/ 2207
1407. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Point de ces douces illusions qui vous mettent à la place du Personnage qui parle ou qui agit ; aucuns transports de cet enthousiasme, de cette ardente vigueur d'une ame enflammée qui maîtrise les autres ames ; aucune éruption imprévue de ce beau feu qui fait taire la critique, lors même qu'elle trouve à condamner dans ces écarts. […]   Entraîné par l'amour de la gloire à tous les genres, &, par une vive sensibilité, à toutes les passions, ces deux mobiles sont devenus le ressort principal de ses talens, & la regle du différent usage qu'il en a fait, Modeste, s'il eût été universellement encensé ; doux, s'il n'eût point été contredit ; religieux, & zélateur du Culte dans lequel il est né, pour peu que ce chemin eût pu le conduire à la fortune ou à la célébrite : on l'eût vu le modèle & le défenseur des vrais principes, en tout genre, si l'intérêt de sa vanité eût pu s'accorder avec aucune espece de dépendance.

1408. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Le Choeur essaye de le retenir, il étend ses doux bras de femme entre le duel dénaturé qui s’apprête : Ô le plus cher des hommes, n’imite pas la rage de cet insensé. […] Aucune douleur, aucun martyre ne serait une douleur comparable à celle que ta rage te fait souffrir. » — Puis il se retourna vers moi en disant, avec de plus douces lèvres : « Il fut un des sept rois qui assiégèrent Thèbes.

1409. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

La feuille parle à la feuille, et la plus petite poussant la plus grande qui lui cache le soleil, dit : « Range-toi », et cela basso basso, jusqu’à ce que la brise, passant dans la tête du bois, fasse un frémissement longuement s’en allant, qui emporte tous les bruits, dans un remolo de feuilles, ressemblant au doux et effacé murmure d’une eau qui coule au loin. […] * * * — C’est curieux le mépris de la vieille Grèce pour la Rome du temps d’Auguste, pour la Rome polie, considérée par elle comme barbare, et dont ni Lucien, ni Denys d’Halicarnasse qui parla si bien des choses romaines, n’osent mentionner les poètes et les artistes : mépris d’une douce civilisation pour un peuple de soldats, et dont nous avons la délicate traduction dans ce refus d’une courtisane de coucher avec un fanfaron guerrier, se figurant coucher avec le bourreau.

1410. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

. — Eh bien, non, nous ne nous plaisons aux histoires violentes que parce que nous sommes un peuple doux, généralement doux.

1411. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Le traité de Westphalie donna à l’empire germanique une constitution très-compliquée ; mais cette constitution, en divisant ce corps immense en une foule de petites souverainetés particulières, valut à la nation allemande, à quelques exceptions près, un siècle et demi de liberté civile et d’administration douce et modérée. […] Sa voix si douce, à travers le bruit des armes ; sa forme délicate, au milieu de ces hommes tout couverts de fer ; la pureté de son âme, opposée à leurs calculs avides ; son calme céleste qui contraste avec leurs agitations, remplissent le spectateur d’une émotion constante et mélancolique, telle que ne la fait ressentir nulle tragédie ordinaire.

1412. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Dans ses livres derniers : La Femme, L’Oiseau, L’Insecte, L’Amour, — l’amour des grandes et des petites bêtes, — il a insinué un petit ruisselet de sentiment dans lequel il a mouillé jusqu’à ses haines ; car il a des haines, le doux homme, contre nous autres chrétiens, à qui il lâche parfois insolemment le nom de sots ! […] Mais, pour ne pas parler des formes politiques que nous avons traversées et pour aller d’un trait et par le plus court à la question terrible, que le doux Michelet, l’ancien professeur de rhétorique, appelle le divorce social et qui est la question éternelle, effroyable, béante et menaçante comme une gueule, de ceux qui n’ont pas contre ceux qui ont, les étudiants de 1847 travaillés par Michelet ont-ils essayé de la résoudre ?

1413. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Soustraits à certaines obligations, aux travaux absorbants, aux luttes pour le pain quotidien où une grande part de l’attention et de la volonté humaine se dépense, on peut supposer qu’ils ont, mieux que d’autres, le loisir de goûter ce que la vie a d’amer et de doux quand elle est la vie pleine, la vie calme. […] Pensez donc : visiter les premières maisons de modes et aussi les petites, à Paris et en province ; interroger la patronne, pénétrer dans les ateliers et surprendre les employées au milieu du travail, groupées au naturel, lasses, nerveuses, attentives, bavardant, honteuses d’être vues avec leurs manches de lustrine, douces, moqueuses ou hardies ; se faire présenter à mademoiselle Irma, qui est apprêteuse et cause très volontiers de son métier ; à l’artiste mademoiselle Mathilde, qui invente les plus jolis chapeaux de Paris, et manie les plumes et les rubans comme un poète les rimes riches ; tenir entre ses mains de petits cahiers de jeunes filles disparues, qui n’ont laissé après elles que de pauvres petites idées de luxe qui sont déjà passées de mode et ces quelques feuilles de journal souvent banales, souvent charmantes, avec des blancs, des endroits tout froissés et quelquefois des traces de larmes ; n’est-ce pas de quoi s’émouvoir, et sourire, et prendre pitié ?

1414. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Et il n’y avait pas de vie, et il n’y avait pas de tache dans cette harmonie ; seulement, là où la lumière mourante touchait plus directement la ligne d’un mur ou la rondeur d’une couba, on eût dit qu’elle se posait sur une poussière impalpable, sur une neige qui s’en pénétrait et la renvoyait en menues aigrettes d’un feu très doux. […] Tous les sels irritants de la mer ont exaspéré ce que l’air saisit, avivé le sang, injecté la peau, gonflé les veines, couperosé la chair blanche, et les ont, en un mot, barbouillés de cinabre. » Et puis, quelquefois, les deux manières se fondent, l’ancienne et la nouvelle, et nous avons des tableaux à la fois doux et puissants, fouillés avec des coins d’incertitude par où s’échappe le rêve, mélange de critique technique et de poésie, qui comptent parmi les plus belles pages de la littérature française.

1415. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Les Athéniens, avec des mœurs plus douces que celles des Spartiates, se montrerent moins dociles ; jamais leurs femmes ne les gouvernerent. […] Il faut même régler le ton qu’on fait prendre à ses Acteurs, sur leur âge, leur état, leur caractere ; ne point faire parler en forcénée une personne douce par tempérament ; ne point prodiguer à tout propos, ces froides exclamations, ces élans désordonnés, ces expressions boursouflées au dehors, vuides au dedans, ce langage, en un mot, qui ne peint absolument rien à force de tout travestir.

1416. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Dans ces doux lieux, le long de ces jours si simplement remplis, on partage l’ivresse et le gonflement de cœur du jeune homme entouré et aimé de trois femmes (car la pauvre Louise l’aime aussi), de trois femmes dont une seule suffirait à un moindre orgueil.

1417. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

S’il devait arriver en France que la monarchie ou la république (peu importe), en s’armant de ce mot de centralisation mal entendu, fissent prévaloir, constamment la régularité administrative, soit douce, soit rigoureuse, sur la vie réelle, morale, animée de chaque point du pays ; si l’on ne parvenait enfin à introduire et à fonder parmi nous les institutions démocratiques en ce qu’elles ont d’essentiel, d’élémentaire et de vivace, c’est-à-dire l’existence communale, M. de Tocqueville paraît craindre qu’une des chances naturelles de cette égalité croissante ne fût un jour, tôt ou tard, l’assujettissement de tous par un seul, du moment qu’on n’aurait plus à espérer le gouvernement de tous par eux-mêmes.

1418. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Une plaisanterie douce fait rire aux dépens du plaisanté ; une plaisanterie trop bonne ne fait plus rire, on frémit en songeant à l’affreux malheur du plaisanté.

1419. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Il était bien le même soleil, et au même instant précis de sa durée sans fin ; là pourtant il avait une couleur très différente ; se tenant plus haut dans un ciel bleuâtre, il éclairait d’une douce lumière blanche la grand’mère Yvonne, qui travaillait à coudre, assise sur sa porte.

1420. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Une douce parole suffit souvent dans ce cas pour chasser le démon.

1421. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Où l'Orateur se plaît sur-tout à nous promener, c'est dans le monde physique, dans le monde moral, le monde politique, le monde intellectuel…… Le plus doux de ses plaisirs est d'imprimer le respect, d'imprimer la crainte, d'imprimer à, d'imprimer sur, d'imprimer au dedans, d'imprimer au dehors…… Si nous le suivons dans des phrases de plus longue haleine, il nous dira d'abord que les passions, comme un limon grossier, se déposent insensiblement en roulant à travers les Siecles, & la vérité surnage ; que la Nature varie par des combinaisons infinies les facultés intellectuelles de l'homme, comme les propriétés des êtres physiques *.

1422. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes ; et il y aura des cadences de phrase pour la langueur innocente d’un beau corps nu, et des aurores verbales pour l’éveil religieux d’un blond rayon de lumière entre les ténèbres d’un fond où s’effacent de torturés ou humbles visages, et de pénétrantes périodes pour la sagace analyse de quelque froide et mince tète de roi ou de moine surgie du passé, avec ses yeux pleins de pensées mortes et ses traits sillonnés par des passions définitivement réprimées.

1423. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Il étoit recherché pour son esprit agréable & solide, pour sa conversation brillante, pour ses mœurs douces & ce mérite de caractère qui souvent influe sur la réputation.

1424. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

… Il y avait naturellement, en Mme Swetchine, bien avant que le Catholicisme la prît pour lui baptiser le cerveau dans sa nappe de lumière, il y avait dans cette tête, au visage un peu kalmouck, une régularité de raison qui démentait l’angle facial, et dans l’imagination de cette Russe, quelque chose de doux et de savoureusement sage que n’ont pas d’ordinaire ses compatriotes, l’opposé de leurs neiges, dont J. de Maistre nous a dit : « Qu’ils feraient sauter en l’air les citadelles, si on les bâtissait sur leurs désirs ! 

1425. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

Il fallait une bien autre femme que Mme Henry Gréville, ce bas-lilas, ce talent à nuances douces, pour tirer puissamment parti de cette idée, inépuisablement féconde !

1426. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

C’est un journaliste plus modeste et plus doux que ces journalistes éclatants dont les noms éclairent encore les œuvres mortes et les font regarder.

1427. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Il avait le génie acéré de l’épigramme comme Racine, Racine surnommé le doux !

1428. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Tous, au contraire, en supputant sur leurs dix doigts les dommages faits à la France de l’industrie par la politique de Louis XIV, trouveront sérieusement moins grand ce grand homme à la lueur tremblotante de leurs chiffres… Et quoique Weiss n’ait pas dans l’âme cette profondeur de rancune qui attend le moment pour frapper et fait jeter un livre à la foule, comme Ravenswood, dans Walter Scott, jette sur la table la tête coupée de son taureau, l’auteur de l’Histoire des réfugiés aura peut-être, en fin de compte, le mieux vengé le protestantisme en démontrant placidement, et d’un ton très doux, à une société qui ne croit plus guères qu’à des chiffres, qu’économiquement la révocation de l’Édit de Nantes fut une grande faute, — car, en faisant cela, il aura insurgé contre Louis XIV la seule chose qui soit vivante et qui ressemble à une passion dans notre temps !

1429. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

S’ils contiennent autre chose, ces Mémoires, que le calme, doux et radieux dévouement de Fersen, on ne le voit pas.

1430. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Il a une forme claire et pure, un style exercé, doux et ferme.

1431. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

au nom de la tendresse toute seule, au nom de la douce et profonde tendresse, les irrévocables et terribles folies que font d’ordinaire les sens en fureur !

1432. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Grenier, l’auteur de ce livre, fut un professeur, et il nous l’a dit : « C’est dans dix années de douce vie provinciale et « collégiale qu’il lut tous les auteurs anciens », et qu’il forgea et aiguisa la petite sagette que voici.

1433. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

— un autre aurait été plus doux pour mon cœur, celui de votre CONCUBINE et de votre fille de joie, espérant que bornée à ce rôle j’entraverais moins vos glorieuses destinées. » On a vu dans ce dernier mot une abnégation à la sainte Thérèse, quelque chose qui, déplacé de l’ordre divin dans le désordre humain, rappelait le cri sublime de la religieuse espagnole : « Quand vous me damneriez, Seigneur, je vous aimerais encore, même en enfer ! 

1434. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

au nom de la tendresse toute seule, au nom de la douce et profonde tendresse, les irrévocables et terribles folies que font d’ordinaire les sens en fureur !

1435. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

Bonhomme ajoute agréablement, avec le sourire de la moquerie douce : « Il avait son Émile, et c’était peut-être là une jalousie de métier ! 

1436. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

À nous aussi, le préjugé traditionnel avait passé au cou le nœud de pourpre et de soie — doux et éclatant — dans lequel il étrangle la Vérité, contente d’être étranglée comme un Turc soumis au kalife, et si nous nous sommes débarrassés du lacet fascinateur et terrible, si nous l’avons rejeté et rompu, grâces en soient rendues surtout à ce grand poème du Ramayâna, — l’un des plus beaux (disent les savants) de la littérature sanscrite, — et qu’on vient de traduire tout exprès pour nous qui ne serions, certes !

1437. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

un autre aurait été plus doux pour mon cœur, celui de votre CONCUBINE et de votre fille de joie, espérant que bornée à ce rôle, j’entraverais moins vos glorieuses destinées. » On a vu dans ce dernier mot une abnégation à la sainte Térèse, quelque chose qui, déplacé de l’ordre divin dans le désordre humain, rappelait le cri sublime de la religieuse espagnole : « Quand vous me damneriez, Seigneur, je vous aimerais encore, même en enfer ! 

1438. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Mais le succès couvrit tout de son bruit, et il n’est pas jusqu’au nom du chancelier Gerson, sur le compte duquel on mit ce livre d’ascétisme doux, qui ne dut lui être une fière réclame, comme nous disons maintenant, après le deuxième Concile de Constance.

1439. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Vous n’aurez plus l’aimable éclectique, le sceptique large et indulgent, le respectueux devant les faits accomplis, le doux qui hait toujours l’Église, en dessous, mais qui, en la haïssant, ne craint plus pour sa peau.

1440. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

c’est un esprit doux, tempéré et même timoré, comme nous pouvons le voir dans plus d’un endroit de son livre.

1441. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Jésus, le Dieu qui a crucifié l’orgueil et la volupté humaine, qui est venu apporter au monde païen deux choses qui, pour la première fois, descendaient du ciel : l’humilité et la charité, n’est plus maintenant qu’un philosophe qui a dit aux peuples d’une voix plus douce, mais qui a dit comme les Gracques ou comme tous les souleveurs de plèbe : « Comptez vos maux et comptez-vous ! 

1442. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

ait produit un livre d’un effet si puissamment doux.

1443. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Le christianisme, qui a déjà une fois modifié ces natures bestiales et enfantines, mais qui n’a pas — les doux maîtres partis — gardé sa conquête, tant le nègre redevient incorrigiblement ce qu’il était dans l’espace d’une génération, le christianisme, avec ses influences surnaturelles, pourrait seul constituer un état de civilisation relatif pour ces nègres, en pleine réaction, à l’heure qu’il est, de barbarie africaine, et dont Soulouque est bien plus l’instrument que la tête ; car un pareil homme n’est la tête de rien.

1444. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

III Si cette idée d’Alceste janséniste, qui fait trou dans le bon sens, était seule, dans sa prétention d’être un éclair, on la laisserait passer, en riant un peu de l’homme qui a eu une idée aussi abracadabrante ; mais elle a le bonheur de n’être pas seule dans le livre, et on n’arrive à elle que par des pentes douces, travaillées avec beaucoup de soin et presque d’habileté.

1445. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

À ce compte-là, la poésie s’enterre comme les hommes dans quatre planches de sapin mal rabotées et mal jointes… Mais vraiment, quoique nous ne soyons pas enthousiaste fou de notre siècle, nous ne croyons point à cette prophétie, et nous avons voulu nous inscrire en fait et en faux contre elle par un doux haro… sans clameur !

1446. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Et son doux et sensible Ternisien, le secrétaire de l’évêque de Roquebrun, et son courageux et sanguin Lavernède, et son épuisé de courage, le vieil archiprêtre Clamouse, et son plat et servile Turlot, et son supérieur des Capucins, et son cardinal Maffei, cette tête chauve et chenue, mais si fine, et à travers laquelle il semble que l’on aperçoit le grand cerveau politique de l’Église… Tous sont vrais, très étudiés, très pensés et très conséquents à eux-mêmes, dans leurs tonalités diverses.

1447. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Il jouit parmi les lettres d’une espèce de canonicat de popularité douce, car il ne s’y mêle rien de politique ni d’orageux, comme dans la popularité de Mme George Sand ou de M. 

1448. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

Les Mémoires d’une femme de chambre I Il faut donc en parler malgré nous, de ce petit livre que le doux Jules Janin appelait, l’autre jour, bête et ennuyeux, et qui n’a pas moins son succès, je ne dirai pas comme s’il était spirituel, car ce n’est plus là une raison !

1449. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Cet orateur, si connu par son éloquence, tantôt persuasive et douce, tantôt forte et imposante, qui développait si bien les faiblesses de l’homme et les devoirs des rois, et qui, à la cour d’un jeune prince, parlant au nom des peuples comme au nom de Dieu, fut digne également de servir à tous d’interprète ; cet orateur, qui sut peindre les vertus avec tant de charmes, et traça de la manière la plus touchante le code de la bienfaisance et de l’humanité pour les grands, n’a pas, à beaucoup près, le même caractère dans ses éloges funèbres.

1450. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Il n’eut ni sa fureur, ni sa politique, ni ce contraste singulier du plus grand courage d’esprit dans une âme lâche, ni ce mélange d’une ambition ardente et de la plus grande simplicité, ni cette séduction si douce qui n’avertissait jamais de l’empire, et enchantait des hommes fiers, que la nature n’avait point destinés à lui obéir.

1451. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Après quelques années d’une soumission assez douce et d’un loisir encore illustré par les arts, sous la domination de Démétrius de Phalère, ce Périclès dégénéré comme le peuple qu’il gouvernait, Athènes, en se croyant délivrée, tomba dans les dernières bassesses de la servitude.

1452. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Il lui parle, elle lui répond ; il se charge de deux rôles, à la grande voix mâle et sonore, réplique par de doux petits cris. […] Son style si aisé, si doux, presque fluide, convient pour peindre ces âmes molles et tendres, ces corps flexibles. […] Et qu’y a-t-il de plus beau et de plus doux que ce développement audacieux des facultés et des pensions, lorsqu’elles se portent vers la science ? […] Vois aussi, je te prie, comme l’air qui souffle ici est suave et tout à fait doux. […] Mais ce qu’il y a de plus agréable est le gazon en pente douce, en sorte qu’étant couchés notre tête sera très bien.

1453. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Les caresses et la sollicitude maternelle manquèrent à cette enfance déshéritée de cette douce lumière qui éclaire l’esprit et échauffe le cœur. […] Puis, en 1813, pour la seconde fois, M. de Lamartine a visité l’Italie ; et sa jeunesse, toujours chrétienne par la foi, mais égarée dans ses voies par les passions de son âge, en a rapporté d’harmonieux regrets, de tristes et doux souvenirs. […] Ceux qui, étant encore enfants à cette époque, ont vu, sans préoccupation favorable ou contraire, avec la simplicité et la sincérité de leur âge, ces journées d’effusion, d’ivresse trempée de larmes, et ces joies sur lesquelles descendaient les ombres mélancoliques du passé, en ont conservé un doux et impérissable souvenir. […] Sa mère lui avait appris à lire dans la Bible et l’Évangile ; ses maîtres du collège de Belley, auxquels il adressait de si doux adieux, avaient continué à désaltérer son âme dans les mêmes eaux, et il trempait toutes ses inspirations dans ces deux sources sacrées. […] Un nouveau sentiment anime ses vers : c’est l’amour chrétien, amour épuré aux feux du spiritualisme, douce harmonie des intelligences, union mystérieuse des âmes.

1454. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Bref, un si rare objet m’est si doux et si cher Que ta main seulement me nuit de te toucher. […] Ouvrons toute notre âme à ces douces tendresses Qu’inspirent aux amants les pleines allégresses, Et d’un commun accord chérissons nos ennuis Dont nous voyons sortir de si précieux fruits. […] L’Hymen seul ne saurait plaire, Il a beau flatter nos vœux, L’Amour seul a droit de faire Les plus doux de tous nos nœuds. […] Tout est doux et rien ne coûte Pour un cœur…, etc. […] C’est pour moi le bonheur le plus doux.

1455. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

— Comme on trouvait alors plus douce l’atmosphère de la chambre bien close ! […] Et il posa un billet de banque en face du billet doux. […] Jadis fondateur d’une société placée sous le patronage d’un astre qui jouit d’une certaine célébrité, il a amassé dans cette entreprise, qui assurait contre l’un des quatre éléments, une fortune qui lui permet de se la passer douce, comme on dit dans un certain monde. […] Mais, au même instant où l’heure du berger sonnait à un cadran voisin, — Ergaste— Clitandre— Valère— quitte les genoux de sa belle, et suspend un entretien si doux. — Pourquoi faire ? […] On ne peut se défendre d’être profondément attristé par ces rigoureuses préférences du destin, qui semble quelquefois transformer la mort, le doux ange de la délivrance, en une sorte de juge brutal, appliquant avec colère la loi de destruction.

1456. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

le joli déniaisement et l’insensible et douce maïeutique d’amour ! […] » murmure Toutenpain avec un doux sourire. […] Même l’Académie de médecine s’est élevée, au nom de la science, contre les atrocités du régime auquel étaient soumis ces doux martyrs. […] L’immensité du labeur prescrit leur permettait la plus douce paresse. […] Il faut avoir l’âme toute neuve et un grand courage pour s’enfermer dans les théâtres par ces soirs d’été, si doux.

1457. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Je me sentis en moi-même assez d’honneur et de volonté pour vivre en honnête homme, même après m’être défait de ma religion… » Et il continue : « Les trois années qui suivirent furent douces… » Il est impossible de ne pas rapprocher de ce morceau le fragment de Jouffroy sur l’agonie morale de sa Nuit de décembre. […] L’évêque artisan de cette rédemption, Mgr Myriel, n’est plus seulement un excellent prêtre, d’une intelligence indulgente et douce. […] C’est l’éthique même de ces sortes d’intelligences : substituer sans cesse la contemplation à la possession, se dépersonnaliser, si l’on peut dire. « L’existence où l’on ne sent plus son moi est si douce ! […] On est comme un pasteur frappé d’enchantement, ‌ Immobile à jamais près d’un fleuve écumant, ‌ Qui, jour et nuit, le front incliné sur la rive, ‌ Tirant un même son de sa flûte plaintive, ‌ Semble un roseau de plus au milieu des roseaux Et qui passe sa vie à voir passer les eaux…‌ Les Consolations seraient toutes à citer, depuis le poème qui les ouvre, cette lettre à Mme Victor Hugo, où il la montre‌ Plus fraîche que la vigne au bord d’un antre frais, ‌ Douce comme un parfum et comme une harmonie, Fleur qui devait fleurir sous les pas du génie…‌ jusqu’à cette éloquente élégie d’art, si l’on peut dire, dédiée au peintre Boulanger, dans laquelle il se décrit, lui et son ami, errant à travers les vieilles sculptures de Dijon :‌ … Entrait-on par une étroite allée,‌ Alors apparaissait la beauté ciselée, ‌ Une façade au fond, travaillée en bijou, ‌ Merveille à faire mettre en terre le genou, ‌ Fleur de la Renaissance !

1458. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Car pourquoi certaines espèces sont-elles douces, tandis que d’autres sont sanguinaires ? […] On ne sait plus si la figure est douce, grandiose et fine. […] Mais en même temps il était doux, plein de ménagements, de tendresses, prompt aux affections, « tout sentiment et tout cœur ». […] Le bois manquait, les montagnes étaient nues ; on ne trouvait pas d’eau douce. […] Les plaines n’avaient point d’eau douce et le climat manquait de pluie au moment des semailles ; ils ont amené l’eau des montagnes dans des rigoles.

1459. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

VII Quintus Turbidus, et tous ces Dantes et Shakespeares manqués, ne sont nullement propres au commerce aimable de la vie, à la société douce et habituelle et fine, qui demande des esprits proportionnés : Dante, j’imagine, et à coup sûr Shakespeare y étaient propres ; Pétrarque et Goldsmith et André Chénier, et Catulle en son temps, y étaient propres. […] Pendant qu’il parle ainsi sans discontinuer, d’une voix claire, les yeux baissés, une espèce de sourire vague à sa bouche (assez gracieux dans son dédain) annonce cette profonde et douce satisfaction, cette intime et parfaite certitude qu’il a de lui-même. […] Montesquieu disait de je ne sais plus qui : « Il est si doux qu’il me fait l’effet d’un ver qui file de la soie. » — Flourens me fait l’effet d’une couleuvre plus ou moins innocente qui glisse sur l’herbe. […] Quand il écrit, ses phrases interminables, à enfilades de parenthèses, ne présentent plus aucun courant, la parole et l’accent n’étant plus là pour le déterminer ; on ne sait plus où trouver les verbes, tout comme en allemand ; il faut mettre le doigt sur le sujet, et avec l’autre doigt chercher le verbe dix lignes plus bas en enjambant, sans quoi on flotte dans une grande flaque d’eau douce qui ne vous porte plus en aucun sens. […] Turquely est un Breton doux et francisé.

1460. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Et les larges seins roses de cette paysanne, courbée aux durs travaux, peut-être sont-ils gonflés du sang des doux martyrs et des tristes apôtres ! […] Il m’est doux de rappeler que, dans la même lettre où M.  […] Je me sens avec ces poètes des liens de parenté : ces liens de parenté intellectuelle, qui, pour être moins doux que ceux du sang, n’en sont pas moins forts, solides et durables. […] Il a su percevoir la nature sous ses larges aspects élyséens et doux, élégiaques et sacrés. […] Déjà, Saint-Georges de Bouhélier, dans son Hiver en méditation, livre capiteux et violent, terrible et doux, nous avait donné le brûlant itinéraire du jeune héros contemporain qui, du trouble héréditaire et de la fièvre romantique, parvient à la paix intérieure et à la mansuétude domestique.

1461. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

D’ailleurs estoit-il croyable, Se pouvoit-il concevoir Qu’en un climat effroyable Rien de si doux se peust voir ? […] Quoique je nage en pleine eau, comme vous voyez, et qu’après avoir traversé les plus beaux fleuves d’Allemagne, j’aie presque aujourd’hui toute la mer Baltique pour me promener, je me trouve loin de la Brévone comme un vrai poisson hors de l’eau ; car, de nous autres Tritons à un poisson, il y a peu de différence… Vous croyez bien que pas une des Muses n’a voulu me faire compagnie dans le Nord, et que des demoiselles nourries au doux climat de la Grèce ne s’embarquent pas volontiers pour la mer Glaciale… Les intérêts du Nord, de l’Allemagne, de l’Angleterre et de la Hollande sont les plus galantes choses dont je m’entretienne. […] Des griefs qui laissèrent l’estime intacte, les misères des amitiés humaines, rompirent ces douces réunions, si utiles à tous. […] Dans l’épître à Guilleragues, il annonce le désarmement : Aujourd’hui, vieux lion, je suis doux et traitable. […] L’idée d’un dialogue avec son jardinier a pu lui venir d’Horace disant, lui aussi, à son fermier : « Disputons qui de nous deux saura le plus bravement arracher les épines, moi de mon esprit, toi de ton champ, et lequel vaut le mieux d’Horace ou de sa chose166. » Mais le sentiment est différent : ce qui n’est dans Horace qu’un agréable trait de douce et oisive philosophie, dans Boileau est un vœu ardent de s’amender, avec l’inquiétude chrétienne de n’y pas réussir.

1462. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Douce, douce vision ! […] Mais ces portraits sont doux auprès des dissertations ; le commentateur est plus amer encore que l’artiste ; il blesse mieux en parlant qu’en faisant parler. […] Lady Castlewood, arrivant pour la première fois au château, vient à lui dans la grande bibliothèque ; instruite par la femme de charge, elle rougit, s’éloigne ; un instant après, touchée de remords, elle revient. « Avec un regard de tendresse infinie, elle lui prit la main, lui posant son autre belle main sur la tête, et lui disant quelques mots si affectueux et d’une voix si douce, que l’enfant, qui jamais n’avait vu auparavant de créature si belle, sentit comme l’attouchement d’un être supérieur ou d’un ange qui le faisait fléchir jusqu’à terre, et baisa la belle main protectrice en s’agenouillant sur un genou.

1463. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

C’est un écrivain presque inimitable pour la douce simplicité de sa diction, & Quintilien lui applique ce qu’on disoit de Péricles que la Déesse de la persuasion résidoit sur ses lévres. […] in-12. par M. l’Abbé Guyon : ouvrage plus méthodique, plus exact, plus concis, & en même tems plus plein que l’histoire ancienne de Rollin ; mais dont le style est moins doux, moins élégant & moins arrondi. […] “Vous trouverez en mon Philippe de Comines, dit Montagne, avec ce beau naturel qui lui est propre, le langage doux & agréable d’une naïve simplicité, une narration pure, & en laquelle la bonne foi de l’auteur reluit évidemment, exempte de vanité parlant de soi, & d’affection & d’envie parlant d’autrui.” […] La narration est douce, aisée, sans être néanmoins ni molle, ni languissante.

1464. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Pourquoi, découragé par vos divins tableaux, Ai-je, enfant paresseux, jeté là mes pinceaux Et pris pour vous fixer le crayon du poëte, Beaux rêves, obsesseurs de mon âme inquiète, Doux fantômes bercés dans les bras du désir, Formes que la parole en vain cherche à saisir !

1465. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Tancrède expire alors qu’il eût souhaité de vivre, et néanmoins il meurt avec un sentiment plus doux.

1466. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Je ne sais quel caractère il a reçu du ciel, celui qui ne désire pas le suffrage des hommes, celui qu’un regard bienveillant ne remplit pas du sentiment le plus doux, et qui n’est pas contristé par la haine, longtemps avant de retrouver la force qu’il faut pour la mépriser.

1467. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

. — L’architecte héroïque se cache derrière son œuvre, qui semble s’élever toute seule aux sons de sa musique, comme Thèbes aux doux accords de la lyre d’Amphion.

1468. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

pourquoi ne serait-il pas idyllique, honnête et doux ?

1469. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Qui pourroit, en effet, résister aux charmes séducteurs d’une élocution qui pénetre l’ame, la remue, l’échauffe, & lui fait éprouver sans fatigue les sensations les plus douces & les plus variées ?

1470. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes, etc. » J’aurais honte de citer ce morceau pour le vain plaisir de le déclarer mauvais ; mais il est bon d’aviser les jeunes écrivains et de s’avertir soi-même du danger où l’on est d’écrire en style décadent, lorsque, fût-on un maître, on cède à l’illusion d’enrichir le sens par la bigarrure des mots.

1471. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

Veuillot, ce formidable fouetteur qui, de cette fois, s’est servi d’une discipline bien douce !

1472. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Grâce à cet homme, qui pêche des anecdotes comme on pêche des anguilles, jusque dans la vase, un esprit politique n’aurait-il pas, au moins, indiqué le mal de ce temps qu’on prend pour une époque de force et de virilité, et qui n’offre aux yeux fascinés que la ruine suspendue d’une société dont la tête va tout à l’heure porter contre le fond de l’abîme, mais qui, jusque-là, trouve doux de tomber ?

1473. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Peut-être parce qu’il est plus loin, son bleu paraît plus doux… Fille adoptive de Michel Montaigne, qui avait fourré ses jeunes mains dans le manchon du vieux sceptique, elle les en avait retirées pénétrées de son influence, et cette influence lui était restée.

1474. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Nulle appréciation plus profonde n’en jaillit pour l’intelligence et ne l’arrache au joug doux et léger des jugements superficiels.

1475. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Il nous eût tout expliqué dans cette chronique obscure encore en tant d’endroits, et, au lieu d’un réquisitoire qui semble impartial, parce qu’il a le ton doux, contre quelques anarchiques féodaux au xie  siècle, nous aurions eu l’histoire de la Paix de Dieu comme elle s’est vraiment faite, de compte à demi, par l’Église et par la Féodalité.

1476. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

L’auteur du Sixte-Quint et Henri IV, qui fait de la critique ici plus qu’il n’écrit l’histoire, ou, pour parler avec plus de précision, qui fait de l’histoire contre de l’histoire et répond personnellement à Poirson et à Michel ; l’auteur du Sixte-Quint, ancien rédacteur de l’Univers, n’a dans son livre ni flammes, ni dureté, ni morsure, ni amertume ulcérée… Il est doux comme un condamné à mort ; car il en est un au fond de sa pensée.

1477. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Ainsi encore, après Théroigne de Méricourt, une figure moins terrible, une sainte plus douce, mademoiselle Kéralio, madame Robert, une fille noble, mal mariée, devenue ambitieuse, et tombée, à force d’abjection et de folie, dans le mépris de madame Roland, et si bas que Michelet, ému jusqu’aux entrailles dans la personne de cette petite madame Robert, se risque à protester contre le portrait déshonorant qu’en fait madame Roland dans ses Mémoires : « Ce qui prouve — ajoute-t-il mélancoliquement — que les plus grands caractères ont leurs misères et leurs faiblesses ! 

1478. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

C’est un esprit éclairé, doux, et qui sait ?

1479. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

Il y eut un homme à genoux et plus bas qu’à genoux, qui se mit à demander la charité de l’amour avec des implorations et des éloquences à fondre de pitié des pierres, mais qui ne touchèrent pas ce doux caillou lisse de l’âme de Madame Récamier.

1480. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

C’est un lettré qui reporte sur la science, pour en adoucir l’austérité et sans rien diminuer de sa beauté profonde, tout ce que le Génie littéraire peut donner à la pensée d’un homme, de clair, d’élégant et de doux.

1481. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Il en a l’air… Dans le doux Rabbi de M. 

1482. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Il y a des différences dans la gloire de Bossuet, comme il y a des places plus rayonnantes, plus condensées, plus blanches dans la lumière, mais de l’absence de lumière, mais de l’ombre positive à un seul endroit de cette vie étonnante, on la cherche en vain… Seulement, cette lumière qui partout l’inonde, et dont l’écrivain qui la retrace finirait par être ébloui, passant à travers les mœurs simples et fortes de cet homme trop grand pour n’être pas un bon homme, donne à cette vie, aveuglante d’éclat, des tons doux, charmants, attendris, qui nous reposent et qui nous touchent, et qui ont influé, sans qu’on s’en soit rendu bien compte jusqu’ici, sur ce qu’il y avait de plus beau et de plus profond dans sa pensée.

1483. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Mais comme il n’a pas une idée à lui, dans tout le courant de son ouvrage, il se bute, pour en avoir une, dans la vieille opinion philosophique et gallicane, et de là, de cette moelleuse main qu’on lui connaît, si habile aux nuances et aux délicieux coloris, il nous protestantise légèrement la catholique figure de saint Louis, pour arriver par une pente douce à la figure, tout à fait protestante, celle-là, de Calvin !

1484. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Ce rêveur triste, chaste et doux, mais si personnel, et dont la rêverie n’est — comme vous le verrez — ni celle de Chateaubriand, ni de Gœthe, ni de Sénancour, ni de Ballanche, ni d’aucun des grands Tristes contemporains, ne souffrit guères que d’une unique souffrance, très délicate, mais infiniment rare, et qui fera son exclusive originalité.

1485. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Que vous avez d’attraits (toujours le mot doux !)

1486. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Toute sa vie, ce satyrique, qui avait pourtant à son service l’expression vengeresse, resta stoïque et doux.

1487. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Pour mon compte, je le trouve superbe quand il veut me donner l’idée de quelque boudin crevé dans un plat… Véritablement un talent aussi entripaillé que lui aurait dû être plus doux à une cuisinière comme Clémentine.

1488. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Laissons Cervantès, laissons Rabelais, Richardson et Fielding, et Molière et Balzac, et quand un homme n’est pas même Swift, ne tourmentons pas notre trompette de traducteur et soufflons dedans des airs plus doux.

