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1115. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

« — Il y a longtemps aussi, lui dis-je, que j’attends cet ouvrage, et cependant je n’ose pas vous presser, car j’ai appris de notre ami Libon, dont vous connaissez la passion pour les lettres, que vous n’interrompez pas un seul instant ce travail, que vous y employez tous vos soins et que jamais il ne sort de vos mains ; mais il est une demande que je n’avais jamais songé à vous faire et que je vous ferai, maintenant que j’ai entrepris moi-même d’élever quelque monument à ces études qui me furent communes avec vous, et d’introduire dans notre littérature latine cette ancienne philosophie de Socrate. […] « Vous savez qu’il avait une avidité insatiable de lecture, jusque-là que, dans le sénat même, et pendant que les sénateurs s’assemblaient, il se mettait à lire, sans se soucier des vaines rumeurs qu’il exciterait dans le public, et sans dérober pourtant un seul des instants qu’il devait aux intérêts de l’État. […] Elles sont en grande partie écrites sous la forme du dialogue, qui présente les deux faces ou les mille faces du sujet au même instant et au même regard.

1116. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Sa foi, pénétrant toute son âme, est une foi de tous les instants, et il ne craint pas d’en donner des témoignages familiers. […] Il lui arrivait à chaque instant d’être séduit comme artiste par ce qu’il était tenu de réprouver comme chrétien ; et de là de réelles angoisses. […] Il est rentré un instant, bon gré mal gré, dans le roman profane.

1117. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Tandis que mon corps, envisagé dans un instant unique, n’est qu’un conducteur interposé entre les objets qui l’influencent et les objets sur lesquels il agit, en revanche, replacé dans le temps qui s’écoule, il est toujours situé au point précis où mon passé vient expirer dans une action. […] Mais vienne un accident qui dérange l’équilibre maintenu par le cerveau entre l’excitation extérieure et la réaction motrice, relâchez pour un instant la tension des fils qui vont de la périphérie à la périphérie en passant par le centre, aussitôt les images obscurcies vont se pousser en pleine lumière : c’est cette dernière condition qui se réalise sans doute dans le sommeil où l’on rêve. […] Admettons un instant, pour simplifier l’exposition, que des excitations venues du dehors donnent naissance, soit dans l’écorce cérébrale soit dans d’autres centres, à des sensations élémentaires.

1118. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Il est privé, ou, si vous l’aimez mieux, il est exempt de ces soudaines demi-visions, qui, secouant l’homme, lui ouvrent en un instant les grandes profondeurs et les lointaines perspectives. […] Sans doute, quand Homère conte, il est clair autant qu’eux et développe comme eux ; mais à chaque instant les magnifiques noms de l’Aurore aux doigts rosés, de l’Air au large sein, de la Terre divine et nourrice, de l’Océan qui ébranle la terre, viennent étaler leur floraison empourprée au milieu des discours et des batailles, et les grandes comparaisons surabondantes qui suspendent le récit annoncent un peuple plus enclin à jouir de la beauté qu’à courir droit au fait. […] Légère gaieté prompte à passer, comme celle que fait naître un de nos paysages d’avril ; un instant le conteur a regardé la fumée des ruisseaux qui monte autour des saules, la riante vapeur qui emprisonne la clarté du matin ; puis, quand il a chantonné un refrain, il revient à son conte. […] Ce goût n’a rien de commun non plus avec la franche satire, qui est laide parce qu’elle est cruelle ; au contraire, il provoque la bonne humeur ; on voit vite que le railleur n’est point méchant, qu’il ne veut point blesser ; s’il pique, c’est comme une abeille sans venin ; un instant après il n’y pense plus ; au besoin il se prendra lui-même pour objet de plaisanterie ; tout son désir est d’entretenir en lui-même et en nous un pétillement d’idées agréables.

1119. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

C’est l’argent, c’est l’ambition, c’est la lutte ardente de la politique des tribunes ennemies, c’est le commerce et ses armées opulentes, c’est le flot de l’Océan, c’est le mouvement des colonies, ce sont, à chaque instant, les variations et les révolutions de la fortune insolente qui donnent le mouvement, la vie et la force au journal anglais. — Chez nous, tout simplement, c’est la forme et c’est l’esprit, mêlé de courage et de probité, qui font vivre un journal ! […] C’est ainsi que d’un chêne centenaire, l’honneur des forêts, les fabricants d’allumettes vous fabriquent toutes sortes de petits morceaux de bois soufrés qui jetteront, chacun de son côté, sa petite lueur d’un instant. — Non, certes, toute la traduction de Thomas Corneille, ce n’est plus là le Don Juan amoureux, intrépide, grand seigneur, foulant d’un pied hardi et dédaigneux toutes les lois divines et humaines ; non, certes, ce n’est plus le hardi sceptique qui brise l’autel du dieu, ne pouvant pas renverser le trône du roi. […] Vous voulez que le pauvre se parjure, et qu’il soit damné pour votre amusement d’un instant. […] Ce qu’on appelait les mascarades du Palais-Cardinal, cette résurrection des temps passés, ces modes d’autrefois, remises en lumière, ces Valois et ces Carlovingiens un instant ressuscités… tout ce que peut faire le jeune roi, maître de sa personne et de son royaume, c’est de lutter avec ces magnificences au milieu de ce palais d’Armide où règnent en souveraines les beautés de la cour : mademoiselle de Bourbon, madame de Longueville, madame de Montbazon, mesdames de La Valette, de Retz, de Mortemart, mesdemoiselles de Rohan, de Liancourt, de Sénécé, de La Fayette, de Sévigné (en amazone, avec deux tetons ! […] — On les retrouve à chaque instant dans ce recueil aux armes royales, intitulé : Ballets dansés par le Roy. — On les trouve même comme acteurs dans les ballets qu’ils n’ont pas composés : tantôt les délices de l’Île heureuse et inaccessible, tantôt le ballet royal de la Raillerie, de l’Impatience, enfin le ballet des Saisons dans les agréables déserts de Fontainebleau !

1120. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

L’amitié, le cœur, l’intérêt sérieux avaient des instants, le monde avait les heures. […] Et surtout encore que cela ne dérobe pas un seul instant à vos chers stoïciens. […] Après avoir terminé Adelchi, et avoir eu un instant l’idée (mais sans y donner suite) d’une tragédie de Spartacus, Manzoni commença, de son côté, à songer à son roman des Promessi Sposi. […] Car il est absolument impossible que des souvenirs d’une lecture il résulte une connaissance sûre, vaste, applicable à chaque instant, de tout le matériel d’une langue. […] Nous n’essayerons pas un seul instant de suivre la fortune du beau pays à travers les complications misérables de l’anarchie carlovingienne ; cette anarchie pourtant le servait.

1121. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

… Cependant je veux ramener un instant l’Ermite sur la terre. […] Laisse-moi me reposer un instant. […] C’est l’instant… MAÎTRE PHANTASM. […] (Il rêve quelques instants.) […] Il fait signe à Maître Phantasm de s’asseoir sur un rocher, s’éloigne un peu de lui et reste quelques instants pensif, les regards perdus vers les profondeurs de la Forêt. — Le soleil décline.

1122. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Voici un trait bien fin sur les évasions qu’on se fait à soi-même dans les cas difficiles : « Je ne sais, dit le héros du roman, si tout le monde est comme moi ; mais quand je me suis longtemps occupé d’un projet qui m’intéresse beaucoup, quand la difficulté que je trouve à en tirer parti m’a contraint à le retourner en différents sens, je me refroidis et n’attache plus aucun prix à la chose à laquelle, l’instant d’auparavant, je croyais n’en pouvoir trop mettre. » Et ailleurs : « Comme il arrive toujours lorsqu’on est occupé d’un projet, si peu important qu’il puisse être, j’oubliai pour un instant tous mes chagrins. » Que dirait de mieux un ironique de quarante-cinq ans, retiré du monde ?

1123. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

A peine entrée au bal, ce fut autour d’elle un murmure universel d’admiration et de louanges ; son sourire, dont sa mère avait un instant douté, y répondit et ne cessa plus : délicieux ravage ! […] De nouvelles atteintes s’ajoutaient à chaque instant aux anciennes ; la moindre annonce de quelque succès de M. le Prince, qui avait passé aux Espagnols, et qui n’y était en définitive que par suite des suggestions de sa sœur, ravivait tous les remords de celle-ci, et prolongeait l’équivoque de sa situation par rapport à la cour.

1124. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Vous parlez d’un langage d’apparat dont on s’affranchit quelques instants après dans l’entretien familier. […] La mollesse des mœurs, la lâcheté des opinions, la facilité ou la connivence des gens bien appris, laissent le champ libre plus que jamais en aucun temps à l’activité et au succès d’un parti ardent qui a ses intelligences jusque dans le cœur de la place et qui semble, par instants, près de déborder le pouvoir lui-même.

1125. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Mon oreille, accoutumée aux sons rapides et doux de la langue grecque, aux articulations lentes et sonores de l’idiome turc, se trouvait entièrement étrangère au ton de l’arabe vulgaire, et semblait frappée par instant de quelques phrases harmonieuses au milieu des cris d’un jargon guttural. […] « Lady Stanhope m’avait quitté un instant dans le cours de la nuit ; je la vis revenir bientôt, et je m’aperçus qu’elle boitait ; je lui en demandai la cause.

1126. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Au même instant vint un jeune homme d’une vingtaine d’années, grand, beau, élégant, mince et musculeux, qui, grondant et frappant les chiens, leur arracha l’animal qu’ils avaient tué. […] Au même instant, s’approchant de son père, il lui parla à voix basse.

1127. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

À l’ombre des noisetiers, appuyé sur un rocher ou couché sur la mousse, près d’un étang, il lisait la Bible traduite en langue vulgaire ; puis il couvait ses desseins, épiant avec anxiété l’instant propice à leur éclosion. […] Le tocsin avait sonné ; les bourgeois d’Édimbourg, conduits par le lord-prévôt, se rassemblèrent un instant autour d’Holyrood.

1128. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Au bout de quelques instants, un des rameurs dit en riant : « Voyons donc quelle espèce de dame nous avons là ?  […] » Nous laissons parler sur les derniers instants de sa vie l’historien, à la fois érudit et pathétique, qui a recueilli pour ainsi dire chacun de ses derniers soupirs.

1129. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Sancy, Fæneste par instants, deviennent des types ; et d’Aubigné fait revivre, avec une verve merveilleuse, ici les raffinés piaffeurs et faméliques de la régence, là les politiques souples et bas du règne de Henri IV. […] A chaque instant, les inversions obscurcissent le sens, ou les enjambements détruisent le rythme.

1130. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il se jette à chaque instant hors de la raison générale, qu’il n’a pas d’ailleurs reconnue ; et bon nombre de ces délicatesses de pensée et d’expression, de ces nuances dont son style est chargé, ne peuvent passer de son esprit dans l’esprit de ses lecteurs. […] Pourquoi cet ordre admirable de Descartes, cette simplicité toujours noble, cette exactitude sans recherche, cette profonde connaissance de l’homme, qui perce à chaque instant sous la discussion métaphysique, n’auraient-ils pas aidé Molière à connaître son naturel ?

1131. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Un instant, messeigneurs. […] On descend, on s’arrête (ou on est arrêté), on saute (où, et comment), on touche un point qui sera le point d’arrivée définitif et qui pour l’instant est un point de départ momentané, on remonte, on revient au point d’arrêt, on redescend au point d’arrivée définitif.

1132. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Comme il voyait l’honnêteté de ma nature, la pureté de mes mœurs et la droiture de mon esprit, l’idée ne lui vint pas un instant que des doutes s’élèveraient pour moi sur des matières où lui-même n’en avait aucun. […] À chaque instant, il me disait en se frottant les mains : « Oh !

1133. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Deux pays, la France et l’Allemagne, sont en présence, deux pays unis par un séculaire échange d’idées et d’efforts, un jour séparés par une guerre folle et à jamais détestable : mais la paix a été faite, les anciennes relations, si amicales, ont été retrouvées ; depuis des générations, c’était, entre les deux, une réciprocité de salutaires influences, un constant retour, au-dessus des rives du vieux Rhin, de ces choses intellectuelles et morales dont vivent les peuples ; à grand peine donc, et malgré les fanatismes un instant renouvelés, l’œuvre de mutuelle régénération est reprise ; et voilà que l’un de ces pays enfin a produit l’œuvre qui résume son âme, l’artiste absolu lui est né en qui aboutissent les qualités nationales éminentes, l’homme par excellence dont l’œuvre résume toutes les aspirations d’une race ; à son tour, ce pays offre à l’autre, à travers les frontières, ce magnifique tribut d’idéalité nouvelle : appartient-il à quelqu’un de protester ? […] Un seul instant, quand il tombe évanoui, et quand elle court vers la source pour y chercher de l’eau, une sorte de douceur s’est répandue sur elle, mais ce n’est qu’un éclair : elle se détourne tristement devant le regard étonné de Gurnemanz.

1134. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Avant d’insister sur la carrière fournie par ces romanciers dans la direction qui nous occupe, arrêtons-nous un instant encore aux causes génératrices de cette nouvelle transformation opérée dans la fiction romanesque. […] Marcel Prévost, néanmoins, doit nous retenir un instant.

1135. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

L’impossible est aussi dans Gwynplaine, dans cet homme qui ne rit que parce qu’on lui a taillé au couteau un rire dans la face, et qui, dit l’auteur, faisait contagieusement rire, à se tordre, les foules rassemblées, dès l’instant seul qu’il se montrait. […] Hors cette légèreté d’un instant, cet oubli de la sévérité de son état, expliqué peut-être par les anciennes habitudes militaires et d’homme du monde, le cardinal Rodrigue Borgia reste, dans l’histoire du R.

1136. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Villeroi, comme médecin social, a le sentiment juste des crises, des situations et des bons instants qu’il importe de saisir : Monsieur, dit-il en s’adressant à M. de Bellièvre dans son Apologie, c’est grande imprudence de perdre l’occasion de servir et secourir le public, principalement quand elle dépend de plusieurs ; car il advient rarement qu’elle se recouvre, parce qu’il faut peu de chose à faire changer d’avis à une multitude.

1137. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

qui ralentit à tout instant son débit pour avertir d’admirer, et qui s’applaudit du geste comme s’il était l’auteur.

1138. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Une mère tendre, un frère délicat, s’ils avaient à choisir entre les trois pièces, sur la tombe d’une morte chérie, pourraient-ils hésiter un seul instant ?

1139. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

L’humanité ainsi conçue et réduite à son élite ne peut cependant tout emporter avec elle : il faut à tout instant choisir, élaguer, généraliser.

1140. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Et là encore, en présence de tous ces gens d’esprit qui sortaient à chaque instant de terre, dont quelques-uns sortaient même de l’Université, non sans y avoir essuyé auparavant vos hauteurs et vos refus, et qui, armés désormais en guerre, ne vous laissaient paix ni trêve, ne vous épargnaient pas chaque matin les vérités piquantes et parfois les conseils sensés, vous aviez votre grand mot pour toute réponse : « Nous sommes forts ; nous avons pour nous les gros bataillons du suffrage universel ; ces plumes, plus ou moins fines et légères, s’y brisent, et ne les effleurent même pas ; quelques piqûres, quelques escarmouches tout au plus, qu’est-ce que cela nous fait ?

1141. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Car la douleur — surtout mentale — est aiguisante et féconde, elle affine le cerveau qu’elle épreint, l’évade pour un instant de sa médiocrité.

1142. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Si vous leur inspiriez un instant de nobles desseins, le courage leur manquerait pour les accomplir.

1143. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

À cet instant, le bienfaiteur, le sauveur est l’homme qui sait se battre et défendre les autres, et tel est effectivement le caractère de la nouvelle classe qui s’établit.

1144. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Ce mélange continuel de vérité et d’erreur, cette délicatesse de vue brouillée à chaque instant par le parti pris, vous contraindront à une réflexion attentive : il faut prendre le morceau phrase par phrase pour démêler cet écheveau de vérités entrevues et d’erreurs systématiques ; il faut regarder de près les jointures des idées pour apercevoir par quelle fausse liaison l’injustice et l’inexactitude s’insinuent dans cet assemblage si logique et si serré.

1145. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Taine, et j’ajoute sans perdre un instant de vue la réalité et les faits) à une conception de l’art de plus en plus élevée, partant de plus en plus exacte… Aucune de ces définitions ne détruit la précédente, mais chacune d’elles corrige et précise la précédente, et nous pouvons, en les réunissant toutes et en subordonnant les inférieures aux précédentes, résumer ainsi qu’il suit tout notre travail : L’œuvre d’art a pour but de manifester quelque caractère essentiel ou saillant, partant quelque idée importante, plus clairement et plus complètement que ne font les objets réels.

1146. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

« Le premier serment que se firent deux êtres de chair, ce fut au pied d’un rocher qui tombait en poussière ; ils attestèrent de leur constance un ciel qui n’est pas un instant le même ; tout passait en eux, autour d’eux, et ils croyaient leurs cœurs affranchis de vicissitudes.

1147. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Un esprit gagné à la fine psychologie de Marcel Proust, et à la métaphysique qui s’y implique, soutiendrait sans doute que le moi et le non-moi sont inséparablement mêlés dans nos perceptions et notre connaissance, que s’il y a une réalité extérieure, elle ne se révèle à nous que par des réactions qui ne sont jamais les mêmes au même instant chez deux hommes, ni chez le même homme à deux moments différents, que nous sommes dans l’impossibilité de choisir entre les vingt images d’une personne que la vie a mises en nous, qu’il n’y en a pas une qui soit la seule vraie ni la plus vraie, ou que toutes sont vraies également, sans que nous puissions y distinguer ce qui est de l’objet perçu et ce qui est du sujet sentant.

1148. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Æmilia et Attale songent un instant à fuir.

1149. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

C’est par ce procédé que les analystes ont fait progresser la Science et si l’on examine le détail même de leurs démonstrations, on l’y retrouvera à chaque instant à côté du syllogisme classique d’Aristote.

1150. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Le malentendu entre lui et ses disciples devenait à chaque instant plus profond.

1151. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Et, tout à travers cela, nous le trouvons amoureux de La Fontaine, le suivant dans ses rêveries jour par jour, nous le racontant par le menu, comme aurait pu le faire Pellisson, célèbre aussi par son araignée ; puis, s’occupant d’Horace, et donnant deux gros volumes, un peu gros vraiment, mais pleins de choses sur le charmant poète ; et, de là, revenant à La Bruyère, dont il a publié la meilleure et la plus complète édition ; enfin, s’attachant à Mme de Sévigné, comme s’il ne l’avait jamais quittée un instant et comme si, de toute sa vie, il n’avait rien eu autre chose à faire.

1152. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Dans chaque partie du monde, chaque contrée ; dans une même contrée chaque province ; dans une province chaque ville ; dans une ville chaque famille ; dans une famille, chaque individu ; dans un individu, chaque instant a sa physionomie, son expression.

1153. (1761) Apologie de l’étude

Rien autre chose, sinon que la passion de l’étude, ainsi que toutes les autres, a ses instants d’humeur et de dégoût, comme ses moments de plaisir et d’enivrement ; que dans ce combat du plaisir et du dégoût, le plaisir est apparemment le plus fort, puisqu’en décriant les lettres on continue à ‘s’y livrer ; et que les Muses sont pour ceux qu’elles favorisent une maîtresse aimable et capricieuse, dont on se plaint quelquefois, et à laquelle on revient toujours.

1154. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Au-dessus de l’éventail de madame de Sévigné on voit un front viril, attentif, accoutumé aux sévérités de la grande histoire, et qui se détend un instant aux curiosités de la petite ; mais l’air de ce front est ce qu’il doit être.

1155. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Fait pour le monde comme tous les ambitieux, qui finissent par se venger, en le jugeant, de ne pouvoir le gouverner, Stendhal, misanthrope vrai au fond, mais qui cachait sa misanthropie comme on cache une blessure à chaque instant près de saigner, Stendhal fut… j’oserai le dire : un Tartuffe en beaucoup de choses, quoiqu’il pût être franc comme la Force, car il l’avait !

1156. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Fait pour le monde, comme tous les ambitieux, qui finissent par se venger, en le jugeant, de ne pouvoir le gouverner, Stendhal, misanthrope vrai au fond, mais qui cachait sa misanthropie comme on cache une blessure à chaque instant près de saigner, Stendhal fut… j’oserai le dire, un Tartuffe en beaucoup de choses, quoiqu’il pût être franc comme la force, car il l’avait !

1157. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Voilà, en effet, quoique parfois les gens d’esprits s’en mêlent, une littérature d’un genre très commun pour l’instant, et d’une facilité si déplorable qu’elle peut se laisser prendre par tous les sots !

1158. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Et peut-être dès les premiers instants Alfred de Musset en voyait-il déjà les représentations dans l’avenir ?

1159. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

  Nous avons glissé pour un instant du point de vue que nous appellerons celui de la « relativité unilatérale » à celui de la réciprocité, qui est propre à Einstein.

1160. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Il raillait les métaphysiciens amateurs de métaphores, pour qui « l’entendement est le miroir qui réfléchit les idées », et qui définissent la volonté « une force aveugle guidée par l’entendement, éclairée par l’intelligence. » Mais au même instant il joignait l’exemple au précepte, et disait dans ce style choisi dont ses maîtres lui avaient donné le modèle : L’homme est porté à tout animer, à tout personnifier, à mettre quelque chose d’humain jusque dans les objets qui ont le moins de rapport à sa nature.

1161. (1864) Le roman contemporain

On désespéra un instant de la prise de la ville, et l’on se demanda si notre armée pourrait attendre jusqu’au printemps. […] Mise un instant au couvent, elle traverse la dévotion, mais sans s’y arrêter ; c’est un éclair. […] Une espèce d’Emile de la pire espèce, qu’elle appelle Claudius et qui avait quelque chose de son vertige sans avoir rien de son innocence, mit un instant ses rêves en commun avec les siens ; mais il laissa tomber bientôt son masque, et il fallut le chasser. […] Le roman, toujours par monts et par vaux, s’agite sans beaucoup avancer ; Pénélope tient sa tapisserie d’une main si distraite, qu’elle laisse échapper à chaque instant des mailles qu’elle a peine à ressaisir ; on devine que le fil va se rompre avant que l’ouvrage arrive au dénouement. […] Il est la beauté, l’intelligence, la science, l’éloquence, il est le génie ; et, quoiqu’il possède le secret de certain coup de pouce qui fait passer en un instant de vie à trépas ceux qui gênent ses desseins et qu’il en use peut-être contre les obstacles qu’il rencontre, M. 

1162. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Vous sentez, à chaque instant, que l’Angleterre vous revient ou vous échappe, et vous n’êtes point disposé à écrire un drame, ni une comédie, ni un roman. […] Comme le cri devenait à chaque instant plus fort et se rapprochait, et que ceux qui marchaient en avant se mettaient à courir vers les autres qui criaient toujours, et que la clameur augmentait encore à mesure qu’il y avait plus d’hommes, Xénophon crut la chose plus grave. […] Il est, comme le veut Pascal, à la fois aux deux extrêmes, et remplit tout l’entre-deux, tour à tour comique et lyrique, et en un instant passant de l’un à l’autre, aussi à son aise sur la terre que dans le ciel. […] On se rappelle le sérieux profond et le regard vague des chevaux de noble race qui paissent l’herbe et s’arrêtent un instant, levant la tête vers le voyageur qui passe. […] Elle en avait aussi beaucoup que M. de Nemours les connût ; mais cette dernière douleur n’était pas si entière, et elle était mêlée de quelque sorte de douceur. » À chaque instant, le cœur trahit la volonté, et la passion se glisse dans les actions que la raison commande.

1163. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Aux jours de crise et de péril urgent, après les premiers instants donnés à la surprise et à la peur, elle a reparu pour essuyer nos reproches, pour en mériter d’autres, ou pour tenter, comme la lance d’Achille, de guérir les blessures qu’elle avait faites. […] On sortait à peine d’une secousse terrible qui pouvait, à chaque instant, se renouveler et s’aggraver. […] L’essai fut court, il n’arriva pas même jusqu’à la fin de cette scabreuse histoire, et l’on put reconnaître, dès le début, l’impossibilité d’une alliance entre ce talent inquiétant et l’opinion qui l’avait un instant adopté. […] La grande Aumônerie surtout revient, à chaque instant, dans les romans de M. de Balzac : elle protège Lucien de Rubempré ; elle dirige Canalis ; elle marie celle-ci, elle destitue celui-là ; elle mêle le parfum de ses grâces épiscopales au musc et au patchouli des duchesses. […] La tolérance, la liberté religieuse, la liberté de conscience, ce sont là de trop beaux mots et des mots trop bruyamment répétés à propos de Voltaire, pour qu’il ne nous soit pas permis de nous y arrêter un instant, et de nous demander comment Voltaire les a compris, observés et pratiqués.

1164. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Cette méthode a pourtant été critiquée : On a dit que ce genre d’observation était trop difficile, les phénomènes psychiques sont très fuyants, ne restent qu’un instant dans le champ de la vision intérieure. […] D’autres au contraire ne durent qu’un instant ; elles s’épuisent en s’exprimant. […] Nous nous représentons fort bien le temps comme composé d’instants successifs et discontinus. […] Sans en avoir de preuves expérimentales, on voit bien qu’il est incompréhensible que l’activité puisse s’arrêter pour renaître un instant après. […] La responsabilité morale survit perpétuellement à l’action ; un instant suffit à accomplir un acte, mais on a à en rendre compte toute sa vie.

1165. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

» Et peu à peu, au son poignant de cette voix, aux sanglots, à la mimique passionnée de ce fantôme, Aubenas s’aperçoit que Simone vit ; et, bien qu’elle vive, il lui pardonne, en très peu d’instants, une seconde fois. […] On ne se la figure pas un instant riant faux dans les soupers, allumant les hommes, s’appliquant à leur manger beaucoup d’argent, ni faisant aucune des choses qui concernent son état. […] À cet instant, Georges Desclos entre chez la pauvre fille. […] Dans l’instant où j’exprimais le chagrin que m’avaient causé leur prose ou leurs vers, je sous-entendais (mais était-il donc besoin de le dire ?) […] Frédégonde l’y surprend ; et le roi, qui rentre à cet instant, se tire d’embarras en expédiant la jeune fille à son bon oncle Prétextât, le saint évêque.

1166. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Tels sont Nash, Decker et Greene ; Nash, satirique fantaisiste, qui « abusa de son talent, et conspira en prodigue contre les bonnes heures33  » ; Decker, qui passa trois ans dans la prison du Banc du Roi ; Greene surtout, charmant esprit, riche, gracieux, qui se perdit à plaisir, confessant ses vices34 publiquement, avec des larmes, et un instant après s’y replongeant. […] À proprement parler, le spectateur est comme un homme qu’on promènerait le long d’un mur percé de loin en loin de petites fenêtres ; à chaque fenêtre, il embrasse pour un instant, par une échappée, un paysage nouveau avec ses millions de détails ; la promenade achevée, s’il est de race et d’éducation latines, il sent tourbillonner dans sa tête un pêle-mêle d’images, et demande une carte de géographie pour se reconnaître ; s’il est de race et d’éducation germaniques, il aperçoit d’ensemble, par une concentration naturelle, la large contrée dont il n’a vu que des fragments. […] Que le lecteur lise lui-même quelques-unes de ces pièces, autrement il n’aura pas l’idée des fureurs dans lesquelles le drame s’est précipité ; la force et la fougue s’y lancent à chaque instant jusqu’à l’atrocité, et plus loin encore s’il y a quelque chose au-delà. […] Sir Francis Acton, à l’aspect de celle qu’il veut déshonorer et qu’il hait, tombe « en extase » et ne souhaite plus que de l’épouser. —  Voyez l’entraînement subit de Juliette, de Roméo, de Macbeth, de Miranda, etc. ; les recommandations de Prospero à Fernando, quand il le laisse seul un instant avec Miranda.

1167. (1896) Le livre des masques

C’est parmi ce verger opulent et ténébreux qu’on se promènera, s’asseyant un instant au pied des arbres les plus forts, les plus beaux ou les plus agréables. […] Ils parlent ; oui, ils disent des mots qui troublent un instant le silence, puis ils écoutent encore, laissant leurs phrases inachevées et leurs gestes interrompus. […] Cet autre Samain, plus ancien et non moins véritable, se révèle en les parties de son recueil appelées Évocations ; c’est un Samain parnassien, mais toujours personnel, même dans la grandiloquence : les deux sonnets intitulés Cléopâtre sont d’une beauté non seulement de verbe, mais d’idées ; ce n’est ni la pure musique, ni la pure plastique ; le poème est entier et vivant ; c’est un marbre étrange et déconcertant ; oui, un marbre qui vit et dont la vie agite et féconde jusqu’aux sables du désert, autour du Sphynx pour un instant énamouré. […] Étudiant un écrivain, on aime (c’est une manie que Sainte-Beuve nous légua) à connaître sa famille spirituelle, à dénombrer ses ancêtres, à établir de savantes filiations, à noter, tout au moins, des souvenirs de longues lectures, des traces d’influence et le signe de la main mise un instant sur l’épaule.

1168. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Molière même n’a jamais fait exprès de laisser transparaître par instants le fond triste de la grande farce humaine. […] Il a pratiqué la première et n’a guère fait que formuler la seconde ; il n’a pas su ajouter, comme il en a eu un instant l’ingénieuse idée, la vérité professionnelle à la vérité humaine des caractères. […] Or c’est à quoi il n’a pas l’air de songer un instant. […] Et cela signifie sans doute qu’à partir de cet instant-là son cœur s’est détaché de son mari. […] Elle a dit correctement une scène du rôle de Roxane et a même été, un instant, mieux que correcte.

1169. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Le talent s’y démarque ; il s’avive un instant pour mieux s’éteindre, et plus il brille, plus vite il meurt. […] A chaque instant la nausée de la vie me remonte aux lèvres, j’ai un dégoût de moi-même inouï. » — « Je ne sais rire que des lèvres, dit à son tour Cha teaubriand. […] A chaque instant, d’ailleurs, M.  […] Aicard a eu le courage de dire de cruelles vérités à son temps, dont il flétrit à chaque instant le scepticisme jouisseur. […] Il y eu a certainement entre eux une scène déchirante, un aveu peut-être, un échange de félicité et de larmes qui a dû rapprocher pour un instant ces deux cœurs malades.

1170. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Ainsi les morceaux de marbre touchés un instant par le ciseau d’un Michel-Ange et sur lesquels s’est posé, sans s’y arrêter assez longtemps, le souffle du génie. […] Le chapitre que j’ai déjà signalé sur le salon de la patricienne collectiviste est, par contre, d’un comique intense, sans que l’étonnant humour de l’auteur cesse un instant de serrer de près la réalité. […] La mélancolie, très secrète, très voilée, de hautes facultés, employées incomplètement, flottait par instants au fond des prunelles de Costa et autour de son sourire. […] Anticipons sur l’instant solennel où nous achèverons de mourir. […] On en rit, on s’en étonne, on est tout près de s’en indigner, et le coloris de la peinture est si intense qu’il y passe par instants comme un souffle shakspearien.

1171. (1894) Critique de combat

En lui éclate à chaque instant un poète, qui écrit parfois en vers pittoresques, mais qui se trahit le plus souvent par le grandissement épique des caractères, ou encore par la création d’un type qui prend la largeur d’un symbole. […] Mais l’amour prend du temps et chaque instant perdu Goûte un morceau de pain : l’amour est défendu A qui matin et soir lutte avec la misère. […] La régente du pays, éprise un instant de Malauve, bien qu’il ait soixante ans sonnés, lui ordonne de rompre avec une jeune fille qui aime platoniquement, mais ardemment, le vieux philosophe. […] Le suffrage universel lui paraît stupide ; il n’a pas l’air de se douter un instant que dans un Etat, les intérêts de l’un étant précisément aussi respectables que ceux de l’autre, tout le monde a un droit égal à être consulté. […] Tout le monde, un instant, s’est dit socialiste.

