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1307. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Les meilleurs n’échappent pas à cette condition. « J’ai une espèce de confusion, écrit Boileau à M. le Verrier, d’avoir employé quelques heures à faire des vers d’amourette, et d’être tombé moi-même dans le ridicule dont j’accuse les autres. » Voilà donc un homme qui se connaît, et un poète qui n’est que cet homme-là se faisant voir dans ses vers106 ! […] Mais ne l’entend-il pas plutôt du fil même du discours qu’il est si malaisé de ne pas laisser échapper ? […] Au lieu de chercher des rimes qui enrichissent le sens, il en laisse échapper qui ne l’indiquent même pas ou qui l’obscurcissent. […] Mais qui pourrait dire que Boileau n’eût pas trouvé dans son fonds pour la mettre à l’endroit où la voulait le discours, telle vérité de détail exprimée par quelque illustre ancien, ou qu’ayant pu trouver ce qui précède et ce qui suit, l’idée intermédiaire lui eût seule échappé ?

1308. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Et nous n’en voulons pas d’autres témoins qu’eux-mêmes : à travers leur faux lyrisme, leurs exaltations factices et leur phraséologie prétentieuse, la vérité leur échappe ; l’aveu tombe de leurs lèvres. […] Si tu es un maître vindicatif et colère, la mort ne me sera pas un refuge, et je n’échapperai pas, quoi que je fasse, aux expiations de l’autre vie. […] Surtout, ne posez pas en maxime qu’il y a de la vertu à se tuer, pour échapper aux suggestions du vice, car ce serait nier la vertu même qui consiste à les vaincre. […] Il est clair que c’est pour échapper à la censure que l’auteur, dans cette tirade, a écrit la bonne réputation ; mais c’est la richesse qu’il veut dire. […]   Il y eut un moment, après l’Empire, où les esprits, distraits par les luttes politiques et littéraires, semblèrent avoir échappé à ces douleurs secrètes, et trouvé dans l’action un remède aux tourments de la pensée.

1309. (1898) Essai sur Goethe

Le moins « bonhomme » des grands écrivains, Renan, n’a point échappé à cette espèce de suggestion. […] Que de phrases, à chaque instant, lui échappent comme autant d’aveux de sécheresse, d’égoïsme et de cruauté ! […] Guillaume laisse échapper son secret ; comme il n’y a plus d’obstacle entre eux, ils seront l’un à l’autre : la passion la plus ardente est née de l’amour fraternel. […] Sa pensée, comme enchaînée, s’échappe à peine en des élans aussi rares qu’ils sont magnifiques. […] Ce monde sublime, comme il échappe à tes sens !

1310. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Quand nous croyons échapper à l’anthropomorphisme et à l’anthropocentrisme, y sommes-nous encore assez ! […] — Pour échappera la tutelle de sa grand-tante, à qui son père, mort tout récemment, l’a léguée et qu’elle ne peut souffrir. […] Et tout ce qu’il peut être comme homme ne nous regarde aucunement, par cette raison qu’il nous échappe, et cela ne regarde que son confesseur. […] Je prierai qu’en lisant ce volume on fasse bien attention à toute une partie critique qui s’y dissimule, je veux dire qui s’y trouve éparse, disséminée, en ordre dispersé, et qui pourrait échapper à un regard un peu nonchalant. […] Un mot échappé à Renan semble, avec raison, très condamnable à M. 

1311. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Ou ce qu’il y a de plus grand dans les grands hommes m’échappe, ce qui est possible ; ou il y a, dans les grands hommes, des petitesses, peut-être en raison même de leurs grandeurs, que je vois très bien. […] Une jeune fille, pour échapper aux poursuites de son seigneur, s’est enfuie précipitamment et, en traversant le pont de la Vienne, près de l’Isle-Bouchard, en Touraine, est tombée à l’eau. […] Langlois, sans quoi la réalité intelligible du drame lui échapperait. […] Des méchants diront peut-être qu’il est bien avisé en cela, parce qu’il lui arrive quelquefois de laisser échapper quelque légère preuve d’ingénuité. […] Rien n’échappe à votre regard.

1312. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Mais Joze, à qui Benoît avait lié les mains, puis avait eu la faiblesse de délier les mains, Joze s’échappe. […] Le cœur de François Rémy nous échappe, et à la minute la plus importante. […] Il a tous les inconvénients d’un symbole, quand nous échappe sa vérité individuelle. […] Leur discipline est clémente : ils nous laissent nous échapper. […] Il se le demande ; puis il renonce à chercher ce qui lui échappe.

1313. (1923) Nouvelles études et autres figures

Tous les couvercles sont soulevés, et il s’en échappe de durs gémissements. […] J’avoue qu’il m’a paru quelquefois forcer un peu, sinon les textes musulmans qui m’échappent, du moins le texte de Dante. […] Walter Scott, qui la ridiculisait, n’y échappait pas. […] Enfin de ces livres, où bouillonnait son athéisme, s’échappaient des accents de désespoir plus sincères que ne le sont d’ordinaire les premiers éclats de la jeunesse. […] Mais aussi le Sahara de Fromentin n’échappe guère plus que les livres de Gautier à la monotonie, et il nous produit, plus lentement, il est vrai, la même fatigue que les expositions de peinture.

1314. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Mais quelquefois un cri douloureux leur échappait, et la nature, autour d’eux, se faisait triste, pour compatir à leur tourment. […] L’ibsénisme ne lui a pas échappé, non plus que le wagnérisme. […] On ne saurait le prendre en faute, il échappe à toute critique… Les autres figures du roman sont également suaves. […] Aucune parole aigre ne lui échappe. […] Il échappe encore aux griffes des argousins et bombarde de placets le ministre qui lui refuse sa grâce.

1315. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Elle échappa au partage ordonné par le sort et n’approcha point, captive, du lit d’un maître vainqueur. […] Il le fallait pour que Titus échappât à l’odieux. […] Si Acomat, ayant échoué dans son dessein, ne peut s’échapper à temps, il recevra le cordon de soie. […] C’est un amour charnel et furieux, que le danger excite, et qui se tourne en cruauté quand ce qu’il désire lui échappe. […] Cela échappait au grand Arnauld.

1316. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

— N’avait-il donc pas vu lui échapper l’héritage comique de trois siècles ? […] C’était le même besoin d’échapper aux grands comédiens, aux célèbres comédiennes, aux tragédies aux vers alexandrins. […] Incroyable privilège et facile à comprendre pourtant, que la comédienne et le comédien, la danseuse et le danseur, et quiconque a touché, peu ou prou, aux choses du théâtre, ait échappé, autant que l’on y peut échapper, à la censure de la Comédie, mais encore que cette censure se soit changée en admiration, en louange, en adoration unanimes ! […] Voilà comment ce vieux comédien a échappé à ce théâtre dont il était le rire le plus sérieux ! […] Et si aucune de ces finesses ne lui échappe, d’où vient que demain, tout à l’heure, il lui sera impossible d’en retrouver le sens ?

1317. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Aucun romancier n’a jamais échappé à cette loi du genre. […] La Nouvelle échappe à ces conclusions et à ces jugements. […] Que Balzac et Sainte-Beuve aient échappé au sort commun de leurs congénères, c’est l’indice d’une supériorité indiscutable. […] Le mystère échappe. […] Ni Taine, ni Renan, parmi les philosophes, n’y ont échappé, ni parmi les artistes, Flaubert, Leconte de Lisle et surtout Zola.

1318. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Une offense peut échapper. […] Mes plus secrets espoirs ne vous ont point échappé. […] Ma propre infirmité me fait un devoir de ne rien laisser échapper. […] Il faut avouer qu’il ne s’est jamais échappé, qu’il n’a jamais rendu compte comme dans Booz endormi. […] Pour y échapper, pour s’en évader il faisait constamment jouer les personnages, il faisait varier les conditions.

1319. (1901) Figures et caractères

On l’entrevoit, il échappe. […] La sympathie de ceux qui l’admirent crée autour d’un grand homme une curiosité à laquelle il échappe difficilement. […] Nulle n’y échappe ; quelques-unes y gagnent. […] On y échappe difficilement. […] Ni Jules Laforgue, ni Jean Moréas, ni Gustave Kahn, ni Édouard Dujardin, ni Vielé-Griffin, ni moi-même n’échappâmes à ce reproche.

1320. (1894) Critique de combat

Ce qui ne l’empêche pas (au contraire) de laisser échapper d’amusantes naïvetés. […] Mais il n’a pas tout à fait échappé à la contagion. […] pouvoir échapper aux lois inéluctables de la science ? […] « Le métier des armes », n’a pas échappé plus que les autres aux regards des analystes fouilleurs pénétrants de la réalité. […] Terrible question, je le sais, à laquelle pourtant on ne saurait échapper, dès qu’on admet dans l’histoire littéraire des apogées, des déclins, des renaissances !

1321. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

le premier mot qui s’échappa de sa bouche Fut deux fois : Merci, merci, ô mon cher cœur189 ! […] » Et il laissa échapper son épée. […] Il y a un dogme complet, minutieux, qui barre toutes les issues ; nul moyen d’échapper ; après cent tours et cent efforts, il faut venir tomber sous une formule.

1322. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

M. de Vigny se fit donc tchilibi français, se renferma en lui-même avec sa mère et quelques amis, et laissa, de temps en temps, s’échapper quelques vers qui ne ressemblaient à rien de ce qui avait paru jusque-là. […] Ses regards, éblouis par des Soleils sans nombre, N’apercevaient d’abord qu’un abîme et que l’ombre, Mais elle y vit bientôt des feux errants et bleus Tels que des froids marais les éclairs onduleux ; Ils fuyaient, revenaient, puis s’échappaient encore ; Chaque étoile semblait poursuivre un météore ; Et l’Ange, en souriant au spectacle étranger, Suivait des yeux leur vol circulaire et léger. […] Le feu couve sourdement et lentement dans ce cratère, et laisse échapper ses laves harmonieuses, qui d’elles-mêmes sont jetées dans la divine forme des vers.

1323. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Si j’y ai ajouté quoi que ce soit de ma façon, ce sont les fautes qui ont échappé à mon attention. […] — répétait Birouk d’une voix haletante, — tu ne m’échapperas pas… — Je me précipitai dans cette direction, et après avoir trébuché plus d’une fois j’arrivai sur le lieu du combat. […] Ce trait de mœurs des peuples neufs est trop saillant pour avoir échappé à Tourgueneff.

1324. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

— Non, monsieur, je n’oublierai rien ; on sera bien content. » Elle s’échappa comme un oiseau de sa cage ; et le vieux David, les yeux pétillants de joie, s’écria : « Voilà ce qu’on peut appeler une jolie petite fille, et qui fera bientôt une bonne petite femme de ménage, je l’espère. […] S’approchant aussitôt du clavecin, il l’ouvrit et passa les doigts sur ses touches jaunes : un son grêle s’échappa du petit meuble, et le bon Kobus, en moins d’une seconde, revit les trente années qui venaient de s’écouler. […] Au même instant, Schoûltz amenait une petite femme rondelette, du plus beau roux qu’il soit possible de voir, mais gaie, souriante, et qui lui sauta brusquement au coude, comme pour l’empêcher de s’échapper.

1325. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Protégé par quelques missionnaires qui y vivaient, il échappa avec peine à la rapacité des brigands qui se disputaient ces provinces, arriva en Géorgie, royaume tantôt moscovite, tantôt persan, et s’arrêta à Tiflis, auprès du gouverneur envoyé là d’Ispahan pour régir ce pays tributaire de la Perse. C’est à Tiflis qu’il jeta un coup d’œil sur l’ensemble du royaume qu’il venait de traverser avec tant de périls, et qu’il peignit les gouvernements anarchiques auxquels il échappait enfin. […] Enfin, voyant qu’on les serrait de près et qu’elles ne pouvaient plus échapper, elles se sauvèrent à Acalziké, dont le pacha les prit sous sa protection.

1326. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

* * * — Se trouver en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là, à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour présent, juger le journal, remuer le passé, comme si l’on tisonnait l’histoire, faire jaillir au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie, sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; avoir la sensation de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées, qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées, comme avec la chaleur d’une poignée de main ; s’épanouir dans cette expansion de tous, et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant ! […] * * * — L’homme peut échapper à la langue qu’il parle.

1327. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Puis, tandis que les critiques s’acharnent sur la préface et les érudits sur les notes, il peut arriver que l’ouvrage lui-même leur échappe et passe intact à travers leurs feux croisés, comme une armée qui se tire d’un mauvais pas entre deux combats d’avant-postes et d’arrière-garde. […] Ce que nous appelons le laid, au contraire, est un détail d’un grand ensemble qui nous échappe, et qui s’harmonise, non pas avec l’homme, mais avec la création tout entière. […] C’est le moment où sa chimère lui échappe, où le présent lui tue l’avenir, où, pour employer une vulgarité énergique, sa destinée rate.

1328. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

On peut lui reprocher aussi d’être tombé dans la puérilité du détail et d’avoir laissé échapper des points essentiels. […] Pigault-Lebrun, Victor Ducange, à l’occasion Paul de Kock, beaucoup d’autres m’échappent, en étaient les représentants. […] Rien ne lui échappe, ni les entreprises véreuses ni les situations embarrassées.

1329. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Un bruit éclatant me fait regarder à ma gauche, c’est celui d’une chute d’eaux qui s’échappent d’entre des plantes et des arbustes qui couvrent le haut d’une roche voisine, et qui se mêlent en tombant aux eaux stagnantes du torrent. […] Mon secret m’est échappé et il n’est plus temps de recourir après. […] Je voyais de toutes parts les ravages de la tempête ; mais le spectacle qui m’arrêta, ce fut celui des passagers qui épars sur le rivage, frappés du péril auquel ils avaient échappé, pleuraient, s’embrassaient, levaient leurs mains au ciel, posaient leurs fronts à terre ; je voyais des filles défaillantes entre les bras de leurs mères, de jeunes épouses transies sur le sein de leurs époux ; et au milieu de ce tumulte, un enfant qui sommeillait paisiblement dans son maillot ; je voyais sur la planche qui descendait du navire au rivage une mère qui tenait un petit enfant pressé sur son sein, elle en portait un second sur ses épaules, celui-ci lui baisait les joues ; cette femme était suivie de son mari, il était chargé de nippes et d’un troisième enfant qu’il conduisait par ses lisières ; sans doute ce père et cette mère avaient été les derniers à sortir du vaisseau, résolus à se sauver ou à périr avec leurs enfans.

1330. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Dites-moi des douceurs, en déguisant votre voix. » L’épreuve était au-dessus de mes forces ; le secret que je gardais depuis près de trois ans m’échappa subitement, mon cœur se serait brisé s’il avait porté deux minutes de plus son fardeau. […] Et, pendant que des cris échappaient à la dame, pendant qu’elle fondait en larmes et que la pauvre bête expirait, le Roi continuait sa promenade, enchanté de ce qu’il venait de faire, se dandinant un peu plus que de coutume et riant comme le plus gros paysan aurait pu le faire. […] C’est, en même temps que le récit d’une guerre terrible, l’étude par croquis, par mots échappés, d’un pays que nous connaissons mal ou seulement par les récits officiels de la guerre de 1877. […] Les détails abondent dans ce livre, par là difficile à résumer : le mouvement déjà sensible de la Révolution qui s’achemine n’échappe pas à de Maistre ; il manifeste déjà son horreur pour Voltaire, de qui il devait écrire : Je voudrais lui faire élever une statue… par la main du bourreau. […] Flammarion ne précise pas ; la catastrophe est inévitable, une dépêche de la planète Mars nous l’annonce, grâce aux progrès de la science ; mais ces progrès mêmes deviennent la source du désespoir de la race humaine qui a le malheur de prévoir le sort terrible auquel elle ne peut pas échapper.

1331. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

La plus grande partie du peuple échappe encore aux tortures d’écouter les messieurs qui récitent des livres. […] Mais le secret de toutes les origines nous échappera éternellement. […] Mais presque aussitôt créées, elles lui ont échappé. […] Aujourd’hui, un Casanova ne vaincrait que des femmes ou des filles ; la jeune fille lui échapperait. […] Une de ces jeunes filles a échappé au fléau.

1332. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Quand l’un des chiens de M… s’oublie en sa présence, le maître, ne pouvant deviner quel est celui qui a la digestion incivile, administre une volée d’énergiques représentations à toute la meute, qui s’échappe alors par toutes les issues. […] La semaine passée, encore, comme un rayon de soleil venait de luire, — profitant du moment où l’ingénieur Chevalier, son geôlier, avait le dos tourné, le mercure, — parvenu au plus haut degré de l’exaspération, — a voulu s’échapper du thermomètre, — comme autrefois Latude de la Bastille. […] Au milieu de cette improvisation plaisante, un de ses amis s’était échappé, fouillant tous les coins et recoins de la maison, pour tâcher d’allumer son cigare. […] Il laisse échapper tout haut ses impressions par des demi-mots, des gestes qui attirent sur lui l’attention des voisins […] Émile Augier, emporté par sa véritable nature, s’échappait quelquefois du préau de l’école du bon sens, et s’aventurait à faire de la poésie buissonnière.

1333. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Un soldat malade, accoudé au parapet, laisse échapper : « C’est pitié de voir cela !  […] Nous échapperons peut-être aux Prussiens. […] Par acquit de conscience, et comme dans le jeu d’un rôle, une de ces femmes laisse-t-elle échapper : « C’est bien triste !  […] Un cadavre qu’on hisse dans un fourgon, et dont un homme retient, à deux mains, la cervelle prête à s’échapper du crâne, presque décalotté. […] Il était grand et lourd, le mort, et, ainsi qu’une chose inerte, échappait à ses efforts, et s’en allait à droite et à gauche.

1334. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

A l’heure où Paris laissait échapper cette occasion d’une soirée superbe, la ville autrichienne la saisissait avec une ardeur qui l’honore. […] Le monde bariolé de la comédie italienne court à travers ces scènes comme des mimes méridionaux échappés en pleine Gaule. […] Quelqu’un a dit, à propos de misanthropie, avec assez de justesse, que les femmes ne sont jamais atteintes par la misanthropie : jeunes, elles lui échappent par le cœur, elles ont toujours à aimer ; plus avancées en âge, elles lui échappent encore, car elles se consolent du présent par les souvenances du passé. […] Il tend sa main à la main de marbre sans une émotion, sans un tremblement, et il me semble l’entendre murmurer comme un autre Ajax : J’en échapperai malgré les dieux. […] C’est assez, vous pourriez vous échapper.

1335. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

L’art grossier étoit chez tous les hommes ; des traits sublimes ont échappé par-tout à la nature dans tous les tems : mais remuer les esprits de toute une nation polie, plaire, convaincre & toucher à la fois, cela ne fut donné qu’aux Grecs. […] Un homme a eu le bonheur d’échapper à un piége, & n’en est quelquefois que plus malheureux ; on ne peut pas dire de lui qu’il a éprouvé la félicité. […] On tend un piége avec finesse, on en échappe avec subtilité ; on a une conduite fine, on joue un tour subtil ; on inspire la défiance, en employant toûjours la finesse. […] Les sentimens qui échappent à une ame qui veut les cacher, demandent au contraire les expressions les plus simples. […] Et comment dans la nécessité pressante d’échapper à Hérode lui auroit-il été enjoint d’aller de Nazareth en Egypte, c’est-à-dire de retourner à Jérusalem où étoit Hérode, & de passer du côté de Bethléem où ce prince devoit chercher sa proie, afin de traverser toute la terre d’Israël & le royaume de Juda, pour chercher l’Egypte à l’autre bout ; car on sait que c’est là le chemin.

1336. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Renan2 comprendre le roman dans ses dédains exquis, auxquels si peu de choses échappent. […] Ainsi un homme qui marche à l’intérieur d’une maison, si nous regardons du dehors, apparaît successivement à chaque fenêtre, et dans les intervalles nous échappe.

1337. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

D’ailleurs les grandes métamorphoses de l’Humanité ne se font pas si vite qu’il ne reste longtemps des masses d’hommes et des peuples entiers aux défenseurs des religions déchues : si la France leur échappe, il leur reste l’Espagne, la Belgique, l’Irlande : ainsi, quand les villes échappaient aux dieux du Paganisme, les habitants des bourgs devinrent les païens.

1338. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

A côté des esprits timides ou stériles, qui ne songeaient qu’à échapper à des écueils de grammaire, d’autres, en suivant naïvement leurs pensées, rencontraient, par l’analogie, des beautés nouvelles de langage, et les hasardaient dans quelque écrit, où souvent les lecteurs croyaient les revoir plutôt que les voir pour la première fois. […] Il en est de même des vérités très délicates, d’une pratique restreinte aux esprits d’élite, lesquelles échapperaient à une attention ordinaire, si nous n’en étions avertis par quelque particulier du style.

1339. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Toutes les fois qu’il ouvre la bouche, l’orchestre laisse échapper un gargouillement drolatique, une épigramme des clarinettes, une médisance des bassons, une bouffonnerie des tubas, une facétie des cors en sourdine. […] Et, derechef, une cantilène d’enivrement s’échappe de ses lèvres, de laquelle Sachs, émerveillé, transcrit les divines syllabes.

1340. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Nous sommes dans un paysage printanier, au milieu d’une prairie parsemée des premières fleurs, à la lisière d’une forêt ombreuse, d’où s’échappe une source claire. […] L’Art doit représenter nettement et rendre consciente à tous la Nécessité inconsciente de la Nature, afin que, la connaissant, nous y puissions échapper (p. 19 à 21). « Mais le seul créateur de l’œuvre artistique est le Peuple : l’artiste peut seulement saisir et exprimer la création inconsciente du Peuple. » (p. 22).

1341. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Pour échapper au contraste de l’activité et de la passivité, auquel vient aboutir l’analyse psychologique, certains psychologues veulent réduire toute la conscience à des états de conscience, à des faits de conscience, à des phénomènes de conscience. […] On n’échappe pas pour cela au contraste de l’action subie et de la réaction exercée : parce qu’on a transféré toute l’activité au pôle objectif, l’activité n’est pas pour cela supprimée.

1342. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

* * * — Je voudrais trouver des touches de phrases, semblables à des touches de peintre dans une esquisse : des effleurements et des caresses, et pour ainsi dire, des glacis de la chose écrite, qui échapperaient à la lourde, massive, bêtasse syntaxe des corrects grammairiens. […] Et il laisse échapper, sur la note d’une profonde tristesse : « Au fond, je ne referai plus jamais un roman qui remuera comme L’Assommoir, un roman qui se vendra comme Nana ! 

1343. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Du jour où la nature, au néant arrachée, S’échappa de tes mains, comme une œuvre ébauchée,             Qu’as-tu vu cependant ? […] « Petit charbon tombé d’un foyer de comète « Que sa rotation arrondit en planète, « Qui du choc imprimé continue à flotter, « Que mon œil oublierait aux confins de l’éther « Si, des sables de feu dont je sème ma nue, « Un seul grain de poussière échappait à ma vue ?

1344. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Dans son genre et dans le cercle qu’il s’est tracé, il a de bonnes et utiles remarques de détail, et il justifie pleinement, quand il écrit, l’axiome de son temps qu’il professe avec Condillacj : « En s’appliquant à parler avec précision, on s’habitue à penser avec justesse. » Ses conversations étaient d’une tout autre nature et échappaient à cette loi ; bien qu’il y parlât fort net, je ne sais s’il en pensait toujours plus justement.

1345. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

quand ils virent la riche et belle flotte, qui avait si peu perdu pour attendre, surgir à toutes voiles et passer bientôt tout près d’eux, « ils en eurent si grande honte, dit Villehardouin, qu’ils n’osèrent se montrer » ; et le comte de Flandre ayant envoyé une barque pour les reconnaître, un des soldats non chevaliers, qui était parmi les transfuges, se laissa couler dedans, et cria de là à ceux qu’il abandonnait : « Je vous tiens quittes de tout ce que je laisse à bord, mais je m’en veux aller avec ceux-là qui m’ont tout l’air de devoir conquérir du pays. » Ce soldat, qui s’échappait d’avec les fugitifs pour s’en revenir avec les conquérants, fut reçu à merveille, on le peut croire ; on l’accueillit comme l’enfant prodigue87, et cet épisode anima la traversée.

1346. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Ramond n’a rien de cette mollesse et de cette fadeur de teinte que nous avons souvent remarquée chez quelques écrivains de l’époque finissante de Louis XVI ; il a plutôt quelque chose de l’apprêt et de la roideur qui s’attacheront aux nobles tentatives de l’art régénéré, et auxquels Chateaubriand à sa manière n’échappe pas plus que David.

1347. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Nous sommes perdus : toute notre fiance, après Dieu, est en lui ; il n’est possible qu’il en échappe. » Montluc avait donc à persuader d’abord qu’il était guéri et le mieux portant des gouverneurs.

1348. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Quant à ce qui est dit, en un autre endroit du journal, de plus fort et de plus dur encore contre Fénelon, que Bossuet « tranche avoir été toute sa vie un parfait hypocrite », ce sont de ces paroles regrettables qui peuvent échapper dans le laisser-aller d’un tête-à-tête familier, et que celui même qui les a prononcées ne reconnaîtrait pas s’il les voyait produites au grand jour : faiblesses et traces de l’humanité, qu’il est fâcheux que Le Dieu ait recueillies et qu’il ait comme trahies en les révélant.

1349. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Et Roger que ce nous négligemment jeté a déjà mordu au cœur, et que bouleverse la seule attente, se met à décrire le conflit fiévreux de sentiments contraires, de terreurs, d’espoirs confus et d’amertumes qui lui bouillonnaient dans le cerveau : Mais ce n’était rien auprès de ce que je devais éprouver à cette table trop étroite où, sous les nappes de clarté qui s’échappaient des globes des lampes, nul convive ne pouvait dérober à personne les pensées qui plissaient son front.

1350. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

J’aime jusqu’à ces cierges dont la lumière étouffée laissait échapper une fumée blanche, image d’une vie subitement éteinte.

1351. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Aucune difficulté ne lui échappe ; aucune recherche ne lui coûte : il ne laisse rien passer.

1352. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Cela ne vaudrait-il pas mieux surtout que d’être exposé, dans ces guerres sans danger, à dépenser plus d’ardeur qu’il ne faut, à être soi-même injuste en se piquant de trop de justice sur de minces sujets, à offenser quand on ne voulait que se défendre, à laisser échapper des traits d’une vivacité disproportionnée, et qu’ensuite on regrette, contre tel de ses confrères distingués10 dont on a toujours goûté infiniment l’esprit et dont la raillerie elle-même est agréable ?

1353. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Je n’ai point connu les sœurs de M. de Lamartine, mais je me suis toujours souvenu d’un mot échappé à M. 

1354. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Savez-vous qu’un Gœthe ainsi souffrant sous sa pourpre et laissant échapper, à défaut de larmes, quelques gouttes de son sang, nous va mieux qu’un Gœthe demi-dieu et impassible !

1355. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

M. et Mme de Senfft, en effet, « — cette dernière toujours portée par l’impulsion de son cœur du côté de la moins bonne fortune d’où tant d’autres sont tentés de se retirer, — se rapprochèrent davantage alors du prince de Talleyrand à qui ce mouvement n’échappa point, et avec lequel leurs relations n’ont plus jamais varié dans les retours de faveur et de disgrâce qu’il a éprouves dans la suite.

1356. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Il est, au reste, entre deux feux pour cette mission de Varsovie ; il n’échappe aux dédains de M. de Senfft que pour tomber sous les épigrammes acérées de l’abbé de Pradt qui ne les lui épargne pas.

1357. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Son idéal au fond, son rêve de bonheur, si elle était libre, si elle n’avait pas son père qu’elle ne peut quitter, ce serait la vie religieuse, celle du cloître ; son vœu secret d’âme recluse lui échappe toutes les fois qu’elle a occasion d’assister à quelque cérémonie de couvent : « Je n’aime rien tant que ces figures voilées, ces âmes toutes mystiques, toutes pétries de dévotion et d’amour de Dieu… Ces robes noires ont quelque chose d’aimanté qui vous attire. » Les plaisirs célestes, les joies mystiques la ravissent quand elle peut en goûter sa part, surtout à Noël, « la plus douce fête de l’année. » Les idées de vocation reviennent la tenter toutes les fois qu’elle va à Albi, au couvent du Bon-Sauveur, ou qu’elle assiste aux offices dans cette belle cathédrale : « Quel bonheur si cela devait durer toujours, si, une fois entrée dans une église, on pouvait n’en plus sortir !

1358. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer, seraient réparties dans toutes les parties basses du désert, dans le lac Mœris, le lac Maréotis et le Fleuve sans eau, jusqu’aux Oasis et beaucoup plus loin du côté de l’ouest, — du côté de l’est, dans les Lacs Amers et toutes les parties basses de l’Isthme de Suez et des déserts entre la mer Rouge et le Nil ; un grand nombre de pompes à feu, de moulins à vent, élèveraient les eaux dans des châteaux d’eau, d’où elles seraient tirées pour l’arrosage ; de nombreuses émigrations, arrivées du fond de l’Afrique, de l’Arabie, de la Syrie, de la Grèce, de la France, de l’Italie, de la Pologne, de l’Allemagne, quadrupleraient sa population ; le commerce des Indes aurait repris son ancienne route par la force irrésistible du niveau… » Le mot de civilisation ne s’est pas rencontré encore ; il n’échappe qu’à la fin et aux dernières lignes, comme le résumé de tout le tableau ; il introduit avec lui et implique l’idée morale, qui a pu paraître jusque-là assez absente : « Après cinquante ans de possession, la civilisation se serait répandue dans l’intérieur de l’Afrique par le Sennaar, l’Abyssinie, le Darfour, le Fezzan ; plusieurs grandes nations seraient appelées à jouir des bienfaits des arts, des sciences, de la religion du vrai Dieu ; car c’est par l’Égypte que les peuples du centre de l’Afrique doivent recevoir la lumière et le bonheur ! 

1359. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Il lui en échappe quelques-uns quand il sent près de lui quelqu’un de confiance.

1360. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

— Même en laissant le propos du comte-abbé pour ce qu’il est, c’est-à-dire pour une légèreté malheureuse, il demeure très grave et à sa charge : de tels mots, qui partent sans réflexion, jugent ceux auxquels ils échappent.

1361. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

La plainte, le désir infini, l’espoir, en cette vie humaine toujours gênée, avaient besoin de se raconter au cœur, de s’articuler plus nettement que par de purs sons qui trop vite échappent.

1362. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Un lithologiste allemand, discutant, dans un de ses écrits, sur une pierre qu’il n’avait pu jusqu’alors découvrir, s’exprime ainsi en parlant d’elle : Cette nymphe fugitive échappe à nos recherches  ; et s’exaltant ensuite sur les propriétés d’une autre pierre, il s’écrie en la nommant : Ah Sirène !

1363. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Meynert, poursuivent aujourd’hui ces recherches anatomiques au moyen de préparations délicates et de forts grossissements, et certainement ils ont raison : car la géographie de l’encéphale est encore dans l’enfance ; on en démêle à peu près les grandes lignes, deux ou trois massifs notables, l’arête du partage des eaux ; mais le réseau des routes, des sentiers et des stations, l’innombrable population remuante qui sans cesse y circule, y lutte et s’y groupe, tout ce détail, prodigieusement multiple et fin, échappe au physiologiste.

1364. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Ce qui échappait complètement à Ronsard, à Racine, à Fénelon, à Voltaire, nous avons la joie et l’orgueil de le voir et de le sentir.

1365. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

La forêt vaste éclate en voix vers les prairies D’où les papillons lourds proviennent brûler l’or De leur vol nocturne autour des torches fleurie ; Et des rires, abeilles dont l’essaim vif mord Et harcèle ceux qui les voulurent captives, M’assaillent dans la nuit si l’une échappe encor ; Toutes ont défié les folles tentatives De mains à saisir l’ombre inerte où fuit l’odeur De leurs cheveux épars et des chairs évasives.

1366. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Lorsqu’il a été manié par des acteurs de quelque génie, il a fait les délices des plus grands rois et des gens du meilleur goût ; c’est un caméléon qui prend toutes les couleurs. » Arlequin, s’il n’était jadis naïf qu’à demi, devient alors tout à fait scélérat : « Arrogant dans la bonne fortune, dit M Jules Guillemot48, traître et rusé dans la mauvaise ; criant et pleurant à l’heure de la menace et du péril, en un mot Scapin doublé de Panurge, c’est le type du fourbe impudent, qui se sauve par son exagération même, et dont le cynisme plein de verve nous amuse précisément parce qu’il passe la mesure du possible pour tomber dans le domaine de la fantaisie. » Arlequin, avec ses nouvelles mœurs, court fréquemment le risque d’être pendu ; il n’y échappe qu’à force de lazzi.

1367. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Notez qu’entre les pièces qui me sont le plus chères à cette heure il en est qui m’échappèrent à la première audition.

1368. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Les réactions plus compliquées qui exigent une initiative de la part du sujet échappent aux procédés de dressage et à l’automatisme des habitudes acquises.

1369. (1890) L’avenir de la science « XII »

Il devait préférer la méthode plus commode de la « science orientale, libre, isolée, volant plus qu’elle ne marche, présentant dans toute sa personne quelque chose d’aérien et de surnaturel, livrant au vent ses cheveux qui s’échappent d’une mitre orientale, son pied dédaigneux ne semblant toucher la terre que pour la quitter ».

1370. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Là eut lieu un entretien dont les détails précis nous échappent, aucun témoin n’ayant pu le redire aux disciples, mais dont la couleur paraît avoir été bien devinée par Jean.

1371. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Et sur tous ces débris joignant leurs mains d’argile, Étourdis des éclairs d’un instant de plaisir, Ils croyaient échapper à cet être immobile Qui regarde mourir.

1372. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

À aucun moment il n’échappe à l’hégélianisme, qui lui paraît une inévitable nécessité de toute pensée allemande.

1373. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Sa jeunesse échappa aux légèretés et aux dérèglements qui sont l’ordinaire écueil : sa nature, à lui, était très capable d’orages ; ces orages, il les eut, il les épuisa dans la sphère de la science, et surtout dans l’ordre des sentiments religieux.

1374. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

C’est ainsi que cette saveur du siècle d’Auguste échappe au moment où l’on était le plus avide et le plus près de la ressaisir.

1375. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Quelquefois il lui venait un aperçu et comme une lueur de cet argument merveilleux qu’il poursuivait ; mais, quand il voulait le fixer et le saisir, il le sentait fuir et s’échapper.

1376. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

L’intelligence aura aussi le sentiment que, dans la dispersion et le désordre, elle s’évanouit, s’échappe à elle-même, par une syncope de conscience.

1377. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Il y a pourtant un certain nombre d’ouvrages qui, par les nécessités mêmes de leur genre, doivent échapper à toute bizarrerie, et ne prétendre qu’à la précision du titre.

1378. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

C’est en France qu’il composa ce Sentimental Journey, que, pour mon compte, je mets bien au-dessus de Tristram Shandy, et dont l’observation est si fine et si voluptueusement délicate qu’elle échappe absolument aux gros yeux de congre cuit des sots.

1379. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Le mouvement égalitaire n’échappe naturellement pas à ces explications.

1380. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

On a souvent remarqué que l’Italie n’a guère connu la féodalité, ou du moins ne l’a pas vécue aussi complètement que d’autres pays ; les villes (communi) y échappent, et ce sont ces villes qui commandent à l’évolution générale ; de là une persistance de l’idée romaine qui explique à son tour que la Renaissance se prépare en Italie, et non ailleurs, dès le xive  siècle.