1489. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

La vie du monde lui faisait peur ; celle de l’Église lui paraissait douce. […] Je ne lisais pas, j’entendais… comme si cette voix douce et paternelle se fût adressée à moi-même. […] Si d’étoiles en étoiles, réunis, élancés dans un vol éternel, nous suivions tous ensemble un doux pèlerinage à travers la bonté immense ! […] Il associait la nature non seulement à ses sentiments, mais aussi à sa philosophie : « Le temps était doux et sombre, la campagne triste ; un ciel gris l’enveloppait. […] Nous frissonnons en lisant Dante, et le Dante est doux et modéré, en comparaison des effroyables traités de saint Augustin sur la Grâce, et de cette dialectique invincible qui précipite le monde dans l’Enfer.

1490. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

comme toutes les épreuves qui viennent de cette collection, font mépriser les autres ; une épreuve où le vert des bouquets d’aiguilles des sapins, le brumeux du ciel, le blanc de la neige, le doux rose et le doux bleu des ailes des grues sont rendus dans une harmonie que nulle impression d’aucun pays au monde n’a jamais pu attraper, — et n’a jamais pu, à la fois, en donner le détachement et la fonte. […] Les gravures, à l’incision à la fois très douce et très nette, sont de Souguita Kiûsouké. […] Je le bats longtemps dans un godet et le tourne sur un feu très doux jusqu’à ce que le liquide soit desséché complètement. […] Aquarelle au doux lavage, amorti, assoupi. […] Un des beaux kakémonos que j’aie vus et qui, exécuté dans les dernières années de sa vie, a le doux enveloppement du beau temps de son talent.

1491. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Je parle de la Gravure en taille douce. […] En voici de plus doux que j’ai daigné faire pour peindre la douce & tendre Agnès Sorel. […] Quinaut en convint ; & comme il était doux & traitable, il ajouta que Lully avait su joindre à ses vers une déclamation aussi heureuse que naturelle. […] D’Arnaud, sur les doux sons d’Ovide, Soupirait de tendres accens. […] Vous trouverez en moi, vous trouverez en vous, Et le cœur le plus ferme, & l’objet le plus doux.

1492. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Quelle absence de passions joyeuses, de passions douces, ou de passions tragiques ! […] » c’est un pleutre ; mais il a des moustaches longues ; « comme elle est douce !  […] Cela détruit, une douce gaîté devait se répandre parmi les hommes. […] La douce George Sand elle-même, jusque vers 1850, a toujours ménagé à la fin de ses aimables et gracieuses histoires une partie mélodramatique. […] La duchesse, sans cesser d’aimer son neveu, s’en va vivre à Naples, douce et mélancolique, renonçant aux intrigues, avec son ministre qui renonce à l’ambition, dans un bien-être bourgeois.

1493. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Le pauvre petit Joli-Cœur aimait mes soins, et il me répondait par un doux sourire : son regard était devenu vraiment humain. […] — Milord, articula le jeune homme d’une voix douce, mais ferme, je suis poète lyrique et je vis de mon état. […] Combien douce et aimable est la philosophie de Michelet. […] … Si différents, nous arrivons cependant ensemble du travail nécessiteux et de la froide obscurité à ce doux banquet de lumière… Prends un cœur et fraternisons. […] Pauvre victime du devoir, qui tombait comme Bayard, et que Dieu avait créée pour la douce existence des lévites.

1494. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Le doux Ratisbonne soumet Vigny à sa petite censure personnelle ; ainsi faisait Striyenski pour Stendhal, mais il n’était pas, du moins, son exécuteur testamentaire. […] Dans ce dernier passage, on lit ceci : Cette âme si douce, si mesurée, si délicatement humaine, formula une doctrine impitoyable qui est en contradiction avec son caractère. […] Sa doctrine de la grâce s’accorde pleinement avec son caractère, qui n’était ni doux ni délicatement humain. […] … tantôt elle l’accepte comme une loi naturelle, assez douce et même salutaire, comme un repos : Ô mort, de t’avoir crainte un jour je me repens. […] Il conteste la férocité qu’on attribue à ces Turcs, qu’il présente au contraire comme compatissants et doux.

1495. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Puis, nous faisons la connaissance de la belle et douce Céluta, de la charmante petite Mila, et du bon et simple Outougamiz, frère de Céluta. […] Les bons sauvages, la douce et résignée Céluta, la vive petite Mila, Outougamiz le simple, l’excellent Chactas y sont malheureux à peu près sans interruption. […] Ils mangent des choses très exotiques, « le doux savinte, la palta, la moelle du coco ». […] » On ne dira jamais, ni en mots plus doux, l’éternel désir. […] Une douce conformité d’humeur et de goûts m’unissait étroitement à cette sœur ; elle était un peu plus âgée que moi. » Comme dans les Mémoires.

1496. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il est à craindre seulement qu’elles ne soient bientôt trop douces. […] Gustave Moreau et Puvis de Chavannes, aussi sincères dans leur chimérique vision de Galatée et de Doux Pays que M.  […] Le sang rose et subtil qui dore son col fin Est doux comme un rayon de l’aube sur la neige. […] C’était d’une volupté étrange, mystérieuse, silencieuse, ce doux menuet de mortes et d’âmes masquées se nouant et se dénouant dans un rayon de lune… » Pour imposer à la langue française des effets de cette qualité-là, il faut un affinement des sens avoisinant la maladie. […] Rencontrez-vous au contraire dans un roman quelqu’un de ces visages dessinés avec une sympathie songeuse, où toute la grâce du doux esprit féminin se joue dans un décor attendri, soyez assuré que l’auteur a conservé à travers sa vie ce respect de l’amour qui dictait à Balzac cette phrase de sa Correspondance : « N’aurai-je donc jamais auprès de moi un de ces doux esprits de femme pour lesquels j’ai tant fait ?

1497. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Il étoit doux, agréable dans la société, brillant même dans la conversation, sensible à l’amitié. […] Celui-ci, doux, poli, modéré, pacifique, homme de cour & de lettres, en gouvernant la conscience de Louis XIV, gouvernoit à la fois l’église Gallicane. […] Les sentimens que fait entrevoir le pontife philosophe(*) sont ceux d’un génie élevé, doux & pacifique. […] Les loix de l’empire sont douces & sages, & sont sa tranquillité : nulle part on n’a mieux établi ce droit naturel & sacré, le respect des enfans pour les pères. […] En recouvrant sa liberté, son premier soin fut d’abandonner Ferrare, séjour pour lui si doux & si cruel.

1498. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Froissée par le spectacle de la réalité, l’imagination de Mme de Staël se reporte avec attendrissement vers des créations meilleures et plus heureuses, vers des peines dont le souvenir du moins et les récits font couler nos plus douces larmes. […] De peur qu’on ne s’y méprenne, Delphine, en lui répondant, lui parle de cette règle rigoureuse, nécessaire peut-être à un caractère moins doux ; choses qui ne se disent ni ne s’écrivent tout d’abord entre personnes façonnées au monde comme Delphine et Mathilde. […] On a trouvé que Mme de Cerlèbe, adonnée à la vie domestique, à la douce uniformité des devoirs, et puisant d’infinies jouissances dans l’éducation de ses enfants, se rapprochait de Mme Necker de Saussure, qui de plus, comme Mme de Cerlèbe, avait encore le culte de son père. […] elle s’est repentie à la fin dans une bienveillante nouvelle intitulée Athénais, dont nous reparlerons : une influence amie, et coutumière de tels doux miracles, l’avait touchée58. […] Plusieurs journalistes, dont on connaît d’avance l’opinion sur un livre d’après le seul nom de son auteur, se sont déchaînés contre Delphine ou plutôt contre Mme de Staël, comme des gens qui n’ont rien à ménager… Ils ont attaqué une femme, l’un avec une brutalité de collége (Ginguené paraît avoir imputé à Geoffroy, qu’il avait sur le cœur, un des articles hostiles que nous avons mentionnés plus haut), l’autre avec le persiflage d’un bel esprit de mauvais lieu, tous avec la jactance d’une lâche sécurité. » Après de nombreuses citations relevées d’éloges, en venant à l’endroit des locutions forcées et des expressions néologiques, Ginguené remarquait judicieusement : « Ce ne sont point, à proprement parler, des fautes de langue, mais des vices de langage, dont une femme d’autant d’esprit et de vrai talent n’aurait, si elle le voulait une fois, aucune peine à revenir. » Ce que Ginguené ne disait pas et ce qu’il aurait fallu opposer en réponse aux banales accusations d’impiété et d’immoralité que faisaient sonner bien haut des critiques grossiers ou freluquets, c’est la haute éloquence des idées religieuses qu’on trouve exprimées en maint passage de Delphine, comme par émulation avec les théories catholiques du Génie du Christianisme : ainsi la lettre de Delphine à Léonce (xiv, 3e partie), où elle le convie aux croyances de la religion naturelle et à une espérance commune d’immortalité ; ainsi encore, quand M. de Lebensei (xvii, 4e partie), écrivant à Delphine, combat les idées chrétiennes de perfectionnement par la douleur, et invoque la loi de la nature comme menant l’homme au bien par l’attrait et le penchant le plus doux, Delphine ne s’avoue pas convaincue, elle ne croit pas que le système bienfaisant qu’on lui expose réponde à toutes les combinaisons réelles de la destinée, et que le bonheur et la vertu suivent un seul et même sentier sur cette terre.

1499. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

. — Théobald, d’accusateur devenu accusé, se sentit plus doux comme plus modeste, et fut reconnaissant à l’excès du silence qu’Émilie voulut bien garder. » La seconde partie des Trois Femmes, qui se compose de lettres écrites du château d’Altendorf par Constance à l’abbé de La Tour, ressemble souvent à des conversations qu’a dû offrir le monde de Mme de Charrière, en ces années 94 et 95, sur les affaires du temps. […] Ce doux jardin du pays de Vaud et la vue de ces pentes heureuses ne l’avaient qu’à demi consolée ; l’anneau mystérieux du bonheur était dès longtemps enseveli pour elle dans l’abîme des lacs tranquilles. […] Elle a éprouvé toutes les tristesses de la vie, celle qui écrivait : « Vous n’avez pas comme moi ces moments où je ne sais plus seulement si j’ai le sens commun ; mais« encore faudrait-il être connue et entendue. » Ou bien encore : « On ne veut pas seulement que quelqu’un s’imagine qu’il pouvait être aimé et heureux, nécessaire et suffisant à un seul de ses semblables, Cette illusion douce et innocente, on a toujours soin de la prévenir ou de la détruire. » C’est à Mme de Charrière et à son esprit, sinon à son cœur, que l’auteur rend hommage au début d’Adolphe, lorsqu’il parle de cette femme âgée, si remarquable, près de laquelle, dans des conversations inépuisables, il a tout analysé.

1500. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Dans cette jeune fille, la douce voix de l’amour couvre celle de l’honneur personnel. […] « Pour se procurer l’ordinaire soutien de la vie, personne, parmi les hommes n’avait d’autre peine à prendre que celle d’étendre la main, et de cueillir sa nourriture aux branches des robustes chênes, qui les conviaient libéralement au festin de leurs fruits doux et mûrs ; les claires fontaines et les fleuves rapides leur offraient en magnifique abondance des eaux limpides et délicieuses ; dans les fentes des rochers et dans le creux des arbres, les diligentes abeilles établissaient leurs républiques, offrant, sans nul intérêt, à la main du premier venu, la riche moisson de leur doux labeur225.

1501. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« Non, douce fille de Roi, je ne désire point cet honneur, que vous portiez au logis mon bouclier et les autres pièces de mon armure. […] Volkêr s’assit sur une pierre sous la porte du palais ; jamais il n’exista un plus généreux joueur de viole ; il tira des cordes de son instrument des sons si doux, que les fiers étrangers remercièrent Volkêr ! […] Il la portait, mon doux bien-aimé, la dernière fois que je le vis, et de sa perte mon cœur a souffert plus que de tous mes autres maux. » Elle tira l’épée du fourreau sans qu’il put l’empêcher, — elle voulait enlever la vie au guerrier, — et la soulevant des deux mains, lui abattit la tête.

1502. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

« … On voyait, reprenait-il, des têtes d’amphibies, dix, vingt têtes, émergeant de l’eau, la gueule ouverte… Mais, circonstance à laquelle les justiciers n’avaient pas songé, c’était pour les alligators le temps des amours, et, poussés par un doux attrait vers les caïmanes, les caïmans laissaient glisser au fil de l’eau la planche sur laquelle le misérable pantelait d’effroi. […] Et le voici, maintenant, à l’aise, dégagé d’une préoccupation fâcheuse et parfaitement libre de vaquer à de plus doux exercices. […] Cependant, ils infestent le public d’idées fausses ; ils répandent parmi le peuple une foule de notions erronées sur le monde, qu’ils ne connaissent point ou n’ont jamais étudié, sur la vie, sur le devoir ; ils accumulent avec une douce impunité les plus fabuleuses inepties.

1503. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Dans le ciel même, l’ange qui frappe n’est pas l’ange qui couronne, et qui sait si sa fonction de justice cruelle ne nuit pas, dans l’historien, à la fonction de justice douce que nous voudrions aussi lui voir exercer ? […] Barrot est une nature douce, naïve, crédule, un peu vaniteuse. […] de l’écartèlement de ces Intérêts et de ces Ambitions terribles, voilà qu’il trouve cependant une minute pour donner à une passion désintéressée, à un travail qui lui plaît et qui lui est doux, et qui ne lui rapportera jamais rien, pas même peut-être une place à l’Institut !

1504. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Voilà le mot terrible et doux qui va planer sur cette critique que je vais risquer de Paul Féval et de ses œuvres. […] Il ne connaissait pas, pour se les appliquer, les paroles de celui qui a dit : « Mon poids est doux et mon joug est léger », aux craintifs et aux mélancoliques de son temps. […] XVI Crétineau-Joly, dont il faudra désormais toujours parler quand il s’agira des Jésuites, était, lui, le tigre tout à fait, depuis les griffes jusqu’aux dents ; et c’est pourtant de l’histoire de ce tigre que le doux et aimable Paul Féval s’est inspiré.

1505. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Sa pente serait plutôt celle du poli brillant, celle des routes gazonnées et doux fleurantes. […] Ce n’était ni verve ni saillie éblouissante, mais quelque chose de plus doux ; une pensée perpétuelle sans effort, de l’animation sans fumée ni flamme, la proportion juste des idées, chaque objet saisi à son point et avec détachement, tout le nonchaloir des loisirs.

1506. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Cependant il n’ignora point tout à fait Les forêts, les eaux, les prairies, Mères des douces rêveries. […] Pour comble, on lui attribua un méchant libelle, Boileau aux prises avec les jésuites, et le père Tellier, qui avait succédé au doux père La Chaise, fît demander au poète un désaveu public des attaques qu’on lui attribuait contre la Société.

1507. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Heureux Angira   Pourtant, s’il est sûr que la vie est foncièrement mauvaise, il ne l’est pas moins qu’elle semble douce à certaines heures et que les passions nous enivrent délicieusement avant de nous meurtrir  Çunacépa est un acheminement vers une philosophie moins hostile à l’illusion et à l’action. […] Pour une fois qu’elle est douce comme dans les dernières strophes des Clairs de lune, délicieuse comme dans la Bernica, sublime comme dans le Sommeil du Condor  l’Effet de lune, et surtout les Hurleurs nous la montrent pleine de désespoirs et d’épouvantements.

1508. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Le caractère de Montaigne, tel que nous le montrent les Essais, est celui d’un homme nonchalant par humeur, non moins que par la faveur d’une condition qui lui permettait le repos ; irrésolu, tantôt par l’effet des lumières, qui font voir autant de raisons pour s’abstenir que pour agir, tantôt par la fatigue de délibérer, détestant l’embarras des affaires domestiques, et préférant l’inconvénient d’être volé à l’ennui de veiller sur son bien ; ennemi de toute contrainte, jusqu’à regarder comme un gain d’être détaché de certaines personnes par leur ingratitude ; ne donnant prise sur lui à rien ni à personne, ne se mettant au travail qu’alléché par quelque plaisir simple, naïf, vrai avec lui-même et avec les autres ; ayant le droit de parler de sa facilité, de sa foi, de sa conscience, de sa haine pour la dissimulation, dans un temps où toutes ces qualités étaient autant de périls142 ; « ouvert, dit-il, jusqu’à décliner vers l’indiscrétion et l’incivilité » ; délicat à l’observation de ses promesses jusqu’à la superstition, et pour cela prenant soin de les faire en tous sujets incertaines et conditionnelles143 ; franc avec les grands, doux avec les petits ; le même homme que le besoin d’ouverture pouvait rendre incivil ; poussant la civilité jusqu’à être prodigue de bonnetades 144, notamment en été, dit-il, sans doute parce qu’on risque moins en cette saison de s’enrhumer en général, ayant les vertus de l’honnête homme, et sachant, en un cas pressant, en montrer ce qu’il en fallait, mais n’en cherchant pas l’occasion un mélange de naïveté et de finesse, d’ouverture et de prudence, de franchise et de souplesse ; modérant ses vertus comme d’autres modèrent leurs vices ; mettant pour frein à chacune ce grand amour de soi, dont il ne se cache pas et qui formait son état habituel ; enfin, s’il fut vain, ne l’étant guère moins de ses défauts que de ses qualités. […] Je vous responds en mer, où j’ay voulu courre une bordée par le doux temps.

1509. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Tel est le vivant mais grossier épisode qui est devenu, dans Rheingold, la belle scène du rachat de Freia, avec ce cri si touchant de Fasolt : « Je vois encore briller l’œil de la douce déesse !  […] Le ton de la critique dut aussi paraître doux à celui dont le cœur était déjà blessé par de multiples avanies.

1510. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Quiconque a étudié les oiseaux sait bien qu’ils choisissent toujours pour leurs nids les meilleurs matériaux, qu’ils laisseront intacts ceux que leur espèce a l’habitude d’employer, s’ils en ont de plus doux à leur portée. […] Nous n’attendons pas que deux scrofuleux engendrent un enfant sain, que des parents irascibles produisent un caractère doux, que deux idiots donnent naissance à un homme de génie.

1511. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

N’oublions pas la douce Marcelle, cette figurine d’innocente qui, jetée au milieu des scandales du salon borgne de son ignoble tante, a l’étrangeté mélancolique d’un portrait de madone pendu dans la chambre d’une courtisane espagnole. […] — Tant qu’elle voudra. » — Voilà un homme, sinon épris, du moins content de sa maîtresse, qui trouve son oreiller très doux, son intimité très aimable, et ne songe nullement à la diffamer.

1512. (1904) En méthode à l’œuvre

Nous l’élidons si nous devons le réduire à sa plus simple expression, mais d’autre part lui donnons toutes ses tonalités délicates, si, au singulier ou au pluriel, il se trouve, précédé d’une voyelle, — terminer un mot que va suivre une lettre-consonne… Il sied de n’éteindre de lueurs de la diaprure phonétique, et nulle vague douce de la mer entière des durées harmonieuses. […] de l’idéal dessin d’ellipses nous tracent le devoir du plus-de-Volonté, les impavides et douces Forces… Et, — laissez-moi rêver !

1513. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Douce et accommodante rhétorique, mais vaine ! […] Jamais rien de plus doux, de plus miséricordieux, de plus généreux, et, diront peut-être beaucoup de pauvres chrétiens, — imbéciles quoique chrétiens (cela se voit), — de plus chrétien ne fut écrit… On se fond, vraiment, en lisant cela !

1514. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Elle en avait éprouvé une vive et douce surprise, une joie sensible, visible, et qu’elle ne pouvait contenir.

1515. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Duguet, Rollin, sont en revanche extrêmement loués, et rangés ensemble, avec un petit nombre, « dans la douce famille des esprits conservateurs ».

1516. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Suivent quatre lettres (que l’on connaissait déjà) sur la vertu et le bonheur adressées par Jean-Jacques à Sophie, c’est-à-dire à Mme d’Houdetot ; il fait de la philosophie avec celle qu’il aime, et dont la vertu, dit-il, l’a ramené à la raison ; il s’en console et même il s’en félicite avec elle : « Si nous avions été, moi plus aimable ou vous plus faible, le souvenir de nos plaisirs ne pourrait jamais être, ainsi que celui de votre innocence, si doux à mon cœur… Non, Sophie, il n’y a pas un de mes jours où vos discours ne viennent encore émouvoir mon cœur et m’arracher des larmes délicieuses.

1517. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts.

1518. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Il y a là une noble recherche d’égards, et aussi une douce science de composer, d’assortir son œuvre et sa vie comme un bouquet odorant, non moins suave qu’impérissable. 

1519. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

« Et à mesure qu’il montera, sa chaleur fondra les nuages amoncelés par la tempête ; et ils ne seront plus qu’une légère vapeur qu’un vent doux chassera vers le couchant. 

1520. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Victor Hugo, au contraire, le tempérament naturel a un caractère précis à la fois et visionnaire, raisonneur et plastique, hébraïque et panthéiste, qui peut l’induire en des voies de plus en plus éloignées de celles du doux Pasteur.

1521. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

« L’Assemblée (constituante) abolit toutes les distinctions honorifiques, toutes les armoiries, jusqu’aux titres insignifiante de monsieur et de madame, locutions de pure courtoisie, si l’on veut, mais qui, réunies à d’autres semblables, rendent plus douces les relations ordinaires de la vie, et entretiennent cette urbanité de mœurs que les Français désignaient par l’expression heureuse de petite morale. » Notez ce mot en passant, MM. de l’Académie ; et vous tous qui étudiez l’histoire, n’oubliez pas que l’Assemblée constituante abolit les titres de monsieur et de madame.

1522. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Quand l’orage éclate, elle devient tonnerre et rugissements, elle soulève et fait tourbillonner les flots, comme ne le peuvent les faibles rivières ; mais, quand il fait doux et calme, plus sereine que les rivières au cours rapide, elle étend son incommensurable nappe de verre, éternelle volupté des yeux. » Ici commence une série de combats qui nous paraissent extrêmement prolongés ; nous sommes, malgré tout, trop peu Cosaques pour nous intéresser jusqu’au bout à tant d’épisodes successifs de cette iliade zaporogue.

1523. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

L’entrée en matière de ses Annales fait espérer d’utiles révélations ; en quelques mots profonds et rapides, il montre le monde fatigué des guerres civiles, un besoin général de repos et de sécurité ; Auguste, maître de l’armée par ses largesses, du peuple par ses distributions, des nobles par ses faveurs, de tous par la douce tranquillité de son gouvernement ; les provinces acceptant avec joie cette domination d’un seul homme par aversion pour l’empire du sénat et du peuple, pour les combats des grands, pour l’avarice des magistrats, pour la violence, la corruption et la brigue qui avaient pris la place des lois ; enfin, la République s’effaçant peu à peu du souvenir d’une société qui, sous un sceptre protecteur, goûtait un repos dont elle avait été si longtemps privée.

1524. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

L’un sauva sa patrie par son éloquence oratoire et ses talents consulaires ; l’autre, dans ses commentaires, écrivit ce qu’il avait fait ; l’autre enfin, par le charme de son style, l’élévation philosophique dont ses lettres portent le caractère, se fit aimer comme un homme rempli de l’humanité la plus douce, malgré l’énergique horreur de l’assassinat qu’il commit.

1525. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Il y eut une sorte de jargon grec et latin convenable au même titre qu’une perruque ; on employa Apollon et les Muses comme l’hémistiche et la césure ; on mit en oeuvre l’Amour et les Grâces comme les cédrats confits et les billets doux ; il y eut un dictionnaire mythologique comme un code du savoir-vivre, et les pauvres dieux antiques arrivèrent à cette humiliation extrême de servir de potiches et de paravents.

1526. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

C’est un bruit doux et lent, qui va des monts aux grèves, Frisson des germes nus, et murmure des sèves, Travail de la racine entr’ouvrant le sol dur, Feuillages déployés qui tremblent dans l’azur.

1527. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

De sa tendresse enfantine et mystique pour « la douce Vierge » ont jailli de beaux cantiques, des dits aux strophes ardentes ou suaves.

1528. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Mais, après avoir senti les formes uniquement dans ce qu’elles ont de sexuel, on les aime bientôt pour elles-mêmes ; à l’attrait génétique succède le sentiment beaucoup plus complexe du Beau plastique, qui n’est en soi ni masculin ni féminin ; et la sensation primitive appelle alors et provoque, par des liaisons naturelles et rapides, une foule d’idées et de sentiments très nobles, très doux et très purs.

1529. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Se peut-il, dans le ciel même, Trouver de plus douce crème Que celle de son parler ?

1530. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Voyant que son maître l’écoute avec assez d’attention, il s’enhardit, et poursuit en ces termes : « — Je me souviens d’avoir lu dans Homère, en son Traité pour empêcher que les grenouilles ne s’enrhument, que, dans Athènes, un père de famille ayant fait l’acquisition d’un cochon de lait, gentil, d’une agréable physionomie, de mœurs douces, dans sa taille bien pris, conçut tant d’amitié pour le petit cochon, qu’au lieu de le mettre en broche, il donna les plus grands soins à son éducation, et le nourrit avec des biscuits et du macaroni.

1531. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

» discrets, un appel si doux, si plaintif… M. 

1532. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

On oubliait d’ailleurs, à l’entendre causer, ces détails mal venus et son regard profond et doux suffisait à parer et à illuminer toute sa personne.

1533. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Le grand signe du Messie, c’est « la bonne nouvelle annoncée aux pauvres 364. » La nature idyllique et douce de Jésus reprenait ici le dessus.

1534. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Les repas étaient devenus dans la communauté naissante un des moments les plus doux.

1535. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

L’honnête et suave Marc-Aurèle, l’humble et doux Spinoza, n’ayant pas cru au miracle, ont été exempts de quelques erreurs que Jésus partagea.

1536. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Il parla de fort bon sens sur son incommodité, il est tel qu’on vous l’a dit : fort doux, simple, point charlatan.

1537. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Il me serait bien doux de me remettre en liberté.

1538. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Virgile, douce lumière lunaire, luit parmi des paysages tragiques que le soleil d’Homère illumina d’abord et sa clarté onduleuse en renouvelle l’aspect.

1539. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Des arbres élevés laissent pendre leurs fruits sur sa tête ; des poires, des grenades, des oranges, des figues douces et des olives vertes.

1540. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Il a restitué ainsi un curieux chant monorime de la Passion : La passion du doux Jésus, | qu’est moult triste et [dolente], Ecoutez-la, petits et grands, | s’il vous plaît de [l’entendre].

1541. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Corneille tira de cette infamie une vengeance, & la vengeance la plus douce pour un auteur, celle de voir les ouvrages de son ennemi sifflés par le public.

1542. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

. — Et justement voilà pourquoi Célimène, fidèle au rôle qu’elle s’est imposée, est si prodigue envers les uns et les autres de bonnes paroles, de tendres regards, de billets doux ; là est sa force, et elle a besoin d’être forte pour se défendre.

1543. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Il est le modèle des gens de lettres qui vivent dans le monde par son caractère de droiture & de franchise, par sa noble liberté avec les Grands, par sa douce familiarité avec les petits, par sa sensibilité pour ses amis, & par toutes les qualités du galant homme, de l’honnête homme.

1544. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Peut-être la Fable offre-t-elle plus de sujets doux et agréables ; peut-être n’avons-nous rien à comparer en ce genre au Jugement de Pâris : mais le sang que l’abominable croix a fait couler de tous côtés, est bien d’une autre ressource pour le pinceau tragique.

1545. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

Calino répond qu’il préfère rêver dans son lit « aux douces émanations de la rosée matinale » que d’aller tremper ses pieds dedans.

1546. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Indigné de la prostitution qu’ils avaient faite du doux nom de fraternité, il traduisait cette inscription tracée sur tous les murs, Fraternité ou la mort, par celle-ci : Sois mon frère ou je te tue.

1547. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Mais si, au lieu du génie momentané de l’écrivain, nous touchions à son génie de toujours, à ce génie qui doit s’infuser, quand on en a, dans toutes les minutes de la vie, si nous mettions enfin la morne et silencieuse fumeuse de cigarettes vis-à-vis de cette éternellement éloquente, dont aucune fumée n’a terni la lèvre éclatante, de ce Rivarol-femme, de cette Mirabeau douce…, est-ce que Mme Sand, rapetissée par le contraste, ne disparaîtrait pas du coup ?

1548. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Ce bas-bleu philosophe ne peut pas avoir la naïveté, l’humilité, la charité du doux prêtre qui, comme Notre Seigneur Jésus-Christ, se fait suavement petit avec les petits pour mieux les enseigner.

1549. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Le critique est quelquefois comme ce terrible juge qui ne demandait que dix lignes d’un homme pour l’envoyer au supplice, mais souvent, plus heureux et plus doux, pour sauver un écrivain fourvoyé et prévoir son avenir, le critique n’en demande pas davantage.

1550. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Le roi René, auquel n’ont manqué non plus ni la calomnie ni la caricature, n’a point l’importance majeure et absolue de l’homme qui a fait la monarchie française commencée par le doux saint Louis et achevée par le terrible Richelieu.

1551. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Et c’est là, c’est la vilenie de cette chose qui, jusqu’à nouvel ordre et nouveaux renseignements, me fait douter du Grec qui a écrit une œuvre si peu grecque, de ce romancier grossier et pataud qui est du pays de Lucien, de ce comique épais et sans goût qui continue si étrangement le doux Ménandre et le grand Aristophane.

1552. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

— trouve très douce et a l’air de beaucoup envier cette invention de garçons d’admiration à poste fixe auprès des personnes considérables.

1553. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Avant le Père Olivier, onctueusement prié de se taire : Tout doux !

1554. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Au contraire, cela est doux, apprivoisé, vulgaire, pris au chenil des idées communes qui trottent par le chemin et s’arrêtent aux bornes, et, pour continuer notre juste image, assez malpropre de moralité.

1555. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Laissons Cervantes, laissons Rabelais, Richardson et Fielding, et Molière et Balzac, et quand un homme n’est pas même Swift, ne tourmentons pas notre trompette de traducteur et soufflons dedans des airs plus doux.

1556. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

Il est doux et il se dit chrétien.

1557. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Lacordaire ne l’éteint pas, il est vrai, ce nimbe du surnaturel et du divin autour de la tête pâle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais il le voile, pour qu’on aperçoive mieux combien cette tête est humainement belle et pour que ceux qui sourient du nimbe soient touchés au moins de la beauté du plus beau et du plus doux des enfants des hommes !

1558. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Cela paraît si simple à l’esprit et cela est si doux à l’orgueil !

1559. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

L’expérience, — ce fruit tardif, le seul fruit qui mûrisse sans devenir doux, — l’expérience a ajouté son enseignement aux facultés sagaces et translucides que la contemplation et la chasteté religieuse développent et fécondent, et cette double éducation de la pensée a communiqué à la voix et à la parole du P. 

1560. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

— il l’a cuit à point, dans un court-bouillon modéré, entretenu avec un feu doux, et il en a levé quelques tranches avec une palette à poisson d’argent ciselé, et cela a paru bon, même à ceux qui, comme moi, préféreraient la cuisine du duc d’Albe avec ses caviars !

1561. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Il y a dans le recueil des poésies plus longues, d’un déroulement plus large, d’une passion plus irritée, où le poète est plus Spartacus contre Dieu, plus insolent et plus blasphématoire, plus digne du fer rouge que le doux Saint Louis faisait enfoncer dans la langue des blasphémateurs.

1562. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Tout près, dans l’angle obscur de l’étable rustique, — Jadis le presbytère, — une vache au poil roux Vous regarde passer d’un œil profond et doux, Et l’on songe à la crèche, à Jésus, — c’est mystique.

1563. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Étudiez-le bien, et voyez s’il y eut jamais dans cette honnête et vaillante créature, douce comme toute force vraie, une brutalité quelconque, une disposition oppressive, un mauvais sentiment.

1564. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

Si blonde veut dire moralement faible, peu foncée, d’une nuance douce, elle est bien nommée : la rutilante Messaline de Juvénal rirait d’elle et de sa blonderie, et ne l’entraînerait pas où elle va… Jusqu’ici, dans cette histoire que je prends comme un tout et dont je ne veux pas prévoir le dénouement, il n’y a que la Messaline des commencements, — et Messaline, la vraie Messaline, commence par la fin.

1565. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Si la religion de Jésus-Christ fait explosion dans les âmes les plus douces et les plus inertes, quand elle y glisse seulement une goutte de sa puissante lumière, que dut-elle produire dans l’âme de M. 

1566. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

Il fut compté, sans passer par les écoles préparatoires, dans la troupe des jeunes, ces vélites de la littérature, auxquels le siècle déclinant est doux.

1567. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Voilà le mot terrible et doux qui va planer sur cette critique que je vais risquer aujourd’hui de M. 

1568. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Ce mélange d’imagination et de philosophie, de sensibilité et de force, ces expressions, tantôt si énergiques et tantôt si simples, ces invocations si passionnées, ce désordre, ces élans, et ensuite ces silences, et, pour ainsi dire, ces repos ; enfin cette conversation avec son lecteur, quelquefois si douce, et d’autrefois si impétueuse, tout cela s’empare de l’imagination d’une manière puissante, et laisse l’âme à la fin dans une émotion vive et profonde.

1569. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Le soir était doux, un peu humide de la nouvelle mollesse d’atomes au printemps venant. […] Tout de suite, une grande pièce, qui est le Cabinet de travail : aux murs des Japonaiseries, le sourire aux rondes pommettes de doux masques. […] Au crépuscule le lent dîner, puis la nuit et les paroles rares et douces. […] » dit plaisamment le doux poète des Gammes. […] Un doux sourire et le geste véhément d’un révolté ».

1570. (1903) Propos de théâtre. Première série

Les incidents, les épisodes, les dénouements quelquefois (excepté quand il en donne deux, dont l’un pour les âmes douces) sont plus cruels, très souvent, que dans Shakspeare. […] Elle a un père, autrement dit rien du tout pour ce qui est d’élever une jeune fille, et elle a une jeune sœur très douce, sa cadette, du reste, qui a pris son parti de plier devant tous les orages déchaînés par sa grande sœur. […] Il a eu une discussion plus aigre que douce avec Armande ; on lui a jeté Trissotin à la tête ; Philaminte vient de le railler sur son amour de l’ignorance. […] La douce Bérénice n’est pas du tout de leur famille, oh ! […] » Elle n’est ni forte ni habile, ombre douce à ce tableau vif et cru.

1571. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

La fleur est vive de ta bouche, Nos mains s’étreignent, nos cœurs s’unissent, Tout l’air est ivre, et ta voix est douce ; Mes roses saignent entre tes lys. […] Paul Fort, né à Reims, a su tirer des paysages de l’Ile de France un doux enseignement. […] L’époux s’avance heureux, rêvant « des ciels purs et légers, des climats doux », évoquant « l’impassible beauté du temple athénien debout sur la cité ». […] « C’est sur le sol que tout s’organise et que tout veut être considéré. » Il n’est pas de plus doux plaisir que celui d’arpenter la terre et que de sentir ses pieds solidement fixés sur le sol. […] La nature resplendissait de vie joyeuse ; les fleurs tôt venues s’épanouissaient sans s’épuiser, comme incapables de mourir, et c’était, à travers trois saisons délicieuses de grâce et d’éclat, tempéré, un chant universel de jeunesse et de douce ardeur.

1572. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Très doux, mais sur un ton sincère, M.  […] Hâte-toi, douce amie, ils ne peuvent tarder. […] Pourquoi, doux Jésus ? […] Pierre Quillard, par exemple, la Gloire du Verbe, un vers magnifié, éclatant, mais doux, des vierges douces ou perverses aux formes grises fondues dans l’or et les enluminures de missel, mettrons-nous M.  […] Il se complaît à noter les douces tourmentes des âmes particulièrement sentimentales.