1172. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Gourmet et mythologue, en un instant le coquin a joué deux rôles. […] Panurge, quand venait le danger, « s’enfuyait le grand pas, de peur des coups qu’il craignait naturellement. » Notre Panurge à quatre pattes se tient de même à l’écart, expose à sa place le loup son bon ami, fait l’innocent, l’ignorant, allègue que ses parents pauvres ne l’ont pu faire instruire, « n’ayant qu’un trou pour tout avoir », tandis que « ceux du loup, gros messieurs, l’ont fait apprendre à lire. »54 Un instant après, quand le loup a bien emboursé les bénéfices de l’expérience, « et gît à terre mal en point, sanglant, gâté », il lui commente d’un fort grand sang-froid une maxime de morale. […] puissance et droit étrange, dont chacun commence à user, jusqu’à l’âne, qui se demande « à quoi bon porter les herbes au marché, et s’il faut pour cela interrompre son somme. » Il ferait mieux « de songer à attraper les morceaux de chou qui ne lui coûtent rien. »     Car le chat, sortant de sa cage,     Lui fit voir en moins d’un instant     Qu’un rat n’est pas un éléphant.

1173. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Heureux qui sur une aile agile Peut s’éloigner quelques instants ! […] Mais il est là, près de mes armes : Un instant osons l’entrevoir. […] « Il m’envoyait chercher à chaque instant dans ses jardins ou dans ses cours, pour avoir un conseil ou un appui dans ma personne ; il ne craignait pas de se tromper s’il se trompait avec moi : n’étais-je pas la popularité vivante ?

1174. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Ludovic Halévy, jugeant l’instant opportun, a publié un livre que les artistes et les gens de goût ne peuvent lui pardonner, mais que les dames ont trouvé admirable, et que l’Académie, je crois, a couronné, en attendant mieux. […] Un ami le prévint qu’un prêtre était là qui demandait à le voir un instant. […] Il y a bien encore, de-ci de-là, quelques amateurs, mais en si petit nombre et de si mauvaise qualité qu’il vaut mieux n’en pas parler, et l’on regrette qu’ils aient, un instant, abandonné leurs chevaux, leurs chiens, leurs palefreniers pour des délassements supérieurs pour lesquels ils ne sont pas faits. […] On ne se fait pas une idée de tous les noms, arrachés des profondeurs de l’inconnu, que cette marée déferlante soulève un instant sur le dos de ses vagues, roule pêle-mêle, comme des brins de goémon, contre les galets, et rejette ensuite, en un coin perdu de la grève, où nul ne passe, pas même les voleurs d’épaves. […] L’opinion publique Nous avions espéré un instant — est-ce bien un espoir ?

1175. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Il faut suivre la logique serrée des déductions, leur enchaînement, leur progression, pour comprendre que, sans s’en être douté, le lecteur, entraîné, comme halluciné, finit par associer sa raison, ou plutôt sa déraison, à celle de Tullio Hermil, faiblit de ses faiblesses et pourrait devenir par instants son complice. […] Belle et vraie poésie que celle qui sait entraîner un instant l’esprit hors du cercle où tourne la terre. […] Le portrait est vivant, peint avec esprit et légèreté, c’est pourquoi j’ai cru devoir le sortir de son cadre pour un instant ; il y fait encore meilleur effet et c’est là qu’il faut l’aller voir. […] Et si elle avait un instant prévu la possibilité d’une rencontre avec M. l’Hérée, c’était avec un sentiment si vif de ses rancunes et de ses droits, qu’elle n’en avait pas éprouvé la moindre émotion pour elle-même. […] Pendant quelques instants les deux chefs se regardent sans mot dire, puis le grand-duc tend sa main et serre chaleureusement celle de son adversaire, et nos officiers considèrent avec admiration le grand général qu’ils saluent avec respect.

1176. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Je ne vois pas seulement en lui un poète, dans l’acception banale de ce mot prostitué aux hérons hypocondriaques et dédaigneux de ce délicieux instant de notre histoire littéraire ; je ne vois pas seulement un chroniqueur artésien, c’est-à-dire, profond et jaillissant, à la gerbe joyeuse et irisée ; je vois surtout le véritable et noble homme qui sert de support à l’artiste et qu’il faut connaître pour expliquer l’artiste. […] Il venait de publier son premier livre, la Chanson des gueux, œuvre de violent effort et d’imitation compliquée qui fit croire un instant à la plus puissante originalité poétique. […] Vacquerie ne s’étant pas expliqué plus clairement, nous allons contempler un instant le seul Coquelin Cadet, le plus irrésistible parmi ces remueurs d’entrailles contemporaines. […] Descendu pour un instant des hauteurs inaccessibles de son sacerdoce familial en vue d’arracher le jeune homme à une passion subversive, le vieux sot débite pendant un quart d’heure les boniments vertueux de Dumas. […] Et lorsque cet éphémère et tous ses pareils, avec lui, ont croulé comme des chapiteaux de nuées derrière le prochain horizon, on ne sait déjà plus si l’étrange lueur pourprée qu’ils ont un instant répandue était leur propre sang ou bien de la lumière !

1177. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

La sculpture est l’art silhouette par excellence, on lui demande à chaque instant des lignes heureuses. […] Le théâtre vient de la possibilité de la satisfaire dans un même instant chez un grand nombre d’hommes assemblés. […] L’homme vivant à vos côtés, qui vous marche sur le pied et pour le compte duquel vous pouvez être appelé demain, comme témoin, en Cour d’Assises, est donc le seul pour lequel vous avez une préoccupation de tous les instants, et ceux qui vous disent le contraire et tâchent de vous intéresser avec des histoires de revenants, sont des gens qui ont la plaisanterie facile. […] Croyez-vous que malgré tout le sérieux que j’affecterais, l’illusion de cet homme durât un instant ?  […] La seconde, poussée à un certain point de perfection, peut faire oublier un instant la première, et c’est ce qui arrive très souvent aujourd’hui, mais, sans leur accord parfait, l’émotion, qui est le seul résultat durable, ne sera pas produite.

1178. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Aussi, me, ce que j’ai trouvé mauvais dans l’iliade, ce n’est pas que les personnages soient fous ; mais que ceux mêmes qui nous sont donnez pour sages, se démentent à chaque instant, et qu’ils manquent de cette bonté poëtique, qui consiste dans l’uniformité du caractere. […] Me D prétend qu’il faloit répéter le discours qu’on vient de lire un instant auparavant. […] C’est un fleuve qui se déborde en un instant, et qui, le moment d’après, est embrasé de maniere que les poissons mêmes y grillent. […] dispute d’Achille et d’Agamemnon . dans le coeur du héros s’éleve un nouveau trouble ; il brûloit d’un courroux que ce discours redouble : dans un silence affreux il demeure un instant : il consulte, il balance, et son esprit flottant ne sçait s’il doit se vaincre ou se vanger d’Atride. […] Que demain les troyens renversez sous nos coups puissent à chaque instant le retrouver en nous.

1179. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Au bout d’un instant, la mer est salie et cadavéreuse ; ses flots sursautent avec des tournoiements étranges, et leurs flancs prennent des teintes huileuses et livides. […] Que le soleil un instant se dégage, et vous les verrez resplendir comme dans une parure de bal.

1180. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Lui seul peut aussi vous inspirer un véritable attrait, non de quelques instants, mais constant et soutenu, pour des œuvres et des occupations qui seraient, en effet, bien appropriées à la bonté de votre cœur, et qui rempliraient d’une manière douce et utile beaucoup de vos moments. […] « Cette lettre digne, paternelle et tendre, laissa quelques instants madame Récamier immobile.

1181. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Il ne perdit pas un instant de vue qu’il ne formait ni un homme de lettres ni un savant, mais un roi : il apprit au Dauphin tout ce qu’un roi doit savoir, il lui présenta toutes les connaissances par le côté qui pouvait l’aider à faire son métier de roi. […] De plus, dans les sermons de Bossuet, les contemporains estimèrent surtout la logique et la science ; et ils ne s’aperçurent pas, lorsqu’il se tut, qu’il leur manquât quelque chose, parce qu’au même instant Bourdaloue vint tenir sa place, et réaliser d’autant mieux leur idéal qu’il ne le dépassait pas438.

1182. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

La raison est la seule loi du monde ; il est aussi impossible de réduire en formules les lois des choses que de réduire à un nombre déterminé de schèmes les tours de l’orateur, que d’énumérer les préceptes sur lesquels l’homme moral dirige sa conduite vers le bien. « Sois beau 97, et alors fais à chaque instant ce que t’inspirera ton cœur », voilà toute la morale. […] Je voudrais bien savoir comment les critiques absolus feraient pour prouver que ce poème est en effet supérieur à l’Iliade, ou pour mieux dire que l’Iliade vaut un monde, tandis que l’œuvre du moderne est destinée à aller moisir sur les rayons des bibliothèques, après avoir un instant amusé les curieux.

1183. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Au même instant, une solennelle sonnerie de cloches retentit au loin. […] Elle courbe la tête jusqu’à terre et paraît sangloter ; mais ces larmes sont le premier instant de bonheur de sa vie. — Parsifal lui aussi paraît transfiguré, il regarde aux alentours : la prairie brille de rosée, les herbes et les bourgeons rayonnent d’un éclat insolite, les fleurs lui parlent avec une grâce enfantine.

1184. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Pour vérifier par l’expérience notre puissance de vouloir au même instant, dans les mêmes conditions internes et externes, une chose ou son contraire, il faudrait vouloir à la fois cette chose et son contraire, ce qui est absurde. […] On en peut dire autant de chaque état du monde, à chaque instant ; si vous voulez prétendre que cet état est libre, à votre aise ; il est ce qu’il est, et au-delà il n’y a rien à chercher.

1185. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Xénophon n’est pas un historien aussi profond ni aussi sévère que Thucydide ; il mêle à chaque instant la morale à l’histoire, leçon au récit, à tel point que Quintilien croit devoir le classer parmi les philosophes plutôt que parmi les historiens. […] Quand on voit, selon le mot vulgaire, le chapitre des incidents occuper une si grande place dans l’ordre des choses humaines, quand on voit l’imprévu venir à chaque instant déjouer les calculs de la raison ou tromper les espérances de la vertu, on est tout disposé à prêter l’oreille aux enseignements qui ne font qu’ériger cette triste expérience en théorie, en expliquant comment l’homme, peuples et individus, est, non le véritable acteur, mais simplement l’agent toujours subordonné d’une puissance supérieure, s’il n’en est pas le jouet.

1186. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Mais arrête un instant !

1187. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

On dit volontiers du mal de la rhétorique, et à moi-même cela a pu m’arriver quelquefois : pourtant dans ces genres officiels et où la cérémonie entre pour quelque chose, dans ces sujets que l’on ne choisit pas et que l’on ne va point chercher par goût, mais qui sont échus par le sort et imposés avec les devoirs d’une charge, il y a un art, une méthode et des procédés de composition qui soutiennent et qui ne sont nullement à dédaigner ; si on peut les dénoncer et les blâmer par instants en les voyant trop paraître, on souffre encore plus lorsqu’ils sont absents et qu’au lieu d’un orateur on n’a plus devant soi qu’un narrateur inégal, à la merci de son sujet, avec tous les hasards de la superfluité ou de la sécheresse.

1188. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

— Dans l’action enlin, il était prompt à saisir le joint et le moment, et à marquer l’instant décisif de donner sans perdre une minute.

1189. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Ayant entendu le 8 décembre 1700, jour de la Conception, le sermon du père Maure de l’Oratoire prêché aux Récollets de Versailles, « notre prélat en a loué, dit Le Dieu, la pureté du style, la netteté, les tours insinuants et pleins d’esprit ; mais il n’y a trouvé ni sublimité ni force ; il le tient même au-dessous de son confrère le père Massillon. » Mais ce n’est pas un jugement définitif, et l’on voit que, le vendredi 4 mars 1701, « il entendit à Versailles le sermon de la samaritaine prêché par le père Massillon, dont il fut très content. » Toutefois, il reste vrai pour nous que Bossuet et Massillon ne sont pas tout à fait de la même école d’éloquence sacrée, Bossuet étant de ceux qui y veulent à chaque instant la parole vive, et Massillon au contraire disant, quand on lui demandait quel était son meilleur sermon : « Mon meilleur sermon est celui que je sais le mieux. » Les jugements de Bossuet sur Fénelon sont encore plus sévères, et ils sont décidément injustes.

1190. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

La vie ne paraît qu’un instant auprès de l’éternité, et la félicité humaine, un songe ; et, s’il faut parler franchement, ce n’est pas seulement contre la mort qu’on peut tirer des forces de la foi ; elle nous est d’un grand secours dans toutes les misères humaines ; il n’y a point de disgrâces qu’elle n’adoucisse, point de larmes qu’elle n’essuie, point de pertes qu’elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, de l’infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude affliction que puissent éprouver les hommes, et il n’en est aucun de si humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir et son abattement, ne trouve en elle de l’appui, des espérances, du courage : mais cette même foi, qui est la consolation de misérables, est le supplice des heureux ; c’est elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité présente, qui leur donne des regrets sur le passé, et des craintes sur l’avenir ; c’est elle, enfin, qui tyrannise leurs passions, et qui veut leur interdire les deux sources d’où la nature fait couler nos biens et nos maux, l’amour-propre et la volupté, c’est-à-dire tous les plaisirs des sens, et toutes les joies du cœur… Vauvenargues avait vingt-quatre ans quand il écrivait ces lignes.

1191. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Je maudis l’instant où je fus fait caporal ; et je voudrais avoir l’apathie de ceux qui finiront par s’établir bourgeoisement.

1192. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Et, en vérité, avec nos grands écrivains du xviie  siècle, nous marchons depuis quelque temps de secousse en secousse, de surprise en surprise ; on ne nous laisse pas un instant sommeiller en paix sur l’oreiller de nos admirations établies.

1193. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

En supprimant les scènes intermédiaires et qui coupent à tout instant l’épisode, en le détachant du reste, on a quelque chose de curieux et d’assez amusant qui nous ouvre un jour sur les mœurs du monde élégant de ce temps-là.

1194. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Vous ne retrouverez dans ces Mémoires que les principaux événements de notre vie commune : vous y verrez des erreurs que vous m’avez pardonnées, des mécomptes que vous avez prévus, et si votre nom ne s’y rencontre que rarement, vous savez qu’en écrivant les lignes qui suivent, votre pensée n’a pu me quitter un seul instant. » J’avoue que dans les Mémoires qui nous sont donnés, je ne vois pas trace d’erreurs dans le sens où on le pourrait supposer, dans le sens malin et français ; je n’y vois que des mécomptes.

1195. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Oui, ma chère, j’ai prié pour vous, d’abord en m’éveillant, et puis à la messe, au memento des vivants, à cet endroit où Dieu permet à notre pensée et à notre cœur de redescendre un instant sur la terre pour s’y charger des besoins de ceux qu’on aime.

1196. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Je ne fatiguerai pas le lecteur à suivre chez lui cette interprétation et cette vue du Messie montré de loin à tous les pas, à tous les degrés et à travers tous les accidents de l’histoire juive : cette vue est capitale chez l’auteur ; il ne peut un seul instant la laisser absente ni s’en distraire.

1197. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Grâce à de respectables amis que j’ai en Hollande et qui sont en partie les héritiers (et de bien dignes héritiers) des derniers papiers manuscrits, des dernières reliques de Port-Royal, j’ai pu lire une Correspondance tout intime d’un des plus fidèles amis du poète, de l’un de ceux qui l’assistèrent dans sa dernière maladie et jusque dans ses derniers instants.

1198. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Il vous avait paru sans conséquence de le lâcher à un certain moment : lui, il vous a suivi, il vous a saisi et mis à jour avec vos vices nonchalants, vos légèretés incroyables, vos débauches d’esprit dans les graves instants, votre complaisance et votre assujettissement à vos familiers et à vos entours.

1199. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Toutes ces précautions prises, voici la lettre entière, qui me semble déjà contenir en soi le relâchement et la décadence de celui qui n’aura été héros qu’un instant : M. le comte de Clermont à M. d’Élèvemont.

1200. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il a dit lui-même, dans sa pièce à la Mémoire de George Farcy : Un soir, en nous parlant de Naples et de ses grèves, Beaux pays enchantés où se plaisaient tes rêves, Ta bouche eut un instant la douceur de Platon : Tes amis souriaient, lorsque, changeant de ton, Tu devins brusque et sombre, et te mordis la lèvre, Fantasque, impatient, rétif comme la chèvre !

1201. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Je sentois cependant que chaque instant l’éloignoit de moi, et ma peine prenoit le même accroissement que la distance qui nous séparait. » Nous surprenons ici le défaut ; cette peine qui croît en raison directe de la distance, c’est plus que du philosophe, c’est bien du géomètre ; et nous concevons que M. de Silly ait pu dire à sa jeune amie dans une lettre qu’elle nous transcrit : « Servez-vous, je vous « prie, des expressions les plus simples, et surtout ne faites « aucun usage de celles qui sont propres aux sciences. » En homme du monde, et plein de tact, il avait mis d’abord le doigt sur le léger travers.

1202. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

À cet égard, les manifestations spirites elles-mêmes nous mettent sur la voie des découvertes, en nous montrant la coexistence au même instant, dans le même individu, de deux pensées, de deux volontés, de deux actions distinctes, l’une dont il a conscience, l’autre dont il n’a pas conscience et qu’il attribue à des êtres invisibles.

1203. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Enfin, à chaque instant, les fables s’enrichissent de prologues ou d’épilogues lyriques : c’est par une ode à la solitude que se termine le Songe d’un habitant du Mogol.

1204. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Ce qui me paraît plus sûr et plus souhaitable pour cette touchante mémoire de Marie-Antoinette, c’est qu’il puisse se dégager, de la multitude d’écrits et de témoignages dont elle a été l’objet, une figure belle, noble, gracieuse, avec ses faiblesses, ses frivolités, ses fragilités peut-être, mais avec les qualités essentielles, conservées et retrouvées dans leur intégrité, de femme, de mère et par instants de reine, avec la bonté de tout temps généreuse, et finalement avec les mérites de résignation, de courage et de douceur qui couronnent les grandes infortunes.

1205. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Âgé de trente-cinq ans, il se tourna à cette œuvre avec le feu et la précision qu’il mettait à toute chose : de nouveaux désordres plus graves, qui survinrent dans sa santé, l’empêchèrent de l’exécuter avec suite, mais il y revenait à chaque instant dans l’intervalle de ses douleurs ; il jetait sur le papier ses idées, ses aperçus, ses éclairs.

1206. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

En un mot, c’est par la représentation de mon moi identique que je réalise une identité relative, que je me survis sans cesse à moi-même, que je renais à chaque instant, jusqu’à ce que je meure d’une mort définitive.

1207. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Le peuple voulut que dans l’instant Pylade joüât le même rolle.

1208. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Les seuls écrivains qui demanderaient à être traduits en entier, sont ceux dont l’agrément est dans leur négligence même, tels que Plutarque dans ses Vies des Hommes illustres, où, quittant et reprenant à chaque instant son sujet, il converse avec son lecteur sans l’ennuyer jamais.

1209. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Fermons un instant les yeux sur le funeste vertige des cent jours, et transportons-nous par la pensée à l’époque où nous revîmes enfin, après tant d’années, le père de la patrie.

1210. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

De même, notre littérature qui, sous ce règne, a jeté encore un si grand éclat a été envahie, un instant, par une génération éphémère : cette génération fut sans aïeux, elle n’a point laissé de postérité.

1211. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Vous trouverez à chaque instant des phrases comme celles-ci : « Tous les moments de l’essence divine passent dans le monde et reviennent dans la conscience de l’homme. » — « Qu’est-ce que Dieu ?

1212. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

En général, l’être vertueux et moral s’affectera bien plus que celui qui est sans principes ; le malheureux, plus que celui qui jouit de tout ; le solitaire, plus que l’homme du grand monde ; l’habitant des provinces, plus que celui des capitales ; l’homme mélancolique, plus que l’homme gai ; enfin, ceux qui ont reçu de la nature une imagination ardente qui modifie leur être à chaque instant, et les met à la place de tous ceux qu’ils voient ou qu’ils entendent, bien plus que ceux qui, toujours froids et calmes, n’ont jamais su se transporter un moment hors de ce qui n’était pas eux.

1213. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Grattons la surface, effaçons ce qui nous vient d’une éducation de tous les instants : nous retrouverons au fond de nous, ou peu s’en faut, l’humanité primitive. […] L’événement a beau devoir se produire : comme on constate à chaque instant qu’il ne se produit pas, l’expérience négative continuellement répétée se condense en un doute à peine conscient qui atténue les effets de la certitude réfléchie. […] Mais au-dessous d’elle est une pensée spontanée et semi-consciente, qui superpose à l’enchaînement mécanique des causes et des effets quelque chose de tout différent, non pas certes pour rendre compte de la chute de la tuile, mais pour expliquer que la chute ait coïncidé avec le passage d’un homme, qu’elle ait justement choisi cet instant. […] Mais qu’une surprise brusque paralyse ces activités superficielles, que la lumière où elles travaillaient s’éteigne pour un instant : aussitôt le naturel reparaît, comme l’immuable étoile dans la nuit. […] Plantes et animaux ont beau être livrés à tous les hasards ; ils ne s’en reposent pas moins sur l’instant qui passe comme ils le feraient sur l’éternité.

1214. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Balzac souffrit prodigieusement dans ce collège, où sa nature rêveuse était meurtrie à chaque instant par une règle inflexible. […] À des instants de plus en plus rapprochés, une balle invisible siffle, et un vide se fait dans les rangs, vide qui ne sera pas rempli, car qui se soucie aujourd’hui des idées dont nous étions enflammés jusqu’à la folie ? […] L’auteur se promène dans la Rome des empereurs, sans hésiter un instant, du quartier de Suburre au mont Capitolin. […] En tomber amoureux est l’affaire d’un instant ; il se monte, il s’échauffe, il se passionne ; le voilà devenu sérieux, éloquent, convaincu ; il défend avec une lyrique indignation d’honnêteté le beau, le bien, le vrai  cette trinité morale qui n’a guère moins d’incrédules aujourd’hui que la trinité théologique  C’est un sage, un philosophe, presque un prédicateur. […] Depuis, nous ne perdîmes pas de vue un instant ce talent dont la verdeur acide devait en mûrissant produire de si beaux fruits, et à chaque salon nous faisions ressortir de notre mieux les beautés neuves, les inventions hardies, l’originalité de style et la grande manière du jeune artiste.

1215. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Le jeune auteur, au milieu de la plus parfaite politesse et d’hommages fréquents à l’imagination de celle qu’il combat, y prend position contre le système et les principes professés par elle : « Mme de Staël donne à la philosophie ce que j’attribue à la religion… Vous n’ignorez pas que ma folie à moi est de voir Jésus-Christ partout, comme Mme de Staël la perfectibilité… Je suis fâché que Mme de Staël ne nous ait pas développé religieusement le système des passions ; la perfectibilité n’était pas, selon moi, l’instrument dont il fallait se servir pour mesurer des faiblesses. » Et ailleurs : « Quelquefois Mme de Staël paraît chrétienne ; l’instant d’après, la philosophie reprend le dessus. […] Quand elle peut s’établir à Rouen, la voilà, dans le premier instant, qui triomphe, car elle a gagné quelques lieues sur le rayon géométrique. […] Corinne a beau resplendir par instants comme la prêtresse d’Apollon, elle a beau être, dans les rapports habituels de la vie, la plus simple des femmes, une femme gaie, mobile, ouverte à mille attraits, capable sans effort du plus gracieux abandon ; malgré toutes ces ressources du dehors et de l’intérieur, elle n’échappera point à elle-même. […] Capelle, qui avait succédé à M. de Barante père révoqué, lui insinuait d’écrire quelque chose sur le roi de Rome ; un mot lui eût aplani tous les chemins, ouvert toutes les capitales : elle n’y songea pas un seul instant, et, dans sa saillie toujours prompte, elle ne trouvait à souhaiter à l’enfant qu’une bonne nourrice.

1216. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

. — Mais, à chaque instant, des vues lumineuses et de haute politique générale sillonnent le sujet et élargissent les horizons : « Il est bon, dit le publiciste, en tout ceci purement judicieux, qu’une quantité considérable de nobles se jette dans toutes les carrières en concurrence avec le second ordre ; non-seulement la noblesse illustre les emplois qu’elle occupe, mais par sa présence elle unit tous les états, et par son influence elle empêche tous les corps dont elle fait partie de se cantonner… C’est ainsi qu’en Angleterre la portion de la noblesse qui entre dans la Chambre des communes tempère l’âcreté délétère du principe démocratique qui doit essentiellement y résider, et qui brûlerait infailliblement la Constitution sans cet amalgame précieux. » Et plus loin : « Observez en passant qu’un des grands avantages de la noblesse, c’est qu’il y ait dans l’État quelque chose de plus précieux que l’or187. » Il raille de ce bon rire, qui s’essaye d’abord comme en famille, ses compatriotes devenus les citoyens tricolores, et se moque des raisonnements sur les assignats : « Lorsque je lis des raisonnements de cette force, je suis tenté de pardonner à Juvénal d’avoir dit en parlant d’un sot de son temps : Ciceronem Allobroga dixit 188 ; et à Thomas Corneille d’avoir dit dans une comédie en parlant d’un autre sot : Il est pis qu’Allobroge. » Mais déjà il passe à tout moment la frontière et ne se retient pas sur le compte de la grande nation : « Quand on voit ces prétendus législateurs de la France prendre des institutions anglaises sur leur sol natal et les transporter brusquement chez eux, on ne peut s’empêcher de songer à ce général romain qui fit enlever un cadran solaire à Syracuse et vint le placer à Rome, sans s’inquiéter le moins du monde de la latitude. […] Le plus jeune des trois, le seul même qui fût à son vrai début, M. de Chateaubriand, en ce fameux Essai sur les Révolutions, versant à flots le torrent de son imagination encore vierge et la plénitude de ses lectures, révélait déjà, sous une forme un peu sauvage, la richesse primitive d’une nature qui sut associer plus tard bien des contraires ; d’admirables éclairs sillonnent à tout instant les sentiers qu’il complique à plaisir et qu’il entre-croise ; à travers ces rapprochements perpétuels avec l’antiquité, jaillissent des coups d’œil singulièrement justes sur les hommes du présent : lui-même, après tout, l’auteur de René comme des Études, l’éclaireur inquiet, éblouissant, le songeur infatigable, il est bien resté, jusque sous la majesté de l’âge, l’homme de ce premier écrit. […] Toute l’œuvre prochaine, l’œuvre philosophique et théosophique de De Maistre, va sortir de là : c’est le premier instant où on la voit poindre. […] Et pour que l’on comprenne mieux dans quel sens analogue à celui de M. de Maistre, voici ce qu’après un préambule sur ses principes spiritualistes et sur la liberté morale, Saint-Martin disait à son ami : « Supposant donc… toutes ces bases établies et toutes ces vérités reconnues entre nous deux, je reviens, après cette légère excursion, me réunir à toi, te parler comme à un croyant, te faire, dans ton langage, ma profession de foi sur la Révolution française, et t’exposer pourquoi je pense que la Providence s’en mêle, soit directement, soit indirectement, et par conséquent pourquoi je ne doute pas que cette Révolution n’atteigne à son terme, puisqu’il ne convient pas que la Providence soit déçue et qu’elle recule. » « En considérant la Révolution française dès son origine, et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer, où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées, et où les justes et les méchants reçoivent dans un instant leur récompense ; car, indépendamment des crises par lesquelles la nature physique sembla prophétiser d’avance cette Révolution, n’avons-nous pas vu, lorsqu’elle a éclaté, toutes les grandeurs et tous les ordres de l’État fuir rapidement, pressés par la seule terreur, et sans qu’il y eût d’autre force qu’une main invisible qui les poursuivît ?

1217. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Comme ils sont toujours le beau exprimé par le sentiment, la passion et la rêverie de chacun, c’est-à-dire la variété dans l’unité, ou les faces diverses de l’absolu, — la critique touche à chaque instant à la métaphysique. […] Je crois que l’artiste ne peut trouver dans la nature tous ses types, mais que les plus remarquables lui sont révélés dans son âme, comme la symbolique innée d’idées innées, et au même instant. […] Leur goût immodéré pour la distinction leur joue à chaque instant de mauvais tours. […] S’il est des douteurs qui inspirent de l’intérêt, il en est de grotesques que le public revoit tous les ans avec cette joie méchante, particulière aux flâneurs ennuyés à qui la laideur excessive procure quelques instants de distraction.

1218. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

À chaque instant, un détail concret, une touche vive, un bout de phrase ou un mot sentant la vie, la nature ou la chair, disparaît radicalement ou fait place à une morne abstraction. […] On peut descendre le cours du fleuve, au lieu de rêver un instant sur la rive. […] Paul Claudel, dès l’instant qu’il a consenti à la publicité, a tout de suite été moins distant et a traité le lecteur en ami qu’il pouvait admettre dans l’intimité de sa pensée. […] Cet instant de surhumaine beauté suffirait à la gloire de son nom. […] Ce qui est grave, c’est le passage où Félix, avec un instant de regret, s’im

1219. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Que l’on mette dans la balance d’un côté une fille de nos rois, protectrice des Cotin, d’illustres apôtres de la chaire de vérité, des auteurs pompeusement vantés, et de l’autre un pauvre comédien de province venant chercher à Paris des ressources qu’il n’avait pu trouver dans ses excursions ; et que l’on réfléchisse un seul instant si la lutte dut sembler assez inégale, l’entreprise assez aventureuse. […] Quand on porte ses regards sur l’intérieur du ménage de Molière, on doute qu’il ait vécu un seul instant heureux. […] Molière, pressé par les instantes sollicitations de ses camarades, avait réclamé auprès du Roi contre le privilège abusif dont les mousquetaires, les gardes du corps, les gendarmes et les chevau-légers de sa maison militaire étaient en possession, d’entrer à la comédie sans payer, d’où il suivait que le parterre se trouvait souvent rempli sans que la caisse en fût moins vide. […] Il est aussi ridicule qu’injurieux pour la mémoire de deux grands hommes de penser un seul instant que l’un eût osé proposer une aussi licencieuse mascarade, et que l’autre se fût oublié au point de l’autoriser. […] Mais j’eus le chagrin de voir qu’une personne sans grande beauté, qui doit le peu d’esprit qu’on lui trouve à l’éducation que je lui ai donnée, détruisit en un instant toute ma philosophie.

1220. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

» Peut-être, si vous croyez que c’est une femme qui parle, hésiterez-vous un instant. […] A chaque instant, s’il faut en croire mistress Bellamy, quelque gentilhomme épris d’elle (une fois ne se met-elle pas en tête que c’est le roi de France Louis XV, lui-même, en personne ?) […] L’enquête est tellement dans leurs mœurs, et certes il faut les en féliciter, qu’à chaque instant elle passe dans leur littérature. […] Cependant le bon sens nous dit qu’il ne suffit point de se sentir libre pour l’être en effet ; ni de l’être un peu, à de rares instants, et d’une liberté infiniment relative et croisée, pour pouvoir affirmer à juste titre qu’on l’est toujours, et avec plénitude, et d’une liberté absolue. […] Il ne fallait qu’un instant pour m’y transporter et m’y faire vivre de toute la vie qui les anime.

1221. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Je suppose un instant que les bonnes traditions s’éteignent, que le bon goût disparaisse, en un mot, que tout vous réussisse à souhait, et que le grand acteur qui succédera à Talma veuille bien, dans vingt ans d’ici, jouer votre tragédie en prose, intitulée : la Mort de Henri III. […] Encore sous une forme classique et copiée d’Homère, à chaque instant le Tasse met-il les sentiments tendres et chevaleresques de son siècle. […] Dès l’instant qu’il y a concession apparente au public, il n’y a plus de personnages dramatiques.

1222. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

La primauté n’est pas la solitude, et, de ce qu’une image, à un instant donné, l’emporte sur les autres, il ne faut pas conclure qu’elle les détruise. […] Il y arrive, gesticule un instant, se retire ; un autre apparaît, puis un autre, et ainsi de suite : voilà l’idée ou image du premier plan. […] Quand l’image est absorbante au point d’exclure les autres, il n’y a pas moyen d’enrayer ; bon gré mal gré, le geste et la physionomie la traduisent. — Il suit de là que, dans notre théâtre mental, l’acteur qui occupe la rampe devient pour cet instant le chef de l’orchestre et donne le branle aux instruments.