1381. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

et des couronnes, et du vin qui date de la guerre des Marses, si quelque amphore a pu échapper aux courses de Spartacus.

1382. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

D’autre part, l’âme primitive nous échapperait complètement aujourd’hui s’il y avait eu transmission héréditaire des habitudes acquises. […] Tel animal « fera le mort » pour échapper à un ennemi ; mais c’est nous qui désignons ainsi son attitude ; quant à lui, il ne bouge pas parce qu’il sent qu’en remuant il attirerait ou ranimerait l’attention, qu’il provoquerait l’agression, que le mouvement appelle le mouvement. […] La conception scientifique du tremblement de terre, à laquelle James fait allusion dans ses dernières lignes, sera la plus dangereuse de toutes tant que la science, qui nous apporte la vision nette du péril, ne nous aura pas fourni quelque moyen d’y échapper. […] A la connaissance proprement scientifique, qui accompagne la technique ou qui s’y trouve impliquée, elle adjoint, pour tout ce qui échappe à notre action, la croyance à des puissances qui tiendraient compte de l’homme. […] Reconnaître un homme consiste à le distinguer des autres hommes ; mais reconnaître un animal est ordinairement se rendre compte de l’espèce à laquelle il appartient : tel est notre intérêt dans l’un et dans l’autre cas ; il en résulte que notre perception saisit les traits individuels dans le premier, tandis qu’elle les laisse presque toujours échapper dans le second.

1383. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

De toutes les fleurs écloses au soleil du Midi sous la main des deux grands paganismes, il cueillait librement les plus parfumées et les plus exquises, mais sans se tacher à la boue qui les entourait. « Je prends Dieu à témoin, écrivait-il plus tard, que dans tous ces endroits où il y a tant de licence, j’ai vécu pur et exempt de toute espèce de vice et d’infamie, portant continuellement dans mon esprit cette pensée, que si je pouvais échapper aux regards des hommes, je ne pouvais pas échapper à ceux de Dieu434. » Au milieu des galanteries licencieuses et des sonnets vides, tels que les sigisbés et les académiciens les prodiguaient, il avait gardé sa sublime idée de la poésie ; il songeait à choisir un sujet héroïque dans l’ancienne histoire d’Angleterre, et se confirmait dans l’opinion435 « que celui qui veut bien écrire sur des choses louables, doit, pour ne pas être frustré de son espérance, être lui-même un vrai poëme, c’est-à-dire un ensemble et un modèle des choses les plus honorables et les meilleures ; n’ayant pas la présomption de chanter les hautes louanges des hommes héroïques ou des cités fameuses, sans avoir en lui-même l’expérience et la pratique de tout ce qui est digne de louange436. » Entre tous il aimait Dante et Pétrarque à cause de leur pureté, se disant à lui-même « que si l’impudicité dans la femme que saint Paul appelle la gloire de l’homme est un si grand scandale et un si grand déshonneur, certainement dans l’homme, qui est à la fois l’image et la gloire de Dieu, elle doit être, quoique communément on ne pense pas ainsi, un vice bien plus déshonorant et bien plus infâme437. » Il pensa « que toute âme noble et libre doit être de naissance et sans serment un chevalier », pour la pratique et la défense de la chasteté, et garda sa virginité jusqu’à son mariage438. […] Il hait cette main ignorante et commandante, et réclame la liberté d’écrire au même titre que la liberté de penser. « Quel avantage un homme a-t-il sur un enfant à l’école, si nous n’avons échappé à la férule que pour tomber sous la baguette d’un imprimatur, si des écrits sérieux et élaborés, pareils au thème d’un petit garçon de grammaire sous son pédagogue, ne peuvent être articulés sans l’autorisation tardive et improvisée d’un censeur distrait ? […] Montons plus loin et plus haut, à l’origine des choses, parmi les êtres éternels, jusqu’aux commencements de la pensée et de la vie, jusqu’aux combats de Dieu, dans ce monde inconnu où les sentiments et les êtres, élevés au-dessus de la portée de l’homme, échappent à son jugement et à sa critique pour commander sa vénération et sa terreur ; que le chant soutenu des vers solennels déploie les actions de ces vagues figures, nous éprouverons la même émotion que dans une cathédrale quand l’orgue prolonge ses roulements sous les arches, et qu’à travers l’illumination des cierges les nuages d’encens brouillent les formes colossales des piliers.

1384. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

À peine a-t-il échappé aux guerres de religion et à l’isolement féodal, il fait la révérence et dit son mot. […] À la cour de Louis XIV, on l’eût pris pour un échappé de séminaire ; Voltaire l’appellerait curé de village. […] Ils ne se rebutent pas de toute cette poussière d’érudition qui s’échappe des in-folio pour leur voler sur la figure. […] Les artifices oratoires deviennent entre ses mains des instruments de supplice, et lorsqu’il lime ses périodes c’est pour enfoncer plus avant et plus sûrement le couteau ; avec quelle audace d’invective, avec quelle roideur d’animosité, avec quelle ironie corrosive et brûlante, appliquée sur les parties les plus secrètes de la vie privée, avec quelle insistance inexorable de persécution calculée et méditée, les textes seuls pourront le dire : « Milord, écrit-il au duc de Bedford, vous êtes si peu accoutumé à recevoir du public quelque marque de respect ou d’estime, que si dans les lignes qui suivent un compliment ou un terme d’approbation venait à m’échapper, vous le prendrez, je le crains, pour un sarcasme lancé contre votre réputation établie ou peut-être pour une insulte infligée à votre discernement862… » « Il y a quelque chose, écrit-il au duc de Grafton, dans votre caractère et dans votre conduite qui vous distingue non-seulement de tous les autres ministres, mais encore de tous les autres hommes : ce n’est pas seulement de faire le mal par dessein, mais encore de n’avoir jamais fait le bien par méprise ; ce n’est pas seulement d’avoir employé avec un égal dommage votre indolence et votre activité, c’est encore d’avoir pris pour principe premier et uniforme, et, si je puis l’appeler ainsi, pour génie dominant de votre vie, le talent de traverser tous les changements et toutes les contradictions possibles de conduite, sans que jamais l’apparence ou l’imputation d’une vertu ait pu s’appliquer à votre personne, ni que jamais la versatilité la plus effrénée ait pu vous tromper et vous séduire jusqu’à vous engager dans une seule sage ou honorable action863. » Il continue et s’acharne ; même lorsqu’il le voit tombé et déshonoré, il s’acharne encore.

1385. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Tous les états intermédiaires lui échappent et elle ne les connaît que de science acquise et indirectement. […] L’attention volontaire peut agir aussi sur l’expression des émotions, si nous avons de fortes raisons de ne pas traduire un sentiment au dehors et un pouvoir d’arrêt suffisant pour l’empêcher ; mais elle n’agit que sur les muscles, sur eux seuls ; tout le reste lui échappe. […] Leur importance pour faire mieux comprendre le mécanisme de l’attention normale n’échappera pas au lecteur. […] On les voit passer des semaines ou des mois entiers presque sans sommeil, en proie à une fureur violente, et la seule explication de cette énorme dépense musculaire semble celle-ci : par suite d’une anomalie de la sensibilité des muscles, ces malades n’ont pas le sentiment de la fatigue. » En même temps, les sensations, les images, les idées, les sentiments se succèdent avec une telle rapidité qu’ils atteignent à peine le degré de la conscience complète et que souvent, pour le spectateur, le lien d’association qui les relie échappe totalement. « C’est, disait l’un d’eux, une chose vraiment effroyable que la vitesse extrême avec laquelle les pensées se succèdent dans l’esprit. » Ainsi, en résumé, dans l’ordre mental, une course désordonnée d’images et d’idées ; dans l’ordre moteur, un flux de paroles, de cris, de gestes, de mouvements impétueux.

1386. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Il y a en elle un mystère qui échappe à votre analyse et que peut seule vous révéler l’âme qui possède et subit cette fatalité, tantôt délicieuse, tantôt effroyable. […] Dans tous les cas, nous portons la peine de nos erreurs ou de celles d’autrui, car la nature n’échappe pas, comme la société, à la loi de solidarité. […] À coup sûr l’absurde et l’odieux de ces doctrines catholiques n’ont point échappé à la sagacité et à la loyauté de M. de Lamartine. […] … Tous, nous lui pèserons de notre poids sur l’âme jusqu’à ce que l’immortalité s’en échappe… et tant qu’elle sentira, nous la mordrons ! […] (Tous s’échappent.)

1387. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Mais il n’en est pas de même pour les philosophes ; ils repoussent encore le déterminisme physiologique, et pensent que certains phénomènes de la vie lui échappent nécessairement : par exemple, les phénomènes moraux. […] Nous affirmons ce fait et nous disons : Bien loin que les manifestations de l’âme échappent au déterminisme physico-chimique, elles s’y trouvent assujetties étroitement et ne s’en écartent jamais, quelle que soit l’apparence contraire. […] On aurait tort de penser que la graine dans ce cas présente une vie tellement atténuée que ses manifestations échappent à l’observation par le degré même de leur affaiblissement. […] C’est, en un mot, le règne de la loi du plus fort, loi qui n’a rien de nécessaire, puisque les hasards du combat vital peuvent faire que tel être échappe à la mort, tandis que tel autre succombe. […] Ranvier, rapprochait du type cellulaire un élément qui semblait y échapper, la fibre nerveuse.

1388. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Quand Bayle laisse échapper une préférence entre les systèmes, et semble incliner, c’est du côté du manichéisme. […] Le mot lui échappe, qui porte loin. […] Il échappe. […] Un geste caractéristique ne lui échappe point ; l’homme lui échappe. […] C’est par là que, de tous côtés, il échappe à ses faiblesses.

1389. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Je ne puis donc, en dernière analyse, échapper à cette conclusion toujours la même : il n’y a d’homme vraiment désintéressé que celui qui fait au corps social dont il est membre, à la fonction qu’il remplit, à l’idée utile qu’il représente et défend, le sacrifice complet de sa propre personne, sachant bien, sentant bien que l’idée, la fonction, la collectivité sont seules vivantes, et que l’individu n’a qu’un moment, qu’un semblant d’existence. […] Le beau-frère du directeur Rewbell s’appelait Rapinat ; il avait un secrétaire et un adjoint nommés Forfait et Grugeon : ces trois hommes étaient d’affreux sacripants, soit qu’il y eût une sorte de prédestination dans leurs noms de coquins, soit qu’ils n’aient pas pu échapper à leur obsession. […] avec tout le bois mort, plus d’un arbre vivace qui ne méritait pas ce destin et eût dû échapper à sa fureur aveugle. […] Le roman, ayant un public composé surtout de dames, que leur éducation de « singes sacrés » et de poupées Savantes rend incapables d’une autre nourriture, commence souvent par avoir une fortune folle qui échappe au gouvernement de l’esprit ; la ligue des critiques contre M.  […] Lorsqu’une œuvre échappe en quelque mesure et par quelque côté à sa juridiction, il faut s’en réjouir ; car ce point qui a la bonne fortune de rester hors de la prise de l’histoire est la partie vraiment vivante par où l’œuvre nous touche, nous émeut et nous intéresse immédiatement.

1390. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Pour échapper au trouble qui l’envahissait, il eut recours aux jeûnes et aux prières. […] Si le passé nous échappe, pouvons-nous saisir le présent ? […] À peine si cinq cents de ces héros échappèrent. […] Je crains que le troisième sens ne m’échappe à jamais. […] Imaginez, en effet, qu’André, échappé aux bourreaux, ait vécu sous le consulat.

1391. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

L’organisme social n’échappe pas à cette loi. […] Renan n’a-t-il pas échappé toujours à ce danger. […] Flaubert n’a pas échappé à cette loi essentielle de l’intelligence humaine. […] C’était comme une odeur de cuisine nauséabonde qui s’échappe par un soupirail. […] Il n’en garde pas moins ce prestige singulier, presque indéfinissable, qui ajoute un poids considérable à chaque parole tombée de sa bouche, à chaque écrit échappé de sa plume.

1392. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

» et, quelque effort que nous fassions pour en échapper, il nous fatigue, mais il nous y rengage de plus belle. […] Nous qui le croyons comme lui, nous ne nous pardonnerions pas de laisser échapper l’occasion de le dire ; — et, si nous le pouvons, de le prouver. […] Il est surtout une phrase qui leur échappe à tous, et dont je ne puis croire qu’ils aient mesuré la portée. […] Que de nuances qui nous échappent ! […] Et, généralement, rhétorique, tout ce qu’ils sentent bien qui va, non pas du tout contre la vérité, — puisqu’elle nous échappe, hélas !

1393. (1876) Romanciers contemporains

Il va, revient en arrière, s’avance de nouveau, s’échappe par un sentier. […] Mais on n’échappe pas à sa destinée. […] Mais presque aussitôt elles s’échappent des sabords et de toutes les issues avec une impétuosité qu’excite encore un vent formidable. […] De loin en loin quelques graves incorrections de langage ont échappé à l’attention de l’écrivain. […] Rien ne lui échappe, à la condition qu’il se donne le temps de tout approfondir.

1394. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Il lui échappe sans cesse des jugements qui le rattachent à la vieille Critique et dans lesquels il prend l’œuvre d’art comme l’objet unique de son analyse, sans tenir compte de l’auteur. […] À cette définition, qui va très loin, Pascal échappe. […] C’est ici le lieu de rappeler la célèbre formule de Freud sur les névroses, considérées comme le refuge où nos sentiments par trop contraints, « censurés », dit le psychologue viennois, s’échappent et se développent. […] Regardez par quel admirable élan il s’en échappe. […] Le récit qu’il a publié en 1905 sous ce titre : Jeanne Michelin, chronique du dix-huitième siècle, révèle un lecteur très averti à qui n’a pas échappé l’extrême intérêt du document rédigé par Soulavie sur la Vie privée du maréchal de Richelieu.

1395. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Si leur action s’exagère, les images plus intenses échappent à la répression que d’ordinaire les sensations leur imposent et se changent en hallucinations. […] Chaque image peut passer par tous les degrés d’éclat et de pâleur ; à une certaine limite, elle échappe à la conscience, sans que pour cela elle s’éteigne et sans que nous sachions jusqu’à quel degré d’affaiblissement elle peut descendre. — On peut donc comparer l’esprit d’un homme à un théâtre d’une profondeur indéfinie, dont la rampe est très étroite, mais dont la scène va s’élargissant à partir de la rampe. […] Ce qui se passe dans la boîte échappe à notre observation et n’est atteint que par nos conjectures.

1396. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« La maison est située de manière, écrit-il à son ami Socrate, à Vaucluse, qu’il est facile d’y échapper aux visites des importuns. […] Son âme s’échappe tout entière par ses yeux et se répand comme une atmosphère de flamme autour des traits de cette charmante apparition.

1397. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Les délicatesses qui retenaient son ami Horace loin des puissants du jour lui échappaient. […] Les offres d’Auguste et le danger de la cour, à laquelle il venait d’échapper, rendirent plus fréquents et plus longs ses séjours dans sa métairie de la Sabine ; il la décrit avec un charme toujours nouveau.

1398. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Je m’étais figuré une vieille dévote bien rechignée ; je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, des formes séduisantes ; rien n’échappa au rapide coup d’œil du jeune prosélyte, car je devins à l’instant le sien, sûr qu’une religion prêchée par de tels missionnaires ne saurait manquer de mener en paradis. […] Mais la faveur des grands, de la cour, du public, éteignait ces foudres officielles, et faisait échapper Rousseau à ces vaines proscriptions, plus ostentatoires que dangereuses.

1399. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Il lui échappa, non en la bravant, mais en la fuyant, dans les plus sombres souterrains de Notre-Dame. […] Aucun homme n’échappe à la loi générale ou particulière ; l’argile se brise, mais ne fléchit pas.

1400. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Ils ont étudié curieusement les lois, les actes publics, les formules judiciaires, les contrats privés ; ils ont discuté, classé, analysé les textes, fait dans les actes le partage du vrai et du faux avec une étonnante sagacité ; mais le sens politique de tout cela, mais ce qu’il y a de vivant pour l’imagination sous cette écriture morte, mais la vue de la société elle-même et de ses éléments divers, soit jeunes, soit vieux, soit barbares, soit civilisés, leur échappe, et de là résultent les vides et l’insuffisance de leurs travaux. […] Les plus grands écrivains n’échappent pas à cette haine du sabre pour la pensée.

1401. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

À peine en eut-il joui, qu’un désir s’éveilla en lui, indiciblement pressant : « celui d’échapper à l’éclat éblouissant de la pureté absolue » et de descendre là où habitent les hommes pour chercher « l’ombre intime d’une étreinte amoureuse. » Son œil anxieux, dit-il, avait encore découvert la femme : « la femme à laquelle du gouffre de sa mer de souffrance aspirait le Hollandais32 » ; la femme, étoile du ciel, dont le rayonnement, parvenant jusque dans la grotte du Venusberg, avait enseigné à Tannhaeuser le chemin des sphères éthérées, et qui, maintenant, des hauteurs radieuses, attirait Lohengrin sur le sein chaud de la terre. […] Cela est inexact : il s’en va parce que, du moment que la jeune fille a échappé à l’enchantement de sa personne, en réalité il n’existe plus pour elle ! 

1402. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Car, altier artiste des littératures, le comte de Villiers de l’Isle-Adam est de ceux à qui nulle intimité de songe n’a échappé, mais dont cette sublime monomanie d’une âme littéraire a fait tous les rêves choses littéraires, et mots. […] Dans la Tétralogie, le symbolisme général de l’Or et de la Charité (die Liebe, et primitivement Freia) expliquait l’homme par l’opposition des deux contraires désirs, fin et cause de tous actes sensibles ; métaphysique un peu factice et à laquelle d’ailleurs échappent des parties du quadruple drame.

1403. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Dans cette espèce d’hébétement, on voit les actrices venir, sortir, comme à un appel invisible, aller à quelque chose de lointain, d’où s’échappe un murmure profond comme une clameur d’océan. […] Nous nous sauvons de là, et nous nous apercevons que notre système nerveux, dont l’état nous avait à peu près échappé dans la contention de toutes nos facultés d’observation, ce système nerveux secoué et émotionné de tous les côtés à notre insu, a reçu le coup de tout ce que nous avons vu.

1404. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Tes yeux cherchent en vain, tu ne peux échapper, Et Dieu de toutes parts a su t’envelopper, Ce Dieu que tu bravais en nos mains t’a livrée : Rends-lui compte du sang dont tu t’es enivrée. […] Elle avait l’amitié agréable, mais périlleuse ; tout ce qui s’y fiait était, tôt ou tard, déçu ; le roi lui-même, sur son lit de mort, n’échappa pas à cette loi commune : dès qu’il fut dans un état désespéré, elle le quitta pour Dieu.

1405. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Ainsi, avec joie, j’échappe à l’envie ; et, sorti d’une grande tempête, j’ai jeté le câble dans le port, où désormais, élevant mon cœur par d’innocentes pensées, j’offrirai à Dieu mon silence, comme autrefois ma parole. […] On peut le croire : l’âme contemplative, la noble imagination si charmée des arts de la Grèce avait encore pénétré bien peu dans la sévérité du dogme chrétien, lorsque lui échappaient ces vers.

1406. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Dans le dernier discours sur Jouffroy, il me semble avoir sacrifié plus que d’ordinaire à la mise en scène ; il y a mêlé un but étranger au sujet même qu’il étudiait ; il a voilé en un sens et drapé son personnage ; il a pris parti, plus finement qu’il ne convient, pour la malice et la rancune des grands sophistes et des grands rhéteurs dont l’histoire sera un jour l’un des curieux chapitres de notre temps, intolérants et ligués comme les encyclopédistes, jaloux de dominer partout où ils sont, et qui, depuis que l’influence décidément leur échappe, s’agitent en tous sens pour prouver que le monde ne peut qu’aller de mal en pis.

1407. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Le vert y domine, cru, brillant, étalé, mais les fraîcheurs de l’endroit s’y reconnaissent aussi, et aussi ces menus détails, ces neuves finesses qui échappent souvent au rapide regard de l’artiste exercé, pour se laisser retracer par l’amateur inhabile, réduit qu’il en est à se faire scrupuleux par gaucherie et copiste par inexpérience.

1408. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Mais, si huit mois d’éloignement et de silence peuvent vous paraître une satisfaction suffisante, je me flatte, monseigneur, que votre bonté achèvera de se laisser toucher en considérant que mon caractère est tout à fait exempt de malignité, que, dans plus de quarante volumes que j’ai donnés au public, il ne m’est rien échappé qui soit capable d’offenser, et que l’accident même qui fait mon crime n’a été qu’un aveugle sentiment de charité et de compassion pour un malheureux camarade d’école que j’ai voulu secourir dans sa misère après l’avoir aidé longtemps de ma propre bourse… M. le curé de Saint-Sulpice et Mlles de Raffé du Palais-Bourbon, qui l’ont assisté aussi à ma recommandation, ne me refuseront pas ce témoignage.

1409. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Daru, que cette quatrième croisade n’eut guère pour résultat définitif que d’agrandir la suprématie maritime de Venise : « Le reste de l’Europe y perdit beaucoup de vaillants hommes et de monuments précieux, et n’y gagna que l’introduction de la culture du millet, dont le marquis de Montferrat envoya des graines en Italie. » S’il était vrai que la prise de Constantinople par les croisés et le sac de cette ville eussent fait périr, comme il est trop probable, des monuments de l’ancienne littérature grecque qui avaient échappé précédemment, il faudrait, nous les lettrés et les disciples des doctes, le déplorer avec regret, avec amertume : mais vouloir que toute une époque soit heureuse de la manière dont nous l’entendons, et que les chevaliers du siècle de Villehardouin conçoivent l’emploi de leurs facultés et de leur temps comme les hommes de cabinet de nos jours, c’est demander beaucoup trop.

1410. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Je suis loin d’être là-dessus d’un avis aussi formel, et de croire que le règne de Louis XVI n’aurait pu, en se prolongeant, échapper au danger de mourir d’ennui sans une révolution.

1411. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Au reste, pour apprécier l’ensemble de la conduite et du caractère du président Jeannin en ces années, on n’a rien de mieux à faire que de s’en rapporter au témoignage décisif du cardinal de Richelieu, un moment son adversaire, qui le vit de près à l’œuvre, qui lisait et relisait ses Négociations manuscrites durant son exil d’Avignon, et à qui il échappe à son sujet des paroles d’une admiration généreuse : On ne saurait assez dire de ses louanges, écrit-il à l’occasion de sa mort ; mais il faut faire comme les cosmographes qui dépeignent dans leurs cartes les régions tout entières par un seul trait de plume.

1412. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Il y a quelque chose qui, dans une étude sur Bailly, dominera toujours sa vie et ses ouvrages : c’est sa mort, son courage calme et céleste 66, sa patience, ce mot simple et sublime, le seul tressaillement suprême qui échappa à sa conscience de juste et d’homme de bien.

1413. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il y a une limite qu’il ne franchit point : la dignité, la grâce, la délicatesse même, la noblesse naturelle, Léopold Robert a atteint tout cela, et il en est maître ; mais ce qui lui échappe, c’est la facilité et l’allégresse, cette aisance qui fait dire qu’on est chez soi.

1414. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

        Dégage-toi d’un sein rebelle,         Franchis ta barrière mortelle ;     Vole, ô mon âme, à la voûte éternelle, Holocauste échappé des flammes de l’amour !

1415. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

On l’aimait parce qu’il ne lui échappait jamais rien contre personne ; qu’il était doux, complaisant, sûr dans le commerce, fort honnête homme, obligeant, honorable ; mais d’ailleurs si plat, si fade, si grand admirateur de riens, pourvu que ces riens tinssent au roi, ou aux gens en place ou en faveur ; si bas adulateur des mêmes, et, depuis qu’il s’éleva, si bouffi d’orgueil et de fadaises, sans toutefois manquer à personne, ni être moins bas, si occupé de faire entendre et valoir ses prétendues distinctions, qu’on ne pouvait s’empêcher d’en rire.

1416. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Dante fier, sombre, bizarre et dédaigneux dans cette partie de son poème, apparaît différent à mesure qu’on avance ; son côté tendre, affectueux et touché, ses trésors de mélodie et de tendresse, les nombreuses comparaisons d’abeilles, de colombes et d’oiseaux, qui lui échappent si souvent et qui s’envolent sous ses pas, toutes ces grâces plus fraîches à sentir dans un génie grandiose et sévère, appartiennent aux deux dernières parties de son poème et s’y développent par degrés.

1417. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Thiers, plein de son objet, et y portant, comme il fait toujours, le courant et le torrent de sa pensée, raconte comment et pourquoi il aime l’histoire, la connaissance complète des faits, leur exposé exact et lumineux, comment un seul point resté douteux l’excite à la recherche et à la découverte, comment une seule erreur qui lui échappe le remplit de confusion.

1418. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le maréchal, bien qu’il eût de l’amitié pour Villars et qu’un jour, qu’il le voyait en habit brodé d’or s’exposant sur une brèche, il s’échappa jusqu’à lui dire : « Jeune homme, si Dieu te laisse vivre, tu auras ma place plutôt que personne », ne fit point dans le cas présent ce qu’il désirait : « Et cela fut heureux pour le marquis de Villars, ajoutent les Mémoires ; car d’être demeuré dans cette brigade lui valut d’avoir la meilleure part à quatre actions considérables qui se passèrent dans le reste de cette campagne. » Ce petit désagrément, qui tourna si bien, servit dans la suite à le persuader tout à fait de sa bonne chance et le guérit pour toujours de demander ni même, à ce qu’il assure, de désirer d’être plutôt dans un corps que dans un autre.

1419. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Si la conversation de Mme Cornuel et de Mme Olonne est de lui, il n’a pas échappé à l’un des inconvénients et des défauts de son moment, au pédantisme et au dogmatique dans la galanterie.

1420. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Michel de Marolles est de ceux-là ; il échappe à l’oubli, et bien lui prend de pouvoir dire avec le plaisant et incomparable héros de Rabelais : « Je suis né et ai été nourri jeune au jardin de France, c’est Touraine. » — La gloire !

1421. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Comme il a peur, même au milieu des résultats les plus implacables et du triomphe aveugle des éléments, que la grande proie ne s’échappe !

1422. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Même pour les plus honnêtes gens, la politique n’est pas une œuvre de saints ; elle a des nécessités, des obscurités que, bon gré, mal gré, on accepte en les subissant ; elle suscite des passions, elle amène des occasions de complaisance pour soi-même auxquelles nul, je crois, s’il sonde bien son âme après l’épreuve, n’est sûr d’avoir complètement échappé ; et quiconque n’est pas décidé à porter sans trouble le poids de ces complications et de ces imperfections inhérentes à la vie publique la plus droite fera bien de se renfermer dans la via privée et dans la spéculation pure. » Quoi qu’il en soit, on vit là un de ces beaux duels où l’appétit des ambitions et la passion du jeu firent taire la prudence.

1423. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Mais vraiment, poussé à ce point pour un vœu assurément bien innocent qui m’est échappé, je serais tenté de répondre : En vérité, Tocqueville a d’étranges amis politiques ; ils ont l’air de l’aimer mieux mort que vivant, parce que c’est un beau thème pour eux et un saint de plus.

1424. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Biot, géomètre et physicien des plus distingués, nous échappe par ces aspects principaux.

1425. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Quelquefois il ne peut s’empêcher d’être étonné de ses excès et de ses fougues : malgré son chagrin, il sourit des paroles extravagantes qui lut ont échappé.

1426. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Le gigantesque auquel il s’échappait dans l’action se contient dans le discours, maintenant que la tentation prochaine ou éloignée n’y est plus.

1427. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Le travail secret et souterrain échappe en partie.

1428. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

vous n’avez pu échapper à cette loi ; il ne suffit pas d’exploits brillants et d’un jour, il faut une bonne conduite continue.

1429. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Il commence par y définir ingénieusement « ce genre d’écrire, où l’espace, dit-il, est si court, où la moindre négligence est un crime, où rien d’essentiel ne doit échapper, où ce qui n’est pas nécessaire est un vice, et où il faut encore essayer de plaire au milieu de la sévérité du laconisme et des entraves de la précision. » Il veut que l’abréviateur ne soit pas dispensé de recourir aux originaux, aux titres, aux chartes, pas plus que l’historien ; qu’il soit un garant sérieux.

1430. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Il ne lui dissimula pas que, si elle persévérait dans la funeste voie où elle était engagée, elle se perdrait infailliblement ; qu’en vain tenterait-elle de nous échapper ou de nous braver ; qu’elle ne pourrait être sauvée ni par la Russie qui était trop loin, ni par l’Autriche qui était trop timide, ni par l’Angleterre qui ne pouvait mettre à son service que ses vaisseaux.

1431. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

M. de Gisors y échappa ; il avait trop peu vécu encore dans cette Cour de Louis XV, la plus méchante des Cours.

1432. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

César à Rome, Louis XIV chez nous97, ont échappé à cette légende épique qui tend à se former, comme un nuage, autour du front des grands dominateurs ou conquérants, pour les hausser encore.

1433. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Dès le début, il voudrait nous faire croire qu’il est en lutte avec le génie comme avec Protée ; mais tout cet attirail convenu de regard furieux, de ministre terrible, de souffle invincible, de tête échevelée, de sainte manie, d’assaut victorieux, de joug impérieux, ne trompe pas le lecteur, et le soi-disant inspiré ressemble trop à ces faux braves qui, après s’être frotté le visage et ébouriffé la perruque, se prétendent échappés avec honneur d’une rencontre périlleuse.

1434. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Puisque j’ai eu occasion de nommer Parny et que probablement j’y reviendrai peu, qu’on me permette d’ajouter une note écrite sur lui en toute sincérité dans un livret de Pensées : « Le grand tort, le malheur de Parny est d’avoir fait son poëme de la Guerre des Dieux : il subit par là le sort de Piron à cause de son ode, de Laclos pour son roman, de Louvet jusque dans sa renommée politique pour son Faublas, le sort auquel Voltaire n’échappe, pour sa Pucelle, qu’à la faveur de ses cent autres volumes où elle se noie, le sort qu’un immortel chansonnier encourrait pour sa part, s’il avait multiplié le nombre de certains couplets sans aveu.

1435. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

La jurisprudence romaine, qu’il était trop heureux de faire recevoir à des peuples qui ne connaissaient que le droit des armes, devint une étude astucieuse et pédantesque, et absorba la plupart des savants échappés à la théologie.

1436. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Ce qui a empêché l’Italie d’être une nation, la subdivision des états, lui a donné du moins la liberté suffisante pour les sciences et les arts ; mais l’unité du despotisme d’Espagne, secondant l’active puissance de l’inquisition, n’a laissé à la pensée aucune ressource dans aucune carrière, aucun moyen d’échapper au joug.

1437. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

En peignant les jouissances de l’étude et de la philosophie, je n’ai pas prétendu prouver que la vie solitaire soit celle qu’on doit toujours préférer : elle n’est nécessaire qu’à ceux qui ne peuvent pas se répondre d’échapper à l’ascendant des passions au milieu du monde ; car on n’est pas malheureux en remplissant les emplois publics, si l’on n’y veut obtenir que le témoignage de sa conscience ; on n’est pas malheureux dans la carrière des lettres, si l’on ne pense qu’au plaisir d’exprimer ses pensées, et qu’à l’espoir de les rendre utiles ; on n’est pas malheureux dans les relations particulières, si l’on se contente de la jouissance intime du bien qu’on a pu faire, sans désirer la reconnaissance qu’il mérite ; et dans le sentiment même, si n’attendant pas des hommes la céleste faculté d’un attachement sans bornes, on aime à se dévouer sans avoir aucun but que le plaisir du dévouement même.

1438. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Mais nous savons que la sensation ordinaire est un composé, qu’elle diffère de ses éléments, que ces éléments échappent à la conscience, qu’ils n’en sont pas moins réels et actifs, et, dans cette pénombre inférieure et profonde où naît la sensation, nous trouverons peut-être le lien du monde physique et du monde moral.

1439. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Si madame de Sévigné avait échappé à la hache de ces jours terribles, c’est ainsi qu’elle eût survécu.

1440. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Les précieuses écrivaient des lettres ; la phrase de Mme de Montausier, ou de Mme de Sablé, ou de Mme de Maure, est encore un peu compassée, cérémonieuse, à longue queue : cependant avec elles, et surtout avec Voiture, qui a laissé échapper de délicieux billets, on sent que l’on marche vers l’excellent style, sans relief et sans couleur, mais d’un trait si juste et si fin, que Bussy et Mme de la Fayette emploieront.

1441. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Raynal est au-dessous d’Helvétius : il a fait un livre à tiroirs, d’où s’échappent à tous propos toutes sortes de déclamations contre Dieu, la religion et le gouvernement ; il invitait ses amis à lui en apporter, et Diderot s’est fait son fournisseur.

1442. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Tartuffe peut s’éloigner de ce type ; il peut être mal bâti et avoir toutefois une flamme aux yeux, une grâce dans le sourire, une animation dans la physionomie, un je ne sais quoi de persuasif ou de dominateur, qui échappe à cette dondon de Dorine.

1443. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Échapper à l’une ou il l’autre de ces éventualités est assez improbable.

1444. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Pour Francis Vielé-Griffin, il se déclara perfidement incompétent : « J’aime mieux croire qu’il m’échappe car s’il n’y a chez lui que ce que j’ai compris, il n’y a pas grand-chose24. » Cette ruse de dialectique impressionna si fort Oscar Wilde qu’il me la rappelait en sortant : « N’avez-vous pas entendu, observai-je, ce que Mendès disait lorsque nous sommés entrés ?

1445. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Son caractère aimable, et sans doute une de ces ravissantes figures 226 qui apparaissent quelquefois dans la race juive, faisaient autour de lui comme un cercle de fascination auquel presque personne, au milieu de ces populations bienveillantes et naïves, ne savait échapper.

1446. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

En 1682 (M. de Ciron étant mort depuis deux ans), une fille de l’Enfance, Mlle de Prohenques, qui s’échappa de la maison par escalade, et qui se plaignit de mauvais traitements, suscita une affaire grave dont les ennemis s’empressèrent de profiter.

1447. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Il ne manque pas d’esprits sérieux, solides et dignes d’estime, qui parce que la société vient d’échapper à un péril ou va bientôt avoir à en affronter un autre, voudraient tout rallier autour d’eux dans le combat, tout discipliner, et imposer à chaque écrivain une mission, une faction dans l’œuvre commune.

1448. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

On fit venir mon médecin… Heureusement, ce mot échappé par mégarde dans cette image de douleur fait un effet étrange et qu’une parole à la Bossuet n’égalerait pas.

1449. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Une remarque qui ne saurait échapper à ceux qui ont lu ces Voyages, et qui en ressort sans aucune jactance, c’est à quel point le général Marmont, partout où il se présente, est accueilli avec considération, traité avec estime, et combien, par son esprit comme par ses manières, il soutient dignement à l’étranger la réputation de l’immortelle époque dont il est l’un des représentants.

1450. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

On peut dire de ce point de vue que l’homme de génie, lorsqu’il invente, manifeste la seule action de la loi du devenir et qu’il échappe à tout Bovarysme.

1451. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Nous parlerons moins encore, n’est-ce pas, des quelques échappés de l’école primaire, s’appelant Décadents.