1573. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Pitt, dit-il, fit au collége des vers latins sur la mort de George Ier. « Dans cette pièce, les Muses sont priées de venir pleurer sur l’urne de César ; car César, dit le poëte, aimait les Muses, César qui n’était pas capable de lire un vers de Pope, et qui n’aimait rien que le punch et les femmes grasses. » — Ailleurs, dans la biographie de miss Burney, il raconte comment la pauvre jeune fille, devenue célèbre par ses deux premiers romans, reçut en récompense, et par grande faveur, une place de femme de chambre chez la reine Charlotte ; comment, épuisée de veilles, malade, presque mourante, elle demanda en grâce la permission de s’en aller ; comment « la douce reine » s’indigna de cette impertinence, ne pouvant comprendre qu’on refusât de mourir à son service et pour son service, ou qu’une femme de lettres préférât la santé, la vie et la gloire, à l’honneur de plier les robes de Sa Majesté. […] On devine bien qu’il n’est pas plus doux pour les morts que pour les vivants. […] Célimène pique, mais ne blesse pas ; les amis de lady Sneerwell blessent et laissent dans toutes les réputations qu’ils touchent des marques sanglantes ; la raillerie que je vais traduire est une des plus douces de Macaulay. […] Ce spectacle avait fait quitter à Reynold le chevalet qui nous a conservé les fronts pensifs de tant d’écrivains et d’hommes d’État, et les doux sourires de tant de nobles dames.

1574. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

La question demeura sans réponse, comme on peut le présumer, & nous prîmes plaisir à nous repaître de douces illusions sur cet objet. […] Mais je voudrois bien savoir la véritable origine de ces jolis billets doux…. […] Outre que je ne l’ai jamais entendue raconter, est-il possible, que Frédéric II, si sévere, eût été si doux en pareil cas. […] La conversation passe de l’un à l’autre sans suite, sans liaison, & l’on quitte la table sans avoir joui du doux plaisir de parler. […] le ciel vous bénira, vous ramenez ces temps heureux, où ne faisant tous qu’une même ame & qu’un même esprit, nous charmions nos chagrins par le doux plaisir de chanter.

1575. (1888) Portraits de maîtres

Dans ce doux village de Milly, que nous avons visité depuis la mort du Maître avec le recueillement d’un pèlerin, Lamartine était né en 1791. […] Elle peut à son gré passer de la fantaisie à l’héroïsme, de la gaîté gauloise à la douce mélancolie. […] « Et quand parfois, en les regardant, je me demandais ce qui faisait la tristesse de ces fiers et doux visages : « “Ce n’est point, me disaient-ils, notre mort précoce, notre destin inachevé. […] On respirait en tout je ne sais quelle douce sauvagerie primitive qui m’enchantait. […] Quand nous marchons par les prés, tes regards sont plus doux que le muguet et la jonquille entr’ouverte à la rosée ?

1576. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Elles ont tôt fait de deviner sous quelle influence leur aimable et doux Hubert a pu devenir tout d’un coup si dur. […] Doux, point bruyant, il rêvait beaucoup, ne jouait guère, et seulement avec des petites filles, étant lui-même un peu petite fille. […] Qu’il existe ou non, ce néant, éternel sommeil sans rêves, plus doux que tous les rêves, je l’aime. […] Il s’est laissé toucher par le sentiment de l’universelle fraternité dans la souffrance, par la pitié douce et profonde. […] Lavisse est un autoritaire doux.

1577. (1894) Critique de combat

Comment rendre en quelques pages ce fourmillement de vie et de couleurs, cette infinie variété d’aspects, ce perpétuel mélange du gracieux et du grandiose, du doux et du terrible ? […] doux et monotone, et elle écrit : « C’est une existence qui coule à terre, qui filtre par ce tamis d’étoffe et de crin !  […] La fauvette n’est pas le rossignol, et pourtant elle a des accents si doux et si caressants qu’ils enchantent l’oreille. […] Or un jour il bêchait la terre, lorsqu’il entendit de l’autre côté du mur une voix douce qui chantait, une voix de jeune fille ; il ramassa une pomme, la jeta par dessus la muraille, et la pomme lui revint à demi mangée, ce qui le troubla beaucoup. […] Et ils étaient heureux tous les deux, Martin ruminant, Etienne, qui n’était plus trappiste, menant la charrue et aimant sans le lui dire la jeune fille à la voix douce.

1578. (1802) Études sur Molière pp. -355

Ce philosophe, chargé de présider à l’éducation de Chapelle, fils naturel de l’Huiller, maître-des-comptes, et voulant donner des émules à son élève, admit à ses leçons Bernier, Cyrano, Pocquelin ; bientôt il est enchanté de la docilité, de la pénétration de celui-ci, et lui enseigne, non seulement la philosophie d’Épicure, mais lui donne encore les principes de cette philosophie pratique, plus douce, plus utile, et que nous lui verrons mettre en action dans toutes ses pièces. […] Dans un autre canevas italien, intitulé Rebut pour Rebut, Flaminia se fait apporter tous les billets doux que ses trois amants, Pantalon, Mario et Lélio, lui ont adressés, et les brûle en leur présence. […] Ces lettres, ces billets doux brûlés, ne valent ni ce seul vers, accompagné d’un portrait ; Et c’est un imposteur enfin que je vous rends, ni le couteau de six blancs, ni le demi-cent d’éguilles de Paris, que se rendent Marinette et Gros-René ; pas même la paille qu’ils veulent rompre. […] Laure y consent, le galant arrive, trouve la belle toute armée, et lui enseigne un plus doux exercice. […] L’amour le plus tendre, le plus vrai, unit Clitandre et Henriette ; mais celle-ci, douce, conciliante, voudrait que son amant s’efforçât de plaire jusqu’au chien du logis ; et l’autre, trop vif et trop sincère, ne saurait flatter ce qui le blesse ou lui déplaît.

1579. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

La vengeance et le dépit l’y poussaient plus qu’une ambition sérieuse : de beaux restes de roman venaient à la traverse ; la vie privée et sa douce paresse, par où il devait finir, l’appelaient déjà. […] M. de la Rochefoucauld ne nous a point paru pouvoir se séparer des deux femmes qui ont tenu une si grande place dans sa vie ; en le mettant, par exception, dans ce volume tout consacré à des gloires plus douces, nous ne sommes pas pour cela de l’avis que son succès a été un succès de femmes, comme il nous revient de temps en temps qu’on le murmure autour de nous : nous entendons simplement lui faire une faveur dont il est digne et dont, certes, il ne se plaindrait pas.

1580. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

c’étaient de bons moments, monsieur, et puis je lui répondais ensuite sur tout ce qu’il me demandait de mon pauvre et beau Hyeronimo, le vrai portrait en force de sa cousine en grâce : comme quoi sa taille dépassait de la main la tête de la jeune fille, comme quoi ses cheveux moins bouclés étaient noirs comme les ailes de nos corneilles sur la première neige ; comme quoi son front était plus large et plus haut, ses joues plus pâles et plus bronzées par le soleil ; ses yeux aussi fendus, mais plus pensifs sous ses sourcils ; sa bouche plus grave, quoique aussi douce ; son menton plus carré et plus garni de duvet ; son cou, ses épaules, sa taille plus formés. […] Quant à Hyeronimo, quand on lui parlait seulement du capitaine des sbires, il devenait pâle de colère comme le papier, et sa voix grondait en prononçant son nom, comme une eau qui bout dans la marmite de fer sur notre foyer ; pourtant, il ne lui souhaitait point de mal ; il était trop doux pour en faire à un enfant ; mais il voyait bien, sans que rien fût dit sur ce sujet entre nous, que cet homme puissant voulait nous enlever par caresse, par astuce ou par violence plus que le pré, la vigne, les mûriers ou notre part du châtaignier : c’est peut-être cela, monsieur, qui lui fit comprendre qu’il aimait plus que d’amitié sa cousine, et c’est peut-être aussi la peur du sbire qui apprit après à Fior d’Aliza combien Hyeronimo lui était plus qu’un frère.

1581. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Ma main glissa du front sur le cou ; ce fut bien une autre surprise, monsieur : au lieu de cette douce peau blanche d’enfant qui caressait la main comme une feuille lisse et fraîche de muguet, quand je touchai ses épaules à l’endroit où elles sortent du corsage de laine, je sentis le rude poil velu d’une veste de bure, comme celle des pifferari des Abruzzes, et, en descendant plus bas vers la taille, une ceinture de cuir à boucles de laiton, de larges braies et de grosses guêtres boutonnées sur des souliers ferrés qui résonnaient comme des marteaux sur l’enclume. […] CXXXIII — Je leur dis alors, comme on parle dans le délire de la fièvre, tout ce qu’on peut dire quand on a perdu sa raison et qu’on n’écoute rien de ce qui combat votre folie par des raisons, des caresses ou des menaces, que mon parti était pris ; que si Hyeronimo devait mourir, il valait autant que je mourusse avec lui, car je sentais bien que ma vie serait coupée avec la sienne ; que des deux manières ils seraient également privés de leurs deux enfants ; que, vivant, il aurait peut-être besoin de moi là-bas ; que, mourant, il lui serait doux de me charger au moins pour eux de son dernier soupir et de prier en voyant un regard de sœur le congédier de l’échafaud et le suivre au ciel ; que la Providence était grande, qu’elle se servait des plus vils et des plus faibles instruments pour faire des miracles de sa bonté ; que je l’avais bien vu dans notre Bible, dont ma tante nous disait le dimanche des histoires ; que Joseph dans son puits avait bien été sauvé par la compassion du plus jeune de ses frères ; que Daniel dans sa fosse avait bien été épargné par les lions, enfin tant d’autres exemples de l’Ancien Testament ; que j’étais décidée à ne pas abandonner, sans le suivre, ce frère de mon cœur, la chair de ma chair, le regard de mes yeux, la vie de ma vie ; qu’il fallait me laisser suivre ma résolution, bonne ou mauvaise, comme on laisse suivre la pente à la pierre détachée par le pas des chevreaux, qui roule par son poids du haut de la montagne, quand même elle doit se briser en bas ; que toutes leurs larmes, tous leurs baisers, toutes leurs paroles n’y feraient rien, et que, si je ne me sauvais pas aujourd’hui, je me sauverais demain, et que peut-être je me sauverais alors trop tard pour assister le pauvre Hyeronimo.

1582. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Il me dit alors des choses qu’il ne m’avait jamais dites et que je ne comprenais que par le tremblement de sa voix et par le froid de sa main sur mon épaule, mais des choses si douces à entendre, à voir, à sentir, que je ne pouvais y répondre que par des rougeurs, des pâleurs et des soupirs qui paraissaient lui faire oublier tout à fait sa mort, comme tout cela me faisait oublier la vie ! […] CCXXXIX Au bout d’une demi-semaine, d’une attente si douce et cependant si inquiète, le frère Hilario revint de son couvent : il raconta à Hyeronimo que l’évêque et le prieur n’avaient pas balancé à lui accorder le consentement, l’autorisation, les dispenses ecclésiastiques, motivées sur le salut du meurtrier repentant, à qui le pardon et la résignation ne coûteraient rien s’il mourait avec le droit et la certitude de retrouver, dans le paradis des repentants, l’éternelle union avec celle qu’il aimait, union dans le temps, symbole de l’union de l’éternité bienheureuse.

1583. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Quelle fonction de la vie publique, ou dans les camps, ou sur les champs de bataille, ou dans les cités, ou dans les assemblées délibérantes, ou dans les tribunaux, ou dans les temples, pourrait convenir à un être voué par son sexe à de si douces et si maternelles fonctions ? […] Cependant, douces et calmes au milieu des outrages, leurs gardiens se virent obligés de changer sans cesse les soldats apostés pour les garder ; on choisissait avec soin, pour cette fonction, les caractères les plus endurcis, de peur qu’individuellement la reine et sa famille ne reconquissent la nation qu’on voulait aliéner d’elles.

1584. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

La liaison, d’ailleurs chaste, de Rosmer et de Rébecca a poussé à la folie, puis au suicide, la douce Mme Rosmer. […] Zola, et son furieux et brutal pessimisme, si éloigné de l’indifférence ; et la petite Lalie de l’Assommoir, l’enfant-martyre, plus souffrante, et aussi douce, et aussi illettrée que Platon Karatief ; moins religieuse, je le sais ; mais pourquoi serait-elle en cela moins émouvante ou moins sublime, si sa bonté n’en est que plus surprenante encore et plus mystérieuse ?

1585. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Et, une fois ou deux, il nous a dénoncé ce qui grouille dans ce vide, et comment ce nihilisme, d’ordinaire avachi et doux, des vieux viveurs peut tourner au farouche et au macabre. […] * * * Ce livre est infiniment doux.

1586. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Les vers les plus nobles, les plus doux, les plus sublimes de la langue, se terminent par des monosyllabes formés de cette diphtongue. […] Qu’il soit doux, complaisant, officieux, sincère ; On le veut : j’y souscris et suis prêt à me taire.

1587. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Dans son Petit Chose, il y a bien des pages navrantes, de l’observation fouillée, dure et cruelle, et acharnée, qui fait pleurer des larmes pesantes : il n’y a pas que des fraîcheurs de coloris et de douces et jeunes mélancolies. […] Eh bien, c’est ce Bixiou que l’auteur des Lettres de mon moulin a peint vieux, décrépit, aveugle, méprisé de sa femme, idiot de sa fille… et cherchez le pastel du doux Chérubin littéraire dans cette peinture !

1588. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Fontenelle et les modernes, qui avaient à prendre leur revanche du discours de La Bruyère et de la préface très vive qu’il y avait jointe, firent l’élection de l’abbé de Saint-Pierre : pour eux, c’était un auxiliaire et un renfort ; pour les autres, ce n’était alors qu’un abbé de cour, de mœurs douces et polies, et assez grandement apparenté.

1589. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Clair, à l’ombre, épandu sur l’herbe qui revit, Tu me plais, doux poëte au flot calme et limpide !

1590. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Aristophane ou Sterne en eût été jaloux ; On y sentait leur sel, mais le tien est plus doux.

1591. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

verse-nous aussi le pardon des colères Et la coupe d’oubli puisée au doux Léthé, Et l’on verra passer nos cohortes célères Dans l’éclat pacifique et divin des étés !

1592. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

La discipline de l’opinion, des mœurs, des idées, de la sociabilité est plus douce, plus généralement applicable et plus efficacement appliquée pour détruire l’originalité que les moyens violents, que leur violence même rend d’un emploi difficile et exceptionnel.

1593. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

C’est celui de Fouquet, d’abord ; mais sa cassette de surintendant a de si beaux yeux qu’il peut emplir une autre cassette de billets doux à lui adressés par nombre de belles dames.

1594. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Ce qu’elles contiennent, on le voit d’ici ; c’est l’épanchement quotidien ; c’est le temps qu’il a fait aujourd’hui, la manière dont le soleil s’est couché hier, la belle soirée ou le matin pluvieux ; c’est la voiture où le voyageur est monté, chaise de poste ou carriole ; c’est l’enseigne de l’hôtellerie, l’aspect des villes, la forme qu’avait tel arbre du chemin, la causerie de la berline ou de l’impériale ; c’est un grand tombeau visité, un grand souvenir rencontré, un grand édifice exploré, cathédrale ou église de village, car l’église de village n’est pas moins grande que la cathédrale, dans l’une et dans l’autre il y a Dieu ; ce sont tous les bruits qui passent, recueillis par l’oreille et commentés par la rêverie, sonneries du clocher, carillon de l’enclume, claquement du fouet du cocher, cri entendu au seuil d’une prison, chanson de la jeune fille, juron du soldat ; c’est la peinture de tous les pays coupée à chaque instant par des échappées sur ce doux pays de fantaisie dont parle Montaigne, et où s’attardent si volontiers les songeurs ; c’est cette foule d’aventures qui arrivent, non pas au voyageur, mais à son esprit ; en un mot, c’est tout et ce n’est rien, c’est le journal d’une pensée plus encore que d’un voyage.

1595. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Un autre homme éminent, plus grand écrivain et plus puissant penseur que Carrel, apportait alors à la démocratie sa parole enflammée, son imagination amère, ardente, quelquefois si tendre et si douce, ses sombres colères, tout l’éclat de son style ; mais il ne lui apportait pas une pensée.

1596. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Doux trésors !

1597. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

S’ils ont des enfants, tant mieux, pères de famille, ils n’en seront que plus doux et plus compatissants pour les élèves.

1598. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Les poëmes de nos auteurs ne leur paroîtront des ouvrages d’un mérite médiocre, que lorsque les organes de cette machine seront assez altérez pour faire trouver le sucre amer, et le jus d’absinte doux.

1599. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Ils auroient peint le plaisir vif que sent un homme pénetré du froid en s’approchant du feu, ou bien le plaisir plus lent, mais plus doux qu’il éprouve en se couvrant d’une fourure.

1600. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Il manifeste pour Stendhal une douce pitié. » Autant de mots, autant de faussetés.

1601. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Tout grand pouvoir, qui se fait charmant, doit avoir pour les plus nobles esprits des fascinations d’Armide, mais quand on est un lynx, on garde ses yeux, et on ne permet même pas à la Toute-Puissance, devenue aimable, de vous les fermer avec sa plus douce main de fer, gantée de velours.

1602. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Buloz — dit Vapereau dans cette langue originale qu’on lui connaît — débuta dans la littérature par des traductions de l’anglais. » Mais Vapereau a oublié de nous dire les titres des ouvrages que Buloz a traduits, et dont il nous aurait été si doux de rendre compte.

1603. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

l’expliquer, l’atténuer, le simplifier, en faire un événement historique comme un autre, ayant ses origines dans des événements antérieurs presque semblables à lui, et coulant sur des pentes douces et souterraines dans l’Histoire bien avant qu’on l’y voie en plein, voilà le but que l’auteur de cette Religion romaine s’est proposé, et plus il avance dans son livre, plus l’intention d’abord cachée, la visée hostile, se dégagent des faits papelardement articulés.

1604. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Singulier rapport entre le prédicateur évangélique, qui se fait très doux, dans son livre, — mais un peu comme Rominagrobis, et qui pousse la bonté jusqu’à bien vouloir convenir de la grandeur et de la conscience de nos Papes, — et cet empereur affolé qui désirait que le genre humain n’eût qu’une tête, pour la lui couper.

1605. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

En effet, pour nous dégoûter de l’erreur de son principe et de sa doctrine, le protestant a la sécheresse de sa raison et la superbe de son orgueil, mais Saint-Martin a l’imagination du poëte, l’amour du croyant ; et son orgueil est si doux (car il y a toujours de l’orgueil dans un chef de secte), qu’on le prendrait presque pour cette vertu qui est un charme et qu’on appelle l’humilité.

1606. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Seulement ce n’est pas l’infortune du résultat qui les a rendus si doux pour lui, car nul d’entre eux ne doute de la virtualité de ses idées.

1607. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Ni Les Nuits du Père-Lachaise, où la nature humaine devient, comme les événements, par trop fantastique, — mais qui n’en sont pas moins ce que Léon Gozlan a produit de plus puissant dans l’outrance, comme Le Rêve d’un millionnaire est ce qu’il a fait de plus doux et de plus charmant (rappelez-vous cette tête suave de Reine Linon !)

1608. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

C’est très mal, très bon, très doux, très absurde.

1609. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

En passant des Grecs aux Romains, nous éprouvons à peu près le même sentiment qu’un voyageur, qui, après avoir parcouru les îles de l’Archipel et le climat voluptueux de l’ancienne Ionie, serait tout à coup transporté au milieu des Alpes ou des Apennins, d’où il découvrirait un horizon vaste et une nature peut-être plus majestueuse et plus grande, mais sous un ciel moins pur, et qui ne porterait point à ses sens cette impression vive et légère qu’il éprouvait sous le ciel et dans la douce température de la Grèce.

1610. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

En 1846, considérant les républicains comme des utilitaires, ennemis de tout art, « bourreaux de Vénus et d’Apollon » il les avait désignés aux colères de la force armée, et il avouait que rien n’était plus doux à son cœur que de leur voir « crosser religieusement les omoplates102 ». […] Et nous aurons alors cette étrange déclaration du poète à sa maîtresse, un jour qu’il la promène à son bras, à travers la campagne, « un beau matin d’été si doux ». […] Ô chère Vision, toi qui répands encore, De la plage lointaine où tu dors à jamais, Comme un mélancolique et doux reflet d’aurore, Au fond d’un cœur obscur et glacé désormais ! […] La faim, la soif, l’affût patient dans les bois, Le doux agneau qui bêle ou le cerf aux abois, Que lui fait tout cela puisque le monde est vide ? […] vivre est si doux 260.

1611. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

et qui a raison, des misanthropes qui ont écrit pour le théâtre depuis Molière jusqu’à l’auteur des Faux Bonshommes, ou des doux optimistes, qu’ils s’appellent Collin d’Harleville ou Léon Laya ? […] » — Sur les réunions autour de la lampe : « Ô mon doux foyer paternel, que tu es loin ! […] Même c’est chez lui un procédé habituel, chaque fois qu’il nous montre un de ses types de femmes perverses, d’y opposer une douce figure de femme sincèrement aimante, chrétiennement résignée. […] Leur Chassagnol excelle dans les définitions tournées en énigmes : c’est sa douce manie. […] ils ont devant les yeux un paysage baigné par les vapeurs douces du matin.

1612. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Vous auriez dit une Cambodgienne ou une Mandchoue entre deux âges. »‌ Le doux René Boylesve débutait alors comme romancier et venait assez régulièrement au Vachette. […] Son doux fantôme n’a pas cessé d’errer parmi nous    … Comment parler du Vachette sans nommer Louis Baragnon ? […] La mort me sera douce. […] Je ne tardai pas cependant à m’apercevoir que ce demi-jour discret était une atmosphère très douce, très apaisante, et j’ai senti, depuis cette époque, qu’il nous manquerait à tous quelque chose, si nous n’allions pas, de temps à autres, assister à ces réunions que préside si éloquemment le beau portrait de l’ancienne amie de la famille, Mme Ackermann. […] Coppée, sous son cabotinage verbal, cachait une nature royalement bonne, qu’on devinait derrière ses doux yeux d’enfant.

1613. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Mais au lieu d’accords touchants        De doux chants, La colombe gémissante Me demande par pitié        Sa moitié Sa moitié loin d’elle absente. […] Seulement, il en avait peur, et lui, le doux poète catholique, tout en comprenant qu’il y avait là une âme égarée, sans doute, mais une grande âme pleine de sympathie et d’humanité, il lui tendait la main au-dessus de l’abîme et tentait de la sauver au moyen d’honnêtes paroles qui, sur sa lyre sonore, s’élevaient jusqu’aux plus larges accords de l’hymne chrétienne : Mais silence, ô ma lyre ! […] Crains les maux et la torture Que mon doux sylphe a subis. […] Ne sent-on pas vibrer la douce et chaste lyre allemande, en relisant la xixe  pièce des Feuilles d’Automne ? […] Il est si beau, l’enfant, avec son doux sourire, Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,           Ses pleurs vite apaisés, Laissant errer sa vue étonnée et ravie, Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie           Et sa bouche aux baisers.

1614. (1895) Hommes et livres

Nature aimante et douce, jamais il ne railla ni ne se fâcha. […] L’imagination renonce à la force et se repose dans la grâce : c’est une absence de tension, un éclat aimable et doux, une nonchalance qui cherche plus la variété que l’intensité des tons. […] À l’ordinaire, il détend, il attendrit le rude génie hébraïque, et substitue aux brusques éclats, à l’intense énergie des livres saints, l’égalité suave et les teintes douces de son style. […] Il y a dans les grâces fluides de son style, dans la douce harmonie de son vers, quelque chose d’abandonné et de tendre, qui caresse les sens et va au cœur. […] On le montre rarement : car la nature est bonne et le spectacle de la vertu est doux ; l’homme sensible est dans toutes les pièces.

1615. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Ajoutons de plus, en réponse à Montaigne, qu’il n’est pas donné à chacun de trouver l’oreiller si doux, que c’est là une affaire purement individuelle, et que, pour d’autres, le doute est un fagot d’épines qui les empêche de dormir. […] La sagesse est un maniement doux et regle de l’ame. — L’atheisme, les erreurs, les sectes et troubles du monde sont sortis de l’ordre des sçavants. […] Il est très beau et même très doux de penser que nous n’avons toute notre puissance, ajoutons toute notre originalité intellectuelle, que par l’appropriation de ce qu’on a pensé avant nous, hors de nous. […] … Il a les sentiments vertueux, les inclinations belles, et une si forte envie d’être tout à fait honnête homme, que ses amis ne sauraient lui faire un plus grand plaisir que de l’avertir sincèrement de ses défauts… Il a toutes les passions assez douces et assez réglées. […] Les pensées en apparence le plus inoffensives la recèlent ; elle transperce à tout moment le tissu doux et soyeux où la main passait avec complaisance ; on voit que, soit conviction, soit malice, l’auteur ne s’en sépare point et la sème en tous lieux.

1616. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Quel plus doux présent de la nature que nos enfants ! […] « Mais aujourd’hui que la fortune m’a frappé d’un coup terrible et que le fardeau du gouvernement ne pèse plus sur moi, je demande à la philosophie l’adoucissement de ma douleur, et je la regarde comme l’occupation de mes loisirs la plus douce et la plus noble à la fois. […] » XXVIII Le début de son second livre, où il combat les stoïciens contre Caton, après avoir, dans le premier, combattu Épicure, est une mise en scène d’une digne, grave et douce familiarité.

1617. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Mais la pauvre Victorine, au lieu de se joindre à leurs malédictions, faisait entendre de douces paroles, alors semblables au chant du ramier blessé et dont le cri de douleur exprime encore l’amour. […] Assez interdite pour ne rien dire, elle revint s’asseoir à sa place devant un métier à tapisserie, après que le domestique eut approché deux fauteuils ; elle acheva de tirer son aiguille afin de donner un prétexte à son silence, compta quelques points et releva la tête, à la fois douce et altière, vers monsieur de Chessel en lui demandant à quelle heureuse circonstance elle devait sa visite. […] Les scènes douces et amères qui suivent ce moment sont remarquablement écrites, mais ressemblent à toutes.

1618. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Je les ai entrevus, et cela m’a peu réussi… Et mon seul vœu, c’est, après quelques années d’exil nécessaire, de reprendre ici cette vie pâle et douce, où j’avais la lâcheté de me croire malheureuse. » Bref, elle s’est ressaisie ; la foi, le courage et la paix lui sont revenus ; et elle a définitivement compris que ce fameux « droit au bonheur », dont de bouillants Norvégiens lui ont peut-être parlé, est un mot dépourvu de sens pour une chrétienne. […] Il ne serait pas fâché de s’offrir l’étoile en exploitant les anciens souvenirs ; mais, douce et grave, un peu solennelle et faisant paraître dans ses discours la hautaine mélancolie d’une âme supérieure, la grue arrivée lui explique qu’il y a des souvenirs si poétiques, si frais, si « ailes de papillon », qu’il ne faut pas commettre ce sacrilège de les dévelouter. […] Dans le rôle de Cascart (le moins banal de la pièce), avec sa lourde face romaine de bel homme rasé et son triangle de cheveux luisants et plats entre les yeux, il est, de pied en cap, le chanteur de café-concert, le chanteur avantageux et gras ; et, en même temps que l’extérieur et l’allure du personnage, il en exprime avec plénitude l’âme molle et paisible, l’expérience toute spéciale et qui ne saurait avoir d’étonnements, le doux cynisme totalement inconscient, cordial, bonhomme, et dont la bassesse n’admet pas un grain de méchanceté.

1619. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Ce qui lui appartient dans Clavijo, comme une chose peut lui appartenir, à ce grand seigneur de l’emprunt facile, c’est la scène où Carlos reprend possession de l’âme de Clavijo, comme Narcisse de l’âme de Néron dans Britannicus ; et elle lui appartient d’autant plus, celle-là, que Carlos est un Méphistophélès clair de lune, un Méphistophélès en taille douce. […] l’enthousiasme, c’est ce qui a toujours le plus manqué à Gœthe, à cette nature d’antiquaire qui fut plus heureuse de voir Rome que de voir la mer, à cette âme sans passion, meublée de manies, qu’il arrangeait comme une chambre et époussetait comme un musée ; à cette âme qu’il tenait d’un père baguenaudeur comme lui en art et en littérature, et d’une mère affectée, douce égoïste, qui ne voulait pas qu’on lui parlât de son fils quand, enfant, il était malade, parce que (textuel) « cela faisait mal à ses sentiments…  » Deux âmes qui n’étaient pas capables d’en faire une troisième, et qui, aussi, ne firent que Gœthe. […] Il a senti le charme amer et doux de ce moment, mais ce moment irrésistible ne l’a pas vaincu, — ne lui a pas fait fondre le cœur… Remonter et l’enlever, elle !

1620. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Les anciens eux-mêmes jugeaient que leur climat était un don des dieux : « Douce et clémente, disait Euripide, est notre atmosphère ; le froid de l’hiver est pour nous sans rigueur, et les traits de Phœbus ne nous blessent pas. » Et ailleurs il ajoute : « Ô vous ! descendants d’Érechthée, heureux dès l’antiquité, enfants chéris des dieux bienheureux, vous cueillez dans votre patrie sacrée et jamais conquise la sagesse glorieuse comme un fruit de votre sol, et vous marchez constamment avec une douce satisfaction dans l’éther rayonnant de votre ciel, où les neuf Muses sacrées de Pierie nourrissent l’Harmonie aux boucles d’or, votre enfant commun. On dit aussi que Cypris, la déesse, a puisé des vagues dans l’Ilissus aux belles ondes et qu’elle les a répandues dans le pays sous forme de zéphyrs doux et frais, et que toujours la séduisante déesse, se couronnant de roses parfumées, envoie les Amours pour se joindre à la Sagesse vénérable et pour soutenir les ouvrages de toute vertu6. » Ce sont là de beaux mots de poëte, mais à travers l’ode on aperçoit la vérité. […] Point de brume, presque point de pluie ; l’air est tiède ; le soleil bon et doux. […] Si, quand on est mort, il n’y a plus de sensation, et si l’on est comme en un sommeil ou l’on n’a pas même de songes, alors mourir est un merveilleux avantage ; car, à mon avis, si quelqu’un choisissait parmi ses nuits une nuit pareille, une nuit où il a été si fort assoupi qu’il n’a pas eu un songe, et mettait en regard les autres jours et les autres nuits de sa vie pour chercher combien, parmi ces heures-là, il en a eu de meilleures et de plus douces, il n’aurait pas de peine à faire le compte, et je parle ici, non pas » seulement d’un particulier, mais du grand roi.

1621. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

La Toscane5 Et Montluc Ayant accepté d’écrire quelques pages sur un des coins que j’ai le plus aimés : la douce et fière Toscane, j’aurais voulu que les circonstances me permissent d’y retourner par la route suivie avec tant d’ardeur dans les jours de ma jeunesse : Marseille et Bastia, puis de Bastia le port de Livourne et tout de suite, Pise, Florence, Sienne enfin. […] Elles ont ce mérite à tout le moins de traduire avec sincérité l’émotion intellectuelle provoquée chez un lettré français de la fin du dix-neuvième siècle par les souvenirs qui flottent autour des églises et des palais de la ville des Médicis Comme tu coules lent et doux par ce doux soir, Amo, fleuve immortel, et ton glauque miroir Reflète les vieux ponts et leur arche hardie, Les palais tour à tour et les clochers légers Et les balcons parés de sombres orangers, Et le ciel du couchant avec son incendie. […] Car si ce cœur vieilli vaut encor quelque chose, C’est pour avoir battu de ce grand battement Tandis que je voyais passer ton flot dormant, Par des soirs aussi doux et clairs que ce soir rose. […] Ce sommeil m’est doux et plus d’être de pierre… Tant que durent ces jours de honte et de misère Quel bonheur d’être aveugle et de n’entendre pas ! […] Entre Chateaubriand et la lande bretonne sur laquelle erraient ses premiers regards, entre Lamartine et l’opulente et douce Bourgogne qui fut le théâtre de ses premiers rêves, ne trouverait-on pas ainsi un secret rapport, et pareillement entre Victor Hugo et l’Espagne, cette Espagne qu’il évoquait avec tant de nostalgie dans cet admirable poème des Quatre Vents de l’Esprit : « Nuit d’hiver ».

1622. (1911) Nos directions

Comme la douce Marthe pèse maintenant à Louis Laine qui l’enleva d’Europe vers le mirage des décevantes aventures ! […] Maeterlinck se soit précisément efforcé à cela : un ton neutre et pareil, mais il pouvait y cacher quelque sourde flamme, quelque battement étouffé, il y pouvait graduer quelques douces et subtiles nuances ; sa prose constate et traduit, elle n’exprime pas, même le mystère, ou c’est par un procédé trop grossier de répétition, d’allusion, de balbutiement volontaire. […] Racine porte en lui quelque chose de moins puissant mais de plus rare, et ses premières poésies, par quelques vers de paysage doux, fins et frais, le révèlent à qui sait lire : l’instinct de la valeur sensuelle des mots, selon leur place dans la phrase, une voix non pas faite pour convaincre ni exalter, mais pour chanter, aimer, séduire… Oui, même cruel, le tendre Racine ! […] Je compte dans la ménagerie racinienne, un certain nombre de douces exceptions. […] Tu sauras que, musardise, musardie — comme on disait au vieux temps — signifie rêvasserie douce, chère flânerie, paresseuse délectation à contempler un objet ou une idée : car l’esprit musarde autant que les yeux, si ce n’est plus.

1623. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Le rôle de Pierre, qui se soumet en chaque chose à la Providence, a un grain de raillerie douce et fine qui ne saurait choquer personne, mais qui n’est pas fait non plus pour exalter. […] ) « L’amour, la jeunesse, les doux sentiments de la nature offrent bien autant de chances de vie que de mort, autant de moyens de consolation que de malheur.

1624. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Nous étions fiers d’être Français et encore plus d’être Français du dix-huitième siècle… Jamais réveil plus terrible ne fut précédé par un sommeil plus doux et par des songes plus séduisants ». […] Aucun gouvernement ne s’est montré plus doux : le 14 juillet 1789, il n’y avait à la Bastille que sept prisonniers, dont un idiot, un détenu sur la demande de sa famille, et quatre accusés de faux553.

1625. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Sa taille moyenne n’était ni grande ni petite : la taille qui exclut la majesté, mais qui permet l’agrément ; ses cheveux étaient blonds, son front poli et divisé au milieu en deux zones légèrement arrondies, qui indiquent la facilité de l’intelligence ; ses joues d’un contour élastique, son nez un peu grossi et retroussé qu’on ne voit jamais en Italie, mais qui dans la jeunesse donne à la figure un mordant et un éveillé très propre à mordre et à éveiller le regard, sa bouche entr’ouverte et souriante, douce, fine, pleine de réticence sans malignité ; le plus beau de ses traits, c’étaient ses yeux, d’un bleu noir, larges, confiants, obéissants à sa pensée ; elle leur commandait. […] On sait que cette noble personne, dont l’influence fut si vive et si douce dans le monde des Joubert, des Ballanche, des Chateaubriand, se sentant frappée d’un mal sans remède, était allée demander au ciel de l’Italie l’apaisement de ses souffrances.

1626. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

de Montaigne, le Je ne sçai de Charron, telle est la conclusion du seizième siècle, conclusion fort douce dont il s’accommode. […] La spéculation, pour Montaigne, est comme un doux exercice de son esprit ; il y fait entrer en leur lieu, à la suite d’autres objets de réflexion fort secondaires, ces grands problèmes auxquels Descartes s’est attaché uniquement, après avoir déraciné de son esprit toutes ces contradictions, tous ces préjugés, toutes ces opinions venues de toutes les sources, dont la diversité infinie fait les délices de Montaigne.

1627. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Personne ne les y avait introduites, sinon cette douce autorité qu’exerçaient les arts de la Grèce vaincue sur Rome victorieuse : Græcia capta ferum victorem cepit… et que sentirent, quinze siècles plus tard, ces vieillards de la Renaissance, qui venaient s’asseoir sur les bancs des écoles pour y apprendre la langue de l’Iliade. […] Voilà l’admiration ; c’est une douce flamme qui, une fois allumée, ne doit plus s’éteindre.

1628. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Je ne vois que noms entrelacés et gravés sur les arbres, berceaux favorables aux doux entretiens, grottes qui retentissent du son de la flûte. […] Et le poète s’apitoie sur cette population qui ne peut se consoler de la vie qu’en s’abrutissant de gin ; il montre l’amour dégénérant en bestialité sauvage dans ces centres putrides  ; il supplie les habitants de climats plus doux, les joyeux enfants de l’Italie, de ne pas changer leur heureuse pauvreté pour cette existence infernale, où, dans le bruit des métiers, des rouets, des bobines, Le fer use le fer et l’homme use les hommes.