1223. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

C’est le vieux peintre Decan, ami de Corot, qui demeure dans la maison de Gavarni, et qui redescend, quelques instants après, avec la blouse, que Corot mettait pour peindre, et qui est l’assemblage de deux tabliers de cuisine d’un bleu passé, avec dans le derrière, un morceau neuf d’un bleu vif, morceau remplaçant le bas de la blouse, brûlé contre un poêle. […] Lavoix me le montre avec son parler, tout farci de mots latins et grecs, et quelques instants après, qu’il avait manqué d’être écrasé, lui disant : « Oui, par une voiture à deux chevaux, un bige, mon cher collègue. » C’était lui, qui se défendant de toujours travailler, faisait l’aveu, que le dimanche, il lui arrivait parfois de lire un livre futile, et le livre qu’il montrait, était le dix-septième volume de l’Histoire de l’Empire, de Thiers. […] Il ajoutait : « Cependant, j’en avais fait un à quinze ans qui s’est perdu, mais qui était imbécile… ce qu’il y a de certain, c’est que la première chose que j’ai faite, je l’ai tirée de moi-même. » Puis au bout de quelques instants de silence, il reprend : « C’est vraiment curieux, chez moi, depuis 1858 — je ne vous connaissais pas — ce sont de petits cahiers, ce sont des notes jetées, au jour le jour, certes moins poussées que les vôtres, mais enfin c’est le même procédé de travail.

1224. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Même lorsqu’il ne nous est pas donné de pénétrer au delà, et qu’en avançant dans la vie nous n’avons plus que des instants pour nous retourner vers cette patrie première de toute belle pensée, la villa d’Horace, ce Tibur tant célébré, continue de nous apparaître à l’horizon, couronnant les dernières collines, et surtout, comme sur un dernier promontoire de cette mer d’azur aux rivages immortels, s’élève encore et se dessine, aussi distinct qu’au premier jour, le bûcher fumant de Didon. […] Ce thème prêtait à l’érudition géographique et généalogique, aux épisodes, et il y en a d’agréables, même de charmants, et à tout instant éclairés de comparaisons ingénieuses ou grandes, d’images vraiment homériques ; mais tout cela est successif, développé dans l’ordre des faits et des temps, sans beaucoup de feu ni d’action, et surtout sans ce flumen grandiose continu, qui est le courant d’Homère.

1225. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Si à chaque instant de son mouvement il se meut vers un point différent, la ligne qu’il décrit est courbe. […] À présent, introduisons dans notre composé mental une condition nouvelle, la plus simple qu’il se pourra ; supposons que la force initiale, au lieu d’agir seulement au premier instant, continue à agir pendant toute la durée du mouvement et que, par suite, la vitesse du mouvement croisse uniformément.

1226. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Maintenant qu’on a recommencé à me consulter sur les affaires de l’État, tout mon temps, toutes mes pensées, tous mes soins, appartiennent à la république, et la philosophie n’a droit qu’aux instants que n’exigera pas l’accomplissement de mes devoirs envers mon pays. […] Jamais, je vous en atteste, le souvenir de l’excellent ami, de l’invincible héros qui a illustré le nom des Scipions, ne quitte un instant mon esprit… « Je m’informai ensuite de son royaume, il me parla de notre république, et la journée entière s’écoula dans un entretien sans cesse renaissant… « Après un repas d’une magnificence royale, nous conversâmes encore jusque fort avant dans la nuit ; le vieux roi ne parlait que de Scipion l’Africain, dont il rappelait toutes les actions et même les paroles.

1227. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

De sales amours, plus semblables à des turpitudes qu’à des affections, souillent à chaque instant ces pages de jeunesse, ignoble philosophie des sens dont les images font rougir la plus simple pudeur ; sensualités grossières ; fleurs de vices dans un printemps de sensations que Rousseau fait respirer à ses lecteurs et à ses lectrices, et dont il infecte l’odorat des siècles. […] Son imagination allumée pour Julie, l’amante pédantesque de son drame, se convertit un instant en amour réel, mais purement sensuel, pour madame d’Houdetot, sa voisine de campagne, femme très séduisante, mais très solidement attachée à Saint-Lambert, ami de Rousseau, et qui se plaisait dans la société de Rousseau par la réminiscence fidèle de Saint-Lambert absent.

1228. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

C’est d’abord Aristote, le dieu de la philosophie du Moyen Âge, qui tombe sous les coups des réformateurs du XVe et du XVIe siècle, avec son grotesque cortège d’Arabes et de commentateurs ; puis c’est Platon, qui, élevé un instant contre son rival, prêché comme l’Évangile, retrouve sa dignité en retombant du rang de prophète à celui d’homme ; puis c’est l’antiquité tout entière qui reprend son sens véritable et sa valeur, d’abord mal comprise dans l’histoire de l’esprit humain ; puis c’est Homère, l’idole de la philologie antique, qui, un beau jour, a disparu de dessus son piédestal de trois mille ans et est allé noyer sa personnalité dans l’océan sans fond de l’humanité ; puis c’est toute l’histoire primitive, acceptée jusque-là avec une grossière littéralité, qui trouve d’ingénieux interprètes, hiérophantes rationalistes qui lèvent le voile des vieux mystères. […] C’est que l’autorité y est toujours présente : on la coudoie sans cesse, on sent à chaque instant sa gênante pression.

1229. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

C’est la démocratie envahissant l’Art, après l’Etat ; la pure Raison perd son pouvoir, devant ce flot montant des images et des sensations ; à peine, par instants, de l’intime émotion, de la spéculation contemplative, un reflet : tout se traduit en figures, en couleurs, en sonorités. […] Tout était remis en question : un instant, on douta de la possibilité de continuer les Représentations de Fête.

1230. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Le motif est ensuite repris par les instruments à vent les plus doux ; les cors et les bassons en s’y joignant préparent l’entrée des trompettes et des trombones, qui répètent la mélodie pour la quatrième fois, avec un éclat éblouissant de coloris, comme si dans cet instant unique l’édifice saint avait brillé devant nos regards aveuglés, dans toute sa magnificence lumineuse et radiante. […] Nous ne reviendrions pas sur ce fait si les adversaires de Richard Wagner n’avaient, pour un instant, attiré notre attention par leur enthousiasme tant soit peu factice ; car les voilà applaudissant les auteurs de Sigurd, et trouvant même le sujet « empoignant ».

1231. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

non, on ne donnera pas l’image de la jeune fille, si on n’indique pas les troubles physiques qui la traversent, un instant. […] j’ai eu peur… c’est que vous savez, un moment le médecin d’ici ne savait pas, si je n’avais pas toutes les maladies… il croyait à une maladie de la moelle épinière, rapport à mes yeux… enfin ces jours-ci, il m’a rassuré, il pense qu’il n’y a que la chose du cœur. » Comme je disais, quelques instants après, à de Nittis : — Vous qui aviez une santé dont j’étais jaloux… c’est cette bronchite d’il y a deux ans ?

1232. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Il doit faire vrai ; la moitié de son mérite — et chez Daumier cela touche au génie — consiste dans la justesse de l’observation, l’exactitude de la silhouette, la précision de la satire, la vie surprise par le dessin sommaire, de façon que le spectateur ne puisse douter un instant qu’on lui montre un être réel, observé dans son aspect, analysé dans son caractère. […] Un homme en colère ne doute pas un instant qu’il n’ait raison d’être ainsi, et s’il doute, c’est qu’il commence à s’apaiser.

1233. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Les genres se confondent à chaque instant dans le même ouvrage et sous la plume du même écrivain. […] On se tromperait à chaque instant, et en voulant tout diviser on aurait tout confondu.

1234. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Ce livre raconte en versets, dont chacun est un vers qui trouve son écho dans un autre vers, les pensées de Dieu, la création du monde en six grandes journées de l’ouvrier divin, qui sont peut-être des semaines de siècles ; la naissance du premier homme, son ennui solitaire dans l’isolement de son être, qui n’est qu’un morne ennui sans l’amour ; l’éclosion nocturne de la femme, qui sort, comme le plus beau des rêves, du cœur de l’homme ; les amours de ces deux créatures complétées l’une par l’autre dans ce premier couple dont le fils et les filles seront le genre humain ; leurs délices dans un jardin à demi céleste ; leur pastorale enchantée sous les bocages de l’Éden ; leur fraternité avec tous les animaux aimants qui parlaient alors ; leur liberté encore exempte de chute ; leur tentation allégorique de trop savoir le secret de la science divine, secret réservé seul au Créateur, inhérent à sa divinité ; leur faute, de curiosité légère chez la femme, de complaisance amoureuse chez l’époux ; leur tristesse après le péché, premier réveil de la conscience, cette révélation par sentiment du bien et du mal ; leur citation au tribunal divin ; les excuses de l’homme pour rejeter lâchement le crime sur sa complice, le silence de la femme, qui s’avoue coupable par les premières larmes versées dans le monde ; leur expulsion ; leur pèlerinage sur la terre devenue rebelle ; la naissance de leurs enfants dans la douleur ; le travail sous toutes les formes, premier supplice de l’humanité ; le premier meurtre faisant boire à la terre le sang de l’homme par la main d’un frère ; puis la multiplication de la race pervertie dans sa source ; puis le déluge couvrant les sommets des montagnes ; une arche sauvant un juste, sa famille, tous les animaux innocents ; puis la vie patriarcale, en familiarité avec des esprits intermédiaires appelés des anges, esprits tellement familiers qu’ils se confondent à chaque instant sur la terre avec les hommes, auxquels ils apportent les messages de Dieu ; puis un peuple choisi de la semence d’Abraham ; des épisodes naïfs et pathétiques, comme ceux de Joseph, de Tobie, de Ruth ; une captivité amère chez les Égyptiens ; un libérateur, un législateur, un révélateur, un prophète, un poète, un historien inspiré dans Moïse ; puis des annales pleines de guerres, de conquêtes, de politique, de liberté, de servitude, de larmes et de sang ; puis des prophètes moitié tribuns, moitié lyriques, gouvernant, agitant, subjuguant le peuple par l’autorité des inspirations, la majesté des images, la foudre de la langue, la divinité de la parole ; puis des grandeurs et des décadences qui montent et descendent de Salomon à Hérode ; puis l’assujettissement aux Romains ; puis un Calvaire, où un prophète plus surnaturel monte sur un autre arbre de science pour proclamer l’abolition de l’ancienne loi, et promulguer pour l’homme, sans acception de tribus, Juifs et païens, une loi plus douce scellée de son sang ; Puis une autre terre et un autre ciel pour l’univers romain devenu l’Europe. […] Ce style de madame de Sévigné, dont on retrouve à chaque instant l’esprit et la forme dans la langue de la France depuis la publication de ses volumes de lettres, est le chef-d’œuvre le plus véritablement original que la littérature française puisse présenter, sans craindre de rivalité, à toutes les littératures anciennes et modernes.

1235. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

, appuyée sur le principe protestant de l’individualité qui fait donner au moi ces coups de collier prodigieux qui trompent les penseurs médiocres sur les futures destinées des nations protestantes, — car toute société qui n’a que l’orgueil pour fondement doit s’écrouler vite, — la patrie de Franklin, du bonhomme Richard, ne devait-elle pas nuire à l’expansion de la pensée plus ou moins mystique d’Edgar Poe, et, par instants, la matérialiser sous cette vaste main de Midas qui convertit en or ce qu’elle touche ? […] Précaution assez méprisante, mais funeste à Poe dans les premiers instants de sa renommée !

1236. (1739) Vie de Molière

Le roi agréa l’offre de Molière, et l’on joua dans l’instant le Docteur amoureux. […] Un instant après, le pauvre court après lui, et lui dit : Monsieur, vous n’aviez peut-être pas dessein de me donner un louis d’or, je viens vous le rendre. — Tiens, mon ami, dit Molière, en voilà un autre. ; et il s’écria : Où la vertu va-t-elle se nicher !

1237. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Ce qui fait la grâce et la naïveté en ces sortes de fables, c’est quand, tout en représentant quelque vice humain, les animaux restent un peu eux-mêmes, c’est quand il y a, de la part du poète, des instants de confusion et d’oubli, et que d’heureux détails, d’une vraisemblance naturelle, viennent ôter à l’ensemble ce qu’une allégorie trop constante y introduirait de minutieux et de tendu.

1238. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

 » Mais pour cela il lui fallut ouvrir la bouche ; le Coq, qui n’attendait que l’instant, en profita, battit des ailes et s’envola sur un pommier, d’où à son tour il fit en souriant la leçon au cousin Renart.

1239. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Plus bas, en effet, la reproduction, le changement, le renouvellement nous entourent ; le sol actif et fécond se recouvre éternellement de parure ou de fruits, et Dieu semble approcher de nous sa main pour que nous y puisions le vivre de l’été et les provisions de l’hiver ; mais ici où cette main semble s’être retirée, c’est au plus profond du cœur que l’on ressent de neuves impressions d’abandon et de terreur, que l’on entrevoit comme à nu l’incomparable faiblesse de l’homme, sa prochaine et éternelle destruction si, pour un instant seulement, la divine bonté cessait de l’entourer de soins tendres et de secours infinis.

1240. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Marianne ne voit là-dedans qu’une expérience dont elle s’est trouvée l’occasion ; elle en badine après coup, elle ne dut pas en être amèrement désolée dans l’instant même ; elle en a été, avant tout, piquée.

1241. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

— « C’est, lui répondit-on, une école où l’on entre par examen. » Et il se mit dès l’instant à vouloir se préparer à cet examen et à travailler en conséquence, s’éclairant des conseils d’un M. 

1242. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Les archiducs étaient sincères ; leurs habiles députés désiraient véritablement une conclusion : mais on était loin de Madrid, qui ne disait pas son dernier mot, et qui le retenait jusqu’au dernier instant.

1243. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Vicq d’Azyr ne se départit pas un seul instant de cette mesure et de cette décence parfaite, à côté d’adversaires furieux60.

1244. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Jamais je ne suis descendu de ces sommets sans éprouver qu’un poids retombait sur moi, que mes organes s’obstruaient, que mes forces diminuaient et que mes idées s’obscurcissaient ; j’étais dans la situation où se trouverait un homme qui serait rendu à la faiblesse de ses sens inhumains après l’instant où ses yeux, dessillés par un Être supérieur, auraient joui du spectacle des merveilles cachées qui nous environnent.

1245. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Pour mon compte, sans être un M. de Saint-Germain, c’est l’illusion que je me fais quelquefois, quand les yeux fermés je rouvre les scènes et les perspectives de ma mémoire : car enfin ce temps qui a précédé notre naissance, ce xviiie  siècle tout entier, nous le savons, avec un peu de bonne volonté et de lecture, tout autant que si nous y avions assisté en personne et réellement vécu : Mme d’Épinay, Marmontel, Duclos, tant d’autres nous y ont introduits ; nous pourrions entrer à toute heure dans un salon quelconque et n’y être pas trop dépaysés ; et même, après quelques instants de silence pour nous mettre au fait de l’entretien, nous pourrions risquer notre mot sans nous trahir et sans être regardés en étrangers.

1246. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Les beautés chez Dante sont grandes, et elles sont d’un ordre si imprévu, si puissant et si élevé, qu’on ne regrette point, quand on les possède une fois, la peine qu’elles ont coûtée ; elles ont pourtant coûté une grande peine, et il est de ceux qu’on admire, en étant obligé de les conquérir à chaque pas et à chaque instant.

1247. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Et au lieu de : « Frugibus alternis, non consule, computat annum », sans entrer dans une antithèse difficile, il dira nonchalamment : Il tient par les moissons registre des années… Mais surtout il y met à chaque instant ses impressions vraies, et les associe aux tons primitifs sans qu’on puisse les démêler.

1248. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

et n’allait plus un seul instant le perdre du regard.

1249. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Il a été piquant sans remords, il a eu par instants une sorte de raillerie amère, celle des esprits vigoureux et sévères : vigueur et amertume, les anciens ont toujours aimé à rapprocher ces deux qualités parentes.

1250. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Il parle une fois très sensément contre l’astrologie judiciaire ; il paraît avoir une conception assez juste et assez saine du système du monde ; il démontre par des considérations physiques et naturelles la chimère qu’il y a à prétendre tirer des horoscopes sur la fortune des hommes ; et l’instant d’après, parlant d’un voyage en mer que fait devant Dieppe la princesse Marie et d’un vent violent qui, se levant tout d’un coup, aurait pu la mettre en danger : « Cela me fit souvenir, dit-il, d’un songe que j’avais eu la nuit précédente pour un certain débordement d’eaux que je m’étais imaginé, comme il arrive assez souvent. » Il ne croyait pas à l’astrologie, et il a l’air de croire aux songes.

1251. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Au lieu de l’enfant miraculeux, on aura l’éternel vieillard, l’antique monde patriarcal soudainement réintégré ; il y compte ; c’est là le coin mystique : « Il viendra un moment, dont la date seule est douteuse, qui changera tout en un instant. » Après tout, il n’y a pas trop d’hommes qui soient tout d’une pièce, surtout en ces époques de révolutions qui brisent souvent les meilleurs en plusieurs morceaux.

1252. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Après quelques instants de contemplation, il tourne par hasard les yeux vers le ciel, et à cet aspect qui lui est si familier et qui pour l’ordinaire le frappait si peu, il reste saisi d’admiration, il croit voir pour la première fois cette voûte immense et sa superbe parure… Ici toute une description encore : spectacle des cieux, le couchant enflammé, la lune qui se lève à l’orient, les astres innombrables qui roulent en silence sur nos têtes, l’étoile polaire qui semble le pivot fixe de toute la révolution céleste !

1253. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Les intérêts, c’est-à-dire les finances, l’industrie, les branches diverses de la fortune publique, leurs rapports, leur jeu mobile, leurs crises, le mécanisme et le thermomètre du crédit, les signes et pronostics qui en résultent à chaque instant, il les sait peu, il ne les sait guère plus que M. 

1254. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Saussure, dans ses ascensions alpestres, aux rares instants où il s’arrête pour décrire, et où il quitte le baromètre ou le marteau du géologue pour le crayon, est bien autrement original dans sa sobriété ; Ramond, le peintre observateur des Pyrénées, avec moins de pureté sans doute, est bien autrement ému et coloré !

1255. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Le duc de Bourgogne, quand on veut s’en faire une juste idée, ne saurait se séparer un instant de son maître et précepteur Fénelon.

1256. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Faible et fougueux, orgueilleux, méprisant, cruel railleur, et à chaque instant furieux… Fort pénétrant, précoce aux choses littéraires, ayant tous les défauts et des princes et des gens-de lettres.

1257. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Delécluze, parut s’apercevoir qu’il y en avait un peu trop sur ce point, et, à un instant, il essaya, de sauter un feuillet et d’enjamber ; mais, ayant mal pris sa mesure, il vit que ce ne serait plus assez clair pour la suite du récit, et il dut revenir en arrière sur ses pas ; de sorte qu’au lieu d’entendre une seule fois le passage désobligeant ; on eut à le subir une seconde.

1258. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Il trouve Salammbô endormie dans une espèce de hamac ; il s’approche, elle s’éveille à la clarté trop vive d’une gaze qui prend feu et s’éteint au même instant ; elle croit d’abord à quelque apparition céleste : ce voile si rêvé, si désiré d’elle, Mâtho, comme s’il avait deviné sa pensée, le lui apporte, le lui montre dans sa splendeur ; il est tout près de l’en envelopper.

1259. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Et reprenant de nouveau l’histoire de la Création et des époques primitives, tous ces récits dont Moïse est censé avoir recueilli les traditions, Bossuet nous montre le grand Ouvrier à l’œuvre, tantôt bienfaisant et clément, tantôt terrible et jaloux, toujours efficace, présent, vigilant, vivant : on n’en saurait prendre nulle part une idée plus forte, celle d’un Dieu qui tient le monde à chaque instant dans sa main, qui ne lui laisse pas le temps de s’engourdir, qui est toujours prêt à recommencer la création, à la retoucher, à secouer son monde.

1260. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Quand la cloche sonna l’office de minuit, il descendit à la chapelle, prit part aux prières des religieux, s’agenouilla comme eux, s’humilia comme eux et espéra : il date de là l’instant vrai de sa renaissance.

1261. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Rousset et ressortent à chaque instant des récits, même les plus modérés et les plus circonspects, du comte de Gisors.

1262. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve d’une amitié constante et qui ne s’est pas démentie un seul instant : la dernière fois qu’il vint le voir, c’était à la veille d’un départ pour Prangins ; il ne voulut pas partir sans lui dire adieu.

1263. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

La satisfaction dut être grande pour Jomini ; il était dès sa première campagne au comble de ses vœux : lui, l’homme de la science, le théoricien enthousiaste du grand art, il se voyait du premier coup initié dans le secret et l’exécution d’une des plus belles manœuvres que le génie militaire pût concevoir ; il lui était donné d’y assister, d’en toucher pour sa part et d’en faire mouvoir quelques-uns des principaux ressorts ; mais le rôle n’était pas facile et impliquait à chaque instant bien des délicatesses.

1264. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Exempt d’infirmités et de mélancolie, comme un ouvrier robuste, vers la fin de sa tâche, il s’endormit. » En cette renaissance de toutes choses, on reprenait quelques anciens livres oubliés ; Balzac redevint de mode un instant ; on en publia des pensées, on en causait beaucoup.

1265. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Il fallait alors, renonçant à des habitudes recueillies et solitaires, dépouillant, pour ainsi dire, les bandelettes et les voiles antiques, se mêler aux flots de cette génération active, mouvante, orageuse, s’y plonger hardiment, et n’en sortir aux instants de méditation que pour bientôt s’y replonger encore.

1266. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Boileau en est la preuve : il imite, il traduit, il arrange à chaque instant les idées et les expressions des anciens ; mais tous ces larcins divers sont artistement reçus et disposés sur un fond commun qui lui est propre : son style a une couleur, une texture ; Boileau est bon écrivain en vers.

1267. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

La gloire des écrits ou celle des actions est soumise à des combinaisons différentes ; la première, empruntant quelque chose des plaisirs solitaires, peut participer à leurs bienfaits ; mais ce n’est pas elle qui rend sensibles tous les signes de cette grande passion ; ce n’est pas ce génie dominateur, qui, dans un instant, sème, recueille et se couronne ; dont l’éloquence entraînante, ou le courage vainqueur décident instantanément du sort des siècles et des empires ; ce n’est pas cette émotion toute puissante dans ses effets, qui commande en inspirant une volonté pareille, et saisit dans le présent, toutes les jouissances de l’avenir.

1268. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

L’esprit extrait le fragment, mais, au même instant, reconnaît que cette extraction ou abstraction est purement fictive et que, si le fragment existe à part, c’est qu’il l’y met.

1269. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

A chaque instant, il jugera l’action ou le personnage, et ce jugement sera un résumé ; une louange, un reproche, un mot de compassion, un sourire moqueur, sont des conclusions sous lesquelles se groupent toutes les parties d’une aventure.

1270. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Puis, comme l’éloquence politique, l’éloquence judiciaire, un instant soulevée au-dessus de la chicane journalière, eut les ailes coupées, et nous la verrons se traîner au xviie  siècle sans pouvoir jamais sortir du pédantisme, tandis que l’éloquence religieuse, aidée des circonstances qui étouffent les deux autres genres, s’acheminera rapidement à sa perfection.

1271. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

A chaque instant on sent qu’il n’a pas toujours fait de la critique et qu’il ne se croyait pas né spécialement pour en faire.

1272. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Alphonse Daudet, s’y insinue encore çà et là, mêle de l’émotion à l’exactitude des peintures et impose à l’observation un choix de détails si rare et si délicat que, sans autre artifice, elle fait jaillir à chaque instant la fantaisie de la réalité même.

1273. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

» il réfléchit un instant, puis répondit : « Eh bien, franchement… non, je crois que je ne donnerais pas Mme Bovary. »

1274. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Il n’aurait qu’une attention de quelques instants à soutenir pour s’assimiler à fond cet art superficiel, mais pratique, de la tenue dans la vie, offrir une surface polie et impénétrable aux bêtes curieuses qui guetteraient ses défauts ou ses faiblesses secrètes, murer sa pensée derrière la courtoisie, et apparaître strict, armé, indémontable, aux yeux des « mondains » ébahis de sa vraie aristocratie.

1275. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Mais, chez les anciens aussi, il a ses antécédents et presque ses modèles ; il va les chercher, à ses instants de loisir, chez Apulée, chez Pétrone, chez Martial, et il a parlé d’eux tous avec le sentiment de quelqu’un qui les entend mieux que par la lettre et par le texte, qui en ressaisit l’essence et l’esprit, et qui est, à quelque degré, de leur descendance.

1276. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Enfin, que ce soit Horace ou tout autre, quel que soit l’auteur qu’on préfère et qui nous rende nos propres pensées en toute richesse et maturité, on va demander alors à quelqu’un de ces bons et antiques esprits un entretien de tous les instants, une amitié qui ne trompe pas, qui ne saurait nous manquer, et cette impression habituelle de sérénité et d’aménité qui nous réconcilie, nous en avons souvent besoin, avec les hommes et avec nous-même.

1277. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Elle s’en pénètre et le substitue dès le premier instant à tous ses anciens sentiments personnels, qui peu à peu expirent et qui s’apaisent en elle avec les occasions fugitives qui les avaient soulevés.

1278. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Sa religion droite et inviolable ne pouvait admettre un seul instant ces transactions monstrueuses que la politique elle-même a peine à comprendre, et que certainement elle n’exigeait pas.

1279. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Malgré ces coins d’humeur et ces instants irrités, Ducis était assez habituellement calme pour que sa figure de vieillard, en ces années, ait bien de l’expression antique, et que nous la trouvions de plus en plus noble et belle.

1280. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

  Étant donné tel état de l’esprit à exprimer, il n’est donc pas seulement à s’occuper de la signification exacte des mots qui l’exprimeront, ce qui a été le seul souci de tout temps et usuel : mais ces mots seront choisis en tant que sonores, de manière que leur réunion voulue et calculée donne l’équivalent immatériel et mathématique de l’instrument de musique qu’un orchestrateur emploierait à cet instant, pour ce présent état d’esprit : et de même que pour rendre un état d’ingénuité et de simplesse, par exemple, il ne voudrait pas évidemment dès saxophones ou des trompettes, le poète instrumentiste pour ceci évitera les mots chargés d’O, d’A et d’U éclatants.

1281. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

— Dans les pages qui précèdent, nous avons admis à chaque instant que la critique scientifique reçoit de précieux secours de la psychologie générale.

1282. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Le devoir d’arracher sa sœur à Loujine lui donne un instant la force de reprendre sa vie normale ; un curieux conflit d’amour instinctif, de besoin de pitié, d’ironique abaissement, le pousse à chercher en une prostituée une amie, comme la curiosité, la haine et le pressentiment d’une secrète et honteuse égalité l’attachent aux pas de Svidrigaïloff.

1283. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Le boudoir où des Esseintes recevait ses belles impures, le cabinet de travail où il consume ses heures à révoquer le passé, ou à feuilleter de ses doigts pâles, des livres précieux et vagues, cette bizarre et expéditive salle à manger, dans laquelle il trompe ses désirs de voyage, la désolation d’un ciel nocturne d’hiver, le moite accablement d’un après-midi d’été, les floraisons monstrueuses dont se hérissent un instant les tapis, les évocations visuelles et auditives de certains parfums aériens et liquides, et par dessus tout ces phosphoriques pages consacrées aux peintures orfévrées de Moreau, à certains ténébreux dessins de Redon, à certaines lectures prestigieuses et suggestives ; ici le style de M. 

1284. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

C’est une attention de tous les instants, à mettre si bien toutes les circonstances à leur place, qu’elles soient nécessaires où on les met, et que d’ailleurs elles s’éclaircissent et s’embellissent toutes réciproquement ; à tout arranger pour les effets qu’on a en vue, sans laisser apercevoir de dessein ; de manière enfin que le spectateur suive toujours une action et ne sente jamais un ouvrage : autrement l’illusion cesse, et on ne voit plus que le poète au lieu des personnages.

1285. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Pour que Phèdre se lève elle-même quelques instants après ; car, pour la liberté des gestes dans le grand récit que Phèdre doit faire tout à l’heure, à partir de : « Mon mal vient de plus loin… », il convient qu’elle soit debout.

1286. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Si, par exemple, il enlevait son Bébé du livre où il se trouve, s’il le publiait à l’écart de la mauvaise compagnie du Monsieur et de la Madame avec lesquels il se trouve pour l’instant, le Bébé deviendrait le bréviaire des mères de famille… Ce serait une fortune pour l’auteur, un succès à la Picciola, qui eut, je crois, trente à quarante éditions, — et par la souveraine raison qu’un pareil livre est en équation avec les manières de sentir actuelles de la foule.

1287. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Oublions pour un instant la manière dont sont lus la plupart des romans, prêtés un jour, rendus le lendemain, dévorés par des yeux souvent jolis, mais qui ne savent pas lire, qui ne savent que suivre un héros à travers les pages d’un livre, comme un passant qui s’éloigne sur le sable d’une promenade.

1288. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

À chaque instant, M. 

1289. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Et, à chaque instant, c’est le général qui, avec son officier d’ordonnance, part et s’avance bien au-delà des avant-postes, pourquoi ? […] Au même instant, une détonation retentit. […] Goschen apprit (et ne crut pas un instant) que l’Allemagne avait, à l’égard de l’Angleterre, les intentions les plus affectueuses. […] À chaque instant, il vous apparaît comme un grand esprit et qui a des petitesses. […] L’Empire libéral est une œuvre de souffrance et, par instants, de désespoir.

1290. (1923) Nouvelles études et autres figures

À chaque instant revient l’idée qu’en définitive c’est l’intelligence et la vertu de l’homme qui font le champ prospère. […] « Il crut vraiment que sa philosophie recevait de la divinité même une solennelle consécration. » — Supposez un instant que Hugo ait soutenu la politique de Joseph de Maistre : vous entendez d’ici les éclats de rire des pontifes et des enfants de chœur de la démocratie qui ont fait de lui leur idole ! […] On n’en veut pas à Hugo d’avoir fait le beau rêve d’une fraternité universelle ni même d’en avoir imaginé un instant la réalisation. […] Un instant, elle a failli succomber dans cette atmosphère de défaillance et de désespoir, au milieu d’une nature que le premier souffle de l’hiver avait déjà touchée. […] Perrin en vit les défauts, mais, sous ces défauts, de telles qualités qu’il n’hésita pas un instant sur la valeur et sur l’avenir de l’inconnu.

1291. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Puis, les voix se désunissent : elles cherchent des attitudes nouvelles, tantôt les quittent après un instant, tantôt s’y attardent, par d’adorables modulations. […] Je saisis pleinement la signification générale des poèmes, j’aperçois à tout instant des détails qui m’enchantent ; mais il y a maintenant des détails que je ne me chargerais plus d’expliquer. […] Et il régnera joyeusement, dans les sphères ouvertes à lui seul, avec par instants, s’il se retourne vers nos agitations, un éclat de rire, et une démesurée stupeur de son existence parmi nous. […] Taine se serait un peu ennuyé dans les musées d’Italie, s’il avait un seul instant cessé d’observer et de prendre des notes pour l’admirable description qu’il nous en a donnée. […] Mais ce pauvre jeune homme n’est pas revenu ; et on trouvera déjà bien étonnant qu’il soit venu ce matin-là, car, au même instant, il était en train d’agoniser dans un village voisin.

1292. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

« Je vois toujours l’eau… et des hirondelles passent et la touchent de l’aile sans la troubler plus qu’un instant. […] Cela est d’une expérience de tous les instants. […] À chaque instant, mille petites innovations, mille changements imperceptibles viennent rompre nos habitudes et modifier un peu notre vie, mais ces nouveautés, faibles par elles-mêmes et sans soutien intérieur ou extérieur, disparaissent sans laisser de trace appréciable. […] L’invention sort à chaque instant de sa route régulière pour chercher fortune à droite et à gauche et toujours, au bout d’un certain temps, elle est remise dans sa voie, chargée du butin qu’elle peut utiliser, par la tendance directrice. […] Cela, en effet, est de tous les instants.

1293. (1913) Poètes et critiques

Il faut connaître lancheneige et Rosevermeille, une délicieuse comédie dont un conte des frères Grimm a fourni le canevas, et Dans le Jardin, une féerie, à la façon des contes délicats d’Hégésippe Moreau, mais où passerait par instants le souffle shakespearien. […] À chaque instant, il se trahit et se découvre, témoin deux citations que me fournit l’étude seule de M.  […] les mâchoires de la tristesse achèvent de la dévorer : tant ce qui resplendit, devient, dans un instant, ombre confuse !  […] Et c’est peut-être ainsi qu’entre l’instant que nous venons d’atteindre et le moment où il nous tarde d’arriver, nous pourrions bien apercevoir, dans la façon de vivre et la façon d’écrire de Verlaine, quelques obscurs linéaments de sa conversion. […] Comment n’eût-il pas abouti à l’œuvre capitale où quelquefois, pour un instant, chez les plus heureux écrivains, brille d’un vif éclat la flamme pure du génie !