1452. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Les lecteurs reconnurent en ces livres frustes le don suprême de susciter des émotions nouvelles ; l’on y sentit une âme farouche et sombre, interprétant le spectacle de la vie et l’agitation des âmes en sensations primitives ou barbarement subtiles ; et le sérieux profond, l’âpre signification humaine d’écrits aussi tristes qu’Humiliés et offensés, Crime et châtiment n’échappa à aucun de ceux que sollicite le penchant à comprendre ce qu’ils lisent.

1453. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Si j’avais eu à composer un tableau pour une chambre criminelle, espèce d’inquisition d’où le crime intrépide, subtil, hardi s’échappe quelquefois par les formes, qui immolent d’autres fois l’innocence timide, effrayée, alarmée ; au lieu d’inviter des hommes, devenus cruels par habitude, à redoubler de férocité par le spectacle hideux des monstres qu’ils ont à détruire, j’aurais feuilleté l’histoire ; au défaut de l’histoire, j’aurais creusé mon imagination jusqu’à ce que j’en eusse tiré quelques traits capables de les inviter à la commisération, à la méfiance, à faire sentir la faiblesse de l’homme, l’atrocité des peines capitales et le prix de la vie.

1454. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

On voit dans la galerie de Versailles beaucoup de morceaux de peinture dont le sens enveloppé trop misterieusement, échappe à la penetration des plus subtils, et passe les lumieres des mieux instruits.

1455. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Car, à tout le moins, chacun de nous n’y prend part que pour une infime partie ; nous avons une multitude de collaborateurs et ce qui se passe dans les autres consciences nous échappe.

1456. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

C’est par la lecture d’une pièce qu’on échappe aux prestiges de la représentation ; c’est en lisant que l’on n’est plus dupe du jeu des acteurs, de l’énergie de leur déclamation et de la sorte d’empire et de possession qu’ils exercent sur nous.

1457. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Toutes nos théories ne leur sont évidemment pas applicables ; ils le savent, ils en triomphent, et c’est par là qu’ils s’échappent ; mais ils ont tort, car leur style, encore une fois, n’est pas tout le style, et c’est ce qu’ils n’avoueront jamais.

1458. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Le sentiment de l’avenir repose d’ordinaire dans le passé ; s’il est vrai que le passé nous échappe, nous ne pouvons pas en tirer des documents pour l’avenir.

1459. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

C’est par l’intensité prodigieuse de l’accent que ce livre échappe au reproche d’uniformité dans la couleur.

1460. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Les fourberies, les bassesses et les efforts de Scapin-Larreau pour avoir son miracle, pour le lancer, pour le rattraper quand il lui échappe, pour le relancer, pour le tenir droit devant l’opinion, comme un Saint-Sacrement, pour le faire passer à l’état incontesté et fulgurant, enveloppent tous les personnages du roman, qui sont nombreux, comme d’un moulinet de roueries, et, pendant toute la durée du livre, c’est dans ce vaste moulinet qu’on les voit.

1461. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Je crois que l’art est soumis à la loi morale, à laquelle n’échappe aucune manifestation de l’activité humaine, et qu’il y est d’autant mieux soumis que l’œuvre d’art est une œuvre d’enseignement, une leçon, un acte d’influence et de direction sur autrui.

1462. (1887) La banqueroute du naturalisme

Le tonnerre de Dieu d’un charretier, — si l’on me permet de donner un exemple, — est à peu près l’équivalent du sacrebleu d’un petit bourgeois ; et devers Belleville ou Montmartre, on dit d’un ami qu’il est f… avec le même sentiment de commisération que l’on dit en un autre endroit « qu’il n’en échappera pas. » Et c’est bien plus qu’une distinction de rhétorique, c’est une nuance de psychologie, si l’on considère, après le pouvoir propre, la valeur relative des mots.

1463. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

De retour dans sa patrie, dans la philosophique et opulente Angleterre, à l’époque même où les lettres accréditées y conduisaient au pouvoir, où les hommes d’État étaient de grands orateurs, William Pitt, Fox, Burke, où les lettrés se mêlaient partout aux affaires, Gibbon, Shéridan, Glover, Macpherson, il vécut loin du parlement, loin du monde, dans la modeste chambre d’un collège, où il semblait perpétuer la vie laborieuse d’étudiant, et d’où il s’échappait quelques mois, chaque année, pour voyager dans son pays, en étudier les beautés naturelles, les vieux monuments, et renouveler en soi la religion de la patrie comme celle de la science.

1464. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Il n’y a que cela d’intéressant au monde, puisque la vérité nous échappe, et que ceux qui croient la tenir la voient si sombre. […] Je ne lui reprocherai point d’être immorale ; elle échappe à cette accusation par l’outrance parfois vaudevillesque et l’ironie des peintures. […] Comme le sublime, le bouffon échappe aux formules et aux prévisions. […] Et, ici, j’ai à faire une observation dont l’importance capitale n’échappera point au scrupuleux directeur du Théâtre-Libre. […] Mais, en regardant Jan de plus près, elle lui trouve si mauvaise mine qu’elle a pitié de lui… Et alors Jan laisse échapper l’aveu de son amour.

1465. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

À peine si la jeune fille, de loin en loin, laisse échapper une plainte discrète, mais amoureuse encore. […] Par un autre effet de la même cause, tout ce que les suggestions des sens, ce que son intérêt, ce que sa colère ou les fumées de son amour-propre lui dictent, il le dit, il le laisse échapper, sans plus d’égards aux convenances qu’aux règles, à sa propre dignité qu’au bon sens, à la vérité même qu’à la logique. […] La solidarité qui lie les générations des hommes ne nous permet jamais d’échapper entièrement à l’influence de ceux qui nous ont précédés ; et à cet égard, on ne s’expliquerait pas plus Leconte de Lisle sans Hugo, que Racine autrefois sans Corneille, ou Malherbe encore sans Ronsard. […] Nous avons rapproché ses intentions de quelques-unes au moins des intentions de Renan, et nous avons dit en passant que l’analogie n’en avait pas échappé à quelques-uns de leurs contemporains. […] On louait surtout, dans Cruelle Énigme ou dans Crime d’amour, une imitation des mœurs mondaines qui semblait en être une approbation ; et le vrai, le solide mérite en échappait aux plus bruyants admirateurs du romancier.

1466. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Comment y échapperaient-ils ? […] Comment eût-elle échappé à la fascination qui rendit Chateaubriand irrésistible à toutes les femmes ? […] C’est à peine s’il lui échappe çà et là quelques traits d’admiration pour la beauté de cette sœur chérie, à la façon indiscrète de Lamartine dans ses Confidences. […] Il n’y a guère que La Fontaine qui échappe à cette loi et chez qui le travail ne se sente pas. […] Pas un de nos maîtres contemporains n’a échappé à l’espèce d’intoxication que dégage la lecture de Madame Bovary et de Salammbô.

1467. (1913) Poètes et critiques

L’image que nous offre cette page étudiée, dont l’intérêt n’a pas échappé aux lecteurs, est celle de la Suède intellectuelle. […] Il a dîné chez l’archevêque, le jour de l’ordination des jeunes pasteurs, et, d’un regard auquel bien peu de chose échappe, il a noté ce que la fête avait de curieux, ce qu’elle suggérait de réflexions, ce qu’elle offrait de heurts, de disparates. […] Par exemple le récit qu’Anders, au milieu d’un cercle de Lapons, accroupis près de lui et en ripaille, fait d’une terrible chasse aux loups et de sa lutte avec le plus grand de la bande : « Sans le clair de lune, le loup eût échappé ! […] Ce que l’on a mis en français des éminents romanciers d’outre-Manche, Thackeray et Dickens, ne lui échappe pas : il goûte encore plus Le Rouge et le Noir de Stendhal, la Chartreuse de Parme. […] Ces chefs-d’œuvre de facture, où l’on se flattait trop souvent d’échapper à la nature et de frauder la vérité, révèlent au regard, qu’une lumière aveuglante offusquait, qu’éclaire maintenant l’humble rayon de la cellule presque aussi bienfaisant que la lueur de l’au-delà, leur sotte ou vilaine grimace.

1468. (1898) La cité antique

Croyait-on que l’esprit immortel, une fois échappé d’un corps, allait en animer un autre ? […] Le soldat qui revenait de la guerre le remerciait de l’avoir fait échapper aux périls. […] La même religion qui obligeait l’homme à se marier, qui prononçait le divorce en cas de stérilité, qui, en cas d’impuissance ou de mort prématurée, substituait au mari un parent, offrait encore à la famille une dernière ressource pour échapper au malheur si redouté de l’extinction ; cette ressource était le droit d’adopter. […] De cette même place, suivant la tradition, les âmes des morts s’échappaient trois fois par an, désireuses de revoir un moment la lumière359. […] Il n’est pas surprenant que les républiques anciennes aient presque toujours permis au coupable d’échapper à la mort par la fuite.

1469. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Les trois quarts des faits échappent à cette façon de raconter. […] Vous sentez, à chaque instant, que l’Angleterre vous revient ou vous échappe, et vous n’êtes point disposé à écrire un drame, ni une comédie, ni un roman. […] « Aussitôt il rougit, et il me parut que ce mot lui était échappé malgré lui, tant il appliquait fortement son esprit aux choses qu’on disait. […] Ils se tournent en tous sens, ils font cent efforts pour s’échapper. […] Il a le parler haut et libre ; « il lui échappe d’abondance de cœur des raisonnements et des blâmes ».

1470. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Les murs tremblaient, le plafond l’écrasait ; et elle repassa par la longue allée en trébuchant contre les tas de feuilles mortes que le vent dispersait… Elle n’avait plus conscience d’elle-même que par le battement de ses artères, qu’elle croyait entendre s’échapper comme une assourdissante musique qui emplissait la campagne. […] La principale beauté de nos machines est l’apparence de la vie, et cette beauté ne peut guère être saisie que si elles sont en mouvement ; or précisément la reproduction du mouvement échappe à nos arts représentatifs : ceux-ci doivent donc renoncer à peindre tous les mécanismes qui n’ont pas, en plus de la beauté du mouvement, une sorte de beauté plastique. […] Parfois, je l’avoue, j’ai envié la fourmi, dont l’horizon est si étroit qu’elle est obligée de monter sur une feuille ou sur un caillou pour voir à un demi-pas devant elle : elle doit distinguer une foule de choses charmantes qui nous échappent entièrement ; pour elle, une allée sablée, une petite pelouse, une écorce d’arbre sont pleines de poésies inconnues pour nous. […] Chaque goutte d’eau, chaque souffle d’air est chargé de vies invisibles ; la nature qu’Orphée avait cru voir s’ébranler sur son passage, nous la sentons tous aujourd’hui palpiter émue sous nos pas, et l’antique légende devient une vérité scientifique : le roc vit, la forêt vit, des voix s’en échappent ; « J’entends ce que crut entendre Orphée », s’écrie V.  […] Hugo qui échappe aux lois du vers précédemment posées ?

1471. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Et qu’on ne croît pas que ce jugement énoncé sur Ossian soit une de ces méprises involontaires qui échappent quelquefois dans un ouvrage de quelque étendue ! […] L’arc et la flèche échappaient à la main du sauvage ; l’avant-goût des vertus sociales et des premières douceurs de l’humanité entrait dans son âme confuse. […] Elle veut échapper à l’ennui de la solitude, et retrouver dans ses lectures le charme des sociétés de Paris. […] Aussitôt qu’il eut porté de rang en rang l’ardeur dont il était animé, on le vit presque en même temps pousser l’aile droite des ennemis, soutenir la nôtre ébranlée, rallier les Français à demi vaincus, mettre en fuite l’Espagnol victorieux, et étonner de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups. […] Ce héros échappé des combats, « Solitaire habitant d’un asile champêtre, « Rarement dans les cours vient adorer un maître : « Il sait, sans les flatter, combattre pour ses rois, « Et semble importuné du bruit de ses exploits.

1472. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Les tentes ont des flaques d’eau dans leurs plis, et de la paille humide s’en échappe, de la paille laissant voir, dans l’intérieur des tentes, des morceaux de rouge, qui sont des soldats pelotonnés dormant. […] » Puis, me parlant de mon isolement sur cette terre, qu’il compare au sien, lorsqu’il était là-bas, il me prêche le travail pour y échapper, me berce d’une espèce de collaboration avec celui qui n’est plus, finissant par cette phrase : « Pour moi, je crois à la présence des morts, je les appelle les invisibles. » Dans le salon, le découragement est complet. […] Alors la pensée et la parole de Nefftzer montant et s’élevant, il reprend : « Moi je suis germain, complètement germain, je défends seulement la France par devoir, mais je ne m’abuse pas… Le jour n’est peut-être pas loin, où vous reverrez une République phocéenne, un grand-duché d’Aquitaine, un grand-duché de Bretagne… C’est la Saint-Barthélemy, soyez-en persuadés, qui amène, en ce moment, la fin de la France… si la France était devenue protestante, c’eût été à tout jamais la grande nation de l’Europe… Voyez-vous, dans les pays protestants, il y a une gradation entre la philosophie des classes supérieures et le libre examen des classes inférieures… en France, entre le scepticisme du haut et l’idolâtrie du bas, il y a un trou, un abîme… croyez que c’est cela qui tue la France. » Dans le café devenu obscur, envahi par les ténèbres, de cette grosse face jordanesque, rougeoyante sous la lumière crue de la chandelle, qui en fait saillir la chair épaisse et verruqueuse, de ce baragouin, par moments, incompréhensible, de cette parole rétive, qui sort comme d’éructations, s’échappent des pensées pleines de profondeur, des ironies, des paradoxes, presque de génie. […] Jeudi 1er décembre Rue de Tournon, à la clarté des bougies, courant sous une porte cochère, et éclairant de leurs lueurs voltigeantes la lividité d’une face, coiffée d’un mouchoir à carreaux, je vois descendre d’une tapissière, un corps raidi dans une immobilité de cadavre, et dont s’échappe un cri, à chaque tâtonnement des mains, qui le portent à l’ambulance. […] Burty me dit aujourd’hui qu’un général, dont j’ai oublié le nom, avait laissé échapper devant lui : « C’est le premier acte de notre agonie ! 

1473. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

C’est l’utilité sociale qui détermine pour lui non seulement la nature ou la valeur des lois, mais le bien ou le mal moral, mais la vérité même ; et ne lui est-il pas échappé d’écrire que, du mauvais principe de la négation de l’immortalité de l’âme, « les stoïciens avaient tiré des conséquences, non pas justes, mais admirables pour la société » ? […] Et d’Alembert enfin, dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, ne craindra pas d’écrire « que si les anciens eussent exécuté une Encyclopédie, comme ils ont exécuté tant de grandes choses, et que ce manuscrit se fût échappé seul de la fameuse bibliothèque d’Alexandrie, il eût été capable de nous consoler de la perte des autres ». […] Ce que l’esprit classique avait le plus énergiquement combattu dans le cartésianisme, c’était le dogme alors tout nouveau de la toute-puissance et de la souveraineté de la raison, cette raison qui croit « que deux et deux font quatre », et qui nie, quand elle ne se fait pas un jeu de le bafouer, tout ce qui échappe aux prises de ses déductions. « Taisez-vous, raison imbécile !  […] Les nuances des caractères leur échappent. […] Inconvénients de cette manière d’entendre l’histoire ; — et que Voltaire n’y a pas lui-même échappé.

1474. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Tous les efforts pour créer des ordres pauvres ne sont pas autre chose qu’un retour instinctif à l’esprit ancien de l’Église, et un effort pour retrouver contact avec le peuple, qui échappe. […] Au fond, et surtout depuis la Révolution et la perte des biens ecclésiastiques, l’Église est serve de qui la paie, et ne peut qu’échapper partiellement à ce servage ; le-secouer, jamais. […] Une chose assez curieuse : c’est que l’instinct de crédulité qui est dans l’homme s’est transporté, pour ainsi parler, de la religion à la science : « A cette époque où l’on cherche le dogme dans la science, la foule reçoit aveuglément, sans aucun examen, des décisions, et le nom seul de savant lui inspire une révérence superstitieuse. » Il suffisait donc que le prêtre fût savant, au courant de la science au moins, pour qu’il retînt à lui cette crédulité qui lui échappe et dont le savant va profiter. […] Mais désormais comment échapper à l’individualisme ? […] Il s’échappe à lui-même.

1475. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Peu de temps auparavant, il comptait encore échapper à ce joug que la société impose et se croyait fait pour le célibat. […] On ne voit pas assez ce qui fuit et ce qui s’échappe à travers les mailles du filet.

1476. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Pour échapper sans doute au reproche (si c’en est un) d’imitation et de ressemblance prochaine, pour qu’on ne dise pas qu’il s’est inspiré directement d’André Chénier, dont les poésies avaient été données par M. de Latouche en 1819. […] Quand il en fut à cet endroit de sa lecture, il en fit la remarque dans une parenthèse qui fut avidement saisie ; mais ce ne fut là qu’un incident, et le courant électrique se prononçait déjà dans l’assemblée, en vertu d’une influence à laquelle personne, parmi les présents, n’échappa.

1477. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

L’esprit, le cœur, voilà ce qui survit à tout, ou ce qui devrait survivre ; le retrouver, le montrer est une vraie joie : y ajouter même au besoin un peu du sien n’est pas défendu ; on supplée ainsi à ce qui nous échappe. […] Mme de Verdelin prétendait que je n’échapperais pas à la baguette ; mais il y a longtemps que le charme est fini et que je ne crains plus, tristes Amaryllidis iras : « Je suis libre, Seigneur, et je veux toujours l’être. » 74.

1478. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Jamais un poëte capable de porter ombrage et suspect de sonner la trompette d’alarme n’aurait ainsi échappé : André Chénier mérita de mourir. […] Enfin, de Londres, où il venait de traduire en dix-huit mois le Paradis perdu, il laissa échapper une seconde édition, très-augmentée, du poëme des Jardins, et l’Homme des Champs (1800), dont l’impression était retardée depuis trois ans.

1479. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Certes, s’ils se bornaient à railler ces esprits positifs et raisonneurs, qui, avec le calme sourire du bon sens triomphant, demandent à la poésie une fin pratique en dehors d’elle-même ou l’exposition logique d’une idée claire, renvoyant aux Petites-Maisons les Aristophane et les Shakespeare ; s’ils se bornaient comme Goethe à dire à ces sages : Vous oubliez que l’imagination a ses lois propres auxquelles la raison ne peut pas et ne doit pas toucher, que la fantaisie a la puissance et le droit d’enfanter des créations destinées à rester, pour la raison, des problèmes éternels, et qu’une production poétique est d’autant plus haute, plus large et plus profonde qu’elle échappe davantage à la mesure et à la portée de l’intelligence commune ; s’ils se bornaient à cela, certes il faudrait les remercier. […] La beauté n’est point saisissable pour l’entendement, point définissable ; mais l’âme peut aspirer à la posséder, et chercher la beauté, vivre avec les choses belles, c’est établir sa demeure dans une sphère qui est au-dessus des sens et même de l’intelligence ; c’est communiquer avec ce Dieu inconnu qui échappe à la pensée, et que le sentiment moral peut seul atteindre316.

1480. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Il n’y a ni bien, ni mal, ni vrai, ni faux, qui puisse échapper à sa lumière ; il entre par sa justice et par sa providence jusque dans les cachettes les plus ténébreuses de nos maisons ; il ne laisse ni le moindre bien sans récompense, ni le moindre mal sans châtiment… « Faites un calendrier, ô peuples ! […] Elle voit qu’on ne présente à l’empereur que des Mémoires écrits dans le style le plus savant et le plus relevé ; que ses édits et ordonnances sont des modèles de compositions ; qu’il reprend publiquement les gouverneurs de province des erreurs qui se trouvent dans leurs placets et les plus habiles docteurs des fautes qui leur échappent dans leurs ouvrages ; qu’il parle en maître dans des préfaces raisonnées sur les ouvrages qu’il fait faire et qu’il fait publier, et que tout ce qui sort de son pinceau est marqué au coin de l’immortalité.

1481. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

On le força à étudier la médecine, pour l’exercer à la pratiquer ensuite, à l’exemple de son père, dans quelque régiment du prince de Wurtemberg ; mais sa nature, quoique souple, échappait par l’imagination à cette tyrannie de l’école. […] Mais terrible est cette même force quand elle échappe à ses chaînes, quand elle suit sa violente impulsion, fille libre de la nature.

1482. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Ils s’interrompent de temps en temps pour rire ou pour jouer, car tout cela leur échappe. […] Je ne me souviens pas qu’il lui soit échappé une plainte, qu’elle ait crié tant soit peu sous la douleur qui la déchirait : nulle chrétienne n’a mieux souffert.

1483. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

N’y échappent que certaines œuvres inépuisables. […] Le temps est comparable à une étoffe sans couture ; la durée échappe à nos classifications, à la tyrannie de notre arithmétique, comme l’eau pure à la main qui essaye de la retenir.

1484. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Si quelque chose peut les faire réfléchir, ce sont des révélations supérieures sur l’homme et sur les gouvernements, comme il en échappe à Tacite, à Machiavel, à Montesquieu. […] Cette vérité ne pouvait échapper au sens profond de Lesage ; son livre n’a peut-être pas de beauté plus élevée et plus pénétrante.

1485. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Selon eux, c’est sous l’impulsion du plus impérieux des besoins, celui d’échapper au régime du loup mangeant l’agneau, que des hommes inégalement intelligents et forts ont consenti un certain jour à placer au-dessus d’eux soit un plus fort, soit une loi, qui les protégeât contre les périls de l’inégalité. […] Non, il n’y a jamais eu de société qui pût ainsi pervertir et dénaturer un homme ; non, pas même la société romaine, au temps où un Tacite, pour échapper aux délateurs de Domitien, pouvait bien tenir ses lèvres fermées et enfouir sa pensée, comme on enfouit son or en temps d’invasion, mais gardait intact ce sens moral par lequel « le plus grand peintre de l’antiquité117 » en est un des plus grands moralistes.

1486. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Puis enfin le symbolisme réfléchi, l’allégorie créée avec la conscience claire du double sens, lequel échappait complètement aux premiers créateurs de mythes. […] Le Père Bougeant échappait à l’argument, en supposant que les bêtes étaient des démons ; que, par conséquent, elles avaient péché.

1487. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

C’est là le danger de la nature du « Barbare », comme les Grecs, malgré ses raffinements de luxe et de mœurs, appelèrent toujours méprisamment l’Asiatique ; il échappe au raisonnement et à la logique. […] Elle se retranche dans son couvent militaire, en sort parfois pour égorger un peuple, tuer une cité libre, comme ses éphèbes s’échappaient, la nuit, pour chasser l’Ilote ; puis elle rentre dans sa cité stérile qui ne produit que du fer, des sentences et de la terreur.

1488. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Vous échappez à ces idées dans la pierre des grandes villes. […] Le soir, dans l’impossibilité du travail, nous remontons tous deux, en fumant des pipes, à nos souvenirs de collège, alternant de la voix et de la mémoire : Jules contant le collège Bourbon, et ce terrible professeur de sixième, cet Herbette qui fit toute son enfance heureuse, malheureuse, le poussant sans miséricorde aux prix de grands concours, puis, plus tard, ce professeur de seconde, auquel il déplut pour faire autant de calembours que lui, et aussi mauvais, enfin cette bienheureuse classe de rhétorique, où il fila presque toute l’année, fabriquant en vers un incroyable drame d’Étienne-Marcel, sur la terrasse des Feuillants, averti de l’heure de la rentrée à la maison par la musique de la garde montante se rendant au Palais-Bourbon, et les rares fois où il se montrait au collège, passant la classe à illustrer Notre-Dame-de-Paris de dessins à la plume dans les marges : Edmond contant ce Caboche, cet excentrique professeur de troisième du collège Henri IV, qui donnait aux échappés de Villemeureux, à faire en thème latin le portrait de la duchesse de Bourgogne de Saint-Simon, cet intelligent, ce délicat, ce bénédictin un peu amer et sourieusement ironique, ce profil original d’universitaire, resté dans le fond de ses sympathies, comme un des premiers éveilleurs chez lui de la compréhension du beau style, de la belle langue française mouvementée et colorée, ce Caboche qui, un jour, à propos de je ne sais quel devoir, lui jeta cette curieuse prédiction : « Vous, monsieur de Goncourt, vous ferez du scandale ! 

1489. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Nous relisons le morceau de la phtisie, ce morceau qui ne serait pas, si nous ne l’avions pas écrit, fixé et animé, ce morceau sorti du dessert de Magny, échappé, sur nos interrogations, au cerveau tout à la fois nuageux et plein d’éclairs, et à la langue brouillée de Robin. […] Ce matin à déjeuner, encore un peu blessé, comme l’éloge de Franck était encore dans sa bouche, il m’échappe, en un moment d’irritation maladive, dont je ne suis plus le maître : « Eh bien !

1490. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Après le départ de Zola, il s’est échappé, à me dire, avec une amertume concentrée : « Mon cher Edmond, il n’y a pas à dire, c’est le four le plus carabiné…. » Et, au bout d’un long silence, il laisse tomber de ses lèvres : « Il y a des écroulements comme cela !  […] Et tout en humant l’eau odorante, il s’échappe à dire : « Au fait, je me suis procuré un beau morceau de jade ! 

1491. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Ils s’en iront à la Nouvelle-Calédonie, mais ils ont l’espoir de s’échapper et de revenir ; alors          . . . mort à toute la police, On les pendra, et ce sera justice, Car, pour les pègres, la vengeance avant tout305. […] Répétons, d’ailleurs, qu’à notre époque les idées marchent vite, la science se transforme sans cesse ; comment les écoles littéraires pourraient-elles échapper à ce mouvement continu ?

1492. (1894) Textes critiques

C’est que Bourrienne parle des choses qu’il a vues ; il a fait campagne avec Bonaparte en Egypte et en Syrie ; il a participé au coup d’Etat de Brumaire, aux transformations et à l’accaparement du Consulat ; son récit est mouvementé, curieux en détails, attachant lorsqu’il renonce à ses paperasses documentaires ; et il faut lire par exemple les chapitres consacrés à l’amiral Brugs et au désastre d’Aboukir, à la détresse de l’armée française d’Orient décimée par les maladies, les suicides, les assassinats des bédouins, abandonnée finalement par son chef dont l’ambition rêve un soir de conquérir l’Asie, et qui s’échappe pour revenir en France violenter la Fortune et se faire acclamer comme un libérateur. […] Il est d’ailleurs assuré que leur substance lui échappe.

1493. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Le pape Léon X lui-même, ce restaurateur si platonique et si tendre des vestiges de l’esprit humain échappés à ce sac du monde, dit « qu’il a recueilli dans son enfance, de la bouche de Chalcondyle, homme très instruit dans tout ce qui concerne la Grèce, que les prêtres avaient eu assez d’influence sur les empereurs d’Orient pour les engager à brûler les ouvrages de plusieurs anciens poètes grecs, et c’est ainsi qu’ont été anéanties les comédies de Ménandre, les poésies lyriques de Sapho, de Corinne, d’Alcée. » « Ces prêtres, ajoute Léon X, montrèrent ainsi une honteuse animadversion contre les anciens, mais ils rendirent témoignage de la sincérité et de l’intégrité de leur foi. » À l’exception des études théologiques et morales, à l’exception de l’éloquence sacrée, qui débattait les questions d’orthodoxie ou de schisme entre les différentes sectes nées du christianisme, qui s’emparaient peu à peu d’une partie de l’Orient et de tout l’Occident, l’intelligence humaine, pendant ces siècles de chaos et d’élaboration, parut enfermée dans l’enceinte des temples ou des monastères. […] Dante ne devait pas échapper à la loi commune.

1494. (1926) L’esprit contre la raison

Durs, nus, révolutionnaires, ils ont fait craquer les cadres, envoyé au diable les murs, les poivrières des faux remparts ; même leur mémoire échappe à l’emprise de tel ou tel parti et il n’y a qu’un éclat de rire pour accueillir le titre choisi par un écrivain bien-pensant pour une étude sur l’auteur des Fleurs du mal qu’il baptise, sérieux comme Artaban, Notre Baudelaire ao. […] Les fins logiques, par contre, nous échappent.

1495. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Or, en y réfléchissant davantage, on verra que les positions successives du mobile occupent bien en effet de l’espace, mais que l’opération par laquelle il passe d’une position à l’autre, opération qui occupe de la durée et qui n’a de réalité que pour un spectateur conscient, échappe à l’espace. […] Pourtant cette différence échappe à l’attention de la plupart ; on ne s’en apercevra guère qu’à la condition d’en être averti, et de s’interroger alors scrupuleusement soi-même.

1496. (1903) La renaissance classique pp. -

Alors ces gens lâchés dans le monde eurent des effarements de collégiens échappés à la férule. […] Si ce monde qui t’échappe semble aussi t’ignorer, il n’en est pas moins vrai que c’est en toi qu’il prend conscience de lui-même, et si par hasard il poursuit une fin, toi seul peux deviner, aider, diriger ses intentions secrètes.

1497. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Il a de belles paroles qui lui échappent sans qu’il y songe.

1498. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Quelques mots qu’il laisse échapper trahissent sa pensée.

1499. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Elle échappe par sa subtilité ; elle se fait épargner par ses beaux prétextes ; elle est d’autant plus dangereuse qu’elle le paraît moins.

1500. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

L’intérieur de cette vie nous échappe, et nous ne voyons que les résultats.

1501. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Un humble silence est peut-être le sacrifice que Dieu demande présentement de vous. » Mais la nature chez Santeul échappa vite à ces prescriptions de M. 

1502. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

. — Et puis, quand on est embarqué sur le fleuve d’Imagination, l’arrivée à l’endroit nommé le Péage des critiques, la garde qu’y font les capitaines Scaliger, Vossius et autres, les « petits bateaux couverts qu’on appelle métaphores », et dont quelques-uns échappent à grand-peine à ces terribles douaniers ; et plus loin, quand on a pénétré dans le cabinet du Bon Goût, l’attitude et l’accoutrement baroque de ce bon seigneur qui m’a tout l’air d’être fort goutteux, appuyé d’un côté sur la Vérité et de l’autre sur la Raison, qui, tenant chacune un éventail, lui chassent de grosses mouches de devant les yeux (ces mouches sont les Préjugés) : les deux jeunes enfants qui sont à ses pieds, aux pieds du seigneur Bon Goût, et qui le tirent chacun tant qu’ils peuvent par un pan de son habit, l’un, un petit garçon toujours inquiet et remuant, nommé l’Usage : l’autre, une petite fille toujours fixe et assise, une vraie poupée nommée l’Habitude, que vous dirai-je de plus ?

1503. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Quoi qu’il en soit, il est, par le rare assemblage de ses mérites, une des figures originales de notre histoire ; et, quand pour le distinguer des autres de son nom et pour caractériser ce dernier mâle de sa race, quelques-uns continueraient de l’appeler par habitude le grand duc de Rohan, il n’y aurait pas de quoi étonner : à l’étudier de près et sans prévention dans ses labeurs et ses vicissitudes, je doute que l’expression vienne aujourd’hui à personne ; mais, la trouvant consacrée, on l’accepte, on la respecte, on y voit l’achèvement et comme la réflexion idéale de ses qualités dans l’imagination de ses contemporains, cette exagération assez naturelle qui compense justement peut-être tant d’autres choses qui de loin nous échappent, et on ne réclame pas.

1504. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Nommons-les par leurs noms : la sœur de Louis XVI, Mme Élisabeth, qui aurait pu tant de fois s’échapper et sortir de France, voulut demeurer là où était le danger et se résigna à tout souffrir et à périr.

1505. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

J’ai parlé de mots naturels, et terriblement vrais, qui échappent.

1506. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Mme des Ursins écrit bien ; elle écrit d’un grand style, sa phrase a grande tournure, et pourtant on s’aperçoit à certains mots, à certaines locutions qui échappent à sa plume, qu’elle est, depuis des années, absente de France et qu’elle est rarement venue s’y retremper.

1507. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Quoi qu’il en soit de ces distinctions qui m’échappent un peu, Bonstetten resta toujours, en tant qu’écrivain français, vif, rapide, naturel, un causeur qui trouve son expression et qui ne la cherche jamais : en quoi il diffère du tout au tout des autres écrivains bernois, du respectable et savant Stapfer, par exemple, qui ne put jamais désenchevêtrer sa phrase française, et qui, avant d’écrire une seule ligne, se demandait toujours dans un embarras inextricable : N’est-ce pas un germanisme ?

1508. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Mme Elliott n’hésita point et rentra dans Paris au jour et à l’heure même où tous eussent voulu s’en échapper ; femme timide, mais enhardie par un sentiment d’humanité, elle se replongea bravement dans la gueule du monstre et en pleine fournaise.

1509. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

A tout moment, de belles paroles, des paroles élevées, pénétrantes, en même temps que suaves, lui échappent, et l’on s’étonne que l’on puisse avoir tant de talent, tant de ressorts dans l’âme (car il n’est pas si monotone qu’on l’a dit) avec si peu de bon sens pratique.

1510. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Mais une telle fin ne lui conciliait pas les dissidents, et aliénait même de lui bon nombre de ses anciens amis qui le voyaient leur échapper avec mauvaise humeur ou colère.

1511. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Ses maîtres l’appréciaient fort, et si une telle analyse ne nous échappait ici par son détail et sa ténuité, on pourrait faire remarquer qu’ils lui laissèrent chacun quelque chose de leur empreinte ; il gardait non seulement de leur influence, mais de leur forme, de leur pli.

1512. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Dumas fils, puisqu’il n’est plus question (académiquement parlant) du père, et qu’Alexandre le Grand nous échappe ; mais lui-même, Dumas fils, s’est depuis quelque temps éclipsé, et ses amis le réclament, l’espèrent et salueraient avec bonheur son retour.

1513. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Bossuet n ;a si bien peint, dans leur ensemble moral du moins, et dans leur aspect terrible et majestueux, les grands orages d’Angleterre qu’il n’avait pas vus et dont le sens politique lui échappait, que parce qu’il avait observé de près chez nous ces temps d’ébranlement où toutes les notions du devoir sont renversées, et où les meilleurs perdent la bonne voie.

1514. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Gœthe, causant un jour avec Hegel, se félicitait avec raison d’avoir su échapper à cette infirmité sans le secours d’une dialectique artificielle, qui prête au sophisme et qui a toujours l’air d’un jeu.

1515. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Certes, le moment où Cyborée, après une suite de questions qu’elle a adressées à Judas et de lamentations encore obscures qui lui échappent, pressée par lui, s’écrie : Vous êtes mon fils !

1516. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Tout nous échappe, et la possession de ce qu’on souhaite, et le goût de ce qu’on possède.

1517. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Se sentant près de mourir, elle m’appelle ; je m’approche : on vous avait éloignées ; nous étions seuls (tous trois) ; elle commence : « Mon cher Pamphile, tu vois sa beauté et son âge, et il ne saurait t’échapper que ce sont là de pauvres secours pour garantir sa vertu et tout ce qu’elle possède.

1518. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Bien des gens, pour y échapper, se résigneraient aisément à n’avoir pas un avis formel, — et surtout à ne pas le dire, — sur les miracles de Béthanie ou de Capharnaüm.

1519. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

J’ai laissé échapper l’occasion de parler, au moment où il a paru, du volume assez controversé de M. 

1520. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Quand il est trop poussé à bout et relancé sur ce point de conviction vive, il faut voir comme il prend feu ; une détente lui échappe ; il est parti sur son Pégase, et je l’ai entendu mainte fois chaleureux, entraîné, éloquent.