1629. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Qui pourrait, parmi les plus robustes estomacs littéraires et philosophiques, avaler cette pilule-bombe, si elle n’était pas bourrée d’injures, toujours douces à nos cœurs quand elles sont pour d’autres que nous ! […] Le Proudhon de la Correspondance détournerait trop de l’autre Proudhon, et rendrait doux et miséricordieux pour ce grand coupable de l’esprit, qui ne doit point être pardonné.

1630. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Ce sont partout des petites choses innocentes et béates comme celles-ci : Et partout nos regards lisent, Et dans l’herbe et dans les nids ; Des petites voix nous disent : « Les aimants sont les bénis. » ou de petites choses prétentieuses, moins innocentes parce qu’elles sont fatigantes : La nuit étale aux yeux ses pourpres et ses cuivres ; Les arbres tout gonflés de parfums sont comme ivres ; Les branches, dans leurs doux ébats, Se jettent des oiseaux du bout de leurs raquettes ; Le bourdon galonné fait aux roses coquettes Des propositions tout bas Enfin l’amour, l’amour, l’amour trouble et affaiblit tellement la raison du poète, qu’il le répand sur la nature, à tort et à travers, non plus comme un vase qui déborde, mais comme un vase qui a une fêlure et qui coule : J’aime (s’écrie-t-il), j’aime l’araignée et j’aime l’ortie,             Parce qu’on les hait, Et que rien n’excuse et que tout châtie             Leur morne souhait. […] S’ils l’étaient, nous serions plus doux.

1631. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Je sens qu’elles me flétrissent l’âme et me rabaissent le cœur… » Et il développe sa thèse avec une grande vigueur de conviction, un profond accent de conscience, dans un style animé et tempéré qui est déjà celui d’un jeune et doux vieillard (pardon du mot !

1632. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Il sortait d’une famille de marins ; par son père, il appartient à la race bretonne pure, à cette race triste, douce, inflexible, dont il a si bien parlé dans son Étude sur Lamennais.

1633. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

La faiblesse qui pèche est digne de compassion : l’orgueil qui attaque la vérité n’inspire aucun sentiment doux. » Le fils de saint Dominique se révèle ici avec une étrange menace de sévérité et de dureté qui, heureusement, s’est trompée de siècle.

1634. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

—  Le quadrige est vaincu : nous tenons un génie Qui fume, haletant d’un utile courroux, Et, dans l’oppression d’une ardente agonie, Attache au vol du temps l’homme pensif et doux.

1635. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Il était de ceux qui trouvent qu’il est encore plus doux de donner que de recevoir.

1636. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

J’ai d’ailleurs les manières honnêtes et l’humeur assez douce ; je rends volontiers service ; je hais les murmures et les détractions ; je suis porté d’inclination au travail, et je ne crois pas vous avoir déshonoré dans les petits emplois dont j’ai été chargé.

1637. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Le son pur de la vérité qui fait éprouver à l’âme un sentiment si doux et si exalté, ces expressions justes et nobles d’un cœur content de lui, d’un esprit de bonne foi, d’un caractère sans reproches, on ne savait à quels hommes, à quelles opinions les adresser, sous quelle voûte les faire entendre ; et la fierté, naturelle à la franchise, portait au silence bien plutôt qu’à d’inutiles efforts.

1638. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

C’est dans ce monde doux et divin que se réfugie le cœur attristé, affamé de mansuétude et de tendresse.

1639. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

La défense et illustration de la langue française Un jeune gentilhomme vendomois, Pierre de Ronsard192, obligé, dit-on, par une surdité précoce, de renoncer à la cour, se remet à l’étude : pendant sept ans, avec un de ses amis, Antoine de Baïf, il travaille le grec et pratique les écrivains anciens sous la direction de l’hélléniste Daurat ; il rêve de fabriquer à sa patrie une littérature égale aux chefs-d’œuvre qu’il admire : il rencontre dans une hôtellerie Joachim du Bellay, le doux Angevin, plein des mêmes ambitions et des mêmes espérances.

1640. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Et ce n’est ni par une finesse ni par un éclat extraordinaire, ni par la perfection plastique que votre style se recommande, mais par des qualités qui semblent encore tenir de la bonté et lui être parentes ; car il est ample, aisé, généreux, et nul mot ne semble mieux fait pour le caractériser que ce mot des anciens : lactea ubertas, « une abondance de lait », un ruissellement copieux et bienfaisant de mamelle nourricière, ô douce Io du roman contemporain !

1641. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Ne lui refusons pas non plus les douces sensations qui viennent du cœur et qui excusent et consolent les abandons des femmes.

1642. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Michelet fait remarquer, que, dans ces moments où « l’amour et la pitié coulent en douces larmes », les sens se renouvellent et, « souvent plus vif qu’au jeune âge, revient l’aiguillon du désir. » Ainsi la nature récompense les vieux époux d’être bons, et la sensibilité et la bienfaisance engendrent la volupté.

1643. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

IV Un doux maniaque m’écrit chaque quinzaine « Fais-en donc autant. » Mon honorable correspondant ne paraît pas avoir une idée claire de la critique.

1644. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Certes, s’il ne fallait voir dans la vie que repos et plaisir, on devrait maudire l’agitation de la pensée et traiter de pervers ceux qui viennent, pour satisfaire leur inquiétude, troubler ce doux sommeil.

1645. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

À sa beauté elle joignait la grâce qui faisait passer dans ses traits, dans ses mouvements, dans sa parole quelque chose de l’âme la plus douce, la plus sensible, et de l’esprit le plus sage et le plus délié.

1646. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Qu’un esprit doux et poli, pénétrant et fin, répandant sur les choses et sur le prochain une raillerie légère universelle, qu’un tel esprit vienne à naître, cela ne suffit pas.

1647. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Cette illusion fut promptement détruite ; mais j’aime encore à en conserver le souvenir, et c’est le dernier sentiment doux que j’aie éprouvé dans le cours de cette campagne.

1648. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Je conviens qu’il est doux à un homme de se sentir supérieur et de dire : Homère est puéril, Dante est enfantin.

1649. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Son génie étoit créateur & lumineux ; son goût sûr & naturel ; son imagination douce & brillante ; sa conversation instructive & délicieuse ; sa plume celle même des graces.

1650. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

C’était en ce temps-là un joyeux garçon aux belles dents rieuses, frais comme une rose-pomme épanouie parmi tous ces pâles de Paris, au regard très doux et un peu indécis, un de ces regards qu’on appelle à la Montmorency et dont l’indécision, qui vous lutine, est plus piquante… Il avait de magnifiques cheveux noirs bouclés comme un pâtre de la campagne romaine, et qui, pour boucler, n’avaient pas besoin des papillotes que se plantait le grave Lerminier sur sa forte tête philosophique et législative.

1651. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Ses gestes étaient rares, son ton doux et mesuré, et, pendant que ses yeux s’éclairaient de la lumière de l’intelligence, sa bouche, demi-souriante et parfois moqueuse, ajoutait les séductions de la grâce à l’ascendant de la vérité.

1652. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Cet éloge, où un particulier loue un prince avec lequel il a quelque temps vécu dans l’obscurité, pouvait être précieux ; le souvenir des études de leur jeunesse et cette heureuse époque où l’âme, encore neuve et presque sans passions, commence à s’ouvrir au plaisir de sentir et de connaître, devait répandre un intérêt doux sur cet ouvrage ; mais nous ne l’avons plus, et nous n’en pouvons juger ; nous savons seulement qu’il était écrit en grec.

1653. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Les vierges, l’ayant interpellée de douces paroles, lui persuadèrent adroitement de retirer des portes sans délai le lourd verrou.

1654. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Oserai-je dire que je les trouve presque constamment réconfortantes, douces et consolantes ? […] Mais quelle douce et charmante vision du monde il se fait ainsi ! […] Lemaître ; il eût écrit Fidèle, de Pierre Wolff : « On est quelquefois moins malheureux d’être trompé par ce qu’on aime que d’en être détrompé. » — Très vrai, et quelle douce philosophie ! […] Entre cette chère, utile et aimable compagne, et son vieil ami Quinot, devenu sur le tard son bibliothécaire et son secrétaire, entouré de trois fils qui lui donnaient de douces espérances et qui tiendront à ne pas les tromper, souvent visité par sa fille et son gendre, le sympathique et spirituel Adolphe Brisson, pratiquant tour à tour l’art d’être père et l’art d’être grand-père avec un égal plaisir, il n’en avait pas moins gardé l’habitude de recevoir à sa table, une ou deux fois par semaine, ses amis de la presse, de la littérature et du théâtre, et rien n’était plus gai et plus jovial et en même temps rien n’était plus instructif sur bien des choses, que ces libres réunions, où l’on était spirituel sans prétentions, où la bonhomie malicieuse du maître se communiquait aux hôtes, où la familiarité restait de bon ton, où la raillerie n’aurait pas pu devenir méchanceté sans être arrêtée à l’instant par l’air attristé du président et d’où l’on sortait allégé en quelque sorte et plus alerte pour rentrer en souriant, comme lui, dans le combat de la vie. […] La postérité dira : « Sarcey, grand professeur, grand journaliste, grand honnête homme, caractère loyal et généreux, assez rude aux forts, doux aux faibles et aux humbles. » Ferdinand Lassalle 14 septembre 1897.

1655. (1933) De mon temps…

Dans l’émouvant et charmant livre qu’elle avait intitulé Le Livre de ma vie, elle nous a conté son enfance, soit à Paris, soit dans la villa d’Amphion où ses parents, le prince et la princesse de Brancovan, venaient goûter les charmes des beaux étés et des doux automnes du Léman. […] Son attentif et doux visage semble écouter une conversation où il va intervenir de sa voix précise et nuancée. […] Ce jour-là, sans doute, Bourges n’avait pas eu le temps de « relire l’Encyclopédie », car son infinie érudition en toutes choses ne se manifesta pas dans la conversation qui fut toute, entre Mallarmé et lui, de propos cordiaux et simples, ceux de gens qui ont plaisir à jouir ensemble des grâces d’une belle journée de printemps en se promenant le long d’un beau fleuve, dans un doux paysage lumineux, en oubliant que les attendent là-bas, la plume et l’encrier, que l’art est long et difficile et qu’ils ont lu « tous les livres ». […] Vous trouverez là des fuchsias aux délicates pendeloques, des marguerites aux collerettes dentelées, des dahlias, des œillets dinde, des soucis aux vives couleurs, toutes les bonnes et douces fleurs du jardin français, qui sentent bon et ne font pas d’embarras.

1656. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Il l’a revu, et pour lui son histoire est devenue un rêve merveilleux, quelque chose comme une utopie pressentie dans le passé, montrant Dieu sur la terre, le triomphe de toutes les choses bonnes et douces, le règne de l’adoration en esprit et en vérité, comme Jésus le dit à la Samaritaine. […] A quoi ont servi ces bouddhistes de l’Inde si doux, puisque leurs adversaires ont pu faire disparaître jusqu’à leur trace ? […] Ne croyez pas que sa vieillesse lui soit à charge ou lui apporte quelques angoisses sur l’Au-delà : il ne demande plus qu’une mort douce et subite ; il ne désire pas une autre vie, ayant trop joui de celle-là ; et si par hasard il y en a une, il est plein de confiance en la bonté infinie qu’il a rencontrée en ce monde. […] Il crée à ses personnages, et par contrecoup à lui-même comme à ses lecteurs, une atmosphère voluptueuse où les sensations douces, savamment multipliées, affadissent la volonté, bercent la conscience dans un demi-sommeil peu favorable aux retours salutaires. […] Aussi Mme Moraines (Mensonges) serait-elle irréprochable si elle se contentait d’aimer le doux petit poète René Vincy : sa faute, c’est de ne pouvoir se passer du baron Desroches pour ses toilettes.

1657. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Évitez ses regards langoureux, son parfum troublant, sa voix si douce. […] Tristes fleurs et cependant très douces. […] Voix qui charme les soucis, qui apaise les regrets, voix douce, conseillère d’amour et de fidélité. […] En France, toutes les fois que la politique semble distraite ou absente, les Lettres, les « bonnes Lettres », les « douces et puissantes consolatrices » se chargent de l’intérim. […] C’était l’heure exquise de la journée où l’humide pesanteur se diluait en transparences douces et lumineuses.

1658. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Le renard « vient donc, est présenté, et sachant que le loup lui faisait cette affaire », il invente subitement sa vengeance, mais se contient de peur de la compromettre, et commence ainsi d’un ton doux : Je crains, sire, dit-il, qu’un rapport peu sincère     Ne m’ait à mépris imputé     D’avoir différé cet hommage. […] Qu’il est doux pour le chêne d’offrir « l’abri de son feuillage » à qui ne peut en profiter ! […] Seulement il parle d’un ton plus doux.

1659. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Boire à un Goncourt intime, que nous sommes quelques-uns à connaître, cordial et doux, indulgent et naïf, un naïf aux yeux aigus, incapable d’une pensée basse, et même d’un mensonge dans la colère… » Je me lève alors et dis : « Messieurs et chers confrères de l’art et de la littérature, « Je suis incapable de dire dix mots, devant dix personnes… Or, vous êtes plus nombreux, messieurs ! […] Moi, au milieu de cela, il me semble m’apercevoir dans une glace, avec sur la figure un doux hébétement, quelque chose d’un bonheur bouddhique. […] Mardi 7 mai Il vient de mourir, ces temps-ci, une sainte laïque, Mlle Nicole, qui était parvenue à se faire admettre à la Salpêtrière, pour soigner sa mère, et qui, après la mort de cette mère, cherchant l’emploi de son doux cœur aimant, avait pris la tâche de faire lire les petites idiotes, par l’ingéniosité de ses inventions, par la tendresse de ses imaginations.

1660. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

« Je crois avoir prouvé la possibilité, — écrivait Condorcet, il y a tout juste cent ans, — de rendre la justesse d’esprit une qualité presque universelle ; … de faire en sorte que l’état habituel de l’homme, dans unpeuple entier, soit d’être conduit par la vérité soumis dans sa conduite aux règles de la morale… se nourrissant de sentiments doux et purs. » Et il ajoutait : « Tel est le point où doivent infailliblement le conduire les travaux du génie et le progrès des lumières 5. » Me dira-t-on que Condorcet n’était après tout qu’un encyclopédiste ? […] Mais déjà, sans doute, quand il écrivait cette dernière phrase, une idée encore plus hardie s’élaborait dans l’esprit de Léon XIII, et déjà son active imagination voyait s’ouvrir les perspectives de l’Encyclique du 20 juin 1894 sur l’Unité catholique : Pendant que notre esprit s’attache à ces pensées, — de réconciliation des Églises orientales avec l’Église latine, — et que notre cœur en appelle de tous ses vœux la réalisation, nous voyons là-bas, dans le lointain de l’avenir, se dérouler un nouvel ordre de choses, et nous ne connaissons rien de plus doux que la contemplation des immenses bienfaits qui en seraient le résultat naturel. […] être pour d’autres âmes — Le calice de vaillance en quelque grande agonie, — Allumer de généreuses ardeurs, nourrir de pures amours, — Être la douce présence du bien partout diffus— Et dans sa diffusion toujours plus intense23 » ; — qui ne reconnaît là l’idée même du catholicisme ou de la catholicité, pour mieux dire, mêlée avec l’idée de la vertu du sacrifice ?

1661. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

En observant les fautes et les faiblesses du monde qui l’environnait, en voyant comment les passions et les penchants triomphent des meilleures intentions, Fénelon apprit à professer une vertu douce et tolérante. […] Les douces et innocentes plaisanteries contre les nonnes ou les pédants font malheureusement moins d’effet que celles qui attaquent des objets plus relevés et plus importants. […] On éprouve un sentiment bien doux à voir un moraliste dépouillé de cette tristesse, de cette dureté, de ce mépris de l’homme, qui suivent presque toujours l’étude qu’on en fait. […] Il sut y répandre un intérêt doux et des sentiments exprimés avec charme et vérité. […] L’âme douce et bienveillante du Roi ne pouvait accepter une pareille situation.

1662. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Il est vrai que ces messieurs rassurants, ces messieurs du nouveau pouvoir, ne gardent le pouvoir que juste le temps nécessaire pour livrer la société, désarmée par leurs bonnes mines, leurs douces paroles et leurs blanches cravates, à la bêtise et à la férocité des gens groupés derrière eux. […] Si Versailles ne se dépêche pas, nous verrons la rage de la défaite se tourner en massacres, fusillades et autres gentillesses de ces doux amis de l’humanité. […] Ai-je commencé la douce existence avec mon frère, six mois ne sont pas écoulés, qu’à mon retour d’Afrique, une dysenterie me met, pendant près de deux ans, entre la vie et la mort, et me laisse une santé, où il n’y a jamais une journée tout à fait bonne. […] Du feu, revient un petit peloton de gardes nationaux, parmi lesquels est un enfant, aux doux yeux, qui a une loque passée en travers de sa baïonnette — un chapeau de gendarme. […] Il me semble que le restant de ma vie demi-morte se perd et s’efface dans des bruits de cloche, des psalmodies, des murmures d’orgue, des pleurs de femmes, des bruits douloureux et doux à la fois.

1663. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Aux doux moments, dans les beaux jours tranquilles d’été, la brume moite étend sur l’horizon son voile gris de perle ; la mer a la couleur d’une ardoise pâle, et les navires, ouvrant leur voilure, avancent patiemment dans la vapeur. […] Il n’y a rien de plus doux au monde, ni de plus délicat que ces teintes ; on s’arrêterait pendant des heures entières à regarder ces nuages de satin, ce fin duvet aérien, cette molle gaze transparente qui emprisonne les rayons du soleil, les émousse, et ne les laisse arriver sur la terre que souriants et caressants.

1664. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

« Un de ces doux et gais enfants qui vont de pays en pays, laissant voir leurs genoux par les trous de leur pantalon. […] Madeleine se tourna vers les jurés et vers la cour, et dit d’une voix douce : « — Messieurs les jurés, faites relâcher l’accusé.

1665. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Que ne puis-je, en nommant ici les plus aimables, les rappeler de même, et moi avec elles, à l’âge heureux où nous étions lors des moments aussi doux qu’innocents que j’ai passés auprès d’elles ! […] Mlle de Menthon, chez qui j’allais l’après-midi, l’était toujours, et me faisait une impression tout aussi douce, mais différente.

1666. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Voilà Tartufe, le maître hypocrite : son hypocrisie corrompt Orgon, corrompt en lui l’amour de sa femme, de ses enfants, les sentiments élémentaires de bonté, de justice, d’honneur, le fait égoïste sottement, durement, honteusement ; même les âmes honnêtes et pures sont viciées à ce contact, et la douce Elmire en vient à jouer un jeu après lequel son mari doit demeurer à jamais avili à ses yeux. […] Il faut un rapport d’humeur (qui n’existe guère dans l’inégalité des conditions, et ainsi la raison sociale se réduit à une raison naturelle) ; c’est folie de vouloir marier le pédant Trissotin à la simple Henriette, l’hypocrite Tartufe à la candide Marianne, le cuistre Diafoirus à la douce Angélique.

1667. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

La demoiselle ne voulait qu’un commerce intellectuel ; elle était, dit Froissart, « aussi lie (douce) aux aultres gens qu’elle ert (était) à moi. » Elle se maria. […] Voici la traduction de ce passage : « Le temps était beau et clair, et le vent bon et doux ; ils mirent à la voile.

1668. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

À cette idée sacrifiez beaucoup de choses, des désirs de mariage, des envies d’avoir, à votre chevet de mourant, une affection, une compagnie douce de la dernière heure. […] Et le feuilletage de ce Paris du passé, dans le crépuscule, et dans le contact de nos trois tristesses, rassemblées autour du vieux carton, a cependant quelque chose de doux.

1669. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

On signait à Paris, en 1801, une pétition « tendant à obtenir du gouvernement que le gros Bourdon de Notre-Dame puisse être sonné pour annoncer les fêtes publiques… Il est temps de faire jouir notre oreille de cette harmonie céleste, qui doit rappeler à tous les vrais Français de bien doux souvenirs… Quel bonheur que le gros Bourdon ait échappé à la proscription qui frappe depuis dix ans toutes les sonneries de la République ». […] Mais Chactas surgit et soudain la Française se réveille : elle se sent en présence d’un enjôleur ; elle répond à ses propositions de promenades sentimentales dans les bois : « Mon jeune ami, vous avez appris le langage des blancs, et il est bien aisé de tromper une jeune Indienne. » On devine dans cette réponse, sous le badigeon anglais et indien, la délurée grisette parisienne, qui sait que la chair est faible et le doux parler fort à l’ombre des bois de Romainville.

1670. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

toi qui es un fleuve grec, toi dont les eaux coulent si douces à travers les mers, vraie merveille en tout, fleuve né d’une flamme d’amour, ne va pas transmettre les désastres des Grecs aux Barbares de la Sicile ; ne leur révèle pas tout ce que les armées des leurs ont fait de grandement cruel en Grèce contre les Grecs, de peur qu’ils n’instituent des danses, qu’ils ne chantent des hymnes de triomphe, et que des ennemis plus nombreux n’accourent à nos rivages.

1671. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Gilbert a rassemblé à ce propos différents passages de ses maximes et de ses caractères, qui se rapportent évidemment à cette situation personnelle ; on le soupçonnait auparavant, on en est sûr désormais : et par exemple dans ce portrait de Clazomène qui est tout lui : « Quand la fortune a paru se lasser de le poursuivre, quand l’espérance trop lente commençait à flatter sa peine, la mort s’est offerte à sa vue ; elle l’a surpris dans le plus grand désordre de sa fortune ; il a eu la douleur amère de ne pas laisser assez de bien pour payer ses dettes, et n’a pu sauver sa vertu de cette tache. » L’amitié si tendre, si familière, que nous voyons établie entre Vauvenargues et Saint-Vincens nous permet de nous figurer en la personne de ce dernier un de ces amis dont La Fontaine avait vu des exemples autre part encore qu’au Monomotapa : Qu’un ami véritable est une douce chose !

1672. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

À travers les doux éclats de la musique, les tendresses des vibrations assourdies dont il ne se souciait guère, il me parla de chasse, de théâtre, de chevaux, que sais-je !

1673. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Chauvelin, il disait : « Il s’ennuyait de ce que je vivais trop longtemps ; c’est un défaut dont je n’ai pas envie de me corriger si tôt. » Rencontrant dans un de ses salons, au milieu de trente personnes, M. de Bissy, dont on lui avait apparemment rapporté quelque propos, il va droit à lui, et le regardant en face : « Monsieur, vous voyez que je me porte bien ; cependant je ne mets point de rouge pour me donner un bon visage. » M. de Puységur, qui avait quatre-vingt-quatre ans77, demandait depuis longtemps d’être chevalier de l’Ordre, et il pressait là-dessus le cardinal, qui lui répondit tout naturellement : « Monsieur, il faut un peu attendre. » L’archevêque de Paris, M. de Vintimille, fort âgé, mais un peu moins que le cardinal, sollicitait un régiment pour son neveu, et faisait remarquer au cardinal qu’il importait de l’obtenir promptement, d’autant plus que, quand lui, oncle, ne serait plus là, ce serait pour le jeune homme un grand appui de moins : « Soyez tranquille, répondait le cardinal, je m’engage à lui servir de père et de protecteur. » Sur quoi M. de Vintimille, malgré toute sa politesse, ne put s’empêcher d’éclater : « Pour moi, monseigneur, je sens bien que je suis mortel, mais je me recommande à Votre Immortalité. » Jamais on n’a mieux compris qu’en lisant les présents mémoires cette lente et coriace ténacité, ce doux et câlin acharnement au pouvoir qui caractérise l’ancien précepteur de Louis XV.

1674. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Ce doux feuillage obscurcissait ta route, Son ombre aidait ton cœur à s’égarer ; La feuille tombe, et sillonnant la voûte, Un jour plus pur descend pour t’éclairer.

1675. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Il n’était pas de ceux dont il s’est moqué quelque part, et qui, lorsqu’un génie trébuche ou qu’un grand homme tombe, se sentent tout enchantés et allégés, « comme si leur supérieur était mort et s’ils avaient reçu de l’avancement. » Une statue, érigée à Weimar, et due au talent de Reitschel, nous le montre rayonnant et heureux, imposant et doux, décernant la couronne à Schiller qui, debout à côté de lui, la reçoit de sa main presque sans y penser, le front inspiré et rêveur.

1676. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Mais Jésus a refusé cette dernière requête elle-même : quand le fils souffre d’une telle mort, il convient qu’une mère douce et tendre le ressente ; il est juste que le glaive de douleur la transperce.

1677. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

J’ai vécu de bien des vies littéraires ; et j’ai passé de douces heures d’entretien avec des hommes instruits de plus d’une école : il me semblait que j’étais de la leur, tant que je causais avec eux.

1678. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

D’un caractère doux, réservé, de manières aimables, parfaitement honnête homme, il n’était pas le partisan du système français, lorsqu’il fut envoyé chez nous pour la première fois par un prince, bientôt roi, qui allait devenir l’ami sincère de Napoléon.

1679. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

C’était, d’ailleurs, un homme d’un caractère doux, de formes très aimables.

1680. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Je ne m’exagère point l’importance de ces détails dont la plupart ont passé dans la Vie de Racine écrite par son fils ; mais, si l’on n’y doit rien trouver de tout à fait neuf, on sentira du moins une pure et douce saveur originale, je ne sais quel charme d’honnêteté parfaite et d’innocence.

1681. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ce portrait est un chef-d’œuvre de grâce, de gaieté douce, d’ironie pénétrante, d’impertinence polie, et il a tout l’air avec cela d’être la vérité.

1682. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Laujon, dans cette carrière facile, — pas si facile qu’il semblerait, — se proposait pour maître et pour modèle, il le reconnaît, l’ingénieux Benserade, ce véritable inventeur des ballets modernes et qui, à toutes les critiques dont il se voyait l’objet en son temps de la part du rigide Despréaux, avait pour réponse : « J’ai du moins imaginé un plaisir. » Collé, d’une humeur moins douce que Laujon, et qui sur la fin n’avait de gaieté que dans ses œuvres, fut aussi appelé à Berny.

1683. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

L’homme était assez bon et doux, la superfétation était monstrueuse.

1684. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Il était au cercle de Mme du Barry : les habitués y racontaient tout haut leurs bonnes fortunes ; le jeune abbé de vingt ans, très-élégant sous son petit collet « avec une figure qui sans être belle était singulièrement attrayante et une physionomie tout à la fois douce, impudente et spirituelle », gardait le silence : « Et vous, vous ne dites rien, monsieur l’abbé ? 

1685. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Le Bonheur domestique, la Chaîne d’or, l’élégie du conscrit Daniel qui vient à Paris, et j’en pourrais citer bien d’autres, unissent à une forme parfaite et limpide une sensibilité douce, élevée, saine, qui émeut sans troubler, et qui fait mieux luire le ciel dans une larme.

1686. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Si nous voyions toujours les choses telles qu’elles sont, loin de nous passionner pour elles, à peine en pourrions-nous faire le moindre usage. » C’est ce qu’écrivait Mme de Staal dans l’intimité, et en ses meilleurs jours elle ajoutait : « Ma santé est assez bonne, ma vie douce, et, à l’ennui près, je suis assez bien.

1687. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Gessner, Zacharie, plusieurs poètes dans le genre pastoral, font aimer la campagne, et paraissent inspirés par ses douces impressions.

1688. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Puvis de Chavannes, par exemple, dont les viriles et douces figures séduisent par une noblesse pareille.

1689. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Celle-ci avait pu entrevoir le doux Galiléen de quelque fenêtre du palais, donnant sur les cours du temple.

1690. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Jean Richepinbn Tannhaeuser Vénus ouvre les bras à son cher chevalier ; Mais, sachant de l’amour l’amertume profonde, L’enfant blond ne veut plus aimer la femme blonde, Et déjà les doux liens paraissent se délier.

1691. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Mais il s’en faut bien qu’on trouve dans leurs productions cette gaité, cette imagination douce & brillante, cette fleur de poësie qu’on aime dans les ouvrages des Chaulieu, des Saint-Aulaire, des Gresset, &c.

1692. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Ainsi vivant, rien n’est qui ne m’agrée, J’oy des oiseaux la musique sacrée, Quand au matin ils bénissent les cieux, Et le doux son des bruyantes fontaines Qui vont coulant de ces roches hautaines Pour arroser nos prés délicieux1.

1693. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Après avoir parlé de la taille, de la souplesse, de la legereté et de l’oreille qu’il doit avoir, il ajoute, qu’il n’est pas plus difficile de trouver un visage à la fois doux et majestueux.

1694. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Peu d’occupations sont de plus douce philosophie et réservent plus de surprises.

1695. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Il avait vu au théâtre de Rome ce personnage renouvelé par le poëte, avec des nuances plus pures et plus douces, qui le faisaient s’écrier : « Ô poésie touchante !

1696. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Il y en aura d’autres ; supplices sur supplices, et les vrais martyrs à côté du vrai Christ, résignés, silencieux, avec le doux regard des premiers fidèles. […] Rien de plus grave et de plus simple que ce chant populaire ; nulle fioriture, nulle cantilène ; il n’est point fait pour l’agrément de l’oreille, et néanmoins il est exempt des tristesses maladives, de la lugubre monotonie que le moyen âge a laissée dans notre plain-chant ; ni monacal, ni païen, il roule comme une mélopée virile et pourtant douce, sans contredire ni faire oublier les paroles qu’il accompagne ; ces paroles sont les psaumes355 traduits en vers et encore augustes, atténués mais non enjolivés. […] En face des premiers paraît le savant et excellent Hooker, un des plus doux et des plus conciliants des hommes, un des plus solides et des plus persuasifs entre les logiciens, esprit compréhensif, qui en toute question remonte aux principes364, fait entrer dans la controverse les conceptions générales et la connaissance de la nature humaine365 ; outre cela, écrivain méthodique, correct et toujours ample, digne d’être regardé non-seulement comme un des pères de l’Église anglaise, mais comme un des fondateurs de la prose anglaise. […] —  L’interprète répondit : Cette chambre est le cœur de l’homme qui jamais n’a été sanctifié par la douce grâce de l’Évangile. […] Maintenant tu as vu que lorsque le premier s’est mis à balayer, la poussière a volé tellement que la chambre n’a pu être nettoyée et que tu as été presque étouffé ; c’était pour te montrer que la Loi, au lieu de balayer par son opération le péché du cœur, le ranime, lui donne de la force, l’accroît dans l’âme, en même temps qu’elle le manifeste et le condamne, car elle ne donne pas le pouvoir de le vaincre. —  Au contraire, quand tu as vu la demoiselle arroser d’eau la chambre, en sorte qu’on a pu la nettoyer avec plaisir, c’était pour te montrer que lorsque l’Évangile vient dans le cœur avec ses douces et précieuses rosées, comme tu as vu la demoiselle abattre la poussière en arrosant d’eau le plancher, de même le péché est vaincu et subjugué, et l’âme nettoyée par la foi, et par conséquent propre à recevoir le roi de gloire422. » Ces répétitions, ces phrases embarrassées, ces comparaisons familières, ce style naïf dont la maladresse rappelle les périodes enfantines d’Hérodote, et dont la bonhomie rappelle les contes de madame Bonne, prouvent que si l’ouvrage est allégorique, c’est pour être intelligible, et que Bunyan est poëte parce qu’il est enfant.

1697. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Pourtant, s’il s’avance avec une mine de vendredi et une face de carême, avec un « doux Jésus !  […] Il a beau avouer tout haut qu’en l’état où il est, son ennemi « désarmerait une rancune privée » ; il redouble. « Pour ma part, je ne prétends point comprendre ces prudentes formes du décorum, ces douces règles de discrétion que certaines gens essayent de concilier avec la conduite des plus grandes et des plus hasardeuses affaires. […] Cherchons des génies moins âpres, et tâchons de rencontrer un accent plus doux. […] Voilà les explosions d’un naturel par excellence doux et aimable ; jugez des autres.

1698. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Descend-il au ton de l’instruction familière, dans le détail de la vie domestique, de nos humeurs, de nos défauts, une clarté douce, égale, des expressions modérées remplacent ces hardiesses de langage où le portent les grands sujets. […] Il faut venir apprendre, dans ce Cinquième Avertissement, un art qui ne serait pas peu utile en ce temps où nous avons vu des discussions si passionnées : la polémique, douce pour les personnes, inexorable pour les choses. […] Aux endroits les plus impénétrables il semble prendre la lyre de David, et il chante comme enivré par cette nuit profonde, où il est si doux pour le chrétien d’abîmer l’orgueil de son entendement. […] Lui-même semble se faire solitaire pour préparer des lectures à des solitaires, et il prend sa part de ce doux aliment qu’il accommodait aux loisirs inquiets du couvent.

1699. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Le Musée Espagnol est venu augmenter le volume des idées générales que vous devez posséder sur l’art ; car vous savez parfaitement que, comme un musée national est une communion dont la douce influence attendrit les cœurs et assouplit les volontés, de même un musée étranger est une communion internationale, où deux peuples, s’observant et s’étudiant plus à l’aise, se pénètrent mutuellement, et fraternisent sans discussion. […] Le plafond circulaire de la bibliothèque du Luxembourg est une œuvre plus étonnante encore, où le peintre est arrivé, — non seulement à un effet encore plus doux et plus uni, sans rien supprimer des qualités de couleur et de lumière, qui sont le propre de tous ses tableaux, — mais encore s’est révélé sous un aspect tout nouveau : Delacroix paysagiste ! […] Des bouquets de lauriers, des ombrages considérables le coupent harmonieusement ; des nappes de soleil doux et uniforme dorment sur les gazons ; des montagnes bleues ou ceintes de bois font un horizon à souhait pour le plaisir des yeux. […] Achille Devéria, dont la composition est excellente, frappe en outre l’esprit par un aspect doux et harmonieux.

1700. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Certes la Maison du bonheur, rêve de perfection bien doux et bien haut, une entrevue à Solesme, bien douce et bien haute encore anecdote catholique, et les Amants de Tolède ou le sublime auteur d’Akédysseril se concentre si bien ! […] — a très bien, très subtilement mis au jour, suivant son immanquable habitude, ce que j’essaie de manifester là, moi tard venu en l’occurrence, quand il écrivait de Roger Marx pris dans l’ensemble de ses travaux : « C’est un artiste doux et clairvoyant qui s’orne chaque jour ». […] Mesdames, Messieurs, On me demande quelques mots sur la poésie ; or, il est pour un poète qui croit être sérieux et que beaucoup de gens prisent comme tel, il est plus facile, dis-je, et plus doux, de faire des vers que de parler à propos de vers.

1701. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il resta abstrait, renfermé et doux, ne laissant pas d’être aimable quelquefois, sans y songer, par une distraction de plus. […] Le doux Ballanche en a fourni un chapitre, et non pas, comme nous le verrons, le moins curieux. […] Hommes doux et pacifiques, ne frémissez pas ; mais qu’il me soit permis de le dire à présent : si cette crise horrible n’eût point été nécessaire, elle n’aurait pas eu lieu. […] Son mysticisme doux et tendre était devenu fougueux, ardent et agressif. […] Le doux rêveur inoffensif d’Ahasvérus, sans cesser d’être inoffensif, était devenu agressif et militant.

1702. (1922) Gustave Flaubert

Tu es simple d’âme et forte de tête, très peu « pohétique » et extrêmement poète ; il n’y a rien en toi que de bon et en tout espoir comme ta poitrine, blanche et douce au toucher23. » On a insisté trop complaisamment sur les ridicules de Louise Colet. […] Il la visite en voltairien morne. « Le prêtre grec a pris une rose, l’a jetée sur la dalle, y a versé de l’eau de rose, l’a bénite et me l’a donnée ; ç’a été un des moments les plus amers de ma vie, ç’eût été si doux pour un fidèle ! […] Le silence était partout ; quelque chose de doux semblait sortir des arbres ; elle sentait son cœur, dont les battements recommençaient, et le sang circuler dans sa chair comme un fleuve de-lait. […] Sur la fosse, entre les sapins, un enfant pleurait, agenouillé, et sa poitrine, brisée par les sanglots, haletait dans l’ombre, sous la pression d’un regret plus doux que la lune et plus insondable que la nuit. […] Pendant leur séjour à Fontainebleau, alors qu’à Paris la bataille de Juin fait rage, la nature de Rosanette, comme celle de Frédéric, s’épanouit dans la verdure en doux bonheur animal, en attendrissement, en confidences.