1294. (1924) Critiques et romanciers

C’est difficile de supprimer toute incertitude à chaque instant, de n’aimer rien dans un livre ou de l’aimer de la première ligne à la dernière. […] L’âme se réveillait un instant, étendait son aile brisée, mais immense, versait une larme, jetait un rayon ; et de pures étoiles venaient luire encore à ce front souillé. […] Pareillement, la quantité des anecdotes qui furent le scandale ou bien l’enthousiasme d’un instant et qui servirent de prétexte au chroniqueur. […] Ce qu’il retient de sa première théorie, c’est le souci d’être « sincère » et de l’être à chaque instant : jamais il ne sacrifiera son plaisir vrai aux vanités de l’obstination. […] Alors, pourquoi se donne-t-il, à chaque instant, l’air de remporter une éclatante victoire, s’il écrit ce qu’il pense ?

1295. (1905) Promenades philosophiques. Première série

En fouies dans les ténèbres depuis la transformation chrétienne de la civilisation, elles avaient surgi pour un instant au treizième siècle, à la prière d’un autre Bacon, le moine Roger ; puis elles étaient rentrées sous terre. […] La Salle, le seul et unique traducteur des œuvres complètes de Bacon3, interrompt à chaque instant son travail pour avertir, dans une note, qu’il a été obligé de passer certaines pages. […] C’est souvent une des occupations des hommes de chercher à créer dans leur vie des circonstances qui les replongent pour un instant dans les joies du passé, même s’ils doivent payer de quelque souffrance cette résurrection momentanée. […] Cette marine, qui révélera à un marin lui-même un aspect inconnu de la nier, fut l’œuvre d’un instant, enlevée en moins de minutes qu’il n’en faut pour la bien voir à des yeux profanes. […] On allait le voir un instant, l’embrasser, le plaindre d’être forcé de travailler.

1296. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Quelques instants après, il arrive chez Bonaparte qui lui dit avec un sérieux imperturbable : « J’ai voulu que vous fussiez libre. […] Ce fut un instant solennel. […] C’est à cet instant qu’un homme qui s’était constamment tenu dans la salle du conseil : « Que faites-vous là ? […] Il attendit quelques instants, avec ses collègues, dans un vestibule continu à la salle des délibérations. […] Vos journaux, vos magazines, vos revues publient, à chaque instant, des monographies qui prouvent un sincère désir de comprendre notre caractère et de l’expliquer au reste de l’univers.

1297. (1864) Études sur Shakespeare

On trouverait difficilement, dans les tragédies de Shakespeare, une conception, une situation, un acte de passion, un degré de vice ou de vertu, qui ne se rencontrent également dans quelqu’une de ses comédies ; mais ce qui, dans ses tragédies, est approfondi, fertile en conséquences, fortement lié à la série des causes et des effets, n’est, dans ses comédies, qu’à peine indiqué, et offert un instant à la vue pour la frapper d’un effet passager, et disparaître bientôt dans une nouvelle combinaison. […] Un sentiment de devoir vient de prescrire à Hamlet un projet terrible ; il ne croit pas que rien lui permette de s’y soustraire ; et, dès le premier instant, il lui sacrifie tout, son amour, son amour-propre, ses plaisirs, les études même de sa jeunesse. […] Tous les actes où se déploie l’existence humaine, toutes les formes quelle revêt, tous les sentiments qui la peuvent modifier pendant la durée d’un événement toujours compliqué, voilà les nombreux et mobiles objets qu’il présente au public ; et il ne lui est pas permis de se séparer jamais de ses spectateurs, de les laisser un instant seuls et libres ; il faut qu’il agisse incessamment sur eux, qu’à chaque pas il excite dans leur âme des émotions analogues à la situation toujours changeante où il les a placés. […] Si au contraire, dès le premier instant, Voltaire nous eût montré Zaïre troublée de scrupules et inquiète sur son bonheur, la crainte nous eût préparés d’avance à comprendre dans toute son étendue, à sa première apparition, le malheur qui la menace, et à la voir s’y livrer avec un abandon peu probable, parce qu’il est trop soudain. […] C’est au contraire par une impression unique que Shakespeare, du moins dans ses plus belles compositions, s’empare, dès le premier instant, de la pensée, et, par la pensée, de l’espace.

1298. (1940) Quatre études pp. -154

La vie que nous menons sur cette terre, il n’en doutait pas un seul instant, n’est qu’un essai ; les âmes accèdent à une vie supérieure qui complète leur rêve. […] Un élan d’admiration et d’amour porte le marin vers ces belles créatures vivantes ; il les bénit : au même instant, il redevient capable de prier ; l’albatros, se détachant de son cou, tombe comme du plomb dans la mer. […] Les hommes, expliquait Helvétius, sont naturellement paresseux ; ils gravitent vers le repos, comme les corps vers un centre ; ils s’y tiendraient fixement attachés, s’ils n’en étaient à chaque instant repoussés par deux forces qui contrebalancent en eux celles de la paresse et de l’inertie, et qui leur sont communiquées l’une par les passions fortes, l’autre par la haine de l’ennui. […] Mais les lois de la nature veulent que tout s’écoule, que tout passe — tandis que l’homme, dans son illusion, ne rêve qu’à ce qui demeure : Le premier serment que se firent deux êtres de chair, ce fut au pied d’un rocher qui tombait en poussière ; ils attestèrent de leur constance un ciel qui n’est pas un instant le même ; tout passait en eux et autour d’eux, et ils croyaient leur cœur affranchi de vicissitudes. […] Tout mourait autour d’eux, l’oiseau dans le feuillage, La fleur entre leurs mains, l’insecte sous leurs piés, La source desséchée où vacillait l’image     De leurs traits oubliés ; Et sur tous ces débris joignant leurs mains d’argile, Étourdis des éclairs d’un instant de plaisir, Ils croyaient échapper à cet Être immobile     Qui regarde mourir78… Il n’a pas été spinoziste ; mais on discerne sans peine, dans sa pensée, plus d’une trace de Spinoza.

1299. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Le mot est gros, mais il vient aux lèvres à chaque instant, quoi qu’on fasse. […] A chaque instant, le joli mot de Scherer, « Voltaire retourné », revient à l’esprit en le lisant. […] S’il lui suffisait de ne pas vouloir, un instant, que son sang circule, pour que la circulation s’arrête, comme il lui suffit de vouloir fermer les yeux pour les fermer, une colère enfantine ou un dépit de jeunesse serait assez pour qu’un suicide, acte irrévocable, se produisît. […] Je ne m’égare point en parlant du mysticisme ; car c’est bien au mysticisme que Mme de Staël est arrivée, au moins pour y passer un instant. […] Adolphe n’a pas même un instant l’idée d’imposer Ellénore au monde, de lui donner son nom, de reconnaître publiquement le sacrifice par un bienfait.

1300. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Sensible à l’excès, sensible à tous les instants, il peut être attaqué de toutes les manières ; mais il ne peut jamais être vaincu….. […] « Le traducteur, dit-il, ajoute de son chef à la description de la tempête dont les Troyens sont assaillis en quittant la Sicile : Son mât seul un instant se montre à nos regards !

1301. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

« Et m’ayant regardée, l’homme sans tendresse fixa ses regards à terre, il s’assit sur le lit et là il dit cette parole… » Arrêtons-nous, reposons-nous un instant ici après de si fortes images : tel apparaît l’antique quand on l’envisage sans aucun fard et dans toute sa vérité : J’ai parlé du tableau de Stratonice ; chez Théocrite c’est la femme, c’est la Stratonice qui se sent atteinte du mal d’Antiochus ; c’est elle qui reste gisante sur ce lit, elle qu’une sueur glacée inonde, et qui fait ce mouvement convulsif lorsqu’elle a vu entrer l’objet pour qui elle se meurt. […] Au moment où elle montre Delphis franchissant le seuil d’un pied léger, Simétha qui, à cette fin de couplet, n’a pas terminé sa phrase, jette le refrain comme entre parenthèses, et le sens se continue après cette suspension d’un instant.

1302. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Marc-Aurèle avait dit dans ses Pensées : « Il faut passer cet instant de vie conformément à notre nature et nous soumettre à notre dissolution avec douceur, comme une olive mûre qui, en tombant, semble bénir la terre qui l'a portée et rendre grâce au bois qui l’a produite. » L’esclave Blandine faisait ce qu’a dit Marc-Aurèle, et elle le faisait au milieu des tortures subies au nom de Marc-Aurèle. […] Ausone, né à Bordeaux, où il professa la rhétorique pendant trente ans, puis appelé à Trêves par l’empereur Valentinien pour être le précepteur de son fils Gratien, Ausone, dans ses poésies subtiles, recherchées, maniérées, délicates toutefois et par instants rêveuses y est à la fois le dernier des Anciens et, à certains égards, un moderne.

1303. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

… La feuille tomba, puis de nouveau, comme pluie ; et puis, venu l’instant où ils la mettaient au sac, la main blanche et la main brune, soit à dessein ou par bonheur, toujours venaient l’une vers l’autre, mêmement qu’au travail ils prenaient grande joie. […] « Mais elle, au bout d’un instant, se délivra du danger.

1304. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

XXXV Après quelques instants d’indécision, et en présence de l’incorruptibilité de l’armée de M. de Latour à Novare, le prince de Carignan faillit à tous ses engagements révolutionnaires de Turin. […] Devenu roi en 1831, son règne, jusqu’en 1848, fut le plus illibéral, le plus acerbe et le plus implacable de tous les règnes contre la liberté moderne, enfin le règne des ombrages autrichiens à Turin ; en religion, ce fut le règne monastique des jésuites, dont il paraissait moins le roi que le lieutenant temporel dans ses États ; ses rigueurs ne s’adoucirent pas un instant envers ses complices de 1820, proscrits à cause de lui par toute l’Europe.

1305. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

L’instant qui doit me flétrir est proche, et le vent jonchera bientôt la terre de mes feuilles desséchées. […] Vents, cessez un instant.

1306. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

« J’ai du monde de tous les états, écrit-il à du Peyrou, depuis l’instant où je me lève jusqu’à celui où je me couche, et je suis forcé de m’habiller en public99. » Enfin il avait ses fanatiques. […] Quel miel pour attirer les lecteurs que de leur dire à chaque instant : « N’allez pas vous piquer de me ressembler » ; et, pour varier : « N’oubliez pas que je vaux mieux que vous ! 

1307. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Tristan appelle Isolde et ma chère femme », et elle, penchée sur son cadavre, s’écrie : Accorde-moi cet instant plein de charmes ! […] Il forme notre oreille et prépare noire intelligence par une initiation progressive à cette langue si parfaite et si prodigieusement mélodique à laquelle nous ne devons pas un instant soustraire notre attention.

1308. (1909) De la poésie scientifique

De l’intuition et de la science en poésie Si nous nous en tenons à l’acception vulgaire et d’ailleurs originelle du mot : «  inspiration », pour caractériser le suprême, le plein et comme impersonnel instant du chaleureux travail poétique, nous le trouvons l’expression d’une sorte de désordre vaticinateur que l’on entend encore du génie, d’un enthousiasme surnaturel, et comme d’une horreur sacrée de Visitation divine. […] Bien qu’en ironisa un des protecteurs particulièrement malheureux des poètes emprunteurs ou négateurs de l’instant, M. 

1309. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

L’énorme bouquet d’arbres où, à chaque instant, la brise fait courir de longs frissons, est tout albescent de petites fleurs d’un blanc jaunâtre, d’où descend la fine, moelleuse et pénétrante senteur d’un arome sucré et tiède. […] Là, dans la salle à manger d’hiver, Edmond a vu notre grand-père, le député du Bassigny en Barrois, à la Constituante, un petit vieillard bredouillant des jurons dans sa bouche édentée, et perpétuellement fumant une pipe éteinte, qu’il rallumait à chaque instant avec un charbon saisi au bout de petites pincettes d’argent, — une canne sur sa chaise à côté de lui.

1310. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

On peut en dire autant de presque tous les vers du poème : Lui-même le premier, pour honorer la troupe, D’un vin pur et vermeil il fait remplir sa coupe ; Il l’avale d’un trait, et, chacun l’imitant, La cruche au large ventre est vide en un instant. […] Ses œuvres, tombant à chaque instant dans le désordre ou dans l’excès, n’auraient ni proportions, ni convenance, ni mesure.

1311. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

XIV En un instant mon poème épique fut conçu. […] Artaud, et en contrôlant à chaque instant le texte par le commentaire.

1312. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

» Ce sont de pareilles peintures, véritablement homériques, qui éblouissent ou charment à chaque instant les yeux, presque à chaque page du Purgatoire. […] Ce style me rappelle à chaque instant ce buste inachevé de Brutus, par Michel-Ange, compatriote du Dante, dans la galerie de Florence, bloc de marbre dont le ciseau effréné de l’artiste, en emportant à grandes déchirures le marbre, a fait un chef-d’œuvre, mais n’a pu faire un visage.

1313. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Ce qui se passe alors dans ce pieux délire, Les langues d’ici-bas n’ont plus rien pour le dire ; L’âme éprouve un instant ce qu’éprouve notre œil Quand, plongeant sur les bords des mers près d’un écueil, Il s’essaye à compter les lames dont l’écume Étincelle au soleil, croule, jaillit et fume, Et qu’aveuglé d’éclairs et de bouillonnement, Il ne voit plus que flots, lumière et mouvement ; Ou bien ce que l’oreille éprouve auprès d’une onde Qui des pics du Mont-Blanc s’épanche, roule et gronde, Quand, s’efforçant en vain, dans cet immense bruit, De distinguer un son d’avec le son qui suit, Dans les chocs successifs qui font trembler la terre, Elle n’entend vibrer qu’un éternel tonnerre. […] Les nuages, obéissant aux lois de la pesanteur, tomberaient perpendiculairement sur la terre ou monteraient en pyramides dans les airs ; l’instant d’après, l’atmosphère serait trop épaisse ou trop raréfiée pour les organes de la respiration ; la lune, trop près ou trop loin de nous, tour à tour serait invisible, tour à tour se montrerait sanglante, couverte de taches énormes, ou remplissant seule de son orbe démesuré le dôme céleste.

1314. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Après les premiers instants de joie et les cris de délivrance, les craintes reprirent vite le dessus.

1315. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Je faisais la même réflexion en voyant l’instant d’auparavant le buste de Bossuet : il n’y a rien d’exagéré dans toutes ces têtes sublimes, et le caractère humain est empreint dans celle de Buffon.

1316. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

. — Je n’entreprends pas d’analyser la nature de la croyance ni la qualité de la ferveur ; c’est assez qu’il y ait eu l’instant de ferveur et de croyance, et de le constater.

1317. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Dans son agréable paresse de Reims, Maucroix eut pourtant quelques occasions de voyages, de luttes, et des instants de carrière publique.

1318. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Il raisonnait fort et se raillait bien haut de ce qu’il appelait des superstitions, et il croyait aux songes, aux revenants, et quelque peu à la magie : il associait la guerre, la controverse, l’érudition, le bel esprit, la satire railleuse et cynique, une langue toujours prompte et effrénée, et à la fois la crainte d’un Dieu terrible et toujours présent, et aussi par instants la consolation d’un Dieu très doux.

1319. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

J’ignore si en effet cette comparaison dont parle Léopold Robert a pu froisser un instant l’illustre artiste qui avait le sentiment de sa valeur, de sa force, et le secret de cette fécondité croissante que se réservait sa maturité sans vieillesse, fécondité qui a si peu perdu pour attendre et qui éclate aujourd’hui à tous les yeux.

1320. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Il ne songe pas plus à dérober Montaigne qu’il ne songe à dépouiller tous ces auteurs latins dont les mots et les sentences, en leur langue, nourrissent, soutiennent à chaque instant son discours, et qu’il fait entrer continuellement dans sa trame sans les citer.

1321. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Il y a des moments de réconciliation et d’accord où il semble que tout soit effacé ; Henri, qui a besoin de consolation et de douceur en ses peines politiques, voudrait croire à la durée de ces bons instants : Mon cœur, je suis plus homme de bien que ne pensez.

1322. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

» Le roi, secouant la tête, lui répondit : « C’est un peuple : si mon plus grand ennemi était là où je suis, et qu’il le vît passer, il lui en ferait autant qu’à moi, et crierait encore plus haut qu’il ne fait. » Cromwell ne dirait pas mieux ; mais, comme le caractère d’un chacun imprime aux mêmes pensées une diverse empreinte, Henri IV ne laissait pas de rester, à travers cela, indulgent et bon, et, qui plus est, de gausser l’instant d’après comme de coutume.

1323. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Quand on parle de Santeul, l’inconvénient et le péril à chaque instant est de tomber dans la caricature ; aussi faut-il avoir sous les yeux le portrait qu’a tracé de lui La Bruyère et n’en jamais sortir.

1324. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Pour nous, et au seul point de vue littéraire, qui est le nôtre, sans accorder à Santeul plus qu’il ne mérite, en reconnaissant à ses vers les qualités qui y paraissent, la pompe, le feu, la largeur, le naturel et la clarté, mais aussi en y voyant le vide trop souvent et la bagatelle du fond, en nous disant combien sa personne avait besoin d’intervenir à tout instant pour y jeter un peu de cette originalité qui n’était qu’en elle, nous voudrions que tout ce démêlé où il est encore engagé finît par une transaction, qu’il ne fût pas tout entier sacrifié, qu’on ne lui fût point plus sévère que ne l’a été l’abbé de la Trappe, et que les honorables censeurs qui de nos jours l’ont remis en question ne le renvoyassent point hors du temple sans lui laisser au moins un fragment de couronne ; car il est bien de ceux, malgré tout, qui, à travers l’anachronisme de la forme, sont véritablement poètes de race et par nature, il est de ceux qui, comme le disait Juvénal, ont mordu le laurier.

1325. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

En somme, il n’a pas trop à se plaindre de son sort, même comme poète, puisque après plus d’un siècle on le réimprime en y ajoutant de l’inédit, et que la postérité (car c’est bien ainsi que nous nous appelons par rapport à lui) s’occupe, ne fût-ce qu’un instant, de sa mémoire.

1326. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Car ses idées à elle ne sont pas, un seul instant, à l’état de rêves et de chimères ; elles prennent forme aussitôt et consistance, et ont, en naissant, de quoi faire leur chemin.

1327. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Les mœurs publiques ont changé ; les luttes parlementaires ont montré aux prises, et parfois bien rudement, des athlètes politiques, qui se rencontraient l’instant d’après, et sans apparence de ressentiment, sur le terrain neutre de l’Académie.

1328. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Si j’en compose encore aujourd’hui, ce n’est plus Que le cri du moment, qu’une note où je laisse S’échapper quelquefois ma joie et ma tristesse, Un morceau qui me plaît d’un auteur que je lis, Et que d’une autre langue en passant je traduis, Doux reflet dont mon âme un instant se colore… Nous devions cependant à cette nature élevée et modeste, qui n’a fait que passer dans le champ de la muse et qui s’en retire, un souvenir et un hommage.

1329. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

La réticence, à tout instant, est à côté de la confidence.

1330. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Il n’était pas au niveau d’un siècle où Duclos disait : « Mon talent à moi, c’est l’esprit. » De l’esprit argent comptant et à tout instant, voilà ce que la société demandait alors avant tout et ce que Racine fils avait moins que personne à lui donner.

1331. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Mais, en retour, le drame ainsi encadré dans un récitatif d’église n’est que la paraphrase dû texte sacré, il ne peut s’émanciper, il est à chaque instant, averti et retenu il est encore mené à la lisière.

1332. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Elle communiqua avec eux tant qu’elle put à travers les geôliers et ne les perdit pas de vue jusqu’au dernier instant.

1333. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Tel qu’il apparaît jusque dans son incomplet, et tout mal servi qu’il était par l’instrument insuffisant de la langue poétique d’alors, par cette versification solennelle qui, dans le noble, excluait les trois quarts des mots, presque toutes les particularités de la vie et tous les accidents de l’existence réelle, ce poète en Ducis éclatait assez pour se donner à tout instant la joie de l’air libre et de la grande carrière, tandis que le pauvre Deleyre avec son expression hésitante, ses nuances exquises, suivies d’empêchement et de mutisme, n’était qu’un malade, un romantique venu avant l’heure et cherchant sa langue.

1334. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Il poursuivra avec vigueur son œuvre, son exposition désormais plus appuyée, plus historique et scientifique ; tous les cris et les clameurs ne le feront pas dévier un seul instant de son but.

1335. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

On annonçait, l’instant d’après, un aide de camp du général Courtais qui était chargé de dire à M. de Girardin qu’on n’avait sous la main qu’une faible partie de la garde nationale, qu’on allait la convoquer sur l’heure, et que, dès qu’on le pourrait, on viendrait le dégager.

1336. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Le comte de Loss, envoyé de Saxe à Paris, à qui ces bonnes idées vinrent coup sur coup, ne perdit pas un instant pour les produire, et à peine l’agrément obtenu de sa Cour, il en parla au marquis d’Argenson, notre ministre des Affaires étrangères.

1337. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Aussi le fait de cette imitation ou de cette réminiscence, fût-il un instant admis, reste au fond assez indifférent.

1338. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Talleyrand d’ailleurs employa toutes les ressources d’un esprit souple et insinuant pour se concilier un suffrage qu’il lui importait de captiver20. » Par son action et ses démarches auprès des principaux personnages en jeu, auprès des partants et des arrivants, Sieyès et Barras, par son habile entremise à Paris dans la journée du 18, par ses avis et sa présence à Saint-Cloud le 19 au moment décisif, par son sang-froid qu’il ne perdit pas un instant, il avait rendu les plus grands services à la cause consulaire : aussi, les Consuls à peine installés, il fut appelé au Luxembourg avec Rœderer et Volney, et « tous trois reçurent collectivement de Bonaparte, au nom de la patrie, des remerciements pour le zèle qu’ils avaient mis à faire réussir la nouvelle révolution21. » Une grande carrière commençait pour Talleyrand avec te siècle : c’est sa période la plus brillante, et une fois introduit sur la scène dans le premier rôle, il ne la quitta plus, même lorsqu’il parut s’éclipser et faire le mort par moments.

1339. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Au reste, ces pages de M. de La Mennais sont merveilleuses de jeunesse d’imagination, de transparence de couleur et, par moments, de philosophique tristesse : « D’Antibes à Gênes, la route côtoie presque toujours la mer, au sein de laquelle ses bords charmants découpent leurs formes sinueuses et variées, comme nos vies d’un instant dessinent leurs fragiles contours dans la durée immense, éternelle. » Et plus loin, en Toscane, il nous montre çà et là, « à demi caché sous des ronces et des herbes sèches, le squelette de quelque village, semblable à un mort que ses compagnons, dans leur fuite, n’auraient pu achever d’ensevelir. » Mais à peine avons-nous le pied dans les États romains, quelques prisonniers conduits par les sbires du pape, comme il dit, font contraste avec cette simplicité naïve de foi que l’auteur s’attribue encore par oubli, ou qui du moins ne devait pas tarder à s’évanouir.

1340. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

On dirait que le tempérament littéraire de l’époque sommeille, attend, se refait sourdement, qu’il passe par l’un de ces lents efforts de recomposition intérieure dans lequel il y a lieu d’agir, et plus lieu assurément qu’à aucun des instants qui ont couru durant ces dix dernières années.

1341. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Si faut-il qu’à la fin de tels pensers nous quittent ; Je ne vois plus d’instants qui ne m’en sollicitent : Je recule, et peut-être attendrai-je trop tard ; Car qui sait les moments prescrits à son départ ?

1342. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Son élévation, encore une fois, l’a trompé ; sa haute fantaisie a prêté des lueurs à un sujet tout réel ; c’est un bel inconvénient pour M. de Vigny de ne pouvoir, à aucun instant, se séparer de cette poésie dont il fut un des premiers lévites, et dont il est apparu hier aux yeux de tous comme le pontife fidèle, inaltérable.

1343. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Le ton est agressif, et la leçon, à chaque instant, se tourne en réquisitoire.

1344. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Car le véritable intérêt des monuments de l’éloquence révolutionnaire est dans le terrible drame dont on suit jour à jour pour ainsi dire les péripéties : drame national, où s’explique une des grandes crises qu’ait traversées notre pays, drame individuel, où des caractères énergiques défendent à chaque instant leur autorité, leur honneur, leur vie.

1345. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

A chaque instant l’idée de la mort les assombrit.

1346. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Je contemplais à mon aise d’inappréciables instants : la fraction d’une seconde, pendant laquelle s’étonne, brille, s’anéantit une idée ; l’atome de temps, germe de siècles psychologiques et de conséquences infinies, paraissaient enfin comme des êtres, tout environnés de leur néant rendu sensible.

1347. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Comme les êtres destinés à vivre, l’esprit humain fut, dès ses premiers instants, complet, mais non développé : rien ne s’y est depuis ajouté ; mais tout s’est épanoui dans ses proportions naturelles, tout s’est mis à sa place respective.

1348. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

C’est une nécessité que la force nerveuse existant à chaque instant, et qui produit d’une manière inexplicable ce que nous appelons sentiment, suive l’une de ces trois directions : exciter de nouveaux sentiments, agir sur les viscères, produire des mouvements.

1349. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

A peine est-il sorti, que le serpent qui la ronge, un instant engourdi, se redresse, la remord au cœur.

1350. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Et dès qu’on lui a accordé ce rôle qu’elle désire, tout change, le point de vue a tourné en un instant ; ce sont là les coulisses de Saint-Cyr.

1351. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Sa journée, invariablement réglée et remplie à tous les instants, commençait encore par quelques gammes sur la harpe, comme dans la jeunesse, et de là se distribuait en mille emplois avec une activité persistante.

1352. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Il s’éteignit un jour sans douleur dans les bras des siens, et sembla justifier en tout cette belle pensée de Marc Aurèle : « Il faut passer cet instant de vie conformément à notre nature, et nous soumettre à notre dissolution avec douceur, comme une olive mûre qui, en tombant, semble bénir la terre qui l’a portée, et rendre grâces au bois qui l’a produite. » En ces temps de mélange et de turbulence, cette vie et cette nature de M. 

1353. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Tout philosophe qu’elle était, la reine s’inquiéta de ce point la première, et, dans les instants qui précédèrent la séance, elle s’en entretint tout bas auprès du feu avec le chancelier.

1354. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Il n’avait songé d’abord qu’à éloigner le surintendant des affaires ; mais le voyant si plein de projets et d’humeur si inquiète, si empressé à se faire des amis, à s’étendre en crédit dans tous les sens, fortifiant Belle-Isle en Bretagne en même temps qu’il décorait si royalement sa terre de Vaux, il jugea qu’il fallait faire sur lui un exemple et ne pas laisser renaître un seul instant ces velléités, ces réminiscences encore récentes de la Fronde.

1355. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

En étudiant la vie de Carrel dans ses dernières années, une réflexion ressort à tout instant : pour un prétendu esclavage qu’on veut éviter, combien l’on s’impose d’autres esclavages !

1356. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Il arrive à Madrid, va trouver Clavico sans se nommer, invente un prétexte, le tâte dans la conversation, le met sur la littérature, le flatte, le prend par l’amour-propre, puis tout à coup se retourne, aborde le point délicat, pousse sa pointe, tient quelque temps le fer en suspens pour mieux l’enfoncer encore : tout ce dialogue (avec la pantomime du patient) est un chef-d’œuvre de combinaison et de conduite, et qui, à chaque instant, touche au tragique et au comique à la fois.

1357. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Ce Franklin de 1767, ainsi frisé, poudré et accommodé à la française, et qui s’étonnait d’avoir quitté pour un instant sa perruque plus grave, différait tout à fait du Franklin pur Américain qui reparaissait en 1776, et qui venait demander l’appui de la Cour dans un costume tout républicain, avec un bonnet de fourrure de martre qu’il gardait volontiers sur la tête ; car c’est ainsi qu’il se montra d’abord dans les salons du beau monde, chez Mme Du Deffand, à côté de Mmes de Luxembourg et de Boufflers, et autres puissances : Figurez-vous, écrit-il à une amie, un homme aussi gai qu’autrefois, aussi fort et aussi vigoureux, seulement avec quelques années de plus ; mis très simplement, portant les cheveux gris clairsemés tout plats, qui sortent un peu de dessous ma seule coiffure, un beau bonnet de fourrure qui descend sur mon front presque jusqu’à mes lunettes.

1358. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

En France, où les grandes conceptions poétiques fatiguent aisément, et où elles dépassent la mesure de notre attention, si vite déjouée ou moqueuse, on demande surtout aux poètes ce genre d’imagination et de fertilité qui n’occupe que peu d’instants ; et il y excelle.

1359. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Mais je sens que je deviens bien technique, d’ailleurs il le faut, et pour ne l’être qu’un instant dans la soirée, je vais vous demander la permission d’être pendant cinq ou six minutes très ennuyeux.

1360. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Sainte-Beuve, avec la demi-lune rousse de sa tête, pelée comme le derrière d’un renard attaqué d’alopécie, son teint hortensia, son oreille rouge comme celle de Tartuffe et prête à chaque instant à monter au violet de la colère, le tout recouvert du vieux foulard qu’il étendait là-dessus quand il rentrait, échauffé, de l’Académie, et le beau Scaramouche de Chasles, à la face pâle, aux yeux italiens, aux moustaches callotiques, longues, peintes, relevées, qui ne devinrent que le plus tard possible la barbe blanche sans transition de gris qui apparut soudainement, comme celle d’un alchimiste, un jour, à son cours, et fut pour les femmes qui y venaient le coup de pistolet de la surprise.

1361. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Il dit : « la crise fatale et sacrée, — l’instant sacré ».

1362. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Jetez les yeux sur telle œuvre de Burne-Jones ou de Watts32 et voyez si l’un ou l’autre de ces artistes semble avoir, un seul instant, possédé la notion de ce que peut valoir l’atmosphère dans une œuvre d’art, de ce que signifient la lumière et la couleur, un être vivant au plein air, un visage humain, de ce qu’est en un mot la vie dans son essence et sa réalité, dans sa multiple et permanente expression.

1363. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Il semble apparaître enfin au jour, mais c’est pour tenter de reconquérir la vie qui lui échappe, qu’il sent s’éloigner de lui, et pour la possession de laquelle il luttera, plein d’une rage sourde, jusqu’à ses derniers instants.

1364. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Par instants, il sursautait, apercevait une idée, écartait l’élève, effaçait d’un revers de main les écritures du tableau, et griffonnait violemment sa formule nouvelle.

1365. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

De cette lutte le personnage chez qui elle se livrait n’ignorait aucune phase, comme aussi bien il connaissait à chaque instant tous les éléments dont se composait son être moral. […] Peut-être qu’il se trompe, car toute occupation, dès l’instant qu’elle devient professionnelle, perd infiniment de son charme. […] Le débit précipité se perd par instants dans un fâcheux bredouillement. […] Par instants on entend pleurer des marmots que les mères tiennent sur leurs genoux, les ayant emmenés afin de ne pas les laisser dans la maison seule. […] Par instants il hésite, il se reprend ; cela fait plaisir, car on sent que cela n’est pas appris par cœur et que le Père laisse place à l’inspiration du moment.

1366. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

On fait ses classes pour apprendre toutes ces belles choses, et quand on a la tête meublée d’idées générales de cette force, on a fini ses études ; on a du jugement, du goût ; on est absolument incapable d’émettre une proposition rare, monstrueuse, paradoxale, d’inventer une théorie, de fabriquer un système ; mais on est parfaitement capable d’orner des fleurs de la rhétorique et de l’esprit un discours vide sur un poète qu’on n’a pas lu, et de faire respirer ce bouquet, non avec distraction, mais avec un vrai plaisir, aux innombrables oisifs qui ne demandent pas qu’on les instruise, pourvu qu’on les occupe un instant sans fatigue. […] Un bretteur de qualité veut le prendre pour témoin rie son duel ; il réfléchit un instant, prononce vingt phrases qui le dégagent, et sans faire le capitan, laisse les spectateurs persuadés qu’il n’est point lèche. […] ne put se retenir d’écrire à la reine Élisabeth une lettre où elle tournait en ridicule, au risque de précipiter l’instant de sa mort, la comtesse de Shrewsbury et sa triomphante rivale elle-même par la plus sanglante ironie ; et Molière, né à Paris, Molière protégé, encouragé par le roi qui lui désignait ses victimes, aurait épargné Trissotin pour ne pas déplaire au futur auteur du Cours de littérature dramatique !