1521. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

« Les individus s’exercent à la tolérance, comme les enfants à la marche, par l’effort de chaque jour et en s’exposant d’abord à tomber. » Je ne sais pas de plus belle page de moralité sociale à méditer, qu’on soit prêtre ou fidèle, ministre ou dépositaire du pouvoir à quelque degré, juge, militaire, — car les militaires eux-mêmes devraient s’accoutumer à être discutés dans ce futur régime, et M. de Turenne en personne, s’il revenait, n’échapperait point à la critique.

1522. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

La France l’a éprouvé en bien des occasions, et aucun prince en Europe ria échappé à ses perfidies : et c’est celui qui veut s’ériger en dictateur et protecteur de toute l’Allemagne !

1523. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Brachet excepte et laisse en dehors de cette génération du latin vulgaire un sixième environ des mots français, dont l’étymologie lui échappe et peut avoir d’autres origines.

1524. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Ce n’est pas d’ailleurs en différences et en contrastes que se passera toute cette comparaison : Regnier et Chénier ont cela de commun qu’ils sont un peu en dehors de leurs époques chronologiques, le premier plus en arrière, le second plus en avant, et qu’ils échappent par indépendance aux règles artificielles qu’on subit autour d’eux.

1525. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

C’est qu’en effet il est de ces choses qu’on ne peut entendre sans laisser échapper un mot de rappel : elles sont comme une fausse note pour une oreille juste.

1526. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Mais souvent la Théorie lui échappe ; soit qu’elle lui reste inassimilée, soit qu’elle demeure vraiment réfractaire à toute tentative artistique.

1527. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

De cette façon la science parfaite s’achèvera par une langue bien faite347  Grâce à ce renversement du procédé ordinaire, nous coupons court à toutes les disputes de mots, nous échappons aux illusions de la parole humaine, nous simplifions l’étude, nous refaisons l’enseignement, nous assurons la découverte, nous soumettons toute assertion au contrôle, et nous mettons toute vérité à la portée de tout esprit.

1528. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

Une difficulté extraordinaire a été levée ; dans un être dont la vie n’est qu’une expérience diversifiée et continue, on ne peut rencontrer que des impressions particulières et complexes ; avec des impressions particulières et complexes la nature a simulé en nous des impressions qui ne sont ni l’un ni l’autre et qui, ne pouvant être ni l’un ni l’autre, semblaient devoir échapper pour toujours, par nécessité et par nature, à notre être tel qu’il est construit.

1529. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

En somme, les deux livres expriment l’idéal d’un homme né dans le peuple, échappé du cloître, enivré de liberté et de science.

1530. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Il a une éloquence pratique et technique, familière, courant au fait, se ramassant en mots brefs, saccadés, énergiques, qui se gravent dans les esprits ou mordent les cœurs : et son discours échappe au verbiage, aux phrases vagues et au jargon ampoulé du temps ; il n’y a personne dont la forme ait moins vieilli ; et il a chance d’être avec Mirabeau le plus véritable orateur de la période révolutionnaire.

1531. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Buffon est amené à l’idée de Dieu comme par l’impossibilité d’y échapper, en présence de tant de témoignages d’une création volontaire et intelligente.

1532. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Mais en ce qui concerne le passé, le passé géologique qui n’a pas eu de témoins, les résultats de son calcul, comme ceux de toutes les spéculations où nous cherchons à déduire le passé du présent, échappent par leur nature même à toute espèce de contrôle.

1533. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Les articles de Foi échappent à la discussion.

1534. (1886) De la littérature comparée

Mais arrêtons-nous, les choses du moment doivent rester en dehors de notre cercle, nous ne pouvons songer à pousser nos études jusqu’à l’époque actuelle qui, par le fait même qu’elle nous englobe et nous entraîne, échappe à notre critique, et nous nous en tiendrons aux origines du romantisme comme à la dernière époque que nous puissions examiner avec fruit.

1535. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Il n’aurait pas dit qu’elle manquait de goût, car il a laissé échapper ce mot dans les notes qui ne paraissent pas avoir été destinées à l’impression.

1536. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Le Te Deum de l’historien ressemble assez à dire : Nous l’avons échappé belle ; et il en conclut, somme toute, que l’on se comporta en cette affaire « comme hommes, et non point comme anges ».

1537. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

À un certain moment sa propre imagination s’échappe ; il ne voit dans le vaste spectacle des révolutions du globe qu’un thème à variations.

1538. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Cette manière de penser en grand leur a échappé, et Buffon seul l’a reconnue ; il a eu, en jugeant Pline, de ces mots qu’aucun autre que lui n’aurait trouvés.

1539. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

voilà le nom qui m’est échappé).

1540. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

On la voit dès lors douée de cette activité méthodique qui ne laisse échapper aucune parcelle du temps sans lui demander tribut, et qui met tout à profit pour l’étude, pour l’acquisition et la superficie d’étendue des connaissances.

1541. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Tel fut Patru, dont toute une partie nous échappe et ne s’est point fixée dans ses écrits.

1542. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

que Carrel n’a-t-il fait un plus grand nombre de ces articles comme celui qui lui échappa un jour à propos d’un Album de Charlet (5 février 1831), une jolie, piquante et savante analyse, résumée en quelques lignes !

1543. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Continuant donc de s’adresser humblement au souverain Être, il lui demande, puisqu’il doit avoir des ennemis, de les lui accorder à son choix, avec les défauts, les sottes et basses animosités qu’il lui désigne ; et alors, avec un art admirable et un pinceau vivifiant, il dessine un à un tous ses ennemis et ses adversaires, et les flétrit sans âcreté, dans une ressemblance non méconnaissable : « Si mes malheurs doivent commencer par l’attaque imprévue d’un légataire avide sur une créance légitime, sur un acte appuyé de l’estime réciproque et de l’équité des deux contractants, accorde-moi pour adversaire un homme avare, injuste et reconnu pour tel… etc. » Et il désigne le comte de La Blache si au vif que tous l’ont nommé déjà ; de même pour le conseiller Goëzman, de même pour sa femme et pour leurs acolytes ; mais ici la verve l’emporte, et le laisser-aller ne se contient plus ; à la fin de chaque portrait secondaire, le nom lui échappe à lui-même, et ce nom est un trait comique de plus : Suprême Bonté !

1544. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Une des grandes douleurs de la fin de sa vie, après la perte du Constitutionnel qui échappa de ses mains, ce fut de sentir l’arrivée à l’Académie d’une génération littéraire qui, pourtant, l’avait toujours personnellement excepté et ménagé.

1545. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Mon seul vœu, c’est qu’en avançant, et sûr désormais de lui et de tous, comme il l’est et le doit être, il se méfie moins, qu’il s’abandonne parfois à l’essor, et qu’il ose tout ce qu’il sent ; voyageur, qu’il laisse étinceler cette larme amoureuse du beau, qui lui échappe en présence du Parthénon ou des marbres ioniens de l’Asie Mineure ; romancier, qu’il continue d’appliquer ses burins sévères et qu’il craigne moins, jusque dans la passion ou dans l’ironie, de laisser percer quelque attendrissement ; historien, qu’il laisse arriver quelque chose aussi de l’éloquence jusque dans la fermeté de ses récits ; que, dans la grande et maîtresse histoire qu’il prépare, il réunisse tous ces dons, et comme toutes ces parties séparées de lui-même, qu’il a perfectionnées avec tant de soin une à une ; qu’il les fonde et les rassemble désormais, et qu’il accomplisse avec toutes les forces qu’il possède, et avec ce feu qui unit le cœur à la volonté, cette belle histoire de Jules César, du plus ami de l’esprit entre les conquérants, du plus aimable entre les grands mortels.

1546. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Tous les génies des siècles passés échappent donc au scalpel.

1547. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

C’est toujours Vadius chez les belles dames : Nous l’avons, en dormant, madame, échappé belle !

1548. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Il semble apparaître enfin au jour, mais c’est pour tenter de reconquérir la vie qui lui échappe, qu’il sent s’éloigner de lui, et pour la possession de laquelle il luttera, plein d’une rage sourde, jusqu’à ses derniers instants.

1549. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Plus d’une difficulté m’a sans doute échappé, et peut-être aussi plus d’une explication favorable à mon idée.

1550. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Mon âme m’échappe malgré moi, et je ne puis consentir à garder les bienséances que m’inspire ma faiblesse, au point d’oublier que je suis Français.

1551. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Il fut même, dit-on, surpris en tendre conversation, et obligé, pour échapper à de mauvais traitements, de sauter par une fenêtre. […] Un tel observateur ne pouvait qu’y faire une ample moisson ; les divers traits de malice, de gaieté, de ridicule, ne lui échappaient certainement pas ; et qui sait s’ils n’ont pas trouvé leur place dans quelques-uns des chefs-d’œuvre dont il a enrichi la scène française ? […] Cependant, comme très peu de personnes avaient échappé à son influence, Julie d’Angennes compta de nombreux adorateurs. […] Cette réponse excita chez un des assistants un rire qui, bien que retenu, n’avait point échappé au Roi ; lorsque l’évêque fut sorti, il voulut en savoir le motif. […] Ce poème restait toujours ouvert sur la table, et celui des convives auquel il échappait dans la conversation une faute de langage était, suivant la gravité de son délit grammatical, condamné à en lire quinze ou vingt vers.

1552. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Nul indice ne doit échapper à l’histoire de la littérature ; les plus insignifiants en apparence sont fréquemment les plus concluants. […] Alors, spectacle digne d’une mémoire éternelle, cette vérité chrétienne, qui est la vérité morale elle-même, s’échappe enfin de l’enceinte où elle était comme incarcérée, et répand au loin le ferment de la plus noble des insurrections. […] Sa pensée coule d’elle-même comme l’huile vierge qu’on laisse échapper des olives sans les presser, et dont les gouttes se succèdent de leur propre poids. […] Positive, écrite, inviolable, la loi prend un corps ; elle n’est plus cette loi intérieure, affaiblie, devenue vague, à laquelle l’homme n’échappait que trop facilement. […] Mais ce qui échappe souvent l’œil du simple observateur est précisément ce qui se révèle au talent du poète.

1553. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Au dernier moment, quand elle croit leur échapper, voici qu’une nouvelle chasse commence, plus dangereuse que l’autre. […] Souvenez-vous qu’il y a un fonds de rébellion dans le cœur de l’homme, et que si on s’applique trop visiblement à le claquemurer dans une discipline, il s’échappe et va prendre l’air dehors. […] Il y en a tant, elles sont si fortes, si entrelacées les unes dans les autres, si promptes à s’éveiller, à s’élancer et à s’entraîner, que leur mouvement échappe à tous nos raisonnements et à toutes nos prises.

1554. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Sans qu’il fût nécessaire d’être un Lavater en critique, on pourrait très bien deviner l’homme que fut Diderot à travers l’écrivain qu’il est, car s’il y eut jamais un esprit indiscret, débordant, promptement répandu, se versant, se vidant, laissant toujours tout échapper, à propos de tout, comme une cruche cassée (la Cruche cassée de son ami Greuze), c’est bien cet incontinent de Diderot. […] Dans ses récits, il a essayé bien des fois, avec la faculté de se monter la tête qu’il tenait de sa double nature d’orateur et de comédien, d’échapper à ce bourgeotisme fatal qui ne le lâchait pas, qui le reprenait, et que je retrouve aujourd’hui dans la Correspondance comme la seule chose naturelle à cet esprit exagéré. […] Et ici plus de bourgeois comme en ses livres, où Diderot s’efforce de grandir le bourgeois dans l’emphase de son expression, et où il le retrouve quand il cherche à lui échapper.

1555. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Ils crurent que les pensées et les actions de l’homme sont, déterminées par la raison, par les lois de la logique, et ils ne soupçonnèrent aucunement que la vraie force motrice de ses idées et de ses actes sont les émotions, ces excitations élaborées dans les profondeurs des organes intérieurs, dont l’origine échappe à la conscience, qui font soudainement irruption dans celle-ci comme une horde de sauvages, ne disent pas d’où elles viennent, ne se plient à aucun règlement de police de la pensée civilisée, et exigent impérieusement d’être logées. […] Ainsi la bourgeoisie française, qui sait très bien qu’elle s’est emparée des fruits de la grande Révolution et a renvoyé les mains vides le quatrième état qui seul a fait celle-ci, a, en prenant le cléricalisme pour tradition sociale, choisi le plus mauvais moyen de se maintenir en possession des biens et privilèges mal acquis, et d’échapper à l’égalitarisme contre nature. […] Suarez est probablement dans le vrai, quand il dit : « Les phénomènes de pseudo-photesthésie dépendent tantôt d’une association d’idées, datant de la jeunesse… tantôt d’un travail cérébral ou psychique spécial dont la nature intime nous échappe et qui aurait une certaine analogie avec l’illusion…. et avec l’hallucination ».

1556. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

C’est sur cette banqueroute frauduleuse que l’histoire le jugera, si son encombrante personnalité, n’échappe pas à la myopie de l’histoire […] Mais, ici, il n’y a pas moyen d’y échapper. […] Il n’y a pas en France, à cette heure, un poète plus valide et plus contagieusement vivant que cet échappé au ressentiment jaloux des Immortels. […] L’infinie portée morale ou divine du lien conjugal, par exemple, échappait complètement à ce tourbillon des Stymphalides de la Chrétienté, à cette noire nuée d’oiseaux consumés et impudiques qui planaient alors dans les hauteurs aristocratiques de la société française. […] Il faut avoir feuilleté les magnifiques, les sublimes vélins manuscrits conservés dans nos bibliothèques, gloire ancienne de tant de monastères, et qui ont pu échapper à l’idiote rage de la canaille protestante ou de la canaille révolutionnaire, pour avoir quelque idée juste de cet art presque immatériel et pour être en état de rendre quelque justice au merveilleux travail de M. 

1557. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Diderot l’avoue lui-même dans ce mot qui lui échappe : « Le seul baume à notre servitude, c’est, de temps en temps, un prince vertueux et éclairé. […] Signe bien frappant et qui ne vous échappera pas sans doute. […] Tel peuple a vingt mots pour dire cheval blanc, cheval noir, cheval bai, cheval pie, cheval attelé, cheval monté, cheval qui s’échappe, et n’en a pas pour dire cheval. […] Cheval qui s’échappe est une image, une image d’ensemble, non analysée. […] Ce cri, par habitude, par répétition, par convention sociale ensuite, est devenu un signe destiné à se prévenir les uns les autres qu’un cheval s’échappe ; mais il est resté le signe d’une image, d’une image complexe, non d’un des éléments détachés par abstraction de cette image ; il est resté le signe d’une sensation non d’une idée ; il est le signe répété d’une sensation qui se répète.

1558. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Plusieurs fois il osa être de son opinion contre le roi, et contre le grand Condé, si terrible dans la dispute, et qui, comme sur les champs de bataille de Rocroi et de Lens, « étonnait de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups. » Boileau, devant le Père de la Chaise, fit l’éloge d’Arnaud disgracié. C’était donc, à tout prendre, un honnête homme ; mais enfin, il n’échappe point à l’atmosphère environnante. […] Mais que Pascal, tempérament tout autre, nervoso-bilieux et mélancolique, vienne à toucher cette pensée de la mort, sombre préoccupation de sa triste vie, il laisse échapper de sa plume ces trois lignes, lugubres et frissonnantes : « Le dernier acte est sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste. […] Ainsi donc, plus les idées sont détachées, dissoutes, plus la direction et le contrôle nous échappent, plus on est alors proprement aliéné, alienatus a se, étranger à soi-même ; mais plus, au contraire, les idées sont fortement nouées et enchaînées, plus il y a tout ensemble d’intuition, de raison et de volonté, plus alors il y a de génie. […] Souvent, dans ses dernières œuvres, au milieu des chants les plus gracieux, le ton change ; des accents profonds, d’un timbre grave, lui échappent, comme si, même dans la ferveur de l’inspiration, lui revenait la pensée de la mort.

1559. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Oui, l’élite athénienne échappe aux prêtres complètement. […] Et ceci précisément nous permet d’échapper au panthéisme matériel, si l’on peut parler ainsi. […] Ils n’ont pas échappé à ce défaut, à cette imperfection si l’on veut de la haute sagesse, qui est la froideur. […] L’écueil ici, dont a pâti Molière, c’est de laisser échapper quelques traits d’observation vraie, qui, ramenant le spectateur à un demi-sérieux, le ramèneraient infailliblement à des préoccupations de moralité et alors lui feraient prendre avec humeur soit l’absence de moralité, soit quelques atteintes légères à la morale. […] Cette partie de l’âme où résident les passions et qui est intempérante, comme vous dites vous-même, c’est-à-dire qui ne sait rien retenir, est bien un tonneau percé, qui est avide, qui est insatiable et qui laisse échapper tout ce qu’il reçoit à mesure qu’il le reçoit et croit le saisir.

1560. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Trois pourtant des sept cavaliers, les mieux montés, lui dirent adieu et, donnant de l’éperon, lui échappèrent ; les quatre autres le suivirent, non sans lui avoir mis en main la cornette blanche semée des croix noires de Lorraine, l’étendard principal de l’armée ennemie ; il n’était pas de force à la tenir longtemps, et il fut bientôt obligé de la confier à un page du roi qu’il rencontra.

1561. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Or, combien que j’y reconnaisse une partie de ses défauts, et que je sois contraint de lui tenir quelquefois la main haute quand je suis en mauvaise humeur, qu’il me lâche ou qu’il s’échappe en ses fantaisies, néanmoins je ne laisse pas de l’aimer, d’en endurer, de l’estimer et de m’en bien et utilement servir, pource que d’ailleurs je reconnais que véritablement il aime ma personne, qu’il a intérêt que je vive, et désire avec passion la gloire, l’honneur et la grandeur de moi et de mon royaume ; aussi qu’il n’a rien de malin dans le cœur, a l’esprit fort industrieux et fertile en expédients, est grand ménager de mon bien ; homme fort laborieux et diligent, qui essaye de ne rien ignorer et de se rendre capable de toutes sortes d’affaires, de paix et de guerre ; qui écrit et parle assez bien, d’un style qui me plaît, pource qu’il sent son soldat et son homme d’État : bref, il faut que je vous confesse que, nonobstant toutes ses bizarreries et promptitudes, je ne trouve personne qui me console si puissamment que lui en tous mes chagrins, ennuis et fâcheries.

1562. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Il en est qui sont peints, en passant, d’un seul trait qu’on remarquerait dans Tacite et qui échappe ici tout simplement.

1563. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Répandez donc sur sa personne la plénitude de vos lumières et de vos grâces… Le vœu de Bourdaloue fut rempli : peu de temps après ce discours, le prince de Condé se convertit sincèrement, il s’approcha des autels ; cet esprit si brillant, si curieux, si altier, que les impies s’étaient flattés de posséder, leur échappa et se rangea humblement à la voie commune.

1564. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Ce qu’il fit en ces années nous échappe, et on peut au plus en prendre quelque idée par ce qu’il nous dit du prince, depuis maréchal de Beauvau, dont il a écrit la vie, les mémoires, et à la carrière duquel il s’attacha de tout temps, moins encore en protégé qu’en ami.

1565. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

La composition et la publication de son premier recueil n’avaient fait que le mettre en train et en verve ; il sentait que ce n’était qu’en écrivant, et en écrivant des vers, qu’il pouvait échapper complètement à sa mélancolie : Il y a, disait-il vers ce temps, il y a dans la peine et le travail poétique un plaisir que le poète seul connaît : les tours et les détours, les expédients et les inventions de toute sorte auxquels a recours l’esprit, à la poursuite des termes les plus propres, mais qui se cachent et qui ne se laissent point prendre aisément ; — savoir arrêter les fugitives images qui remplissent le miroir de l’âme, les retenir, les serrer de près, et les forcer de se fixer jusqu’à ce que le crayon en ait tiré dans toutes leurs parties une ressemblance fidèle ; alors disposer ses tableaux avec un tel art que chacun soit vu dans son jour le plus propice, et qu’il brille presque autant par la place qui lui est faite, que par le travail et le talent qu’il nous a coûtés : ce sont là des occupations d’un esprit de poète, si chères, si ravissantes pour sa pensée, et de nature à le distraire si adroitement des sujets de tristesse, que, perdu dans ses propres rêveries, heureux homme !

1566. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

[NdA] Dans une lettre de Frédéric à Maupertuis écrite bien des années après, il lui échappe une allusion à la dureté de son père, qui est assez touchante.

1567. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

 » — Dans son procès en 1789, pendant sa détention à Brie-Comte-Robert, Besenval fut gardé par un détachement de gardes nationaux de Paris commandé par Bourdon (de l’Oise), un échappé de la Basoche, qui préludait là à ses exploits révolutionnaires futurs : « Sa prétention, dit Besenval, était d’abord de m’en imposer.

1568. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Il en profite pour être présent en tout lieu, pour s’instruire de tout sans bruit, sans appareil, et comme d’affaires de sa maison ; il voit de près et touche de ses mains les irrégularités de tout genre, les énormités et les lacunes de l’administration de la guerre, aucun abus ne lui échappe : il conçoit et prépare sans un instant de relâche cette organisation centrale, cette discipline rigoureuse, cette égalité de tous sous un même règlement, ce contrôle des deniers de l’État. cette économie et ce ménagement des subsistances, cette coordination et cet ajustement de toutes les parties du service, qui sont proprement son œuvre.

1569. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

A Bâle, où nos voyageurs sont reçus avec distinction et traités par la seigneurie de la ville avec des marques d’honneur et de cérémonie, Montaigne voit François Hotman, le célèbre jurisconsulte, rival de Cujas, échappé au massacre de la Saint-Barthélemy ; à souper où il l’invite, il le met, lui et un savant médecin de la ville, sur le chapitre de la religion, et il devine que, tout en protestant contre la romaine, ils sont peu d’accord entre eux.

1570. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Écoutez ce qui vient à la fin de ce joli récit, où son vœu secret lui échappe : « Le 14 mars 1836. — Une visite d’enfant me vint couper mon histoire hier (une histoire de pauvre vieille et de mendiante sur son grabat).

1571. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Il faudrait, pour me soutenir, de l’extraordinaire dans les situations. » Et continuant sa pensée, il explique à son ami pourquoi, entre autres choses, il ne saurait réussir à ces nuances de sentiment, à cette finesse et à ce délié de la passion où excelle Racine ; il a l’instinct, sans bien s’en rendre compte, d’un genre opposé à celui de Racine et qui procède autrement que par analyse, qui marche et se développe à l’aide de situations visibles, frappantes, extraordinaires : « Il me semble, dit-il ingénument, que je ne manquerais ni de chaleur ni de vérité ; mais il y a, dans cette passion, une certaine délicatesse fine qui m’échappe, peut-être parce qu’il m’a toujours été impossible de tromper une femme, et que toutes ces ruses d’amour ne me sont pas seulement venues dans l’idée.

1572. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Pour les cœurs sensibles, je veux pourtant ajouter un mot : La Rochefoucauld s’est réfuté lui-même une fois, et mieux que personne ne saurait faire ; il s’est réfuté par une de ses larmes, non de celles qu’il versa sur la mort et la blessure de ses fils : cela était trop naturel et trop simple ; mais il lui est échappé une autre larme, toute désintéressée.

1573. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Un mot qu’il laisse échapper devant son excellent maître et ami l’abbé de La Tour éveille les craintes de ce dernier et, pour prévenir un malheur, l’abbé croit devoir révéler à son élève le mystère de sa naissance qu’il lui avait caché jusqu’alors.

1574. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

A quoi bon descendre à plaisir des hauteurs où vous a placé l’amour pur de la jeune fille pour se révéler à elle le héros d’aventures vulgaires, ou le convalescent échappé de quelque grande passion, avec l’imagination éteinte et le cœur plein de cendres ?

1575. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Oui, il était attentif à tout, même dans la conversation ; oui, quand une pensée, une expression heureuse, délicate ou vive, passait devant lui ou lui venait à l’esprit, il était empressé à la recueillir : toujours inquiet du mieux et de l’excellent, il l’amassait goutte à goutte et n’en laissait volontairement distraire aucune parcelle ; il s’y consumait, il se relevait la nuit quand il le fallait, et, comme il ne pouvait se servir seul, il faisait relever son monde, même en hiver, pour écrire une pensée qu’il craignait de perdre, et qui lui aurait échappé au réveil ; car plus d’une de nos pensées, et des meilleures, sont souvent noyées et englouties à jamais entre deux sommeils, comme les Égyptiens dans la mer Rouge.

1576. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Et encore, Madame Louise, fille de Louis XV, qui s’était faite carmélite à Saint-Denis, redevenue princesse dans son délire sans cesser d’être nonne, et croyant toujours donner des ordres à son écuyer, laissa échapper ces dernières paroles : « Au paradis, vite, vite, au grand galop ! 

1577. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

L’ouvrage ne parut d’abord que par parties ; il se vendait chez Louvet, l’un des Girondins échappés à la mort et qui, rentré à la Convention, s’était établi, avec sa Lodoïska, libraire dans la galerie de Bois, au Palais-Royal, autrement dit Maison-Égalité.

1578. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Il ne faudrait pourtant pas dire, comme cela m’était échappé d’abord, par trop de confiance dans le rédacteur des Mémoires de Catinat, qu’il commença par être « aide de camp du roi » en 1664, à l’âge de vingt-sept ans.

1579. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

dit la religieuse avec un faible sourire, celle-ci veut s’échapper. » Nous en irons-nous comme cela sans un mot du cœur ?

1580. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Ce sont de ces lapsus qui ne devraient jamais échapper à la plume d’un souverain, et qui le jugent.

1581. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Le contrôle ici nous échappe, et nous ne garantissons pas les conseils qu’il a pu donner après la mort de Marie-Thérèse.

1582. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Comme le duc de Chartres, le prince de Dombes, le comte d’Eu, le duc de Penthièvre, s’apprêtaient à quitter l’armée, à la suite du roi, après la prise d’Anvers35, quelqu’un demandant au comte de Clermont quand il partirait lui-même, il lui échappa de répondre tout naturellement : « Il n’y a que les princes qui partent ; moi je reste. » Mais c’est assez, pour cette fois, du comte-abbé, dont on n’a plus envie de rire.

1583. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Les impromptus, les saillies, je ne le nie pas, lui échappent sans grand effort ; il rencontre des vers heureux ; il dira presque comme Regnier : J’en connois qui ne font des vers qu’à la moderne, Qui cherchent à midi Phœbus à la lanterne, Grattent tant le françois qu’ils le déchirent tout… Mais, à deux pas de là, il fléchit, et son français pour n’être pas assez gratté, n’en paraît que diffus, prolixe et incertain.

1584. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Si elle avait pu, du moins, sortir, se distraire par le monde, vivre de la vie de bal et s’étourdir comme la plus frivole dans le tourbillon insensé, ou mieux, s’échapper et courir par les bois, biche légère, et chercher, s’il en est, le dictame dans les antres secrets, au sein de la nature éternelle !

1585. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Cette supercherie n’échappa point à la sagacité des juges ; mais, à cause de la coutume et de l’opinion reçue, ils consentirent à les laisser subsister, marquant toutefois d’un obel ceux qu’ils n’approuvaient pas, comme étant étrangers au poète et indignes de lui ; ils témoignèrent par ce signe que ces mêmes vers n’étaient point dignes d’Homère. » II Cicéron et les critiques romains de son époque ont admis cette opinion sur ce chef-d’œuvre de l’art grec et sur ce chef-d’œuvre des langues écrites.

1586. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

« Tu es parvenu à cet âge où l’on a déjà échappé aux passions de la jeunesse ; ta vie est telle que tu n’as aucune indulgence à demander pour ton passé.

1587. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

La zampogne m’échappa des mains, et sa bouche fut sur ma joue.

1588. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

En général, les figures servent à rendre ce qui échappe à la prise brutale et matérielle des mots : on ne s’étonnera donc pas qu’elles servent surtout à traduire ce qui est sentiment ou passion ; les pures idées intellectuelles et les objets du monde réel sont en général directement touchés par les mots et par l’application littérale des lois communes de la grammaire et de la syntaxe.

1589. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Marion et Robin sont des figures d’opéra-comique, dans l’action traditionnelle qui les oppose au chevalier : dans la description, qui échappe à l’action tyrannique du lyrisme, ce même couple, et surtout les paysans qui viennent se grouper autour de lui, sont dessinés avec une verve énergique et une sensible recherche de réalité.

1590. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

On conçoit que la peinture des mœurs mondaines lui échappe : il se complaît au contraire dans les sujets populaires.

1591. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

La direction de l’inspiration échappe au cœur, est reprise par l’esprit, qui fait effort pour sortir de soi, et saisir quelque ferme et constant objet882.

1592. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Quelqu’un me dit : « Cette gaieté des moines échappés dans les jardins des couvents entre deux exercices religieux est quelque chose de très particulier.

1593. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Claude, cette nuit-là, a passé une heure à regarder l’eau du haut du pont des Saints-Pères ; il est enfin rentré ; mais, à peine couché, il s’est échappé du lit.

1594. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Quelquefois il laisse échapper la paire : Sarah le promena sur les routes fleuries Devant la perspective immense de la mer.

1595. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Bergeret, tu crois peut-être m’échapper en souriant.

1596. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Ce Vernouilhet vous représente un faiseur d’assez basse espèce, à peine échappé d’une faillite dont il est encore tout éclaboussé.

1597. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Il a, chemin faisant, mainte maxime d’État, mais aucune de ces réflexions morales qui éclairent et réjouissent, qui détendent, qui remettent à sa place l’humanité même, et comme il en échappe sans cesse à Voltaire.

1598. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Il a raconté lui-même comment, dans les premiers temps de cette entreprise, occupé de rechercher les traditions déjà en partie recueillies, il se tourmentait d’une tristesse jalouse, craignant que sa vie ne fût trop courte pour une telle œuvre et que son trésor ne lui échappât.

1599. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

À ces époques qui suivent un grand danger et où l’on vient d’échapper à de grands malheurs, on sent très distinctement le bien et le mal en toutes choses ; on est disposé à exclure, à interdire ce qui a nui, et c’est le moment où le critique trouve le plus d’appui et de collaboration dans le public.

1600. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Si elle les lit, son jugement s’échappe aussitôt et ne se laisse arrêter à aucune considération du dehors.

1601. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Je leur aurais volontiers échappé si j’avais pu ; mais, une fois en train dans leurs jeux, j’étais plus ardent et j’allais plus loin qu’un autre ; difficile à ébranler et à retenir.

1602. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

La beauté poétique des anciens lui échappait entièrement ; il ne la soupçonnait même pas.

1603. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Le roi, dans sa colère, s’échappa à dire que si ces messieurs s’y refusaient une dernière fois, il les ferait tous mourir.

1604. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Dans ce culte un peu confus et vaguement défini dont l’illustre chancelier est aujourd’hui l’objet, il entre après tout de la justice ; c’est un hommage public rendu à cette inspiration paisible, permanente et modeste, qui fut celle de toute sa vie, et qui, sauf quelques éclipses passagères, s’échappait, comme par un doux rayonnement, d’un fonds de droiture, de mansuétude et de vertu.

1605. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

C’est là un côté qui nous échappe aujourd’hui et que les lettres de Mme de Maintenon ne nous laissent qu’entrevoir.

1606. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

On ne saurait s’en étonner, et il convient à ceux qui vivent en des temps plus calmes, mais qui n’ont point su échapper eux-mêmes à quelques contradictions et rétractations littéraires, de montrer pour celles de La Harpe quelque indulgence.

1607. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

La critique, à chaque renouvellement de régime, peut essayer et combiner des programmes qu’elle croit utiles ; elle peut proposer et recomposer ses plans d’une littérature studieuse et réparatrice, c’est son droit comme son devoir ; mais l’imagination, la fleur, l’inspiration de la passion et du sentiment, lui échappent ; cela naît et recommence comme il plaît à Dieu, et ne se conseille pas.

1608. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Mme de Maintenon au contraire, une fois son cercle fait, n’en sort pas ; elle s’y enferme et s’y resserre le plus qu’elle peut, et ne craint rien tant que de faire de nouvelles connaissances : chez elle, c’est à la fois tactique, méthode industrieuse pour échapper aux ennuyeux, aux importuns, et pour ne voir que ceux qu’elle préfère ; et c’est preuve aussi d’une nature exclusive, qui ne prend plus aux choses et qui a sa fatigue intérieure.

1609. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Cherchant à rassembler dans sa raison toutes ses forces et tous ses motifs de renoncement, il se dit qu’il n’a guère plus de quarante ans ; qu’il y a moyen, après avoir consacré sa jeunesse au service du roi et de sa patrie, de vivre chez soi en honnête homme ; il se trace le plan d’une vie heureuse et privée : « Avoir du bien honnêtement, n’avoir rien à se reprocher (et, pour cela, commencer par payer toutes ses dettes), avoir mérité d’avoir des amis, et savoir s’amuser des choses simples. » Toutes ces conditions pourtant ne laissent pas d’être difficiles à rencontrer dans le même homme, et il suffit d’une seule qui échappe, ou d’un goût étranger qui se réveille, pour faire tout manquer, et pour corrompre ce tranquille bonheur.

1610. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Les personnes qui, comme Mme Gay, vivent jusqu’à la fin et vieillissent dans le monde, sans se donner de répit et sans se retirer un seul instant, échappent difficilement à la longue, et malgré tout l’esprit qu’elles ne cessent d’avoir, à une certaine sévérité ou à une certaine indifférence.

1611. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

On peut distinguer trois périodes dans la carrière poétique de Boileau : la première, qui s’étend jusqu’en 1667 à peu près, est celle du satirique pur, du jeune homme audacieux, chagrin, un peu étroit de vues, échappé du greffe et encore voisin de la basoche, occupé à rimer et à railler les sots rimeurs, à leur faire des niches dans ses hémistiches, et aussi à peindre avec relief et précision les ridicules extérieurs du quartier, à nommer bien haut les masques de sa connaissance : J’appelle un chat un chat, et Rolet un fripon.

1612. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

On ne peut quitter Rome quand on y est resté au-delà de quelques semaines ; c’est un charme connu de tous les voyageurs, et auquel de Brosses n’échappe pas : « Car il faut que vous sachiez, écrit-il aux amis de Dijon, que les gens ne sont jamais croyables quand ils disent qu’ils vont partir de Rome.

1613. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Il y a, dans tout ce qu’il nous expose de sa vie aux diverses époques, un dessous de négociations qui échappe : qu’il nous suffise de saisir sa ligne générale de conduite.

1614. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

D’ailleurs la prose rythmique autre que la séquence échappe à cette définition.

1615. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

C’est un mouvement naturel à ceux qui veulent réprimer les signes de leur inquiétude prêts à s’échapper.

1616. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

On a cru pouvoir échapper à ces difficultés en substituant la société à l’individu.

1617. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Peut-être se console-t-il tout simplement, en raillant le voisin, d’une infortune à laquelle lui aussi n’échappera pas.

1618. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Jamais, de fait, dans toutes ses œuvres, une phrase agréable, pimpante ou négligée, souriante ou touchante, a-t-elle échappé à cette femme, correcte de style comme de visage, mais qui n’a pas plus d’agréments, Dieu me damne !

1619. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Mais le livre, le fond du livre échappe, par la profondeur de sa spécialité et de son renseignement, ou plutôt il épouvante.