1703. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Car la diversité des opinions en morale, c’est le joug du Seigneur rendu plus facile et plus doux !  […] En vain Bérulle et Saint-Cyran, plus durs, avaient-ils tâché de reconquérir par l’attrait de la sévérité chrétienne les âmes qui glissaient hors de la main des « doux ». […] Et, à la ville enfin comme à la cour, c’étaient les jansénistes, les Desmares et les Singlin, les gens de Port-Royal, ceux du « parti », comme on disait alors, c’était l’honnête et doux Nicole, c’était Arnauld, c’était ce chrétien austère et passionné qui usait ce qui lui restait de forces à griffonner les fragments du livre des Pensées, c’était Pascal ; — et je ne nomme ici que les plus importants. […] Il y a là quelque chose d’autant plus surprenant que, comme on le sait assez, la vie n’a pas toujours été douce pour Molière, et que ni les ennuis, ni les humiliations, ni les chagrins aussi de toute sorte ne lui ont manqué. […] Écoutez plutôt l’Angélique de George Dandin : « Je veux jouir, s’il vous plaît, de quelques beaux jours que m’offre la jeunesse, et prendre les douces libertés que l’âge me permet. » C’est toujours le langage de l’École des femmes.

1704. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

M. de Montausier, renommé par une sincérité poussée si loin, qu’on le prit pour l’original du rôle du Misanthrope ; M. de Montausier, plus séduit par la physionomie douce et la taille noble de mademoiselle de Rambouillet que rebuté par les travers de son esprit, s’attacha à son char, et consentit à soupirer pendant quatorze ans avant d’obtenir d’elle le oui de l’hyménée. […] Fouquet, étonné de ce refus, brûla d’en connaître la cause ; il découvrit bientôt, par des agents secrets, les intelligences encore mystérieuses de Louis XIV et de cette femme, qui fit goûter à ce prince le bonheur si doux et si peu connu des rois d’être aimé pour soi-même. […] Rousseau, le dessein de déshonorer Molière ; et l’on doit bien plutôt en croire mademoiselle Poisson, actrice de la troupe du Palais-Royal, qui, ayant sur Grimarest l’avantage d’avoir vécu avec le grand homme dont elle parle, assure qu’il était complaisant et doux. […] La Fontaine, dans sa Psyché, a dépeint ces heureux entretiens ; et le tendre souvenir qu’il en avait conservé, la douce émotion avec laquelle il en parlait encore quelques années après, peuvent faire juger du bonheur qu’y goûtèrent ces hommes que leur amitié réunit de leur vivant, comme l’admiration de la postérité les réunit après leur mort. […] Peu de jours après la première représentation du Médecin malgré lui, le président, se trouvant avec l’auteur applaudi chez le duc de Montausier, l’accusa au milieu d’un cercle nombreux de s’être approprié, sans en faire honneur à qui de droit, le couplet que chante Sganarelle :            Qu’ils sont doux,        Bouteille jolie,            Qu’ils sont doux,        Vos jolis glougloux !

1705. (1890) Dramaturges et romanciers

Ce sont de véritables confessions du cœur révélées par un jeune confesseur au cœur tendre, tout ému des aimables péchés qu’il a reçus en confidence, et indulgent en proportion des douces émotions qu’il a épronvées. […] Un sentiment de calme pareil à celui qui nous saisit dans une petite ville de province enveloppe de son silence cette charmante idylle bourgeoise éclairée d’un doux rayon d’automne. […] Il est doux sans doute de donner sa vie pour ce qu’on aime, mais certes il est amer d’être envoyé à la mort par une ironie gratuite, un soupçon ombrageux ou un caprice cruel. […] Ainsi les plus honnêtes gens ont aussi leurs aventures périlleuses, et connaissent à leur heure tout ce qu’il peut paraître doux de connaître des passions défendues. […] Il a été soumis à une discipline douce et presque volontaire.

1706. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Encore sera-ce désormais une vie en guerre, et d’ailleurs les heures ont été brèves de la douce beauté chrétienne. […] Car nul effroi, dans ce jardin des doux rêves, où pourtant une croix se dresse, mais elle est tressée en fleurs. […] Elle a l’écho d’une douce plainte qui jamais, — discrète, — ne criera, — oui, la plainte d’une ombre, une plainte qui ne se profère pas et veut pourtant être devinée. — C’est de Sainte-Beuve que date le premier essai de suggestion littéraire. […] Blondel, dont j’aime Le Bonheur d’aimer et cette tristesse douce, sentimentale bien, et M.  […] On prétend, non sans apparence, qu’elles n’ont jamais été si douces : la chose dite littéraire est devenue sur le marché un article qui se vend et s’achète tout comme un autre article ; les éditeurs, les directeurs (journaux et théâtres) sont extraordinairement accueillants ; la ligne est presque partout bien payée… Enfin, à moins de folie ou de miracle, un homme de lettres, en ce temps, ne saurait mourir de faim.

1707. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

De là le mépris, doux mais invincible, de toute discipline et de toute hiérarchie. […] Transcrivons un dernier passage : « Accoutumés que sont les grands à tout ce que les sens ont de plus doux et de plus riant, la plus légère douleur déconcerte toute leur félicité et leur est insoutenable. […] Enfin, s’il faut achever le détail de son crime, « il ne se servait pas de ses biens pour corrompre l’innocence ; le lit de son prochain était pour lui inviolable, la réputation d’autrui ne l’avait jamais trouvé envieux ni mordant ; … c’était un homme menant une vie douce et tranquille, essentiel sur la probité, réglé dans ses mœurs, vivant sans reproche » ; et c’est pour cela qu’il fut enseveli dans l’enfer ! […] Il ira plus loin encore et ne craindra pas de nous montrer le vice venant corrompre la bonté de la nature : « Vous aviez reçu en naissant une âme si pudique, … vous étiez né doux, égal, accessible, … vous aviez eu pour partage un cœur doux et sensible97. » Ce sont les mots que nous soulignons qui sont caractéristiques. […] « Les feux de l’aurore, a dit Vauvenargues, ne sont pas plus doux que les premiers regards de la gloire. » L’auteur du Traité de la monnaie l’éprouva.

1708. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Il revient à une douce ménagère en se demandant : « Comment ai-je pu épouser cette éventée ?  […] Elle doit être douce, elle doit être pleine de sollicitude, elle doit être continue et de tous les instants, elle doit être un dévouement réciproque ; et elle doit être libre. […] Il y a les doux et les forts. […] Les doux sont avisés, prudents, circonspects, réfléchis, modérés. […] « C’est l’unique tâche et en même temps toute la tâche du tisserand suprême de ne jamais permettre que le caractère doux rompe avec le caractère fort et énergique, de les mêler par une certaine similitude des sentiments, des honneurs, des peines, des opinions, comme par un échange de gages d’union, d’en composer un tissu, comme nous avons dit, à la fois doux et solide et de leur confier en commun les différents pouvoirs dans les États. » Or, à supposer que ce soit un sénat qui gouverne, de quoi sera-t-il composé ?

1709. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Mme Jane Thomsen, de visage trop moderne, à la vérité, pour jouer la tragédie antique, nous a donné une douce, aimable et attendrissante Antigone. […] Elle aurait tiré des larmes des pierres ; et, des spectateurs experts, elle tirait des larmes d’admiration, celles qui sont les plus douces et les plus chères. […] Elles diront : « Il ne vient là que pour demander cette jeune fille si douce, si charmante ; il est abominable, ce vieux prêtre !  […] TRISSOTIN Le don de votre main, où l’on me fait prétendre, Me livrera ce cœur que possède Clitandre, Et par mille doux soins j’ai lieu de présumer Que je pourrai trouver l’art de me faire aimer. […] Or, le mariage de Jean et de Germaine, c’est l’union d’une affection douce, amicale, paternelle, où entre un peu de pitié et d’instinct protecteur, avec une passion ardente, nerveuse, fébrile, qui, naturellement, ne trouve nullement sa satisfaction dans ce que l’autre partie veut lui offrir.

1710. (1896) Études et portraits littéraires

Il suit les conceptions lentes qui s’élaborent dans les cerveaux frustes, les discussions sans fin, pleines de recommencements, les luttes après et patientes dont l’objet est un lopin de terre ou un peu de monnaie, de « cette monnaie entrée dans la maison, franc par franc, sou par sou, de cette monnaie, histoire sonnante de tant de peines, de soucis, de fatigues, de travaux, si douce au cœur, aux yeux, aux doigts du paysan ». […] Mais Maupassant se plaît surtout à l’eau douce, aux sources suintantes qui « vivifient la terre comme du sang », aux ruisseaux des vallons normands, aux petites rigoles branchées qui font tourner les moulins, aux rivières, à la Seine, à la Marne… avec les baignades du dimanche et les canotages de grisettes. […] Au fond, la vie ne nous paraît chose dure, pénible, que lorsqu’elle est empêchée ou gênée dans son développement : « Elle n’a pu s’épanouir, elle n’a pu êtreelle-même ; et alors froissés, blessés, ce n’est pas de vivre que nous nous plaignons, c’est de ne pas vivre assez. » En soi, vivre est doux, vivre est une chose belle, répéterait volontiers M.  […] Il en est plus beau ; et combien doux au toucher, souple, moelleusement écrasé et poli ! […] Émile achève une mortaise, Sophie pousse sur une planche un rabot qui ne mord pas ; doux passe-temps.

1711. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Mais quand arrivera le moment si doux de la vengeance ? […] Sachons nous refuser le plaisir si doux de la vengeance : sachons ne répondre que par le silence du mépris à tous ces auteurs Romantiques, écrivant pour les exigences d’un siècle révolutionnaire, et capables, je n’en doute point, de ne voir dans quarante personnages graves, se rassemblant à jours fixes pour ne rien faire, et se dire entre eux qu’ils sont ce qu’il y a de plus remarquable dans la nation, que de grands enfants jouant à la chapelle. » Ici les bravos interrompent M.  […] 1º Confier l’exercice de la censure à des hommes doux et raisonnables qui permettent toutes choses à M. 

1712. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Et l’on soupe au milieu d’une douce gaîté, et de l’espérance de tous que mon succès va ouvrir à deux battants la porte au théâtre réaliste. […] Daudet commence à parler, presque amoureusement, d’un article du Temps d’hier, où la mort serait, au dire des médecins anglais, une chose douce, une chose voluptueuse parfois, assez semblable à la prise de possession, à l’envahissement d’un corps par les anesthésiques, la morphine, le chloral. […] Les Arènes, un petit Colisée, où le noir des foules modernes, fait si bien, par place, sur l’orangé et le gris de la pierre effritée, et là dedans, çà et là, la luminosité douce d’une Arlésienne dans son costume : une merveille d’arrangement et d’harmonie.

1713. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

J’ai attaché tous ces rubans, et j’ai vu de douces larmes de reconnaissance couler sur des visages bronzés ; j’ai senti des cœurs bien nobles et bien fermes devant l’ennemi battre comme le cœur d’une femme, et le mien battait à l’unisson. » — Et à Varna, quand il sera général en chef et pendant le fléau du choléra, revenant de visiter les hôpitaux : « J’ai vu là onze cents malades et deux mille malingres qui ne me sortent pas de la pensée. […] Cher Adelphe, il est doux de ne devoir rien qu’à soi-même.

1714. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Une raison douce, résignée, mélancolique, attachante et détachée, reposée de ton, semée le mots justes et frappants qu’on retenait, composait l’allure habituelle de sa conversation, de sa pensée. […] En achevant leur roman idéal, il est clair que les deux amis, — que M. de La Rochefoucauld et elle, — en venaient à douter de ce qu’il y aurait eu de félicité imaginable pour leurs chers personnages, et qu’ils se reprenaient encore à leur douce liaison réelle comme au bien le plus consolant et le plus sûr.

1715. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

. ; vous ne percevrez dans tous les cas qu’une saveur douce et sucrée, sans pouvoir jamais discerner les diverses substances employées. » Par le même procédé on constate que « la saveur urineuse que nous attribuons aux bases alcalines fixes n’appartient pas à ces substances, mais bien à l’ammoniaque qui est mise en liberté par la réaction des bases alcalines fixes sur les sels ammoniacaux contenus dans la salive. » Ici encore, une sensation d’odeur ou plutôt de tact nasal est incluse parmi les sensations de saveur. — En second lieu, les sensations de saveur proprement dites se compliquent en beaucoup de cas d’une sensation différente, tantôt agréable et attrayante, tantôt désagréable et répugnante, qui appartient à d’autres nerfs du canal alimentaire. […] Trois atomes d’oxygène avec deux atomes d’un métal font un composé de saveur douce ou sucrée. — Tous les alcalis organiques sont fortement amers. — Presque tous les acides ont un goût acide. — Presque tous les sels de fer ont un goût d’encre, etc. — Les substances dont l’odeur est parfumée sont des hydrogènes carbonés. — Les substances d’odeur infecte ont presque toutes de l’arsenic ou du soufre dans leurs bases, etc.

1716. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Enfin, après mille manœuvres de ses confidents contrariés par ce qui restait de décorum républicain dans les différents corps représentatifs, la douce violence est opérée, et, après avoir deux fois repoussé la couronne comme César au Cirque, le général Bonaparte passe du titre de premier Consul au titre de Consul à vie, et du titre de consul à vie à la prochaine proclamation de l’empire héréditaire. […] Bonaparte, mécontent d’une condamnation trop douce pour un crime d’État, se hâte de l’éloigner de la France et lui achète ses biens pour lui faciliter l’exil éternel.

1717. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Xénophon, le doux Xénophon qu’on appela la Muse attique, a pris l’histoire de son pays où Thucydide l’avait laissée. […] Qui est-ce qui ne connaît pas Horace, le précepteur de tous les hommes dans la morale, de tous les littérateurs dans l’art d’écrire, mais le plus adroit corrupteur des grands ; le libertin et malheureux Ovide, ses Tristes, ses Fastes, ses Amours, ses Métamorphoses, son esprit, sa facilité, sa volupté ; les naïves saletés de Catulle, la douce mélancolie de Tibulle, la chaleur de Properce, la noble et vertueuse audace de Juvénal, la finesse, la bonne plaisanterie et les élégantes obscénités de Martial ?

1718. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

On le sait, l’Amérique n’est pas douce aux rêveurs. […] Il a essayé de faire une douce aurore à son soleil, dont les feux auraient blessé la vulgarité délicate s’ils étaient tombés d’aplomb sur ses paupières.

1719. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Et vous qui ici gisez dans cette bière, ma douce sœur, mon amie chère, comme vous étiez tendre et grasse !

1720. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Ce que le trouvère n’a pas cherché, mais ce qui ne laisse pas de frapper encore et d’émouvoir, le combat continuant, c’est le contraste du lieu riant et frais et de la mêlée si lourde et si sanglante : « Dedans un très beau pré, sur une douce pente, à mi-voie de Josselin et du château de Ploërmel, au chêne que l’on appelle de la mi-voie, le long d’une geneslaie qui était verte et belle… » Il y a là un sentiment comme involontaire de nature, un souvenir circonstancié de la terre de la patrie, qui ajoute à l’effet simple et grandiose. — Si le poète y a pensé, ce n’est pas pour y voir un contraste, mais plutôt pour y noter un accord entre cette belle nature chérie et ce beau fait d’armes glorieux : son patriotisme marie tout cela.

1721. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Ils ne disaient rien que de juste et que de convenable, rien qui ne fût d’un commerce doux, facile et gai… Je sentis même une chose qui m’était fort commode, c’est que leur bon esprit suppléait aux tournures obscures et maladroites du mien ; ce que je ne disais qu’imparfaitement, ils achevaient de le penser et de l’exprimer pour moi sans qu’ils y prissent garde, et puis ils m’en donnaient tout l’honneur.

1722. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Commynes trouve là pour doge un Barbarigo, homme sage et fin, moins grandiose que le Dandolo d’autrefois, mais une « douce et aimable personne ».

1723. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Je sais du moins à coup sûr, par un passage des Mémoires de Tilly, que M. de Meilhan quand il écrivait des billets doux, employait du papier à vignettes et parfumé : cela suffit à mon exactitude.

1724. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

À Zürich, il vit Gessner, et il l’eût volontiers opposé en exemple, dit-il, aux petits Pindares de toutes les nations en le leur montrant dans sa simplicité, sa candeur, et avec ces vertus douces qui accompagnent si bien un aimable génie.

1725. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

On l’aimait parce qu’il ne lui échappait jamais rien contre personne ; qu’il était doux, complaisant, sûr dans le commerce, fort honnête homme, obligeant, honorable ; mais d’ailleurs si plat, si fade, si grand admirateur de riens, pourvu que ces riens tinssent au roi, ou aux gens en place ou en faveur ; si bas adulateur des mêmes, et, depuis qu’il s’éleva, si bouffi d’orgueil et de fadaises, sans toutefois manquer à personne, ni être moins bas, si occupé de faire entendre et valoir ses prétendues distinctions, qu’on ne pouvait s’empêcher d’en rire.

1726. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Ce n’est pas des Portes, déjà tout Italien et déchu des grandes sources ; ce n’est pas le doux et languissant Bertaut ; ce n’est pas le vigoureux Regnier, purement participant des satiriques italiens et latins.

1727. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Pour le poète tendre, quel songe plus doux que de rencontrer à la lisière d’un bois La Fontaine égaré, au moment où il a trouvé de beaux vers ?

1728. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Au second livre De l’orateur, cette même question des rapports de l’histoire avec le talent de la parole (« quantum munus sit oratoris historia ») est pareillement mise sur le tapis et discutée entre les interlocuteurs supposés, l’orateur Antoine et Catulus ; Antoine y indique très nettement les différences qui distinguent en propre le genre historique, — l’horreur du mensonge, la vérité des faits pour base, la description fidèle des événements, des lieux, l’exposé intelligent des entreprises, et un courant de récit plus égal, plus doux, épandu, naturel, exempt des violences et des secousses de l’action oratoire.

1729. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Il m’explique en grec et en latin « les doux, résistants et amoureux délais » de notre grand-mère Ève.

1730. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

J’essaye de trier parmi les articles si distingués que j’ai sous la main : en voici un sur Xénophon ; c’est exquis de ton et vraiment attique ; — un autre sur le poète Lucrèce, tout animé d’un beau sentiment, et qui finit par une apostrophe éloquente : « Salut, Lettres chéries, douces et puissantes consolatrices, etc.

1731. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Je n’ai pas tout dit de cette éducation inventive et agréable où « la conversation, les amusements, la table, tout, par les soins et l’habileté du maître, devenait leçon pour l’élève, et rien ne paraissait l’être. » Je n’ai rien dit du Télémaque, ce cours de thèmes comme il n’y en a jamais eu, qui n’est, a le bien voir, que la plus longue des fables de Fénelon, l’allégorie développée, devenue épique, et où l’auteur, abordant par les douces pentes de l’Odyssée la grandeur d’Homère, de cet Homère qui, « d’un seul trait met la nature toute nue devant les yeux », n’a fait, en le réduisant un peu, que lui donner la mesure et comme la modulation virgilienne, et le ramener en même temps aux convenances françaises, telles crue les entendaient les lecteurs de Racine.

1732. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

En effet, il a observé les jours précédents l’aqueduc qui conduit les eaux douces dans la ville : il décide Mâtho à s’y enfoncer avec lui, et après des prodiges de dextérité et de bonheur, tantôt nageant, tantôt rampant, ils s’introduisent dans la ville.

1733. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Pas de trace de jours sombres, de nuages, de brouillard et d’humidité ; toujours le ciel du bleu le plus pur, l’air le plus doux, et partout un sol sec, sur lequel on pourrait s’étendre nu.

1734. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Elle est si froidement douce, si mortellement belle, qu’on se sent tressaillir ; car l’âme ici est absente.

1735. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Non pas pour être alors vainqueur De l’amour que j’ai, car mon cœur La verra toujours jeune et belle ; Mais pour que son doux entretien Me gardât vieux longtemps près d’elle, Et sans que le monde en dît rien.

1736. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

. — Non, il ne l’était pas autant qu’on le croirait, et cette simplicité, cette vertu, cette prud’homie touchante de Racine, couronnée d’une belle et douce mort, est-ce donc chose si ordinaire ?

1737. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Ce n’était pas la seule contradiction qu’il trouvait au dedans de lui ; il avait coutume de dire encore, en regrettant de ne pas rester un simple amateur, ce qui est si doux et si désirable aux délicats : « Quel dommage que j’aie toujours envie d’écrire !

1738. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve au Temps incompréhensible, inexplicable (pour me servir des expressions les plus douces) de la part d’un écrivain dont la plume devait être et rester avant tout inféodée (c’est presque le mot qui a été employé) à la littérature officielle de l’Empire. — M. 

1739. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

— Un moi mystérieux Nous pousse ; alors on prend la vie au sérieux : Plus de jeux dans les prés, plus de frais sous le saule, Le soir plus de moments perdus en doux propos ; Il faut douze combats, et puis, pour le repos, La peau de lion sur l’épaule !

1740. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Je me figure que c’était là l’autre fois un de ces jours doux et ornés qui comptent dans une vie.

1741. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Cependant le dernier vers qui termine le récit : Passa la bella donna et par che dorma35, est trop harmonieux, trop doux, glisse trop mollement sur l’âme, pour être d’accord avec l’impression profonde que doit produire un tel événement.

1742. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

On interprète « les harmonies de la Nature » comme des attentions délicates de la Providence ; en instituant l’amour filial, le Créateur a « daigné nous choisir pour première vertu notre plus doux plaisir314 »  À l’idylle qu’on imagine au ciel, correspond l’idylle qu’on pratique sur la terre.

1743. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

On a vu que la sensation proprement dite est un composé d’événements successifs et simultanés de même qualité, eux-mêmes composés de même ; qu’au terme de l’analyse, l’expérience indirecte et les analogies montrent encore des événements de même qualité, successifs et simultanés, tous soustraits à la conscience et à la fin infinitésimaux ; que les actions réflexes indiquent des événements rudimentaires analogues et qu’on les suit jusqu’au bas de la série animale, même en des animaux159, comme le polype d’eau douce, en qui l’on ne découvre aucune trace du système nerveux. — Mais on peut les suivre plus loin encore ; car chez plusieurs plantes comme la sensitive et le sainfoin oscillant du Bengale, chez les anthérozoïdes des cryptogames et chez les zoospores des algues, on rencontre des actions réflexes tout à fait semblables à celle que produit le tronçon d’une grenouille décapitée.

1744. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

On ne peut détacher le regard du portrait ; on croit entendre sa voix douce et prévenante qui vous parle ; il n’a rien à cacher ; son timbre, juste et franc, sonne la sincérité avec le mot.

1745. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Ce soldat que les loisirs d’une prison firent écrivain, trouva le style qui convenait à son âme douce et forte : un style familier et vigoureux, sans ombre de prétention ni d’effets.

1746. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Mme de Staël a vu une Allemagne sentimentale, rêveuse, loyale sincère, fidèle, un peuple de doux métaphysiciens sans caractère, sans patriotisme, impropres à faction, capables d’indépendance, et non de liberté.

1747. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Puis les questions et le doux radotage des vieux. : « De quelle couleur est le papier de sa chambre   Bleu, madame, avec des guirlandes  Vraiment !

1748. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

On verra, par quelques citations de cet éloquent misanthrope, qu’il était bien digne de faire l’Enfer, et que peut-être celui de Dante lui eût semblé trop doux.

1749. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Tout indique qu’il était doux, modéré, de bon conseil, plus fait pour mitiger et retenir celle qu’il dirigeait que pour la pousser aux extrêmes.

1750. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

c’est une douce chose », s’écrie-t-elle en un endroit, et elle prouve de reste qu’elle s’y complaît.

1751. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

et déjà blanchie avant l’âge ; quand on l’entend, dans la plus longue et la plus remarquable de ses lettres à Élisabeth (8 novembre 1582), lui redire pour la vingtième fois : « Votre prison, sans aucun droit et juste fondement, a jà détruit mon corps, duquel vous aurez bientôt la fin s’il y continue guère davantage, et n’auront mes ennemis beaucoup de temps pour assouvir leur cruauté sur moi : il ne me reste que l’âme, laquelle il n’est en votre puissance de captiver » ; quand on a entendu ce mélange de fierté et de plainte, la pitié pour elle l’emporte, le cœur a parlé ; ce doux charme dont elle était douée, et qui agissait sur tous ceux qui l’approchaient, reprend le dessus et opère sur nous à distance.

1752. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

J’oubliais presque une certaine Denise, paysanne et boulangère, qui vient à la traverse et qui dit bien des choses « dans le patois fleuri de ses doux yeux ».

1753. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Et de même que ces êtres ne témoignent cependant d’aucune honte sociale et ne souffrent de leur déchéance que parce qu’ils sont inhumains et indignes de pitié, les canailles de Dostoïewski aussi découvrent parfois naïvement et sans trop se savoir odieux, leur perversité, avec un doux cynisme.

1754. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Par la lecture de certains livres de théologie, de certains volumes de poésie savante, par de justes inventions, il enrichit et pare son langage, de vocables assoupis, longuement harmonieux et doux ; il les sertit et les associe en de lentes phrases, qui joignent le poli soyeux des mots, à la suavité de l’idée : « Sous cette robe tout abbatiale signée d’une croix et des initiales ecclésiastiques : P.

1755. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Cette appréhension impatiente et avide du futur, si souvent signalée par les moralistes, devient une fatigue quand on en prend conscience ; de là, il résulte que la vie est douce dans la jeunesse, malgré toutes les douleurs, parce que, la force de vivre étant toute fraîche, la vie ne coûte aucun effort, tandis qu’elle devient lourde au contraire, même au sein du bonheur, à mesure que l’on avance en âge, par la conscience accumulée de la fatigue passée et la prévision certaine de la fatigue future.

1756. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

La politesse, cette qualité si aimable, si douce, si estimable dans le monde, est maussade dans les arts d’imitation.

1757. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

La ste Julitte est belle, bien dessinée, bien disposée, intéressante, physionomie douce, tranquille, bien résignée, beau caractère de tête, belles mains tremblantes, figure qui a du pathétique et de la grâce ; mais point de couleur.

1758. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Une voix inconnue se fit jadis entendre à un homme qui s’est appelé Homère ; et cette voix ensuite a retenti, pleine de mille doux charmes, parmi les générations humaines.

1759. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Les orages ne sont pas plus inutiles que les douces ondées.

1760. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Il les disait, ces Fleurs du mal, avec cette voix douce et mystificatrice qui hérissait le crin des bourgeois quand il les distillait suavement dans leurs longues oreilles épouvantées.

1761. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

S’il se porte à des figures plus hardies, elles sont suivies, raisonnables, tirées d’objets ordinaires, préparées de loin, sans rien qui puisse étonner ou choquer, simples effets d’une éloquence passionnée, simples moyens oratoires, au même titre que les raisonnements et les faits : « La religion de Pascal, dit-il, n’est pas le christianisme des Arnaud et des Malebranche, des Fénelon et des Bossuet ; fruit solide et doux de l’alliance de la raison et du cœur dans une âme bien faite et sagement cultivée ; c’est un fruit amer, éclos dans la région désolée du doute, sous le souffle aride du désespoir. » Telle est l’imagination de l’orateur, bien différente de celle de l’artiste, qui est brusque, excessive, aventureuse, qui se plaît aux images nouvelles, qui frappe et éblouit le lecteur, qui se hasarde parmi les figures les plus rudes et les plus familières, qui ne se soucie pas d’élever, par des transitions ménagées, les esprits jusqu’à elle, et dont la folie et la violence mettraient en fuite l’auditoire que l’orateur doit se concilier incessamment pour le retenir jusqu’au bout.

1762. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Au moment où la douce figure de Mme de Longueville commence à se reformer sous les yeux du lecteur, il entend un fracas d’in-folio qui tombent ; c’est une dissertation qui arrive et efface la charmante image sous son appareil démonstratif.

1763. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Seules, les actions du juste exhalent un doux parfum, et fleurissent dans la cendre du tombeau226. » Récitées devant Cromwell, ces strophes le troublèrent, dit-on, jusqu’à la terreur.

1764. (1927) Approximations. Deuxième série

Elle se leva et l’entraîna dans le cloître : le soir d’été tombait tiède et doux ; les roses embaumaient l’air calme, et le crépuscule s’assombrissait sous les blancs arceaux. […] Observer, instruire, réfréner, encourager la jeune créature royale à ses côtés, c’était déjà beaucoup ; davantage cependant de sentir, à travers cette constante intimité, le contact de son affection ardente, le rayonnement de sa vitalité ; plus que tout peut-être était-il doux de se perdre dans une contemplation enjouée que coupait de temps à autre une vaine apostrophe, — de parler sans suite, — de faire d’innocentes plaisanteries au sujet d’une pomme ou du volant d’une jupe, de rêver. […] Son tout premier poème s’ouvrait sur ce vers : « Combien merveilleuse est la Mort, la Mort et son frère le Sommeilbd » ; et ne dit-il pas de l’héroïne d’Épipsychidion : « Elle me rencontra, Étranger, sur le rude chemin de la vie, et m’attira vers la douce mortbe ». […] Sa défense des Épicuriens, que cite en son livre Martineau, est fort suggestive à cet égard : « Quoi donc, est-ce bassesse que de se plaire à la musique : « cette douce musique, dit Shakespeare, qu’on ne peut entendre et rester gai », — bassesse de goûter la saveur d’un fruit rouge ; ou le beau mouvement balancé d’une femme ; et l’ombre fraîche coupée d’un courant, le pli d’une plaine toute blanche de soleil ? […] un Dieu qui ne cesse de recevoir de son fidèle de « douces injureshl », des « flèches trempées du plus exquis venin de l’intelligencehm » ; mais ce trait même en François ne dénonce que plus sûrement sa vocation.

1765. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Ce mot voix, (vox) a été d’abord établi pour signifier le son qui sort de la bouche des animaux, et surtout de la bouche des homes : on dit d’un home, qu’il a la voix mâle ou féminine, douce ou rude, claire ou enrouée, foible ou forte, enfin aiguë, flexible, grêle, cassée, etc. […] Et Virgile, (…) ; et encore au premier livre des géorgiques, voulant parler du vin cuit ou du résiné que fait une ménagère de la campagne, il dit qu’elle se sert de Vulcain pour dissiper l’humidité du vin doux. (…). […] « le doux someil, dit Horace, etc. » le mot de corps et le mot d’ame se prènent aussi quelquefois séparément pour tout l’home : on dit populairement, surtout dans les provinces, ce corps là pour cet home là ; voilà un plaisant corps, pour dire un plaisant personage. […] La syllepse oratoire La syllepse oratoire est une espèce de métaphore ou de comparaison, par laquelle un même mot est pris en deux sens dans la même phrase, l’un au propre, l’autre au figuré ; par exemple, Corydon dit que Galathée est pour lui plus douce que le thym du mont Hybla ; ainsi parle ce berger dans une églogue de Virgile : le mot doux est au propre par raport au thym, et il est au figuré par raport à l’impression que ce berger dit que Galathée fait sur lui. […] Les furies, Alecto, Tisiphone et Mégère, ont été apelées Euménides, du grec (…), douces, bienfesantes.

1766. (1910) Rousseau contre Molière

L’amour d’Eliante pour Alceste est un vrai malheur pour Philinte : il le supporte d’une âme égale, forte et douce. […] Ce qu’il s’est mille fois reproché, avec une sincérité que mettra en doute un autre que moi, c’est de ne pas être resté horloger à Genève ou musicien à…, coulant une vie tranquille et douce, n’excitant point l’envie et n’attirant pas sur lui les persécutions. […] Moi, j’irais me charger d’une spirituelle Qui ne parlerait rien que cercle et que ruelle, Qui de prose et de vers ferait de doux écrits Et que visiteraient marquis et beaux esprits, Tandis que sous le nom du mari de madame Je serais comme un saint que pas un ne réclame ? […]  » Leur plaire, leur être utile « bien se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce ; voilà les devoirs des femmes dans tous les temps et ce qu’on doit leur apprendre dès leur enfance. […] De même, ce qui prouve que Molière est toujours avec nature, même vicieuse et honteuse, ce sont les paroles d’Angélique dans George Dandin : « Je veux jouir, s’il vous plaît, de quelques beaux jours que m’offre la jeunesse et prendre les douces libertés que l’âge me permet. » C’est le cri de la nature.

1767. (1927) Des romantiques à nous

La bonne Thérèse est une servante, une douce bête des champs, se prêtant à son maître en toute commodité et qui n’a rien pour ouvrir le commerce des sens aux écluses de l’imagination. […] Chose aimable aussi, que ce même empêchement ait conservé aux inventions amoureuses de ce poète malheureux, mais dont le cœur ne s’est pas raviné aux expériences réelles de la passion, je ne sais quelle douce candeur, quel mol épanouissement de bergerie printanière ! […] Jamais la draperie divinement négligée de la prose lamartinienne n’ondula avec une grâce plus majestueuse et ne jeta de plus doux rayons. […] Avec le soleil de l’idée divine, soleil qui n’entrait d’ailleurs dans cette école que pâli aux verres gris et opaques de Kant, s’en sont allés tous ses rayons, et surtout le plus doux : la poésie, plus nécessaire, en un sens, que la morale elle-même. […] Ce qu’on pourrait, par opposition à son âpre et douce saveur nationale appeler « politesse européenne » a une part assez grande aux ouvrages de ses compagnons, en particulier de Rimsky-Korsakof, mais n’a guère de part aux siens.

1768. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Vous avez tous les noms d’arbres les plus harmonieux, les plus doux à l’oreille. […] La pauvre enfant était loin de prévoir qu’une rêverie si douce lui coûterait des larmes ; mais cette rêverie s’emparait de sa vie.

1769. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Qu’y a-t-il en nous, lorsque par nos sensations nous prenons connaissance d’un corps extérieur, lorsque, par exemple, éprouvant à la main des sensations tactiles et musculaires de froid, de résistance considérable, de contact uniforme et doux, je juge qu’il y a du marbre sous ma main ; lorsque, promenant mes yeux d’une certaine façon et ayant par la rétine une sensation de brun rougeâtre, je juge qu’à trois pas de mes yeux est une table ronde d’acajou ? […] Primitivement, la résistance n’est pour nous que le pouvoir d’arrêter une série commencée de sensations musculaires, et les autres qualités tactiles se réduisent, comme la résistance, au pouvoir de provoquer telle sensation musculaire ou tactile plus ou moins simple ou composée, tel mode ou modification d’une sensation ou d’une série de sensations musculaires et tactiles. — Un corps est lisse ou rude ; cela signifie qu’il peut provoquer une sensation de contact uniforme et douce, ou une sensation de contact irrégulière et forte.

1770. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Les écrivains politiques en état de frénésie ou de cécité qui se sont faits les organes de cette théorie de la liberté illimitée, et qui ont été assez malheureux pour se faire des adeptes, n’ont pas réfléchi que tout jusqu’à la plume avec laquelle ils niaient la nécessité de la loi était en eux un don, un bienfait, une garantie de la loi ; que l’homme social tout entier n’était qu’un être légal depuis les pieds jusqu’à la tête ; qu’ils n’étaient eux-mêmes les fils de leurs pères que par la loi ; qu’ils ne portaient un nom que par la loi qui leur garantissait cette dénomination de leur être, et qui interdisait aux autres de l’usurper ; qu’ils n’étaient pères de leurs fils que par la loi qui leur imposait l’amour et qui leur assurait l’autorité ; qu’ils n’étaient époux que par la loi qui changeait pour eux un attrait fugitif en une union sacrée qui doublait leur être ; qu’ils ne possédaient la place où reposait leur tête et la place foulée par leurs pieds que par la loi, distributrice gardienne et vengeresse de la propriété de toutes choses ; qu’ils n’avaient de patrie et de concitoyens que par la loi qui les faisait membres solidaires d’une famille humaine immortelle et forte comme une nation ; que chacune de ces lois innombrables qui constituaient l’homme, le père, l’époux, le fils, le frère, le citoyen, le possesseur inviolable de sa part des dons de la vie et de la société, faisaient, à leur insu, partie de leur être, et qu’en démolissant tantôt l’une tantôt l’autre de ces lois, on démolissait pièce à pièce l’homme lui-même dont il ne resterait plus à la fin de ce dépouillement légal qu’un pauvre être nu, sans famille, sans toit et sans pain sur une terre banale et stérile ; que chacune de ces lois faites au profit de l’homme pour lui consacrer un droit moral ou une propriété matérielle était nécessairement limitée par un autre droit moral et matériel constitué au profit d’un autre ou de tous ; que la justice et la raison humaine ne consistaient précisément que dans l’appréciation et dans la détermination de ces limites que le salut de tous imposait à la liberté de chacun ; que la liberté illimitée ne serait que l’empiétement sans limite et sans redressement des égoïsmes et des violences du plus fort ou du plus pervers contre les droits ou les facultés du plus doux ou du plus faible ; que la société ne serait que pillage, oppression, meurtre réciproque ; qu’en un mot la liberté illimitée, cette soi-disant solution radicale des questions de gouvernement tranchait en effet la question, mais comme la mort tranche les problèmes de la vie en la supprimant d’un revers de plume ou d’un coup de poing sur leur table de sophistes. […] « Il n’en tira pour cette première fois que des sons plaintifs et tendres, qui exprimaient la douce langueur d’une âme dont l’affliction n’est pas encore dissipée entièrement.

