/ 1833
927. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Louandre10 La littérature nous a offert dans ces derniers temps quelques livres supérieurs à ce qui se publie d’ordinaire, et nous les avons examinés avec le soin et la conscience que tout homme qui a le respect du travail et de l’effort ne manquera jamais d’avoir, même quand il s’agirait d’œuvres surfaites.

928. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Chassant loin du devoir l’intérêt adultère, Avec sa conscience il ne fit point de troc ; Il affronta sans peur le plus terrible choc, Et, le danger fini, sut noblement se taire.

929. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Et puis souvent, à ces précieuses interviews, il dut joindre un bref examen de conscience : c’est prudence, en effet, de regarder la construction de son instrument, avant d’en enregistrer les résultats.

930. (1890) Dramaturges et romanciers

Comme il est honnête, sa conscience l’avertit que son devoir est de ne manger personne, mais qu’une fois ce devoir négatif accompli, son droit incontestable est de combattre à outrance pour n’être pas mangé. […] Les brillants scandales de la littérature romantique avaient eu quelque chose de choquant et d’insultant, non seulement pour la conscience, mais, ce qui est quelquefois plus grave, pour l’amour-propre des honnêtes gens. […] Sibylle sacrifie son bonheur et son existence à une raison de conscience. […] Chacune des paroles du bien-aimé est une blessure pour sa conscience et son cœur. […] Si elle est sans responsabilité, est-elle donc sans remords, et si elle est sans moralité, est-elle sans conscience ?

931. (1932) Les idées politiques de la France

Mais il l’est alors avec une conscience craintive. […] Cette conscience de l’héritage a fourni toute leur philosophie sociale à deux Français, aussi immodérément français que Barrès et Maurras. […] L’affaire de l’Action française a mis en pleine lumière des cas de conscience tragiques. […] L’éducation nationale a pour fin dernière de créer cette unité des esprits et des consciences. » C’est la pure doctrine du fascisme et la pure doctrine de Moscou. […] Il notera qu’entre le pharisaïsme et le libéralisme (voyez Macaulay) il y a toujours eu en Angleterre une certaine affinité, et, plutôt encore que chez le voisin, il essaiera de discerner ces affinités dans sa conscience.

932. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

La voilà implantée, la grande idée anglaise, j’entends la persuasion que l’homme est avant tout une personne morale et libre, et qu’ayant conçu seul dans sa conscience et devant Dieu la règle de sa conduite, il doit s’employer tout entier à l’appliquer en lui, hors de lui, obstinément, inflexiblement, par une résistance perpétuelle opposée aux autres et par une contrainte perpétuelle exercée sur soi. […] On en a laissé tomber les distinctions et les subtilités byzantines ; on n’y a point introduit les curiosités et les spéculations germaniques ; c’est le dieu de la conscience qui seul y règne ; les douceurs féminines en ont été retranchées ; on n’y trouve point l’époux des âmes, le consolateur aimable, que l’Imitation poursuit dans ses rêves tendres ; quelque chose de viril y respire ; on voit que l’Ancien Testament, que les sévères psaumes hébraïques y ont laissé leur empreinte. […] À proprement parler, il n’y a qu’elle ; le monde est une figure qui la cache ; mais le cœur et la conscience la sentent, et il n’y a rien d’important, ni de vrai dans l’homme, que l’étreinte par laquelle il la tient.

933. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Et quanti l’homme était encore absent de la terre, quand son œil n’était pas là pour jouir de ces décorations, qu’importe, elles se réfléchissaient dans l’œil des animaux qui la peuplaient, et qui, en harmonie eux-mêmes avec la géométrie divine, goûtaient de cette beauté du monde les rayons qu’ils pouvaient en saisir et qui les animaient, comme encore aujourd’hui, sans qu’ils en eussent conscience, comme l’air qu’ils respirent, la lumière qui les éclaire, la chaleur qui les échauffe, l’orage qui les effraie. […] Mais il y a cette différence qu’à peine avons-nous conscience dans certaines maladies des phénomènes de notre vie de nutrition, tandis qu’à l’exception, au contraire, de certaines maladies et du sommeil complet, nous avons conscience des phénomènes de notre vie intellectuelle.

934. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Les vérités qu’il s’est proposé d’établir obligent la conscience de l’homme ; elles règlent toutes ses actions ; elles ne le quittent pas d’un instant dans cette course de la naissance à la mort qu’on appelle la vie ; elles ne peuvent pas être méprisées ni éludées impunément ; elles perdent ou elles sauvent. […] Mais les Provinciales n’enfoncent pas si avant que les Pensées ; elles ne jettent point dans la réflexion et la rêverie ; elles s’adressent, pour ainsi dire, à ce qui est toujours prêt en nous, à la raison courante, à la conscience d’habitude, à ce sentiment du ridicule qui cherche sans cesse où se prendre. […] Ainsi, dans la sixième lettre, après l’anecdote de Jean d’Alba, ce valet des jésuites qui, devant le Châtelet, se défendait par les maximes des pères d’avoir volé leur vaisselle, l’interlocuteur fait remarquer au père que c’est peu d’avoir mis les gens en assurance à l’égard de Dieu, de leur conscience et du confesseur, si l’on n’est pas parvenu encore à les mettre en assurance du côté des magistrats ; et il ajoute : « Votre pouvoir est de grande étendue : obligez-les d’absoudre les criminels qui ont une opinion probable, à peine d’être exclus des sacrements. — Il y faudra songer, reprend le père : cela n’est pas à négliger.

935. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Je serai satisfait si, après avoir écrit la vie de Jésus, il m’est donné de raconter comme je l’entends l’histoire des apôtres, l’état de la conscience chrétienne durant les semaines qui suivirent la mort de Jésus, la formation du cycle légendaire de la résurrection, les premiers actes de l’église de Jérusalem, la vie de saint Paul, la crise du temps de Néron, l’apparition de l’Apocalypse, la ruine de Jérusalem, la fondation des chrétientés hébraïques de la Batanée, la rédaction des évangiles, l’origine des grandes écoles de l’Asie-Mineure, issues de Jean. […] Pour faire l’histoire d’une religion, il est nécessaire, premièrement, d’y avoir cru (sans cela, on ne saurait comprendre par quoi elle a charmé et satisfait la conscience humaine) ; en second lieu, de n’y plus croire d’une manière absolue ; car la foi absolue est incompatible avec l’histoire sincère. […] Profondément inégales et d’autant plus divines qu’elles sont plus grandes, plus spontanées, les manifestations du Dieu caché au fond de la conscience humaine sont toutes du même ordre.

936. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Un critique, que toutes les questions de théâtre trouvent à son poste de feuilletoniste, armé de conscience et de bon sens, M.  […] Si nos études nous ont donné un peu de justice, et quelquefois un peu de regret pour le passé, nous croyons que nous avons montré dans nos livres historiques assez d’indépendance pour mécontenter toutes les opinions ; et nous avons cette conscience que nos romans se sont assez intéressés aux misères populaires du présent, et aux larmes des pauvres. […] Nous ne sommes pas de ceux qui écrivent pour tel ou tel théâtre ; nous écrivons pour le public que peut intéresser, sur n’importe quelle scène, une pièce qui a au moins la conscience d’être une œuvre d’art.

937. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

À chanceler sans équilibre et à balbutier sans parole pendant les premières années, qu’on appelle heureuses parce qu’elles sont celles où l’homme a le moins conscience de son être, et qu’elles ressemblent, en effet, le plus au néant ; à grandir pendant quelques autres années, et à recevoir, par transmission de ses parents, une certaine dose d’idées reçues, les unes sagesse, les autres sottises, dont se compose, pour l’homme, la pensée de sa tribu, ce qu’on appelle la civilisation, s’il est civilisé, ou la barbarie, s’il ne l’est pas : la différence n’est pas très sensible à qui contemple de très haut et des sommets de la vérité éternelle ces deux conditions de l’espèce humaine. […] Demandez-le au magistrat sans repos dans la conscience, au médecin sans sommeil sur son oreiller, à l’ambitieux sans limite dans sa soif de domination et de primauté sur ses semblables, à l’orateur, à l’écrivain, au poète, dévorés de l’insatiable désir de surpasser leurs rivaux ou de se surpasser eux-mêmes, hommes tellement affamés de renommée, dont ils font du pain pour leurs enfants, que, s’ils croyaient trouver une nouvelle veine de talent dans leur propre sang, ils se saigneraient eux-mêmes aux quatre membres pour jeter leur vie au public en retour d’un peu de gloire ou d’un peu de pain ! […] Cependant, malgré cette évidente immatérialité de l’âme, il est évident aussi qu’excepté la conscience, qui est innée en nous (précisément parce que la matière ne pouvait pas révéler à l’âme la moralité que la matière n’a pas, nemo dat quod non habet ) ; il est évident, dis-je, que l’âme humaine, pendant qu’elle est associée au corps, reçoit toutes ses impressions et toutes ses notions par les sens, ces lucarnes du cachot de l’âme.

938. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Que de hautes intelligences, que de fières consciences parties pour le grand voyage de la vie ont fait naufrage au sortir du port contre l’écueil du faux ménage et y ont sombré pour jamais ! […] Mais je ne veux pas insister sur ce point, trop heureux de présenter non seulement un livre à très grand succès, mais aussi une œuvre d’étude et de rare conscience. […] Je veux citer quelques passages de ce livre de conscience et d’art. […] L’idée de la Morte, c’est le spiritualisme triomphant du préjugé matérialiste qui envahit les consciences et en paralyse le jeu naturel. […] Ils iront grossir la foule que le pessimisme entraîne à sa suite vers des nirvânas pires que ceux de l’Orient ; ils maudiront la conscience qui ne leur a donné que le sentiment de la souffrance et du vide.

939. (1911) Études pp. 9-261

Elle faisait son examen de conscience. […] Les choses attendent de lui la conscience ; elles exigent tacitement que leur effort obscur, leur co-naissance deviennent en lui une connaissance claire, une image. […] La matière de chaque œuvre, c’est un monde invisible de sentiments, un moment de la conscience. […] Pour avoir conscience de soi, ne faut-il pas à chaque minute se ressaisir, se poser à nouveau au principe de soi-même ? […] La conscience de cette richesse intime rend cette âme surprise.

940. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Le rêve est si fort, qu’il n’est pas bien sûr de n’être pas là-bas à Londres. « Il devient ainsi son propre spectre et son propre fantôme. » Et cet être imaginaire, comme un miroir, ne fait que redoubler devant sa conscience l’image de l’assassinat et du châtiment. […] » Le supplice de prendre le corps dans ses bras, et de le poser, pour le faire reconnaître, aux pieds de tous les passants, ne serait point plus lugubre que l’idée fixe à laquelle sa conscience l’a condamné. » Jonas est sur le bord de la folie. […] Nous ne voulons pas qu’il se sépare de sa conscience et perde de vue la pratique. […] Désespéré dans le cœur, dévoré par l’insulte, par la conscience de sa défaite, par l’idée de la risée publique, il reste aussi ferme, aussi hautain, aussi calme qu’il fut jamais.

941. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Il n’est pas seulement un effet de notre sensibilité : il dépend aussi un peu de notre raison, de notre goût, de notre expérience, même des dispositions et habitudes de notre conscience morale. […] Le meurtre, par le moyen d’un bouton qu’on presse, d’un « mandarin » invisible, est, en soi, un crime aussi abominable qu’un assassinat par le couteau ; mais il n’est clairement tel qu’aux yeux d’une conscience très formée. […] Il a ce grand mérite, de soulever fréquemment des cas de conscience, sans s’en douter peut-être, et rien que par la façon dont il observe et traduit la réalité. […] Ils cèdent enfin aux évangéliques objurgations de Mikils, à qui la conscience de sa lâcheté charnelle a fait l’esprit miséricordieux, et surtout à l’intervention hardie de Norah, cette aimable prime-sautière n’ayant rien trouvé de mieux, pour hâter le pardon, que de déclarer à ses parents qu’elle a fait, elle, bien pis que sa grande sœur. « … Tu le sais bien, toi, Lia ; tu le sais bien, puisque c’est toi qui m’as raccommodée avec Auguste.

942. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

« Il n’y a rien de plus ridicule », ajoutait-il, « et il semble que tout y ait été fait exprès en dépit du bon sens. » La chose ne valait pas que Boileau se fît un cas de conscience de n’avoir pas été assez sévère : mais la satire ne disait rien de trop. […] Racine, la reçoit comme un aveu, de la conscience même de ces hommes chez qui le mal est mêlé de bien, au-dessous du nombre infiniment petit des héros, au-dessus de cette foule sans nom, qui se conduit par l’imitation, et à qui n’appartiennent ni ses vertus ni ses vices. […] Ainsi, l’effet moral des deux théâtres est le même : il y a pour la conscience le même profit à reconnaître la justice de l’expiation qu’à applaudir à la justice de la récompense. […] Sa conscience approuve le triple châtiment qui ôte la raison ou la vie à trois des personnages principaux, coupables d’avoir sacrifié le devoir à la passion.

943. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Mais un romancier ne peut plagier que des œuvres d’imagination ; s’il se borne à chercher des détails curieux dans des ouvrages spéciaux, cela fait seulement honneur à sa conscience d’écrivain. […] On nous pardonnera cette longue citation : elle montre, mieux que ne pouraient le faire des anecdotes, la conscience que M.  […] Et, depuis ce moment, il étudia son rôle avec une ardeur que rien ne ralentit, avec une conscience que rien ne rebuta. […] Je ne lui demande pas plus d’égards que ses héros n’ont de conscience.

944. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

La conscience de l’humanité est la plus haute image réfléchie que nous connaissions de la conscience totale de l’univers. […] Le meilleur serait pour lui de constater qu’au fond il n’est, malgré toute son honnêteté de conscience, qu’un mauvais prêtre incapable d’enseigner et de défendre sa religion. […] » La bonne Sœur faisait marcher ses aiguilles avec une conscience telle que le manège lui échappa complètement. […] SA CONSCIENCE, les lui ouvrant. […] Cas de conscience perpétuel, dirai-je, travail d’honneur que l’artiste doit faire sur lui-même, et qui, dans l’élaboration mystérieuse de son œuvre, est le seul dont il ait le secret.

945. (1774) Correspondance générale

Adieu, portez-vous bien, et tenez-vous-en sur le compte de vos amis au témoignage de votre conscience. […] Je sais bien que, quoi que vous fassiez, vous aurez pour vous le témoignage de votre conscience ; mais ce témoignage suffira-t-il seul ? […] Si les frères Desgrey succombent, comme je me le promettrais si je pouvais donner à leur chef la même conscience que j’ai, ils resteront dans leur état, et ils y seront bien s’ils reviennent de leurs folies. […] votre conscience s’est chargée d’un pesant fardeau ; et il n’y a qu’un moyen de s’en soulager, c’est de rendre incessamment à M.  […] Un morceau de pain, noir ou blanc peu importe, un pot d’eau claire, quelques livres, un ami, et de temps en temps les charmes d’un petit entretien féminin ; voilà, avec une conscience tranquille, tout ce qu’il me faut.

946. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Les mœurs africaines, la traite et la révolte des esclaves, y sont peintes des plus vives couleurs, et l’on y puise une généreuse indignation contre un trafic hautement désavoué par la conscience des peuples.

947. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Quelle que soit l’horreur qu’inspire un scélérat, il surpasse toujours ses ennemis dans l’idée qu’il se fait de la haine qu’il mérite ; par-delà les actions atroces qu’il commet à nos yeux, il sait encore quelque chose de plus que nous qui l’épouvante, il haït dans les autres l’opinion que, sans se l’avouer, il a de son propre caractère ; et le dernier terme de sa fureur serait de détester en lui-même ce qu’il lui reste de conscience, et de se déchirer s’il vivait seul.

948. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

C’est surtout en combinant, en développant des idées abstraites, en portant son esprit chaque jour au-delà du terme de la veille, que la conscience de son existence morale devient un sentiment heureux et vif ; et quand une sorte de lassitude succéderait à cette exertion de soi-même, ce serait aux plaisirs simples, au sommeil de la pensée, au repos enfin, mais non aux peines du cœur, que la fatigue du travail nous livrerait.

949. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

C’est que, en effet, il règne sur cette Provence à qui il a donné conscience d’elle-même.

950. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Première partie : ce seront les sanglots de la pensée, du cerveau, de la conscience de la terre.

951. (1890) L’avenir de la science « XI »

Là est le prix de l’érudition, créant de nouveau le passé, explorant toutes les parties de l’humanité ; qu’elle en ait ou non la conscience, l’érudition prépare la base nécessaire de la philosophie.

952. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

Ne retiens de mes paroles que les notions simples, acceptées librement par ta conscience quand ta raison t’aura démontré qu’elles sont justes.

953. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

La Liberté qui est donnée à la conscience est donnée de la façon la plus capricieuse. […] Il fait taire les objections de sa conscience, et endurcit son cœur contre les spectacles les plus émouvants, en se répétant à lui-même que ses intentions sont pures, que son objet est noble, et qu’il fait un petit mal pour un grand bien. Par degrés, il arrive à oublier entièrement l’infamie des moyens en considérant l’excellence de la fin, et accomplit sans un seul remords de conscience des actions qui feraient horreur à un boucanier. […] The freedom which is given to conscience is given in the most capricious manner. […] He silences the remonstrances of conscience, and hardens his heart against the most touching spectacles of misery, by repeating to himself that his intentions are pure, that his objects are noble, that he is doing a little evil for the sake of a great good.

954. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Mais s’il m’est impossible de lui écrire comme il me plaît, n’est-ce pas toute la liberté de la correspondance, une forme de la liberté de conscience, qui est supprimée ? […] Elle peut agir selon sa fantaisie avec les papiers dont elle hérite et elle n’a d’autre compte à rendre qu’à sa conscience ou à Dieu. […] Toutes les objections, que j’ai relevées dans le chapitre précédent et qui se fondaient essentiellement sur la liberté de pensée, le droit de maintenir sa vie privée indépendante, n’ont plus de sens, puisque la conscience de l’individu, auquel pouvaient se rapporter ces mesures, n’existe plus. […] En lui faisant perdre la conscience de son incompétence habituelle, nous l’érigeons en tyran. […] Quant à ceux-là qui font trafic de lettres privées à eux adressées, ils sont justiciables, pour pareille indélicatesse, avant tout de leur conscience, et de leur sens des convenances… Veuillez agréer, mon cher confrère, l’expression de mes sentiments bien dévoués.

955. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

En réalité, l’histoire est sans doute la discipline où il est le plus nécessaire que les travailleurs aient une conscience claire de la méthode dont ils se servent. […] Observez cependant que l’on agit très souvent comme si l’on n’en avait pas conscience. […] A cet effet, ils administrèrent aux érudits sans conscience ou sans méthode des corrections publiques, propres à les dégoûter pour toujours de l’érudition. […] Assurément cette critique superficielle vaut beaucoup mieux que l’absence de critique, et elle a suffi pour donner à ceux qui l’ont pratiquée la conscience d’une supériorité incontestable. […] Les historiens — presque tous sans en avoir conscience et en croyant observer des réalités — n’opèrent jamais que sur des images.

956. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Pour des Français, cela ralentirait le dénouement ; pour des Anglais, cela complète la vérité et satisfait la conscience publique. […] qui ont la passion avec la réflexion, la conscience avec la science ! […] La calomnie n’est-elle pas, souvent, la dernière récompense du devoir accompli, la suprême couronne de la conscience triomphante au sein de l’obscurité et de l’abnégation ? […] Or, le caractère du génie n’est-il pas, au contraire, de posséder la conscience pleine et entière de ce qu’il fait, de ce qu’il veut ? […] « Haydn resta toujours l’enfant de chœur enrégimenté dans ce vaste empire, qu’il ne pensa jamais à regarder avec sa conscience d’homme libre.

957. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Contre ce genre passif, inorganique, la conscience littéraire de Flaubert protestait (bien qu’il l’ait pratiqué). […] Lorsqu’il accompagne une conscience critique, une pente descendue de romantisme, il produit l’Éducation Sentimentale et Bouvard. […] Le style, c’est tantôt l’homme automate fait d’habitudes, tantôt l’homme social fait d’influences, tantôt l’homme individuel fait de conscience et de volonté. […] Il serait absurde de lui faire dire que Victor Hugo a eu conscience du symbolisme qu’il lui prête. […] Pommier contribuent à déclasser, ou plutôt à mieux classer, le problème de la lutte intérieure et de la crise de conscience chez Renan.

958. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Mercure étant apparu aussitôt et ayant demandé la cause de ces larmes, chacun d’eux répondit qu’il avait perdu sa hache dans le fleuve, etc. »172 Je suppose qu’arrivé là, La Fontaine s’est mis à bâiller, respectueusement sans doute, en se disant, par conscience, qu’Esope était un grand homme, et « méritait des autels. » Mais en faisant ces réflexions décentes, sa main allait chercher au bout de la table un petit volume, assez mal famé, et qu’il aimait trop ; il ouvrait maître Rabelais et y lisait le même conte, l’imagination allumée par tout ce que le grand rieur lui faisait voir : « De son temps était un pauvre homme villageois, natif de Gravot, abatteur et fendeur de bois, et en cettuy état gagnait cahin-caha sa pauvre vie. […] Il n’a pas même contre lui sa conscience. […] Les grandes oeuvres poétiques sont comme les grandes oeuvres naturelles : elles renferment un raisonnement intérieur dont elles n’ont pas conscience, et sont un syllogisme en action.

959. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

L’empereur de la Chine a la curiosité de lire ce livre de Cicéron ; les interprètes le traduisent ; il admire le livre et la république romaine. » XII Le début du second livre de cet ouvrage a la candeur d’une confidence et la majesté de la conscience. […] Sa maxime est la maxime contraire : « La morale est la même pour la vie publique que pour la vie privée, seulement la morale politique est plus grande ; mais il n’y a pas deux morales, une pour l’homme, une pour le citoyen, parce qu’il n’y a pas deux consciences. » De là découle pour le citoyen, selon Cicéron, le devoir d’un patriotisme à tout prix, dont il fut lui-même le plus bel exemple. […] Alors il n’avait pu se passer de roi ; maintenant, après l’expulsion de Tarquin, le nom même de roi lui était odieux. » Il combat ensuite, avec une vigueur qu’il puise dans la conscience autant que dans la raison, la doctrine de Machiavel, vieille comme le monde, qu’on doit gouverner les hommes par l’habileté et l’injustice, pourvu que l’habileté et l’injustice produisent la force.

960. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Là donc les consciences sont à jour, de même que ces maisons impénétrables, noires et silencieuses, n’ont point de mystères. […] Cette physionomie calme, colorée, bordée de lueur comme une jolie fleur éclose, reposait l’âme, communiquait le charme de la conscience qui s’y reflétait, et commandait le regard. […] Elle éprouvait déjà les effets de cette profonde pudeur et de cette conscience particulière de notre bonheur qui nous fait croire, non sans raison peut-être, que nos pensées sont gravées sur notre front et sautent aux yeux d’autrui.

961. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Leur récompense est dans la conscience de leur auteur. […] Ce n’est pas qu’il faille blâmer la science, ni la simple connaissance d’aucune chose ; car elle est bonne en soi et dans l’ordre de Dieu ; seulement on doit préférer toujours une conscience pure et une vie sainte. […] Il y en a de deux espèces, me répondis-je bientôt : l’une morte et l’autre vivante ; l’une qui disserte et ne conclut pas, l’autre qui conclut sans disserter ; l’une qui dit oui et non, l’autre qui dit : Je n’en sais rien, mais je consulte mon cœur ignorant, et j’affirme sur la parole muette de ma conscience.

962. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

C’est que cette symphonie en Ut mineur nous retient comme l’une des rares conceptions du maître où une émotion, vive et cruelle, de souffrance, est le point de départ, et se développe, graduellement, à travers la consolation, l’élévation de l’âme, jusque le plein éclat de la joie dans la conscience du triomphe. […] Cet instinct, comme nous l’avons montré au début de notre recherche, s’est trouvé d’accord avec l’effort de Beethoven à conserver, pour la conscience, la bonté première de la nature humaine, contre toutes les inspirations de la vie positive tournée vers la seule Apparence ; à la conserver, ou peut-être à la gagner de nouveau. […] La question fondamentale de tout son système est : une telle âme, dans la plénitude de sa conscience et de son impressionabilité, peut-elle jamais arriver à ce, à quoi elle a droit ?

963. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Sa troisième pensée est de lui construire un acte de foi et un culte ; sa quatrième pensée est de déduire de cette foi, de ce culte et de sa propre conscience, une morale ou un code du bien et du mal conforme, le plus possible, à l’idée que l’homme se fait de ce qui plaît ou de ce qui déplaît à l’Être des êtres. […] Je me jurai à moi-même de ne jamais retrancher par caprice une heure de soleil à ces hôtes des bois ou à ces oiseaux du ciel qui savourent comme nous la courte joie de la lumière, et la conscience plus ou moins vague de l’existence sous le même rayon. […] Ne consulte pas tes vaines opinions ou tes vaines terreurs ; ne consulte que ta conscience et ton devoir, qui te commandent de mourir pour tes frères et pour la cause de ton peuple.

964. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Nous parlerons de tout ce qui attire les yeux de la foule et des artistes ; — la conscience de notre métier nous y oblige. — Tout ce qui plaît a une raison de plaire, et mépriser les attroupements de ceux qui s’égarent n’est pas le moyen de les ramener où ils devraient être. […] Nous l’ignorons. — Un public a toujours, il est vrai, une conscience et une bonne volonté qui le précipitent vers le vrai ; mais il faut le mettre sur une pente et lui imprimer l’élan, et notre plume est encore plus ignorée que le talent de M.  […] Tous les portraits de Henri Scheffer sont faits avec la même probité, minutieuse et aveugle ; la même conscience, patiente et monotone.

965. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Non, la tradition nous le dit, et la conscience de notre propre nature civilisée nous le dit encore plus haut, la raison toujours doit présider et préside en définitive, même entre ces favoris et ces élus de l’imagination ; ou si elle ne préside pas constamment et si elle laisse par accès courir la verve, elle n’est jamais loin, elle est à côté qui sourit, attendant l’heure prochaine et l’instant de revenir. […] Pour des travaux qui, faits avec conscience et modestie (comme nous en pourrions citer), appellent l’estime, je vois venir le moment où l’on n’aura plus assez de couronnes.

966. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Aussi, je ferai remarquer tout d’abord, pour décharger ma conscience, que venir le présenter comme le type et le modèle de la Critique littéraire sous le premier Empire et mettre ce second titre, comme on l’a fait, au frontispice des deux volumes qu’on publie, c’est un peu abuser de la permission qu’on se donne généralement de grossir les choses dans le passé. […] Je ne puis croire d’abord que vous me refusiez l’ornement que je sollicite pour mon livre, et, dans tous les cas, bien que j’aie la conscience de m’être souvent lourdement mépris et surtout d’être passablement ignorant dans l’histoire de la philosophie où vous tenez le sceptre, Wyttenbach (in qua tu régnas, Wyttenbachi), j’aime à croire que vous êtes trop généreux pour songer à faire de moi un sujet de risée : ce n’est pas là le caractère que je vous connais. » Un érudit plus ferré que Boissonade, et plus crâne aussi, eût répondu aux amis de Wyttenbach : « Je l’attends l’arme au poing et je serai toujours prêt à le servir. » Un beau duel avec un illustre est une bonne fortune pour tout débutant qui aspire à se faire un nom.

967. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

C’est là, dans cette vallée qu’ont chantée les poètes, au milieu de la société d’amis de son choix, qu’il se recueillit de nouveau, fit son examen de conscience et se dit sans doute qu’il avait assez et trop dépensé de sa vie à des efforts infructueux, à des collaborations politiques sans résultat et sans issue : il résolut de redevenir une dernière fois ce que la nature l’avait surtout prédestiné à être, un observateur historique et un écrivain. […] Quoi qu’il en soit, on n’a jamais scruté sa pensée avec plus de conscience que Tocqueville ; on ne l’a jamais exposée avec plus de sincérité.

968. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Il vaut encore mieux cependant que ce qui l’entoure. » Il a conscience dès lors de son incompatibilité, s’il fonde quelque chose, et du rôle qu’il doit tenir et qui ne peut être celui d’auxiliaire et de second : « Si nous faisons un ouvrage périodique, je suis convaincu qu’il faut que nous en soyons absolument les maîtres, et par conséquent les seuls rédacteurs. » On voit donc qu’avec des idées toutes contraires il a déjà le même caractère qu’il conservera jusqu’à la fin : c’est qu’on peut changer ses opinions et les retourner du tout au tout, on ne change pas son caractère. […] Bruté, le 28 octobre 1815 : « Reposez-vous sur mon cœur et bien spécialement sur ma conscience du sort de ce bien-aimé Féli ; il ne m’échappera point, l’Église aura ce qui lui appartient. » L’influence personnelle de l’abbé Carron sur La Mennais était trés-secondée et favorisée à ce moment par les circonstances.

969. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Le voyage de Jomini à Prague au-devant de sa famille ne l’empêcha point de rejoindre à temps l’empereur de Russie avant les journées de Leipsick, son rôle de donneur de conseils fut ce qu’on a vu déjà : il était une Cassandre prophétique, qui parlait pour l’acquit de sa conscience et qu’on n’écoutait qu’à demi. […] Après Leipsick, Jomini crut devoir se retirer du quartier général des Alliés ; il en demanda, dès Weimar, l’autorisation à l’empereur Alexandre, alléguant « que rien n’arrêterait plus les armées alliées jusqu’au Rhin ; que de deux choses l’une : ou que l’on ferait la paix, si l’on se contentait d’avoir assuré l’indépendance des puissances européennes ; ou que, si l’on continuait la guerre, on marcherait vers Paris ; que dans ce dernier cas il lui paraissait contre sa conscience d’assister à l’invasion d’un pays qu’il servait encore peu de mois auparavant. » Jomini estimait, à la fin de 1813, que l’invasion de la France serait pour les Alliés une beaucoup plus grosse affaire qu’elle ne le fut réellement : « J’avoue, écrivait-il en 1815, qu’aussitôt qu’il a été question d’attaquer le territoire français mon jugement politique et militaire n’a pas été exempt de prévention, et que j’ai cru qu’il existait un peu plus d’esprit national en France… Est-il besoin, ajoutait-il pour ceux qui lui en faisaient un reproche, de se justifier d’un sentiment de respect pour un Empire que l’on a bien servi et auquel on a vu faire de si grandes choses ? 

970. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Voltaire est merveilleusement apprécié ; je remarquerai seulement et signalerai à l’auteur, pour qu’il le revoie peut-être, un certain paragraphe de la page xlii 21, qui offre beaucoup d’embarras et de pesanteur dans la diction : je ne voudrais pas qu’on pût dire que le malin a porté malheur, sur un point, à qui l’examine avec tant de conscience et avec une profondeur si sérieuse, éclairée du goût. […] Ce procès amena le dernier et éloquent écrit, 5° Essai sur la Conscience et sur la Liberté religieuse (Paris-Genève, 1829). — M.

971. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

La lâcheté des médecins qui les avait fait renoncer à l’idée d’une troisième saignée si la seconde ne produisait pas un assez grand soulagement, ne les empêchait pas de penser, qu’elle serait vraisemblablement nécessaire ; mais ils s’étaient engagés, et, pour satisfaire à la fois leur parole et leur conscience, ils prirent le parti de faire faire la seconde saignée tellement abondante, qu’elle pût tenir lieu d’une troisième. […] On verra bien aisément que je donnais l’avis qui était le moins selon mes désirs ; mais il était selon ma conscience, et j’aurais été coupable de soutenir celui de M. de Bouillon, dont pourtant je désirais l’exécution, puisqu’en donnant au roi la certitude qu’il avait une maladie aussi dangereuse, il le déterminait à recevoir les sacrements et à renvoyer tout cet odieux tripot, toute cette infâme et honteuse clique.

972. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

L’homme a besoin de s’appuyer sur l’opinion de l’homme ; il n’ose se fier entièrement au sentiment de sa conscience ; il s’accuse de folie, s’il ne voit rien de semblable à lui ; et telle est la faiblesse de la nature humaine, telle est sa dépendance de la société, que l’homme pourrait presque se repentir de ses qualités comme de défauts involontaires, si l’opinion générale s’accordait à l’en blâmer : mais il a recours, dans son inquiétude, à ces livres, monuments des meilleurs et des plus nobles sentiments de tous les âges. […] Les ambitieux et les avides, tantôt cherchent à tourner en dérision la duperie de la conscience, tantôt s’efforcent de supposer d’indignes motifs à des actions généreuses : ils ne peuvent supporter que la morale subsiste encore ; ils la poursuivent dans le cœur où elle se réfugie.

973. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Appliquée dans les écoles de philosophie ancienne à sauver les chefs-d’œuvre de la poésie et les mythes de la vieille religion de la condamnation inévitable que la conscience morale de l’humanité, chaque jour plus éclairée, eût portée contre leur primitive grossièreté, l’allégorie fut reprise par les chrétiens, d’abord pour autoriser l’étude de la littérature païenne, puis pour justifier aux yeux des fidèles maints passages des saintes Ecritures, dont leur simple honnêteté se fût scandalisée, enfin pour exposer sous une forme plus attrayante et plus vive les vérités dogmatiques de la religion et de la morale. […] Pour la direction des consciences du monde poli, l’Art d’aimer fut mis souvent en français : Chrétien de Troyes même s’y était essayé91.

974. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

ne vous gênez pas, je comprends tout  A un enfant : Aime bien ta mère et soutiens-la  J’ai beaucoup souffert, j’ai été proscrit et fugitif, mais j’avais la conscience tranquille  « A deux ennemis amis » : Réconciliez-vous. […] Après la libération du territoire : je ne me trouve pas délivré je ne le serai que lorsque nous aurons repris Metz et Strasbourg  Aux historiens : Ne cherchez pas à expliquer les traîtres ; on croirait que vous les excusez  Vous n’arrêterez pas la Démocratie montante  Toutes les fois qu’un crime se préparera contre le peuple, ma conscience rugira… En deux mots, maintenant : « Tout est obscur.

975. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Dans le rôle, l’amour de l’humanité, l’amour de la justice ; dans l’homme, l’humeur pour règle, la conscience parlant bas comme si elle avait peur d’être un préjugé ; le bien et le mal au hasard du tempérament ; les vices de l’individu reprochés à la société ; la prédication dans les livres tenant lieu d’innocence ; l’homme se croyant quitte du devoir quand l’auteur l’a prêché. […] Mais rien n’égale, pour la grâce et la pureté de la peinture, cet amour qui naît comme à l’abri de l’amitié fraternelle ; cet éveil des sens chez le jeune homme qui se trahit le premier, parce qu’il se défie le moins de ce qu’il sent : les troubles de la pudeur qui agitent la jeune fille avant que sa conscience soit avertie, et qui lui parlent sans paroles ; le malaise secret dans ce qui ressemble le plus au bonheur, le premier amour ; les joies permises qui ne laissent guère plus de paix à l’âme humaine que les joies défendues.

976. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Néanmoins, ce n’est qu’une association et on peut concevoir qu’elle soit rompue ; de sorte qu’on ne peut pas dire que la sensation ne peut entrer dans la conscience sans entrer dans l’espace, mais qu’en fait elle n’entre pas dans la conscience sans entrer dans l’espace, ce qui veut dire, sans être engagée dans cette association.

977. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Oui, c’est principalement dans l’adversité que la Religion manifeste tout à la fois, & la supériorité de ses vûes, & les ressources de ses consolations ; par elle seule, les maux cessent d’être ce qu’ils sont ; par elle seule, souffrir est un moindre mal, que de goûter les douceurs de la vie au préjudice de sa conscience & de ses devoirs ; par elle seule, l’Homme, élevé au dessus de lui-même, se dérobe en quelque sorte aux mauvais traitemens, à la persécution, à l’iniquité, pour se reposer, sous ses auspices, dans un centre de bonheur & de paix, au dessus de tous les revers. […] Les hommes, dont la conduite & la conscience seront irréprochables, n’ayant aucun intérêt de douter de la Religion, étant au contraire intéressés qu’elle soit vraie, ne déclameront jamais contre ses dogmes & sa morale.

978. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Puis c’est une force inconnue, une volonté supérieure, une sorte de nécessité d’écrire qui vous commandent l’œuvre et vous mènent la plume ; si bien que quelquefois le livre qui vous sort des mains, ne vous semble pas sorti de vous-même : il vous étonne comme quelque chose qui était en vous et dont vous n’aviez pas conscience. […] Les morts n’étaient enterrés que jusqu’à la ceinture, et il y avait comme des patrons de votre conscience dans ces méchantes toiles, toujours sous vos yeux.

979. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Au point de maturité où la Révolution française a déjà amené la conscience universelle, le héros n’est plus héros sans dire pourquoi, le capitaine est discuté, le conquérant est inadmissible. […] Les faits bien posés poseront bien la conscience.

980. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

C’était une conscience pure et dure. […] » Voilà l’effort, le cri d’une conscience en travail, sous le coup de la guerre.

981. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Mais ma conscience a vite répondu : Fais ton devoir, tout ton devoir… C’est la seule pensée digne d’un soldat volontaire comme toi. […] Et puis parfaits dans les autres (car, n’est-ce pas, nous croyons à la communion des saints), ce qui veut dire prier pour eux, pour qu’ils sachent plier leurs consciences et leurs volontés à la volonté royale de Dieu. »‌ Voilà ses pensées premières, voilà d’où part cet enfant plein du génie religieux de sa maison familiale, et, jour par jour, durant sa courte année d’apprentissage à la vie, il s’occupe passionnément à recevoir la leçon des faits.‌

982. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

C’est là que ma conscience philosophique a trouvé le repos ; et, au moins, je puis affirmer, autant qu’un homme peut répondre de ses vertus, que mon esprit jouit maintenant d’une plus abondante impartialité. […] Cette impression, difficile à caractériser, qui tient, dans des proportions inconnues, du malaise, de l’ennui et de la peur, fait penser vaguement, involontairement, aux défaillances causées par l’air raréfié, par l’atmosphère d’un laboratoire de chimie, ou par la conscience d’un milieu fantasmatique, je dirai plutôt d’un milieu qui imite le fantasmatique ; d’une population automatique et qui troublerait nos sens par sa trop visible et palpable extranéité.

983. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Un autre ordre d’idées, qui appartient moins à l’instinct de la conscience qu’aux spéculations de l’esprit, pourrait faire supposer davantage une tradition reçue, un souvenir immédiat. […] Sous les images de l’infinie grandeur, elle enveloppe la loi morale ; et elle n’éblouit les yeux que pour parler à la conscience.

984. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Une existence agitée est un suicide, si elle fait perdre le souvenir du monde meilleur ; et, quand on a conscience de sa dignité, il me semble que c’est une profanation d’employer son énergie et de ne pas lui laisser toute la sublimité des possibles… J’aime à vivre retiré, à faire les mêmes choses, à passer par les mêmes chemins : il me semble qu’ainsi je me mêle moins à la terre, et que je conserve toute ma pureté.

985. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

De ce qu’une telle destinée ne se peut concevoir dans l’orgueilleuse plénitude de la conscience et de la vie, est-ce une raison pour qu’elle soit tout à fait impossible avec le temps et qu’elle implique absurdité ? 

986. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Condorcet, dans son bel éloge de Franklin, où perce toutefois une velléité de réticence, n’a pu s’empêcher de dire de ce dernier : « Il croyait à une morale fondée sur la nature de l’homme, indépendante de toutes les opinions spéculatives, antérieure à toutes les conventions ; il pensait que nos âmes reçoivent dans une autre vie la récompense de leurs vertus et de leurs fautes ; il croyait à l’existence d’un Dieu bienfaisant et juste, à qui il rendait dans le secret de sa conscience un hommage libre et pur. » Tel fut aussi Jefferson, tel Washington ; tels ont dû être, en effet, sur cette terre d’Amérique, en présence de cette vaste nature à demi défrichée, au sein d’une société récente, probe, industrieuse, où les sectes contraires se neutralisaient, tels ont dû être ces grands et stables personnages, nourris à l’aise, au large, sous un ciel aéré, loin du bagage des traditions, hors des encombrements de l’histoire, et dont pour quelques-uns, comme pour Washington, par exemple, l’éducation première s’était bornée à la lecture, l’écriture et l’arithmétique élémentaire, à laquelle plus tard il avait ajouté l’arpentage.

987. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Un tel paradoxe, si contraire à la conscience littéraire de l’élite du public d’alors, à l’admirable Épître de Boileau, et de plus si impossible à démontrer aujourd’hui comme à réfuter, m’a fâché, je l’avoue, venant d’un esprit aussi net et aussi droit que M. 

/ 1833