1620. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Mais l’Histoire contemporaine qui était là sous sa main, ce maniaque d’Histoire, qui a fait de l’Histoire Romaine, l’a laissée sottement échapper ; et c’est là le grand reproche que lui feront les esprits friands d’anecdotes, les chasseurs aux documents historiques, en voyant qu’il n’y en a pas trois, de ces anecdotes et de ces documents, qu’on puisse citer.

1621. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Mais l’esprit de Renan a échappé à ce renversement.

1622. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

La grande difficulté est de rester humain, d’échapper aux formules pour entrer dans ces cœurs.

1623. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

La grande ville exerce un attrait prodigieux, même sur les petites gens dont la vie est rude, fatigante, excédante ; elle possède un charme spécial, dont l’idée n’est pas nécessairement liée à celle de plaisir, mais qui consiste peut-être dans la perpétuelle activité où l’on se sent plongé, dans l’incessante distraction de l’esprit et des yeux qui n’aperçoivent plus aussi bien la fuite des jours, dans la facilité et l’urbanité des relations, dans leur fragilité même qui les renouvelle, en somme dans les moyens que l’homme y trouve d’échapper à lui-même.

1624. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

À plus forte raison s’il s’agit d’un corps inanimé tel que le soleil, qui dure aussi certainement qu’il est étendu, mais dont la durée, ignorée de lui-même ainsi que son étendue, échappe à toutes nos facultés.

1625. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Elle n’est que le résultat matériel de cet acte, lequel nous échappe, parce qu’il s’accomplit dans le sein de la cause qui le produit. » — « La véritable cause qui meut le cœur, l’estomac, les organes, est extérieure et supérieure à ces organes79. » Il y a donc un monde spirituel distinct du monde matériel, et dont nous apercevons un individu dans la cause qui est nous-mêmes ; tout l’effort de la psychologie est d’étudier cette cause, plus importante que ses effets.

1626. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

En effet, qu’on suppose un orateur doué par la nature de cette magie puissante de la parole, qui a tant d’empire sur les âmes et les remue à son gré ; qu’il paraisse aux yeux de la nation assemblée pour rendre les derniers devoirs à Henri IV ; qu’il ait sous ses yeux le corps de ce malheureux prince ; que peut-être, le poignard, instrument du parricide, soit sur le cercueil et exposé à tous les regards ; que l’orateur alors élève sa voix, pour rappeler aux Français tous les malheurs que depuis cent ans leur ont causés leurs divisions et tous les crimes du fanatisme et de la politique mêlés ensemble ; qu’en commençant par la proscription des Vaudois et les arrêts qui firent consumer dans les flammes vingt-deux villages, et égorger ou brûler des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, il leur rappelle ensuite la conspiration d’Amboise, les batailles de Dreux, de Saint-Denis, de Jarnac, de Montcontour, de Coutras ; la nuit de la Saint-Barthélemi, l’assassinat du prince de Condé, l’assassinat de François de Guise, l’assassinat de Henri de Guise et de son frère, l’assassinat de Henri III ; plus de mille combats ou sièges, où toujours le sang français avait coulé par la main des Français ; le fanatisme et la vengeance faisant périr sur les échafauds ou dans les flammes, ceux qui avaient eu le malheur d’échapper à la guerre ; les meurtres, les empoisonnements, les incendies, les massacres de sang-froid, regardés comme des actions permises ou vertueuses ; les enfants qui n’avaient pas encore vu le jour, arrachés des entrailles palpitantes des mères, pour être écrasés ; qu’il termine enfin cet horrible tableau par l’assassinat de Henri IV, dont le corps sanglant est dans ce moment sous leurs yeux ; qu’alors attestant la religion et l’humanité, il conjure les Français de se réunir, de se regarder comme des concitoyens et des frères ; qu’à la vue de tant de malheurs et de crimes, à la vue de tant de sang versé, il les invite à renoncer à cet esprit de rage, à cette horrible démence qui, pendant un siècle, les a dénaturés, et a fait du peuple le plus doux un peuple de tigres ; que lui-même prononçant un serment à haute voix, il appelle tous les Français pour jurer avec lui sur le corps de Henri IV, sur ses blessures et le reste de son sang, que désormais ils seront unis et oublieront les affreuses querelles qui les divisent ; qu’ensuite, s’adressant à Henri IV même, il fasse, pour ainsi dire, amende honorable à son ombre, au nom de toute la France et de son siècle, et même au nom des siècles suivants, pour cet assassinat, prix si différent de celui que méritaient ses vertus ; qu’il lui annonce les hommages de tous les Français qui naîtront un jour ; qu’en finissant il se prosterne sur sa tombe et la baigne de ses larmes : quelle impression croit-on qu’un pareil discours aurait pu faire sur des milliers d’hommes assemblés, et dans un moment où le spectacle seul du corps de ce prince, sans être aidé de l’éloquence de l’orateur, suffisait pour émouvoir et attendrir ?

1627. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Sous cette entrave cependant, la lumière sortie de l’âme du poëte s’échappe, et brille au moins par les bords du nuage qui la couvre.

1628. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Des gracieux chalets de Cauterets s’échappe une fumée qui s’élève en élégantes spirales vers la voûte azurée. […] Je pêche des barbots argentés, l’un petit, l’autre plus gros, la truite colorée, pleine d’œufs, la lamproie sans arêtes et sans os, les anguilles qui s’échappent comme les occasions. […] Mais si ton corps échappe à leur voracité Pour laisser aux vautours un repas détesté, (Car le sort, envers toi, redouble de furie !) […] Les ris et les chansons s’échappent dans la plaine ; L’azur est plein de voix, et la légère haleine De la brise y répand un parfum de langueur. […] Par la destinée de ses peuples, de race ibère et celtique, cette partie de l’Espagne présente aussi une remarquable unité ; elle a presque toujours échappé aux grandes agitations des autres provinces péninsulaires, et, par suite, la population a pu devenir très nombreuse.

1629. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Que serait la justice de la postérité si la réputation d’un auteur pouvait s’échapper, sans dommage, de ce qui porte à sa considération une atteinte si profonde ? […] Ces gens (les critiques), ajoute-t-il, laissent échapper les plus belles occasions de nous convaincre qu’ils ont de la capacité et des lumières, qu’ils savent juger, trouver bon ce qui est bon et meilleur ce qui est meilleur. […] Vous pouvez, Cratès, entasser fautes sur fautes, mensonges sur mensonges ; si vous avez le don de l’autorité, tout écrit échappé de votre plume aura toujours du poids ; toute parole tombée de votre bouche gardera du crédit. […] L’effort d’un enfant pour sauter hors de son ombre n’est pas plus vain que ne le serait celui de l’homme ayant fait ce rêve, d’échapper aux influences qui pèsent sur son esprit de toutes parts. Si, par impossible, il se rencontrait un de ces « échappés », cet ours de la forêt ou de la montagne, sans culture et vivant dans une systématique ignorance de tout, ne serait compris que de ses oursons et de son ourse.

1630. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Évaporée comme le parfum d’une fleur sèche, ou errante comme un invisible oiseau échappé de sa cage ? […] Si, par hasard, les passants s’arrêtaient, au lieu de s’apitoyer, ils souriaient en apercevant cette boîte et remarquant le bruit ridicule qu’elle laissait échapper. […] Voilà ce que nous donne aujourd’hui le bilan de la littérature rimée Aussi ne devons-nous pas laisser échapper l’occasion de signaler à nos lecteurs un beau livre de poésies quand il vient à surgir. […] Elle eut une dernière résistance, essayant de s’échapper des bras qui la tenaient enlacée ; mais elle était sans force, à demi pâmée… Une minute encore et elle lui appartenait, et leur extase délicieuse se fondait dans l’oubli de toutes choses… Le jour baissait rapidement. […] … lorsque tu l’échappes si belle !

1631. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Les artistes objectifs ne peuvent s’échapper à eux-mêmes. […] Tourguéniev n’a pas échappé aux lois de cette esthétique, dont le fonctionnement nous est rendu sensible aujourd’hui par tant d’exemples de nos romanciers. […] L’observateur n’échappe point à la loi commune. […] Ces barbares font des mœurs que l’artiste doit subir, ils élaborent une opinion publique à laquelle son amour-propre malade ne lui permet pas d’échapper. […] Bercez, calmez mes caprices, amie, et souffrez que je ne ni échappe pas à moi-même.

1632. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Il avait, je crois, adopté un labeur : il s’était fait ouvrier d’un ouvrage pénible : mais, afin d’y gagner l’isolement, les moyens d’échapper à la vue intéressée de ce monde, que désormais il voulait contempler comme un haut témoin, sans y être mêlé. […] Et si maintes nuances nous échappent fatalement, entre tant de nuances diverses, nous percevons cependant la grandeur de l’ensemble. […] Lorsque les intrépides colons ont détruit, pour occuper leurs loisirs, une inoffensive race d’animaux, dans les immenses plaines du pays de Géographie, toujours quelques individus de la race abolie échappent à la destruction, cachés dans un ravin, ou bien enfuis au secret désert dès les premiers assauts. […] Et puis, après mille livres ébauchés, repris, inachevés, le prince, s’il n’est pas mort de faim, s’il a pu échapper aux cabanons des maisons de santé, toujours ouverts sur son passage, finira sa carrière de littérateur en rédigeant quotidiennement quelques nouvelles à la main pour un journal du matin : ayant enfin compris que tous métiers étaient également faciles, également vains ; qu’il était inutile d’offrir par force le reflet de son âme à des gens que cela importunait ; et que, décidément, il n’y avait rien à faire avec ce monde-ci. […] À Paris, ou à Alger, l’hiver l’eût rejoint, comme il m’a rejoint dans le village de Provence où j’avais eu l’espoir de lui échapper.

1633. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Il parle curieusement de la peur de la mort qui hante Maupassant, et qui est la cause de cette vie de locomotion perpétuelle sur terre et sur mer, pour échapper à cette pensée fixe. […] je vois, vous voulez m’extrême-onctionner, mais vous n’y entendez rien, mon cher, avec votre figure de De profundis, moi, je fais cela à la gaieté. » Puis l’échappé dans le fond du Berri du bureau des Pompes funèbres, et des soirées aux Batignolles du ménage Callias, nous contait ceci : Mme Callias était devenue folle à la fin de sa vie, et sa folie consistait en ce qu’elle croyait qu’elle était morte. […] Il parle comme autrefois, et semble, par miracle, être revenu à la lucidité de l’intelligence, à la clarté de la parole ; toutefois de son individu qui porte sur son front une grande fatigue, s’échappe une profonde mélancolie.

1634. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Les jours où il ne peut pas travailler, l’homme se dit que c’est la preuve que par la nouveauté de sa race intellectuelle il échappe à ce durcissement, à ce vieillissement, que c’est la preuve qu’il n’est pas un être habitué. […] Et comme échappé d’un immense danger il considère ses ancêtres qui ne connaissaient pas la lettre. […] Le monde moderne et intellectuel ferait tout, (et il a tout fait), pour s’évader de la fécondité, de la liberté, de la vie, pour échapper à ce présent qui est fécond, libre, vivant. Il a tout fait pour échapper à la mouvance et à la présence du présent. […] Ces deux groupes d’attributs du monde moderne, (et il n’échappera pas que je prends attribut ici un peu en un sens spinoziste), non seulement sont liés mais procèdent l’un et l’autre de ce même point de raidissement du présent.

1635. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Une vieille paysanne, haute, maigre, aux cheveux gris échappés de son bonnet, crie aux soldats qui fuient ! […] Les mèches de cheveux qui s’échappaient du bonnet de dentelle étaient grises. […] Elle s’était fait soudain une petite figure de bois où vivaient seuls de beaux yeux observateurs. » Ce léger crayon de celle qui est l’héroïne du livre n’est-il pas un croquis échappé au monde de Forain. […] J’ai lu, chapitre à chapitre, la vie de ce garçon, le voyant descendre du mensonge à l’escroquerie mondaine, qui ne différencie de l’autre que parce qu’elle échappe à la police correctionnelle. […] Frais échappé du boulevard Rochechouart, où il débuta dans la vente des bocks artistiques et des littéraires mêlé-cassis, il se permettait d’interdire l’entrée de son cabaret aux agents de change qui ne lui plaisaient point.

1636. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Puis, il s’est mis à parler, et bien que le sens de quelques-unes de ses paroles m’ait échappé, j’ai compris qu’il devait être réellement coupable des iniquités et des cruautés dont on l’accuse, mais aussi j’ai compris qu’il souffrait. […] « Un cri lui échappa : « — La croix ! […] D’après les dires des gens échappés de Paris, l’insurrection était triomphante, la troupe de ligne fraternisait avec elle ; la garde se retirait sur Saint-Cloud pour se grouper autour du Roi. […] Quand le trône de Charles X s’est écroulé, sans qu’il pût en aucune façon le défendre, il a sans doute désiré passionnément échapper à l’exil commun et continuer à mener en France une existence heureuse entre toutes. La lutte terminée et la France soulevée d’un bout à l’autre, il a compris qu’il n’échapperait à l’exil qu’en s’associant au mouvement et il est certain qu’il ne l’a fait au début qu’avec la pensée de ramener Henri V sur le trône.

1637. (1895) Hommes et livres

Et sans relâche, de tous les couvents essaimaient à chaque saison des nuées de réguliers qui s’en allaient par les diocèses, missionnaires, prédicateurs, directeurs, bruyants, impérieux, indociles, et faisant enrager évêques et curés, qui sentaient leurs ouailles échapper à leur autorité. […] Il ne lui échappa jamais un mot qui fût dicté par une passion personnelle ou qui touchât les personnes. […] Quant à Malherbe, il échappe vite à son temps pour fonder l’avenir : il en est pourtant par quelques-unes de ses pièces, d’un style moins tendu, plus fraîches que fortes de couleur et qui servent de transition entre le pétrarquisme mignard de ses premiers essais et la sévérité classique de ses chefs-d’œuvre. […] Le type intellectuel et actif, réfléchi et volontaire, nous échappe. […] Quelques paroles imprudentes qui lui avaient échappé sur les classiques eurent de graves conséquences.

1638. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Elle écrit à sa meilleure amie, Eugénie de Ville, qui est depuis un an à Marseille ; il lui échappe de raconter assez en détail ses ennuis : « Et toi, que fais-tu ? […] Je me perds dans ce vaste Tout si étonnant, je ne dirai pas si sage, je suis trop ignorante ; j’ignore les fins, je ne connais ni les moyens, ni le but, je ne sais pas pourquoi tant de moucherons sont donnés à manger à cette vorace araignée ; mais je regarde, et des heures se passent sans que j’aie pensé à moi, ni à mes puérils chagrins. » Depuis que le panthéisme est devenu chez nous un lieu commun, une thèse romanesque et littéraire, je doute qu’il ait produit quelque chose de plus senti que ces simples mots d’aperçu comme échappés à la rêverie d’une jeune femme227.

1639. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Il s’échappa, s’engagea comme volontaire dans l’armée des Pays-Bas, tua et dépouilla un homme en combat singulier, à la vue des deux armées. […] Quand nous pensons une chose, nous autres hommes ordinaires, nous n’en pensons qu’une portion ; nous en voyons un aspect, quelque caractère isolé, parfois deux ou trois caractères ensemble ; pour ce qui est au-delà, la vue nous manque ; le réseau infini de ses propriétés infiniment entre-croisées et multipliées nous échappe ; nous sentons vaguement qu’il y a quelque chose au-delà de notre connaissance si courte, et ce vague soupçon est la seule partie de notre idée qui nous représente quelque peu le grand au-delà.

1640. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Les regards éteints, le vainqueur attendri écoute et réfléchit aux vicissitudes de la fortune ici-bas ; de temps en temps il exhale un soupir, et les larmes s’échappent de ses yeux. […] Comme ils sifflent et quelles étincelles s’échappent de leurs yeux !

1641. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Mais cependant il peut arriver qu’un oiseau perde ensemble par exemple la quatrième, la cinquième et la sixième penne à chaque aile ; il pourra bien voler encore, mais pas assez bien pour échapper aux oiseaux de proie ses ennemis et surtout au très rapide et très adroit hobereau ; voilà pourquoi les fourrés leur sont utiles à ce moment. […] Les lignes de son visage sont grandes et bien marquées : front haut, figure assez large, mais bien proportionnée ; bouche sévère, yeux pénétrants, expression générale de réflexion et de force… Sa démarche est calme et lente comme son parler, mais, à quelques gestes rares et forts qui lui échappent, on sent que l’intérieur est plus animé que l’extérieur…” » 19.

1642. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Lorsque plus tard l’étude de la littérature de nos voisins me rapprocha du libre et puissant génie qui avait si fortement ému mon enfance, bien que l’ouvrage qui me l’avait révélé, fût le moins imparfait de ses écrits, rien de ce qui lui était échappé pendant une vie de luttes politiques et religieuses, ne diminua la grande idée que je m’étais faite de son art et de ses passions. […] Mais par là même il échappe à la condition passagère des luttes d’église et de parti ; la postérité l’écoute encore, et ce qui fut un obstacle à sa fortune est le fondement de sa gloire.

1643. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

On dirait que Wagner a voulu n’omettre aucune des prostrations de cette agonie de l’espérance, en recueillant le cri plaintif échappé à chaque souvenir flottant à son entour, en faisant revivre dans l’orchestre comme ils devaient revivre dans la mémoire de la mourante, pendant qu’elle quittait ces lieux pour ne plus les revoir, quelques fragments épars du passé, quelques réminiscences de son entrevue avec Tannhaeuser, de son duo avec lui au second acte, de la supplication qui préservât ses jours, du chant de Wolfram lorsqu’il essayait de rétablir l’accord entre les poètes et de sauver Tannhaeuser de sa propre démence. […] Dans cette multiplicité d’aveux échappés aux plus cruels tournions, le chant, le récitatif, la parole, l’interjection, le cri, le rire sardonique se succèdent et s’entremêlent avec une telle vérité pathologique, une telle science toxicologique, une telle variété de mouvements passionnés, désolés et révoltés, selon que les espérances accordées et frustrées, la pitié due à un cuisant remords obstinément déniée, le pardon d’une faute amèrement déplorée à jamais rendu impossible, les instantes supplications repoussées, les repentirs ardents dédaignés, enfin le terrifiement dernier du désastre irrémédiable viennent se retracer dans une énumération haletante, que es moment forme à lui seul un drame dans le grand drame, et par ses sombres couleurs et son épouvantable angoisse, se détache de ce qui l’a précédé ainsi que de ce qui va suivre, comme une évocation qui aurait brisé les scellés de l’abîme des maux, pour surgir devant nos regards pétrifiés, pour leur dévoiler subitement tout l’infini de la douleur, et chacun de ses râles impuissants.

1644. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Il m’est interdit de raconter ici sa vie ; je n’en sais, au reste, que ce qui échappe çà et là à un vieillard dans des conversations à propos interrompus, dont je vous rendrai compte. […] Je ne répondrais pas même qu’à l’avènement de Louis XVIII ramenant la paix nécessaire et présentant la liberté future à la nation, un soupir involontaire d’humanité et de bonne espérance ne se soit échappé de la poitrine du poète citoyen.

1645. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Les plus grands des oiseaux qui pâturent le sol ne prennent guère leur vol que pour échapper à quelque danger ; de sorte que l’état presque rudimentaire des ailes de certaines espèces, confinées aujourd’hui ou autrefois dans quelques îles du grand Océan, qui ne renferment aucune bête féroce, semble devoir être le résultat du défaut d’exercice. L’Autruche habite pourtant les continents, et s’y trouve exposée à des dangers auxquels elle ne peut échapper par le vol ; mais elle peut se défendre contre ses ennemis à l’aide de ses vigoureux coups de pied, aussi bien que le pourrait faire tout autre quadrupède, mieux armé, mais plus petit.

1646. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

. — Il a prouvé que l’élément essentiel dans toute création artistique est un élément personnel, qui échappe aux définitions exactes et surtout aux prévisions. […] Croce ; sans doute, au sens propre du mot, il n’y a pas plus de spontanéité dans la création artistique et intellectuelle qu’il n’y en a dans la génération physique ; tous les phénomènes sont les effets nécessaires d’une combinaison de causes ; mais puisque, chez l’homme en particulier, ces causes et combinaisons infiniment variées nous échappent, nous pouvons fort bien en pratique parler de spontanéité, pour opposer, au processus certain des quelques éléments que le chimiste combine dans une cornue, le mystère de l’âme humaine qui tend à la liberté par un effort de volonté consciente.

1647. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Les malheureux qui étaient restés dans la promiscuité des biens et des femmes, et dans les querelles qu’elle produisait, voulant échapper aux insultes des violents, recoururent aux autels des forts, situés sur les hauteurs. […] Dans une situation si pénible, il ne laissait échapper aucune plainte.

1648. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Son Histoire des Français depuis le temps des Gaulois jusqu’en 1830, arrivée à la neuvième édition, présente en quatre volumes l’abrégé le plus succinct et le plus substantiel de nos annales ; l’esprit exact de l’auteur a su réduire tous les faits dans ce court espace sans rien laisser échapper d’important ni de saillant, et, mérite rare !

1649. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Elle entrait dans toutes mes occupations ; elle me déterminait souvent dans mes doutes ; souvent même elle m’éclairait par des traits qu’un sentiment vif et délicat laissait échapper.

1650. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Ce talent était assez médiocre ; mais le prince Henri ne laissait échapper aucune occasion de l’exercer.

1651. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Seulement, au lieu de s’épancher et de se répandre en longs discours, ce fonds d’humeur s’échappe en mots brefs et secs qui laissent leur empreinte.

1652. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Les révolutions spontanées, continuelles, que je n’ai cessé d’éprouver, que j’éprouve encore tous les jours, ont prolongé la surprise et me permettent à peine de m’occuper sérieusement des choses étrangères, ou qui n’ont pas de rapport à ce phénomène toujours présent, à cette énigme que je porte toujours en moi, et dont la clef m’échappe sans cesse en se montrant sous une face nouvelle, quand je crois la tenir sous une autre.

1653. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Pour échapper à une lecture de Marolles, on en était réduit à simuler des infirmités.

1654. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

., — il est très-agréable ; il a, chemin faisant, quantité de choses fort bien dites : ce sont celles qui lui échappent et qui ressemblent à des saillies.

1655. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Un jour, oubliant qu’elle était la maîtresse du prince de Conti, il lui échappa de dire qu’elle méprisait une femme qui avait (c’était le mot d’alors) un prince du sang.

1656. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Elles échappèrent toutes deux au sort fatal qui en atteignit tant d’autres aussi innocentes qu’elles37, et les deux prisonnières furent mises en liberté deux mois après le 9 thermidor, à la date du 14 vendémiaire an III (5 octobre 1794).

1657. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

C’est alors que ce mot célèbre lui échappa : « J’avais connu jusqu’ici les grands, maintenant je connais les petits. » Mme d’Albany, à côté de ce grand haïsseur, sut maintenir l’équité ou du moins la modération de ses jugements.

1658. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Entendant louer toujours la campagne romaine avec ses riches teintes, il avouait ingénument que ce genre de beauté pittoresque échappait tout à fait à ses yeux, « pour lesquels le rayon rouge n’existait pas. » Mais soit qu’il en fût autrement pour lui dans la jeunesse, soit que l’amour-propre du colon et du propriétaire aiguisât sa vue et suppléât à son organisation, il a su nous rendre parfaitement ce qu’il regardait tous les jours, et il s’y est glissé un éclair de poésie ou de sentiment de la nature qu’il n’a jamais retrouvé depuis.

1659. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Dans le délire de sa douleur (car elle est comme une folle), elle court au palais du roi et le supplie de lui épargner l’odieux hymen de don Sanche ; elle est prête, pour y échapper, à renoncer à tout, à se dépouiller de tous ses biens et à se jeter dans un cloître.

1660. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Thiers, dans son Histoire de la Révolution, œuvre de sa jeunesse, n’a point échappé entièrement à ce genre d’illusion.

1661. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Il y a une intrigue sous jeu dont les fils échappent.

1662. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Quand son esprit rentrait dans cette large sphère de discussion et qu’il échappait à ses misères intestines, il retrouvait vigueur, netteté, et une sérénité incontestable ; son talent facile se déployait.

1663. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Sévère, active, diligente, studieuse tour à tour et ménagère, passant de Plutarque à l’abbé Nollet, et de la géométrie aux devoirs de famille88, la jeune Philipon, aux environs de ses dix-neuf ans, n’échappait pas toujours à une vague mélancolie qu’elle ne songeait point à s’interdire, et qu’elle se plaisait à confondre avec le regret de l’absente amie.

1664. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Beaucoup d’hommes vicieux n’ont d’autre ambition que d’échapper au ridicule ; il faut leur apprendre, il faut avoir le talent de leur prouver que le succès du vice prête plus à la moquerie que la maladresse de la vertu.

1665. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Cette justice de l’histoire n’est pas toujours celle de la raison ; elle épargne parfois le coupable et saute des générations ; mais jamais les peuples n’y échappent… Considérée ainsi, l’histoire devient le grand livre des expiations et des récompenses ».

1666. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Nous allons à ce résultat fatal avec une si étonnante vitesse, que je ne conçois pas qu’elle échappe au critique officiel de l’ancien théâtre : il laissait l’autre jour couler ces plaintes d’une touchante mélancolie : « Je me dis quelquefois : quel malheur que les critiques de théâtre ne vivent pas comme les corbeaux deux ou trois siècles… Encore un peu plus outre, comme dit Corneille, et notre heure sera venue.

1667. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Nous allons à ce résultat fatal avec une si étonnante vitesse, que je ne conçois pas qu’elle échappe au critique officiel de l’ancien théâtre : il laissait une fois couler ces plaintes d’une touchante mélancolie : « Je me dis quelquefois : quel malheur que les critiques de théâtre ne vivent pas comme les corbeaux deux ou trois siècles… Encore un peu plus outre, comme dit Corneille, et notre heure sera venue.

1668. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Il faut se demander quels individus ont servi d’agents de transmission entre deux peuples ; il faut rechercher quels Français ont résidé à l’étranger et quels étrangers en France ; quels ambassadeurs, commerçants, voyageurs, quels écrivains surtout ont pu importer ou exporter les denrées intellectuelles qui échappent aux douanes ; quels croisements ont été opérés par des mariages ; quels enfants ont été envoyés de part et d’autre faire ou parfaire leur éducation chez le voisin.

1669. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Tout ce qui dépasse l’expérience lui échappe ; elle ne fait, comme Hume le disait de la physique, « que reculer un peu notre ignorance135. » Aussi laisserons-nous l’auteur lui-même conclure sur ce point.

1670. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Pandore souleva le couvercle du vase, et tous les Maux que les dieux y avaient enfermés, misères et maladies, guerres et crimes, violences et soucis, s’en échappèrent sur la terre. — « Seule, l’Espérance resta dans le vase, arrêtée sur les bords, et elle ne s’envola point ; car Pandore avait refermé le couvercle par l’ordre de Zeus qui amasse les nuées. » — Belle et touchante légende !

1671. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Voltaire eut un de ces élans de douleur et de sensibilité comme il en était si capable, et il laissa échapper les vers touchants qu’on sait par cœur : Sitôt qu’elle n’est plus, elle est donc criminelle !

1672. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

J’en suis charmé pour votre sexe, et même pour le mien ; car, quoiqu’en dise votre amie, sitôt qu’il y aura des Julie et des Claire, les Saint-Preux ne manqueront pas ; avertissez-la de cela, je vous supplie, afin qu’elle se tienne sur ses gardes… Puis tout à coup il s’enflamme à l’idée de retrouver quelque part une image des deux amies inséparables qu’il a rêvées ; l’apostrophe, cette figure favorite qui est son tic littéraire, lui échappe : « Charmantes amies !

1673. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Elle jugeait ses amis, ses habitués, en toute rectitude, et on a retenu d’elle des mots terribles qui lui échappaient, non plus en badinant.

1674. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Il y a dans un siècle de ces courants d’influence morale auxquels on n’échappe pas.

1675. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Mais, ici, l’Hippocrate ne sait pas garder son sang-froid ; il laisse échapper la joie qu’il y prend et à quel point sa curiosité se délecte ; il s’écrie, en présence de cette multitude de sujets de son observation : La promptitude des yeux à voler partout en sondant les âmes à la faveur de ce premier trouble de surprise et de dérangement subit, la combinaison de tout ce qu’on y remarque, l’étonnement de ne pas trouver ce qu’on avait cru de quelques-uns, faute de cœur ou d’assez d’esprit en eux, et plus en d’autres qu’on n’avait pensé, tout cet amas d’objets vifs et de choses si importantes forme un plaisir à qui le sait prendre, qui, tout peu solide qu’il devient, est un des plus grands dont on puisse jouir dans une cour.

1676. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Somaize, dans Le Grand Dictionnaire des précieuses, ne dit pas autre chose : « Pour de la beauté, quoique l’on soit assez instruit qu’elle en a ce qu’il en faut pour donner de l’amour, il faut pourtant avouer que son esprit est plus charmant que son visage, et que beaucoup échapperaient de ses fers s’ils ne faisaient que la voir. » Mais, dès qu’elle parlait, on était pris et ravi : c’était son esprit qui achevait sa beauté et qui lui donnait toute son expression et sa puissance.

1677. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

 » Quand il se ruina, parlant des propos divers et de l’attitude du monde à son égard, il caractérise le procédé de chacun : « Quant à Mme la duchesse de Grammont, elle dit avec modération que j’étais un menteur et un fripon. » Le ressort de cette plaisanterie, on le voit, est toujours dans une certaine disproportion entre le commencement et la fin de ce qu’on dit, disproportion qui a l’air d’échapper à celui qui parle, et qui étonne.

1678. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

À tout le mal qu’il dit des passions, on peut lui opposer cependant une seule, chose : « Mais vous-même, pourrait-on lui dire, auriez-vous échappé à cet ennui, à cette langueur de l’âme qui suit l’âge des passions, si vous n’aviez pas été soutenu et possédé de cette passion fixe de la gloire ? 

1679. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

il l’a cependant trouvé », s’écria le digne érudit avec une expression de physionomie singulière qui marquait l’étonnement ; son sourcil gris brillait d’un éclair de malice narquoise et de raillerie ; il y avait, même dans ce mot d’éloge qui lui échappait, le dédain du Provençal pour le Picard. « Il l’a cependant trouvé ! 

1680. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Après lui, Malherbe lui-même, tout le premier, n’y put échapper.

1681. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Sans doute plus d’une des causes secrètes qui le firent agir alors et varier, lui qui se pique toujours si fort d’indépendance et de paresse, nous échappe aujourd’hui : tenons-nous à l’ensemble des idées.

1682. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Mais au début, et dans les sept ou huit premières années de sa jeunesse, il me semble que Louis XIV échappe à ce reproche.

1683. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

L’incertitude et le décousu qui résulta de cette succession ou plutôt de cette absence de direction principale, n’échappa point au duc de Wellington, qui devint moins circonspect, et qui saisit le moment de combattre.

1684. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Parvenu à s’échapper de Paris, il alla passer ces années menacées sur les rivages de l’Ain et dans les montagnes du Jura ; c’est ce retour consolant à la nature, cette première saison d’exil et de mélancolique douceur, qu’il a voulu consacrer dans Le Printemps d’un proscrit, poème descriptif, qui n’a de joli que l’intention et le titre.

1685. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Et dans la fable, La Pierre à fusil : Si quelque étincelle m’échappe, La faute n’en est pas à moi, Elle est à celui qui me frappe, etc., etc.

1686. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

En outre, comme les relations de notre pensée en sont les conditions et que tout objet de notre connaissance est ainsi conditionné, l’absolu sera ce qui échappe à toute condition, ce qui est inconditionné.

1687. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Zola n’échappent pas à la formule que lui-même a donnée justement de toute œuvre d’art : « La nature vue à travers un tempérament. » II Tous les caractères que présente l’humanité ne semblent pas à M. 

1688. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Sur le tome second du registre du Stationers’ Hall, on peut lire encore aujourd’hui en marge du titre des trois pièces, Comme il vous plaira, Henri V, Beaucoup de bruit pour rien, cette mention : « 4 août, à suspendre. » Les motifs de ces interdictions échappent.

1689. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

L’âme d’Alceste laisse échapper de toutes parts l’éclair des « haines vigoureuses ».

1690. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Après qu’on a lu un certain nombre de pages tout vous échappe ; on sçait seulement que l’auteur a dit des choses ingénieuses, & a souvent parlé en Orateur ; on ne peut presque rien reduire en principes.

1691. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Chez les Coléoptères aquatiques, la structure des pieds, si bien disposés pour plonger, leur permet de soutenir la concurrence contre d’autres insectes, de chasser aisément leur propre proie et d’échapper au danger de devenir la proie d’autres animaux.

1692. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Ajoutez que tandis que le défaut d’air et de perspective porte les figures du devant vers le fond et du fond vers le devant, par une seconde malédiction elles sembleront encore chassées de la gauche vers la droite et de la droite vers la gauche, ou retenues comme par force dans l’enceinte de la toile ; en sorte que cet obstacle levé, on craindrait que tout n’échappât, et n’allât se disperser dans l’espace environnant.

1693. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Si supérieure qu’elle puisse être, en réalité, cette forme non plus n’a pas échappé à la double influence qui lutte dans le poète, — la spontanéité et le parti pris.

1694. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Il y a tant de relations imitatives qui nous échappent et qui frappaient vivement les premiers hommes !

1695. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Il en connaîtrait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, ce que l’état d’âme contient d’action en voie d’accomplissement, ou simplement naissante : le reste lui échapperait.

1696. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Il n’eut pas seulement un prédécesseur de son nom, auteur de quelques froids sonnets, et cependant admiré jusqu’à la passion par une jeune fille poëte, qui voulut se nommer la Nina di Dante : il crut, dans sa jeunesse, avoir quelques rivaux de poésie, et ne laissa que bien tard échapper l’aveu qu’il espérait les effacer tous, comme le peintre Cimabué surpassait Giotto.

1697. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Elle me montre Calvin entre les bûchers qu’on lui prépare et ceux qu’il allume ; elle me montre Henry Estienne échappé à grand’peine aux bourreaux de la Sorbonne et leur dénonçant Rabelais comme digne de tous les supplices. […] Nous prenons beaucoup de peine, et pendant que nous nous efforçons de bien faire, la grâce nous échappe avec le naturel. […] Il faut vous dire qu’à neuf ans la subjectivité des impressions m’échappait totalement. […] Je suis philosophe ; je recherche les causes, et voilà une cause qui m’échappe. […] Aujourd’hui encore, son chapeau, son habit, sa culotte et ses guêtres échappés aux mites et aux rats font l’émerveillement de tous ceux qui visitent l’exposition du ministère de la guerre sur l’esplanade des Invalides.

1698. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Guerrier quelques-unes de ces fautes que l’humaine faiblesse laisse toujours échapper, — et jusque dans des livres beaucoup mieux faits que le sien. […] Il en a laissé pourtant échapper un. […] Ils lui échapperaient au moins bien souvent. […] Procédé d’artiste, et coquetterie de peintre qui ne veut rien laisser échapper de ses modèles, que ces prétendues idées réformatrices du discret Marivaux ! […] Il en laisse échapper plus d’une fois l’aveu, chemin faisant.