1771. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Venise lui dut des conquêtes éclatantes, un peuple doux, une politique immuable, des monuments, des arts et des fêtes qui font époque dans les annales de l’esprit humain. […] On proposa au prince une expiation plus douce : ce fut d’aller servir, les armes à la main, contre ses propres amis en combattant en Espagne cette constitution espagnole des carbonari qu’il avait proclamée à Turin.

1772. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

« Un jeune homme d’une figure ordinaire, rien de distingué ; seulement une physionomie sensible et intéressante », une jeune fille « blonde ; une physionomie douce, tendre, modeste, enchanteresse », voilà les figures, et voilà les caractères. […] Il ne s’est pas élevé jusqu’aux glaciers : il a l’âme tendre et douce : il aime la belle, non l’effrayante nature, il aime surtout la nature que son âme peut absorber ou contenir, celle qui la réjouit et ne l’écrase pas.

1773. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Ce serait un bien doux mais bien chimérique optimisme d’espérer que ce jour est près de nous. […] On doit toujours essayer de mener l’humanité par les voies pacifiques et de faire glisser les révolutions sur les pentes douces du temps ; mais, si l’on est tant soit peu critique, on est obligé de se dire en même temps que cela est impossible, que la chose ne se fera pas ainsi.

1774. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

» ou « cher et doux trésor », etc. […] Traduction approximativement littérale : « En moi seule l’œil (de Wotan) éveilla un doux désirant chagrin, des larmes et de la consolation ensemble. »[NdA] 63.

1775. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

1er mai Théophile Gautier, l’oreille somnolente, un doux et bon sourire dans l’œil, avec sur les lèvres une parole lente, émise par une voix trop petite pour le corps, et mal notée, et pourtant à la longue agréable, presque harmonieuse. […] * * * — L’excès du travail produit un hébétement tout doux, une tension de la tête qui ne lui permet pas de s’occuper de rien de désagréable, une distraction incroyable des petites piqûres de la vie, un désintéressement de l’existence réelle, une indifférence des choses les plus sérieuses telle, que les lettres d’affaires très pressées, sont remisées dans un tiroir, sans les ouvrir.

1776. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Cela faisait penser à je ne sais quoi de doux dans la force, comme le rut du Paradis… Une comparaison qui ramène mes idées au scandale que devait donner l’Eden, où Adam et Ève ne pouvaient sortir de l’arbre qu’ils habitaient, sans marcher sur un flagrant délit, plein d’incitation pour des gens si peu vêtus… et vraiment la sévérité de Dieu a été grande de leur dresser procès-verbal, et de les mettre à la porte de son jardin, par ce garde champêtre au sabre de feu. […] Il avait pris pour thèse que, chez tout le monde, sans exception, tous les sentiments et toutes les impressions dépendent du bon et du mauvais état de l’estomac, et il racontait, à l’appui, l’histoire d’un mari de ses amis qu’il avait emmené dîner chez lui, le soir de la mort de sa femme, une femme qu’il adorait. — Il lui avait servi un morceau de bœuf, lorsque le mari tendit son assiette et avec une douce imploration de la voix, lui demanda : « Un peu de gras !

1777. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Comment la bourgeoisie bourgeoisante ne s’extasierait-elle pas devant cet homme, qui avait su rendre l’exil si doux et si profitable ? […] Les Diderot, les Voltaire, les Rousseau, les D’Alemberte et les Condillac du xviiie  siècle l’avaient trop fait penser pour qu’elle ne désirât se reposer et goûter sans cassements de tête une douce philosophie et une sentimentale poésie, qui ne devaient plus mettre en jeu l’intelligence, mais amuser le lecteur, le transporter dans les nuages et le pays des rêves, et charmer ses yeux par la beauté et la hardiesse des images, et ses oreilles par la pompe et l’harmonie des périodes.

1778. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Et voilà ce qu’on apelle l’entrevue de trois personnes liées par les rapports les plus doux, les plus violents, les plus sacrés de la vie. […] Dans ces moments où tes membres sacrés le soutiennent, panche-toi tendrement sur lui, et l’enveloppant de ton céleste corps, verse dans son cœur la douce persuasion.

1779. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Mais Charles son fils, tout au contraire, bon à ses sujets, non pas à son État (si rarement se rencontre un prince doux et politique tout à la fois !)

1780. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

s’écriait-il dans les moments de solitude, on les appelle doux et tendres, et, de telle façon qu’ils soient, je les déclare durs et amers… L’image des plaisirs innocents de l’enfance retrace un temps qui nous rapproche de celui où nous n’existerons plus.

1781. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

« On eût dit, remarque Voltaire, que l’ouvrage de M. de La Motte était d’une femme d’esprit, et celui de Mme Dacier d’un homme savant… La Motte traduisit fort mal l’Iliade, mais il l’attaqua fort bien. » La Motte avait orné sa défense de toutes sortes de jolis mots et de maximes de bonne compagnie : Une douce dispute est l’âme de la conversation. — La diversité de sentiment est l’âme de la vie, et l’assaisonnement même de l’amitié. — Quand tout s’est dit de part et d’autre, la raison fait insensiblement son effet ; le goût se perfectionne, et il s’affermit alors, parce qu’il est fondé en principe. — Il faut que les disputes des gens de lettres ressemblent à ces conversations animées, où, après des avis différents et soutenus de part et d’autre avec toute la vivacité qui en fait le charme, on se sépare en s’embrassant, et souvent plus amis que si l’on avait été froidement d’accord.

1782. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Il raisonnait fort et se raillait bien haut de ce qu’il appelait des superstitions, et il croyait aux songes, aux revenants, et quelque peu à la magie : il associait la guerre, la controverse, l’érudition, le bel esprit, la satire railleuse et cynique, une langue toujours prompte et effrénée, et à la fois la crainte d’un Dieu terrible et toujours présent, et aussi par instants la consolation d’un Dieu très doux.

1783. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Ce sacrifice même leur est doux ; cette manière d’être, qui mène souvent à bien des renoncements et des dangers, leur est chère : c’est là leur idéal d’honneur et de bonheur, elles n’en veulent point d’autre.

1784. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Rempli de la poésie des anciens et particulièrement des Grecs, la goûtant dans ses hardiesses les plus harmonieuses et les plus naturelles Fénelon savait tout le faible de la poésie moderne et de la nôtre en particulier ; il l’a indiqué encore en d’autres endroits de cette lettre, et on n’a jamais dit à une Académie accoutumée à se célébrer elle-même, ainsi que sa propre langue, des vérités plus fortes d’une manière plus douce.

1785. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Le poète pense à un autre poète de ses amis, à un hôte lointain dont il vient d’apprendre à l’improviste la mort déjà ancienne, et qui avait fait lui-même des élégies mélodieuses : Quelqu’un, ô Héraclite, m’a dit ton trépas et m’a plongé dans les larmes, et je me suis ressouvenu combien de fois tous les deux nous avions, au milieu de nos doux entretiens, enseveli le soleil : mais toi, cher hôte d’Halicarnasse, dès longtemps, je ne sais où, tu n’es que cendre.

1786. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

L’ère de guerre et de rivalité à main armée, entre les deux communions, avait cessé ; on entrait dans un régime nouveau, qui aurait dû être un régime de police civile, de légalité, de raison ferme, d’action douce et de conquête par la seule parole.

1787. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Il y a eu, en des temps plus voisins de nous, une autre sœur de roi aussi, qui a voulu partager la destinée de son frère et mourir avec lui : cet autre roi était loin d’être un grand homme ou même un homme supérieur, ce n’était qu’un honnête homme ; cette sœur, c’était une personne douce, pure, simple, pieuse, ayant surtout les trésors du cœur.

1788. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Lui, il est heureux pour la première fois de sa vie, et il le sent ; occupé de ses malades tout le jour, il trouve, en rentrant au logis, la joie et la douce ivresse ; il est amoureux de sa femme.

1789. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Nous nous en allons vers notre vraie patrie, vers la maison de notre père : mais, à l’entrée, il y a un passage où deux ne sauraient marcher de front, et où l’on cesse un moment de se voir : c’est là tout. » A Mme de Senfft encore, au moment où il agitait de publier les Paroles d’un Croyant (19 février 1834) : « Vous allez entrer dans le printemps, plus hâtif qu’en France dans le pays que vous habitez (Florence) : j’espère qu’il aura sur votre santé une influence heureuse : abandonnez-vous à ce qu’a de si doux cette saison de renaissance ; faites-vous fleur avec les fleurs.

1790. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

» La poésie sérieusement l’occupe : « Elle est pour moi maintenant une occupation douce, qui ne me nourrit point d’idées chimériques, mais qui n’en charme pas moins tous mes instants. » Cette poésie, comme il l’entendait, était pourtant alors à ses yeux très distincte encore de ses chansons ; il rêvait un succès par quelque poëme d’un genre élevé et régulier, tel que le lui avait conseillé Lucien Bonaparte, son protecteur, tel que la littérature impériale classique le prescrivait à tout jeune auteur qui briguait la palme.

1791. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Quelqu’un qui s’amuse à compter sur ses doigts ces sortes de choses a remarqué que, s’il avait consenti à la douce violence qu’on lui voulait faire, il eût été le dix-septième ministre de Louis-Philippe dans l’Institut et le neuvième dans l’Académie française.

1792. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Le duc de Medina-Celi, qui avait le titre et la place de premier ministre, et en qui le public avait espéré d’abord, personnage considérable par sa naissance et par ses biens, sept fois Grand d’Espagne, « d’un génie doux et honnête, et naturellement éloigné des grands mouvements, » manquait totalement de vigueur et laissait le mal se faire et s’aggraver autour de lui.

1793. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

C’est dans une lettre datée de Berne et adressée à Mathieu de Montmorency, le doux et patient sermonneur, que Schlegel se découvre à nous par ce côté assez inattendu de sa nature.

1794. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Moland, c’est cette même arrière-pensée de miséricorde, terminant la sentence divine qui-a-inspiré plus tard à Milton de faire descendre, pour juger l’homme déchu, non le Père, mais le Fils, le futur Rédempteur en personne, le « doux juge et intercesseur à la fois », venant porter la sentence avec une colère tranquille « plus fraîche que la brise du soir » ; et même temps qu’il condamnait les coupables en vertu de la loi de justice, les revêtant incontinent, corps et âme, dans leur nudité, les aidant en ami, et faisant auprès d’eux, par avance, l’office du bon serviteur, de celui qui lavera un jour les pieds de ses disciples : admirable et bien aimable anticipation du rachat évangélique et des promesses du salut !

1795. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Il est juste que nous soyons aussi au premier rang dans les, combats, afin que chacun des nôtres dise, en nous voyant : S’ils font la meilleure chère et boivent le vin le plus doux, ils ont aussi l’énergie et la force quand ils combattent à notre tête. » — Et il ajoute, dans un sentiment bien conforme à l’héroïsme naïf de ces premiers temps, avant l’invention du point d’honneur chevaleresque : « Ô mon cher, si nous devions, en évitant le combat, vivre toujours jeunes et immortels, ni moi-même je ne combattrais au premier rang, ni je ne t’engagerais, toi aussi, à entrer dans la mêlée glorieuse ; mais maintenant, puisque mille chances de mort sont suspendues sur nos têtes, sans qu’il soit donné à un mortel ni de les fuir ni de les éviter, allons, soit que nous devions fournir à d’autres le triomphe, soit qu’ils nous le donnent ! 

1796. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

M. de Stein a fait faire des routes et planter plusieurs beaux arbres, ce qui donne à la campagne l’air d’un jardin anglais. » La jeune, et douce reine croyait que M. de Stein intriguait.

1797. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

La princesse, fort jeune, blonde avec de grands yeux bleus, vifs et doux en même temps, avait la physionomie très spirituelle, le caractère excellent, une très bonne éducation et des principes, des sentiments de piété comme il convenait dans une alliance avec le dauphin, personnage si religieux.

1798. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

L’effet général chez lui est trop poli, trop doux.

1799. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Sans doute, aux cœurs surtout tendres et discrets, les Méditations, et les premières, restaient les plus chères toujours : on en aimait le délicieux et imprévu mystère, l’élévation inaccoutumée et facile, la plainte si nouvelle et si douce, le roman à demi voilé auquel on avait foi, et que chaque imagination sensible ne manquait pas de clore.

1800. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Cette jouissance de réflexion, si douce et légèrement attristée, élève davantage peut-être, mais n’a plus rien qui encourage.

1801. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Ce sont les jouissances philosophiques, et non les idées douces d’une religion élevée, qu’ils proposent pour récompense des sacrifices.

1802. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

On pénètre dans le bas-fond du règne animal ; Réaumur publie ses admirables mémoires sur les insectes, et Lyonnet emploie vingt ans à figurer la chenille du saule ; Spallanzani ressuscite ses rotifères, Trembley découpe son polype d’eau douce, Needham fait apparaître ses infusoires.

1803. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

Elle se manifeste sur les lèvres par les mots d’épanouissement, de bonheur, de volupté noble ; en même temps, la vue intérieure a saisi quelque image correspondante, une fleur qui s’ouvre, un visage qui sourit, un corps penché qui s’abandonne, un accord riche et plein d’instruments doux, une caresse d’air parfumé dans une campagne ; voilà des comparaisons et métaphores expressives, c’est-à-dire des représentations sensibles, des souvenirs particuliers, des résurrections de sensations, toutes analogues à celles que je viens d’éprouver, du même ton et du même tour.

1804. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Ceux qui ne veulent être rigoureusement ni protestants ni catholiques, les libres esprits qui repoussent tous les jougs et se sentent à la gêne dans toutes les Églises, les doux amis de la tolérance, qui mettent l’essence du christianisme dans la charité, les fougueux partisans de la bonne vie instinctive et naturelle, qui ne veulent point resserrer leurs désirs ni leurs jouissances, tous ceux-là désormais seront malheureux, s’ils ne sont bien habiles.

1805. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Rousseau fait place à la nature pour elle-même : là il montre en face de l’homme, autour de l’homme, douce ou triste à ses sens ; il en fait le cadre et l’accompagnement des souffrances et des joies humaines, qui y ressortiront plus puissantes.

1806. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Cela montre seulement avec quelle douce inflexibilité cet homme savait pratiquer le respect de sa pensée.

1807. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Ce lit d’amour, la nuit, sur une barque, dans le golfe de Salonique ; puis cette vie de silence et de solitude, pendant une année, dans une vieille maison du plus vieux quartier de Constantinople, je ne sais pas de rêve plus doux, plus amollissant, ni en qui s’endorment mieux la conscience et la volonté.

1808. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Le doux aignel innocent et sans amertume s’en alloit à occision, combien qu’il fust celui qui est Dieu benoist en trinité.

1809. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Ces conseils, donnés comme en passant, avec une gravité majestueuse et douce, ont une force singulière.

1810. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Ils sont doux ; ils donnent leurs billes, Ils ne seront pas commerçants.

1811. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

A mesure qu’un pays est découpé en champs bien cultivés, sillonné dans tous les sens par des routes, l’humeur des habitants devient plus douce, plus égale ; leur esprit, lui aussi, s’ouvre, s’aère, s’assainit.

1812. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Apprends-moi, si je dois ou me taire, ou parler… Aujourd’hui vieux lion, je suis doux et traitable126… Mes défauts désormais sont mes seuls ennemis.

1813. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Une sourde menace gronde, par moments, à travers tant de douces paroles ; un éclair luit sous ses yeux humides, où brillent les belles larmes des réconciliations amoureuses : mais il passe et s’éteint, bientôt, dans une effusion de tendresse.

1814. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Le marquis de La Fare, né en 1644, c’est-à-dire plus jeune que Chaulieu de cinq ans, était entré de bonne heure au service ; il y avait débuté avec toutes sortes d’avantages : Ma figure, qui n’était pas déplaisante, dit-il, quoique je ne fusse pas du premier ordre des gens bien faits, mes manières, mon humeur, et mon esprit qui était doux, faisaient un tout qui plaisait assez au monde, et peu de gens, en y entrant, ont été mieux reçus… Voilà comment les honnêtes gens autrefois s’exprimaient en parlant d’eux-mêmes, sans se trop glorifier et sans se déprécier non plus, ce qui est une autre forme de vanité.

1815. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

La masse commence à oublier qu’il y ait jamais eu un roi, et, une fois la paix faite au-dehors et un régime doux au-dedans, le peuple n’aura plus d’intérêt à désirer un autre ordre de choses.

1816. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Telle elle parut en toute circonstance solennelle, et notamment ce jour où, aux Tuileries, la reine mère festoya les seigneurs polonais qui venaient offrir la couronne au duc d’Anjou, et où Ronsard présent confessa que la belle déesse Aurore elle-même était vaincue ; et mieux encore ce jour de Pâques fleuries à Blois, où on la vit à la procession, toute coiffée et comme étoilée de diamants et de pierreries, vêtue d’une robe de drap d’or frisé venue de Constantinople, qui eût par son poids écrasé toute autre, mais que sa belle, riche et forte taille soutenait si bien ; tenant et portant à la main sa palme, son rameau bénit, « d’une royale majesté, d’une grâce moitié altière et moitié douce ».

1817. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Il avait, certes, ses distractions, ses ravissements intérieurs, son doux enthousiasme qui l’enlevait souvent loin des humains ; le jour où il faisait parler dame Belette et où il suivait Jeannot Lapin dans la rosée, ils lui semblaient plus intéressants tous deux à écouter qu’un cercle de beau monde ou même de brillants esprits.

1818. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Si les classes les plus élevées perdent quelque chose de leur élégance, les plus basses perdent de leur grossièreté ; un esprit de cordialité et de familiarité, plus vulgaire, mais plus humain, remplace la politesse des anciens temps ; les mœurs deviennent plus douces et plus fraternelles.

1819. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Il est de ce beau temps des lettres françaises par la mesure, les images modérées et justes, par l’éclat doux et égal, par les beautés antiques pensées et senties de nouveau, par le style, où il a la noblesse du grand siècle sans en avoir l’étiquette.

1820. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Les plantes d’eau douce et d’eau salée ont généralement une grande extension géographique et sont très répandues en chacune des contrées qu’elles habitent ; mais cela semble résulter de la nature des stations qu’elles occupent et n’a que peu ou point de rapport à la grandeur des genres auxquels ces espèces appartiennent.

1821. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Nul oreiller n’est plus doux, plus semblable au paisible lit qu’on vient de quitter, meilleur pour retenir ceux qui n’aiment pas à courir les aventures de l’esprit.

1822. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

« Vous parlerai-je du plaisir sans cesse renaissant que me donnait une confiance entière en elle, jamais exigée, reçue au bout de trois mois comme le premier jour, justifiée par une discrétion à toute épreuve, par une intelligence admirable de tous les sentiments, les besoins, les vœux de mon cœur ; et tout cela mêlé à un sentiment si tendre, à une opinion si exaltée, à un culte, si j’ose dire, si doux et si flatteur, surtout de la personne la plus parfaitement naturelle et sincère qui ait jamais existé ? […] Je n’ai rien… » Il avait l’accent méridional de Fréjus, mais point l’accent rude et rauque comme Raynouard ; il avait l’esprit doux. […] Chez celui-ci, en effet, l’humilité chrétienne, au-dessus de laquelle, comme beauté morale, il n’y a rien, a pourtant pris la forme d’une âme plus tendre et douce que vigoureuse, et, plus qu’il n’était nécessaire à l’angélique attitude de la victime, ce que j’appelle le généreux humain y a péri.

1823. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

S’il est triste de montrer la folie humaine, il est plus triste de montrer la perversité humaine : le cœur nous est plus intime que la raison ; l’on souffre moins de voir l’extravagance ou la sottise que la méchanceté ou la bassesse, et je trouve Swift plus doux dans le Conte du Tonneau que dans Gulliver. […] Et Swift ajoute entre autres louanges : « Lorsqu’il a envie de mettre à mort quelqu’un de ses nobles d’une façon douce et indulgente, il fait répandre sur le parquet une certaine poudre brune empoisonnée, qui, étant léchée, tue l’homme infailliblement en vingt-quatre heures. […] Je trouve que ses cris et ses angoisses sont doux auprès de cette tranquille dissertation.

1824. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Henri Heine, dans son livre charmant des Reisebilder, jette en passant cette jolie esquisse : « Il était encore de très bonne heure quand je quittai Gœttingue, et le savant Eichhorn était certainement encore étendu dans son lit, où il faisait peut-être son rêve ordinaire : qu’il se promenait dans un beau jardin, sur les plates-bandes duquel il ne poussait que de petits papiers blancs chargés de citations, qui brillaient d’un doux éclat au soleil, et dont il cueillait plusieurs çà et là, qu’il transportait laborieusement dans une planche nouvelle, pendant que les rossignols réjouissaient son vieux cœur de leurs accents les plus doux. » Ce jardin vous l’avez reconnu : c’est celui de la philologie. — La philologie aura donc son jour, le samedi, auquel je n’ose convier que les humanistes, ceux qui aiment à étudier les textes de près, et à se promener dans ce beau jardin tout à loisir. […] Paraissez, Navarrois, Maures et Castillans, Et tout ce que l’Espagne a nourri de vaillants ; Unissez-vous ensemble, et faites une armée A combattre une main de la sorte animée : Joignez tous vos efforts contre un espoir si doux ; Pour en venir à bout c’est trop peu que de vous ! […] Et voilà ce qui fit le grand succès du Cid : ce fut tout cet amour et tout cet héroïsme, tant de passion et tant d’idéal, tant de tendresse et de vertu, tant de grandeur et tant de grâce ; et ces teintes familières et douces, mêlées aux grands coups pathétiques ; voilà ce qui ravit la France : l’enthousiasme passa de la ville à la Cour, de Paris aux provinces et à toute l’Europe. […] Il y revient à plusieurs reprises dans sa pièce, et s’évertue à ce sujet en périphrases poétiques assez bizarres ; par exemple, au commencement du second acte, Flavie, « dame d’honneur d’Honorie » (ce rôle était joué par Mademoiselle Molière, — Armande Béjard, femme de Molière) — dit à la princesse qu’Attila a tué son frère aîné Vléda, et ajoute : Le sang qu’après avoir mis ce prince au tombeau On lui voit chaque jour distiller du cerveau Punit son parricide50, et, chaque jour, vient faire Un tribut étonnant à celui de ce frère : Suivant même qu’il a plus ou moins de courroux, Ce sang forme un supplice ou plus rude ou plus doux, S’ouvre une plus féconde ou plus stérile veine ; Et chaque emportement porte avec lui sa peine.

1825. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

« Circé, est-il dit d’Ulysse dans Homère, retient ce héros malheureux et gémissant, et sans cesse par de douces et trompeuses paroles elle le flatte, pour lui faire oublier Ithaque : mais Ulysse, dont l’unique désir est au moins de voir la fumée s’élever de sa terre natale, voudrait mourir. » — Citant ce passage de Joinville, qui m’a rappelé celui d’Homère, Chateaubriand, au début de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, où il a la prétention d’aller en pèlerin aussi et presque comme le dernier des croisés, tandis qu’il n’y va que comme le premier des touristes, a dit : « En quittant de nouveau ma patrie, le 13 juillet 1806, je ne craignis point de tourner la tête, comme le sénéchal de Champagne : presque étranger dans mon pays, je n’abandonnais après moi ni château, ni chaumière. » Ici l’illustre auteur avec son raisonnement me touche moins qu’il ne voudrait : il est bien vrai que, de posséder ou château ou simple maison et chaumière, cela dispose, au départ, à pleurer : mais, même en ne possédant rien sur la terre natale, il est des lieux dont la vue touche et pénètre au moment où l’on s’en sépare et dans le regard d’adieu.

1826. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

M. de Forcalquier a tracé de Duclos en 1742, c’est-à-dire quand celui-ci était déjà un homme de lettres en pied et un académicien des Inscriptions, un portrait qui conserve encore et laisse voir quelques airs de jeunesse : « L’esprit étendu, l’imagination bouillante, le caractère doux et simple (ceci est pour le moins douteux), les mœurs d’un philosophe, les manières d’un étourdi.

1827. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Aujourd’hui, ces heureuses et vives qualités de l’orateur, parmi lesquelles il faut compter l’une des premières, « une voix pleine, résonnante, douce et harmonieuse », ont disparu, et l’écrivain seul nous reste, écrivain juste, clair, exact, probe comme sa pensée, mais qui n’a rien de surprenant.

1828. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

C’était un homme d’un caractère doux et de si peu d’emportement contre les protestants, qu’il croyait que les gens de bien parmi eux pouvaient être sauvés : je n’ai jamais rencontré ce degré de charité chrétienne chez aucun autre théologien catholique.

1829. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Il succédait à Colardeau, et l’éloge du doux et intéressant poète parut aussitôt la satire indirecte, mais sensible, de l’irritable et belliqueux récipiendaire.

1830. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

La reine, à cette occasion, me dit : « Il est doux d’avoir des amis ; mais, dans ma position, il est difficile que les amis de nos amis nous conviennent autant. » — Besenval ne fut point disgracié pour cela, et il ne laissa pas d’être toujours des Trianon.

1831. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Champfleury m’a remis heureusement en mémoire le charmant Essai de Charles Lamb, la Vieille porcelaine de Chine, où la légère manie qui y est retracée s’accompagne et se relève de tant de remarques fines, de tant d’observations délicates sur le cœur humain et sur la vie : le tableau entier respire une ironie indulgente et douce.

1832. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Ô Amour-propre, je t’ai vu à l’œuvre dans ton plus beau zèle, dans ta flamme et avec ta rougeur de chérubin, et je te reconnais, même quand tu es assis dans la Compagnie au bout de la table, à la place la plus humble et où tu te fais le plus petit, à celle d’où il est le plus commode, le plus doux pour toi d’assister à ton jeu et à ton triomphe !

1833. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

comment évaluer l’ombrage, la fraîcheur matinale, les longues heures amusées, tant de petits bonheurs tout le long du jour, et le vœu final exaucé, la douce manie satisfaite, si vous voulez l’appeler de la sorte, la chimère, enfin ?

1834. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Il existe dans ces caractères, avec des nuances diverses, une base d’orgueil infernal qui se complique de recherche sensuelle, une férocité d’amour-propre, de vanité, et une sécheresse de cœur jointes au raffinement des désirs, et c’est ainsi qu’ils en viennent vite à introduire la méchanceté, la cruauté même et une scélératesse criminelle, jusque dans le plus doux des penchants, dans la plus tendre des faiblesses.

1835. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Dis-moi, connais-tu des moments plus doux que ceux passés dans l’innocence et le charme d’une affection que la nature avoue et que règle la délicatesse, qui fait hommage au devoir des privations qu’il lui impose, et se nourrit de la force même de les supporter ?

1836. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Elle caressait et réalisait le mieux qu’elle pouvait le doux roman d’une royauté simple et pastorale, élégante et familière.

1837. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Grote, un premier Homère de l’Achilléide, un autre Homère d’une Iliade première et restreinte : puis est venu un Homère plus grand et plus ample, le véritable, les embrassant tous deux et les enserrant de son onde puissante comme le fleuve Océan ; puis il y a eu un autre Homère plus doux, plus apaisé, plus lent, plus pareil au soleil couchant dont parle Longin, l’Homère de l’Odyssée.

1838. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Jeunes, la poésie nous ravit ; les Étoiles de Lamartine, ces fleurs du ciel dont le lis est jaloux , suffisent à peine à symboliser nos imaginations, nos visions d’amour et de tendresse : à l’âge où le sang se refroidit dans les veines, il est doux, d’une douceur sévère, de connaître par leurs noms, d’épeler quelques-uns des astres qui roulent sur nos têtes, de distinguer ceux qui errent véritablement de ceux qui sont fixes par rapport à nous, de s’orienter, de se démêler à travers les cercles brillants ou les traînées lumineuses, de soupçonner dans ces abîmes d’en haut, dans ces profondeurs étincelantes où nous sommes plongés, tout ce qui peut se produire à l’infini d’étranger à nous, de différent de nous ; de ramener nos passions, nos désirs, nos gloires à ce qu’elles sont, de se dire le peu qu’on est, mais de sentir aussi que ce peu a réfléchi un moment, la puissance créatrice universelle, éternelle, — l’infini presque ou du moins l’incommensurable et l’immense24.

1839. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Doux quand il lui plaît, gracieux, affable, jamais importuné quand même il l’est le plus ; gaillard, amusant ; plaisant de la bonne et fine plaisanterie, mais d’une plaisanterie qui ne peut offenser ; fécond en saillies charmantes ; bon convive, musicien ; prompt à revêtir comme siens tous les goûts des autres, sans jamais la moindre humeur ; avec le talent de dire tout ce qu’il veut, comme il veut, et de parler toute une journée sans toutefois qu’il s’en puisse recueillir quoi que ce soit, et cela même au milieu du salon de Marly, et dans les moments de sa vie les plus inquiets, les plus chagrins, les plus embarrassants.

1840. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

C’était un homme doux, gai, salé, sans vouloir l’être, et qui répandait naturellement les grâces dans la conversation ; très-sûr et extrêmement aimable… » Quand on a le bonheur d’avoir quelques lignes tout à fait particulières de la main d’un tel homme, et qui nous rendent le fond de son jugement, comment se plaire à le déprimer ?

1841. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il paraît que, dès la fin de 1813, il avait insinué quelques-unes de ses idées jusque dans le gouvernement même ; Napoléon écrivait de Nogent-sur-Seine, le 7 février 1814, au roi Joseph, son lieutenant général à Paris, et qui lui-même était d’humeur pacifique et douce : « Faites donc cesser ces prières de quarante heures et ces miserere.

1842. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

La Remontrance du poëte captif au conseiller du parlement M. de Vertamont, qui était son juge, appelle l’intérêt par la situation et par quelques tons de fraîcheur ; il décrit à ce magistrat le retour du printemps deviné à travers ses barreaux, et il demande la clef des champs, que la nature en cette saison accorde à toute créature ; aujourd’hui, dit-il : Que l’oiseau, de qui les glaçons Avoient enfermé les chansons Dans la poitrine refroidie, Trouve la clef de son gosier Et promène sa mélodie Sur le myrte et sur le rosier… Cela fait ressouvenir de ces autres vers d’un poëte prisonnier : Soleil si doux au déclin de l’automne, Arbres jaunis, je viens vous voir encor !

1843. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Cette province est un bel exemple pour les autres, et surtout de respecter les gouverneurs et les gouvernantes, de ne leur point dire d’injures et de ne point jeter de pierres dans leur jardin ; » et enfin : « Vous me parlez bien plaisamment de nos misères : nous ne sommes plus si roués ; un en huit jours seulement pour entretenir la justice : la penderie me paroît maintenant un rafraîchissement. » Le duc de Chaulnes, qui a provoqué toutes ces vengeances, parce qu’on a jeté des pierres dans son jardin et qu’on lui a dit mille injures dont la plus douce et la plus familière était gros cochon, ne baisse pas pour cela d’un cran dans l’amitié de Mme de Sévigné ; il reste toujours pour elle et pour Mme de Grignan notre bon duc à tour de bras ; bien plus, lorsqu’il est nommé ambassadeur à Home et qu’il part du pays, il laisse toute la Bretagne en tristesse.

1844. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Au reste, il contient des parties touchantes, et la douce soumission de Griselidis s’exprime par des traits quelquefois bien délicats : ainsi, quand la pauvre femme demande à son mari de traiter mieux sa nouvelle épouse qu’il ne l’a traitée elle-même : elle est, dit-elle, « plus délicieusement nourrie », plus jeune, plus tendre que moi, et ne pourrait souffrir « comme j’ai souffert ».

1845. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Un plaidoyer pour le commerce contre la morgue nobiliaire, un plaidoyer contre le duel se dérobent adroitement sous une action vraisemblable et intéressante : c’est une situation touchante que celle de ce père qui, maudissant le préjugé de l’honneur, envoie son fils unique se battre ; et c’est un joli tableau de mœurs du xviiie  siècle que cet intérieur d’un grand négociant, où éclatent les solides vertus et les douces affections de la famille bourgeoise.

1846. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Michelet assiste, avec une pitié immense, à la naissance du sentiment de la patrie dans l’âme obscure des masses populaires, pendant l’horrible guerre de Cent Ans ; il voit éclore ce sentiment dans la dévotion chrétienne et monarchique, il le voit s’incarner dans la douce voyante qui sauve la France, dans Jeanne d’Arc ; et jamais la pieuse fille n’a été mieux comprise que par ce féroce anticlérical.

1847. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Ni cri, ni révolte, ni tension même : une tristesse douce et discrète, toute en demi-teintes, un vif sentiment de l’humaine misère, une déploration sans violence des êtres et des formes qui passent.

1848. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

* * * Beaucoup d’hommes ressemblent au verre, si uni, si poli et si doux au toucher tant qu’on ne le froisse ni ne le brise, mais qui devient alors singulièrement tranchant, et dont tous les éclats blessent.

1849. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il a peint à ravir la paix, l’espèce de rajeunissement qu’on éprouve dans les premiers jours, lorsqu’au sortir du monde on entre au séminaire, et qu’on y retrouve son enfance de cœur, la docilité de ses jeunes années, la règle austère, toutes choses simples dont on a désormais la conscience réfléchie et le doux mérite.

1850. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Il est très doux ; il ne mord personne ; il n’était méchant qu’auprès de sa maîtresse. » Or, dans une lettre de Walpole, datée du 4 mai 1781, je lis ces mots : « Le petit chien de ma pauvre chère Mme Du Deffand est arrivé.

1851. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

La gaieté, chez M. de Chateaubriand, n’a rien de naturel et de doux ; c’est une sorte d’humeur ou de fantaisie qui se joue sur un fond triste, et le rire crie souvent.

1852. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

En lisant ces lettres de Mme de Staal à Mme Du Deffand, on ne peut s’empêcher pourtant de remarquer, au milieu de cette société la plus civilisée et la plus douce en apparence, de quelle nature triste est cette gaieté dénigrante de deux femmes qui s’ennuient, quel vide intellectuel et moral suppose une telle médisance plus désœuvrée encore que méchante, quelle sécheresse amère et stérile !

1853. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Les images chez lui sont rares et sobres ; on a souvent cité ces mots charmants : Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire.

1854. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

     Dès que j’ai vu l’espérance me fuir,      J’ai suspendu ma course volontaire, J’ai dans un sort nouveau pris un nouveau plaisir, Et mon repos forcé devient un doux loisir.

1855. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Voici en ce sens quelques vers qui ne me semblent nullement méprisables : À former les esprits comme à former les corps, La Nature en tous temps fait les mêmes efforts ; Son Être est immuable, et cette force aisée Dont elle produit tout ne s’est point épuisée : Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons N’eut le front couronné de plus brillants rayons ; Jamais dans le printemps les roses empourprées, D’un plus vif incarnat ne furent colorées : Non moins blanc qu’autrefois brille dans nos jardins L’éblouissant émail des lis et des jasmins, Et dans le siècle d’or la tendre Philomèle, Qui charmait nos aïeux de sa chanson nouvelle, N’avait rien de plus doux que celle dont la voix Réveille les échos qui dorment dans nos bois : De cette même main les forces infinies Produisent en tout temps de semblables génies.

