « Apprenez qu’il est inouï que le même homme ait sans cesse réclamé la liberté de la presse, et sans cesse ait tâché de la ravir à ses confrères15. » Il y a même une lettre assez éloquente, la xiiie , dans laquelle l’auteur suppose un baron allemand de ses amis, qui s’indigne de l’espèce de défi porté par Voltaire, dans son enthousiasme pour le règne de Louis XIV : « Je défie qu’on me montre aucune monarchie sur la terre, dans laquelle les lois, la justice distributive, les droits de l’humanité, aient été moins foulés aux pieds… que pendant les cinquante-cinq années que Louis XIV régna par lui-même. » La réponse est d’un homme qui a souffert dans la personne de ses pères et qui sort d’une race odieusement violentée dans sa conscience, opprimée depuis près de quatre-vingts ans16 et traquée. […] Dans une lettre du 27 octobre 1745, Frédéric loue Maupertuis, qui était à la veille de son mariage, sur l’agrément de son commerce, et le félicite sur sa philosophie dont la tolérance convient à l’humanité.

771. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Vaubertrand, dont le père, concierge de la prison des Madelonnettes pendant la Terreur, s’est honoré par des actes nombreux d’humanité, et qui, notamment, a donné asile, pendant six mois, à Quatremère de Quincy frappé de proscription, se complaît aujourd’hui, dans un âge avancé, à célébrer le respectable auteur de ses jours55 ; mais c’est une erreur, à lui, bien qu’assurément des plus innocentes, de croire qu’il faille pour cela emprunter toutes les pompes et l’appareil de la rime et de la poésie : une simple notice en prose eût mieux rempli son intention, et les notes de sa brochure en font l’intérêt. […] Humanité pendant la Terreur, récit en vers, avec des notes historiques, par M. 

772. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

En 1785, il entra au collége de la Marche, où il demeura quatre ans à faire ses humanités, jusqu’en juillet 89, studieux écolier, incapable d’un bon vers latin, mais remportant d’autres prix, et surtout dévorant Malebranche, Helvétius et les livres philosophiques du siècle ; ses croyances religieuses étaient, dès cet âge, anéanties. […] Préoccupé du christianisme atrabilaire de Nicole, de Pascal et du xviiie siècle, qui range le très-petit nombre d’élus sur un pont étroit et dévoue le reste du monde à l’abîme du feu, il commet lui-même quelque chose d’analogue, sans y prendre garde ; il sépare le très-petit nombre de sages et de vérités, qu’il enferme dans l’arche de sa théosophie, délaissant l’humanité entière sur un océan d’erreurs, de rites bizarres et de vertiges : c’est moins cruel qu’une damnation, mais presque aussi contristant.

773. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Montesquieu, qui se souvient parfois des causes physiques, semble ignorer absolument que la matière sur laquelle travaillent les législateurs, l’humanité vivante, contient en puissance une infinité d’énergie, qu’elle n’est pas seulement le champ de bataille que la loi dispute à la nature, qu’elle peut trancher à chaque instant le différend par ses forces, ses tendances intérieures, et qu’enfin c’est elle, et elle seule, qui fait la loi puissante ou inefficace. […] C’était une œuvre de raison et d’humanité.

774. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Pour que cette théorie pût embrasser toutes les variétés du beau, il faudrait, nous l’avons dit, que l’évolution de l’art et par conséquent de l’humanité fût achevée ; ce serait un peu long d’attendre jusque-là. […] Il faut avouer encore qu’une œuvre, quand elle est entrée dans le patrimoine de l’humanité presque entière, a bien des chances pour n’être pas indigne de cet honneur.

775. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Vers le même temps, le passé de l’humanité, comme son royaume planétaire, est fouillé dans ses recoins les plus obscurs. […] On ne saurait trop se défier de ces mirages du passé ou de l’éloignement : ils faussent à chaque instant l’opinion qu’une moitié de l’humanité se fait de l’autre moitié.

776. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Ici, il me semble voir dans Montesquieu un de ces dieux bienfaiteurs de l’humanité, mais qui n’en partagent point la tendresse. […] Je me borne à la définir, et à considérer cette humanité stoïque, en tant qu’elle se distingue de la charité selon Pascal et Bossuet.

777. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Cette modestie chez Frédéric est sincère ; on sent qu’il rougit, en effet, d’être si loué, si admiré par son ami ; il se rabat toujours, en lui parlant, à n’être qu’un individu marqué au coin de la plus commune humanité, digne de lui pourtant par le cœur, et capable d’apprécier un ami « qui fait revivre les temps sacrés d’Oreste et de Pylade, du bon Pirithoüs, du tendre Nisus… » À la manière et à l’accent dont tout cela est dit, on ne peut supposer que ce soient des lieux communs. […] Il persiste à repousser toute comparaison, tout point de contact avec les héros, avec les conquérants ; il en est presque là-dessus aux lieux communs de la philosophie : Si les qualités du cœur peuvent entrer dans la composition d’un héros, si la fidélité et l’humanité peuvent tenir lieu de cette fureur brutale et souvent barbare des conquérants ; si le discernement et le choix des honnêtes gens peut être préféré au vaste génie de ceux qui conçoivent les plus grands desseins ; si enfin les bonnes intentions et la douceur sont préférables à l’activité de ces hommes remuants qui semblent être nés pour bouleverser tout le monde ; alors, et à ces conditions, je puis entrer en compromis avec eux.

778. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nul peuple n’a conçu ce genre de drame, dont l’action est toute morale, qui néglige tous les accidents secondaires de la vie, tous les événements extérieurs, toutes les formes changeantes de l’humanité, pour peindre l’homme en général et surtout l’homme aux prises avec lui-même dans ce grand combat de la passion et de la vertu. […] Nisard ne loue pas assez Bossuet, je vais dire qu’il le loue trop, et qu’il lui fait en quelque sorte une place trop élevée au-dessus de l’humanité.

779. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

On a dit que l’humanité est malade, que le monde est un grand hôpital. […] Chose sublime et presque incompréhensible, tant elle est le renversement des lois ordinaires qui régissent l’humanité et la vie !

780. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Cette humanité dont il est un fragment ignore sa racine. […] « Ce jour-là, l’humanité, assise sur les débris qu’elle a accumulés, ressemble au maître d’une maison le lendemain de l’incendie.

781. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

En un mot, il est un point élevé où l’art, la nature et la morale ne font qu’un et se confondent, et c’est à cette hauteur que tous les grands maîtres dramatiques que l’humanité aime à reconnaître pour siens se sont rencontrés.

782. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Il aurait eu bien à faire pour arriver de là à l’intelligence et à l’amour de l’humanité progressive et à une communion pratique de l’âme individuelle avec Dieu se révélant par l’humanité26.

783. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Voici une large période qui n’est au fond qu’une antithèse : Cent mille hommes criblés d’obus et de mitraille, Cent mille hommes couchés dans un champ de bataille, Tombés pour leur pays par leur mort agrandi, Comme on tombe à Fleurus, comme on tombe à Lodi, Cent mille ardents soldats, héros et non victimes, Morts dans un tourbillon d’événements sublimes, D’où prend son vol la fière et blanche Liberté, Sont un malheur moins grand pour la société, Sont pour l’humanité, qui sur le vrai se fonde, Une calamité moins haute et moins profonde, Un coup moins lamentable et moins infortuné Qu’un innocent, un seul innocent, condamné, Dont le sang ruisselant sous un infâme glaive, Fume entre les pavés de la place de Grève, Qu’un juste assassiné dans la forêt des lois, Et dont l’âme a le droit d’aller dire à Dieu : “Vois !

784. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Il se représentait le progrès de l’humanité comme un gain certain, mais insensible, dont le calcul ne peut se faire que de loin en loin.

785. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Mais ce que Bouddha faisait pour le salut de l’humanité, ils le font pour son plaisir, ce qui mérite plus de reconnaissance encore.

786. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

C’est pour des différences d’opinion bien plus que pour la conquête du pouvoir que les hommes de la Révolution se sont envoyés à l’échafaud : et cependant ils étaient d’accord sur les choses essentielles, l’amour de la patrie et l’amour de l’humanité.

787. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Une douceur en émerge, c’est le lied : restitution d’humanité, définitive en sa musique suave et brève, où chante l’âme de banales et divines aventures plébéiennes ou de ces souvenirs que les héroïsmes, les joies ouïes malheurs séculaires incrustent en le cœur des races ; le lied, dont l’adaptation au verbe français est le bien évident de M. 

788. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

On exalte, sans y regarder, la Fille Élisa, roman écrit, selon la déclaration de l’auteur, pour « parler au cœur et à l’émotion de nos législateurs » et auquel, en effet, les parlementaires ont pu s’intéresser sans effort, roman dont l’émotion demeure à la préface, livre pauvre d’humanité et mince de littérature, bien loin, ce me semble, des chefs-d’œuvre que fabriquait, avec son frère, M. 

789. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

On sent chez lui une âme sensible et généreuse, qui s’irrite d’une injustice et qui voudrait, pour le bien de l’humanité, diminuer les hostilités et paralyser toutes les forces mauvaises.

790. (1890) L’avenir de la science « XX »

Il faut qu’elle reste dans ses hauteurs et qu’elle y attire l’humanité.

791. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XII. Ambassade de Jean prisonnier vers Jésus  Mort de Jean  Rapports de son école avec celle de Jésus. »

Par l’abnégation, il est arrivé à la gloire et à une position unique dans le panthéon religieux de l’humanité.

792. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

L’un des deux yeux du poëte est pour l’humanité, l’autre pour la nature.

793. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Quelles différentes vues de l’humanité !

794. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Cette partie dogmatique du livre de Léon Bloy est réellement de l’histoire sacrée, comme aurait pu la concevoir et l’écrire le génie même de Pascal, s’il avait pensé à regarder dans la vie de Christophe Colomb et à expliquer la prodigieuse intervention, dans les choses humaines, de ce Révélateur du Globe, qu’on pourrait appeler, après le Rédempteur Divin, le second rédempteur de l’humanité !

795. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Si chacun peut en dire autant de soi, cela ira bien pour tous. » Vous voyez comment il faudrait très légèrement transformer cette phrase pour qu’un de ces grands individus que Taine traite de fous furieux la reprît : « Nous ne pouvons pas tous servir l’humanité de la même façon ; Marc-Aurèle, Spinoza, Gœthe, c’est très bien.

796. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Dans ces temps d’une grossièreté simple, on loua les bienfaiteurs de l’humanité, même de leur vivant : l’orgueil n’avait point encore éveillé l’envie : l’homme sauvage admire, et ne calcule point avec art pour échapper à la reconnaissance.

797. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Le libertinage d’esprit avait dissipé sa jeunesse ; la passion de la gloire avait occupé son âge mûr ; le zèle de la vérité et de l’humanité se développa en lui dans sa verte vieillesse. […] Fut-elle, comme on n’a pas cessé de l’écrire, une simple impiété, impiété non-seulement anti-chrétienne, mais anti-divine, confondant dans un même scepticisme et dans un même sacrilége toutes les manifestations religieuses, qui sont l’instinct le plus sublime, le besoin le plus intellectuel, et l’aspiration la plus sainte de l’humanité ; en un mot, Voltaire fut-il athée ? […] Rousseau, de Mirabeau dans leurs lettres ou dans leurs controverses, mais un polémiste incomparable par le don du rire comique ou du rire amer jeté comme le sel de la raison sur les ridicules des hommes ou sur les erreurs de l’humanité, le plus grand dériseur de l’esprit humain qui ait jamais vécu !

798. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Et nous avons aussi promené notre effort, Sur les sombres sillons, parmi les champs immenses, Nous avons labouré devant les granges d’or, Rêvé les nuits d’hiver aux lenteurs des semences, Scruté, les matins gris, au fond des cieux voilés, Le voyage inconnu que font les pluies nouvelles, Nous avons fait monter de la terre éternelle, Le blé divin, le pain dont vit l’humanité… (La Grande Plainte). […] Être bizarre, direz-vous, étroit, peu français, sans humanité. […] Son lyrisme se pose sur des bases inébranlables, mais il dévoile aussi un cœur avide, pris d’un forcené besoin de tendresse et qui, s’il ne se désespère pas de savoir la mort victorieuse de la beauté, se plaît au jeu divin des rythmes qui masquent mal son humanité chancelante.

799. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Mais ces vers, rares d’abord — rari nantes in gurgite vasto, — matériels, d’ailleurs, comme des camées, des soucoupes, des vases ébréchés ; rompus souvent d’un hémistiche à l’autre, tous ces débris, où un reste d’art brille et s’exhale, ne peuvent arrêter le jugement définitif que la Critique est tenue, en honneur, de porter sur un talent qui n’a plus ni ensemble, ni articulations, ni vie régulière, ni chaleur vraie, ni lumière tranquille, ni rien enfin de ce qui constitue une créature, supérieure aux facultés sensibles et raisonnables de l’humanité, comme doit l’être un poète, et qui, au contraire, peut écrire des choses comme celles-ci :                               Tout est plein d’âmes ! […] Hugo dans une préface où il nous explique didactiquement ses intentions, au lieu de les faire reluire dans les lignes pures d’une composition, explicite et parfaite, — j’ai eu pour but de peindre l’humanité sous tous ses aspects », et de fait, cela n’est pas irréprochablement exact…. Beaucoup d’aspects, et les plus grands peut-être, manquent au contraire, à cette Légende des siècles qui a la prétention d’être la Divine Comédie de l’humanité.

800. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Et puis, il faut en convenir de bonne grâce : ce que l’humanité sait le moins bien, au rebours de Petit Jean, c’est son commencement. […] Et nous avons songé : qu’est-ce donc que l’humanité, qui change ainsi, selon les climats, de visage, d’âme et de dieux ? […] Stapfer, un grand souffle d’humanité, de bienveillance et de bonté. […] Brunetière, que toutes les maximes de tolérance et d’humanité ont été longtemps combattues. […] Considérez que, s’il était aussi funeste qu’on croit, il aurait détruit l’humanité depuis longtemps.

801. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Plusieurs années après la mort, quand une vie passée apparaît avec un recul suffisant, le sacerdoce positiviste incorpore ou non l’homme au Grand être, à la réalité subjective de l’humanité. […] Elle transpose les valeurs naturelles en valeurs urbaines, le paysage en humanité. […] Vivre ordinairement la vie d’Amiel, ce serait, pour l’humanité, rigoureusement, périr. Mais une humanité où des vies comme celles d’Amiel, de Montaigne, de Marc-Aurèle, ne seraient pas vécues, perdrait en étendue, en souplesse, en communication avec les nappes intérieures de l’esprit divin. […] Une vie qui porte un fruit n’est pas manquée, mais la vie qui ne porte pas tous les fruits se croit manquée, et le philosophe garde, comme un dernier lambeau de son humanité, cette suprême illusion.

802. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Et les deux mouvements littéraires auront fait chacun leur besogne : le romantisme aura infusé du sang neuf dans l’anémie de la langue de la Restauration ; le naturalisme aura remplacé l’humanité de dessus de pendule du romantisme par de l’humanité d’après nature. […] Je crois à une peinture de la vérité plus large, plus complexe, à une ouverture plus grande sur l’humanité, à une sorte de classicisme du naturalisme. […] Edmond de Goncourt, il consiste à remplacer de plus en plus l’humanité de « dessus de pendule » du romantisme, par de l’humanité d’après nature. […] l’humanité échappera-t-elle jamais à elle-même ? […] Octave Mirbeau dont l’art est tout enflammé d’une ardeur d’humanité, pourraient bien être parmi les meneurs d’un tel mouvement.

803. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Ce n’est pas un parent, c’est l’humanité tout entière qu’il voudrait occire pour son bien. […] que l’humanité est donc exquise ! […] On y voit réalisé le rêve le plus naturel et le plus sincère de l’humanité, le rêve d’Israël si vous voulez (mais, sur ce point, toute l’humanité est Israël), un idéal qui, tout en étant celui de beaucoup de bonnes âmes, est aussi, n’en doutez point, celui de Jean Hiroux ou de Pranzini : le désintéressement solidement renté, la vertu millionnaire. […] Certainement, l’humanité vaut un peu mieux chez nous pendant les mois où le soleil brille. […] Mais l’humanité est à ce point stupide que, si le sacrifice de Polycrate jetant son anneau à la mer n’est point la conséquence logique de l’hypothèse d’Azaïs, il en est du moins la conséquence fort naturelle.

804. (1914) Une année de critique

Émile Faguet, par ce qu’il a de meilleur en lui, nous apparaît comme un moraliste, un esprit curieux d’humanité et d’humanité délicate, compliquée. […] Ainsi s’explique encore la faible qualité esthétique de son roman : le motif de l’art, c’est l’humanité telle qu’elle est, l’humanité irréductible aux fantaisies d’un rêveur. […] Il semble que Jules Renard, à mesure qu’il poursuivait son œuvre littéraire, y mettait plus d’humanité et moins de littérature. […] L’humanité qui ne tient ni l’ébauchoir, ni la palette, ni le porte-plume, est aux yeux de M.  […] Je vous dis qu’ils ne songent qu’au bien de l’humanité !

805. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Ce qui est également vrai et l’un des traits les plus essentiels à noter chez Gavarni, c’est l’humanité : il est satirique, mais il n’a rien de cruel ; il voit notre pauvre espèce telle qu’elle est et ne place pas très-haut sa moyenne mesure : il ne lui prête rien d’odieux à plaisir. […] Dans une lettre à Forgues sur les Petites miser es de la vie humaine qui ne put être insérée qu’en partie au National 32 à cause du trop d’irrévérence en politique, il y a une page des plus vraies et des plus touchantes d’humanité et de sentiment d’égalité, que je citerai peut-être un autre jour.

806. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Soumis à des vexations et des avanies journalières, il eut tout le temps de rapprendre l’humanité, la justice, s’il avait pu précédemment les oublier. […] Malgré les ordres réitérés du sous-préfet, au lieu de les séparer par petit nombre dans divers locaux convenables où ils jouiraient d’un peu d’aisance, comme leur état l’exige et l’humanité le commande, il les entasse dans un seul et même local comme des prisonniers de guerre, leur faisant fournir par les particuliers la soupe et la paille.

807. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

mais avez-vous donc oublié qu’à cette heure où Louis XVI avait péri, il n’y avait plus que deux ou trois habitants de ces ci-devant palais, des femmes comme vous, prisonnières comme vous, enfermées au Temple comme vous à Sainte-Pélagie, destinées à plus d’insultes, à plus d’outrages que vous n’en subîtes jamais ; — l’une surtout, une reine redevenue auguste par le courage et le malheur, une victime comme vous allez l’être, et que vous suivrez à trois semaines de distance sur le fatal échafaud ; celle même dont les pages secrètes retrouvées aujourd’hui viennent faire concurrence aux vôtres et avertir les cœurs généreux de ne rien maudire, de ne rien commettre d’inexpiable, et de réunir dans un même culte de justice et d’humanité tout ce qui a régné par la noblesse du sang, le charme de la bonté, par l’esprit, par le caractère, tout ce qui a lutté, combattu, souffert et grandi dans la souffrance, tout ce que le malheur a sacré ! […] Édouard de Pompery, dans le livre intitulé : la Femme dans l’humanité (librairie Hachette).

808. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Je sens son œuvre toute pleine de tout ce qui l’a précédée ; j’y découvre, avec les traits qui constituent son caractère et son tempérament particulier, le dernier état d’esprit, le plus récent état de conscience où l’humanité soit parvenue. […] Puis il a fait, comme Jean Servien, d’excellentes humanités, à l’ancienne mode.

809. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

On vit et on meurt isolé de l’immense humanité. […] En somme, s’il est vrai, comme je le pense, que la vie la plus digne d’être vécue est celle qui nous permet de connaître l’humanité à tous ses étages, sous tous ses aspects, par tous ses côtés pittoresques et dans tous ses recoins moraux, le mieux est d’être né du peuple, et du plus petit.

810. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Mais en tout cas un minimum d’humanité est nécessaire. C’est possible, mais j’observerai d’abord que ce peu d’humanité qui resterait chez les non-euclidiens, suffirait non seulement pour qu’on pût traduire un peu de leur langage, mais pour qu’on pût traduire tout leur langage.

811. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

La parabole a toujours entraîné l’humanité. L’humanité, en effet, aime l’idéal ; mais il faut que l’idéal soit une personne, un fait, un récit ; elle n’aime pas une abstraction.

812. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Il semble que, Dieu ayant donné la raison aux hommes, cette raison doive les avertir de ne pas s’avilir à imiter les animaux, surtout quand la nature ne leur a donné ni armes pour tuer leurs semblables ni instinct qui les porte à sucer leur sang. » Ces mêmes obstinés, trouvant étrange qu’on offrît pour modèles à l’humanité les loups et les ours, ont dit encore : Quand même l’histoire prouverait que de grands empires d’autrefois se sont formés par ce vol à main armée qu’on appelle la conquête, quand même de grands empires d’aujourd’hui ne seraient qu’une agglomération de provinces ou de colonies soudées de force ensemble, s’ensuit-il que le passé puisse servir de règle à l’avenir et qu’il soit permis de confondre ce qui a été ou ce qui est avec ce qui doit être ? […] Il écrivait sans hésiter : « Des classes entières doivent vivre de la gloire et de la puissance des autres. » Ainsi toute une partie de l’humanité était vouée pour jamais à n’avoir que la fumée ou les miettes d’un banquet où serait assise une élite privilégiée.

813. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Huet, enfant, et déjà poète latin, avait terminé à treize ans le cours de ses humanités ; il trouvait un guide poétique encourageant et sûr dans l’aimable M.  […] Mais l’humanité aime mieux se débarrasser et jeter à l’eau de temps en temps une bonne partie de son bagage ; elle aime mieux oublier, sauf à se donner la peine ou plutôt le plaisir de réinventer, de refaire et de redire, dût-elle redire et refaire moins bien ; mais elle veut, avant tout, avoir à exercer son activité.

814. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

En 1817, la conduite du duc de Raguse à Lyon caractérise sa ligne politique, ligne de modération et d’humanité. […] La patience, le sang-froid, le courage du maréchal, son humanité en ces extrémités irritantes, ne se démentirent pas un moment.

815. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Guyau n’absorbait point la morale entière dans la sociologie, car il considérait que le principe « de la vie la plus intensive et la plus extensive », c’est-à-dire de la moralité, est immanent à l’individu, mais il n’en admettait pas moins que l’individu est lui-même une société de cellules vivantes et peut-être de consciences rudimentaires ; d’où il suit que la vie individuelle, étant déjà sociale par la synergie qu’elle réalise entre nos puissances, n’a besoin que de suivre son propre élan, de se dégager des entraves extérieures et des besoins les plus physiques, pour devenir une coopération à la vie plus large de la famille, de la patrie, de l’humanité et même du monde. […] « Nous sentons s’enrichir notre cœur quand y pénètrent les souffrances ou les joies naïves, sérieuses pourtant, d’une humanité jusqu’alors inconnue, mais que nous reconnaissons avoir autant de droit que nous-mêmes, après tout, à tenir sa place dans cette, sorte de conscience impersonnelle des peuples qui est la littérature. » Enfin la sociabilité humaine doit s’étendre à la nature entière ; de là cette part croissante que prend dans l’art moderne la description de la nature.

816. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Aussi, si Heine se connut mieux en s’analysant davantage, il se connut ironiquement, se détesta, se méprisa, se vilipenda, et comme l’on ne sait de l’humanité que soi-même, il advint que son âme fut partagée entre la tristesse et le mépris, qu’il se conçut, même dans les œuvres où s’idéalisant, il s’érigeait en pur exemplaire humain, tantôt comme un malheureux digne de pitié et de justice, tantôt comme un misérable qu’il fallait bafouer et maltraiter. […] Et grâce à la vive facilité de son imagination, il eut le cerveau peuplé de déesses tangibles et souriantes, de dieux statuaires, majestueusement drapés ou noblement nus, figurant de leurs traits augustes, avec la joie calme qui arque leurs lèvres et éclaire leurs yeux, la plus belle phase de l’humanité intacte.

817. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Ce trouble, c’est l’humanité. […] Alors ce n’est plus un siècle seulement que leur clarté illumine ; c’est l’humanité d’un bout à l’autre des temps, et l’on s’aperçoit que chacun de ces hommes était l’esprit humain lui-même contenu tout entier dans un cerveau, et venant, à un instant donné, faire sur la terre acte de progrès.

818. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Nous ne pouvons lire sans être attendris les péroraisons touchantes de Cicéron pour Flaccus, pour Fonteius, pour Sextius, pour Plancius et pour Sylla, les plus admirables modèles d’éloquence que l’antiquité nous ait laissés dans le genre pathétique : qu’on imagine l’effet qu’elles devaient produire dans la bouche de ce grand homme ; qu’on se représente Cicéron au milieu du barreau, animant par ses pleurs le discours le plus touchant, tenant le fils de Flaccus entre ses bras, le présentant aux juges, et implorant pour lui l’humanité et les lois ; sera-t-on surpris de ce qu’il nous apprend lui-même, qu’il fut interrompu par les gémissements et les sanglots de l’auditoire ? […] Le Petit Carême du père Massillon suffira pour apprendre à nos orateurs chrétiens et à leurs juges, combien la véritable éloquence de la chaire est opposée à l’affectation du style ; nous les renvoyons surtout au sermon sur l’humanité des grands, que les prédicateurs devraient lire sans cesse pour se former le goût, et les princes pour apprendre à être hommes.

819. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Amédée Thierry a le sentiment de la grandeur humaine et jusqu’à un certain point le sentiment poétique des légendes qu’il aime à raconter, mais avec l’histoire qu’aujourd’hui il a choisie, — Attila et ses successeurs — il fallait plus que ces deux sentiments pour décrire et pour expliquer les événements étranges et sans précédents qui se produisent, comme une succession de coups de tonnerre, dans les annales de l’humanité. […] ), l’impulsion d’Attila, l’impulsion de tous ceux qui veulent brûler des Rome est toujours l’idée effroyable et naturelle d’un Communisme, éternel comme les passions de l’humanité, c’est toujours la pensée qui se cache perpétuellement dans les bas-fonds pour remonter aux surfaces de l’histoire ; qu’un jour arrive où chacun peut prendre tout !

820. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

C’est certainement par la décoration que s’est éveillé dans l’humanité le sens artistique. […] Elle cherchera d’abord à se représenter le type de la parfaite beauté humaine ; et puis, essayant de monter encore, elle s’efforcera de concevoir des êtres supérieurs à l’humanité même. […] Dans l’humanité même, quelle variété de types, irréductibles les uns aux autres, et pourtant admirables ! […] L’humanité évolue d’ailleurs, et à chacune des étapes de cette évolution doit correspondre un nouvel idéal. […] Nous avons vu qu’il prétend s’élever plus haut encore, au-dessus de l’humanité même.

821. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Puis son esprit s’émancipe, et il ne croit plus qu’à l’« Humanité. « Ainsi firent Lamartine, Hugo et tant d’autres. […] Et qu’aurai-je vu, s’il est vrai que l’humanité doit durer encore des milliers et des milliers d’années ? […] Les deux vaillants poètes pousseraient-ils le désir de tout arranger et l’humanité boulevardière jusqu’à supprimer le crucifiement ? […] Candé — non plus sous la souquenille de Barabbas, mais bien mis et rasé de frais, ce qui signifie sans doute l’humanité régénérée, — se rencontrent près du tombeau, et échangent quelques strophes. […] Tout cela, c’est, si je-puis dire, de l’humanité de rampe et de la psychologie au blanc-gras.

822. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Il y a près de deux mille ans que le christianisme a donné la solution de tous les graves problèmes que se pose éternellement l’humanité.

823. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

L’humanité n’a pas dit son dernier mot ; sur notre sol ou dans d’autres régions, un grand siècle littéraire succédera aux grands siècles littéraires du passé.

824. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Malgré les maux infinis que les opinions religieuses ont faits à l’humanité, malgré les inconvénients d’un système qui met la confiance des peuples entre les mains du prêtre, toujours rival dangereux du souverain, qui donne un supérieur au chef de la société et qui institue des lois plus respectables et plus saintes que les siennes ; elle est persuadée que la somme des petits biens journaliers que la croyance produit dans tous les États compense la somme des maux occasionnés entre les citoyens par les sectes et entre les nations par l’intolérance, espèce de fureur maniaque à laquelle il n’y a point de remède81.

825. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

L’humanité a trop conscience qu’il y a beaucoup de choses qu’elle ne comprend pas pour se tromper à ce point sur ses propres forces.

826. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Sans la prétention littéraire qui les distingue et qui est leur caractéristique, ils ne seraient que des pauvres, non pas de ceux-là que l’admirable Église catholique appelle « les membres de Jésus-Christ », titre sublime qui révolterait leur orgueil ; non pas de ces pauvres honteux qui sont si touchants ; mais des pauvres sans honte, faméliques, paresseux, envieux, impudents, enragés, comme il en existe partout, dans toutes les sociétés du monde, — le fond commun de l’humanité, qui se répète, hélas !

827. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Croire que la contemplation des choses naturelles, que la solitude dans les bois ou sur les rivages a cette puissance de retremper la volonté, viciée en son principe, dans l’homme, et de le rendre un être moral plus fort et plus profond qu’avant de se promener sur ce rivage et dans ces bois, s’imaginer qu’on devient vertueux par l’influence du paysage, c’est la rêverie et l’illusion de quelqu’un qui aime mieux la nature qu’il ne comprend l’humanité.

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