1699. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Il ne suffit pas de dire qu’il n’est pas un descriptif, il faut voir comment il échappe au terre à terre, au péril de la description ; ne cherchant pas, comme le descriptif né, à rendre fidèlement ce qu’il a vu, mais à le recréer par les moyens propres de l’art littéraire, avec des allusions qui prennent l’objet de biais, avec des coupes de phrase qui fixent dans la texture même de la page un aspect analogue à l’objet, et qui en sont expressives à la fois parce qu’elles l’évoquent et parce qu’elles ne sont pas lui. […] Pour que Flaubert laissât échapper un « grâce sans doute à cette bonne volonté dont il fit preuve, il dut de ne pas redescendre dans la classe inférieure », il fallait bien que son oreille grammaticale et littéraire ne fût pas très sûre. […] Kohler, c’est que la psychologie ait tant tardé à isoler, à reconnaître, à nommer des états des nerfs et du cœur qui furent de tous les temps. » Cela cesse d’être étonnant dès qu’on voit fonctionner, dans le monde social et même dans le monde du langage, l’équivalent et l’adjuvant externes de ce que Freud appelle, dans le monde interne, le refoulement, et il est bien difficile à la psychologie elle-même, réalité sociale toujours par quelque côté, d’échapper à cette loi du refoulement : sinon, c’est elle-même qui est refoulée, et on pourrait peut-être trouver une des causes du peu de succès de la psychanalyse en France, en ceci que, d’une part, nous en connaissons déjà une bonne partie, que, d’autre part, les puissances sociales de notre vieille culture la refoulent automatiquement. […] Une lettre qu’on dicte à la sténo-dactylo : langage nº 4 avec ces errements, il ne vous échappera pas, il y a lieu d’attirer spécialement l’attention, etc… Passer de l’un à l’autre de ces langages, c’est circuler dans les rues de Paris, où le pas adopte un automatisme différent selon qu’il va sur le trottoir, sur la chaussée, sur le trottoir roulant du Métro, dans les jardins.

1700. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

On ne pouvait échapper à la contagion de son enthousiasme, de ses espérances, de sa jeunesse de cœur. […] Il était impossible, en effet, qu’une âme aussi impressionnable que celle de Michelet échappât à la contagion du mouvement romantique qui depuis le commencement du siècle s’était emparé de tous les esprits. […] Dans cette immense collection de documents échappés au temps et aux révolutions, le rêve vaguement entrevu dans son enfance, lorsqu’il parcourait le Musée des monuments historiques, prit corps à ses yeux. […] Plus net et plus ardent se formule ce vœu, échappé du plus profond de sa nature et de ses ardeurs prophétiques : « — Oh ! […] Voilà bien le mot, et c’est toute la vie et toute l’histoire… Croiriez-vous que dans la fièvre des premiers jours, j’étais presque devenu légitimiste, et que je suis encore bien tenté de l’être, s’il m’est démontré que la transmission héréditaire du pouvoir est le seul moyen d’échapper au césarisme, conséquence fatale de la démocratie telle qu’on l’entend en France.

1701. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Le moyen-âge lui échappa nécessairement, hormis quelques figures plutôt historiques que littéraires, et de même lui échappèrent, pour les raisons que l’on a donnas, ses contemporains de la dernière heure. […] Des peuples sans religion, sans art, sans lettres, échapperaient en grande partie à la tyrannie de l’instinct vital. […] Tout vit ou du moins tout se meut ; le mouvement est le temps et le temps est le mouvement, car on ne peut concevoir un mouvement indécomposable, dont la ligne échapperait à la possibilité d’une mesure. […] Les mots ont une grande importance ; échapper au mot, c’est entrer dans la voie de la libération. […] Il s’agirait de soustraire à une prononciation vicieuse quelques mots qui ont échappé à la contagion ou qui ne sont encore que sur la limite, tels que dompter, sculpter, promptitude.

1702. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Le cardinal Wolsey écrit au pape que « les prêtres séculiers et réguliers commettent habituellement des crimes atroces pour lesquels, s’ils n’étaient pas dans les ordres, ils seraient promptement exécutés334, et que les laïques sont scandalisés de les voir non-seulement échapper à la dégradation, mais jouir d’une impunité parfaite. » Un prêtre convaincu d’inceste avec la prieure de Kilbourne est condamné pour toute peine à porter une croix à la procession et à payer trois shillings et quatre pence ; à ce taux, je réponds qu’il recommencera. […] Le puritain condamne le théâtre, les assemblées et les pompes du monde, la galanterie et l’élégance de la cour, les fêtes poétiques et symboliques des campagnes, les mai, les joyeuses bombances, les sonneries de cloches, toutes les issues par lesquelles la nature sensuelle ou instinctive avait cherché à s’échapper. […] Comme les enfants, les paysans et tous les esprits incultes, il change les raisonnements en paraboles ; il ne saisit les vérités qu’habillées d’images ; les termes abstraits lui échappent ; il veut palper des formes et contempler des couleurs. […] Échappé de leurs mains, il tombe dans celles d’un Géant, Désespoir, qui le meurtrit, le laisse sans pain dans un cachot infect, et, lui présentant des poignards et des cordes, l’exhorte à se délivrer de tant de malheurs.

1703. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Sous ce dernier point de vue les écrivains ne pourront échapper à la haine jalouse des méchants, de ces hommes avides du malheur de leurs concitoyens ; & il faut avouer que la ligue établie contre les écrivains patriotiques & généreux, devient de jour en jour plus nombreuse ; ce qui prouve qu’on a senti leur force & leur pouvoir, & ce qui doit conséquemment les encourager à de plus grands efforts. […] Les hommes délicats comme Fontenelle échappent enfin aux traits de l’envie ; & en sont exempts. […] Nous voulons passer pour réguliers ; nous devenons froids, pesans, monotones, & les grands traits de génie nous échappent. […] Il a quelquefois occasion de répéter ce mot ; on le suspecteroit orgueilleux ; non : c’est une pensée involontaire, que la force de la situation lui arrache : il ne peut échapper à la vérité qui lui est offerte.

1704. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

en supposant qu’elle aurait eu, pour la circonstance, les mains multiples de Briarée et les bottes de sept lieues du conte, peut-être encore que Gérard eût échappé à sa longue étreinte. […] De son côté, l’Académie n’a jamais laissé échapper une occasion d’humilier les écrivains et, — ne pouvant et ne voulant pas les décourager tout à fait, — de les tenir à distance. […] Jules de Prémaray qui l’a laissé échapper. […] On ne saurait se dissimuler que Molière « auteur dramatique », échappe de jour en jour à l’admiration du plus grand nombre.

1705. (1929) Amiel ou la part du rêve

Les autres, quand elles échappent aux dangers, portent la marque de la destinée, de l’invention. […] Un jour de 1853 où, à Gênes, il fait bien clair en lui, il dit : « Aucune réalité, mais la réceptivité de chacun, — aucune originalité productive, hardie et spontanée, mais la reproduction passive, l’impressionnabilité illimitée. » À cette dépression Amiel échappait comme créateur d’une formule de vie intérieure, comme maître d’une conscience. […] Le séjour de Sainte-Beuve à Lausanne avait attiré son attention — et ses articles l’attention du public — sur l’intérêt de contrôle et de bilatéralisme que présentait une littérature française transjurane, seule capable d’échapper à l’omnipotence de Paris. […] Un Hollandais, un Danois, un Suisse échappent à cette tentation et à cette illusion.

1706. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Elle a perdu, ou à peu près, M. de Chateaubriand, poète dont la gloire est déjà à moitié enveloppée de cette ombre formidable à laquelle rien n’échappe de nos jours. […] vous, le nouveau Nisard, vous, le Nisard du National, vous, l’échappé du Journal des Débats, qui n’est pas assez libéral pour un héros tel que vous, vous voilà l’allié de M. de Metternich. […] Essayez donc, si vous l’osez, de remettre le mors et la bride à ce jeune cheval échappé et furieux comme le cheval de Job ! […] À peine ouvert, le livre nouveau laissait échapper des rayons, des étoiles, des mondes, des fièvres. […] « Elle était là quand j’écrivais, suivant d’un regard attentif les mots échappés à ma plume ; elle me disait souvent : C’est bien !

1707. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Combien de gens, sans avoir étudié le français et le latin du moyen âge, s’imaginent les savoir parce qu’ils entendent le latin classique et le français moderne, et se permettent d’interpréter des textes dont le sens littéral leur échappe, ou, quoique très clair, leur paraît obscur ? […] La plupart des faussaires sont trahis par leur ignorance à cet égard : des mots, des tournures modernes leur échappent ; on a pu établir que des inscriptions phéniciennes, trouvées dans l’Amérique du Sud, étaient antérieures à telle dissertation allemande sur un point de syntaxe phénicienne. — On examine les formules, s’il s’agit d’actes publics. […] Des hommes, naturellement timorés, constatent que, quelque soin qu’ils apportent à la critique, à la publication et au classement des documents, ils laissent aisément échapper de menues erreurs ; et, de ces menues erreurs, leur éducation critique leur a inspiré l’horreur, la terreur. […] Il y a trop de chances de mensonge ou d’erreur, et les conditions où l’affirmation s’est produite sont trop mal connues pour qu’on soit sûr qu’elle a échappé à toutes ces chances. […] Pour échapper à ces tendances naturelles il suffit de s’imposer la règle de passer en revue l’ensemble des faits et l’ensemble de la tradition avant tout essai de conclusion générale.

1708. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Lisez l’épître de Belzébuth « au très-honorable comte de Breadalbane, président de l’honorable société des highlands, réunie le 23 mai dernier, à Covent-Garden, pour concerter des moyens et mesures à l’effet de rendre vain le projet de cinq cents highlanders qui scandaleusement avaient tâché d’échapper à leurs seigneurs et maîtres dont ils étaient la propriété légitime, en émigrant dans les déserts du Canada, afin d’y chercher cette chose imaginaire, —  la liberté !  […] Ne prenez ceux-ci que comme exemples ; il y en a une trentaine d’autres par derrière, et je crois que de tous les beaux paysages visibles ou imaginables, de tous les grands événements réels ou légendaires, sur tous les points du temps, aux quatre coins du monde, il n’en est pas un qui leur ait échappé. […] Mais la grande vérité, qui consiste à entrer dans les sentiments des personnages, leur échappe : ces sentiments sont trop étranges et immoraux.

1709. (1896) Le livre des masques

Nous ne connaissons que des phénomènes, nous ne raisonnons que sur des apparences ; toute vérité en soi nous échappe ; l’essence est inattaquable. […] En œuvrant ainsi, on échappe au bizarre et à l’obscur ; le lecteur n’est pas brusquement jeté dans une forêt dédalienne ; il retrouve son chemin, et sa joie de cueillir des fleurs nouvelles se double de la joie de cueillir des fleurs familières. […] Une qui n’a ni manchon ni fourrure Fait tout en gris une bien pauvre figure ; Et la voilà qui s’échappe des rangs Et court : ô mon Dieu, qu’est-ce qui lui prend ?

1710. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Les événements de la Révolution vinrent mettre à l’épreuve sa fermeté : il vit cette opulence presque royale dont il jouissait depuis plus de vingt ans et dont il usait avec une libéralité vraiment auguste, lui échapper tout à coup, et la misère, à soixante-seize ans, lui apparaître ; il fut le même : « À soixante-seize ans révolus, disait-il, on ne doit pas craindre la misère, mais bien de ne pas remplir exactement ses devoirs. » J’ai déjà cité quelques-unes de ses nobles paroles.

1711. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Talon ne laissa peut-être échapper qu’en conversation.

1712. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Par ces mots bien ou mal placés, Marivaux ne veut pas toutefois faire entendre qu’un fonds commun d’esprit manquât dans ces siècles réputés barbares : loin de là, il estime que l’humanité, par cela seul qu’elle dure et se continue, a un fonds d’esprit de plus en plus accumulé et amassé : c’est là une suite lente peut-être, mais infaillible de la durée du monde, et indépendante même de l’invention soit de l’écriture, soit de l’imprimerie, quoique celles-ci y aident beaucoup : « L’humanité en général reçoit toujours plus d’idées qu’il ne lui en échappe, et ses malheurs même lui en donnent souvent plus qu’ils ne lui en enlèvent. » Les idées, d’un autre côté, qui se dissipent ou qui s’éteignent, ne sont pas, remarque-t-il, comme si elles n’avaient jamais été ; « elles ne disparaissent pas en pure perte ; l’impression en reste dans l’humanité, qui en vaut mieux seulement de les avoir eues, et qui leur doit une infinité d’autres idées qu’elle n’aurait pas eues sans elles ».

1713. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il faut de la suite, du bon sens, un sens suivi, une méditation approfondie pour trouver du neuf échappé aux autres, et ce fond demande des négligences sur les choses extérieures.

1714. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

À la date d’avril 1752, après une lecture du Siècle de Louis XIV, il ne se contient pas et laisse échapper son admiration comme un hymne : Ô le livre admirable !

1715. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Ainsi en jugeait le duc de Rohan quand il écrivait : « Philippe II poussa ses affaires si avant, que le royaume de France n’est échappé de ses mains que par miracle. » De loin, quand les événements ont tourné d’une certaine façon, on ne se représente pas aisément à combien peu il a tenu qu’ils ne tournassent dans un sens tout autre ; on voit des nécessités et des dénoûments tout simples là où il y a eu des bonheurs et de merveilleux secours.

1716. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Il eut, à son début, sa journée d’éclat (28 octobre 1815), lorsque répondant à M. de Kergorlay qui s’attaquait à l’inviolabilité des biens nationaux et qui prétendait l’infirmer au nom de mille exemples historiques, anciens et modernes, allégués en preuve de l’éternelle vicissitude des choses et de l’instabilité des institutions humaines, il éleva et opposa, en face de ce spectacle philosophique trop décourageant, le point de vue du vrai politique et de l’homme d’État, qui doit se placer, au contraire, et raisonner constamment dans la supposition de la stabilité et, s’il se pouvait, de l’éternité des lois sur lesquelles la société repose, et qui doit d’autant plus paraître s’y fier et les proclamer durables, que l’on vient d’échapper à de plus grands orages : « Voilà, s’écriait-il, voilà ce qu’il faut espérer, ce qu’il faut vouloir, voilà ce qu’il faut, s’efforcer de voir et de démontrer comme le résultat possible et même assuré d’une conduite où la sagesse se trouvera heureusement combinée avec la fermeté.

1717. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Lorsque ensuite on s’aperçut que ce projet de voyage royal n’était qu’une feinte, il s’en montra très irrité et pensa à s’y rendre lui-même ; c’était moins sans doute dans la vue de se lier avec un parti politique et avec des hérétiques que pour échapper au joug paternel trop pesant de près, et pour pouvoir se livrer avec plus de liberté à son agitation turbulente.

1718. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Beaux diseurs de secrets, vous perdiez un mystère Échappé de Paris pour ce cher entretien : Les paroles allaient tomber dans la fougère, Et le salon ne saura rien.

1719. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Il a en lui l’orgueil et les ambitions d’un Dieu : tantôt il voudrait faire rentrer dans sa propre nature et absorber en soi, sentir soi tout ce qu’il désire, et il se demande par moments si le monde n’est pas une ombre et si rien de ce qui n’est, pas lui existe ; tantôt il n’aspire, au contraire, qu’à sortir et à s’échapper de lui-même, à traverser les autres existences, à les revêtir et à les user par une suite d’incessantes métamorphoses.

1720. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Les amoureux sont aisément crédules ; elle est tentée de voir là-dedans un signe et une intention de la Providence : « Je ne veux point pénétrer les desseins du Ciel, je ne me permettrai pas de former de coupables vœux ; mais je le remercie d’avoir substitué mes chaînes présentes à celles que je portais auparavant, et ce changement me paraît un commencement de faveur. » Elle est extrêmement attendrie ce jour-là (7 juillet) ; les épanchements de la journée ne lui ont pas suffi ; elle s’y remet dans la soirée encore ; son âme déborde ; elle laisse échapper l’hymne intérieur comme dans un couplet mélodieux ; elle a beaucoup lu Thompson, elle l’imite ; elle a de sa prosodie scandée, elle a de la simplicité avec pompe : « Douce occupation, communication touchante du cœur et de la pensée, abandon charmant, libre expression des sentiments inaltérables et de l’idée fugitive, remplissez mes heures solitaires !

1721. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Sans doute les très belles et touchantes parties, les endroits pathétiques et pleins de larmes, les adieux d’Hector et d’Andromaque, les douleurs de Priam, étaient sentis ; mais tout ce qui tenait aux mœurs, à la sauvagerie d’alors, à la naïveté et à la crudité des passions et du langage, échappait ou s’éludait grâce aux commentateurs ou traducteurs, et se défigurait vraiment à travers l’admiration des Eustathe et des Dacier.

1722. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Son mari Favart se dérobait dans le même moment pour échapper à une pareille lettre de cachet.

1723. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

La patience échappe à quelques-uns ; on leur impose silence.

1724. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Moi je ne peux pas même me coucher, il faut chercher… souvent pour le jour même, afin que moi seule je sache que c’est l’abîme », En lui rappelant les premiers mots d’une ancienne romance : « (Le 19 avril 1856)… Tu sais la suite dont les mots m’échappent, mais qui devaient dire : Nous pleurerons toujours, nous pardonnerons, et nous tremblerons toujours. — Nous sommes nées peupliers… » « (Mercredi 27 novembre 1850)… Je reste à coudre près de lui (mon mari), car je maintiens tout ce que je peux d’un sort si délabré qui ne touche personne… Dieu et toi exceptés, je le sais bien, va !

1725. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Il ne sait pas ce qu’on n’a appris que depuis : la succession et la transformation gallo-romaine, néo-latine et romane, lui échappent.

1726. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Je m’étais promis de ne laisser voir dans ce livre que la face riante de mon âme ; mais ce projet m’a échappé comme tant d’autres. » Chez M. de Maistre, en effet, la mélancolie n’est pas en dehors, elle ne fait par moments que se trahir.

1727. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

On a relevé et souligné à la lecture quelques incorrections de dialogue qui échappent en causant.

1728. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Charlemagne n’y a pas plus échappé que Dagobert, et il joue souvent dans les romans de chevalerie une espèce de rôle de bonhomme entre ses douze pairs et son archevêque Turpin, qui est son saint Eloi.

1729. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Un jour qu’il dictait selon sa coutume, son secrétaire distrait peut-être, ou entendant mal la voix déjà altérée, lui fit répéter le même mot deux et trois fois ; à la troisième, un mouvement de vivacité et d’humeur échappa.

1730. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Elle va nous l’avouer elle-même et laisser échapper son orgueil, son ivresse de sainte, sous les semblants de l’humilité : « On ne peut méconnaître, écrivait-elle « d’Aaran (en avril 1816), les grandes voies de miséricorde du Dieu qui veut, avant les grands châtiments, faire avertir son peuple et sauver ce qui peut être sauvé.

1731. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Tout le moyen âge lui échappe, comme à presque tous ses contemporains : il voit le xvie  siècle moins nettement que Chapelain ou Colletet.

1732. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

De tout son maintien, de ses regards, de ses paroles s’échappe une ardeur d’adoration qui chatouille agréablement la vanité du patriarche : c’est une fidèle devant son Dieu.

1733. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Par l’art seul, l’intelligence et la volonté saisissent leurs objets qui, partout ailleurs, leur échappent : dans l’art seulement, l’homme peut connaître et créer ; hors de l’art, il n’y a qu’illusion et impuissance.

1734. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

De ces deux premières œuvres, ce qui semble échapper à toute revendication précise, ce sont les scènes qui justifient le titre de la seconde, les scènes de la querelle et de la réconciliation d’Éraste et de Lucile, de Gros-René et de Marinette.

1735. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Aucune œuvre n’échappera à notre contrôle, toutes seront marquées au chiffre unique de leur valeur.

1736. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et si l’on remarque, d’autre part, qu’une semblable complexité mentale, — outre qu’elle suppose que l’on est relatif par tempérament et absolu par éducation, très perspicace et d’autant moins éclairé ; que l’on n’échappe à la torture de l’idée que par le renoncement ; qu’en d’autres termes, l’on n’a au cœur rien de proprement viril, nous ne disons pas d’humain, ni la force d’être sceptique avec décision, ni le pouvoir de se passionner avec constance, — entraîne, pour l’alimentation vitale de l’esprit, la nécessité d’une transposition indéfinie de la perspective, l’on achèvera de comprendre que M. 

1737. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Un aveu qu’il laisse échapper donne l’idée de son respect pour les maîtres de jadis.

1738. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Il se résume en un petit jeu de société et de théâtre dont l’ingénieuse simplicité n’échappera à personne : La scène se passe en 1885-86.

1739. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Parbleu, nous sommes bien encanaillés. » Morellet se croit encanaillé de ce qu’il a pour confrères Andrieux et Collin d’Harleville, et Andrieux, vingt-cinq ans plus tard, se croirait encanaillé d’avoir pour confrère Lamartine : « Nous l’avons échappé belle aujourd’hui, monsieur », disait-il, parlant à M. 

1740. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Le champion brillant du trône et de l’autel voyait le monde se porter ailleurs, et plus d’une moitié de la jeunesse lui échapper ; son calcul alors a été prompt et direct.

1741. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Mehl, dans Le Bibliographe alsacien, n’a pu s’empêcher de relever quelque chose du procédé, qui n’a pas échappé non plus à l’auteur d’une note dans la Revue critique du 6 octobre 1866.

1742. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Je me composais une sorte de paradis de neige assez agréable… » Un paradis de neige, ce sont de ces mots qui indiquent de l’imagination dans l’esprit, et comme il en échappe si souvent à Mme de Girardin en causant ; sa conversation en est toute semée.

1743. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Cette intelligence vaste, féconde et puissante, revêtue d’une si admirable et si soudaine faculté de mise en œuvre par la parole, lui échappait, et il ne voulait voir que l’apparence, le jeu, le coup de théâtre, l’appareil sonore, sans rendre justice à l’âme réelle qui unissait, qui inspirait et passionnait tout cela.

1744. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

L’aigle lui-même, habitué à porter la foudre, la laisse s’éteindre cette fois et s’échapper.

1745. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Pour échapper à ces dégoûts, à cette inaction forcée et à cette attente d’un changement qui, de près et pour les contemporains, semblait si long à venir, M. de Maistre, durant son exil de Saint-Pétersbourg, se jette plus que jamais dans l’étude ; il se sent plus que jamais brûlé de la fièvre du savoir : c’est un redoublement qui ne se peut décrire.

1746. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Parlant de son ami La Motte, et pour caractériser la facilité de ses dons naturels, elle dira : « Ces âmes à génie, si l’on peut parler ainsi, n’ont besoin d’aucun secours étranger. » Le comparant pour ses qualités de fabuliste à La Fontaine, et répondant à ceux qui ont sacrifié l’un à l’autre : « Ils ont cru, dit-elle, qu’il n’y avait pour la fable que le simple et le naïf de M. de La Fontaine ; le fin, le délicat et le pensé de M. de La Motte leur ont échappé. » Le pensé de M. de La Motte est curieux et bien trouvé, mais cela sent la manière.

1747. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

La cour de Rome, en particulier, voyait en ce défenseur de l’autel et du trône un héros et presque un saint échappé au martyre, et, à sa sortie de France en 1792, l’abbé Maury fut comblé par le pape Pie VI de tous les honneurs et de toutes les dignités auxquelles un homme d’Église pouvait prétendre : nonce, archevêque et bientôt cardinal (1794)34.

1748. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Il noua des intrigues avec l’Espagne ; puis, craignant d’être pris et enlevé par ordre de l’empereur, et à bout de finances, ne sachant exactement où donner de la tête, il se dirigea vers la frontière de Bosnie, sans dessein bien arrêté : « Quand je quittai Venise, disait-il plus tard en conversation et de ce ton original qui était le sien, la soupe avait mangé la vaisselle ; et, si la nation juive m’eût offert le commandement de cinquante mille hommes, j’aurais été faire le siège de Jérusalem. » C’est à cette frontière de Bosnie qu’il se trouve arrêté pendant quatorze mois dans une ville où l’empereur le réclamait, en danger d’être livré, et qu’il n’échappe finalement à l’extradition qu’en prenant le turban et faisant profession de mahométisme.

1749. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

» Il fut donné à Marmont de se poser deux fois ce fatal problème : « Heureux, s’écriait-il, heureux ceux qui vivent sous l’empire d’un gouvernement régulier, ou qui, placés dans une situation obscure, ont échappé à cette cruelle épreuve !

1750. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Ceux même qui ont été assez heureux pour échapper à cette contagion des esprits, ont attesté toute la violence qu’ils ont soufferte.

1751. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

N’étant pas engagé directement dans la lutte, il échappa à la mort commune, et en fut quitte pour dix mois de détention dont il fut délivré peu après le 9 Thermidor.

1752. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Demander à cette jeune fille d’échapper entièrement aux milieux dans lesquels sa vie se passe, de n’appartenir en rien à l’humanité de sa nouvelle patrie : c’est exiger de la Nature qu’elle ait fait un miracle, — et elle n’en fait pas.

1753. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Ce vieux supplice que nos anciennes chartes de torture appellent l’extension, et auquel Cartouche échappa à cause d’une hernie, Prométhée le subit ; seulement le chevalet est une montagne.

1754. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

III, chap. 6] Voici quelques fragments que nous avons retenus de mémoire, et qui semblent être échappés à un poète grec, tant ils sont pleins du goût de l’antiquité.

1755. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Dans ces rochers, trois arcades pratiquées ; au long de ces arcades un torrent dont les eaux resserrées par une autre masse de roches qui s’avancent encore plus sur le devant, viennent se briser, bondir, couvrir de leur écume un gros quartier de pierre brute et s’échappent ensuite en petites nappes sur les côtés de cet obstacle.

1756. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Quand je lui échappai enfin, à vingt-cinq ans, mon ignorance et mes scrupules me barraient plus d’un joli sentier : Anatole France, et Apollinaire me semblaient coupables et lointains autant qu’une Cléo de Mérodeg ou qu’une Emilienne d’Alençonh.

1757. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Mais il est une observation qui a échappé à Platon et à M. de Maistre, et que je crois devoir consigner ici.

1758. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Thierry n’est pas fait pour la grande peinture historique et que l’idéal de ses personnages lui échappe ?

1759. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

L’artiste ne cherche pas, on dirait plutôt que l’idée lui échappe.

1760. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Je reconnais pleinement qu’il y a de nombreuses exceptions à la commune loi sexuelle et que si nui ne peut y échapper, beaucoup peuvent y obéir à leur façon.

1761. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Si la comparaison des philosophies, qu’elles ont vu naître nous laisse encore incertains, comparons donc leurs institutions mêmes, et les réformes qu’elles leur font subir, — leurs tendances vraiment dominantes ne sauraient de cette façon nous échapper.

1762. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

J’avouai que quelques éclaircissements sur ce projet que j’admirais en bloc, mais dont certains détails de mise en œuvre m’échappaient, me seraient infiniment agréables. […] — Rien n’est si simple que d’échapper à ce cauchemar, répondis-je. […] Les milieux aussi sont rendus avec une vérité absolue, dans toute la philosophie d’une observation qui ne laisse rien échapper des gestes et des pensées. […] Il échappe à toute assimilation, à toute classification. […] … Mais cette hypothèse, qui lui avait échappé, cette hypothèse pourtant si lointaine et d’une invraisemblance si avérée… l’avait rendu mélancolique.

1763. (1929) La société des grands esprits

Homme du moyen-âge assurément, il échappe pourtant un peu à son époque, grâce à son génie et à son instinct de poète. […] On voit bien que pour Pascal la raison est superbe et corrompue : pourquoi le cœur échappe-t-il à cette corruption résultant de la chute ? […] Strowski lui-même en faisait état quelques jours auparavant, dans un article qui nous avait échappé d’abord et que nous avons retrouvé par un heureux hasard, en classant des papiers. […] Augusta souhaita d’y échapper. […] Les hommes supérieurs n’échappent pas entièrement à l’influence du milieu.

1764. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Il a bientôt rattrapé son voleur que les arbres gênent dans sa course ; il le saisit par sa botte, le jette à bas de son cheval, le fouille et découvre au fond de sa valise l’exemplaire frauduleusement échappé à la destruction du libelle. […] Tout ce qui est éloge funèbre, que ce soit en prose ou en vers, ne saurait échapper à la loi d’une certaine banalité ; la seule chose qu’on puisse et doive demander, c’est que l’inévitable lieu commun soit relevé par le style. […] Les soldats de la patrie avaient au cœur la plus grande indignation qui puisse remplir des hommes : l’exaspération d’une lutte qui, depuis cinquante jours, différait inutilement un résultat certain ; le mépris des misérables qui avaient engagé cette lutte impie sous les yeux de l’ennemi ; la honte d’un pareil spectacle offert au vainqueur ; la rage de se voir tués, à peine échappés à la Prusse, par une canaille cosmopolite ; enfin l’effroi des flammes qui menaçaient de tout anéantir. […] S’il ne saisit pas tout, si beaucoup de choses lui échappent, est-ce donc une infirmité particulière à son âge, et n’en sera-t-il pas de même toute sa vie ? […] Des presses de l’imprimeur Mame, à Tours, s’échappe toutes les semaines un innombrable essaim de ces farces indécentes qui mutilent d’une façon barbare et vraiment immorale la littérature et l’histoire.

1765. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Ce fut à grand’peine que les auteurs de cette scène renouvelée des Grecs purent échapper aux châtiments des impies et des athées. […] Le jugement fut des plus sévères, si sévère même, que quelques vers échappèrent seuls à la critique. […] Le comédien se surpassa ; l’Éminence, qui n’avait pas un cœur des plus tendres, laissa échapper quelques larmes, aussitôt l’abbé Bois-Robert de prétendre qu’il s’acquitterait encore mieux du rôle que Mondory, Mondory fût-il présent. […] Et lui seul pourrait-il échapper aujourd’hui A l’ardeur d’un vainqueur qui ne cherche que lui. […] On donna l’ordre de l’arrêter ; il fut assez heureux pour échapper aux poursuites et se réfugia chez M. de Gonteris, archevêque et vice-légat d’Avignon.

1766. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

On sent qu’il en a l’amour, qu’il les scande avec volupté, qu’une belle césure le ravit, que toutes les délicatesses le touchent, que nulle nuance d’art ou d’émotion ne lui échappe, que son tact littéraire s’est raffiné et préparé pour goûter toutes les beautés de la pensée et des expressions. […] L’enfant, l’artiste, le barbare, l’inspiré leur échappent ; à plus forte raison tous les personnages qui sont au-delà de l’homme : leur monde se réduit à la terre, et la terre au cabinet d’étude et au salon ; ils n’atteignent ni Dieu ni la nature, ou, s’ils y touchent, c’est pour transformer la nature en un jardin compassé et Dieu en un surveillant moral.

1767. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Dickens a tout vu dans le vieux beffroi ; sa pensée est un miroir, il n’y a pas un des détails les plus minutieux et les plus laids qui lui échappe. […] S’il peint un paysage, il apercevra les cenelles qui parsèment de leurs grains rouges les haies dépouillées, la petite vapeur qui s’exhale d’un ruisseau lointain, les mouvements d’un insecte dans l’herbe ; mais la grande poésie qu’eût saisie l’auteur de Valentine et d’André lui échappera.

1768. (1879) À propos de « l’Assommoir »

L’homme qui a su se créer, en plein Paris, un milieu si tranquille, qui a su rassembler tant de souvenirs du passé, échappe aux accusations d’ignorance et de mauvais goût  pour ne rien dire de pire  qu’on a lancées contre lui. […] Bien des circonstances échappent à l’analyse, bien des situations arrivent à l’imprévu, sans être amenées, et, par conséquent, sans produire beaucoup d’effet.

1769. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Puis très souvent, son rythme, à Flaubert, n’est que pour lui seul et nous échappe. […] Or, après ces malhonnêtes actions involontaires, ces petits crimes arrachés à sa droite nature, elle s’enfonçait en de tels reproches, en de tels remords, en de telles tristesses, en de tels noirs de l’âme, que dans cet enfer, où elle roulait de fautes en fautes, désespérée et inassouvie, elle s’était mise à boire pour échapper à elle-même, se sauver du présent, se noyer et sombrer quelques heures dans ces sommeils, dans ces torpeurs léthargiques, qui la vautraient toute une journée en travers d’un lit, sur lequel elle échouait en le faisant.

1770. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Au milieu de cela, il s’échappe à nous avouer, qu’au fond, sa grande satisfaction, sa grande jouissance est de sentir l’action, la domination qu’il exerce, de son humble trou sur Paris, et il le dit avec l’accent d’un homme de talent, qui a longtemps mariné dans la misère. […] Et, chose bizarre, ce qui sort et s’échappe de cette bouche d’enthousiaste, c’est de la logique profonde et du haut bon sens.

1771. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Il pense que les espèces copistes ont acquis lentement et par sélection naturelle leur parure actuelle, qui a pour effet de les faire passer pour des représentants des espèces communes victorieuses, et qu’elles échappent ainsi à quelque danger auquel autrement elles seraient restées exposées169. […] Car il est de toute évidence que les êtres généalogiquement le plus rapprochés ont aussi toute chance d’être les plus voisins dans le temps et dans l’espace, et, de plus, qu’ils ont la plus grande ressemblance attributive possible, au point qu’aux degrés les plus immédiats de leur succession généalogique, ils arrivent à la presque identité attributive et peuvent logiquement se confondre sous un même nom collectif, qui fait seulement abstraction de leurs légères différences individuelles, ne serait-ce que de cette différence primordiale qui distingue logiquement deux individus, en faisant que l’un n’est pas l’autre, et qui échappe à toute collectivité, en même temps qu’elle lui donne sa raison d’être.

1772. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Le mot voix n’a pas échappé à cette règle générale. […] La prosopopée des Lois est développée dans la dernière partie du Criton (50a-54d) dans le dialogue de Socrate avec les lois de la Cité qui achève son refus de la proposition que Criton lui faisait de s’évader pour échapper à une mort imminente ; le passage cité par Egger est l’épilogue (54d).

1773. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Les malheureux condamnés éternellement à désirer la rive opposée, s’attachent à la barque : L’un la saisit en vain, et, renversé par son mouvement trop rapide, est replongé dans les eaux ; un autre l’embrasse et repousse avec les pieds ceux qui veulent aborder comme lui ; deux autres serrent avec les dents le bois qui leur échappe. […] Il serait temps, ce me semble, que le gouvernement s’en mêlât ; car si les hommes de lettres, qui ont chacun leur rêve et leur labeur, et pour qui le dimanche n’existe pas, échappent naturellement à la tragédie, il est un certain nombre de gens à qui l’on a persuadé que la Comédie-Française était le sanctuaire de l’art, et dont l’admirable bonne volonté est filoutée un jour sur sept. […] Toutes ces paroles, qui échappent à votre langue, témoignent que vous croyez à une beauté nouvelle et particulière, qui n’est celle ni d’Achille, ni d’Agamemnon.

1774. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Nous le verrons de mieux en mieux à mesure que nous avancerons dans notre étude : il n’est pas facile, quand on pense au temps, d’échapper à l’image du sablier. […] Ce qu’il y a d’irréductible et d’irréversible dans les moments successifs d’une histoire lui échappe. […] Déjà la théorie finaliste de la vie échappe à toute vérification précise.

1775. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Ces vers étaient d’un Monsieur qui faisait beaucoup de sonnets à l’époque et de qui le nom m’échappe. […] un échappé à la Saint-Barthélemy du Siège, gambadait autour de la table) : « Les chiens, dit Rimbaud, ce sont des libéraux. » Je ne donne pas le mot comme prodigieux, mais je puis attester qu’il a été prononcé. […] Les chapitres : Suprématie de Paris et Fonction de Paris, en raison même des idées sociales et politiques qui y sont développées, échappent à la compétence de la Revue des Lettres et des Arts, et ce nous est une douleur de n’en pouvoir louer tout à notre aise l’élévation, la forte éloquence et la poésie puissante.