1856. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Elle se contenta donc d’égayer tout ce monde, de le consoler, d’inspirer la fermeté et une sorte de joie autour d’elle, de ne pas trop voir les choses en noir de son œil malade, d’obéir plutôt à sa douce humeur et à une certaine inclination d’espérer qui lui venait de la nature : Il arrive souvent, madame, écrit-elle à Mme de Maintenon, que lorsqu’on croit tout perdu, il survient des choses heureuses qui changent absolument la face des affaires. — Je pense, dit-elle encore, que la fortune peut nous redevenir favorable ; qu’il est de ses faveurs comme du trop de santé, c’est-à-dire qu’on n’est jamais si près d’être malade que lorsqu’on se porte trop bien, ni si proche d’être malheureux que quand on est comblé de bonheur.

1857. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Et cependant, en quittant ces deux personnages de haute représentation, Mme des Ursins et Mme de Maintenon, ces deux sujets habiles et du premier ordre, me sera-t-il permis de rappeler au fond, en arrière et au-dessous d’elles, d’une époque un peu plus ancienne, une simple spectatrice de cette belle comédie de la Cour, une personne qui n’a eu en rien le génie de l’intrigue et de l’action, mais d’un bon sens égal, doux et fin, d’un jugement calme et sûr, la sage, la sincère et l’honnête femme véritablement en ce lieu-là, Mme de Motteville ?

1858. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Je me laissai donc aller à l’amour des grandeurs ; le penser m’en parut doux, j’y rêvais seul quelquefois, et faisais avec mes femmes mille châteaux en Espagne, qui commençaient, sans que je fusse en état de m’en apercevoir, l’esclavage de mon cœur et de mon esprit.

1859. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Dans cette même lettre à sa mère, il y a, sur la fin, un mot de sensibilité ; il regrette la vie tranquille et douce qu’il menait sous le toit domestique : Babil de femmes, folies de jeunesse, s’écrie-t-il, qu’êtes-vous en comparaison ?

1860. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Despréaux et Racine y allèrent aussi vers le soir, et, entrant de chambre en chambre, enfoncés ou dans leur curiosité ou dans leur douce conversation, ils ne prirent pas garde qu’on fermait les premières chambres ; de sorte que, quand ils voulurent sortir, ils ne le purent.

1861. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Toute peine est la tension forte d’une représentation plus contrariée que favorisée ; tout plaisir est la tension douce d’une représentation plus favorisée que contrariée.

1862. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

La douleur de la haine est amère ; la joie d’aimer est douce ; la tristesse est sombre ; le souci est noir ; le regret est cuisant.

1863. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Tourguéneff, est à son ordinaire, parleur et expansif, et on laisse parler le géant, à la douce voix, aux récits attendris de petites touches émues et délicates.

1864. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

* * * — Dans cette vie de succulence, qui est, en cette maison, le dernier mot de la cuisine provinciale, et peut-être son chant du cygne, il me vient un doux hébétement, qui me rend incapable d’écrire une ligne.

1865. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Encore une fois, consolez-vous ; il est plus doux d’estimer infiniment son ami, que d’en être infiniment estimé.

1866. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Quel souffle de poésie douce et triste agite les pages de son œuvre, à cette heure terrible où les illusions sont brutalement biffées, — comme des fautes d’orthographe, par le coup de plume de la Réalité !

1867. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

D’abord, le front large présente une apparence de convexité où le cerveau évolue à son aise ; les yeux ont une sorte d’attirance magnétique ; ombragés sous des sourcils épais, à demi cachés sous des paupières presque immobiles, ils donnent l’impression d’un être mystérieux à la fois cruel et doux ; la dilatation des paupières, le teint vermeil des lèvres dénotent de formidables appétits sensuels.

1868. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Selon la méthode de Taine, qui indigne du Méril, mais qui l’indigne si doux, le talent lui-même n’est plus qu’un champignon d’une espèce particulière, qui pousse tout à coup quand l’humus se trouve contenir du phosphore, qu’aucun nuage ne neutralise l’action du soleil et que l’air ambiant est suffisamment saturé d’oxygène.

1869. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Il y en a un sur Goldsmith, sur Atterbury, sur Bunyan, sur Addison, vu jusqu’au fond de son dernier sourire comme à travers un cristal, — cet Addison, un Voltaire doux et pur, absolument comme Fénelon était un serpent sans venin, — et enfin sur Johnson, ce Samson anglais par la force de l’esprit comme par la force du corps, un grand critique anglais, mais, hélas !

1870. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Mais le tendre dit que l’honnête et suave Marc-Aurèle, l’humble et doux Spinosa, ont été exempts de quelques erreurs que Jésus partagea !  

1871. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Marie, sa Marie, sa douce dédaigneuse, il ne l’a peut-être autant aimée que parce qu’elle lui réfléchissait et lui symbolisait la Bretagne ; parce qu’il pouvait les appeler toutes deux dans celui de ses vers qui a le plus de cette inexprimable chose qu’on nomme le charme, faute d’y rien comprendre : Cette grappe du Scorff, cette fleur de blé noir !

1872. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Je regrette les ailes blanches que le vent soulevait, les châteaux ajourés des Normandes, casques de la douce guerre, les capuchons rouges des Béarnaises, les mouchoirs multicolores noués sur la nuque des Provençales, les coquilles enroulées, les bandeaux transparents qui laissaient deviner la blancheur de leur front, et ces fleurs merveilleuses, marguerites, cyclamens, digitales, pensées, qu’avaient imitées nos grand-mères inconnues quand elles inventaient la coiffe de leur bourg natal, poème féminin, l’un des plus exquis et des plus profonds qui soient sortis du génie anonyme de la foule.

1873. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Que ce vent est doux !

1874. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Ce n’est pas que Dieu ne soit doux : Mais pensez-vous qu’il vous accorde Ce qu’on ne peut avoir de vous ? […] Et il n’accorde aucun esprit à ἠέ, qui en prend un doux. […] la mort est douce à qui n’est plus aimée. […] Après le premier choc de surprise enthousiaste, on y trouve un plaisir perpétuel et incessamment renouvelé, mais doux et placide, comme avec une amie en qui on a pleine confiance, le Repos de Saint-Marc ! […] Doux, dévoués, fidèles, en tous points délicieux pourvu qu’on les traite gentiment.

1875. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Avec cet optimisme persistant qui est mon cher soutien et me nourrit des erreurs les plus douces à chacune de mes publications nouvelles, je m’étais naïvement figuré que cette fois au moins mon livre ferait son chemin sans moi, par la seule vertu d’une collection rédigée par les meilleures plumes de France, lancée par la première librairie du monde. […] On méconnut ce qu’il y avait d’idéalisme élevé dans sa théorie de l’art, de délicatesse dans les règles qu’il donne pour évaluer le beau, en mesurant le « degré de bienfaisance » de l’œuvre ; on ne retint que deux ou trois formules sommaires : « l’œuvre d’art est un résultat de la race, du milieu et du moment » ; — « l’homme fait son œuvre, comme l’abeille son miel » ; — « le vice et la vertu sont des produits comme le vitriol et le sucre », et l’on fit, de ce penseur sérieux, probe et doux, un prédicateur intransigeant du matérialisme et du fatalisme. […] que cette volée dut lui être douce ! […] Enchanté du dénouement optimiste qui substitue, dans le drame de Blanchette, une moralité douce à la vérité amère et brutale, le goût bourgeois est assez puissant, même chez vous, critiques, qui lui faites la guerre, pour vous interdire désormais de regretter sérieusement l’ancienne catastrophe. […] Et qu’elle s’évanouît hardiment avec ma connaissance quand ce doux son ne touchera plus mes oreilles… Quel que je sois, je le veux être ailleurs qu’en papier111 ».

1876. (1923) Au service de la déesse

Les doux autres personnages que M. le baron Mare de Villiers identifie nous intéressent davantage : c’est le chevalier des Grieux et Manon. […] Il le faut être pour renoncer à ce qu’il y a de doux en la vie ; mais il le faut être en lieu où le temps et la peine sont bien employés. […] Rien ; mais il se contente de lisser les doux cheveux du petit Paul. […] Ils nous donnaient à aimer de bons sauvages doux et obligeants, que la civilisation n’avait pas contaminés et qui gardaient les ravissantes vertus de l’âge d’or. […] Les liniers leur réservaient les plus longues et douces tiges et les plus blondes.

1877. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Observons-le mieux : sa physionomie véritable n’est pas douce, mais crispée. […] Ils étaient doux, inertes, moroses. […] La lutte douce et acharnée poursuivie par Delphine et Corinne avec leurs nerveux amants, c’est la lutte de l’instinct contre l’éducation. […] Un fils ne peut s’empêcher d’apercevoir, de ressentir, dirai-je même, que sa mère est belle : mais que ce sentiment se fonde dans celui d’une douce influence générale et ne constitue pas un élément séparé ! […] Il se roidissait contre les douces paroles du vieillard. « Vous m’aviez promis de devenir honnête homme.

1878. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Le famélique Dassoucy conte gaiement dans ses Aventures comment il vécut, bien nourri, gros et gras, avec les Béjart et Molière : Qu’en cette douce compagnie Que je repaissais d’harmonie Au milieu de sept ou huit plats, Exempt de soin et d’embarras, Je passais doucement la vie ! […] À tout cela Pourceaugnac oppose une douce résignation. […] C’est une grâce singulière Qui brille en ce jeu doux et fin, C’est un esprit… c’est vous enfin. […] Bref, pour résumer cette physionomie morale de Molière, je doute qu’on rencontre un être meilleur, plus grave, plus ferme et plus doux à la fois. […] comme il a su quitter lestement son allure rampante et douce !

1879. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

« La nature m’avait faite pour être une bonne épouse, une pauvre innocente colombe domestique ; tendre sans art, douce sans tromperie727. » Non, certes, ou du moins cette tourterelle n’eût point dompté ni gardé Antoine ; une bohémienne seule le pouvait par la supériorité de l’audace et la flamme du génie. […] Il vient, il vient, Bacchus toujours beau, toujours jeune ; Bacchus a le premier établi les joies du vin ; les dons de Bacchus sont un trésor ; le vin est le plaisir du soldat ; riche est le trésor, doux est le plaisir ; doux est le plaisir après la peine795. » — Et sous les sons vibrants, le roi se trouble ; ses joues s’enflamment, ses combats lui reviennent en mémoire ; il défie les hommes et les dieux.

1880. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

L’opinion publique de l’Angleterre, telle qu’elle se produit depuis trente ans n’est nullement germanique ; on y sent l’esprit celtique, plus doux, plus sympathique, plus humain. […] En Prusse, une noblesse privilégiée, des paysans soumis à un régime quasi-féodal, un esprit militaire et national poussé jusqu’à la rudesse, une vie dure, une certaine pauvreté générale, avec un peu de jalousie contre les peuples qui mènent une vie plus douce, maintenaient les conditions qui ont été jusqu’ici la force des nations. […] La France, croyez-le, restera un pays de gens aimables, doux, honnêtes, droits, gais, superficiels, pleins de bon cœur, de faible intelligence politique ; elle conservera son administration médiocre, ses comités entêtés, ses corps routiniers, persuadée qu’ils sont les premiers du monde ; elle s’enfoncera de plus en plus dans cette voie de matérialisme, de républicanisme vulgaire vers laquelle tout le monde moderne, excepté la Prusse et la Russie, paraît se tourner.

1881. (1885) L’Art romantique

Chacun peut décider la chose à son gré, suivant que son tempérament le pousse à préférer l’abondance prolifique, rayonnante, joviale presque, de Rubens, la douce majesté et l’ordre eurythmique de Raphaël, la couleur paradisiaque et comme d’après-midi de Véronèse, la sévérité austère et tendue de David, ou la faconde dramatique et quasi littéraire de Lebrun. […] L’homme naturel et l’homme surnaturel luttent chacun selon sa nature, Jacob incliné en avant comme un bélier et bandant toute sa musculature, l’ange se prêtant complaisamment au combat, calme, doux, comme un être qui peut vaincre sans effort des muscles et ne permettant pas à la colère d’altérer la forme divine de ses membres. […] » Mais sans abuser de sa prérogative, celui-ci pourrait simplement répliquer (moi qui connais son cœur si doux et si compatissant, je sais qu’il en a le droit) : « Vous me croyez froid, et vous ne voyez pas que je m’impose un calme artificiel que veulent sans cesse troubler votre laideur et votre barbarie, ô hommes de prose et de crime ! […] La joie clapoteuse de la foule alterne avec l’épithalame, doux, tendre et solennel ; la tourmente de l’allégresse publique contraste à plusieurs reprises avec l’hymne discret et attendri qui célèbre l’union d’Elsa et de Lohengrin. […] — Mon cher, répond-il d’une voix douce, je viens de découvrir de nouveaux renseignements très curieux sur le mariage d’Isis et d’Osiris. — Que le diable vous emporte Qu’Isis et Osiris fassent beaucoup d’enfants et qu’ils nous f… la paix !

1882. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

L’âme dans cette contemplation ressent une joie douce et tranquille, une sorte d’épanouissement. […] La douce lumière du jour et une voix mélodieuse produisent-elles sur vous le même effet que les ténèbres et le silence ? […] Dieu est à la fois doux et terrible. […] Et quel travail plus stérile que de calquer des œuvres essentiellement inimitables par la vie dont elles sont douces, pour en tirer un simulacre médiocre ? […] que ces visages sont graves et doux !

1883. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Je ne sais quelles idées douces, consolantes, mais infinies, immenses, s’emparent de l’âme à cet aspect, et la remplissent d’amour pour cette nature et de confiance en ses œuvres. […] Mais cette douce émotion passe comme un beau rêve, comme un bel air de musique, comme un bel effet de lumière, comme tout ce qui est bien, comme tout ce qui, nous touchant vivement, ne doit par cela même durer qu’un instant. » Certes de telles pages, négligemment jetées et venues comme d’elles-mêmes dans une brochure plutôt politique, attestent mieux que tout ce qu’on pourrait dire un coin de nature d’artiste bien mobile et bien franche (genuine), ouverte à toutes les impressions, et digne, à certains moments, de tout comprendre et de tout sentir.

1884. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Sa voix était grave, douce, timbrée comme l’émotion voilée d’une confidence. […] Où était la férocité de caractère d’un homme doux, et à qui on a pu reprocher des vices, des intrigues, mais du sang, jamais ?

1885. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Je commençai à manger d’assez bon appétit, car l’espérance fit cesser toutes mes craintes ; et je restai dans cet état jusqu’à une heure de la nuit, que le barrigel revint avec ses gens, et, avec des paroles plus douces, me fit reporter avec beaucoup de ménagement, à cause de ma jambe, au lieu où ils m’avaient pris. […] Un sommeil plus doux s’emparait de moi, et peu à peu je sentis ma santé se rétablir, l’ayant accoutumée à ce purgatoire.

1886. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

« Sur-le-champ j’eus recours à mes prières ordinaires, et je remerciai Dieu de mourir d’une mort si douce et bien différente de celle dont j’avais été tant de fois menacé. […] « Cependant je crus que le maître de la poste me rendrait ma selle à force de douces paroles, et je ne craignais rien avec mon excellente arquebuse et ma cotte de mailles, monté sur mon bon cheval, que je savais assez bien manier.

1887. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

L’air était doux et agréable comme en été ; un souffle à peine sensible venait du sud-ouest. […] La soirée était calme et douce, l’air un peu lourd, et l’on voyait de grands nuages se réunir en masses orageuses.

1888. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Rien ne relevait sa situation parmi ses condisciples, et les succès classiques qui l’eussent rendue meilleure et plus douce, lui firent complètement défaut. […] Les choses défendues ne semblent-elles pas plus douces ; la soie prohibée fait les délices des femmes, et le vin de contrebande celles des hommes.

1889. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Ta lyre qui ravit par de si doux accords… etc. […] Les cinq meilleurs graveurs en taille douce que nous aïons vûs, étoient françois par leur naissance ou par leur éducation.

1890. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Depuis qu’il existe des peintres, n’est-ce pas toujours sur une palette noire que se broie le rose le plus doux ? […] Et enfin, répandant sur tout le drame les reflets de sa pénétrante sagesse et de sa plus touchante pitié, et y éteignant toute cette vie qui y pétille et brûle pour la rendre plus douce à la Mort, — à la Mort qui va venir tout à l’heure, — il y a un des personnages les plus délicieusement nuancés de tout le théâtre de Shakespeare, le frère Laurence, l’aimable prêtre, la bonté de Dieu dans un homme, ce rôle savamment composé que s’était réservé Shakespeare, quand il jouait, ce délicat Shakespeare, ce grand acteur exquis, à la voix de médium veloutée et à la physionomie « purement humaine », comme l’a très bien remarqué Tieck ; — car rien d’animal ou d’inférieur ne pourrait tacher, même une minute, en y passant, la calme splendeur de l’angle facial de Shakespeare !

1891. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Les anciens l’ont bien connu ; ils adoraient la patrie, et c’est un de leurs poètes qui a dit qu’il était doux de mourir pour elle. […] Chez des êtres honnêtes et doux surgit tout à coup une personnalité d’en bas, féroce, qui est celle d’un chef manqué.

1892. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

À travers les concetti ordinaires aux poètes de cette époque, on y démêle un sentiment vrai : « Douces images du bonheur, venez encore aggraver ma peine ! Vie pure et tranquille, plaisirs honnêtes et modérés, gloire et trésors acquis par le mérite, paix céleste de l’âme, (et ce qui est plus poignant à mon cœur) amour dont l’amour est le prix, douce réciprocité d’une foi sincère !

1893. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Vous avez du nerf, et vous en donnerez plus que moi, parce que vous ne ferez peur qu’au bout d’un certain temps ; car vous méritez bien d’en faire autant qu’un autre ; mais du moins vous n’en ferez pas à vos amis, et je pense que notre union à tous trois n’en sera que plus forte, plus douce et plus solide.

1894. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

tout ce qui est doux passe vite !

1895. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Parlant de cette patrie excellente de Voiture : « Il n’est rien, disait-il, qui sente mieux le sel attique ou l’urbanité romaine. » Girac allait plus loin, il voyait dans quelques-unes des lettres de Voiture un caractère moral assez marqué pour qu’on pût se représenter une image de l’âme de l’auteur, de ses mœurs, de son esprit plaisant et doux, de son agréable liberté de parole ; il citait comme exemple quelques-unes des lettres adressées à M. d’Avaux, et celle entre autres où il parlait de la duchesse de Longueville faisant diversion et lumière au milieu des graves envoyés germaniques au congrès de Munster.

1896. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Ce diable d’homme (c’est le nom dont on le nomme involontairement) ne pouvait donc, dans aucun cas, malgré ses velléités de retraite et de riante sagesse, se confiner à l’existence brillante et douce d’un Atticus ou même d’un Horace, et se contenter pour la devise de sa vie de ce mot qu’il écrivait galamment au maréchal de Richelieu : « Je me borne à vous amuser. » Il avait commencé, nous l’avons vu, par dire à Mme de Bernières : « La grande affaire et la seule, c’est de vivre heureux » ; et, bon gré mal gré, il était entraîné à justifier chaque jour à l’avance le mot de Beaumarchais : « Ma vie est un combat. » La correspondance inédite donne peu de détails nouveaux sur la sortie de Voltaire hors du royaume en 1726 et sur cette retraite en Angleterre, qui fut si décisive pour son éducation intellectuelle.

1897. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

J’aimerais la santé, la force, un enjouement naturel, les richesses, l’indépendance, et une société douce ; mais comme tous ces biens sont loin de moi, et que les autres me touchent fort peu, tous mes désirs se concentrent, et forment une humeur sombre que j’essaye d’adoucir par toute sorte de moyens.

1898. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Marolles n’avait pas un regret ni une lacune dans ses recueils ; il souriait et triomphait à chaque page ; il avait tout, ou du moins il était à la veille de tout avoir, et il se répétait tout le jour en feuilletant son trésor : « Cela est bien doux ! 

1899. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Ne croyez pas qu’il s’en tienne à ce jugement ; il aura bientôt des accès de colère et des coups de boutoir contre Fleury qui ne l’emploie pas, qui ne s’en va pas, contre ce doux vieillard qui s’obstine à vivre, à durer, dont la longévité est la plus grande des ruses et déroute tant d’ambitions qui attendent.

1900. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Ce fut lui qui chercha l’occasion de m’en parler en me faisant remarquer, combien pouvait être douce et heureuse l’existence d’un curé qui sait ménager les convenances.

1901. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Il avait pour ami particulier le plus sage et le plus doux des catholiques restés fidèles à Lamennais, Joseph d’Ortigue.

1902. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

M. de Harlay était trop courtisan et trop voué à son ambition pour avoir le sentiment de la justice ; mais il était doux, d’un naturel humain, et il dut souffrir de ces sévérités exigées en son nom et pour sa défense.

1903. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

« Qu’il est doux de rendre les peuples heureux, ne fût-ce même qu’en passant ! 

1904. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Quand il échappa peu à peu à ces premières influences, La Mennais en chercha d’autres ; il en rencontra une fort douce et insinuante en l’abbé Gerbet, avec qui la part de correspondance contenue dans ces volumes est je ne sais pourquoi masquée sous la suscription à l’abbé X.

1905. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Or Cécile a des rapports singuliers de contraste et de ressemblance avec Mlle de Liron ; écoutons sa mère qui nous la peint : « Elle est assez grande, bien faite, agile ; elle a l’oreille parfaite : l’empêcher de danser serait empêcher un daim de courir… Figurez-vous un joli front, un joli nez, des yeux noirs un peu enfoncés ou plutôt couverts, pas bien grands, mais brillants et doux ; les lèvres un peu grosses et très-vermeilles, les dents saines, une belle peau de brune, le teint très-animé, un cou qui grossit malgré tous les soins que je me donne, une gorge qui serait belle si elle était plus blanche, le pied et la main passables ; voilà Cécile… « Eh bien !

1906. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Ce n’est ni la pieuse et sublime mélancolie du Penseroso s’égarant de nuit, tout en larmes, sous les cloîtres gothiques et les arceaux solitaires ; ni une charge vigoureuse dans le ton de Regnier sur les orgies nocturnes, les allées obscures et les escaliers en limaçon de la Cité ; ni une douce et onctueuse poésie de famille et de coin du feu, comme en ont su faire La Fontaine et Ducis ; c’est Damon, ce grand auteur, qui fait ses adieux à la ville, d’après Juvénal ; c’est une autre satire sur les embarras des rues de Paris ; c’est encore une raillerie fine et saine des mauvais rimeurs qui fourmillaient alors et avaient usurpé une grande réputation à la ville et à la cour.

1907. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

On éprouve un sentiment confus de tristesse dans les scènes les plus comiques du Tartufe, parce qu’elles rappellent la méchanceté naturelle à l’homme ; mais quand les plaisanteries se portent sur les travers qui résultent de certains préjugés, ou sur ces préjugés eux-mêmes, l’espoir que vous conservez toujours de les corriger, répand une gaieté plus douce sur l’impression causée par le ridicule.

1908. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Ce n’est plus le loup déchaîné de Hobbes et de Bossuet : c’est un sauvage doux et timide, un être neutre, quantité négligeable dans les calculs sociologiques.

1909. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Certes il serait plus doux et plus flatteur pour la vanité de cueillir de prime abord le fruit qui ne sera mûr peut-être que dans un avenir lointain.

1910. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

La définition sera alors trop étendue ; car l’enfant qui voit une pomme, prévoit qu’elle sera résistante, douce au toucher et aura un certain goût.

1911. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Après la déclaration balbutiée, il hasarde un billet doux glissé dans le manchon de Mathilde.

1912. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Dès sept heures du matin il est debout : « Mais il faut l’avouer, remarque-t-il, de telles insomnies sont douces, et de tels réveils savoureux. » La seconde scène que je recommande à ceux qui veulent prendre sur le fait le génie pittoresque et la passion inextinguible de Saint-Simon, est celle du Conseil de régence et du lit de justice où fut dégradé le duc du Maine (26 août 1718).

1913. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Dans le commerce habituel, « il était indulgent et doux, nous dit M. de Lamartine, comme les hommes qui se croient possesseurs certains et infaillibles de leur vérité ».

1914. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Massillon, Fléchier, Sieyès, qui étaient aussi du Midi, avaient en prononçant l’esprit doux, comme disaient les Grecs ; Raynouard, plus agreste, avait l’esprit rude, quelque chose de fort et de mordant dans la prononciation.

1915. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

C’est vers ce temps que menacé lui-même et forcé de s’éloigner, mis à rançon pour des sommes considérables, ayant dans sa maison de Paris des garnisaires qui buvaient son vin de l’Ermitage (ce qui ne lui faisait nullement plaisir), il se retira quelque temps en Angoumois chez M. de La Rochefoucauld, y menant douce et joyeuse vie, et faisant bonne mine aux mauvaises nouvelles qui lui arrivaient chaque matin : Effectivement, nous dit-il, je me représentais ce que j’étais avant ma fortune, et l’état où je me voyais encore.

1916. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Né sous un gouvernement doux, vivant dans une société éclairée où le souvenir des factions était lointain, et où le despotisme qui les avait réprimées n’était plus présent ou du moins sensible, il accommoda légèrement l’humanité à son désir.

1917. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Tout cela est gai, d’une douce et piquante plaisanterie de société, mais le fond du sentiment s’y découvre.

1918. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Par je ne sais quel prestige, dont l’illusion se perpétue de génération en génération, nous regardons le temps de notre vie comme une époque favorable au genre humain et distinguée dans les annales du monde… Il me semble que le xviiie  siècle a surpassé tous les autres dans les éloges qu’il s’est prodigués à lui-même… Peu s’en faut que même les meilleurs esprits ne se persuadent que l’empire doux et paisible de la philosophie va succéder aux longs orages de la déraison, et fixer pour jamais le repos, la tranquillité et le bonheur du genre humain… Mais le vrai philosophe a malheureusement des notions moins consolantes et plus justes… Je suis donc bien éloigné d’imaginer que nous touchons au siècle de la raison, et peu s’en faut que je ne croie l’Europe menacée de quelque révolution sinistre.

1919. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Peu de jours auparavant, se trouvant au Val, près de L’Isle-Adam, chez Regnault de Saint-Jean-d’Angély, par une pâle matinée de janvier de 1816, par un de ces ciels d’hiver qui ressemblent à l’extrême automne et qui ne laissent point encore deviner le printemps, il sortit du salon où sa famille était réunie et y rentra après une demi-heure de promenade pour y réciter comme un adieu cette épigramme vraiment digne de l’antique, cette légère et douce élégie : La feuille.

1920. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Il était beau ; il avait le front haut, la barbe brune, l’air doux, la bouche aimable, l’œil profond.

1921. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

On pourra s’asseoir, s’étendre tout de son long, et achever de fumer le cigare de la poésie de fantaisie, et rire au Décaméron de Boccace avec le doux ciel bleu sur sa tête, le jour où la souveraineté d’un roi sera exactement de même dimension que la liberté d’un homme.

1922. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Dans les Horizons prochains, le mysticisme de l’auteur des Horizons célestes n’était qu’une douce lueur entre ciel et terre et qui ressemblait à une aube, le point blanchissant qui s’est enfin étendu, comme le jour, sur sa pensée, un jour si plein maintenant qu’il ne grandira plus !

1923. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

II Or, en quelques mots, voici cette histoire dont Edouard Drumont a tiré un parti charmant, mais trop doux… Le duc de Saint-Simon mourait en 1755, insolvable et probablement ruiné par son ambassade d’Espagne, qu’il avait menée avec cette grandeur désintéressée et ce luxe que notre siècle, peu accoutumé à ces généreux spectacles, a pu admirer quand le duc de Northumberland vint, comme ambassadeur d’Angleterre, au sacre du roi Charles X.

1924. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Toujours et de bonne heure dans les hautes dignités de l’Église, touchant par ses relations à ce qu’il y avait de plus distingué dans son pays et en Europe, il était cardinal trente ans, Pape à trente-huit, sans efforts, sans combats, sans intrigues, par un doux et rapide enchaînement de choses.

1925. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Il a vu positivement, à l’œil nu, la main de Dieu, qui prit Habacuc par les cheveux, se perdre dans les cheveux embroussaillés de Hello, dont on peut dire peut-être ce que madame de Fontenay disait du doux platonicien Joubert : que son âme avait un jour rencontré son corps et qu’elle s’en tirait comme elle pouvait.

1926. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Les principaux personnages de la pièce, Pierrot, Cassandre, Harlequin, Colombine, Léandre, sont devant le public, bien doux et bien tranquilles.

1927. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

C’est un homme pâle, chétif, avec des yeux qui clignotent à la lumière, et dont l’aspect, d’une douceur féline, vous cause je ne sais quelle sensation de froid et de tombe ; au demeurant, de mœurs douces et polies, et assez instruit pour savoir que, en dehors de l’antre qu’il habite, il existe de l’air, de la chaleur et de la lumière. […] quelle ampleur splendide et douce, tour à tour ! […] Le jour où ils y songeaient le moins, ils trouvèrent Gérard tranquillement assis sur une borne du Pont-Neuf, mangeant des pommes d’api avec la douce insouciance de Diogène. […] Maintenant, passons du doux au grave.

1928. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Perrié, son ami, grand jeune homme fort doux quoique très-entêté, ce qui se rencontre fréquemment, et dont l’esprit et le talent brillaient peu, venait après. […] « Son regard était si solennel que ceux sur lesquels il tombait se sentaient saisis d’un respect religieux ; mais il était si doux qu’il avait un charme secret pour assoupir les chagrins du pauvre. […] Le Doux, l’architecte qui plus tard a élevé toutes les barrières de Paris, avait bâti, à cette époque, une fort belle maison pour la célèbre danseuse de l’Opéra, Mlle Guimard. […] Votre Léonidas n’est pas le mien, ajouta-t-il en désignant les figures sur l’esquisse, vous l’avez fait animé et décidé à en venir aux mains ; le mien sera calme, il pensera avec une joie douce à la mort glorieuse qui l’attend ainsi que ses compagnons d’armes. […] C’était, comme on en a pu juger par les lettres citées plus haut, un homme doux et fort raisonnable au fond, mais que ses premiers succès, très-mérités sans doute, rendirent trop fier de son mérite et trop sûr de lui-même.

1929. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Aux jours d’été, quand le soleil darde et qu’au dehors la poussière du quai tourbillonne sur la fourmilière des passants, il est doux de passer ici une heure. […] Après lui, avec l’aide de son livre, et aussi d’après mes impressions personnelles, je voudrais retracer cette physionomie originale, douce, fière et pensive. […] « A cette époque-là, écrit madame Cornu, c’était un des plus charmants jeunes hommes que j’aie rencontrés, doux et gracieux comme une femme, net, hardi, énergique comme un homme. » Très beau de plus : un jour, dans un bal costumé où il parut déguisé en Faust, il excita tant d’admiration qu’il en fut gêné et s’esquiva. […] La destinée était devenue clémente, et, après une vie très dure, lui donna la plus douce mort. […] Rien ne la trouble dans sa quiétude douce et un peu triste.

1930. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Cependant, comme les meilleures, les plus belles choses de ce monde ne sauraient durer éternellement, il faut bien que M. de Lamartine se décide enfin à quitter le château de son oncle, où il a passé de si douces journées. […] Les prières de ses enfants n’ébranlent pas sa résolution ; mais son obstination n’a rien qui offense les plus doux sentiments de la nature, car la vie de ses enfants n’est pas en péril. […] Le savoir acquis par l’étude ou par la pratique de la vie étant considéré comme un capital, il faut l’exploiter comme un champ, comme une forêt, et en tirer, sinon un revenu régulier, car les champs et les forêts mêmes n’offrent pas cet avantage, du moins un revenu moyen, qui donne au savant, au poète, une vie douce et facile. […] Qu’un laquais porte les billets doux de son maître, cela se conçoit ; qu’il lui prête sa main pour écrire une adresse, afin de dérouter les curieux, c’est possible. […] La peinture du printemps est pleine de grâce et de fraîcheur ; le bonheur du pauvre, pendant les beaux jours de l’année, est tracé avec une grande richesse d’expression, et, malgré quelques détails puérils, produit sur l’âme du lecteur une émotion douce à laquelle l’auteur ne nous a pas habitués.

1931. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Chacun songe en veillant : il n’est rien de plus doux. […] Ceci me plut particulièrement et son existence, en se déroulant dans mon imagination (je n’oserais dire par l’effet de ma volonté, tant ces rêves me parurent bientôt se formuler d’eux-mêmes), m’offrit une série d’épreuves, de souffrances, de persécutions et de martyres… Le rêve arriva à une sorte d’hallucination douce, mais si fréquente et si complète parfois que j’en étais comme ravie hors du monde réel. » L’imagination de l’enfant s’exalte ; elle dresse un autel à l’objet secret de son adoration. […] Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,             Semble toute la nuit errer au bas du ciel. […] L’art est trop vain, et solitaire ; Rêver est doux, agir meilleur ; En ce monde j’ai mieux à faire Que d’écouter battre mon cœur. […] Ils ont des gestes lents, doux et silencieux, Notre vie uniment vers leur attente afflue : Il semble que les corps s’unissent par les jeux Et que les âmes sont des pages qu’on a lues.

1932. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Malheureusement « un ami véritable » est chose aussi rare que « douce », et si j’en crois ceux qui ont pratiqué le Quintius français, il n’avait pas su se faire des amis. […] * Savez-vous un parfum plus suave que celui de la rose, plus pénétrant que celui de la fleur de l’oranger, plus doux que celui de la violette ? […] Il m’est doux de penser que membre de la commission qui a préparé la dernière édition, j’ai repoussé avec tous mes confrères, successivement : baser, émotionner, progresser, à titre de barbarismes, et formuler, qui a d’ailleurs ses applications légitimes, à titre de solécisme. […] Il m’avait séduit par son air de droiture, par sa gravité douce, par l’accent particulier que prennent les paroles dans la bouche d’un homme de bien. […] Mais le jour où il prenait la plume pour en faire une communication à l’Académie, une douce joie détendait son visage si souvent contracté par sa lutte entre le doute et la confiance, entre le concevoir et le voir.

1933. (1914) Une année de critique

douce vie de l’âme ! […] L’unique fenêtre du lieu donne sur une cour plantée d’arbres ; et, par cet après-midi d’été, le murmure des branches touffues faisait un doux accompagnement aux paroles. […] Ces mouvements d’une sensibilité qui tour à tour se répand à la surface des choses, puis les attire à soi comme pour les absorber, ces grands élancements brisés de l’esprit, et, pour diriger tout cela, ainsi qu’on imagine le dieu de la lumière maîtrisant son attelage effréné, l’empire formidable et doux d’une raison que rien ne trouble ; voilà quelques thèmes de cette symphonie sacrée qu’est le poème du Centaure. […] De tous nos attachements, les plus intimes, les plus doux, sont peut-être ceux dont nous ne prenons même pas souci de nous aviser, ceux en tous cas dont nous rougirions de parler. […] Il en est accablé ; il vit des minutes affreuses : Il s’éveillait dans la conscience heureuse d’un être jeune et doux ; léger ; libre de haine ; au fond d’une vie moelleuse… Et tout de suite il sentait qu’il y avait dans sa vie quelque chose qu’il avait oublié ; qu’il allait retrouver ; qui empoisonnait tout cela… Ah !

1934. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Cette différence entre notre manière de lire et d’écrire, différence si bizarre et à laquelle il n’est plus temps aujourd’hui de remédier, vient de deux causes ; de ce que notre langue est un idiome qui a été formé sans règle de plusieurs idiomes mêlés, et de ce que cette langue ayant commencé par être barbare, on a tâché ensuite de la rendre régulière et douce. […] Mais si les ombres du tableau sont nécessaires, elles ne doivent pas être trop fortes ; il faut sans doute à l’orateur et à l’auditeur des endroits de repos ; dans ces endroits l’auditeur doit respirer, non s’endormir, et c’est aux charmes tranquilles de l’élocution à le tenir dans cette situation douce et agréable. […] Ainsi l’harmonie du discours oratoire consiste à n’employer que des mots d’un son agréable et doux ; à éviter le concours des syllabes rudes, celui des voyelles, sans affectation néanmoins (voyez l’article Élision) ; à ne pas mettre entre les membres des phrases trop d’inégalité, surtout à ne pas faire les derniers membres trop courts par rapport aux premiers ; à éviter également les périodes trop longues et les phrases trop courtes, ou, comme les appelle Cicéron, à demi closes, le style qui fait perdre haleine, et celui qui force à chaque instant de la reprendre et qui ressemble à une sorte de marqueterie ; à savoir entremêler les périodes soutenues et arrondies, avec d’autres qui le soient moins et qui servent comme de repos à l’oreille.