1367. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Vous persuadez à Tom Jones faussement, mais pour un instant, que mistress Williams, dont il a fait sa maîtresse, est sa mère, et vous laissez longtemps le lecteur enfoncé dans l’infamie de cette supposition. […] Le monde certainement est assez large pour nous contenir tous les deux, toi et moi1087. » Cette sensibilité de femme est trop fine, on ne peut la décrire ; il faudrait traduire une histoire entière, celle de Lefèvre par exemple, pour en faire respirer le parfum ; ce parfum s’évapore sitôt qu’on y touche, et ressemble à la faible senteur fugitive des plantes qu’on a portées un instant dans la chambre d’un convalescent. […] quand, un instant après, nous entendrons le docteur continuer ainsi : « Rousseau est un des pires hommes qu’il y ait, un coquin qui mérite d’être chassé de toute société, comme il l’a été.

1368. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Un instant il chercha dans l’étude du droit un calmant à son imagination emportée, mais, fatigué bientôt, la contemplation sans but s’empara de lui. […] Dans tous les instants critiques (et nous ne sommes pas sur des roses !) […] L’art, comme on le voit, a décidément la vie dure, et si un instant il s’avise de faire le mort, ce n’est que pour renaître de ses cendres. […] Que le devoir n’est que la conséquence du droit, puisque celui-ci date pour nous de l’instant où nous étions encore dans le ventre de notre mère, et que si la pratique du droit est facultative, celle du devoir ne devient rigoureuse qu’à la condition qu’on lui laisse pour auréole la liberté.

1369. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

A chaque instant : « Et voilà la religion que l’on trouve œuvre de barbares et entretien de petits esprits !  […] Alors, oui, Dieu, les anges, les démons seront objets si présents à notre pensée et que nous sentirons à tout instant si voisins de nous, que les voir en un poème mêlés aux affaires humaines, et même sur la scène mêlés aux personnages, ne nous étonnera nullement. […] Un instant oubliées, et à peine, elles renaissent à l’heure où nous sommes. […] Le troisième degré où Vigny s’arrête un instant est une considération stoïcienne des choses. — Oui, tout est mal : il faut en être bien convaincu et se taire.

1370. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Les femmes, qui aiment la cuisine ou la couture, donnent quelques instants par jour à ces besognes et tout se trouve fait à point. […] Ce qui a le plus frappé les observateurs, c’est la puissance qui lui permettrait de briser pour quelques instants les lois de la pesanteur, de maintenir et même de faire cheminer en l’air un objet d’un certain poids, tel qu’un tabouret ou une petite table. […] Elle le touche un instant de son coude et prie M. d’Arsonval de le soulever à nouveau. […] Quelques instants après, elle dit au guéridon : « Sois léger », et M. d’Arsonval le trouve en effet extrêmement léger. […] L’histoire contemporaine, les débats judiciaires nous prouvent à chaque instant l’inanité des témoignages.

1371. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

C’est la femme suivie comme un sentier dans les bois, — un regard échangé, qui ne dure qu’un instant et où tiennent toute la possibilité et toute l’essence d’une destinée. […] Ses deux moitiés antithétiques sont croisées comme les deux regards mêmes, ne font qu’un vers, total et d’une résonance infinie, comme les deux regards n’ont fait, pour un instant, qu’une même lumière. […] Pas de jour certes, où dix fois, après un de ces regards où ont été liés un instant deux êtres qui ne se rencontreront plus, l’un d’eux ne sente le grand alexandrin monter de sa mémoire, remplir un vide, apaiser et compléter en lui quelque chose, associer cette étincelle à des millions d’étincelles, ce regard, qu’on a cru d’abord si dénué et si éphémère, à des millions de regards pareils qui donnent à cette soirée d’été sa substance humaine et sa lumière intelligente, le faire aller vers la vie avec une âme pour un instant libérée, équilibrée, et qui sait mieux. […] À qui n’arrive-t-il pas de vouloir, l’espace d’un instant, une chose absurde, dangereuse ou perverse, sans raison, ou plutôt pour ces deux raisons combinées qu’elle est mauvaise et qu’elle est sans raison ? […] Aimer une femme, même et surtout physiquement, dans l’instant sexuel, c’est exclure de l’univers ce qui n’est pas elle.

1372. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Je me garderais bien de juger deux époques sur de trop légers indices ; mais je suis tenté de reconnaître par instants dans l’âme des compagnes d’Hélène un ressort qui a fléchi depuis, une fierté, une hauteur de pensées devenues rares aujourd’hui. […] Il éprouve même « l’humble orgueil des hommes obscurs qui ont un instant la conscience nette de leur rôle utile et ignoré dans une grande œuvre » (p. 222). […] Aussi, bien qu’ils missent par écrit, au jour le jour, ce qu’ils voyaient et ce qu’ils entendaient, ne peut-on les soupçonner un seul instant de curiosité frivole et d’indiscrétion. […] Corneille et Molière lui-même sont mal compris ; les comédiens qui les jouent y font à chaque instant des contresens. […] Mais, malgré toutes ses grâces, il ne peut pas parvenir à me faire oublier, fût-ce pour quelques instants, l’absence de son père.

1373. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Nous disons : le monde est bien, ou : tout est bien, ou : le bien est répandu dans le monde, sans songer un seul instant, sans même rêver que le monde éprouve du plaisir. […] Tel est l’amour comme il nous apparaît à tout instant et comme il est le plus souvent, il faut le reconnaître, dans la réalité. […] Elle doit être douce, elle doit être pleine de sollicitude, elle doit être continue et de tous les instants, elle doit être un dévouement réciproque ; et elle doit être libre. […] Occupons-nous-en un instant, comme nous nous sommes occupés du conte, et comme par opposition avec lui. […] — Je veux bien, pour un instant ; et dès lors la symétrie, chère à Platon, serait parfaite.

1374. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Loin de paraître toujours trop catholique, il y a des instants où elle a l’air de pencher à la religion réformée et de vouloir trop accorder à ce parti, et cela avec plus de sincérité peut-être qu’il ne lui appartient.

1375. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Arrêtons-nous un instant et repassons, après tant d’autres critiques, sur cette figure originale de causeur mordant, peu lu aujourd’hui à titre d’auteur, et qui a été justement considérable dans le xviiie  siècle.

1376. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Je laisse les lettres de mes amis s’accumuler pendant la guerre qui ne me permet pas un instant de loisir, et c’est lorsque les traités sont signés que je me mets en règle avec eux.

1377. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

[NdA] Saint-Lambert, à la fin de sa vie, affaibli de tête, avait la manie, en prenant les mains de M. d’Houdetot, de lui dire à tout instant : « Mon ami, j’ai eu bien des torts envers vous… » On était obligé de couper court aux confidences.

1378. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

— Mais ceci est de tous les temps : ce qui est plus particulièrement du nôtre, c’est l’application perpétuelle de la science à tout ce qui améliore et perfectionne la vie : l’éclairage, le chauffage de nos maisons, cette eau qui d’elle-même monte à tous les étages, ces jeux de lumière et de soleil où se peignent comme magiquement nos portraits, ces nouvelles rapides que nous recevons d’une santé chérie avec la vitesse de la foudre, cette vapeur furieuse et soumise qui nous emporte presque au gré de la pensée, tout cela nous pose à chaque instant des problèmes que la paresse seule de l’esprit pourrait ne pas agiter et ne pas s’inquiéter de résoudre.

1379. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Ce fut la belle époque et la plus littéraire du règne de Frédéric : c’est alors qu’il cherche à rassembler autour de lui l’élite des hommes distingués de son temps, et qu’il semble un instant près d’y réussir.

1380. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Notre civilisation est un joli jouet en miniature, dont la nature un instant s’amuse, et que tout à l’heure elle va briser.

1381. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

On peut même dire qu’on ne connaît bien la vie de Chanteloup et cet exil triomphant, qu’on ne s’en peut faire une juste et entière idée qu’après avoir lu ces lettres qui en sont comme un bulletin confidentiel, où l’enthousiasme des intimes et des intéressés ne faiblit pas un seul instant.

1382. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Depuis qu’il a assisté à cette conférence de Fontainebleau, les zélés protestants l’accusent, le soupçonnent, et la solidité de sa foi est à tout instant mise en question ; il se voit obligé de se justifier, il est sur l’apologie et la défensive.

1383. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Le soleil qui s’est retiré, il y a peu d’instants, a laissé derrière lui assez de lumière pour tempérer quelque temps les noires ombres et adoucir en quelque sorte la chute de la nuit.

1384. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Psyché a désobéi à l’Amour, elle a cédé aux conseils perfides de ses deux méchantes sœurs jalouses ; elle a voulu voir de ses yeux le monstre qui était son époux ; elle l’a vu, elle l’aime de ce moment plus que jamais, mais au même instant elle l’éveille par la goutte d’huile brûlante qui tombe de sa lampe, et elle le perd.

1385. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Et M. de Rémusat, mûr dès la jeunesse, et Ampère, mobile d’humeur,« changeant comme avril » et Albert Stapfer, l’élève de Guizot, passé plus tard à Carrel ; et Sautelet au visage jeune, au front dépouillé qui attendait la balle mortelle ; et Duvergier de Hauranne, esprit net, perçant, ardent alors à toute question littéraire (je suis toujours tenté de lui demander grâce en politique au nom des amitiés de ce temps-là) ; et Artaud, jeune professeur destitué et promettant un littérateur ; et Guizard plus intelligent et plus discutant que disert, et Vitet dont le nom dit tout, et l’ironique et bon Dittmer, le demi-auteur des Soirées de Neuilly, si supérieur à Cavé ; et Dubois, du Globe si excité, si excitant, qui a commencé tant d’idées et qui, en causant, n’a jamais su finir une phrase ; et Paul-Louis Courier, aux cheveux négligés, qui apparaissait par instants comme un Grec sauvage et un chevrier de l’Attique, — large rire, rictus de satyre, et qui avait du miel aux lèvres ; — et Mérimée, dont M. 

1386. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Que ce soit dans une allée des jardins de Juilly au temps de M. de Salinis, ou au coin d’un maigre foyer dans une grande chambre à peine meublée de la rue de Vaugirard, ou sous les ombrages mélancoliques et mornes de La Chesnaie, à l’époque où s’y cachait l’humble Maurice de Guérin, inaperçu alors, devenu aujourd’hui le génie poétique du lieu ; ou encore, à quelque dîner discret du mercredi à l’Abbaye-au-Bois, sous une présidence gracieuse ; il y a de ces rencontres qui semblent toutes simples et faciles au moment même, et qui n’ont pu avoir lieu que bien peu de fois ; qui le lendemain, et l’instant passé, ne recommenceront jamais plus.

1387. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Aimer Boileau… mais non, on n’aime pas Boileau, on l’estime, on le respecte ; on admire sa probité, sa raison, par instants sa verve, et, si l’on est tenté de l’aimer, c’est uniquement pour cette équité souveraine qui lui a fait rendre une si ferme justice aux grands poètes ses contemporains, et en particulier à celui qu’il proclame le premier de tous, à Molière.

1388. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

É. de Barthélémy est si inoffensif, si indulgent même pour ses devanciers et pour ceux qu’il croit devoir contredire à l’occasion, qu’on hésite à venir troubler son contentement en disant ce qu’on pense de son travail, surtout quand il nous apporte quelques parcelles inédites d’un grand esprit : et pourtant il est sujet à parler à tout instant d’un excellent écrivain dans une si singulière langue, il apprécie un moraliste profond d’une manière si superficielle et si peu logique, qu’on ne peut s’empêcher vraiment de se demander à quoi bon toutes ces poursuites et ces religions du XVIIe siècle, avec toutes les belles lectures qu’elles supposent, si elles ne servent à vous former ni le jugement, ni la langue, ni le goût.

1389. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Il n’y a pas longtemps que, me trouvant distrait et peu capable d’un travail suivi, je me mis, à mes menus instants et dans mes quarts d’heure de loisir, à refeuilleter tout Vaugelas.

1390. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il y a dans le cœur des hommes plus de pauvreté qu’il n’y a de misère dans la vie. » La sévérité morale, si naturelle à la première jeunesse que rien n’a corrompue, s’y marque en bien des pensées : « Dès que l’on aime, on a besoin de s’estimer ; la dignité est inhérente à tous les sentiments passionnés et au désir de plaire. » « La sensibilité profonde est aussi rare que la vertu ; … le cœur qui peut se laisser séduire un instant ne s’attache véritablement qu’à ce qu’il respecte.

1391. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

» Pour être un bon et parfait critique, Pope le savait bien, il ne suffit pas de cultiver et d’étendre son intelligence, il faut encore purger à tout instant son esprit de toute passion mauvaise, de tout sentiment équivoque ; il faut tenir son âme en bon et loyal état.

1392. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Ceci me rappelle qu’un soir que Dugas-Montbel lisait, chez Mme Récamier, une tragédie traduite d’Eschyle ou de Sophocle, le marquis de Vérac qui s’était endormi se réveilla quand la lecture était déjà finie depuis quelques instants, et il dit tout haut : « L’intérêt se soutient. » On rit beaucoup.

1393. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

L’idée de quitter son poste, ce poste d’honneur et de danger à côté du roi, ne lui entre pas un seul instant dans l’esprit : elle rougirait de honte à une telle pensée et se croirait l’indigne fille de sa magnanime mère.

1394. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

L’une, la plus jeune, semble se dérober à l’arrière-plan ; elle a le geste furtif, la démarche hésitante ; elle glisse et se perd à chaque instant dans les ombres froides qui emplissent le fond.

1395. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Les traits biographiques se distribuent, se combinent très heureusement sous sa plume, et il nous guide avec intérêt, sans un instant d’effort ou d’ennui, à travers ces grandes et méditatives existences.

1396. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Il discute, contrôle, chemine pas à pas, oppose témoignage à témoignage ; il construit autour de l’œuvre dont il fait le siège une suite d’excellents et solides chapitres comme autant de forts avancés qui la brident et qui l’entament ; il ne cesse, dans tout ce travail, de faire acte de bon et judicieux esprit, qui ne se laisse éblouir à aucun instant et qui ne s’écarte jamais des méthodes sévères.

1397. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

MM. de Goncourt sont des spécialistes trop distingués pour qu’on essaye (ce qui serait d’ailleurs bien superflu) de les détourner un seul instant de leur ligne et de leur voie ; elle est la leur, ils se la sont faite, et ils ont certes droit de la tenir et de la garder : je ne voudrais, si j’avais à leur donner conseil, que les conseiller dans leur sens même et avec l’intelligence de leur direction.

1398. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Il n’y eut, d’ailleurs, que les témoins très rapprochés qui le surprirent un instant dans ce rôle d’écolier : il fit bien de sa personne et de son concours dans toute cette journée.

1399. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Cet intérêt de Christel pour une situation qu’elle devina du premier coup fut-il, un seul instant, purement curieux, attentif sans retour, et, si l’on peut dire, désintéressé ?

1400. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

À chaque instant, on se trouve en présence de termes détournés de leur sens propre : ils nous économisent des mois qu’il aurait fallu forger ; nulle idée de comparaison ne s’éveille quand on les prononce ; ce ne sont plus des métaphores que pour le philologue : dans la pratique ils font l’office de mots propres.

1401. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

D’autre part, la description morale, les couplets, les vers rappellent à chaque instant les Epitres de Boileau.

1402. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Son histoire, dès lors, débordant de diffamations et de calomnies fantaisistes, tournant à l’hallucination délirante, nous donne à chaque instant l’impression d’être du même ordre que la Légende des siècles ou les Châtiments.

1403. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Chacun de ses personnages ne nous est présenté que dans les instants où il agit ; et il n’est pas un de ses sentiments qui ne soit accompagné d’un geste, d’un air de visage, commenté par une attitude, une silhouette.

1404. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Ou s’ils écrivent, c’est par fragments, c’est pour eux seuls, c’est à de longs intervalles et à de rares instants ; ils n’ont en partage qu’une fécondité interne et qui n’a que peu de confidents.

1405. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Peu d’instants après, le général entrait, s’asseyait au milieu d’eux, sur le même divan, et cherchait à leur inspirer de la confiance par des discussions sur le Coran, s’en faisant expliquer les principaux passages et montrant une grande admiration pour le Prophète.

1406. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Il n’eut pas seulement ce que j’appelle la chaleur de son ambition, il en eut par instants la flamme dans sa parole.

1407. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Mme Du Deffand était plus aguerrie : « On s’est moqué de nous, dites-vous ; mais ici on se moque de tout, et l’on n’y pense pas l’instant d’après. » Cette crainte de Walpole revient sans cesse ; il modère le plus qu’il peut sa vieille amie ; il la raille d’être romanesque, sentimentale ; il la pique en la taxant de métaphysique, ce qu’elle abhorre le plus.

1408. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Et pourtant, malgré l’affectation générale du style, qui répond à celle du caractère, malgré une recherche de fausse simplicité, malgré l’abus du néologisme, malgré tout ce qui me déplaît dans cette œuvre, je retrouve à chaque instant des beautés de forme grandes, simples, fraîches, de certaines pages qui sont du plus grand maître de ce siècle, et qu’aucun de nous, freluquets formés à son école, ne pourrions jamais écrire en faisant de notre mieux.

1409. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

La veille, il était l’homme du règne futur et des prochaines espérances ; aujourd’hui il n’est plus rien, son rêve a croulé, et s’il pouvait l’oublier un seul instant, le monde est là aussitôt pour le lui dire.

1410. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Quand on dépouille sa personne de toutes ces drôleries anecdotiques qui sont le régal des esprits légers, et qu’on va droit à l’homme et au caractère, on s’arrête avec admiration, avec respect ; on reconnaît dès le premier instant, et à chaque pas qu’on fait avec lui ; un supérieur et un maître, ferme, sensé, pratique, actif et infatigable, inventif au fur et à mesure des besoins, pénétrant, jamais dupe, trompant le moins possible, constant dans toutes les fortunes, dominant ses affections particulières et ses passions par le sentiment patriotique et par le zèle pour la grandeur et l’utilité de sa nation ; amoureux de la gloire en la jugeant ; soigneux avec vigilance et jaloux de l’amélioration, de l’honneur et du bien-être des populations qui lui sont confiées, alors même qu’il estime peu les hommes.

1411. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Je ne sais si Frédéric ne se fût pas dédit, au cas qu’un malin génie l’eût pris au mot et qu’il lui eût fallu opter tout de bon entre la guerre de Sept Ans et Athalie, ou plutôt je suis bien sûr que le roi, en définitive, l’eût emporté : mais le cœur du poète aurait saigné au-dedans de lui, et il nous suffit, pour le qualifier comme nous faisons, qu’il eût pu hésiter un seul instant.

1412. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Son Arlequin, toujours simple et bon, toujours facile à tromper, croit ce qu’on lui dit, fait ce que l’on veut, et vient se mettre de moitié dans les pièges qu’on veut lui tendre : rien ne l’étonne, tout l’embarrasse ; il n’a point de raison, il n’a que de la sensibilité ; il se fâche, s’apaise, s’afflige, se console dans le même instant : sa joie et sa douleur sont également plaisantes.

1413. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Mais c’est là l’idéal, et l’idéal ici-bas ne se réalise tout au plus qu’un instant.

1414. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rulhière se met à lire à haute voix les lettres de Rousseau, et à chaque instant il s’interrompait, il se parlait à lui-même en approuvant, en disant : « Bon !

1415. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

En tenant dans mes mains ces volumes de forme et d’inspirations différentes, mais auxquels un vœu égal a présidé, et dont pourtant un si petit nombre surnage, même un seul instant, j’éprouve un sentiment douloureux de voir tant de peines, tant de soins et de temps perdus autour de chaque œuvre si couvée et si caressée, et qui est déjà tombée du sein paternel dans un monde d’indifférence.

1416. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Pendant la campagne d’Italie que voulut faire Philippe V, Mme des Ursins, selon les devoirs et les prérogatives de sa charge, ne quitta pas un seul instant la reine : elle assistait chaque fois avec elle aux séances de la Junte, et, sous prétexte de l’initier aux affaires, elle-même elle en pénétrait le secret.

1417. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Tout porte à croire, en effet, que ce fut le roi d’Espagne qui, oubliant les longs services de Mme des Ursins, et à bout de sa domination dont il n’osait s’affranchir, donna l’ordre à sa nouvelle épouse de prendre tout sur elle ; et cette dernière qui, ainsi qu’Alberoni, son conseiller, était de la race des joueurs intrépides en politique, n’hésita pas un seul instant à faire pour son coup d’essai cette exécution de maître.

1418. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Les personnes qui, comme Mme Gay, vivent jusqu’à la fin et vieillissent dans le monde, sans se donner de répit et sans se retirer un seul instant, échappent difficilement à la longue, et malgré tout l’esprit qu’elles ne cessent d’avoir, à une certaine sévérité ou à une certaine indifférence.

1419. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Il fait plus, il remonte aux heures qui ont précédé ; il suit le malheureux dans ses derniers instants, dans ses lents préparatifs ; il nous fait assister à la lutte et à l’agonie qui a dû précéder l’acte désespéré ; il y a là une scène de réalité secrète, admirablement ressaisie : Quand on a bien connu ce faible et excellent jeune homme, on se le figure hésitant jusqu’à sa dernière minute, demandant grâce encore à sa destinée, même après avoir écrit quinze fois qu’il s’est condamné, et qu’il ne peut plus vivre.

1420. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

On peut dire qu’il n’avait embrassé ni senti à aucun instant l’esprit et le génie de cette grande époque ; le côté héroïque comme le côté social lui avait échappé ; il n’y avait vu partout que les excès et les désordres, les bassesses ou les ridicules.

1421. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Vieux, arrivé au terme d’une existence jusque-là des plus favorisées et des plus également douces, l’abbé Barthélemy se vit tout d’un coup privé par la Révolution de la fortune, de l’aisance et de la liberté ; dans ces instants d’ennui et de retraite, il eut l’idée d’écrire des Mémoires sur sa vie, restés inachevés, mais suffisants, et qui sont la source où l’on apprend le mieux à le connaître.

1422. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Tout le monde favorise la reine de ses vœux ; elle a tous les cœurs, elle a même bien des bras, et cependant elle va être vaincue en un clin d’œil : « Dieu le permit ainsi à mon avis, dit Richelieu, pour faire voir que le repos des États lui est en si grande recommandation qu’il prive souvent de succès les entreprises qui le pourraient troubler, quoique justes et légitimes. » Parlant du rôle de Richelieu en cet instant critique, quelques hommes du temps l’ont accusé d’avoir trahi les intérêts de la reine mère et des confédérés ; le duc de Rohan, ce grand fauteur de guerres civiles, l’accuse d’avoir exprès conseillé à la reine, dans une ville tout ouverte, cette défense tremblante.

1423. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Quelques instants après, je ne voyais plus rien, je n’entendais plus rien, j’étais submergé dans le poëte ; à l’heure du dîner, je fis signe de la tête que je n’avais pas faim, et le soir, quand le soleil se coucha et quand les troupeaux rentrèrent à l’étable, j’étais encore à la même place, lisant le livre immense ; et à côté de moi, mon père en cheveux blancs, assis sur le seuil de la salle basse où son épée pendait à un clou, indulgent pour ma lecture prolongée, appelait doucement les moutons qui venaient l’un après l’autre manger une poignée de sel dans le creux de sa main.

1424. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Tel artiste médiocre s’annonce en un instant à toute la ville pour un habile homme.

1425. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

C’est par-là qu’Ausonne vante la Medée de Timomache, où Medée étoit peinte dans l’instant qu’elle levoit le poignard sur ses enfans.

1426. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Il est vrai, les imbéciles diront que vos digressions sont des pierres dont vous accotez à chaque instant, avec une espièglerie irritante, les roues de l’action ; que vos personnages feraient peut-être bien de marcher, au lieu de rester assis ; qu’au total, vos romans ne sont pas des romans.

1427. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Elle a pu jouer avec sa vanité d’homme le grand jeu de la coquetterie ; elle a pu même être un instant le vide-poche charmant des mauvaises humeurs de son spleen ; mais Mérimée ne fut bientôt plus que le commissionnaire de cette femme, à charge de revanche.

1428. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Je l’ai dit déjà, dès les premiers instants de cette pensée qui eût dû rester littéraire, le démon de l’Histoire (ce démon si anglais des faits politiques !)

1429. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Moi, dans mon abri tombeau, pouvant mourir à tout instant.

1430. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Les journaux, du moins certains d’entre eux, cultivent la même distinction entre les hommes et la rééditent à chaque instant.

1431. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Que lui avait-il manqué, même d’enthousiasme lyrique, du moins par instants et par éclairs ?

1432. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Presque au même instant, l’école religieuse et monarchique, qui avait subi comme une longue éclipse pendant la marche ascendante de l’école philosophique et révolutionnaire du dix-huitième siècle, sortit de son silence. […] Cette imagination qui, dans une poétique enfance, s’était éveillée au fond du vieux château de Combourg, et au bord de la mer qui berce le rivage breton de sa plainte mélancolique, avait subi la double influence du spectacle d’un vieux monde qui tombait, et du monde nouveau qui lui avait offert ses fleuves immenses, ses forêts vierges aux profondeurs impénétrables, qui semblaient sortir des mains du Créateur, ses peuplades sauvages, sa jeune physionomie sur laquelle la main de l’homme n’avait pas encore imprimé de rides, de sorte qu’on retrouvait à chaque instant dans ses inspirations d’écrivain les harmonies mystérieuses qui naissent des contrastes, et les fraîches couleurs d’une aurore mêlée aux tons plus sévères du couchant. […] Au lieu de la froide statue du cabinet de Condillac, s’éveillant aux idées par les sensations dans la solitude et l’abandon, nous avons tous vu, dans nos foyers domestiques, de chères et faibles créatures qui mourraient si elles étaient un seul instant abandonnées, apprendre à penser à l’aide de mots que fournit à leur esprit, avant même que leur bouche puisse les articuler, cette providence penchée sur chaque berceau, et qu’elles appelleront plus tard du doux nom de mère. […] Si maintenant on vient à se souvenir qu’une grande partie des hommes qui avaient été mêlés aux luttes de la première révolution vivaient encore ; que ceux qui avaient vingt ans en 89 n’avaient que quarante-six ans en 1815, et que les rancunes du passé devaient venir à chaque instant s’ajouter aux querelles du présent, l’antipathie des personnes à l’opposition des choses, on peut prévoir que la littérature sera un champ clos où tous les drapeaux et toutes les idées se heurteront.

1433. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Car, d’admettre un seul instant que Corneille ait tout inventé, tout créé dans son Cid, vous savez, Messieurs, quelle erreur ce serait ! […] On a beaucoup discuté, à ce propos, la question de savoir si le Menteur était une comédie d’intrigue, ou une comédie de mœurs, ou une comédie de caractères ; et je m’empresse de dire que ce n’est pas moi qui trouverai la question oiseuse ou la discussion inutile, — ni vous non plus, Messieurs, si vous voulez y songer un instant. […] Est-ce qu’en vérité Rodrigue ou Chimène essayent, je dis un seul instant, de l’étouffer dans leur cœur ? […] Messieurs, tel que je viens d’essayer de vous le peindre, pouvait-il un instant hésiter ? […] Suspendue dès l’abord comme à une résolution d’Andromaque, la pièce entière, balancée par les résolutions correspondantes et alternatives de Pyrrhus et d’Hermione, fixée pour un instant par une décision d’Oreste, repart, en quelque sorte, et court à sa catastrophe sous l’effet d’une décision de Pyrrhus, qui motive à la fois une résolution d’Andromaque, une décision d’Hermione, et une action d’Oreste.

1434. (1929) La société des grands esprits

J’avoue qu’en 1911 j’aurais préféré être interrogé sur Périclès, ou sur Thémistocle, qui me semblait plus actuel en cet instant ; car nous longions précisément la côte de Salamine. […] C’est que Sainte-Beuve, bien qu’un instant le compagnon d’armes des poètes de 1830, est toujours resté classique au fond, et l’homme des coteaux modérés. […] Mais si peu de temps qu’il ait donné à la vanité des sciences, cela lui a suffi pour faire de merveilleuses découvertes ; et dès l’instant qu’il prenait la plume, son incroyable esprit de renoncement ne pouvait plus l’empêcher d’être un grand écrivain. […] … La plupart des hommes meurent sans le savoir… Dans l’instant de la mort naturelle, le corps est plus faible que jamais ; il ne peut donc éprouver qu’une très petite douleur si même il en éprouve aucune ». […] En somme, pour Spinoza, il n’est effectivement question que de comprendre, et c’est moi qui, il n’y a qu’un instant, cédais au préjugé vulgaire en objectant que ce n’était pas forcément un motif d’aimer, mais tout au plus un plaisir de l’esprit.

1435. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Il s’enferre lui-même, et les plus élémentaires principes de la critique des textes ruinent à chaque instant sa crédibilité. […] Il avait commencé en 1832 un roman intitulé Une position sociale qu’il pensa un instant utiliser pour cette fin de Lucien Leuwen. […] Au total, cette Vieille Fille se lit, ou se relit, sans ennuyer un instant et en ne choquant que de place en place (par exemple dans les descriptions dégoûtantes de la déchéance du chevalier). […] On est tenté un instant de juger que Tolstoï escamote la situation ; c’est un point de vue d’homme de théâtre. […] Mais je ne doute pas un instant que la postérité ne l’honore plus que MM. 

1436. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Quant à l’origine du comique attendrissant, il faut n’avoir jamais lû les anciens pour en attribuer l’invention à notre siecle ; on ne conçoit même pas que cette erreur ait pu subsister un instant chez une nation accoûtumée à voir joüer l’Andrienne de Térence, où l’on pleure dès le premier acte. […] Le poëte a beau vouloir transporter les spectateurs dans le lieu de l’action ; ce que les yeux voyent, devient à chaque instant ce que l’imagination se peint. […] Quinault a imaginé un tableau sublime dans Isis, en voulant que la furie tirât Io par les cheveux hors de la mer : mais ce tableau ne doit avoir qu’un instant ; il devient ridicule si l’oeil s’y repose, & la scene qui le suit immédiatement, le rend impratiquable au théatre. […] Les autres ont imaginé, pour ainsi dire, goutte-à-goutte, & leur style est comme un filet d’eau pure à la vérité, mais qui tarit à chaque instant. […] Il n’en est pas ainsi d’un malheur réel, comme l’exil & l’infortune ; le sentiment en est fixe dans l’ame : c’est une douleur que chaque instant, que chaque objet reproduit, & dont l’imagination n’est ni le siége ni la source.

1437. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Le principal défaut de cette étude, dont les feuillets ne sont, à vrai dire, que des fiches cousues bout à bout, c’est que l’auteur commet, à chaque instant, des fautes de perspective. […] Paul Bourget des dangers que courait son talent et qui ont un instant alarmé ses amis. […] Bonvalot et ses compagnons ont secoué, pour un instant, l’héritage de civilisation séculaire qui pesait sur eux, lorsqu’ils ont assisté, au sortir de la vallée des Laves, aux funérailles de Niaz, le bon serviteur, mort de fièvre et de froid. […] Saint Ambroise et Prudence firent des cantiques que l’on devait chanter au lever de l’aurore, au commencement des repas et des jeûnes, à l’heure où l’on allume les lampes et dans l’instant où l’on se met au lit. […] Comme au temps du roi Arthur, ils vont d’instinct aux explications surnaturelles, à la terreur secrète d’un monde mystérieux qui empiète à chaque instant sur le monde visible.

1438. (1896) Études et portraits littéraires

Et voilà comment, à tout instant, il donne des sursauts à son lecteur, — quelquefois, avouons-le, au goût de son lecteur. […] » Il faut lire d’un bout à l’autre ces remarques d’une critique affectueuse où, à tout instant, l’esprit se tient en embuscade. […] Non certes, et ce que nous appelions, il y a un instant, l’idée de l’homme implique davantage. […] Et si, par instants, on se lasse de cette précision tendue, on l’estime pourtant qualité d’ordre supérieur, psychologique plus encore que littéraire. […] Il y a un instant, passant vers l’hôpital, je l’ai vu collégien, avec son ami Guyomar, traçant à la craie des figures et des calculs sur les portes cochères.