1776. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Il ne lui a pas échappé que le mysticisme moderne se sert de la religion, mais ne la sert pas ; que la théologie n’a plus de servantes, qu’elle balaie elle-même ses sanctuaires, et que, sans le vouloir expressément mais par son attitude, elle en défend l’entrée à tout ce qui est intelligence, originalité, poésie, art, libération. […] Autrefois le grand mot des voleurs (et des autres), l’argent, ne gardait que très peu de temps son manteau argotique ; constamment rhabillé, il échappait à la connaissance immédiate des non-initiés. […] Il ne fut jamais un chercheur de pierres précieuses : il sertissait celles qu’il avait sous la main, plus soucieux de leur mise en valeur que de leur rareté ; mais, pêcheur de perles, il le fut aussi trop peu et, trop confiant en sa force improvisatrice, il laissa, même en des morceaux jugés par lui définitifs, échapper des à peu près et des erreurs. […] Non pas la banale et abondante moisson de lignes qu’ils engerbèrent en d’infinis tomes, non pas cette fécondité à la Sand toute pareille au travail naturel de l’animal prolifique, ― mais une production raisonnée et voulue d’œuvres choisies entre toutes celles qui leur étaient possibles, et diversifiées assez pour que rien d’essentiel n’ait échappé à leurs mains d’entre les fruits de l’arbre.

1777. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

L’enthousiasme, en effet, en détachant l’âme des choses de la terre, donne à toutes les paroles qui s’échappent de nos lèvres une ardeur, une sérénité qui, seules, forment déjà la meilleure partie de la poésie ; mais la satire lyrique, par la nature même de la mission qu’elle se donne, est incessamment ramenée vers la réalité. […] Cette triple conception et ce triple avortement sont si évidents, qu’ils n’ont pas échappé au regard de l’auteur ; car M.  […] S’il consent à proclamer le triomphe de la raison, c’est à la condition que la raison se résume en lui ; s’il sait bon gré à notre temps de ne pas persévérer dans toutes les espérances du siècle dernier, c’est qu’il personnifie en lui-même l’impartialité, la pénétration ; c’est qu’il est l’expression absolue de la sagesse ; c’est que chacune de ses paroles contient un enseignement ; c’est que toutes les pensées qui s’échappent de ses lèvres devraient être recueillies comme la manne céleste. […] Il n’a pas échappé aux conséquences du principe qu’il avait embrassé ; par l’ode, il rendait impossible, et je dirais volontiers inutile, la vie de ses personnages ; par l’antithèse, il arrivait naturellement au spectacle. […] à quoi bon feuilleter les livres poudreux pour retrouver le sens des siècles évanouis, puisque l’admiration est acquise d’avance à toutes les paroles qui s’échapperont de la bouche du poète ?

1778. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Comment y aurait-il échappé ? […] Nul écrivain, nul grand écrivain même, n’y échappe à ses débuts. […] Quand on a, avec beaucoup de peine, établi des catégories, il faut bien souvent se résigner à n’avoir rien à enfermer dans l’enclos : les jolies bêtes s’échappent et vont jouer dans la forêt voisine. […] Les nuances lui échappent. […] Si le mot chirurgie a échappé à cette réaction, c’est qu’il est de formation très ancienne  ; Chrétien de Troyes dit au douzième siècle, dans le Chevalier du lion : Un cirurgien qui savoit De cirurgie plus que nous Les grécisants du quinzième siècle rétablirent le ch ; mais tout ce qu’ils obtinrent fut la prononciation normale de ce ch, bien inutile.

1779. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Ou bien c’était un épisode de la guerre de 1870  : « De grands incendies brûlaient au loin dans le silence du crépuscule… Pour échapper aux coups de fusils, on n’eut que le temps de traverser une rivière, un étang. […] Il l’avouait et faisait tout pour échapper à la solitude, et, malgré relations et causeries, toujours l’implacable solitude revenait. […] Certains mots qu’il a laissé échapper sont peut-être de nature à jeter quelque lueur sur cette tragique énigme. […] Faguet aurait écrit uniquement pour s’échapper à lui-même, pour n’être pas dévoré par son propre néant. […] Mais son labeur la poursuivait et elle échappait difficilement à cette obsession.

1780. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Dans Crime et Châtiment, les hallucinations de Raskolnikoff finissent avec sa maladie ; même son délire ne fut pas délateur, au moins gravement ; — c’est de propos délibéré, presque hors de danger, qu’il se livre, comme Nikita, alors il était presque sûr d’échapper à la sanction. […] Donc le branle est donné autour d’une idée vicieuse, et, comme des cercles concentriques, toutes les classes gravitent autour de cette ambition : échapper à la loi du travail. […] Sa science de la vie, précoce quoique sommaire, sa prescience plutôt, non documentée mais si bien aiguillée vers les routes des sens, déconcerte le jeune Lohengrin, échappé des bureaux de Mont Salvat, comme souvent les jeunes filles poussées en pleine serre chaude du monde étonnent le bachelier encore engourdi d’humanités. […] Echappe-toi comme eux par la foi dans l’Incréé. […] Équilibre instable de deux êtres qui se cherchent en eux-mêmes, en faisant semblant de se chercher l’un dans l’autre, et pour passer le temps et échapper à la psychologie qui s’impose trop, des tournées dans les ruelles noires, et des charités à deux, et des cabarets, des aspects d’idylle exquise dans l’insuffisance de l’amour, des désirs d’aventures où l’amour, retrouvant toute sa liberté, retrouverait toute sa saveur.

1781. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Il visite l’abbaye, le trésor « où il y a bien du galimatias et de la badinerie », dit-il ; puis les tombeaux des rois « où je ne pus m’empêcher de pleurer voyant tant de monuments de la vanité de la vie humaine ; quelques larmes m’échappèrent aussi au monument du grand et bon roi François Ier, qui a fondé notre Collège des professeurs du roi.

1782. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Dans un écrit : Des fugitifs français et des émigrés (août 1795), il distinguait entre ceux qui étaient sortis de France quand tout était calme encore ou du moins régulier, et qui en étaient sortis pour combattre, et ceux qui s’étaient seulement échappés par nécessité, pour se dérober à la captivité ou à la mort.

1783. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Cependant il ne peut pas entièrement échapper à la connaissance des choses nouvelles, des arrivées et des approches pompeusement annoncées, des voiles qu’on signale de temps en temps à l’horizon comme des armadas invincibles : il faut qu’il les connaisse (au moins les principales), qu’il ait son avis ; en un mot, qu’il ait l’œil au prochain rivage et qu’il ne s’endorme pas.

1784. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Mais, dès qu’il se fut aperçu que l’ennemi ne songeait pas à pousser à bout son succès, Rodrigue, qui était porte-étendard ou général en chef des Castillans, releva le courage de son roi et lui dit : « Voilà qu’après la victoire qu’ils viennent de remporter, les Léonais reposent dans nos tentes comme s’ils n’avaient rien à craindre : ruons-nous donc sur eux à la pointe du jour, et nous obtiendrons la victoire. » Son conseil fut suivi ; les Léonais, surpris dans le sommeil, furent la plupart égorgés, quelques-uns à peine échappèrent ; le roi Alphonse, qui était de ceux-là, fut pris bientôt après et jeté dans un cloître, d’où il ne se sauva que pour l’exil.

1785. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Mais, d’autre part, j’ai un jeune ami des plus distingués à qui, dans un mouvement d’explosion sincère, il est arrivé de dire devant moi, à propos de ce même historien : « Le jour où M*** disparaîtrait, je sentirais une fibre se briser dans mon cœur. » J’ai compris dès lors que, pour être ainsi aimé et chéri, pour exciter en des âmes d’élite de tels tressaillements, il fallait que cet homme aux brillants défauts, à la parole pénétrante, eût quelque chose d’à part et de profond qui m’échappait, je ne sais quel don d’attrait et d’émotion qui a ou qui a eu sa vertu, et depuis ce jour je me suis mis à le respecter et à respecter en lui ceux qui le sentent si tendrement et qui l’aiment.

1786. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

… » — Et à ce seul point de vue du talent littéraire et poétique, qui se révèle en tout ce qui s’échappait de sa plume, vers ou prose, qu’on me permette de joindre encore un dernier témoignage, comme appréciation de cet art exquis et naturel qu’elle portait en elle.

1787. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Voltaire, de toutes parts entouré, y échappe le plus souvent à force d’esprit et de saillie vive.

1788. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Quand une nation acquiert chaque jour de nouvelles lumières, elle aime les grands hommes, comme ses précurseurs dans la route qu’elle doit parcourir ; mais lorsqu’elle se sent rétrograder, le petit nombre d’esprits supérieurs qui échappent à sa décadence, lui semble, pour ainsi dire, enrichi de ses dépouilles.

1789. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Les preuves sans nombre, qui s’échappent d’elle de toutes parts, doivent enfin l’emporter sur la fabrication de la calomnie.

1790. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Alors ils lui dirent qu’un requin le poursuivait, et le supplièrent de plonger pour échapper au péril.

1791. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Ce qui échappe à l’histoire tombe sous l’empire de la mode.

1792. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Rien ne lui a échappé : et il a jeté tout cela, abondamment, confusément dans son poème, laïcisant, c’est-à-dire vulgarisant la science des écoles, initiant les seigneurs et les bourgeois aux plus graves problèmes, aux plus hardies solutions, aux plus téméraires inquiétudes, sollicitant le vulgaire à savoir, à penser, par conséquent à s’affranchir, et faisant ainsi une œuvre qu’on a pu comparer à celle de Voltaire.

1793. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

L’Enfer est une large gueule de dragon, béante, d’où les démons, effroyables et grotesques, sortent en hurlant et gesticulant : des flammes s’en échappent : les damnés crient : il se fait dans les profondeurs invisibles un tapage effroyable ; les tambours et les tonnerres font rage, et l’on tire même le canon, pour les grands effets.

1794. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Née dans une prison, orpheline de bonne heure, enfermée dans un couvent pour y être convertie, nourrie par charité chez des parents sans tendresse, la petite fille de D’Aubigné épouse à seize ans Scarron, un bouffon infirme, pour échapper à la misère, où le veuvage la replonge.

1795. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Car ce qu’il y a d’éminent chez l’auteur des Contemplations, ce sont des qualités d’artiste, dont la foule ne saurait être juge, et qui lui échappent.

1796. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Mais il est, ici j’interviens avec assurance, quelque chose, peu, un rien, disons exprès, lequel existe, par exemple égal au texte : où le profit n’appartient pas au zélateur de Rabelais, de Molière, Montesquieu et bientôt Chateaubriand — cela demeure réservé, comme un emprunt et, en probité, une minime part lui échappe.

1797. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Il y a entre eux un peu de contrainte et de froid ; puis un mot piquant échappe, et on y répond.

1798. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il fut heureux pour lui que la proposition de mettre ses restes au Panthéon avortât comme les précédentes ; il échappa à un honneur qu’on avait rendu à Marat.

1799. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

La pratique du gouvernement représentatif, où tous les ressorts d’une grande société sont mis au jour, nous a persuadé que nous sommes très bons juges de la politique, que nous n’ignorons pas la guerre, que nous nous entendons en finances et en administration, que rien ne nous échappe des rapports de la fortune publique avec l’esprit général du gouvernement.

1800. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Le nôtre serait supérieur à son maître, parce qu’il sentirait mieux le divin et échapperait par l’amour à l’affreuse réalité.

1801. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Elle est restée gardienne d’une place forte ; Guillaume blessé, vaincu, mis en fuite par les Sarrasins et déguisé lui-même en Sarrasin pour mieux leur échapper, se présente aux portes de la ville.

1802. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Qui nous assurera qu’ils ont saisi la vérité, dans une matiere si importante, lorsque la vérité leur échappe dans mille rencontres plus à leur portée ?

1803. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Ces mots prétentieux lui étaient échappés, en effet, à propos des persécutions contre l’Encyclopédie.

1804. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

ouvrez la préface de La Monarchie selon la Charte dans l’édition de 1827 ; il y disait, laissant échapper le ressentiment dont il était plein : En me frappant, on n’a frappé qu’un dévoué serviteur du roi, et l’ingratitude est à l’aise avec la fidélité ; toutefois, il peut y avoir tels hommes moins soumis et telles circonstances dont il ne serait pas bon d’abuser : l’histoire le prouve.

1805. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Quand la feuille est venue, que nos personnages paraissent vivants, que notre dialogue nous semble une voix, nous sortons de ce papier, échappé de nos entrailles et que nous corrigeons avant de nous coucher, — nous sortons avec une vraie fièvre qui nous retourne deux ou trois heures, sans sommeil, dans notre lit.

1806. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Des cheveux follets, échappés au-dessous de son oreille, frisent comme de petites arborisations agatisées, se détachant dessus le globe lumineux de la lampe posée sur la cheminée.

1807. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Vous objectez qu’on peut s’échapper d’une prison ?

1808. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Mais la lecture laissa appercevoir des défauts qui échappent presque toujours à la représentation.

1809. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Faute de Corneille, Napoléon chercha à prendre Ducis : l’oiseau sauvage 5 sut échapper aux embûches bienveillantes du tout-puissant chasseur.

1810. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Mais l’usage, c’est-à-dire l’habitude, diminue cet intervalle, et, quand l’intervalle est devenu très faible, il échappe à l’observation.

1811. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Ils viennent d’affirmer devant nous, tout en se battant, leur internationalisme et leur pacifisme ; mais tout de même les événements sont de grands maîtres, et, pour échapper au joug intolérable du kaiser, ces révolutionnaires soldats ont dû consentir de sérieuses retouches à leur conception de la vie.

1812. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Le matin, je tâche de m’échapper sur les coteaux pour prier et, le soir, je vais me recueillir un moment dans l’église.‌

1813. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Toute force vous échappe.

1814. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Elle peut accroître indéfiniment le nombre des extrémités, rétrécir indéfiniment les intervalles ; mais toujours l’intervalle lui échappe, ne lui montre que ses extrémités.

1815. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

le roi de toutes choses, que ceci n’échappe pas à tes regards et à ton éternel empire !

1816. (1890) Nouvelles questions de critique

L’étude prétendue scientifique des œuvres littéraires n’atteint, ne peut atteindre en elles que ce qu’elles ont de moins littéraire mais ce qui en fait le caractère propre est justement ce qui en échappe aux prises de toute méthode comme de toute formule scientifique. […] Sur cette indication, suivez l’histoire de la prose française : Montaigne, Pascal, Bossuet, Voltaire, Montesquieu, Buffon, Rousseau, Chateaubriand, que font-ils, que de conquérir à l’art d’écrire une province qui jusqu’alors lui avait échappé : la théologie, le droit, l’économie politique, la science ? […] vois la rapidité de cet astre qui jamais n’arrête ; il vole et le temps fuit, l’occasion s’échappe, ta beauté, ta beauté même aura son terme ; elle doit décliner et périr un jour. […] La facture, le mérite proprement technique en échappent à beaucoup de bons juges. […] on peut laisser échapper, sans presque y prendre garde, un petit Écrit pour l’art !

1817. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Exemple : monologue d’Agamemnon : Par où donc m’échapper ? […] Dans son théâtre très bien placé pour cela, avec… avec elle d’abord, qui vaut une armée, avec un très petit nombre d’acteurs et actrices expérimentés, avec de jeunes échappés du Conservatoire qui ne manquent jamais pour les rôles secondaires, elle pourrait nous donner trois ou quatre fois par an, entre les grands succès de pièces modernes que je lui souhaite, trois ou quatre séries de représentations de pièces classiques les plus accommodées au goût populaire. […] C’est pour marquer la pudeur alarmée, et la honte d’avoir laissé échapper l’aveu, l’aveu pénible. […] Si elle était une Cathos, elle ne laisserait pas échapper l’aveu aussitôt après la déclaration d’Hippolyte. […] La déclamation qui fut, jusqu’à Mlle Lecouvreur, un récitatif mesuré, un chant presque noté, mettait encore un obstacle à ces emportements de la nature qui se peignent par un mot, par une attitude, un silence, par un cri qui échappe à la douleur.

1818. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Du moment où il y a un gouvernement, l’art ne peut échapper à l’influence de ce gouvernement, quel qu’il soit ; car le gouvernement tient d’une main les faveurs qui poussent en avant, de l’autre les rigueurs qui rejettent en arrière. […] Eugène Sue n’avait qu’un seul parti à prendre pour échapper aux terribles dangers de la dépréciation, c’était de s’ensevelir dans son triomphe, de disparaître pour six mois et de se faire oublier, en un mot, comme son ouvrage.

1819. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

On l’a cru du moins sur la conduite qu’il tint dans un temps de trouble, & sur quelques propos qui lui ont échappé, mais qu’on n’a pas manqué de répandre. […] Pour Maigrot, échappé de leurs mains, il publia qu’on avoit eu dessein de l’assassiner, & qu’il s’étoit vu le couteau sur la gorge : c’est que, dans la frayeur, il avoit pris le chapelet d’un néophite pour un couteau. […] Le larcin fait à Bacon, n’échappa point au journaliste. […] On prétend qu’il y fut condamné à mort, pour y avoir débauché son hôtesse, & qu’il ne put échapper au supplice qu’à la recommendation de Calvin qui, se dépouillant de son ame atroce, fit commuer la peine de mort en celle du fouet. […] Il ne vient point à moi, traînant de vils lambeaux, Tel qu’on nous peint un spectre échappé des tombeaux ; Le visage souillé de sang & de poussière, Les cheveux hérissés, l’œil ardent de colère ; Mais tel qu’il se montroit en ces jours fortunés ; Où sa gloire frappoit nos esprits étonnés, Sous ses antiques traits, toujours reconnoissable, Doux & majestueux, simple, modeste, affable, Jettant sur moi des yeux perçans, mais attendris : Et toi, dit-il, & toi, Santeuil, tu me trahis !

1820. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Le peuple accourt de tous côtés autour de lui, et Marfa, la veuve d’Ivan le Terrible, s’échappe du couvent, où elle a été ensevelie vivante par Boris, pour venir au devant de son fils. […] L’étudiant ordinaire de l’art, même le flâneur d’atelier, n’eussent pu y apprendre quoi que ce soit, en même temps que la « personne cultivée » dont un grand nombre de spécimens étaient présents, n’auraient pas échappé à l’effet quelque peu assommant des descriptions compliquées et péniblement expliquées, que le conférencier a données de méthodes de travail très connues et dépourvues d’intérêt. […] Comme chacun gardait pour soi ce qu’il savait, le monde échappait au fléau du scepticisme, et comme chacun gardait ses vertus pour soi, personne ne se mêlait des affaires d’autrui. […] Alors, comme toutes choses étaient dans un parfait chaos, les Réformateurs de la Société montèrent sur des estrades, et empêchèrent la façon d’échapper aux maux qu’eux et leurs systèmes avaient causés ! […] Il n’a pas de rival dans sa propre sphère, et il a échappé aux disciples.

1821. (1932) Les idées politiques de la France

La morale que l’école laïque enseigne n’a pas seulement échappé au contrôle des pères, mais au contrôle de l’État. […] Le chrétien lui échappe par la foi en Christ, le socialiste lui échappe par la foi en la Révolution. […] Vous n’y échapperez pas… Quel concile — pardonnez-moi le mot — quel concile de pions sera chargé de donner la formule infaillible d’un jour ?

1822. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

que le métier littéraire n’échappe pas à la loi féroce de la concurrence vitale, et que là, comme en toute carrière, les intérêts matériels priment et tyrannisent les appétences spirituelles. […] l’humanité échappera-t-elle jamais à elle-même ? […] Ce qu’on nomme sa psychologie résulte seulement de l’effort qu’il fait pour échapper à son instinct et à sa sensation. […] Caraguel parlait d’abondance, comme sur un sujet très familier, et je dus plusieurs fois lui demander de me préciser des idées dont le sens subtil m’échappait. […] Ajalbert, je vais faire mes vingt-huit jours — une corvée à laquelle échappent les symbolistes !

1823. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Il m’est échappé, l’autre jour, une assez forte sottise. […] La poétique de ce répertoire exige que l’homme qui aime, passé quarante ans, soit ridicule et soit bafoué ; et Molière n’a point voulu qu’Arnolphe échappât à la règle. […] Mais il y en a qui nous échappent ; et, dans l’histoire de la littérature, il faut compter avec ce hasard : le génie dramatique se révélant tout à coup, on ne sait pourquoi, dans une cervelle. […] Alceste, par un effort de volonté, échappe à Célimène. […] Il ne vous échappera pas à quel point la situation est forte et tragique.

1824. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Plusieurs fois, (entre autres dans le Cid, dans Polyeucte, dans Rodogune) Corneille tenta d’échapper aux lois codifiées par d’Aubignac et aux influences despotiques qui régnaient alors sur l’art français, mais il en fut vertement blâmé par la critique, et dut enfin se soumettre. […] Le futur ministre de Louis-Philippe posait en principe dans son Essai sur Shakespeare et la poésie dramatique que « la littérature n’échappe point aux révolutions de l’esprit humain, qu’elle est contrainte de le suivre dans sa marche, de s’élever et de s’élargir avec les idées qui le préoccupent, de considérer enfin les questions qu’elle agite dans toute l’étendue que leur donne l’état nouveau de la pensée et de la société. […] Sainte-Beuve qui publia à cette époque les Poésies de Joseph Delorme dans lesquelles on trouve un mélange de subtilité mystique et de sensualité moderne qui firent donner à l’auteur le sobriquet de Werther-carabin : Werther parce qu’il supposait ses poésies écrites par un jeune homme qui, à l’exemple du héros de Goethe, se serait suicidé pour échapper à la maladie du siècle — et carabin à cause de certaines recherches anatomiques qui trahissaient l’étudiant en médecine détroussé. […] partout, en un mot, où Victor Hugo, entraîné par un sentiment profond et vrai, répand avec le lyrisme le plus élevé, les effusions de l’âme auxquelles son imagination donne une expression si poignante et si pure, il échappe à la critique, il plane au-dessus des philosophes et des penseurs à des hauteurs que peu de poètes, même de poètes germaniques, ont atteintes. […] Corneille, entouré, traqué de tous côtés par les règles imposées à la tragédie, ne put s’échapper que du côté d’en haut et il créa des héros de cent coudées.

1825. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Toutes les idées chères au bourgeois français du xviie  siècle et un peu des siècles suivants, il les a eues, il les a chéries et il les a recommandées en les illustrant : supériorité de l’homme sur la femme, subordination de la femme, instruction sommaire et rudimentaire de la femme ; se tenir dans sa sphère et ne pas aspirer à en sortir ; ne guère croire à la science, se défier des médecins et se soigner soi-même ; mépriser les hommes de lettres, excepté ceux qui tiennent à la cour et qui ont reçu comme une estampille officielle ; respect du gouvernement et conviction que rien ne lui échappe et que c’est sur lui qu’il faut compter comme Deus ex machina qui tire les honnêtes gens des filets des coquins ; mépris des vieillards ou tout au moins tendance à ne les considérer que comme maniaques et figures à nasardes. […] Les hommes qui à la fois ont remarqué que l’homme échappait à sa nature et l’ont approuvé d’y échapper et ont voulu qu’il y échappât, ces hommes ont inventé Dieu, comme étant celui qui a indiqué à l’homme les moyens d’échapper à sa nature et celui qui lui a donné la force de la dépasser ; comme un être supérieur à la nature et à l’homme, qui était capable et seul capable de tirer l’homme au-dessus de la nature. […] Elle le déteste et elle le redoute, parce qu’il est fort ; et parce qu’étant fort, il n’a aucun besoin de se soumettre à elle et lui échappe. […] S’il devait en être ainsi et qu’on pût arriver dans chaque paroisse à grouper dans un faisceau unique, sous l’autorité du curé, les œuvres devenues plus nombreuses ; si l’on pouvait, ensuite, constituer, sous l’autorité de l’évêque, une union de tous ces organismes bien vivants qui échapperaient ainsi à l’individualisme et centupleraient par là leur action ; ne serait-on pas en droit d’espérer qu’après les tristesses de demain des jours meilleurs pourraient se lever pour l’Église de France ? 

1826. (1923) Au service de la déesse

Si l’on trouve cet argument simpliste, au moins vaut-il à établir que des « générations entières » ont échappé à l’influence déprimante des mauvais maîtres. […] Un jour, dans les premières années de l’avant-dernier siècle, Homère a bien failli l’échapper belle. […] Il écrit : « … Shakespeare, dont la vie morale et intellectuelle nous échappe totalement. […] « Les vrais nom et prénom m’échappent », dit M.  […] Nous nous perdons dans la foule des vainqueurs de l’Allemagne et la victoire saisie par vingt bras échappe facilement à une emprise aussi maladroite.

1827. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Karr a dans ses romans une originalité qui ne convient guère à nos idées plus graves, et tout son esprit de mots, de subtilités, nous échappe, parce que nous n’avons pas autour de nous les mille explications nécessaires à l’intelligence et à l’appréciation du goût de ce sel attique. […] À Teresa, on cite un collaborateur dont le nom m’échappe ; à Antony, l’idée première à M.  […] Il portait une longue redingote bleue, des bottes larges, une grosse canne et un foulard à demi échappé de sa poche.

1828. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

C’est elle qui est l’ouvrière de la beauté, elle à qui nous devons les jouissances mêmes de cette vie ; car ces jouissances, si nous nous y attachons avec tant d’âpreté, c’est parce que nous savons qu’elles sont brèves et qu’elles vont nous échapper. […] Ils sentent plus vivement que les autres, ils ont les impressions d’une manière plus aiguë ; mais aussi, au moment même où ils ont les impressions, ils sentent qu’elles leur échappent, ils ont comme le tact immédiat de ce qu’il y a de décevant dans toutes les choses d’ici-bas. […] Alfred de Musset le magnifie, il le représente comme un chercheur d’idéal, et c’est parce que cet idéal lui échappe sans cesse et qu’il ne peut pas renoncer à le poursuivre qu’il passe par toutes sortes d’expériences où il laisse sa beauté, son génie et sa dignité.

1829. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

L’universel leur échappe ou du moins ne les touche qu’à demi ; ils n’en font pas un Dieu, encore bien moins une personne ; il reste à l’arrière-plan dans leur religion, c’est la Moira, l’Aisa, l’Eimarméné, en d’autres termes la part faite à chacun. […] Rien de semblable aux gigantesques cathédrales qui abritaient sous leurs nefs toute la population d’une cité, que l’œil, même si elles étaient sur une hauteur, ne pourrait pas embrasser tout entières, dont les profils échappent, et dont l’harmonie totale ne peut être sentie que sur un plan. […] Dans chacun de ces services nous avons un corps d’hommes spéciaux ; il faut un long apprentissage pour y jouer un rôle ; ils échappent à la majorité des citoyens.

1830. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Il y a un moment dans la vie de l’artiste où, muni de toute sa science et riche de tous ses matériaux, fort de son entière expérience et encore en possession de toute sa force, mais pressentant qu’elle pourrait bien faiblir un jour et lui échapper, il se lance à fond de train, se déploie, s’abandonne avec fureur et sans plus de réserve comme s’il voulait s’épuiser et laisser son âme dans son œuvre : c’est le moment décisif, c’est celui qui, dans une grande bataille rangée, décide et achève la victoire.

1831. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Les lettres que ces correspondants échangent entre eux sont plus rares qu’ils ne le voudraient, et, quand ils s’écrivent, ils ont des sous-entendus forcés, ils n’osent tout se dire ; ils vivent sous l’impression de maux actuels et immédiats, dans un serrement de cœur continuel et comme en présence d’une crise extrême et permanente ; les bienfaits, les améliorations civiles qui pourraient leur sembler une compensation et un correctif, ne se révéleront que le lendemain et leur échappent.

1832. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Certes nous devons, dans cette rapidité de plume qui est la condition moderne, nous tromper quelquefois et laisser échapper des fautes ; mais qu’est-ce que M. 

1833. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

. — 30 au soir. » Ces jeunes âmes déjà mûres, aux heures où la vie leur échappe, ont souvent ainsi de ces révoltes concentrées et profondes, de ces rancunes dernières contre la destinée, de ces regrets ineffables de ce qu’on a connu trop peu et qu’on ne peut plus ressaisir.

1834. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Au combat de Cassano, en effet, sous M. de Vendôme, il avait été blessé à la défense d’un pont ; et l’armée ennemie lui avait passé sur le corps ; sa tête n’échappa que grâce à une marmite de fer que son vieux sergent Laprairie, en fuyant, lui avait jetée à tout hasard pour le protéger.

1835. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Vous voyez donc que le livre n’échappe pas à la loi et qu’il tombera, lui aussi, presque toujours sous son application.

1836. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

. — Il n’est pas même nécessaire que ces sensations destinées à l’effacement soient faibles ; elles peuvent être fortes ; il suffit qu’elles soient moins fortes que la privilégiée ; un coup de fusil, l’éclair d’un canon, une douloureuse blessure échappent maintes fois à l’attention dans l’emportement de la bataille, et, n’ayant point été remarqués, ne peuvent renaître ; tel soldat s’aperçoit tout d’un coup qu’il saigne, sans pouvoir rappeler le coup qu’il a reçu. — Neuf fois sur dix, et peut-être quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, la sensation perd ainsi son aptitude à renaître, parce qu’il n’y a pas d’attention sans distraction, et que la prédominance portée sur une impression est la prédominance retirée à toutes les autres.

1837. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Dans l’hallucination proprement dite, il y a toujours terreur ; vous sentez que votre personnalité vous échappe ; on croit que l’on va mourir.

1838. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Valjean y échappe avec sa pupille par des prodiges d’adresse et de force musculaire, dignes d’un forçat de M. d’Arlincourt.

1839. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

non, reprit-il ; vous connaissez les exigences des libraires et combien il est difficile d’y échapper.

1840. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

A côté d’elle, Néron, une âme mauvaise, égoïste, vaniteuse, lâche, en qui l’amour est une fureur sensuelle, un transport de l’imagination, sans tendresse, sans estime, sans pitié : il va à son premier crime, poussé par son instinct, fouetté par la jalousie, retenu par ses peurs, peur de sa mère, peur de son gouverneur, peur des mille voix du peuple, enlevé enfin par l’aigreur de sa vanité, sans étonnement après le crime, et d’une belle impudence, mais affolé soudain d’une peur toute physique, dans la détente de ses nerfs après l’action, et déprimé de voir la femme pour qui il avait fait le coup, lui échapper.

1841. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Cependant il passait ses vacances, et, lorsqu’il eût échappé aux collèges, il fit un long séjour au triste château de Combourg ; le paysage avec ses forêts, ses landes, ses marais, était âpre et désolé ; le château était une autre solitude, plus écrasante : le soir, après avoir couru dans la campagne sauvage, le chevalier écoutait passer les heures, dans la vaste salle à peine éclairée, que son père parcourait en silence d’un pas invariable : puis il allait coucher dans une tourelle isolée, tout seul, face à face avec les terreurs de la nuit.

1842. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Quand toute la bureaucratie serait touchée par la Sorbonne, il resterait ce qui échappe à celle-ci, à savoir l’élite et à savoir la rue.

1843. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Mais enfin, le passé de l’esprit humain lui échappe en partie et, quand il a essayé d’établir les prolégomènes du naturalisme dans le roman et au théâtre, il a montré beaucoup d’incertitude.

1844. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Pascal a dit166 : « C’est le doute qui doute de soi, c’est l’ignorance qui s’ignore » ; et plus loin : « Laisser aux autres le soin de chercher le vrai et le bien ; demeurer en repos ; couler sur les sujets de peur d’enfoncer en s’appuyant ; ne pas presser le vrai et le bien, de peur qu’ils n’échappent entre les doigts ; suivre les notions communes agir comme les autres. » Voilà une image saisissante de l’esprit de Montaigne.

1845. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Il s’en voit des traces même dans Malherbe, qui donnait les premiers exemples du langage noble dans la poésie ; et Balzac n’y échappe pas toujours, même dans ses pages les plus soutenues.

1846. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Et les vraies occasions n’en sont pas si fréquentes qu’il soit prudent de les laisser échapper.

1847. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Pétrarque, au contraire, qui n’a pas encore lu Homère, mais qui en possède un manuscrit en langue originale et l’adore sans le comprendre 74, a deviné l’antiquité ; il en possède l’esprit aussi éminemment qu’aucun savant des siècles qui ont suivi ; il comprend par son âme ce dont la lettre lui échappe ; il s’enthousiasme pour un idéal qu’il ne peut encore que soupçonner.

1848. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

C’est pendant ce travail que, le jour du Vendredi Saint, 1857, grâce à un ensemble de circonstances fortuites, Wagner se ressouvint de la figure divine poétisée par lui dans son Jésus de Nazareth ; il entendit ce soupir de la plus profonde pitié qui, jadis, retentit de la croix sur Golgotha, et qui, aujourd’hui, s’échappe de notre propre poitrine » (R.

1849. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Le buste que vient de terminer M. de Egusquiza, nous semble échapper aux inconvénients des autres ; il ne montre ni un Wagner béatement magnifié, ni une caricature comme celles qui remplissent le livre de M. 

1850. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Dans les Lettres, dans la Philosophie, dans l'Histoire, lorsqu'il est désintéressé, le vrai échappe rarement à sa vue ; mais le plus petit intérêt l'obscurcit, l'altere, le dénature, dans son esprit.

1851. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

On croit voir cette bouche béante d’une déesse de l’Inde d’où s’échappent des chars et des cavaliers.

1852. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

S’ensuit-il que les résultats des opérations échappent à la conscience ?

1853. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Aucune idée, religieuse, morale ou rationnelle, n’échappe à cette généalogie précise.

1854. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Il était, avec de l’attention et du plaisir, à ce qu’on disait, et comme à tout jamais échappé à son noir lui-même… Nous l’écoutions, nous le regardions, tous les deux stupéfaits… J’ai reconduit Édouard à la voiture.

1855. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Il est engraissé, épaissi, et du gros garçon sortent des esthétiques supérieures, des théories nébuleuses, qui le font ressembler à un toucheur de bœufs, attaqué de mysticisme… Il vient de modeler une bouteille, haute comme une chambre, une bouteille, dont s’échappent, dans une mousse pétillante, les hallucinations matérialisées de l’ivresse, enfin une dive bouteille grand format, et dont un bronzier lui demande pour la fonte, 50 000 francs.

1856. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Un animal qui a échappé à la métamorphose en machine147, le singe, a fourni presque partout un verbe qui est le péjoratif d’imiter et que le grec n’avait pas, ni le latin, malgré la parenté syllabique de simius à simulare 148.

1857. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Sainte-Beuve, qui pour travailler, ne mettait pas de manchettes comme Buffon, n’en est pas moins de l’école de Buffon, de la patience, de la rature, de l’accouchement à l’aide des secrétaires ; Sainte-Beuve n’avait pas le génie facile de la lettre, cet abandon dans le sentiment qui insinue dans la lettre une langueur divine, ou cette impétuosité dans la sensation du moment qui la fait jaillir de la plume, comme un oiseau s’échappe de la main !

1858. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Il en connaîtrait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, ce que l’état d’âme contient d’action en voie d’accomplissement, ou simplement naissante : le reste lui échapperait.

1859. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Un tour de génie particulier, quelques accidents heureux d’imitation, quelques mouvements nouveaux de l’âme, peuvent toujours y échapper.