1935. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Beugnot, doux, souple, pliant et malin, était d’une toute autre race et famille d’esprits que Roederer, dont la bienveillance lui était suspecte et dont l’écorce un peu amère lui agréait peu.

1936. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Il y avait tout à côté des réparations cependant et des hommages : « Celui, disait-il, qui a été aimé d’une femme sensible, douce, spirituelle et douée de sens actifs, a goûté ce que la vie peut offrir de plus délicieux. » Il avait dit encore (car M. de Meilhan n’oublie jamais ce qui est des sens) : « Un quart d’heure d’un commerce intime entre deux personnes d’un sexe différent, et qui ont, je ne dis pas de l’amour, mais du goût l’une pour l’autre, établit une confiance, un abandon, un tendre intérêt que la plus vive amitié ne fait pas éprouver après dix ans de durée. » Tout cela aurait dû lui faire trouver grâce, d’autant plus qu’il flattait les hommes moins encore que les femmes : « La femme, remarquait-il, est bien moins personnelle que l’homme, elle parle moins d’elle que de son amant : l’homme parle plus de lui que de son amour, et plus de son amour que de sa maîtresse. » — (Dans l’édition de 1789, l’auteur, en corrigeant, a supprimé çà et là quelques jolis traits.)

1937. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Il vivait tantôt à Paris, tantôt à la campagne ; il avait loué à Segrès, près Arpajon, une maison très agréable : Rien, disait-il, ne ressemble plus aux champs Élysées, séjour des ombres heureuses, que cette maison de Segrès : il y a un jour doux, et non brillant comme celui des vues étendues sur le bord des grandes rivières ; cet affaiblissement du jour vient de quantité de montagnes vertes qui rendent ce séjour sauvage avec peu d’échappées de vues.

1938. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Il est bon d’exercer son esprit pour se procurer des plaisirs à tous les âges ; il est bon de se former des plaisirs intellectuels qui servent d’entractes aux plaisirs des sens, qui sont les seuls réels… Il faut croire assez à l’amitié pour avoir de douces illusions, mais jamais ne s’abandonner assez fortement pour être surpris de n’avoir embrassé qu’un nuage.

1939. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Je n’y trouve qu’un fait assez curieux : c’est que Boileau, que La Motte visitait quelquefois, avait été un jour averti par Gacon que le traître à mine si douce était un ennemi irréconciliable des anciens et leur préparait une rude attaque.

1940. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

S’il est vrai, comme on le redit souvent et comme il nous est doux de le penser, que la France suive la grande ligne de la civilisation, pourquoi faut-il que ce ne soit trop souvent qu’à travers un zigzag d’injustices et, pour tout dire, d’ingratitudes envers soi et les siens ?

1941. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

» C’est doux et tendre ; ils se donnent la main et se rejoignent ; il y a oubli.

1942. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Commencez, monsieur, par le faire marcher à pied du rendez-vous jusqu’en Flandre. » La proposition ne laissa pas de m’étonner, mais je n’osai rien dire. » A un moment toutefois, le jeune homme insinue qu’il lui semblerait plus joli d’être dans la cavalerie ; sur quoi il se voit rembarré de la bonne manière, et le roi s’adressant de nouveau à M. de Schulenburg : « Au moins, monsieur, je ne veux absolument pas que vous souffriez que dans la marche l’on porte ses armes ; il a les épaules assez larges pour les porter lui-même, et surtout qu’il ne paye point de garde, à moins qu’il ne soit malade et bien malade. » — J’ouvris les oreilles, et je trouvai que le roi, que j’avais toujours trouvé si doux, parlait comme un Arabe ce jour-là ; mais quand je songeai que je n’avais plus de gouverneur, j’oubliai tout, et j’étais persuadé qu’il n’y avait rien au-dessus. » L’indépendance !

1943. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Qu’il me soit permis, messieurs, de m’honorer à vos yeux d’une mission que je dois à l’amitié de cet homme célèbre… » Ce rapprochement de Raynal et de Franklin ne pouvait passer que grâce à l’illusion de l’amitié : Franklin, véritable patriarche, par un mélange unique de simplicité, de finesse et de douce ironie, avait offert à quiconque l’avait approché dans sa vieillesse le modèle du sage, conseillant à demi-voix et souriant, un des vrais pères ou parrains de la société de l’avenir.

1944. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Dorât s’empare avec bonheur du vers célèbre qu’Homère a mis dans la bouche d’Hector au moment de l’attaque du camp, ce même vers que répétait Épaminondas sortant de Thèbes malgré les présages et marchant sur Leuctres avec sa petite armée contre les Lacédémoniens : « Il n’y a qu’un seul bon augure, c’est de combattre pour la patrie, a dit la douce éloquence de la muse homérique.

1945. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Dans ses courses, dès 1826, à travers l’Allemagne, dans ses stations près de Goëthe à Weimar, en cette petite cour illustre toute remplie alors des rayons de l’astre couchant, et qui en conserve aujourd’hui un culte si sacré ; dans ses pointes aventureuses en Scandinavie dont il ouvrait si bien l’investigation reprise et poussée par d’autres ; dans ses fuites et refaites, auparavant et depuis, à des rivages plus doux et aux traces du chantre de Béatrice ; dans cette longue parenthèse enfin de Drontheim à Agrigente, n’allait-il que pour amasser des idées précises, des matériaux de première main à une histoire littéraire comparée ?

1946. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Voyez Cicéron, rien ne lui manque que l’obstacle et le saut. » « Il y a mille manières d’apprêter et d’assaisonner la parole : Cicéron les aimait toutes. » « Cicéron est dans la philosophie une espèce de lune ; sa doctrine a une lumière fort douce, mais d’emprunt : cette lumière est toute grecque.

1947. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Et le jour fut clair et beau : et le vent doux et bon.

1948. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Mais à la Renaissance religieuse, à la Réforme, il faut rendre les inquiétudes morales, la revendication pour le fidèle du droit d’interpréter l’Écriture, et certain effort sensible pour ramener vers le doux Rédempteur et le Père incompréhensible le culte un peu trop détourné au moyen âge sur l’humanité plus prochaine de la Vierge.

1949. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

La foi laisse peu de chose à faire à la raison, ou, pour parler plus juste, la raison n’est qu’un doux acquiescement à la foi.

1950. (1890) L’avenir de la science « II »

Régler sa vie conformément à la raison, éviter l’erreur, ne point s’engager dans des entreprises inexécutables, se procurer une existence douce et assurée, reconnaître la simplicité des lois de l’univers et arriver à quelques vues de théologie naturelle, voilà pour les Anglais qui pensent le but souverain de la science.

1951. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

c’est pour cela que, quand il fait mouillé, nous nous tenons sur l’arbre, en attendant notre tour de venir à l’école. » Ce spectacle d’une terre avide de boire la rosée du bien, et qui s’ouvre au premier doux rayon de soleil, cette charmante inoculation du sens moral, par un mot, par un regard, en de pauvres êtres qui n’ont pas eu de mère, qui n’ont jamais vu un œil bienveillant leur sourire, rappellent les miracles qui remplissent la vie de tous les grands maîtres de la vertu.

1952. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Pindare était son joueur de lyre, et il a chanté dans ses Olympiques « l’homme » qui tient le sceptre de la justice dans la Sicile aux « grands troupeaux » ; il a célébré « sa table hospitalière, retentissante de douces mélodies » : Hiéron combla Eschyle de dons et d’honneurs, mais le vieux poète n’habita pas son palais, trouvant sans doute aussi dure que Dante « la montée de l’escalier des patrons ».

1953. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

une éternité dont l’amant compte les minutes, attendant une lettre qui n’arrive pas, croyant entendre, à chaque instant, ce frémissement d’une robe de soie qui fait sur l’escalier de la jeunesse un bruit plus doux que le battement des ailes de l’ange sur l’échelle du songe de Jacob.

1954. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Vous avez beaucoup de modestie, et jusqu’à avoir honte et être déconcerté quand on vous loue… Mais votre modestie est plus dans les sentiments que vous avez de vous-même, que dans votre air, car vous êtes modeste sans être doux, et vous êtes docile quoique vous ayez l’air rude.

1955. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Croirait-on que dans une chanson sur Les Rossignols, dont le refrain est : « Doux Rossignols, chantez pour moi », le poète ait pu dire : Vous qui redoutez l’esclavage, Ah !

1956. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Toutes ces scènes chez l’archevêque sont admirables de naturel, et respirent une douce comédie insensiblement mêlée à toutes les actions de la vie.

1957. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Une fois la culpabilité admise, il vota pour la peine la plus douce, qui était la déportation.

1958. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

cet homme dont Mlle de Lespinasse disait : « La figure de M. de Condorcet annonce la qualité la plus distinctive et la plus absolue de son âme, c’est la bonté » ; celui dont Grimm disait encore : C’est un très bon esprit, plein de raison et de philosophie ; sur son visage résident le calme et la paix ; la bonté brille dans ses yeux : il aurait plus de tort qu’un autre de n’être pas honnête homme, parce qu’il tromperait davantage par sa physionomie, qui annonce les qualités les plus paisibles et les plus douces… ; quoi !

1959. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Point d’ambition, point de vues : plus attentive à songer à ce qu’elle aimait qu’à lui plaire ; toute renfermée en elle-même et dans sa passion, qui a été la seule de sa vie ; préférant l’honneur à toutes choses, et s’exposant plus d’une fois à mourir, plutôt qu’à laisser soupçonner sa fragilité ; l’humeur douce, libérale, timide ; n’ayant jamais oublié qu’elle faisait mal, espérant toujours rentrer dans le bon chemin ; sentiments chrétiens qui ont attiré sur elle tous les trésors de la miséricorde, en lui faisant passer une longue vie dans une joie solide, et même sensible, d’une pénitence austère.

1960. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Notez qu’un couvent de carmélites est à deux pas dans la forêt, et que l’on ne manque pas d’aller s’y édifier quelquefois : car il faut, tout en menant douce vie, songer aussi au salut.

1961. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Il est des expressions moins marquées et plus douces, et qu’elle place d’une manière charmante : « Faites, écrit-elle à son fils, que vos études coulent dans vos mœurs, et que tout le profit de vos lectures se tourne en vertu… » — « Parmi le tumulte du monde, ayez, mon fils, lui dit-elle encore, quelque ami sûr qui fasse couler dans votre âme les paroles de la vérité. » Et enfin (car elle affectionne cette expression), dans son petit Traité de l’amitié : « Que les heures sont légères, s’écrie-t-elle, qu’elles sont coulantes avec ce qu’on aime ! 

1962. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Il n’y a qu’un gouvernement doux et respecté qui puisse donner à Paris le repos nécessaire à son opulence et à sa prospérité.

1963. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Ses désirs, à l’âge de vingt-deux ans, sont uniquement tournés du côté de la fortune : « Je menais une vie assez douce, dit-il, sans ennemis, content de mon maître, et même il me semblait être assez en état d’obtenir de lui quelque grâce.

1964. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Il y a de la poésie dans la rue par laquelle je passe tous les jours et dont j’ai, pour ainsi dire, compté chaque pavé, mais il est beaucoup plus difficile de me la faire sentir que celle d’une petite rue italienne ou espagnole, de quelque coin de pays exotique. » Il s’agit de rendre de la fraîcheur à des sensations fanées, « de trouver du nouveau dans ce qui est vieux comme la vie de tous les jours, de faire sortir l’imprévu de l’habituel ;  » et pour cela le seul vrai moyen est d’approfondir le réel, d’aller par-delà les surfaces auxquelles s’arrêtent d’habitude nos regards, d’apercevoir quelque chose de nouveau là où tous avaient regardé auparavant. « La vie réelle et commune, c’est le rocher d’Aaron, rocher aride, qui fatigue le regard ; il y a pourtant un point où l’on peut, en frappant, faire jaillir une source fraîche, douce à la vue et aux membres, espoir de tout un peuple : il faut frapper à ce point, et non à côté ; il faut sentir le frisson de l’eau vive à travers la pierre dure et ingrate. » Guyau passe en revue et analyse finement les divers moyens d’échapper air trivial, d’embellir pour nous la réalité sans la fausser ; et ces moyens constituent « une sorte d’idéalisme à la disposition du naturalisme même ».

1965. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Ce désespoir suprême lui est épargné de rester derrière elle parmi les vivants, pauvre ombre, tâtant la place de son cœur vidé et cherchant son âme emportée par ce doux être qui est parti.

1966. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

« Il ne faut point qu’un poète fasse retentir dans les dures trompettes mugissantes, les bruissements doux de l’eau, des printemps, des fleurs.

1967. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Je voudrois autoriser tout terme qui nous manque, & qui a un son doux sans danger d’équivoque.

1968. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Cette tête est ferme, tranquille, simple, noble, douce, d’un caractère un peu rustique et vraiement apostolique.

1969. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Ce sont ces chansonniers qui distinguent un peuple barbare et féroce d’un peuple civilisé et doux.

1970. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Il avait quelque chose de doux, d’abondant, de tempéré, qui pouvait se passer des mouvements d’une langue transpositive.

1971. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Malheur à vous qui, sur la terre, Ayant le choix, avez opté, Non pour une existence austère, Mais pour la douce volupté !

1972. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Cet amusant et doux caricaturiste n’envoie-t-il pas encore à nos expositions annuelles de petits tableaux d’un comique innocent que M. 

1973. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Ces nobles et doux avertissements de la vie qui, compris par l’intelligence dans toute la profondeur et l’étendue de leur signification, révèlent à l’homme la sublimité de sa mission naturelle, ne sont plus pour le prêtre qu’un triste cauchemar. »98 C’est aussi à la virginité que le prêtre demande le secret de sa force et de son autorité spirituelle.

1974. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Assez différents sont ceux que suggère une lumière continue et douce, comme celle de la lune.

1975. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Jean-Louis Faure aurait pu citer, suffisent à justifier sa thèse « qu’aucun homme au monde ne reçoit plus souvent que le chirurgien, l’empreinte d’émotions puissantes, quelquefois très douces, souvent tragiques et douloureuses, mais d’une variété infinie et dont peut-être la diversité seule permet de supporter sans défaillance l’incessante répétition ». […] Le chirurgien nous dessine « son admirable et pur visage, ses grands yeux noirs, doux et confiants, ses traits charmants, pâlis par la souffrance ». […] Il nous introduit ensuite dans la petite chambre, éclairée d’une demi-lumière, où elle le reçoit « pâle avec un beau sourire, une pure et douce expression de confiance, d’espoir et de reconnaissance, heureuse presque, comme le sont souvent les opérées qui ont franchi l’étape redoutable ». […] L’hiver dernier, je rencontre cet homme rentrant du travail, entre 4 et 5 heures, par la plus douce, la plus claire des soirées méridionales, ses outils sur l’épaule. […] C’est bien toujours la « douce France », mais déjà plus inquiète, mais déjà travaillée par cet esprit de cruauté dont le voyageur a constaté les ravages ailleurs, s’il est un cosmopolite et qu’il ait couru l’Europe depuis le cataclysme de la grande guerre.

1976. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Halluciné par ce qu’il devinait non d’inexprimable, mais d’inexprimé, il lutta d’un courage inflexible et doux, mal récompensé, contre la page blanche, son tourment et son dieu. […] Il a mis les caresses les plus douces de son langage à évoquer ailleurs le « trésor présomptueux de tête » et « la considérable touffe ». […] tout en dessinant ce geste, familier à la poésie de Mallarmé, d’autorité inflexible et douce qui l’unit par un fil invisible à sa conversation, esquisse comme un pressentiment du Balzac de Rodin.

1977. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Vous la présentez sous un aspect bien plus intéressant, et elle redeviendra, je n’en doute pas, une de mes plus douces occupations3. » L’originalité des Études de la nature est bien indiquée là. […] En tout cas, ce fut d’une manière que son vieil époux trouva singulièrement douce, et le barbon adora son servage. […] Prenons-le donc dans sa jeunesse et lisons les Deux îles : Il est deux îles dont un monde Sépare les doux océans. […] Et il y en a quelques-uns pour lesquels, n’étant que le commencement d’autre chose, bien loin de rien avoir qui les puisse effrayer, ils ne se la donneraient pas, mais ils l’appellent, et quand elle approche, ils la trouvent douce. […] Inégalement douées, inégalement développées, il y en a d’humbles et de douces, il y en a de hardies et de féroces, dont les unes sont faites pour obéir et les autres pour commander.

1978. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Ajoutez-y cette autre pièce pour Alcandre, sur un retour d’Oranthe à Fontainebleau : Revenez mes plaisirs, ma Dame est revenue ; Où il y a de bien doux vers sur la royale forêt : Avecque sa beauté toutes beautés arrivent ; Ces déserts sont jardins de l’un à l’autre bout, Tant l’extrême pouvoir des grâces qui la suivent     Les pénètre partout ! […] On cite toujours sa strophe, son unique strophe, sur ses promenades avec un ami aux bords de l’Orne, et dans laquelle se réfléchit l’étendue des paysages et des horizons de Normandie : L’Orne, comme autrefois, nous reverrait encore, Ravis de ces pensers que le vulgaire ignore, Égarer à l’écart nos pas et nos discours ; Et couchés sur les fleurs, comme étoiles semées, Rendre en si doux ébats les heures consumées,     Que les soleils nous seraient courts.

1979. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

C’est l’histoire d’une plante fragile qui fleurissait dans un air chaud, sous un doux soleil, et qui tout d’un coup, transportée dans la neige, laisse tomber ses feuilles et se flétrit. […] Croyez que l’humanité, la pitié, le pardon, sont ce qu’il y a de plus beau dans l’homme ; croyez que l’intimité, les épanchements, la tendresse, les larmes, sont ce qu’il y a de plus doux dans le monde.

1980. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Ce perfectionnement, ce point suprême au-delà duquel l’esprit humain est condamné à déchoir, c’est Racine qui l’atteignit ; Racine, un de ces génies accomplis de la famille des Virgile, des Raphaël, des Mozart, non moins étonnants pour s’être gardés de tous les défauts que pour avoir réuni toutes les qualités ; lumières douces et pénétrantes, qui éclairent les plus ignorants comme les plus versés dans la science des choses humaines, et qui n’éblouissent personne ; esprits harmonieux, chez qui nulle qualité n’est poussée jusqu’à son défaut, mais qui possèdent une qualité supérieure et charmante par laquelle ils sont les premiers parmi les hommes de génie, la sensibilité. […] L’ironie même, le dépit, altèrent un moment sa douce figure : Retournez, retournez vers ce sénat auguste, Qui vient vous applaudir de votre cruauté30.

1981. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Quand l’auteur de Valentine, dans ses plaidoyers contre le mariage, veut perdre une héroïne, elle la fait descendre jusqu’à la faute en la poussant, par toutes sortes de circonstances indépendantes de sa volonté, sur une pente si douce, si insensible, qu’on ne s’en aperçoit pas ; de sorte que lorsque la femme honnête est devenue adultère, elle garde tout son charme et toute sa vertu aux yeux du lecteur ; chacun la plaint, la trouve malheureuse, et se dit : « A sa place, j’aurais fait comme elle !  […] pourvu que son mari et son amant fussent contents, que la maison marchât son petit traintrain régulier, qu’on rigolât du matin au soir, tous gras, tous satisfaits de la vie et se la coulant douce, il n’y avait vraiment pas de quoi se plaindre.

1982. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

M’ais après quelques considérations préliminaires, je discuterai seulement quelques-uns des faits généraux les plus frappants : telle est d’abord l’existence des mêmes espèces sur les sommets de chaînes de montagnes très éloignées les unes des autres, et en des points très distants des deux hémisphères, arctique et antarctique ; secondement147, l’extension remarquable des productions d’eau douce, et troisièmement, la présence des mêmes espèces dans les îles et sur les continents les plus voisins, bien que parfois séparés par plusieurs centaines de milles de pleine mer. […] Les poissons d’eau douce avalent les graines de beaucoup de plantes terrestres ou aquatiques ; ces poissons sont fréquemment dévorés par des oiseaux ; des graines peuvent ainsi être transportées d’un endroit à un autre.

1983. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

La souveraineté du peuple, la liberté, l’égalité, le renversement de toute subordination, le droit à toute sorte d’autorité : quelles douces illusions ! […] Il est doux, au milieu du renversement général, de pressentir les plans de la Divinité199. […] Castelliser avec votre famille serait pour moi un état extrêmement doux, et puisque vous y seriez, il faudrait bien prendre patience ; mais, hélas !

1984. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Lire le de natura rerum comme on ferait une thèse sur épicure, attendre de l’Énéide le même plaisir que des trois mousquetaires, c’est pécher contre la poésie elle-même, par une sorte d’avidité simoniaque ; c’est, pour prendre des termes plus doux, demander à M.  […] Là-dessus, le moins pacifique des deux, fronçant le sourcil, met la main sur le petit banc de pierre où ils avaient coutume de se reposer côte-à-côte. — « ce banc est à moi, fait-il de sa voix la plus caverneuse. — non, il est à moi, bégaie le plus doux. — par ma barbe, il est à moi, reprend l’autre. — mais bien sûr », consent le second. […] Shelley : un poète est un rossignol « qui chante dans les ténèbres » pour charmer sa propre solitude de ses doux sons ; ses auditeurs sont comme des hommes ravis en extase par la mélodie d’un musicien invisible, qui se sentent émus et charmés, mais qui ne savent " ni d’où vient la mélodie, ni pourquoi elle les charme.

1985. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Comme Racine, dont il était le parent, comme beaucoup d’écrivains, d’un talent doux, affectueux, tendre, dit encore Sainte-Beuve à qui il faut toujours revenir, M. de Fontanes avait tout à côté l’épigramme facile, acérée ; chez lui, la goutte de miel lent et pur était gardée d’un aiguillon très vigilant. […] Le pathétique de Simon, comme il touche votre âme, et ce qui reste en vous des sentiments les plus doux et des souvenirs de votre plus fraîche enfance ! […] Je leur devais de croire à l’inspiration ; à ces sentiments qu’on éprouve, au centre d’un bois sacré, d’une nuit en Écosse, d’une assemblée de rois, à l’effusion, à l’horreur, à l’enthousiasme. » Il leur doit « tous les vers, toutes les ripostes sublimes ». « Douce chose que le sublime pour un enfant qui lit, ses devoirs terminés dans l’étude mal éclairée, grondant l’orage. » Cela me rappelle l’aventure de l’interne Barrès à la Malgrange : comme celui-ci lisait une notice sur Augustin Thierry et qu’il venait d’apprendre comment ce dernier avait, à quinze ans, découvert sa vocation d’historien en ouvrant le beau chant des martyrs : « Pharamond, Pharamond, nous avons combattu avec la hache… », le jeune Barrès ne put réprimer son exaltation. […] Qu’il n’en profite pas pour quitter les coteaux « tournés au midi et réchauffés encore par le lac, le plateau doux de lignes, aux pentes favorables et au sol qui convient » où « les uns ont pu venir avec la pioche et frapper, les autres avec une serpette et le sécateur et tailler ; les autres encore avec la poche qui leur pend devant et semer, puis revenir avec la faulx et faucher ».

1986. (1891) Esquisses contemporaines

Un trait distinctif du livre qui nous occupe et qui court au travers de tous les ouvrages de Loti, c’est une gravité naturelle, quelquefois amère et quelquefois joyeuse, rarement ironique, qui distingue ses personnages : ils sont tous graves, doux et silencieux, et quand il leur arrive d’avoir un accès de gaieté, c’est une gaieté involontaire, qui provient, comme celle des jeunes animaux, d’une surabondance de sève physique, plutôt que de la joie de l’esprit. […] C’est alors, c’est dans l’obscurité que laisse après elle l’analyse meurtrière de nos plus douces illusions, que l’âme éperdue voit luire une lumière nouvelle ; c’est dans le silence de son découragement qu’elle entend murmurer une voix austère, mais consolante. […] Quoiqu’il lui soit doux d’être aimé et qu’il ne connaisse rien d’aussi doux, là encore il lui semble être l’occasion du phénomène plutôt que le but. […] Au mépris âpre, à l’amertume presque haineuse qu’avaient suscités les spectacles charnels, succédèrent des émotions plus douces.

1987. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Macérée dans du lait et du miel, la semence de concombre produira des fruits aux sucs les plus doux. […] Le moyen employé par le Dieu de Fourier, Dieu d’une complaisance infinie, pour répartir une douce chaleur sur tous les points du globe, n’est autre que le redressement de l’axe des pôles. […] La vision est personnelle et l’expression pittoresque : « Ces petites sources qui suintent des rochers. — Qui s’échappent des fissures, comme le renard de son terrier ; — Ce ruisseau argenté qui s’en va en babillant — Avec une douce musique de danse… » Il prit, dès l’âge de sept ans, l’habitude de tenir son journal, qu’il remplissait surtout de descriptions des lieux qu’il visitait, sa famille se livrant à de fréquents déplacements. […] Courteline nous affirme bien qu’il y a de douces liaisons entre pêcheurs et goujons ; s’il fallait l’en croire, il en aurait connu un qui répondait à l’appel de son nom et venait manger, dans la main de son ami, le vermisseau ou la miette de pain. […] Helvétius, qui était un homme très doux et très bon, est souvent dans ses écrits d’une hardiesse téméraire.

1988. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Mous avons encore, je le sais, de ce doux élégiaque de jolis Sonnets satiriques. […] Tantôt plus lent et tantôt plus pressé, plus fort ou plus doux, plus impétueux ou plus languissant, il est dans l’ode ou dans l’élégie, comme le souvenir de leur alliance avec la musique, et à ce titre, il fait une partie nécessaire de la notion ou de la définition même du lyrisme. […] La moindre nouveauté n’en serait pas de le montrer aussi différent que possible de la nature de son éloquence, plus humble et plus doux qu’elle n’est impérieuse, plus conciliant qu’elle n’est agressive, plus naïf lui-même, disons-le franchement, qu’elle n’a de profondeur. […] Si ce philosophe un peu cynique n’avait pas eu le caractère aussi doux qu’il avait l’esprit caustique, il eût également revendiqué la liberté de l’invective et de l’insulte. […] Nous serons plus discrets, et sans chercher à savoir qui fut cet « homme », ni pourquoi Mme de Mérignac avait dû quitter le sénéchal de Montmorillon, son mari, nous nous contenterons de savoir qu’elle comptait au nombre de ses amis ce doux métaphysicien de Malebranche, et M. de la Coste, « curé de Saint-Pierre-des-Arcis ».

1989. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Aussitôt que l’extrémité de la seringue est bien appliquée, je tire doucement le piston d, en maintenant le bout de la seringue exactement appliqué ; il se fait une aspiration dans la seringue, et l’on voit de la salive couler du conduit a dans le tube, sans qu’aucun liquide voisin puisse s’y mêler, à cause de l’application exacte du pourtour de la seringue, maintenue par l’aspiration douce et soutenue. […] 6e expérience. — Du sperme de cochon d’Inde, qui, comme on le sait, est presque solide, a été broyé avec un peu d’axonge et placé dans un tube à une température douce, comme dans les expériences précédentes. […] À 20 grammes de suc pancréatique frais et de bonne qualité que j’avais extrait sur un chien bien portant et en digestion, on a ajouté quelques décigrammes de mono-butyrine, et maintenu le tout à une douce chaleur pendant vingt-quatre heures. […] On a maintenu le tout à une douce chaleur pendant vingt-quatre heures ; cela fait, on a agité le mélange avec de l’éther froid, décanté et filtré le liquide éthéré. […]   Expérience. — On prendra préférablement un gros lapin adulte, et on le fera jeûner pendant vingt-quatre ou trente-six heures ; puis on ingérera dans son estomac, à l’aide d’une seringue et d’une sonde de gomme élastique, 15 à 20 grammes de graisse de porc (saindoux) fluidifiée préalablement par une douce chaleur.

1990. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

ô qu’il est doux de plaindre Le sort d’un ennemi lorsqu’il n’est plus à craindre !

1991. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Nous sommes ici à l’époque chevaleresque, tout à la fin du xiie  siècle ou au début du xiie  ; un siècle entier s’est écoulé depuis la mort du Cid ; un idéal s’est créé à son sujet : il est devenu une figure noble et pure, et même douce autant que fière, un modèle de chevalerie en cette civilisation féodale.

1992. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

 » L’honnête homme en Boileau ne l’attirait pas moins que l’esprit judicieux et le critique : « C’est un homme » ajoutait-il, « d’une innocence des premiers temps et d’une droiture de cœur admirable, doux et facile, et qu’un enfant tromperait.

1993. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Et s’il était séant de sortir un moment en idée de cette enceinte et du cercle même de la patrie, s’il était possible de se considérer et de se juger du dehors, j’ajouterais hardiment : Il était juste que, chez la nation réputée la plus aimable et qui est certainement la plus sociable entre toutes, la vertu se traduisît sous cette forme attrayante et douce ; qu’elle y reçût solennellement ces hommages émus et gracieux.

1994. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Veut-il, dans une lettre à une de ses cousines, lui donner une idée agréablement ironique du rôle important qu’ils remplissent aux yeux des Américains, son ami M. de Beaumont et lui, en leur qualité de chargés d’une mission du Gouvernement français pour cette grave affaire du régime des prisons ; il a une raillerie douce, insinuante, à l’usage de la bonne compagnie ; prêtez l’oreille et écoutez : « Vous savez déjà en gros, sans doute, ma chère cousine, écrit-il à Mme de Grancey, les détails de notre voyage : nous avons été parfaitement reçus dans ce pays-ci, et si bien que nous nous trouvons quelquefois dans la même position que cette duchesse (de la fabrique de Napoléon) qui, s’entendant annoncer à la porte d’un salon, croyait qu’il s’agissait d’une autre, et se retirait de côté pour se laisser passer.

1995. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Membre de la première Assemblée, ministre du prince-président pendant cinq mois (2 juin — 31 octobre 1849), Tocqueville ne prit que peu de part aux discussions de la seconde Assemblée à laquelle il appartenait aussi : sa santé altérée par l’intensité des émotions et par la fatigue des affaires l’obligea à chercher un climat plus doux, le ciel de Sorrente.

1996. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

» Mais l’abbé Carron, avec cette ténacité de direction que les plus doux ont souvent à l’égal des plus sévères, le serrait de près et ne lui laissait ni répit ni trêve ; il écrivait à leur ami commun, M. 

1997. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

C’étaient, on le conçoit, des tiraillements à n’en pas finir… Le prince de Schwartzenberg, brave militaire, d’un caractère doux, liant, modeste, n’était pas l’homme capable de donner l’impulsion à une machine si compliquée ; il se laissait mener par Radetzky et Languenau : l’empereur Alexandre consultait Moreau et Jomini, sans compter Barclay, Wolkonsky, Diebitsch et Toll ; le roi de Prusse avait aussi ses conseillers, et Barclay, influencé par Diebitsch, n’était jamais de l’avis de personne… Mettre d’accord tant d’intérêts et d’avis différents était chose impossible.

1998. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

La mère de Béranger, qui fut surtout douce et jolie, paraît n’avoir eu dans l’organisation et les destinées de ce fils unique que la part la moins active, contre l’ordinaire de la loi si fréquemment vérifiée, qui veut que les fils de génie tiennent étroitement de leur mère : témoin Hugo et Lamartine.

1999. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

L’abbé Gerbet a la logique aussi certaine, mais moins armée d’armes étrangères, une lucidité posée et réfléchie, persuasive avec onction et rayonnante d’un doux amour : l’abbé Lacordaire exprime plutôt le côté oratoire militant avec de la nouveauté et du jeune éclat ; il a l’hymne sonore toujours prêt à s’élancer de sa lèvre, et la parole étincelante comme le glaive du lévite. 

2000. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Au xvie  siècle, époque où la langue française, dès auparavant régnante, achève de prendre le dessus et de reléguer le roman à la condition de patois, le pays de Vaud paya son plein tribut à notre prose par les écrits du réformateur Viret, réputé le plus doux et le plus onctueux des théologiens de ce bord.

2001. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Nisard, je me hasarderai à donner, en la traduisant, une pièce entière des Sylves, que j’ai choisie comme étant la plus courte et peut-être la plus simple : AU SOMMEIL Par quel crime, si jeune, ô des Dieux le plus doux, Par quel sort, ai-je pu perdre tes dons jaloux ?

2002. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Il est juste et doux de reconnaître que, depuis ce moment-là, il n’a fait autre chose que marcher en avant, poursuivre, étendre les mêmes études en les approfondissant, se perfectionner sans jamais dévier, cueillir le fruit (même amer) des années, sans laisser altérer en rien la pureté de ses sentiments ni sa sincérité première.

2003. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Obligé de s’accommoder à ses auditeurs, c’est-à-dire à des gens du monde qui ne sont point spéciaux et qui sont difficiles, il a dû porter à la perfection l’art de se faire écouter et de se faire entendre, c’est-à-dire l’art de composer et d’écrire  Avec une industrie délicate et des précautions multipliées, il conduit ses lecteurs par un escalier d’idées doux et rectiligne, de degré en degré, sans omettre une seule marche, en commençant par la plus basse et ainsi de suite jusqu’à la plus haute, de façon qu’ils puissent toujours aller d’un pas égal et suivi, avec la sécurité et l’agrément d’une promenade.

2004. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Nous nous tromperions gravement si nous pensions qu’ils sont bons par nature, généreux, sympathiques, ou, tout au moins, doux, maniables, prompts à se subordonner à l’intérêt social ou à l’intérêt d’autrui.

2005. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Mais l’usage de l’instinct crée le mérite et le démérite : l’homme est libre, et, selon sa science, choisit entre les actes que son instinct lui suggère ; s’il suit la nature et l’Évangile, qui en termes différents lui font le même commandement, la nature l’avertissant de travailler pour l’espèce, l’Évangile lui enjoignant de se dévouer au prochain, il se désintéressera ; il éloignera l’ambition, l’avarice, la volupté, l’égoïsme : il sera doux, humble, charitable, et s’efforcera de vaincre par l’amour les misères sociales.

2006. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Douce comme l’indépendance est leur nuitée.

2007. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

L’aspect sévère sous lequel nous la montrent les moralistes du dix-septième siècle avait effarouché sa douce raison, outre peut-être un désir secret de s’absoudre de certaines pages des Lettres persanes.

2008. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Chercher, discuter, regarder, spéculer, en un mot, aura toujours été la plus douce chose, quoi qu’il en soit de la réalité 198.

2009. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

» — Et toujours courant et gambadant : « C’est que sous les rois ce sont les femmes qui gouvernent, et ce sont les hommes sous les reines. » Le règne des favorites en France a prouvé la justesse de cette boutade, et, sans parler des Maintenon ou des Diane de Poitiers qui ont, chacun le sait, inspiré, commandé, suscité des œuvres conformes à leurs préférences, il y a des temps où les hommes féminisés subissent un ascendant qui, pour être doux et insinuant, n’en modifie pas moins leur façon de penser et d’écrire.

2010. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Si je n’ai pas cédé aux clameurs de mes ennemis, qui ne défendoient que les principes & les défauts contre lesquels j’ai dû m’élever sans cesse, j’ai senti combien il étoit doux pour moi de déférer aux critiques justes & honnêtes de quelques amis, qui n’ont voulu que m’éclairer & m’encourager.

2011. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Le poète de la Ciguë excelle à traduire les émotions douces, les sentiments voilés, les gaietés attendries et légères ; il sait sourire dans les larmes et faire jaillir du cœur les étincelles de l’esprit.

2012. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Et le tout se couronne par cette gageure de forcené : Le jour où je me serai convaincu qu’il est impossible de donner au peuple français des mœurs douces, énergiques, sensibles, et inexorables pour la tyrannie et l’injustice, je me poignarderai.

2013. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Ainsi ce qui est typique en Mme Bovary, c’est bien ce pouvoir de se concevoir autre, idéalisé chez elle jusqu’à constituer sa véritable personnalité et confondu avec la haine de toute réalité à ce point que ces doux éléments, cause et effet l’un de l’autre, inscrivent un cercle où tous ses actes aboutissent.

2014. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Doche montre ses doux yeux d’enfant et sa mine chiffonnée, un peu écrasée par la grande passe bleue de son chapeau.

/ 2207