1439. (1911) Nos directions

Plus complexe apparaît le cas du romancier, comme aussi le cas de l’homme de théâtre — car il vaut mieux pour l’instant les confondre, et les opposer au poète ensemble. […] Empiriste, d’abord, le roman des Goncourt qui fut, qui plus qu’il ne fut encore, voulut être une notation successive d’instants, une sorte de cinématographe littéraire, et dont le souci d’art réel resta extérieur, à fleur de peau, tout pittoresque. […] Il leur donna une apparence et une intimité, et aussi une sorte d’ardeur vitale, puisée à chaque instant dans ce qui les entoure. […] Et si, à cet instant précis — et rien qu’à cet instant — il y a sacrifice — sacrifice de la pudeur de Nyssia, — ce n’est plus, déjà plus par pitié pour Gygès ; sa misère d’hier est déjà oubliée : c’est par soif du péril et par désir vaniteux d’affirmation ; mais cette vanité est belle. […] Aussi bien, aurais-je retardé encore l’instant de cette extrémité pénible, si dans son Enquête de la Phalange « sur une littérature nationale » M. 

1440. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Boullers, nommé un instant pour lui succéder en 1814, n’y parut jamais : il se contenta d’envoyer demander le premier jour, par un reste de vieille habitude, où étaient les écuries et remises du logement de Palissot, afin d’y loger sans doute les chevaux qu’il n’avait plus. […] Mais tous ces hôtes passagers qui ne pourraient qu’égayer d’une anecdote un fond si grave, que sont-ils auprès du fondateur même, je veux dire le bibliothécaire de Mazarin et le grand bibliographe d’alors, ce Gabriel Naudé dont le cachet est là partout sous nos yeux, dont l’esprit se représente à chaque instant dans le choix des livres et s’y peint comme dans son œuvre ?

1441. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Sous les yeux mêmes du roi, son fils Hémon, fidèle amant d’Antigone, se perce de son épée, et quelques instants après on lui annonce qu’Eurydice sa femme a suivi Hémon aux enfers. […] Il faut donc que le héros de cette lutte impossible combatte avec insouciance, succombe avec bonne grâce, et, au même instant, se relève le sourire sur les lèvres, montrant par là qu’il n’a lutté que pour rire.

1442. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

. — Et moi aussi, lui dit son vieux père en le conduisant chez Pierino ; « Moi aussi, me répondit mon père, j’ai été un bon dessinateur ; mais pour l’amour de moi, qui suis ton père, qui t’ai mis au monde, qui t’ai nourri, élevé dans les arts et dans tous les principes de la vertu, ne voudras-tu pas, mon cher fils, prendre quelquefois ton cor et ta flûte, pour me récompenser de toutes mes peines, et charmer les derniers instants de ma vie ? […] Dans le même instant, le châtelain, ayant donné l’ordre de me faire mourir, changea soudain de sentiment, en disant : N’est-ce pas le même Benvenuto que j’ai tant défendu, et dont je connais toute l’innocence ?

1443. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Mais arrêtons-nous un instant à comparer les habitudes opposées des Fourmis sanguines et des Polyergues roussâtres. […] Une Fourmi ouvrière, ou tout autre insecte neutre, se rencontrerait à l’état ordinaire que je n’hésiterais pas un instant à considérer tous ses caractères comme ayant été lentement acquis par sélection naturelle, c’est-à-dire à l’aide de modifications individuelles transmises par voie d’hérédité et accumulées dans la postérité des individus modifiés.

1444. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Il ne voulait pas qu’on les oubliât ; il ne voulait pas que la postérité pût jamais un seul instant fermer les yeux devant ces têtes d’abjectes Méduses dont il est bon, dans l’intérêt des hommes, d’immortaliser la terreur. […] Ces exagérations, on pouvait les expliquer, en Cassagnac, par son tempérament littéraire, par ce romantisme qu’il adora et qui fut un instant son maître, et par le journalisme surtout, le journalisme qui sait frapper plus fort que juste, et dont toute la justesse n’est peut-être que de frapper fort.

1445. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

C’est dans les mœurs, dans les institutions, dans le langage même que se déposent les acquisitions morales ; elles se communiquent ensuite par une éducation de tous les instants ; ainsi passent de génération en génération des habitudes qu’on finit par croire héréditaires. […] Tenons-nous en donc aux faits que l’on constate et aux probabilités qu’ils suggèrent : nous estimons que si l’on éliminait de l’homme actuel ce qu’a déposé en lui une éducation de tous les instants, on le trouverait identique, ou à peu près, à ses ancêtres les plus lointains 22.

1446. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Dans ces premières guerres toutes d’escarmouches et de coups de main, on voit le roi de Navarre guerroyant sans grandes vues encore, jouant à chaque instant le tout pour le tout devant la moindre bicoque de Poitou ou de Gascogne ; ce ne fut guère qu’à dater de la bataille de Coutras (1587) qu’il étendit ses visées et ses plans, et déploya des desseins de capitaine.

1447. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Il était près, assure-t-il, de lui répondre ; il s’est ressouvenu aussitôt de son Histoire, de cette Histoire élégante et froide, où il est tracé « un tableau si odieusement faux de la félicité du monde », à cette écrasante époque de l’établissement romain : Je n’ai jamais pu lire son livre, ajoute-t-il, sans m’étonner qu’il fût écrit en anglais ; à chaque instant j’étais tenté de m’adresser à M. 

1448. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

À l’origine, cela promettait plus, et il y a telle de ces Dames (Mme de Champigny) à qui Mme de Maintenon pouvait écrire : « Je n’ai jamais rien vu de si bon, de si aimable, de si net, de si bien arrangé, de si éloquent, de si régulier, en un mot de si merveilleux, que votre lettre… » À la mort de Louis XIV, et dans le brusque contraste avec des temps si nouveaux, Saint-Cyr passa presque en un instant à l’état d’antiquité et de relique royale.

1449. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

C’est ainsi que sont les hommes quand ils sont tout à fait naturels, s’abandonnant à leurs mouvements avec une mobilité qui s’accorde bien, du reste, avec cette foi absolue en Dieu et avec cette idée qu’on est entre les mains de celui qui peut toute chose de nous à chaque instant du jour.

1450. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Dans la prison de Rennes, on lui avait donné pour surveillant un sans-culotte qui, moyennant salaire d’un modique assignat par jour, était chargé de ne le pas perdre de vue un seul instant, même dans le sommeil.

1451. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Une femme savante de profession est odieuse ; mais une femme instruite, sensée, doucement sérieuse, qui entre dans les goûts, dans les études d’un mari, d’un frère ou d’un père ; qui, sans quitter son ouvrage d’aiguille, peut s’arrêter un instant, comprendre toutes les pensées et donner un avis naturel, quoi de plus simple, de plus désirable ?

1452. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

L’idée religieuse s’éveilla alors dans son âme ; il recourut à Dieu par la prière ; se trouvant à Southampton, où les médecins l’avaient envoyé pour changer d’air et se distraire, il y eut une heure, un moment, où dans une promenade qu’il faisait aux environs avec quelques amis, par une brillante matinée, s’étant assis sur une hauteur d’où la vue embrassait la mer et les coteaux boisés du rivage, il sentit tout d’un coup comme si un nouveau soleil s’était levé dans le ciel et lui éclaircissait l’horizon : « Je me sentis soulagé de tout le poids de ma misère ; mon cœur devint léger et joyeux en un instant ; j’aurais pleuré avec transport si j’avais été seul. » On a souvent noté, dans les conversions qui tardèrent longtemps à s’accomplir, ces signes avant-coureurs et comme ces premières atteintes, ces premiers coups de soleil de la grâce.

1453. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

douce, simple, m’aimant uniquement, crédule sur ma conduite qui était un peu irrégulière, mais dont la crédulité était aidée par le soin extrême que je prenais à l’entretenir, et par l’amitié tendre et véritable que je lui portais. » Mme Du Deffand est très bien traitée dans ces Mémoires, et s’y montre presque sans ombre, sous ses premières et charmantes couleurs ; mais la personne évidemment que le président a le plus aimée est Mme de Castelmoron, « qui a été pendant quarante ans, dit-il, l’objet principal de sa vie. » La page qui lui est consacrée est dictée par le cœur ; il y règne un ton d’affection profonde, et même d’affection pure : « Tout est fini pour moi, écrit le vieillard après nous avoir fait assister à la mort de cette amie ; il ne me reste plus qu’à mourir. » On raconte que dans les derniers instants de la vie du président et lorsqu’il n’avait plus bien sa tête, Mme Du Deffand, qui était dans sa chambre avec quelques amis, lui demanda, pour le tirer de son assoupissement, s’il se souvenait de Mme de Castelmoron : Ce nom réveilla le président, qui répondit qu’il se la rappelait fort bien.

1454. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Il aimait la vérité quand elle lui était favorable, et la révérait quand même elle lui était contraire… Il m’est arrivé souvent de l’entendre parler de l’ambition déréglée de ces écrivains qui se proposaient pour fruit de leurs veilles l’approbation universelle… En le louant ainsi de cette facilité à écouter la critique, Costar se mettait peu en devoir de le suivre : car l’instant d’après il reprenait en détail toutes les objections de Girac, il se faisait fort de les réfuter une à une, et de maintenir Voiture sans tache d’un bout à l’autre et, pour ainsi dire, impeccable.

1455. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

On sait du reste que Frédéric n’était pas le philosophe tout idéal et tout à la Marc Aurèle que les gens de lettres ses amis se hâtèrent de promettre un peu témérairement au monde quand il monta sur le trône ; mais il était réellement philosophe par goût, par bon sens, parce qu’il réduisait chaque chose à la juste réalité, et que, tout en faisant vaillamment son rôle et son métier de souverain, il se séparait à tout instant de cette destinée d’exception pour se juger, pour se regarder soi-même et les autres.

1456. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Elle ne voulut pas laisser dans le doute un seul instant ses amis, et elle leur en fit part en leur écrivant : « Je comprends par le commencement de votre lettre, lui répondait sur ce point Jean-Jacques (13 octobre 1758), que vous voilà tout à fait dans la dévotion.

1457. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Il avait mieux à faire de sa santé que de forcer son ingénieux et rapide esprit à s’occuper de ces matières, qu’il comprenait assurément au moment ou on les lui expliquait, mais qu’il oubliait aussitôt, et qu’il lui eût fallu rapprendre l’instant d’après.

1458. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Il ne s’est pas posé un seul instant cette question bien simple : Où en était la France si le prince Eugène prenait Landrecies ?

1459. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

A l’instant de la grande querelle de 1753, on y voit Frédéric entre Maupertuis et Voltaire, les jugeant tous deux, mais, dans sa juste balance, n’hésitant pas et se prononçant du côté où il peut y avoir quelques travers et même des ridicules, mais où il reconnaissait de la probité.

1460. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Il brouille à tout instant les écheveaux.

1461. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Cette lettre qu’il crut devoir adresser au baron pour se mettre, à tout événement, en garde contre ce qu’il appelait les mensonges de Rousseau, et qu’il le priait de communiquer à toute la société philosophique, doit être des premiers jours de juillet 1766 ; répandue, colportée a l’instant par le baron et par ses amis, elle fit dans Paris l’effet d’une bombe qui éclate.

1462. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Même à ne les prendre que par là, elles ne sont amusantes qu’un instant.

1463. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Les instants sont comptés, l’heure presse : forcée dans ses derniers retranchements, Chimène aux abois n’a plus qu’à s’exécuter et à tout dire ; « Puisque, pour t’empêcher de courir au trépas, Ta vie et ton honneur sont de faibles appas.

1464. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

« J’aime dans cet instant les Français, s’écrie-t-elle ; que de ressources dans une nation qui sent si vivement ! 

1465. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Gibbon, parlant des visites qu’il recevait en sa maison de Beauséjour à Lausanne, écrivait à lord Sheffield (30 septembre 1783) : « Hier, après midi, je me couchai ou m’assis du moins, et m’établis pour recevoir des visites ; et au même instant voilà quatre nations différentes qui remplissent ma chambre.

1466. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Sa vie de jeu, d’indolence et de loisir s’accommodait mal de cette application obligée de chaque heure et de chaque instant, et elle lui permettait tout au plus de l’activité par veine et intermittence.

1467. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

L’idée d’Alfred de Musset, dont elle me savait ami, lui traversa dès lors l’esprit, mais elle la rejeta pour l’instant.

1468. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Le flot politique vint donc très à propos pour couvrir l’instant de séparation et délier ce qui déjà s’écartait.

1469. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Aux œuvres, aux hommes qui se produisent et qui ont le don de l’amuser, de le fixer un instant, il est empressé, accueillant, facile ; il offre d’abord tout ce qu’il peut offrir, une sorte d’égalité distinguée : il vous accepte, vous êtes en circulation et reconnu auprès de lui, après quoi il ne demande guère plus rien.

1470. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Confiné et, pour tout dire, confit dans les solennités provinciales, dans la coterie littéraire du lieu et dans les admirations bourgeoises, il put encore avoir de bons, d’aimables instants en petit comité, entre le digne évêque M. de la Motte, qui le dirigeait, et MM. de Chauvelin, gens d’esprit, dont l’un était intendant de Picardie ; mais il ne retrouva plus désormais, il ne posséda plus son talent ; il eût été incapable, à sa manière, d’un grand et vivant réveil, comme en eut Racine.

1471. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Quel fut, entre tous, le préféré, le premier mortel qui rencontra, qui traversa, ne fût-ce qu’un instant, l’idéal encore intact d’un si noble cœur ?

1472. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Tandis que la postérité acceptait, avec des acclamations unanimes, la gloire des Corneille, des Molière, des Racine, des La Fontaine, on discutait sans cesse, on revisait avec une singulière rigueur les titres de Boileau au génie poétique ; et il n’a guère tenu à Fontenelle, à d’Alembert, à Helvétius, à Condillac, à Marmontel, et par instants à Voltaire lui-même, que cette grande renommée classique ne fût entamée.

1473. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Il nous suffira de saluer Olivier de Serres243, le gentilhomme protestant, qui ne céda qu’un instant aux passions de la guerre civile, et donna tout le reste de son existence à la culture de son domaine.

1474. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Montesquieu, qui se souvient parfois des causes physiques, semble ignorer absolument que la matière sur laquelle travaillent les législateurs, l’humanité vivante, contient en puissance une infinité d’énergie, qu’elle n’est pas seulement le champ de bataille que la loi dispute à la nature, qu’elle peut trancher à chaque instant le différend par ses forces, ses tendances intérieures, et qu’enfin c’est elle, et elle seule, qui fait la loi puissante ou inefficace.

1475. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

La situation de cet Hamlet moderne, d’un caractère si décidé, et qui n’hésite d’ailleurs pas un instant sur son droit, cette situation est telle que d’abord, étant donné le caractère de ce personnage, elle n’implique chez lui qu’un assez petit nombre de sentiments et fort simples, dont la description sans cesse recommencée devient un peu monotone, et qu’en outre nous ne nous intéressons pas très fortement à ce qu’il éprouve.

1476. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Ils reçoivent plus qu’ils ne donnent… Cette doctrine ne détruit la responsabilité de personne, mais elle l’étend à ceux qui trouvent commode de s’en affranchir. » Il nous rappelle ainsi à chaque instant que c’est tout le monde qui fait l’histoire et que nous avons donc tous, pour notre part infime, le devoir de la faire belle — ou de l’empêcher d’être trop hideuse.

1477. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Il serait regrettable assurément qu’un homme éminent y dépensât des instants qui pourraient être mieux employés à le rendre inutile ; et pourtant qui pourrait le faire, si ce n’est celui qui a la vue complète du champ déjà parcouru ?

1478. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Au même instant, un domestique apporte une facture : c’est une note de modiste, une robe, un mantelet de velours, un chapeau à la Marie Stuart, les pièces de conviction du délit ; plus de doute, son mari la trompe, il a une maîtresse !

1479. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Barnave causa un instant avec la reine, mais, à ce qu’il me parut, d’une manière assez indifférente.

1480. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Je me sentais de la pesanteur, de l’ennui ; je bâillais à tout instant, et, craignant qu’elle n’imaginât que sa présence me gênait ou m’était désagréable, je feignis d’avoir envie de dormir, espérant à la fin faire passer cette disposition.

1481. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Le sérieux et le léger s’entremêlent à chaque instant dans ces lettres.

1482. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Dans les extraits, il s’attache, avant tout, à éclaircir et à démêler ce qu’il expose : il avait pour principe que, dans les sciences, la certitude elle-même des résultats ne dispense point de la clarté, et que la raison commune a droit à tout instant d’intervenir et de demander compte, autant qu’il est possible, de ce que les méthodes particulières lui dérobent.

1483. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

On vit l’instant, sous la régence, où la légèreté de Ninon, encore excitée par celle du temps, passa toutes les bornes et fut sur le point d’amener un éclat.

1484. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

À tout instant, des expressions heureuses, trouvées, ce qu’on peut appeler l’imagination dans le style, s’y montre et s’y joue, ni plus ni moins que si l’auteur était chez soi et s’animait, chemin faisant, de sa propre pensée.

1485. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Mallet du Pan, dans son ordre de prévision et de perspicacité, n’appartient en rien à cette école ni à cette nature de Joseph de Maistre, avec lequel il ne s’est rencontré qu’un instant : c’est un appréciateur tout positif et moins sublime, ne faisant intervenir dans les choses humaines aucun autre élément que ceux qui se prêtent à l’observation, nullement prophète ni voyant : ce n’est qu’un esprit ferme et sensé, très clairvoyant et très prévoyant.

1486. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Pas un instant de sommeil.

1487. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Il y prend part de son bras ; il en jouit aussi avec l’intelligence d’un guerrier qui entre dans les calculs du chef et qui comprend avec enthousiasme ce genre d’idéal : une géométrie sublime et vaste qui ne se réalise à chaque instant que par l’héroïsme.

1488. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Il avait à tout instant de ces mots dont le caractère était la bonhomie et l’extrême finesse.

1489. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Une lettre écrite au début de ses voyages montre qu’il eut un instant l’idée de devenir ambassadeur et d’être employé dans les cours étrangères ; mais le plus sûr est qu’il soit resté ce que nous le savons et ce que nous l’admirons, le grand, l’immortel investigateur, souvent hasardeux mais toujours fécond, de l’esprit de l’histoire.

1490. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Ces suicides des Caton, des Brutus, lui inspirent des réflexions où il entre peut-être quelque idolâtrie classique et quelque prestige : « Il est certain, s’écrie-t-il, que les hommes sont devenus moins libres, moins courageux, moins portés aux grandes entreprises qu’ils n’étaient lorsque, par cette puissance qu’on prenait sur soi-même, on pouvait, à tous les instants, échapper à toute autre puissance. » Il le redira jusque dans L’Esprit des lois, à propos de ce qu’on appelait vertu chez les anciens : « Lorsqu’elle y était dans sa force, on y faisait des choses que nous ne voyons plus aujourd’hui, et qui étonnent nos petites âmes. » Montesquieu a deviné bien des choses antiques ou modernes, et de celles même qu’il avait le moins vues de son temps, soit pour les gouvernements libres, soit pour les guerres civiles, soit pour les gouvernements d’empire ; on ferait un extrait piquant de ces sortes de prédictions ou d’allusions prises de ses œuvres.

1491. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

La vraie beauté se crée ainsi elle-même à chaque instant, à chacun de ses mouvements ; elle a la clarté vivante de l’étoile. « La beauté sans expression, dit Balzac, est peut-être une imposture. » Partout où l’expression se trouve, elle crée une beauté relative, parce qu’elle crée la vie.

1492. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Ce n’est point ici l’instant d’en parler.

1493. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard a défendu et relevé, avec courage et avec le plus ferme bon sens, le génie un instant dédaigné de nos grands poètes classiques.

1494. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Un détail piquant que j’en veux citer, c’est que le bel et éblouissant Rivarol, — ce lettré mondain et plus que mondain, dont la fatuité heureusement avait assez d’esprit pour faire une peur blême aux imbéciles, qui sans cette peur se seraient peut-être moqués d’elle, — c’est que l’homme enfin de l’habit rouge du Comte d’Artois et de la poudre, comme le Prince de Ligne, de la couleur des cheveux d’or de la Reine, avait été un instant l’abbé, le petit et modeste abbé Rivarol.

1495. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Clément III avait affermi les conséquences de cette victoire, compromises qu’elles furent un instant par les successeurs d’Alexandre.

1496. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Pendant tout le morceau, les deux sens se confondent, et ils sont pris l’un pour l’autre à chaque instant.

1497. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Tout l’or qui se rencontre sous la lune, ou qui a jamais appartenu à ces âmes harassées de fatigue, ne pourrait procurer à une seule d’elles un instant de repos.

1498. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Après quelques instants, Diotime continua d’un ton grave. […] * * * * * Depuis quelques instants Viviane était entrée en rêverie. […] Dante eut un instant d’illusion. […] Depuis quelques instants déjà, il oubliait de rallumer sa pipe turque et regardait, mais avec distraction, le dessin de sa sœur.

1499. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Enfin, en Allemagne, l’école de Schopenhauer considère aussi l’art comme une sorte de jeu supérieur, propre à nous consoler quelques instants des misères de l’existence et à préparer un plus entier affranchissement par la morale Quelque complet que semble l’accord des écoles actuelles sur l’identité de l’art et du jeu, il est permis de se demander si la théorie, aujourd’hui en faveur, a bien saisi la vraie nature des sentiments esthétiques. […] Spencer, avec le corps et les membres qui l’exécutent ; dans certains cas, nous aimons sans doute à ne pas sentir en eux la fatigue ; mais nous sympathisons bien plus encore avec la volonté qui meut le corps et les membres ; l’énergie de cette volonté peut donc nous séduire plus que le jeu facile des organes ; le but poursuivi par elle peut nous attirer plus qu’un mouvement sans but ; enfin il vient un instant où l’on compte presque pour rien les membres, réduits au rôle d’instruments, tendus et ployés comme l’arc qui doit lancer la flèche, parfois brisés dans leur effort même. […] S’il est encore en nous tous des sentiments égoïstes et à demi barbares, endormis au cœur de notre être et qui aiment parfois à se réveiller un instant sans acquérir assez de force pour nous pousser à l’action, ces sentiments devront aller s’affaiblissant par degrés, s’engourdissant. […] À cet instant la sensation, qui ne semblait d’abord qu’agréable ou désagréable, tend à devenir esthétique ou antiesthétique. […] Non seulement la science remplace ainsi l’instinct, mais une science supérieure peut aussi se substituer très facilement à une science inférieure : tel problème, qu’un algébriste résoudra en un instant, exigerait plus de tension intellectuelle pour être résolu par l’arithmétique ; aussi préférera-t-on l’algèbre.

1500. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

À la nouvelle de sa mort à Novi, il y eut un instant d’affolement. […] Et quel est l’instant où elle s’avise de nous peindre une Allemagne rêveuse et toute absorbée dans la spéculation métaphysique ? […] Pas un instant elle ne perd le souci d’être agréable, pas une minute elle ne renonce à plaire. […] À coup sûr, le cercle en est des plus restreints ; il n’y tient que l’émotion d’un instant fugitif. […] N’y a-t-il pas des instants de lassitude et des lueurs de clairvoyance ?

1501. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Paris est la ville où l’on est le plus enchaîné par ces convenances de tous les instants que nous impose la civilisation du xixe siècle. […] Ç’a été une faiblesse d’un instant. […] Elle lui souriait, et son sourire, sans aller jusqu’à l’ironie, se nuançait d’une malice de triomphe. » Ç’a été entre eux un épisode de cette lutte du masculin et du féminin, qui ne semble s’apaiser par instants que pour reprendre ensuite avec plus d’âpreté. […] C’est la volonté publique qu’il faut régénérer ; si le peuple avait une âme, il sortirait du chaos… Je pense qu’une grande armée ne peut être que celle où, du haut en bas, à chaque instant, le ressort de toutes les actions serait dans la connaissance et dans la certitude du devoir. […] Par instants, sous les yeux de tous, involontairement peut-être, elle avait un mouvement, une posture, une expression qui, dans l’alcôve, aurait fait frissonner un amant.

1502. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Vous avez pensé un instant que la Cruvelli ne viendrait pas, et qu’en désespoir de cause, on aurait fini par vous engager à sa place. […] MM. l’Empereur n’ont pas un instant cessé d’applaudir (notez que l’Opéra a commencé à sept heures et demie, et qu’il s’est terminé à une heure un quart du matin). […] Il y a tel mouvement de ces lèvres charmantes qui tiennent moins de la petite maîtresse que du lièvre broutant le serpolet, telle façon de mordre sur un mot spirituel qui rappelle le coup de dent dédaigneux (Dente superbo) du rat de ville d’Horace, et, par instants, cette bouche mignonne a si peur de paraître grande, qu’elle se mange elle-même aux extrémités. […] About : « Des mots tirés au hasard dans un bonnet d’Arlequin, des transitions de pain à cacheter et de colle à bouche…… » Son sac à la malice est vide, et il y fouille à chaque instant d’un air magistrat, comme s’il allait en tirer Géronte en personne. » Puisque tiré y a, je ne crois pas non plus que les deux phrases que je viens de citer soient venues toutes seules et sans le secours du forceps.

1503. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Le dégénéré n’est pas capable de diriger longuement ou même un instant son attention sur un point, pas plus que de saisir nettement, d’ordonner, d’élaborer en aperceptions et jugements les impressions du monde extérieur que ses sens fonctionnant défectueusement portent à sa conscience distraite. […] Les aperceptions nettes donnent bien une idée, mais elle ne peut être un seul instant ferme et claire, parce qu’aux aperceptions nettes dont elle est composée s’en mêlent d’autres que la conscience ne perçoit qu’indistinctement ou ne perçoit plus du tout. […] La façade se présente irréprochable à l’œil, mais beaucoup de ses parties ne résisteraient pas un instant à un choc vigoureux de la critique. […] L’affirmation que la science n’a pas tenu ce qu’elle a promis et que la génération montante se détourne d’elle pour cette raison, ne résiste pas un instant à la critique. […] Que des théologiens trouvent tout à fait compréhensible ce galimatias sans pareil, c’est ce dont je ne doute pas un instant.

1504. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

On se dit à chaque instant : « Mon Dieu ! […] Bardannes confesse son amour ; Denise, ravie un instant malgré elle, lui avoue le sien avec une sincérité et une pudeur charmantes. « Alors, vous voulez bien être ma femme ? […] Après quelques instants de lutte intérieure : « Sauve les Flandres, dit-il à Karloo, et je te pardonnerai. […] » Et, un instant après, il l’appelle Sarah tout court. « Je t’aime, tu m’aimes, nous nous aimons !  […] « Ce qui d’abord caractérise Camille, c’est qu’elle change à chaque instant, et qu’elle est toujours dans les sentiments extrêmes.

1505. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Et donc, entre deux ordres, pendant un quart d’heure où le temps nécessaire pour la transmission de l’ordre et le commencement de l’exécution le laissait forcément inactif, il profitait vite de ce loisir nécessaire et qu’il ne pouvait utiliser à rien, pour sommeiller un instant. […] Là, c’est la jeune fille qui, sans être aimée, se croit aimée, et un instant croit aimer ; et c’est « l’homme sérieux » qui finit par la ramener paternellement et paresseusement à la raison. […] À la vérité Lassalle était un paon ; mais il ne l’était pas précisément dans l’instant où il disait cela. […] C’est cet homme qui, après d’assez mauvaises études, devenu avocat en un tournemain, — car, quand il daignait s’appliquer un instant, il n’y avait pas de difficulté pour lui, — perdit douze ans à plaider le procès de Mme de Hatzfeld. […] Et je n’ai pas besoin de dire aux gens d’un certain âge que, de tous, c’est Thiers qui se laissa aller à cette pente sans songer un instant à enrayer.

1506. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

C’est une passion très naturelle ; on la trouve à chaque instant dans le peuple. […] Les tirades de Martine au dernier acte des Femmes savantes ne sont pas du tout une thèse ; elles ne sont que gaietés de fin de pièce et aussi moyen de mettre une fois de plus en vive lumière la faiblesse de Chrysale qui applaudit aux propos de Martine et qui, l’instant d’après, va obéir une fois de plus à sa femme. […] Telles étaient les leçons que, en 1664, à Versailles, dans un divertissement écrit pour le Roi, Molière, se transformant un instant en Mentor, donnait au Télémaque de ce temps-là qui allait sur ses vingt-six ans. […] Comment, par exemple, pourrait-il accepter la distinction rigoureuse des genres, lui qui fait des comédies qui touchent à chaque instant au drame ? […] Elle ne discute pas avec son père, ou à peine, mais elle discute avec Thomas Diafoirus et avec la femme de son père, nettement, précisément, spirituellement, sans lâcher pied, sans perdre la tête et sans que les injures la fassent sortir un instant de son sang-froid.

1507. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

La soie reparaît à tout instant par quelque bout, et quand il veut la cacher et prendre le détail agreste et réel, il n’a plus de mesure, il en met trop : trop de soie et trop de souquenille. […] ce sont des hommes de grande vie que ces princes de l’intelligence, et quand ils sont remuants comme l’était celui-ci, il ne fait pas bon être leur voisin ; ils empiètent à chaque instant sur vous. […] CXXIX Venir nous dire que tout poète de talent est, par essence, un grand penseur, et que tout vrai penseur est nécessairement artiste et poète, c’est une prétention insoutenable et que dément à chaque instant la réalité.

1508. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

À la ferme de Lochlea, pendant les heures de repas, seuls instants de relâche, pères, frères, sœurs, mangeaient une cuiller dans une main, un livre dans l’autre. […] Ces doux instants ne durèrent pas. « Au mieux, disait-il, mon esprit a toujours un fonds mélancolique ; il ressemble à certains étangs que j’ai vus, qui sont remplis d’une eau noire et pourrie, et qui pourtant dans les jours sereins réfléchissent par leur surface les rayons du soleil1189. » Il souriait comme il pouvait, mais avec effort ; c’était le sourire d’un malade qui se sait incurable et tâche de l’oublier un instant, du moins de le faire oublier aux autres. « Vraiment, je m’étonne qu’une pensée enjouée vienne frapper à la porte de mon intelligence, encore plus qu’elle y trouve accès.

1509. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Dans nulle imitation, le mensonge de l’hypothèse ne doit disparaître un instant ; c’est la convention sur laquelle l’illusion est fondée. […] Le sentiment et la passion sont précis dans le choix des termes ; ils emploient toujours l’expression propre, comme la plus énergique : dans les instants passionnés, ils la répéteraient vingt fois, plutôt que de chercher à la varier par de froides périphrases. […] Mais, avec ces quatre petits vers, la musique fera en un instant plus d’effet, que le divin Racine n’en pourra jamais produire avec toute la magie de la poésie.

1510. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il avait gardé jusqu’au dernier instant quelque chose de robuste.

1511. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

  Ceux que j’appelle réellement mes amis, je voudrais les voir à toutes les heures et à tous les instants, car ce n’est que par un usage continu de l’amitié qu’elle peut montrer tout ce qu’elle est, et rendre tout ce qu’elle vaut.

1512. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Tant qu’il ne s’agissait que du renversement des fortunes, il en prenait son parti encore plus facilement, et il allait même par instants jusqu’à désirer quelque chose au-delà de ce qu’il voyait : Le bien-être terrestre, disait-il, m’a paru si bien un obstacle au progrès de l’homme, et la démolition de son royaume en ce monde un si grand avantage pour lui, qu’au milieu des gémissements qu’occasionnait le renversement des fortunes pendant la Révolution par une suite de la maladresse et de l’ignorance de nos législateurs, je me suis souvent trouvé tout prêt à prier que ce genre de désordres s’augmentât encore, afin de faire sentir à l’homme la nécessité de s’appuyer sur son véritable soutien dans tous les genres.

1513. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Ce qui fait à mes yeux une grande partie de l’intérêt des écrits de d’Argenson et ce qui doit les rendre précieux pour quiconque aime la vérité, c’est que tout y est successif et selon l’instant même ; il ne rédige pas ses mémoires après coup en résumant dans un raccourci plus ou moins heureux ses souvenirs ; il écrit chaque jour ce qu’il sait, ce qu’il sent ; il l’écrit non pas en vue d’un public prochain ou posthume, mais pour sa postérité tout au plus et ses enfants, et surtout pour lui, pour lui seul en robe de chambre et en bonnet de nuit.