1860. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Mais je crois que son mot final est sérieux, et qu’il n’estimait pas inintelligible, après une étude, ce qui alors lui échappait. […] Je n’ai pas à dire qu’il y fut sujet, puisqu’ils arrivent à chacun de nous et n’échappent que par l’inattention. […] Les poèmes du Premier Parnasse, Hérodiade, l’Après-Midi d’un Faune, les Sonnets, le Phénomène futur, le Mystère dans les Lettres, Un coup de Dés, attestent un effort inquiet pour échapper, sitôt réalisé, à tout mode d’art qui risquerait de l’emprisonner, et, en s’imitant, d’autoriser autrui à l’imiter. […] Et, rendue plus consciente à la fois par cette vision de soi et par cette ligne extérieure du geste qui la figure, cette voix se reconnaît et se retrouve, dans l’essai même de se varier pour s’échapper, en la brisant, de l’hallucination, exactement la même « la première qui indubitablement avait été l’unique » la même qui, lorsque le poète était sorti de son appartement, avait prononcé : La Pénultième — est morte. […] Toujours y circulent et s’y mêlent, d’un vers à l’autre, des visions et de la musique ; des images, comme des danseuses sous un jeu de lumière, tournent d’un sens à un sens, s’échappent du toucher vers le monde visuel et sonore en retenant sur elles la caresse prolongée des mains.

1861. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

De même qu’un Charles Morice qui tour à tour se souvient de Lamartine et de Musset, et dans tel « Soir de Lune » va de Coppée Et ça ne manque pas d’un grand air romantique à Mallarmé : chantant lui aussi la course ravisseuse des « Faunes » à qui n’échappe la déesse « craintive » : Ils la prennent, riant de leur rire hardi, Et dans la nuit des Bois ils l’emportent captive. […] Un immense souffle de lyrisme relève son Œuvre et l’emporte, trépidante et multiple, ers un idéal dont la sublimité nous échappe encore, mais qui sera le culte des âmes de demain »… Judicieuses sont toutes ces raisons, mais John Charpentier, très averti de toute cette époque, appuie avec perspicacité sur l’une des principales : avant tout, une grande partie de la nouvelle génération était rebutée par mes affirmations nettement scientifiques… nous l’avons dit précédemment : en grande partie idéaliste, c’est-à-dire pour elle, contemptrice de réalité et d’action, d’un spiritualisme imprégné de christianisme qui à travers Baudelaire lui venait du Romantisme et déviait à un magisme de décadence, par Mallarmé elle héritait de la dénégation Baudelairienne envers une possibilité d’inspiration poétique de la Science. […] Je ne parle que d’après le concept de l’œuvre, car l’œuvre elle-même m’échappe. […] Pour Francis Viélé-Griffin, il se déclara incompétent : « J’aime mieux croire qu’il m’échappe ; car s’il n’est chez lui que ce que j’ai compris, il n’est pas grand chose »… Il avait dit de Verlaine : « un Desbordes-Valmore en pantalon », et de Mallarmé : « C’est, comme disait Cros, un Baudelaire cassé dont les morceaux n’ont pas pu se recoller ! […] Aux « Jeudis » de la Rédaction, les discussions d’art s’énervaient donc d’approche d’orage souvent, les plus passionnés étant certainement les deux terribles polémistes Gaston et Jules Couturat et Abel Pelletier entier et méthodique, Mauclair tentant s’échapper en la dialectique !

1862. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Un poème qui fait du roi des Francs Charles, âgé de trente-sept ans en 778, l’empereur Charlemagne à la barbe blanche et au chef fleuri, — qui ignore la participation des Basques à la bataille, — qui fait adorer aux Sarrasins les idoles Mahomet, Apollin et Tervagant, — qui raconte que Charlemagne non seulement massacra près de l’Èbre, grâce à un miracle, les ennemis échappés aux coups de Roland, mais prit Saragosse et en fit une ville chrétienne32, — un tel poème est évidemment très éloigné des événements qu’il raconte, et ce n’est que par grand hasard qu’on peut encore y discerner quelques traces de réalité contemporaine. […] On le rejeta uniquement sur les Basques, et on expliqua comment ils avaient pu échapper au châtiment qu’ils méritaient. […] Ce sentier atteint la crête du mont à « environ deux milles, qui sont deux tiers de lieue » ; la distance parut longue au bon La Sale, car elle n’est guère que d’un millier de pas ; mais il n’était pas à son aise : il n’avait certainement pas le pied montagnard ni l’œil aguerri contre le vertige. « Si vous certifie, dit-il, qu’il ne faut point qu’il fasse vent, car on serait en très grand danger, et même sans vent fait-il grande hideur à voir la vallée de tous côtés, et souverainement à la main droite, car elle est si hideuse de raideur et de profondeur que c’est forte chose à croire. » Enfin il atteignit la « couronne du mont », qui est « entaillée » d’un côté, tout le reste, « à la hauteur de dix milles ou plus » (en réalité 2 175 mètres), étant « aussi droit comme un mur… En cette couronne sont deux passages pour monter au-dessus où est l’entrée de la cave, et je vous certifie que le meilleur de ces deux passages est suffisant à mettre peur au cœur qui peut avoir peur, et surtout à la descente, car si par malheur le pied échappait, aucune puissance que celle de Dieu ne vous pourrait empêcher d’être mis en cent mille pièces. […] Mais le conte arménien a conservé des traits de l’original, qui manquent dans tous les dérivés de provenance arabe : s’il a perdu le nombre de trois préceptes et laissé tomber le second, fort essentiel au récit, il a gardé le premier, perdu dans les versions arabes, il a gardé l’œuf d’autruche, il a gardé la vaine tentative de l’ennemi de l’oiseau pour se remettre en possession du captif qu’il a laissé échapper ; il remonte donc probablement à une source indépendante, et sans doute au roman grec. […] Reumont a connu le livre d’Antoine de la Sale par l’extrait qu’en avait donné en 1862, — ce qui m’avait également échappé, — le baron Kervyn de Lettenhove dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique.

1863. (1900) La culture des idées

Que le travail intellectuel, et en particulier le travail d’écrire, échappe en très grande partie à l’autorité de la conscience, si M.  […] Jamais peut-être une phrase, la plus laborieuse, ne fut écrite ou dite en accord absolu avec la volonté ; la seule quête du mot dans le vaste et profond réservoir de la mémoire verbale est un acte qui échappe si bien à la volonté que, souvent, le mot qui venait s’enfuit au moment où la conscience allait l’apercevoir et le saisir. […] Philippe Berger52, un contrat perpétuel avec la divinité. » Mais la vie de l’homme pieux ou du croyant a toujours été un contrat tacite ou formulé, et le mystique lui-même n’échappe pas à cette nécessité, ni même le quiétiste. […] Les langues de l’Europe périront toutes, malgré ce qu’elles contiennent de beauté et d’humanité ; elles périront toutes selon la tradition orale : si l’une ou deux ou trois d’entre elles doivent échapper à la mort intégrale et vivre, un peu, comme vivent encore un peu, aujourd’hui, le latin et, beaucoup moins, le grec ou l’ancien français, — lesquelles ? […] Pour l’exportation du livre, de la revue, du journal, l’éditeur et le commissionnaire seraient consultés, et il faudrait les croire, car la littérature, par dernier privilège, échappe en grande partie aux douanes.

1864. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Ainsi, vis-à-vis des sensations élémentaires, des cellules vivantes, des molécules chimiques, des atomes éthérés, le savant est comme un myope devant des fourmilières d’espèces différentes ; son regard obtus n’atteint que les effets de masse, les changements d’ensemble, la forme totale de l’édifice ; les petites ouvrières lui échappent ; il ne les voit pas travailler. […] Bien mieux, nous indiquons d’avance l’emplacement et les traits principaux de l’intermédiaire qui nous échappe encore. — Nous admettons que, si deux masses s’attirent, c’est en vertu d’un caractère plus simple et plus général, inclus dans le groupe des caractères qui constituent ces masses, tel que serait une impulsion incessamment répétée, laquelle à chaque instant surajouterait un effet à l’effet précédent, ce qu’on exprime en disant que l’attraction est une force dont l’action n’est pas instantanée mais continue, ce qui permet de concevoir la vitesse de la masse tombante comme la somme de toutes les vitesses acquises depuis le premier instant de sa chute, ce qui a conduit quelques physiciens à expliquer l’attraction de deux masses par la poussée continue d’un éther environnant. — Nous admettons que, si l’oxygène présente tels ou tels caractères, c’est en vertu de caractères plus généraux et plus simples qui appartiennent à ses éléments, et qui sont les masses, les distances, les mouvements intestins de ses atomes composants. — Nous admettons que, si un liquide sans forme s’organise en une cellule, c’est grâce aux réactions mutuelles et à l’état antérieur des particules très compliquées dont il est l’ensemble, et que, si autrefois notre nébuleuse est née, c’est grâce aux forces de ses molécules et à l’influence d’un état antérieur que, même par conjecture, nous ne pouvons nous représenter. — À nos yeux, dans tous ces couples, non seulement l’intermédiaire explicatif et démonstratif existe, quoiqu’il se dérobe à nos prises ; mais encore il est un caractère plus général et plus simple que la première donnée du couple, il est inclus en elle, il appartient à ses éléments, et les propriétés de cette première donnée, aussi bien que sa naissance, ont pour dernière raison d’être les caractères et l’état antérieur de ses derniers éléments.

1865. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

C’est avec surprise et presque avec une sorte de stupeur que, dans certains vers où vous vous voyez tout d’un coup en présence de vous-même, vous reconnaissez vos sentiments les plus personnels, vos pensées les plus intimes : vous sentez vous échapper la propriété de ce que vous jugiez le plus vôtre. […] Cette personnalité peut ne s’affirmer nulle part, elle s’échappe de partout ; subtile comme une atmosphère, elle se dégage des moindres pensées, de l’arrangement et du choix même des mots.

1866. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Tous, du reste, repoussent, en tout état de cause, l’organisation de la souveraineté populaire, et cherchent, chacun à sa façon, à y échapper ; tous, pour se dérober à la souveraineté populaire, déclarant qu’il n’y a pas de souveraineté, et chacun organisant, non pas la souveraineté, mais le gouvernement, d’une manière qui exclut a souveraineté du nombre. […] Échapperait-il à la loi du monde ? […] La Grèce, évidemment, lui échappe. […] Elle entrait dans l’Allemagne poussée par un vif désir d’échapper au monde de la force brutale, du calcul froid, et aussi de la légèreté moqueuse. […] Depuis quelle a senti près d’elle les grandes âmes religieuses, compris leur accent et appris où sont les sources du vrai lyrisme, elle ramène ses yeux vers nous et s’échappe à dire : « Mais nos meilleurs poètes lyriques, en France, ce sont peut-être nos grands prosateurs, Bossuet, Pascal, Fénelon… » Elle avait dit sur tous les tons qu’au moins au point de vue de la littérature philosophique, les Français du xviiie  siècle sont bien en progrès sur leurs prédécesseurs.

1867. (1922) Gustave Flaubert

C’était le même esprit épique auquel le papotage et les fines nuances échappaient… Il voyait humain, il perdait pied dans l’esprit et dans la mode1. » Quand il voudra, dans l’Éducation Sentimentale, faire d’Hussonnet un type d’esprit parisien, il lui faudra dépouiller toute la collection du Charivari ! […] Sa nature intérieure se révèle à lui comme un bouillonnement infini, qui ne peut s’échapper en une action qu’il méprise, ou dont il est incapable. […] Mais l’artiste qu’était Flaubert a voulu écrire, de façon absolue, en Madame Bovary, le roman des êtres qui ne sont pas artistes, et Rodolphe n’échappe pas à ce caractère. […] Par Bouvard, le procès-verbal de la décadence échappe à la décadence. Mais ce qui n’y échappe pas, ce sont les essais dramatiques dont Flaubert contracte sur ses vieux jours la bizarre toquade : passion sénile un peu ridicule qui a été le démon de midi, ou de l’après-midi, de beaucoup de bons écrivains.

1868. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

On peut dire que toujours, dans la musique descriptive à programme précis, quelque chose des intentions du musicien échappe à l’auditeur. […] Le sens échappe ; et si l’on renonce à le chercher, l’œuvre, prise au sens propre, écoutée comme de la pure musique, paraîtra bizarre et incohérente. […] D’un bout à l’autre c’est ainsi ; une suite ininterrompue de visions, évoquées avec une fécondité d’invention inouïe, chaque vers faisant surgir brusquement une image ; entre ces images, aucun lien ; elles se succèdent d’un mouvement indépendant, parfois glissant l’une sur l’autre, se fondant l’une dans l’autre de telle façon que l’une commence à se projeter sur le fond mental quand l’autre ne s’en est pas encore effacée, à peine reliées entre elles par ces rapports mystérieux d’association qui semblent tout naturels au rêveur et qui échappent à la pensée lucide ; dans la suite des strophes, aucune trace de plan. […] Une œuvre d’art, où nous constaterons l’action d’une réflexion consciente sur la disposition de l’ensemble, nous paraîtra pauvre35. » Ce serait donc précisément par la portion qui échappe aux aperçus conscients de l’intelligence que l’œuvre d’art produirait son effet esthétique.

1869. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Chez lui, tant de trésors échappent à la critique et ne relèvent que du cœur ! […] J’aime particulièrement le poème du « Passeur d’eau », allégorie de l’effort vers un rêve dont la réalisation, sans cesse, échappe. […] Dans Les Liens, le savant Granval, descendant de fous et d’alcooliques, croit avoir échappé à sa terrible hérédité, quand des troubles cérébraux lui révèlent le sort fatal dont il est menacé. […] Ce n’est pas parce que nous ignorons la cause et la fin de notre vie, ce n’est pas parce que nos destinées nous échappent et que notre rôle dans le monde demeure inexpliqué qu’il nous faut renoncer à perfectionner notre existence et à l’embellir.

1870. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Tome VI Première leçon. Discours préliminaire Messieurs, Cet auditoire si nombreux et si troublant, même par sa bienveillance, ajoute encore à l’embrouillement de pensée que j’éprouve en ce moment ; car il faut, je l’ai annoncé, vous donner un programme du moyen âge. Jusqu’à présent, je parlais de choses que je connaissais assez bien, et où la faiblesse de ma parole était du moins soutenue par d’anciennes études. Maintenant, je vais parler de choses que je sais à peine, que j’apprends à mesure que je les dis : j’ai besoin, et ce n’est pas une phrase faite ni apportée de chez moi, j’ai besoin d’une double indulgence. Dans cet effort que je vais tenter pour encadrer la partie du moyen âge qui doit nous occuper, et pour y choisir quelques points dominants, caractéristiques, tant de faits que l’on ne peut dire tous, et qu’on craint d’omettre, tourbillonnent autour de mon esprit.

1871. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Si vous cessez un instant d’observer le modèle, votre main s’abandonnera à ses routines ; le détail caractéristique vous échappera ; vous substituerez la forme banale et conventionnelle à la forme vraie. […] Questions vraiment irritantes, car nous n’aimons pas à sentir que notre propre pensée nous échappe : nous nous prêterions plus volontiers à ce jeu, si nous y voyions un peu plus clair. […] Prise au sens littéral et considérée comme un tableau ordinaire, l’œuvre ne nous offre que des images absurdes ; nous nous rejetons alors Sur l’interprétation figurée, qui nous échappe. […] Les symboles de la peinture, comme ceux de la musique, sont faits pour nous suggérer les images, les idées, les sentiments qui échappent, par leur indécision même, aux précisions du langage. […] À ce régime elles s’atrophieront définitivement, ou tout à coup, réagissant contre cette longue compression, s’échapperont en inventions désordonnées.

1872. (1910) Rousseau contre Molière

Il ne sert à rien de dire que ce mot échappe dans un moment de dépit ; car le dépit ne dicte rien moins que des pointes. » Si bien, ce me semble ; le dépit dicte des pointes, mais il n’en dicte que de mauvaises, et c’est le cas. […] Ils sont essentiellement, par parenthèse, le contraire même du misanthrope, qui souffre toujours un peu du contact de ses semblables, qui, sans être malveillant, est solitudinaire, tandis qu’eux recherchent le commerce des hommes pour s’enquérir des services dont ceux-ci peuvent avoir besoin et ne pas laisser échapper les occasions d’être bienfaiteurs. Au fond, leur moi les ennuie et ils sont heureux d’y échapper par l’officiosité à l’égard d’autrui. […] La littérature n’est pas pour lui un des moyens de montrer le vrai aux hommes, elle est un moyen d’échapper au réel, de s’évader de la vérité dans l’idéal.

1873. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Seule y échappe une savoureuse bohème de lettres, d’arts ou de science, méconnue par les contemporains, et qui sauvera la cause de l’originalité. […] Avec eux, par eux, le lecteur échappe à la fadeur, à la moisissure, au remugle, issus de l’avalanche romantique et du dépotoir naturaliste, sur lesquels flottent la contention douloureuse pour rien, de Flaubert et le rictus béat de Renan. […] Il n’est, en fait, aucun mouvement de notre individu intellectuel, sensible ou moral, qui doive, de toute nécessité, échapper, non seulement au contrôle de la perception simple, mais encore à celui de la raison et du jugement. […] Au reste, il est très faux que les savants (tout au moins ceux des sciences touchant à la vie) puissent échapper complètement à la subtile ambiance de leur âge. […] Nul n’y échappe et ceux qui prétendent s’y soustraire en sont quelquefois les plus profondément imprégnés.

1874. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Ici l’on a peu à regretter qu’André n’ait pas mené plus loin ses projets ; il n’aurait en rien échappé, malgré toute sa nouveauté de style, au lieu commun d’alentour, et il aurait reproduit, sans trop de variante, le fond de d’Holbach ou de l’Essai sur les Préjugés : « Tout accident naturel dont la cause était inconnue, un ouragan, une inondation, une éruption de volcan, étaient regardés comme une vengeance céleste… « L’homme égaré de la voie, effrayé de quelques phénomènes terribles, se jeta dans toutes les superstitions, le feu, les démons… Ainsi le voyageur, dans les terreurs de la nuit, regarde et voit dans les nuages des centaures, des lions, des dragons, et mille autres formes fantastiques.

1875. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

. — En effet, par sa complication, son irrégularité et sa grandeur, la machine échappe à ses prises.

1876. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Il échappa avec peine à la mort.

1877. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

On se réfugie dans ses souvenirs pour échapper à ses angoisses.

1878. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

. — Non, sire, je suis impartial, et je craindrais de cesser de l’être en approchant trop souvent de Votre Majesté. » Cette délicate tournure d’éluder la servitude en éludant la faveur, n’échappa pas à Napoléon ; il sourit, mais il garda rancune à la ville qui lui montrait de telles fiertés d’esprit dans un de ses principaux habitants.

1879. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

mais peut-être par cela même je t’échappe comme une immensité.

1880. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

au moment où je commence ce funèbre récit, les pleurs s’échappent en abondance de mes yeux !

1881. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Le couvercle du coffre échappa à ces mots de la main de la pauvre nourrice, et retomba avec un bruit sépulcral sur les zampognes désormais muettes.

1882. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Il révèle à Çunacépa qu’il échappera à la mort en récitant sept fois l’hymne sacré d’Indra.

1883. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Comment y échapper ?

1884. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Chaumié était suffisante, s’il ne s’agissait là que d’une question de « langue », la musique, qui se rattache à la poésie par l’harmonie et le nombre et n’en diffère que par les moyens d’expression, c’est-à-dire, précisément par la langue, échapperait à la loi qu’il formule, et l’on trouverait dans le Midi autant de grands musiciens que dans toute autre région de France.

1885. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Dans cet état de choses, qui est conforme aux œuvres humaines, comment les tribunaux littéraires échapperaient-ils à la loi commune ?

1886. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Pendant que Ronsard disputait à Saint-Gelais le titre de prince des poètes au temps même de cette furie d’imitation antique, un traducteur de génie, Amyot devinant d’instinct ce qui avait échappé aux poètes réformateurs, comprenait que les langues ne s’enrichissent que par les idées, et versait pour ainsi dire, dans la nôtre, le recueil le plus complet des idées, des mœurs, des hommes et des choses de l’antiquité, les ouvrages de Plutarque (1559-1574).

1887. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Taine se dit : « Il faut que j’admire cela. » Et en dépit ou à cause de cette notation des détails, tous les grands ensembles lui échappent ; qu’on lise le Journal du Siège, le Journal de l’Exposition, le Journal du Voyage en Italie.

1888. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Au grenier sont empilés, l’un sur l’autre, les décors dont s’échappent des morceaux de rideaux rouges à franges d’or.

1889. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Or, après ces malhonnêtes actions involontaires, ces petits crimes arrachés à sa droite nature, elle s’enfonçait en de tels reproches, en de tels remords, en de telles tristesses, en de tels noirs de l’âme, que dans cet enfer, où elle roulait de fautes en fautes, désespérée et inassouvie, elle s’était mise à boire pour échapper à elle-même, se sauver du présent, se noyer et sombrer quelques heures dans ces sommeils, dans ces torpeurs léthargiques qui la vautraient toute une journée en travers d’un lit, sur lequel elle échouait en le faisant.

1890. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Cependant, c’est sans doute ainsi qu’on expliquerait certains mots tels que : marjolaine, échalotte, ancolie, érable, camomille, étincelle, licorne, et d’autres que l’on a signalés parmi ceux qui échappent aux explications phonétiques.

1891. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Le style diffus peut convenir aux orateurs : il leur est permis d’étendre leurs raisons, et de les offrir sous diverses faces, pour suppléer par cette abondance, à ce qui peut échapper aux auditeurs.

1892. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Les institutions, pour renaître, ont besoin de bonne renommée ; elle perdit de renommée la démocratie en la souillant du sang de ses milliers de victimes ; elle jeta des têtes sans compter à la Terreur, comme on jette des lambeaux de ses vêtements à la bête féroce par qui on est poursuivi pour lui échapper ; elle appela le peuple au spectacle quotidien de la mort sur la place publique ; elle commença par un massacre de trois mille prisonniers sans jugement aux journées de septembre, cette Saint-Barthélemy de la panique ; elle finit par un massacre le 9 thermidor : sa seule institution fut l’échafaud en permanence.

1893. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Je me hâtai de descendre dans l’enclos, pour échapper à la solitude inanimée des murs.

1894. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Ses soins ne purent faire Qu’elle échappât au Temps, cet insigne larron.

1895. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Zola, plus fort qu’Annibal, a échappé aux douceurs de Capoue de la charcuterie en faisant, par un tour de génie, de son Icarien en rupture de ban un inspecteur à la Halle, que nous avons, par ce moyen, inspectée avec lui.

1896. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Mais moi qui fais l’expérience de cet univers à trois dimensions et qui puis y percevoir effectivement le mouvement par vous imaginé, je dois vous avertir que vous envisagez un aspect seulement de la mobilité et par conséquent de la durée : l’autre, essentiel, vous échappe.

1897. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Il est naturel que cette réciprocité échappe à l’attention quand la théorie de la Relativité se présente sous sa forme mathématique.

1898. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

S’il existe un monde dont tous les éléments ou les faits échappent à tous nos moyens d’observation extérieurs, et ne tombe que sous un sens intime ; si les faits de cet ordre, supérieurs à tout ce qui se présente à titre de phénomènes, antérieurs à tout procédé artificiel de raisonnement, sont les vrais, les seuls principes de la science, et bien spécialement de celle de l’homme intellectuel et moral ; celui qui se serait livré à cette étude extérieure, qui, travaillant à constater les faits primitifs de sens intime, à les prendre à leur source, à les distinguer de tout ce qui n’est pas eux, et de tout ce mélange du dehors qui les complique et les altère, celui-là ne serait-il pas en droit de s’écrier à son tour, et peut-être avec plus de fondement que Newton : Ô psychologie, gardez-vous de la physique, gardez-vous même de la physiologie23. » Maine de Biran était trop sévère pour une école psychologique qui a donné de précieux résultats ; mais ce sera toujours l’invincible force et l’immortel honneur de l’école dont il est le père, d’avoir rappelé les observateurs de la nature humaine aux enseignements de la conscience.

1899. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Shakespeare n’a pas échappé à cette loi. […] Philbert est confus, mal ordonné, mal divisé, mal distribué, obscur et hésitant souvent ; il échappe quelquefois, pour ainsi parler, à celui qui l’écrit ; c’est un mauvais livre ; mais il est très suggestif, comme on dit maintenant, très inspirateur. […] … « En vérité, je vois bien que la raison gouverne nos esprits ; mais je vois qu’à tous les instants de la vie notre conduite lui échappe et que si le sentiment nous a précipités dans mille désastres et dans mille folies, lui seul aussi nous a fait faire les grandes choses qui marquent les victorieuses phases de notre civilisation. […] Il n’en a pas fait le tour, et surtout il n’y est pas entré, et le plus souvent il s’en est tenu éloigné comme de quelque chose sur quoi il sentait qu’il n’avait pas beaucoup à dire et comme de quelque chose qu’il sentait instinctivement qui lui échappait. […] Elle nous déprime à certaines heures de telle sorte qu’il nous semble que le poids des ans nous surcharge ; elle nous exalte à certains moments de telle manière que nous échappons pour un temps aux glaces et aux entraves de l’âge.

1900. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

C’a été de tout temps le sort des choses celtiques de prêter abondamment aux cristallisations de la légende, et la littérature n’y a pas plus échappé que le reste. […] C’est pour marquer la pudeur alarmée et la honte d’avoir laissé échapper l’aveu, l’aveu pénible. […] Si elle était une Cathos, elle ne laisserait pas échapper l’aveu aussitôt après la déclaration d’Hippolyte, même pressée. […] Il disait absolument ce que nous voulons dire quand nous nous échappons à prononcer un mot qu’Auguste Barbier a employé comme rime à sou et qui est dérivé probablement du mot voie. […] Elle montre suffisamment, à l’annonce de ses revers de fortune, une âme solide, stoïque même, et dès cet instant elle échappe entièrement au ridicule.

1901. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Je ne vois guère que Victor Hugo qui lui ait échappé, mais celui-ci, complètement. […] Combien de personnes s’imaginent que Parny est un précurseur de Lamartine à cause des douze vers de Parny : « Son âge échappait à l’enfance… » Et Dieu sait si Parny est un précurseur de Lamartine ! […] Il y avait deux moyens de combattre le romantisme, ou d’y échapper. […] Évidemment, tout cela lui échappe un peu. […] Mme de Raguais, qui, du reste, ne se possède jamais, s’échappe et se déchaîne.

1902. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Pressé de se préparer, il s’échappe à la hâte du salon de M. de Villebois, court s’enfermer dans sa chambre, recommence vingt fois son mémoire, le lit, le relit, le déclame, ouvre son Plutarque, y cherche des souvenirs et des inspirations, et prépare un beau discours sur le bonheur des rois qui font des républiques. […] Cet homme, échappé à la mort presque certaine, s’agenouilla sur le sable en disant: « Ô mon Dieu !

1903. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Tu ne veux plus du passé, et tu t’efforces d’échapper à l’avenir qui t’invite et t’appelle. […] vous parlez au nom de la science ; mais pourquoi n’avez-vous pas paru au tribunal pour dire, au nom de cette même science : « Cet homme, que vous allez condamner, a obéi à sa nature ; il était déterminé fatalement au crime. » Que, pour échapper au fatalisme, des sophistes s’épuisent à démontrer que la science de Gall s’accorde parfaitement avec la liberté humaine, que m’importe leur bavardage ?

1904. (1904) Zangwill pp. 7-90

Les esprits superficiels échappent seuls à l’obsession de ces problèmes. […] Mais il y en aura une. qui le franchira ; l’esprit triomphera. » Des milliers d’humanités ont peut-être sombré dans ce défilé : Théoctiste nous le dit pour nous effrayer ; mais Renan, bon père, nous le dit parce que c’est vrai, et aussi à seule fin de nous rassurer ; lui-même il se rassure ainsi ; la réalisation de son Dieu en vase clos l’épouvante lui-même ; et c’est pour cela qu’il met la réalisation du risque au passé, de l’indicatif, passé indéfini ; c’est acquis ; c’est entendu ; et la réalisation d’échapper au risque, la réalisation de Dieu, il met la réalisation de Dieu au futur, qui est le temps des prophéties ; si elle est mise au temps des prophéties, religieuses, si elle est une prophétie, peut-être bien qu’elle ne se réalisera pas, espérons qu’elle ne se réalisera pas ; il était payé pour savoir ce que valent les prophéties, particulièrement les prophéties religieuses, et comment elles se réalisent ; mettre cette affirmation au rang des prophéties, de sa part, c’était nous garantir qu’elle ne se confirmerait point ; un peut-être ajouté au parfait indéfini masquera cette garantie aux yeux du vulgaire grossier ; mais elle éclatera, toute évidente, le langage étant donné, pour le lecteur insidieux ; dans la préface même de ces dialogues redoutables et censément consolateurs, de ces rêves redoutablement consolateurs, le sage nous met en garde contre les épouvantements : « Bien assis sur ces principes, livrons-nous doucement à tous nos mauvais rêves.

1905. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Et penses-tu que n’aye tel pouvoir Sur les humains, de leur faire savoir Qu’il n’y a rien qui de ma main échappe ? […] Et ne tenir jamais une assiette arrêtée ;         Tel est ton ordre aux biens que tu nous fais :               Tu nous caresses, tu nous frappes,               Tu viens à nous, tu nous échappes,               Et tu ne t’arrêtes jamais. […] Il s’échappait cependant, à l’occasion, de la cour et de la ville, afin de rêver, solitaire, entre Marly et Saint-Germain, sous les frais arceaux des bois de Feuillancour. […]                 Vainqueur d’Éole et des Pléiades Je sens d’un souffle heureux mon navire emporté, Il échappe aux écueils des trompeuses Cyclades,                 Et vogue à l’Immortalité.

1906. (1903) Le problème de l’avenir latin

Elle dévoile le secret du néant des multiples efforts accomplis par les peuples latins en vue de leur affranchissement : c’est qu’ils sont nés avec l’empreinte d’un « péché originel » d’une tout autre réalité que la pseudo-flétrissure désignée sous ce nom dans la mythologie chrétienne, c’est que la perte originelle de leur personnalité ethnique au sein du romanisme, et leur vieillesse précoce, ont enfanté pour eux cette amère conséquence : l’impossibilité, à travers les âges, d’échapper au destin forgé par les ancêtres, l’incapacité de se réformer. […] Nous ne pouvons résister au plaisir de citer ici une page intense de cette Philosophie de l’Histoire de France, qui, de toute l’autorité de son auteur, corrobore la signification de la présente étude :‌ « S’il est des erreurs funestes aux hommes — déclare tout d’abord Quinet — ce sont précisément celles qui ont trait à la suite entière de leurs annales, car ces erreurs pénètrent jusqu’à la moelle des os ; elles tiennent à la substance de notre être… » C’est ensuite le problème des origines qu’il envisage d’un regard singulièrement lucide, en cinglant de son ironie les mensongers « métaphysiciens » de l’histoire — les historiens qui, de loin ou de près, se rattachent à la méthode de Bossuet : « Les Gaulois se montrent tout d’abord, et presque aussitôt ils disparaissent ; à peine entrevus, ils nous échappent… Le plus grand bien qui pût leur arriver était d’être conquis par un peuple étranger. […] Voici des peuples qui n’ont pu naguère échapper à la loi de la Rome impériale que pour tomber sous le joug de la Rome catholique, qui par conséquent traversèrent toute leur existence, dominés, animés par la tradition du romanisme politico-religieux, imposé et adopté de plein cœur aux origines, sans être pleinement eux-mêmes un seul instant.‌ […] Seule notre infatuation, si elle devait durer jusqu’au dernier jour, pourrait légitimement provoquer le rire et le mépris : apprenons donc, pour échapper au ridicule, la modestie et la discrétion.

1907. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Un jour qu’il venait de terminer une de ses jolies toiles, il me la montra, et levant les épaules avec impatience il me dit : “Je suis condamné à ça à perpétuité.” » Il resta pourtant laborieux et chercheur, échappa à l’abdication et à la routine d’un Henner et d’un Ziem. […] Fromentin rappelle aux peintres une vérité que l’art académique ne sait plus, une vérité dont la méconnaissance amène l’ankylose de la peinture : il ne s’agit pas seulement d’avoir l’idée nette du ton qui doit remplir une forme et de le mettre dans cette forme ; la véritable exécution consiste dans une certaine autonomie de la main inspirée, pareille à celle de la main enchantée dont Gérard de Nerval a conté l’histoire comique, et dans cette liberté vivante de la main qui non seulement pose les tons, mais les pense comme un mouvement continu, une suite, un discours, « ce beau mouvement d’un outil bien tenu, cette élégante façon de le promener sur des surfaces libres, le jet qui s’en échappe, ces étincelles qui semblent en jaillir ». […] « Une grande concentration d’esprit, une active et intense observation de lui-même, l’instinct de s’élever plus haut, toujours plus haut, et de se dominer en ne se perdant jamais de vue, les transformations entraînantes de la vie avec la volonté de se reconnaître à chaque nouvelle phase, la nature qui se fait entendre, des sentiments qui naissent et attendrissent ce jeune cœur égoïstement nourri de sa propre substance, ce nom qui se double d’un autre nom et des vers qui s’échappent comme une fleur de printemps fleuri, des élans forcenés vers les hauts sommets de l’idéal, enfin la paix qui se fait dans ce cœur orageux, ambitieux peut-être et certainement martyrisé de chimères ; voilà, si je ne me trompe, ce qu’on pourrait lire dans ce registre muet, plus significatif dans sa mnémotechnie confuse que beaucoup de mémoires écrits. […] Amiel a échappé à ce grand péril des bilingues suisses : penser en allemand lorsqu’ils écrivent en français, empâter et alourdir leur syntaxe.

1908. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Elle s’intéressait aux catéchumènes et c’est à ce titre qu’elle accueillit Jean-Jacques, échappé des mains de son terrible patron, le graveur Ducommun, le dimanche des rameaux de l’année 1728, au retour des vêpres. […] Et quels singuliers appels, échappent à sa pâmoison ! […] A supposer qu’il n’y eût plus un phénomène dont la loi nous échappât, encore ne s’agirait-il que des phénomènes accessibles à nos sens ou aux instruments que nos sens nous permettent de construire. […] Ou veux-tu seulement échapper au néant, je ne dis pas à celui de la mort, mais au néant horrible et redouté de la vie ? […] Qu’on cite donc une des pages « philosophiques » de George Sand qui échappe à cette appréciation.

1909. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

En deux mots, il est sensible à une multitude de nuances, bien mieux à tout un ordre de nuances qui leur échappent.

1910. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Elle n’aurait pas échappé aux désordres inévitables dans un pays de premier mouvement, passionné par la grandeur même de ses dangers.

1911. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Ce moment dispose admirablement à être touché de Saint-Pierre, mais il échappe aux curieux qui arrivent en voiture.

1912. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Je n’en dis pas plus ce jour-là sur les moyens que je rêvais pour sa délivrance ; il me pressa en vain de lui tout expliquer : — Non, non, ne me le demande pas encore, répondis-je, car si tu savais tout d’avance, tu refuserais peut-être encore ton salut de mes mains, ou bien tu pourrais le laisser échapper dans l’oreille des prêtres qui vont venir pour te résigner peu à peu à ton supplice.

1913. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Je le sais, moi l’ami et le confident de la sublime sculpture ; moi qui vois chaque jour le temps m’échapper et tromper ma confiance en lui !

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