1514. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Ce Saint-Alban père a la passion de l’indépendance ; à peine maître de lui-même, dès sa jeunesse, il s’est affranchi de la gêne des devoirs de la société et s’est livré à un goût raisonné pour le plaisir, avec un petit nombre d’amis ou de complaisants qui formaient une petite secte de philosophes épicuriens dont il était le chef : Le goût des plaisirs, le mépris des hommes, et l’amour de l’humanité et de tous les êtres sensibles, formaient la base de leur système ; mon père (c’est son fils qui parle) méprisait les hommes en théorie par-delà ce qu’on peut imaginer, et cédait à chaque instant à un sentiment de bienveillance et d’indulgence qui embrassait les plus petits insectes.

1515. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

D’heureux combats partiels ne faisaient que retarder l’instant extrême, sans changer la situation.

1516. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

. — Je m’étais appuyée contre un saule pour me reposer un instant, lorsque tout à coup un charmant petit oiseau sembla jaillir de l’écorce même de l’arbre ; je voulus me rendre compte de ce phénomène, et voici ce que je vis en y regardant de très près.

1517. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

si vous me répétez encore la proposition que vous faisiez il n’y a qu’un instant, je vous fais arrêter, et vous savez quel est le sort réservé aux personnes qui se laissent traduire pour ce fait devant le conseil de guerre. » Je n’avais pas terminé, que mon homme était déjà loin.

1518. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Chateaubriand, dans le déshabillé, fait terriblement bon marché de son parti et de ses amis ; Benjamin Constant se raille plutôt des doctrines et de la sottise humaine : leur masque, à tous deux, leur tombe à chaque instant.

1519. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

De là, sous leur plume, une vie, un relief, un parlant qui renouvelle à tout instant les portraits et les images.

1520. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Cependant, cher Passé, quelquefois un instant La main du Souvenir écarte tes longs voiles, Et nous pleurons encore en te reconnaissant.

1521. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Philippe II, il faut le dire, s’il cessa bientôt d’être père dans sa manière de juger son fils, ne cessa pas un instant d’être roi.

1522. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Et, en cet instant, une troupe de joyeux requins suivaient dans le sillage et pensaient entre eux : — « Rien n’est beau comme une galère qui va sombrer en mer toute pleine de passagers. » Et dites après cela, philosophes, que « le beau est la forme du bon. » Cet apologue est digne de Stendhal. — Voulez-vous quelque chose de plus gai ?

1523. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Un des dignes amis, témoins de ses derniers instants, écrivait à un autre ami peu de jours après sa mort : « Je ne sais si vous avez connaissance d’un fait bien remarquable qui a empreint d’un sceau de douleur l’un des derniers jours que Manuel a passés en ce monde.

1524. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Toujours alerte, infatigable, se montrer partout, paraître et disparaître, se diviser, se rejoindre, se multiplier comme par enchantement ; à la tête d’une vaillante élite, simuler le nombre, décupler le chiffre par la qualité et la vélocité ; en couvrant les siens, en les éclairant, tromper l’ennemi, lui donner le change, lui faire craindre un piège, lui faire croire qu’on est appuyé ; dans les retraites profiter des moindres replis, d’un ruisseau, d’un mur, du moindre obstacle, pour le chicaner, pour le retarder, « pour l’obliger à mettre trois ou quatre heures à faire une lieue de chemin » ; victorieux, le soir ou le lendemain des grandes journées, fondre et donner sans répit, à bride abattue, s’imposer à force d’assurance, et avec une poignée de braves ramasser des colonnes entières d’infanterie, les ramener prisonnières ; à chaque instant, à nouveaux frais, sur un échiquier nouveau, proportionner son jeu à l’action voulue, y faire des prodiges de coup d’œil, d’adresse, de tactique non moins que d’élan et d’intrépidité : — si tel est le rôle d’un parfait officier de cavalerie légère, nul n’y surpassa Franceschi.

1525. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Je ne puis te peindre l’effet que cela m’a fait ; je me suis retracé dans un instant la rue Notre-Dame, le cimetière, qui était nos galeries ; toute notre enfance s’est déroulée devant moi comme si c’était hier.

1526. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

L’éditeur a enrichi cette publication de toutes les réminiscences qui lui venaient à chaque instant de l’antiquité et qui n’étaient pas hors de propos chez un poète de la Renaissance : c’est toute une anthologie française et grecque que ces deux beaux volumes imprimés à Bordeaux, avec les caractères de Perrin de Lyon (1861-1862).

1527. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Il était tombé aussi dans un quart d’heure trop désagréable pour la forme représentative ; que ne prenait-il un instant plus flatteur ?

1528. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Je ne saurais rendre l’effet désagréable que produit sur moi, par instants, ce style bizarre, baroque, bariolé de métaphores et de termes abstraits, à phrases courtes, à paragraphes secs, décharnés, qui sentent encore le résumé du contentieux, et qui poussent par soubresauts l’éloquence du factum jusqu’à une sorte d’élancement lyrique.

1529. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Je le sens, quand je songe surtout que votre malheur peut, à chaque instant, devenir le mien.

1530. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Mais à travers tout, ce qui importe le plus, l’homme est là pour nous guider et nous rappeler ; il reparaît en chaque ouvrage et dans les intervalles avec sa nature expressive et bienveillante, avec son esprit net, judicieux et fin, son tour affectueux et léger, sa morale perpétuelle, touchée à peine, cette philosophie aimable de tous les instants qui répand sa douce teinte sur des fortunes si différentes, et qui fait comme l’unité de sa vie.

1531. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Des personnages secondaires Autour de ses héros, représentants de cette force infinie qui est en nous et dont la plupart de nous font si peu d’usage, Corneille place des âmes moyennes, telles que la vie en présente à chaque instant ; ces caractères de second plan sont souvent d’une observation curieuse, d’une vérité originale et fine.

1532. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Les exemples manquent-ils donc, soit d’ignorants chez qui la propriété est de génie, soit d’ouvrages de puristes où la langue bronche à chaque instant ?

1533. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Mais, dira-t-on, la définition de la droite non-euclidienne est artificielle ; essayons un instant de l’adopter, nous verrons que deux cercles de rayon différent recevront tous deux le nom de droites non-euclidiennes, tandis que de deux cercles de même rayon, l’un pourra satisfaire à la définition sans que l’autre y satisfasse, et alors si nous transportons une de ces soi-disant droites sans la déformer, elle cessera d’être une droite.

1534. (1890) L’avenir de la science « II »

D’ailleurs, le pas n’est plus à faire : l’humanité s’est définitivement émancipée, elle s’est constituée personne libre, voulant se conduire elle-même, et supposé qu’on profite d’un instant de sommeil pour lui imposer de nouvelles chaînes, ce sera un jeu pour elle de les briser.

1535. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Il s’écrie un instant : « J’ai besoin de tout mon respect pour ne pas éclater de colère. » Mais ne craignez rien ; l’éruption reste à l’état de menace.

1536. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Le roi vit pour la première fois une taille parfaite, les plus beaux bras et le plus beau cou du monde… La vive rougeur de madame de Maintenon rendait en cet instant sa figure éblouissante ».

1537. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Les personnages interrompus, à chaque instant, par le chant des Chœurs, semblent lutter et s’interpeller au bord de la mer.

1538. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

une éternité dont l’amant compte les minutes, attendant une lettre qui n’arrive pas, croyant entendre, à chaque instant, ce frémissement d’une robe de soie qui fait sur l’escalier de la jeunesse un bruit plus doux que le battement des ailes de l’ange sur l’échelle du songe de Jacob.

1539. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Nous saisissons ici Huet au plus vif instant de son premier état de cavalier.

1540. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Mais Béranger, ne l’oublions pas, est de la race gauloise, et la race gauloise, même à ses instants les plus poétiques, manque de réserve et de chasteté : voyez Voltaire, Molière, La Fontaine, et Rabelais et Villon, les aïeux.

1541. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

En faisant parler Arlequin, il ne croyait pas si fort déroger ; il passa même, un instant, d’Arlequin aux marionnettes.

1542. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Elle jouait à travers cela la comédie et la bergerie à chaque heure du jour et de la nuit, donnait des idées à tourner en madrigaux à ses deux faiseurs, l’éternel Malezieu et l’abbé Genest, invitait, conviait une foule d’élus autour d’elle, occupait chacun, mettait chacun sur les dents, ne souffrait nul retard au moindre de ses désirs, et s’agitait avec une démonerie infatigable, de peur d’avoir à réfléchir et à s’ennuyer un seul instant.

1543. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Fontaine, le même que nous citions il n’y a qu’un instant, et qui était un grand géomètre, mais un assez mauvais homme, avait remarqué les premiers travaux analytiques de Condorcet et avait pu craindre de voir s’élever en lui un rival : « J’ai cru un moment qu’il valait mieux que moi, disait-il, j’en étais jaloux ; mais il m’a rassuré depuis. » C’est Condorcet lui-même qui raconte agréablement cette anecdote dans l’éloge de Fontaine, et avec bon goût cette fois.

1544. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Ne l’ayant pas rencontré, il fit un tour de promenade dans la place et écrivit au crayon les vers suivants sur sa carte, qu’il vint remettre l’instant d’après ; Si tu voyais une anémone, Languissante et près de périr, Te demander, comme une aumône, Une goutte d’eau pour fleurir ; Si tu voyais une hirondelle, Un jour d’hiver, te supplier, À ta vitre battre de l’aile, Demander place à ton foyer ; L’hirondelle aurait sa retraite, L’anémone, sa goutte d’eau : Pour toi que ne suis-je, ô Poète, Ou l’humble fleur ou l’humble oiseau !

1545. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Critique, qui avez l’honneur d’être pour la postérité du moment un nomenclateur, un secrétaire, et s’il se peut, un bibliothécaire de confiance, dites-lui bien vite le titre de ces volumes qui méritent que l’on s’en souvienne et qu’on les lise ; hâtez-vous, le convoi s’apprête, déjà la machine chauffe, la vapeur fume, notre voyageur n’a qu’un instant.

1546. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Il a tout son esprit à tous les instants ; il le dépense, il le prodigue, il y a des moments même où il en fait, c’est alors qu’il tombe dans les lazzis, les calembours ; mais le plus souvent il n’a qu’à suivre son jet et à se laisser faire.

1547. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

On a besoin à chaque instant, quand on étudie aujourd’hui Rollin, de se reporter à cette situation d’alentour, et aussi de faire la part des faiblesses, des tâtonnements et des limites d’un esprit qui n’avait de supérieur que l’inspiration morale.

1548. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Adressons, avant tout, nos remerciements à la Société de l’histoire de France, qui, au milieu des circonstances pénibles où les lettres ont passé depuis 1848, n’a pas désespéré un seul instant de la patrie, je veux dire des études historiques sérieuses, et qui n’a pas fait trêve à ses publications.

1549. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

À chaque instant, c’est le fervent zélateur, le grand maître ou le général en chef qui harangue ses lieutenants, desquels d’Alembert est là-bas le premier : Je ne conçois pas comment tous ceux qui travaillent (à l’Encyclopédie) ne s’assemblent pas et ne déclarent pas qu’ils renonceront à tout si on ne les soutient… Faites un corps, messieurs ; un corps est toujours respectable… Ameutez-vous, et vous serez les maîtres.

1550. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

« Montrez-moi, lui dit Mirabeau qui y montait, ce que vous avez à dire. » Et jetant les yeux sur le discours, il y saisit une phrase dont il tira parti l’instant d’après, et qui est devenue le mouvement célèbre : « Je vois d’ici cette fenêtre d’où partit l’arquebuse fatale qui a donné le signal du massacre de la Saint-Barthélemy. » Il paraît que l’idée première était de Volney : Mirabeau, s’en emparant et la mettant en situation, en fit un foudre oratoire.

1551. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Il arrive quelques instants après, la figure décomposée, la bouche en fer à cheval, et si troublé, qu’il me donne, ce qu’il ne faisait jamais, une poignée de main, — poignée de main qui me gêne.

1552. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Dans cette tragédie, qui est en même temps une philosophie, tout flotte, hésite, atermoie, chancelle, se décompose, se disperse et se dissipe, la pensée est nuage, la volonté est vapeur, la résolution est crépuscule, l’action souffle à chaque instant en sens inverse, la rose des vents gouverne l’homme.

1553. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Il n’y a pas longues années qu’un économiste anglais, homme d’autorité, faisant, à côté des questions sociales, une excursion littéraire, affirmait dans une digression hautaine et sans perdre un instant l’aplomb, ceci : — Shakespeare ne peut vivre parce qu’il a surtout traité des sujets étrangers ou anciens, Hamlet, Othello, Roméo et Juliette, Macbeth, Lear, Jules César, Coriolan, Timon d’Athènes, etc., etc. ; or il n’y a de viable en littérature que les choses d’observation immédiate et les ouvrages faits sur des sujets contemporains. — Que dites-vous de la théorie ?

1554. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Comme dans la musique l’agrément de la mélodie vient non seulement du rapport des sons, mais de celui que les phrases de chant doivent avoir entre elles, de même l’harmonie oratoire (plus analogue qu’on ne pense à l’harmonie musicale) consiste à ne pas mettre trop d’inégalité entre les membres d’une même phrase, et surtout à ne pas faire ses derniers membres trop courts par rapport aux premiers ; à éviter également les périodes trop longues, et les phrases trop étranglées et pour ainsi dire à demi closes ; le style qui fait perdre haleine, et celui qui oblige à chaque instant de la reprendre, et qui ressemble à une sorte de marqueterie ; à savoir enfin entremêler les périodes arrondies et soutenues, avec d’autres qui le soient moins, et qui servent comme de repos à l’oreille.

1555. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Au reste, on peut dire, sous le seul point de vue historique, que le caractère de l’universalité appartient à la langue française, dès l’origine, et que c’est le coin dont elle fut frappée, sans doute dès l’instant de sa formation.

1556. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Cette caserne éclatante qui s’appelle Rome, a-t-elle un instant sérieux de grandeur intrinsèque et qui vraiment lui appartienne N’est-elle pas tombée, comme elle s’est élevée, — par miracle ?

1557. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

avec la fatuité dans le faux qui ne doute de rien, il n’a pas hésité un instant, cet étourdi mûr de la Libre-Pensée !

1558. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

On pourrait s’étourdir, — mais aux pires instants L’immortelle pensée, aux sillons éclatants, Comme un feu des marais jaillit de cette fange, Et remplissant nos yeux nous éclaire… et se venge !

1559. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Amédée Pommier est une orgie de langue française, mais une orgie où l’ébriété qui se permet tout ne cesse pas un instant d’être gracieuse et toute-puissante.

1560. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

L’Index va frapper son livre d’interdiction, et il part à Rome pour le défendre, ne doutant pas un seul instant de son triomphe auprès du pape « dont il était convaincu d’avoir exprimé simplement les idées95. » Mais la désillusion commence aussitôt pour lui, plus vive encore qu’à Lourdes.

1561. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Ne m’étais-je pas cru sûr, un instant, de tenir enfin ce coup de tam-tam ? […] Deux choses sont également et diversement dangereuses pour la gloire : le mépris de la mode, et l’oubli du peu d’instants qu’elle règne. […] Au même instant, vous eussiez entendu le murmure de ces voix moqueuses et le cri rauque des voix avinées. […] Depuis que la vapeur transporte en un jour, et l’électricité en quelques instants, la pensée de Paris à toutes les extrémités de la France, reste-t-il une raison pour que, dans les jugements littéraires de la province, il y ait un retard sur ceux de la capitale ? […] Dans une matière aussi parfaitement indifférente aux hommes que la révision du grand palmarès des renommées, ce coup d’audace est l’exploit stérile d’une chevalerie aventureuse qui ne saurait avoir l’espoir sérieux de prévaloir contre la paresse du public étonné un instant et bientôt rendormi.

1562. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Un instant de joie compense des années de souffrance. […] on vit, on va, on vient, on cause, on voyage, on a ses travaux, ses plaisirs, ses petites occupations de toute sorte  Vous vous rappelez ce que dit Pascal des « preuves de Dieu métaphysiques » : ces démonstrations ne frappent que pendant l’instant qu’on les saisit ; une heure après, elles sont oubliées. […] Il a les plaisirs de l’extrême célébrité, qui sont de presque tous les instants et qui ne sont point tant à dédaigner, du moins je l’imagine. […] Il a des affirmations auxquelles, au bout d’un instant, il n’a plus l’air de croire, ou, par une marche opposée, des paradoxes ironiques auxquels on dirait qu’il se laisse prendre. […] Et à chaque instant, par des procédés franchement, naïvement étalés et auxquels on se laisse prendre quand même, le poète mêle sinistrement la nature à ses tableaux pour les agrandir et les « horrifier ».

1563. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

L’éclat de son esprit faisait alors l’effet du feu d’artifice qui semble éclipser les astres du firmament, et qui, dans le petit espace et dans l’instant rapide où il nous éblouit, brille plus que les flambeaux de l’univers. » Diderot, par la bouche du Neveu de Rameau, nous apprend que dans les maisons où vivait ce parasite et ce bohème, une des disputes littéraires les plus habituelles, après le café, était de savoir si Piron avait plus d’esprit que Voltaire ? […] Il faudrait à tout instant un commentaire pour expliquer toutes ces allusions et ces ricochets de bons mots à double entente.

1564. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Puis est apparu sous la portière, à quatre pattes, un joli gamin tout frisotté, qui, après quelques instants d’hésitation, s’est décidé à venir à nous. […] Quelques instants après, arrivait le sculpteur, occupé dans ce moment, du buste en marbre de la maîtresse de l’hôtel.

1565. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Qu’on songe un instant aux millions de Cailles qui annuellement traversent la Méditerranée, l’on ne pourra mettre en doute que la terre adhérente à leurs pieds ne renferme quelquefois de petites graines. […] Si notre soleil, en décrivant son orbite, venait à croiser l’orbite d’une autre étoile, dans l’instant très court où les deux astres s’approcheraient l’un de l’autre, notre terre jouirait momentanément de la chaleur et de la lumière de deux soleils très inégalement distants, ce qui pourrait causer, non pas une diminution de chaleur, mais, au contraire, une augmentation considérable, très passagère.

1566. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Il s’appelle tantôt Jean M…, tantôt Charles G…, tantôt Francis J…, et parfois il a un nom tout à fait inconnu ; mais je ne puis imaginer un instant qu’il ait vécu en un autre temps que le mien. […] Il est des heures, par exemple, que je passe avec Racine, d’autres où je feuillette Lamartine et Musset, il est des moments où j’ouvre un Ronsard, il en est aussi où me plaisent Rodenbach, Samain et Verlaine et nombreux sont les instants que je consacre à nos grands poètes d’oc disparus, Jasmin, Aubanel et Félix Gras.

1567. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Je sçais bien que dans l’instant de la victoire, il peut échaper au vainqueur quelques paroles d’insulte et de triomphe ; mais non pas des discours continués et adressés personnellement au cadavre. […] Ulysse fait en cet endroit le détail de ces offres, et il répéte mot pour mot, trois longues pages qu’on vient de lire un instant auparavant. […] Ces objets, quoique riants, ont tous rapport au poëme ; il n’y a point de confusion ; et je ne peins chaque action que dans un instant, quoique par la maniere dont je la peins, j’en fasse entendre les commencemens et les suites.

1568. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

D’autres excentricités de ce genre, d’autres encore, ces dernières entachées, je le crains, de quelque malice sournoise et pince-sans-rire, donnèrent à réfléchir à ma belle-mère, la meilleure et la plus intelligemment tolérante des femmes pourtant, et il fut convenu qu’au moment de la rentrée de mon beau-père, en ce moment à la chasse, homme, lui, bourgeoisissime ; et qui ne supporterait pas un instant un tel intrus dans sa maison, « mossieu !  […] Notre langue peu accentuée ne saurait admettre le vers blanc, et ni Voltaire, vice-roi de Prusse en son temps, ni Louis Bonaparte, roi de Hollande au sien, ne me sont des autorités suffisantes pour hésiter, fût-ce un instant, à ne me point départir de ce principe absolu. […] Redoux, du Jeu des Grâces, de ces admirables abominables Délices d’une bonne œuvre, de cet admirable affreux Mahoin, toutes choses infiniment supérieures à du Pétrus Borel avec, très supérieures, l’âme par instant du Lycanthrope qui fut, n’est-ce pas ?

1569. (1927) Des romantiques à nous

Maritain, que j’apprécie plus comme poète de l’histoire et ardent « pêcheur d’âmes », que comme dialecticien et philosophe proprement dit a souvent rendu cette même idée qui est, pourrait-on dire, son idée centrale et de tous instants. […] On croirait, par instants, à le lire que Renan a été une nature toute rationnelle à la Descartes. […] Je n’en relève, pour l’instant, que l’universalité de provenance. […] Quand je vois remettre en scène avec un éclat particulier telle ou telle des créations du maître, il me semble qu’un soleil en train, comme dit le poète, de « descendre derrière l’horizon », en remonte un instant pour adresser à un univers qui s’enténèbre de plus en plus et qui s’y plaît, le reproche désespéré de ses feux pâlis.

1570. (1925) Portraits et souvenirs

Boylesve est originaire et dont elle a la grâce noble et l’harmonie heureuse, à cette Touraine où le héros de Mon Amour nous conduit un instant et dont il nous dit, en phrases délicieuses, le charme intime et familier. […] Si tant de leurs humbles confrères, dont les exploits ne figurent qu’un instant aux faits-divers des journaux ou aux colonnes des gazettes judiciaires, ne retiennent guère l’attention du public, eux, les grands voleurs, ont les honneurs de la première page et conservent une place dans la mémoire des hommes. […] C’est là, pour lui, l’instant culminant de leur carrière, et, pour ceux qui savent bien mourir, M.  […] La grande architecture publique et monumentale n’est plus, pour l’instant, qu’un souvenir.

1571. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Cependant le poète suit bien sagement son calendrier et, comme Virgile oublie un instant les soins que l’on donne aux abeilles pour nous conter l’aventure d’Aristée, M.  […] Arrivés à ce degré, capables « de puiser à la seule source pure de notre âme le jaillissement des eaux fécondes qui feront fleurir la vie dans nos mains », il ne faudra pas nous reposer même un instant, car « la chair ressaisit toujours ce que l’esprit a créé ». […] Révérencieux par l’héritage d’un enseignement héroïque, nous voulons que les masques un instant posés sur nos yeux aient abrité, ruches privilégiées, un grand mouvement de pensées, une noble rumeur d’abeilles ; mais nous oublions que ni les idées des hommes, ni leurs actes ne sont écrits dans leur apparence charnelle, et que d’ailleurs, vue et reproduite par un artiste, cette apparence contient désormais le génie de l’artiste et non le génie du personnage. […] un seul instant, revenir vers le passé qu’on a vu mourir, un soir d’adolescence, un soir de jeunesse, un soir d’amour : Il y a de grands soirs où les villages meurent ― Après que les pigeons sont rentrés se coucher.

1572. (1900) Molière pp. -283

Il est très simple, et très cru et très facile ; il dit : Mais le chat, sortant de sa cage, Lui fit voir, en moins d’un instant, Qu’un rat n’est pas un éléphant. […] Il a aujourd’hui un sens tout à fait honorable, on le prend à chaque instant pour personne pieuse ou personne sainte ; or, il avait au xviie  siècle un sens tout à fait défavorable, même chez les écrivains les plus catholiques, pourvu que ce fussent des laïques, et signifiait simplement faux dévot, ou dévot intéressé. […] (Elle réfléchit un instant.) […] ——— Dès l’instant que la femme, comme le veulent certains réformateurs, sera proclamée civilement l’égale de l’homme, il n’y aura plus d’égalité ; l’homme deviendra définitivement esclave. […] ——— La gloire nous fait vivre pour toujours dans la postérité et l’amour pour un instant dans l’infini.

1573. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Sans chercher bien loin, dès l’instant où ses théories auraient acquis force de loi, que resterait-il debout, et d’Antony, et de la Tour de Nesle, et de Mademoiselle de Belle-Isle, et des Trois Mousquetaires, et du Comte de Monte-Cristo ? […] Je reste là quelques instants, Brisé, mais l’âme inassouvie, Promenant mon regard glacé Sur l’avenir et le passé64. […] — Le Journal Et pourtant, malgré ces tares innombrables, il émane des écrits des deux frères une impression esthétique réelle, dès l’instant où l’on a pu s’abstraire d’une composition en tous points vicieuse. […] En cet abîme, la vie, l’action, la nature, la matière, la pensée, la mort ne sont que la succession infinie des apparences, des formes irréelles, des songes chimériques, des idées ; l’homme qui sent, qui souffre, qui médite, qui espère, qui travaille, émerge un instant de rien pour retourner à rien, et se résume en un rêve engendrant d’autres rêves. […] Pour se convaincre du fait, il suffit de prendre ses Idylles prussiennes ; dans un sujet que de douloureux souvenirs rendaient tragique pour tous, là où des écrivains qui ne savaient ni leur prosodie ni leur langue avaient pu remuer un instant la sensibilité des vaincus, on voit le maître actuel de la versification française aboutir au plus complet des échecs, et à chaque page refroidir son lecteur par un étalage déplacé de sa miraculeuse adresse.

1574. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

L’expérimentateur, plus modeste, pose au contraire son idée comme une question, comme une interprétation anticipée de la nature, plus ou moins probable, dont il déduit logiquement des conséquences qu’il confronte à chaque instant avec la réalité au moyen de l’expérience. […] L’esprit de l’expérimentateur se distingue de celui du métaphysicien et du scolastique par la modestie, parce que, à chaque instant, l’expérience lui donne la conscience de son ignorance relative et absolue. […] Avant de procéder à un second pas, il doit s’assurer que le pied placé le premier repose sur un point résistant puis s’avancer ainsi en vérifiant à chaque instant par l’expérience la solidité du sol, et en modifiant toujours la direction de sa marche suivant ce qu’il rencontre. […] Si l’on se bornait à la seule preuve de présence, on pourrait à chaque instant tomber dans l’erreur et croire à des relations de cause à effet quand il n’y a que simple coïncidence. […] Il importe de revenir ici un instant sur la nature de ces difficultés, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le faire souvent dans mes cours20.

1575. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

« Les corps vivants, dit-il, ont en eux leur principe d’action qui les empêche de tomber jamais en indifférence chimique. » La définition tirée de ce caractère mérite de nous arrêter un instant. […] En voyant l’animal sortir de l’œuf et acquérir successivement la forme et la constitution de l’être qui l’a précédé et de celui qui le suivra ; en le voyant exécuter au même instant un nombre infini d’actes apparents ou cachés qui concourent, comme par un dessein calculé, à sa conservation et à son entretien, on a le sentiment qu’une cause dirige le concert de ses parties et guide dans leur voie les phénomènes isolés dont il est le théâtre. […] La vie active ou manifestée, quelque atténuée qu’elle puisse être, est caractérisée par les relations entre l’être vivant et le milieu ; relations d’échange telles, que l’être emprunte et restitue à chaque instant des matériaux liquides ou gazeux au milieu cosmique. […] La fixité du milieu suppose un perfectionnement de l’organisme tel que les variations externes soient à chaque instant compensées et équilibrées. […] Il y a donc des réserves préparées au moyen des aliments et à chaque instant dépensées en proportions plus ou moins grandes.

1576. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

car il paraîtrait qu’un instant, par manque « d’expériences », Bossuet avait failli dans ses condamnations, envelopper les sainte Catherine et les sainte Thérèse, voire les Taulère et les Ruysbroeck. […] À Dieu ne plaise, en vérité, que nous incriminions cette morale, ou que nous affections un seul instant une telle hypocrisie que de la regarder comme insuffisante pour l’usage de la vie ! […] Les Silvia de Marivaux et ses Flaminia, quand nous n’entendons d’elles que le son de leur nom, nous transportent un instant, — le court instant d’un rêve, — dans le même monde, à ce qu’il semble, que les Portia de Shakespeare et ses Miranda. […] Nous les aurions présentés sous un jour bien faux si vous pouviez un instant le croire. […] Si loin qu’il soit de la perfection, sans doute, et presque toujours hors d’une juste mesure, Diderot n’en est pas moins, par instants, l’un de nos grands écrivains.

1577. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Etre le parti le plus nombreux, l’emporter, vaincre à l’élection, c’est donc là le but où, sur toute la surface du pays, tendent toutes les volontés à chaque instant de chaque jour. […] Il me montre à chaque instant toutes les qualités qui me manquent et me désespère à l’idée de leur absence. » C’était une âme pure, ardente et frêle, toujours facilement repliée, comme celles qui se sentent blessées d’avance, tant elles sont sûres de l’être dès qu’elles se déploient ; mais ardente cependant, et d’autant plus, comme se rapprochant sans cesse de son foyer. […] Proudhon, quoique à chaque instant il institue une Philosophie de l’histoire, n’aime point, paraît-il, voir se dérouler sous ses yeux les faits historiques. […] Comme, sans cesse, presque du berceau à la tombe, nous sommes employés, en vertu d’un contrat écrit ou d’un contrat verbal, à quelque ouvrage, et qu’à chaque instant nous revendiquons le droit qui en résulte, nous croyons avoir toujours un droit dans notre main ; nous ne pouvons pas nous imaginer que nous soyons sans droit ; nous croyons être nés avec lin droit, ou avec plusieurs. […] A chaque instant, dans ce cas-là, il introduit une phrase de Sainte-Beuve sur le même sujet, une réflexion de Sainte-Beuve sur la même question, ou quelques vers de Sainte-Beuve sur la même affaire.

1578. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

En politique, Gui Patin a plus que des échappées : il semble dans un état d’opposition et de fronde continuelle, il blâme tout ; cela commence sous Richelieu et ne cesse pas un instant sous Mazarin.

1579. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Je lui ai bien dit les mêmes choses… Cependant Catinat semble un instant avoir une velléité d’attaquer, et il donne une espérance d’offensive.

1580. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Non, la tradition nous le dit, et la conscience de notre propre nature civilisée nous le dit encore plus haut, la raison toujours doit présider et préside en définitive, même entre ces favoris et ces élus de l’imagination ; ou si elle ne préside pas constamment et si elle laisse par accès courir la verve, elle n’est jamais loin, elle est à côté qui sourit, attendant l’heure prochaine et l’instant de revenir.

1581. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

savoir le grec, ce n’est pas comme on pourrait se l’imaginer, comprendre le sens des auteurs, de certains auteurs, en gros, vaille que vaille (ce qui est déjà beaucoup), et les traduire à peu près ; savoir le grec, c’est la chose du monde la plus rare, la plus difficile, — j’en puis parler pour l’avoir tenté maintes fois et y avoir toujours échoué ; — c’est comprendre non pas seulement les mots, mais toutes les formes de la langue la plus complète, la plus savante, la plus nuancée, en distinguer les dialectes, les âges, en sentir le ton et l’accent, — cette accentuation variable et mobile, sans l’entente de laquelle on reste plus ou moins barbare ; — c’est avoir la tête assez ferme pour saisir chez des auteurs tels qu’un Thucydide le jeu de groupes entiers d’expressions qui n’en font qu’une seule dans la phrase et qui se comportent et se gouvernent comme un seul mot ; c’est, tout en embrassant l’ensemble du discours, jouir à chaque instant de ces contrastes continuels et de ces ingénieuses symétries qui en opposent et en balancent les membres ; c’est ne pas rester indifférent non plus à l’intention, à la signification légère de cette quantité de particules intraduisibles, mais non pas insaisissables, qui parsèment le dialogue et qui lui donnent avec un air de laisser aller toute sa finesse, son ironie et sa grâce ; c’est chez les lyriques, dans les chœurs des tragédies ou dans les odes de Pindare, deviner et suivre le fil délié d’une pensée sous des métaphores continues les plus imprévues et les plus diverses, sous des figures à dépayser les imaginations les plus hardies ; c’est, entre toutes les délicatesses des rhythmes, démêler ceux qui, au premier coup d’œil, semblent les mêmes, et qui pourtant diffèrent ; c’est reconnaître, par exemple, à la simple oreille, dans l’hexamètre pastoral de Théocrite autre chose, une autre allure, une autre légèreté que dans l’hexamètre plus grave des poètes épiques… Que vous dirais-je encore ?

1582. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Et cependant la vérité est qu’il valait infiniment mieux que plusieurs de ceux qui servent à remplir notre superbe liste… » On saisit bien, dans la Correspondance de Marais avec le président Bouhier, l’instant où sa fièvre lente eut un redoublement d’accès, et où il fut tenté de se mettre sur les rangs.

1583. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Le mariage, un petit commerce qu’elle tenait, qu’elle tient encore (celui de grainetière), ne l’ont pas détournée un seul instant de sa voie ; elle eut des devoirs et des difficultés de plus : voilà tout.

1584. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

M.Mignet a plus fait pour Louis XIV que tous les panégyristes : il nous a ouvert l’intérieur de son cabinet et l’a montré au travail comme roi, judicieux, prudent dès la jeunesse, invariablement appliqué à ses desseins et ne s’en laissant pas distraire un seul instant, au cœur même des années les plus brillantes et du sein des pompes et des plaisirs.

1585. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Ils font, sans trop s’inquiéter ni se rendre compte de leurs moyens de faire ; ils ne se replient pas à chaque heure de veille sur eux-mêmes ; ils ne retournent pas la tête en arrière à chaque instant pour mesurer la route qu’ils ont parcourue et calculer celle qui leur reste ; mais ils marchent à grandes journées sans se lasser ni se contenter jamais.

1586. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

C’est par elle qu’il existe encore des instants où tous ces hommes si bas, tous ces calculs si vils disparaissent à nos regards.

1587. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

. — Même dans la comédie, qui, de parti pris, peint les mœurs environnantes, même chez Molière si franc et si hardi, le modelé est incomplet, la singularité individuelle est supprimée, le visage devient par instants un masque de théâtre, et le personnage, surtout lorsqu’il parle en vers, cesse quelquefois de vivre, pour n’être plus que le porte-voix d’une tirade ou d’une dissertation372.

1588. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

. — Vous penchez sa tête un peu en arrière et vous redressez son échine, « aussitôt sa contenance prend l’expression de l’orgueil le plus vif, et son esprit en est manifestement possédé… » En cet instant, « courbez sa tête en avant, fléchissez doucement son tronc et ses membres, et la plus profonde humilité succède à l’orgueil ».

1589. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

C’était par conséquent l’idiome le plus lyrique qu’un poète pût trouver tout préparé pour lui ; car tout homme inspiré était prophète, tout le peuple était chœur, et Jéhova lui-même prenait la parole à chaque instant, souverain poète qui parlait par le tonnerre et l’éclair dans les nuées.

1590. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Si quelque chose au moins peut alléger ma douleur, c’est que tu me restes, ô mon frère, toi que j’honorerai toujours comme le père que j’ai perdu : tu commanderas, et je me ferai un devoir de t’obéir ; tes ordres me feront toujours un plaisir inexprimable : éprouve-moi, commande, je n’hésiterai pas un instant.

1591. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Pareillement, notre homme de Champagne ne croit pas un instant aux bêtes qui parlent, ni aux services et société commune des bêtes et des hommes.

1592. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Mais, même au temps où il apprivoisait son âme à ce fâcheux objet, il n’a eu ni violent désespoir ni pessimiste mélancolie : la mort lui rendait la vie plus chère, voilà tout, et chaque instant prenait un prix infini, contenait un infini de délices, par la pensée qu’il pouvait être le dernier.

1593. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Une enfance sans parents, un mariage sans tendresse, un mari qui la trompe, la ruine, et se fait tuer pour une autre, la laissant veuve en pleine jeunesse, en pleine beauté, avec deux enfants à élever ; ces enfants à peine élevés, les craintes pour le fils qui va à l’armée, le désespoir surtout de perdre la fille qui suit son mari à l’autre bout du royaume, et dès lors de longues séparations qui remplissent tous ses jours d’inquiétude, de brèves réunions où sa tendresse, irritée et froissée à tout instant, envie les tourments de l’absence ; la fortune qui s’en va, l’argent difficile à trouver, le dépouillement, lent et douloureux, pour payer les fredaines du fils, l’établir, le marier, mais surtout pour jeter incessamment dans le gouffre ouvert par l’orgueil des Grignan ; une petite-fille à élever, tant de veilles, de soins, d’appréhensions, pour voir la pauvre Marie Blanche, ses petites entrailles, disparaître à cinq ans dans un triste couvent ; la vieillesse, enfin, triste avec les rhumatismes et la gêne : telle est la vie de Mme de Sévigné359.

1594. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Il faut qu’ils soient à chaque instant tout ce qu’ils sont, bien qu’il en aille autrement dans la réalité.

1595. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Pour l’instant, l’indépendance, le goût de l’art sans pédanterie, s’opposent heureusement, dans l’histoire et la critique littéraires, à l’exposé théorique, au dogmatisme universitaire.

1596. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

À défaut de cette présence continuelle et sans sommeil de la conscience, avertissant chacun et à chaque moment de la moralité de ses actions, et prévenant ainsi la chute, il institua une sorte de conscience extérieure et publique dans la personne de censeurs des mœurs, lesquels s’introduisaient dans les maisons à tous les instants du jour et principalement aux heures des repas, alors que les plus rigides se relâchent, et que la sainteté des élus courait quelque risque.

1597. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il n’a manqué à Montesquieu que de regarder quelques instants de plus.

1598. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Cette incertitude se trahit à chaque instant dans un ouvrage de d’Alembert, que rendent d’ailleurs agréable la diversité des sujets et le mélange de la biographie et de la critique, les Éloges des membres de l’Académie française.

1599. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Le monde s’étonne, et eux-mêmes, s’étonnent, peut-être, plus encore de ces réflexes qui les poussent, à chaque instant, à détourner la tête vers les brumes du passé : Où rêvent, fraternels, les éphèbes antiques Et Narcisse au grand cœur qui mourut de s’aimer, Eux-mêmes ne s’expliquent guère cette obsession à rouvrir : L’Ère auguste des dieux et des amours bizarres, « Bizarres »,, c’est le désaveu qu’ils jugent prudent de s’infliger.

1600. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

J’imagine, du reste, que l’étude scientifique et expérimentale de l’éducation des races sauvages deviendra un des plus beaux problèmes proposés à l’esprit européen, lorsque l’attention de l’Europe pourra un instant se détourner d’elle-même.

1601. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Mill répond : que la bataille entre les motifs contraires n’est point décidée en un instant ; que leur conflit peut durer quelquefois très longtemps, et que quand il a lieu entre des sentiments violents, il épuise d’une façon extraordinaire la force nerveuse.

1602. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

J’avoue que si j’avois eu la témérité de décrier de tels Hommes & les Auteurs vivans qui ont marché sur leurs traces, je maudirois l’instant où j’ai pris la plume, je ferois amen de honorable d’avoir outragé les hommes qui font le plus d’honneur à notre Nation ; mais, au contraire, j’ai loué ces mêmes Hommes, j’ai parlé de la supériorité de leurs talens & du bon usage qu’ils en ont fait ; je les ai vengés du ton de mépris que les Philosophes ont souvent employé en parlant de leurs Ecrits.

1603. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

En un instant le patriotisme a envahi, en elle, l’amour de la sœur. — « N’allez pas chez Monsieur ! 

1604. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Il trouvait « qu’une dose d’adversité, est quelquefois salutaire » ; mais cette dose n’opérait sur lui que par instants, et elle ne le guérissait point à fond.

1605. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Il a été un instant malade : « Oui, nous dit-il, car pour moi il n’y a pas d’autre mal que la crainte de la maladie, et je l’ai eue.

1606. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

C’est celui-ci, qui arrive chez Giraud, examine l’effraction, et dit : « Ça, c’est un maçon… et c’est un limousin. » Puis au bout de quelques instants de réflexion : « Et c’est un tel. » C’est celui-là qui arrive chez un autre monsieur volé, lui demande à voir les gens de service, adresse à l’un cette question : — Est-ce que je ne vous ai pas vu à l’estaminet du Helder ?

1607. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Pendant que, du côté de l’engloutissement, de plus en plus penchante au gouffre, la flamboyante pléiade des hommes de force descend, avec le blêmissement sinistre de la disparition prochaine, à l’autre extrémité de l’espace, là où le dernier nuage vient de se dissoudre, dans le profond ciel de l’avenir, azur désormais, se lève éblouissant le groupe sacré des vraies étoiles : Orphée, Hermès, Job, Homère, Eschyle, Isaïe, Ézéchiel, Hippocrate, Phidias, Socrate, Sophocle, Platon, Aristote, Archimède, Euclide, Pythagore, Lucrèce, Plaute, Juvénal, Tacite, saint Paul, Jean de Pathmos, Tertullien, Pelage, Dante, Gutenberg, Jeanne d’Arc, Christophe Colomb, Luther, Michel-Ange, Kopernic, Galilée, Rabelais, Calderon, Cervantes, Shakespeare, Rembrandt, Kepler, Milton, Molière, Newton, Descartes, Kant, Piranèse, Beccaria, Diderot, Voltaire, Beethoven, Fulton, Montgolfier, Washington ; et la prodigieuse constellation, à chaque instant plus lumineuse, éclatante comme une gloire de diamants célestes, resplendit dans le clair de l’horizon et monte, mêlée à cette immense aurore, Jésus-Christ !

1608. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Le cabinet, les conseils, les audiences, les devoirs de toute sorte, les soucis, les affaires, les plaisirs qui sont des affaires, suffisent et au-delà pour absorber tous ses instants.

1609. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Il n’était pas seulement un livresque, il était un actualiste, si vous me permettez d’unir un instant ces deux mots, dont l’un est un archaïsme et l’autre un néologisme.

1610. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Je ne voudrais pas que vous crussiez pour un instant que je suis antiromantique.

1611. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

                          Ces hommes-là s’en vont calmes et radieux, Sans quitter un instant leur pose solennelle, Avec l’œil immobile, et le maintien des dieux.

1612. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Pour l’instant, les Muses, un peu effarouchées, ont fui vers les hauteurs inaccessibles d’où les sages interrogent les perspectives mystérieuses de l’avenir. […] Il éprouva, dans cet instant, l’émotion que ressent un amoureux lorsqu’il rencontre une ancienne maîtresse dont il se croyait abandonné. […] ils ne doutent plus », disent, à chaque instant, les deux amants des Abruzzes. […] Pas moyen d’oublier un seul instant notre faiblesse et nos disgrâces. […] Sa mère doit le savoir. » Quelques instants après, je faisais allusion à un article de critique littéraire, paru récemment dans le Times.

1613. (1897) Aspects pp. -215

Qu’il soit plus fructueux de flatter la niaiserie et la paillardise, je n’en doute pas un seul instant. […] Avez-vous davantage cure des opinions de Doumic quand il délaisse un instant tant d’hommes remarquables, pour tenter des jugements sur la littérature vivante ? […] Il oublie que si des conflits éclatent à chaque instant entre nos salariés et les salariés appelés de l’étranger, la faute en est aux industriels patriotes qui, désireux de diminuer le prix de la main-d’œuvre, suscitent des concurrences mortelles, s’adressent, au détriment de leurs nationaux, à de pauvres diables, chassés de leur pays par la faim et qui travaillent à n’importe quelle condition. […] Il faut qu’on le sache ; on ne le répétera jamais trop souvent : c’est avec désespoir que les jeunes gens entrent dans l’armée ; c’est avec désespoir, c’est par la crainte du code qu’ils y restent ; c’est à cause d’un ennui méphitique dont nul autre ennui ne peut donner l’idée qu’afin d’oublier un instant le joug, ils se livrent à des ribotes furieuses, et à des brutalités de sauvages contre les « civils » et les lamentables putains avec qui un mauvais sort pareil au leur les accouple. […] Dans ce cas, il faut savoir gré au signataire de l’article d’avoir oublié, un instant, d’être « bien parisien » pour redevenir un homme sain — sans s’illusionner sur la durée de cette éventuelle probité.

1614. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

C’est pour un instant, et par un élan isolé, qu’il est entré dans la grande observation et dans la véritable étude de l’homme ; il ne pouvait s’y tenir, il ne s’y est point assis, il n’y a fait qu’une promenade poétique, et personne ne l’y a suivi. […] Sous un tel régime, l’imbécillité apparaît vite : saint Thomas lui-même examine « si le corps du Christ ressuscité avait des cicatrices, si ce corps se meut au mouvement de l’hostie et du calice pendant la consécration, si au premier instant de sa conception le Christ a eu l’usage du libre arbitre, si le Christ a été tué par lui-même, ou par un autre. » Vous vous croyez au bout de la sottise humaine ?

1615. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Le parti fut accepté ; et, la mère s’étant retirée, l’amant essuya les yeux de sa maîtresse et fit le mariage en un instant. […] C’était le signal pour les jeux et pour les combats, et, au même instant, les lutteurs, les gladiateurs et les escrimeurs se prirent ensemble.

1616. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Une figure qui, sous le dessous d’une figure de courtisane encore en âge de son métier, a cent ans, et qui prend, par instants je ne sais quoi de terrible d’une morte fardée. […] Une batterie française, aux portes de Paris, avait devant elle du brouillard ; et des formes à peine visibles se montraient, un instant, dans ce brouillard, tiraient et disparaissaient, en se jetant à plat ventre au milieu de broussailles.

1617. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Le rôle du corps   Nous allons feindre pour un instant que nous ne connaissions rien des théories de la matière et des théories de l’esprit, rien des discussions sur la réalité ou l’idéalité du monde extérieur. […] Car elles ne se conservent que pour se rendre utiles : à tout instant elles complètent l’expérience présente en l’enrichissant de l’expérience acquise ; et comme celle-ci va sans cesse en grossissant, elle finira par recouvrir et par submerger l’autre.

1618. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Un histrion grimé peut duper un instant la foule avec des gestes de mensonge, il peut simuler la force et faire croire qu’il crée quelque chose en édifiant des châteaux de cartes ; mais, s’il n’est pas un véritable artiste, il ne créera rien, car la création, pour l’artiste comme pour la mère qui enfante, est une œuvre de vérité et une œuvre d’amour. […] Elle devient au contraire capitale dès l’instant où il veut être compris, où il veut émouvoir les autres âmes.

1619. (1930) Le roman français pp. 1-197

C’est par la musique qu’il est devenu tout naturellement internationaliste aussi convaincu que Barrès était nationaliste, et presque au même instant — quelques années de retard seulement. […] Sensibilité plus violente, peut-être plus de pessimisme exaspéré chez Octave Mirbeau, marqué aussi par le naturalisme, un naturalisme où se mêle encore l’influence des Goncourt, et même des plus vieux thèmes romantiques comme dans L’Abbé Jules ou Le Jardin des supplices, dans lequel un mysticisme à rebours, satanique, fait conquérir — un instant — par l’héroïne la pureté, l’innocence baptismale par le spectacle des plus atroces souffrances — chez les autres — et l’assouvissement, dans le stupre, des désirs que ce spectacle a suscités en elle… On dirait du Baudelaire pour femme de chambre, titre d’ailleurs d’un de ses romans. […] Ce sera Le Trust, qui souhaite révéler la puissance de l’Argent, et ses limites ; les romans militaires et historiques, La Force, L’Enfant d’Austerlitz, La Bataille d’Uhde, Au Soleil de juillet, puis La Ville inconnue, glorifiant les chefs, les conquérants de terres nouvelles, les fondateurs du colonialisme… Ces chefs sont illustres un instant, ils meurent, et la race survit. […] Il est assiégé de larves impures, sa lutte est de tous les instants. […] Par instant il se réveille de ce rêve, s’en souvenant à moitié : il lui paraît alors beaucoup plus absurde.

1620. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Pas un instant, elle ne cède au repos, Elle n’accueille point la nuit tranquille sur ses paupières ou en sa poitrine lasses. […] Thiodolf ne leva pas un instant les yeux vers le ciel, ni vers les arbres, en parcourant le sol semé de cosses, que formait la pelouse, mais ses yeux regardaient droit devant lui, vers le point qui formait le centre de la pelouse. […] Ce genre de thèses politiques, de prophéties après coup, se retrouve à chaque instant dans le livre de M.  […] Ô yeux qui m’ont reconnu un instant à mon arrivée, et se sont éclairés et ont battu d’affection ; et l’instant d’après ont été éteints par ma main !

1621. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Dire qu’il a passé la meilleure partie de ses jours périssables à se montrer, et cela malgré la fatigue, la maladie, les migraines, les coliques et la fistule que vous savez, et qu’il n’a jamais eu un instant de défaillance ! […] Or, il était, hier soir, plus bruyant et plus agité encore que de coutume, et je ne me suis pas fâché un instant. […] Rien des passions violentes que vous simulerez tous les soirs, en vous conformant honnêtement aux « traditions » de chaque rôle, n’aura troublé un instant votre vie réelle. […] Un seul bruit, bizarre et sec, bruit de crécelle, de roue dentée : cra cra … cra cra cra… À chaque instant, et de tous les côtés à la fois, j’entends ce léger grincement.

1622. (1899) Arabesques pp. 1-223

En 1894 et en 1895, je fus tout seul… Tout seul, non : une amitié fidèle ne m’abandonna pas un seul instant : celle de M.  […] Si tu te relèves, pour recevoir à la face la pluie chaude que des nuées voyageuses versent par instants, tu verras l’atmosphère resplendir de toutes les couleurs du prisme, des pétales neigeront dans tes cheveux et l’odeur des vergers en folie te grisera comme un vin d’allégresse et de santé. […] Ce furent des instants de lucidité profonde, grâce auxquels je me sentais meilleur et plus fort, — confirmé dans l’idéal que j’ai conçu. […] Il souffre s’il lui faut quitter, même pour un instant, les sphères de l’abstrait. — Tel est, du moins, l’aspect sous lequel il désire être connu.

1623. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

il se trouve que cet affreux mari n’est pas aussi noir, aussi blasé, aussi sceptique qu’il en a l’air, et qu’après avoir pensé, parlé et agi comme un roué du dix-neuvième siècle (les plus pitoyables de tous), il vient un instant où il pense, parle et agit comme M.  […] Telle fut du moins, à Ouglitch, l’opinion générale, et elle éclata avec tant de violence, que, peu d’instants après la mort du jeune prince, les habitants d’Ouglitch, ayant à leur tête la tzarine, folle de douleur et de colère, massacrèrent tous ceux qui, de près ou de loin, passaient pour appartenir à Boris. […] Il est dur au vieillard dont la tête glacée Perd, d’instant en instant, un rayon de pensée, De voir étinceler sur son front assombri Ce ciel, qui d’un rayon n’est jamais appauvri ! […] À dater de cet instant décisif, sa vie devient un peu plus profane, et son historien se fait profane avec elle. […] Des gens qui ne daigneraient pas s’arrêter un instant à la prose et aux vers de nos plus fins romanciers et de nos meilleurs poëtes, qui traitent de frivolités malsaines ou maladives tout ce qui s’écrit aujourd’hui, s’extasient devant un sonnet de Benserade ou de Voiture, un quatrain de Sarrasin ou de Bois-Robert, un madrigal de Godeau ou de Ménage ; et même, tant est grande cette idolâtrie du passé !

1624. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Dans les lignes que nous venons de citer on reconnaît le prêtre, qui, pour quelques instants, donne congé au philosophe, quitte à le rappeler dès que sa déclaration de principe l’aura mis hors du danger d’être taxé d’impiété. […] Et lors même qu’enfin on parviendrait à le démêler et à le reconnaître dans un acte qui, au premier instant, lui paraissait étranger et même contradictoire, on devrait conclure, ce me semble, de ce qui se trouve de bizarre et d’arbitraire dans l’application, qu’au point de départ même, ce sentiment était plus ou moins affaibli ou dénaturé ; car s’il eût été entier et sain, il se fût lui-même imposé sa forme et l’eût conservée. […] Le doute de Descartes est sage ; il est provisoire ; bien loin de satisfaire son âme, il lui est à charge, et Descartes voit arriver avec joie l’instant où il pourra échanger son doute contre des convictions fortes et durables. […] À chaque instant, on est frappé, on s’étonne, on se récrie ; mais au sortir du livre, on ne se sent pas instruit. […] Comme la pierre, en tombant dans l’eau, s’entoure d’un cercle médiocre, puis d’un plus grand, et d’un plus grand encore, jusqu’à un point où l’œil n’atteint plus, ainsi tombe chacune des maximes dans l’esprit du lecteur attentif : le point devient en peu d’instants une vaste circonférence.

1625. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Les hommes sortent du néant et y retournent : la mort est un grand lac creusé au milieu de la nature ; les vies humaines, comme autant de fleuves, vont s’y engloutir… Profitons donc du peu d’instants que nous avons à passer sur ce globe pour connaître au moins la vérité. […] Ou bien, dans l’instant même où nous goûtons le plaisir, nous le sentons éphémère, et, au milieu de la fuite de tout, nous désirons ce qui ne passerait pas. […] Mais il est clair que ce n’est pas la foi d’un chrétien sérieux, celle qui tient tout l’homme, même quand il pèche ; qui est toujours présente à son esprit, qui est l’essentiel de sa vie, qui façonne à chaque instant ses sentiments et sa conduite. […] À chaque instant, il nous rappelle qu’il est un très grand voyageur et qu’il a été au Canada. […] Les événements variés et les formes changeantes de ma vie entrent ainsi les uns dans les autres : il arrive que, dans les instants de mes prospérités, j’ai à parler du temps de mes misères, et que, dans mes jours de tribulation, je retrace mes jours de bonheur.

1626. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Il est l’homme des systèmes philosophiques tracés en grandes lignes brillantes, sans consistance, montant au ciel comme des fusées et retombant de même, après une illumination d’un instant. […] Encore une fois, je n’attache pas une grande importance à une observation si générale et d’ordre, pour ainsi parler, négatif ; mais enfin que Dieu, qui pouvait y tenir une place, si petite qu’elle fût et qu’elle dût être, soit absolument absent du théâtre courant de Molière, du théâtre de Molière, les deux pièces où la question religieuse est abordée mises à part ; et que tout ce théâtre courant soit dominé par la seule idée du bon sens humain se suffisant à lui-même et seul appui et seul recours : c’est une chose qui ne laisse pas d’avoir peut-être un peu de signification et qu’il fallait considérer un instant. […] Un Dieu était venu sauver les hommes ; l’infini divin s’était mêlé un instant aux contingences humaines ; la loi qu’il avait dictée à quelques disciples allait être et devait rester l’intangible enseignement qu’aucune autre doctrine ne pourrait venir remplacer, qu’aucune autre leçon ne devait même atténuer ou expliquer. […] Et, tout au fond, vous le savez bien. « Je ne veux pas de la liberté des autres ; je veux être libéral moi-même. » Naïveté ou hypocrisie, c’est un joli mot de comédie, que personne ne prendra un instant au sérieux. […] Waldeck-Rousseau, très mal accueilli à la Chambre lors de la constitution de son ministère, par suite de la double bizarrerie qu’il avait eue de mettre dans son ministère un socialiste pour irriter le centre et le général de Galliffet pour exaspérer la gauche, entreprend tout aussitôt sa campagne anticongréganiste pour se faire une popularité et s’en fait une, en effet, en moins d’un instant ; et un ministère qui avait l’air de devoir durer deux semaines dure trois ans, uniquement sur la question anticléricale.

1627. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Les lettres qu’on a de Goethe, adressées à Kesfner pendant les mois qui suivent l’instant de la séparation, nous le prouvent aussi, tout en nous donnant assez bien la mesure de cette espèce de culte d’imagination et de tendresse idéale, mystique, pourtant domestique et familière, mêlée de détails du coin du feu.

1628. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Il a hésité quelques instants ; enfin il m’a embrassé d’abord et a embrassé ensuite M. 

1629. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Les qualités morales d’Horace Vernet pourraient gagner à être observées à ce demi-jour des dernières années et du déclin ; mais le public, en général, demande moins à l’artiste des vertus que des preuves de talent, et l’instant est venu d’ailleurs de nous séparer de lui.

1630. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il est vrai que nul autre que vous n’eût été capable d’une telle analyse… » — L’auteur de la lettre touche ici à un point d’une délicatesse extrême, où il trouverait des contradicteurs, dont la confidence est venue un instant embarrasser et presque intimider l’éditeur de ces articles et de ces notes : voulant tenir compte de toutes les opinions sérieuses, il n’a pu répondre à des objections d’un esprit sensé et lettré, — d’un très honorable et très respecté professeur de l’Université, — que cette publication continue de la biographie par lettres de Mme Valmore n’avait précisément pas paru intéresser dans un journal politique quotidien, — qu’en montrant à son sage et prudent avertisseur et interlocuteur le grand nombre d’adhésions que M. 

1631. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Il faut, à chaque instant, justifier de son droit et de son privilège en étendant sa vue, en découvrant ce qui se fait ou se tente de remarquable alentour, en ne s’enchaînant pas à des doctrines métaphysiques ou littéraires inflexibles, en s’associant, sans se faire trop prier, toute intelligence supérieure et ornée, toute imagination puissante et féconde, de quelque bord qu’elle vienne ; en n’étant point des derniers à reconnaître l’avènement des talents chers au public et applaudis, en témoignant à l’occasion de l’estime à ceux mêmes qui ne sont pas de l’ordre académique, et qui comptent pourtant dans la grande confrérie des Lettres ; en n’affectant pas absolument de les ignorer.

1632. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Les physiciens, les astronomes, les navigateurs observent et notent à chaque instant les variations de l’atmosphère, la latitude, les étoiles.

1633. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

On comprendra, d’après de telles circonstances, comment celui des philosophes du siècle qui sentit et pratiqua le mieux la moralité de la famille, qui cultiva le plus pieusement les relations de père, de fils, de frère, eut en même temps une si fragile idée de la sainteté du mariage, qui est pourtant le nœud de tout le reste ; on saisira aisément sous quelle inspiration personnelle il fit dire à l’O-taïtien dans le Supplément au Voyage de Bougainville : « Rien te paraît-il plus insensé qu’un précepte qui proscrit le changement qui est en nous, qui commande une constance qui n’y peut être, et qui viole la liberté du mâle et de la femelle en les enchaînant pour jamais l’un à l’autre ; qu’une fidélité qui borne la plus capricieuse des jouissances à un même individu ; qu’un serment d’immutabilité de deux êtres de chair à la face d’un ciel qui n’est pas un instant le même, sous des antres qui menacent ruine, au bas d’une roche qui tombe en poudre, au pied d’un arbre qui se gerce, sur une pierre qui s’ébranle ? 

1634. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Mais la Révolution a donné bec et ongles à la petite bourgeoise et, un instant après, elle lui dit avec son plus beau sourire : « Voulez-vous du poulet, mon cœur ? 

1635. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

La tension électrique était telle qu’à de certains instants le premier venu, un inconnu, éclairait.

1636. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Je les vis entrer, peu d’instants après, l’un et l’autre dans ma chambre, et de ce jour l’abbé et moi nous fûmes liés.

1637. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Notre littérature, moins mondaine, ou notre monde, moins poli, ne s’effarouchent pas du débraillé : le public d’honnêtes gens auxquels s’adressaient nos classiques, maintenait dans les écrits une sorte de réserve aristocratique, d’une simplicité très raffinée, au moyen de laquelle on pouvait tout faire entendre, mais qu’on n’avait pas le droit de rejeter un seul instant.

1638. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Là, la nature est à peu près maîtresse, et cet équilibre de toutes les facultés, que j’admire dans nos grands écrivains, y est à chaque instant rompu.

1639. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Sur ce dernier point surtout, il est très abondant, et il tire à chaque instant son discours sur les blessures faites à sa vanité.

1640. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

IV À l’Instant auroral, Hymne vague d’éveil Où les flûtes de Tout modulent leurs murmures, L’âme des violons sourdant sous les ramures.

1641. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Cela est du plus bel art, et la musique s’y révèle si colorée, si parlante, — si dramatique par instants — que l’on rêve une trame poétique à cette étrange symphonie, et que l’on maudit une fois de plus le stupide aveuglement de certaines personnalités qui ferment à M. 

1642. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Nous ne pouvons avoir deux sensations exactement semblables au même instant exactement : la simultanéité des deux sensations empêche de les distinguer.

1643. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Le Chœur hésite un instant : doit-il se réjouir de la victoire qui délivre Thèbes, ou pleurer la mort de ses rois ?

1644. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Or, Chamfort, dans ses pensées, crache à chaque instant le mépris, d’une façon crue et cynique : « L’homme est un sot animal, si j’en juge par moi », dit-il.

1645. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Dès cet instant la perfectibilité de l’homme est arrêtée ; et ses efforts détournés, au lieu d’accroître ses connaissances et ses jouissances sur la terre, sont transportés et égarés dans les cieux.

1646. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Que je ferme les yeux, que je m’absorbe dans une rêverie profonde, que je me rappelle fortement les circonstances dans lesquelles j’ai reçu un coup, je pourrai finir par me persuader un instant que je le reçois, plus ou moins fort ; je pourrai tressaillir comme si on me frappait encore.

1647. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Et un instant, nous agitons si nous ne devrions pas penser et écrire absolument pour nous, laissant à d’autres le bruit, l’éditeur, le public.

1648. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Molière le savait mieux que personne ; et, tantôt, comme s’il eût rougi de s’être oublié un instant, écoutez-le poser les bases de la critique.

1649. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

La parole extérieure, jetée dans l’âme par la sensation, s’est trouvée être une semence féconde, parce que l’attention l’a fécondée, et parmi les mobiles de l’attention, parmi les désirs, les besoins, les tendances de l’âme, l’analogie de l’âme et du son doit figurer en première ligne : si nous sommes séduits à chaque instant à maintenir l’union de fait, de la parole et de la pensée, ce n’est pas seulement parce qu’elle est utile ou commode à l’entendement [ch.

1650. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Risum teneatis… Guenille de Christianisme quand il parle de la nécessité d’un « médiateur » entre les hommes, — mot et idée de la langue chrétienne, plus forte que la bouche qui la parle sans la comprendre, — mais, presque au même instant, guenille de paganisme aussi quand il ajoute que le « médiateur » des temps modernes c’est le jeune homme, et uniquement parce qu’il est un jeune homme, et non pour une raison plus haute que son éphémère juvénilité !

1651. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Le Dr Pusey, qui un instant a partagé cette coupe de l’injure pour la lancer à la face de l’Église, épouse de Jésus-Christ, le Dr Pusey a renoncé à ces attaques violentes, inspirées beaucoup plus par ses préjugés d’éducation que par sa belle âme, juste comme la science et pure comme la lumière.

1652. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Les tirades de conversation enfilées ici s’enfilent au même instant dans tous les salons de Paris, et les mêmes plaisanteries y font risette.

1653. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Pour l’instant, on n’entend guère que lui.

1654. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Or, la réflexion philosophique nous impose cette certitude, que les rapports de la vie et de la littérature sont constants, de tous les instants et de tous les individus.

1655. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

À l’aide de ce modèle tout intérieur, de cet idéal, l’artiste corrige à chaque instant ce qu’il a sous les yeux, au lieu de le calquer servilement. […] Il avait éprouvé devant plusieurs de ses amis quelques-uns de ces phénomènes de double vue qui rendent présent au regard un objet éloigné et condensent tour à tour la succession des sensations et des idées dans un instant inappréciable, et la succession des heures dans la permanence d’un seul sentiment. […] La raison humaine devient un instant pareille chez l’artiste à ce qu’elle est dans le Créateur, dans cet esprit qui ne saurait rien concevoir en dehors des lois de l’être et qui donne l’être à tout ce qu’il conçoit. […] Pourquoi ces invocations à chaque instant ramenées du poète à la Muse, à la déesse nourricière, au dieu paternel ? […] Mais dans la vie mortelle, dans cet incessant combat, l’harmonie nous apparaît à chaque instant troublée par des luttes, par un désordre plus réel que les cataclysmes qui nous ont épouvantés dans l’univers.

1656. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

D’ailleurs la nature ne nous montre-t-elle pas à tout instant de semblables disparates ! […] & de bien connoître la maladie ; mais comment veut-on qu’un médecin qui arrive à la hâte chez un malade qu’il n’a jamais vu, & chez lequel il ne peut rester qu’un instant, soit en état de prononcer sur l’état du malade ? […] Instant merveilleux pour un docteur à la mode, il ouvre le chapitre des vapeurs, & sur l’agacement des nerfs il raconte les histoires les plus agréables. […] On les vit, au même instant, braves, poltrons, & non moins ridicules dans leur courage que dans leur lâcheté ; car tout dépend de l’à-propos, & il en est de certaines vertus, comme des fleurs qui ont leur saison. […] Ne sait-on pas que nous ne sommes jetés sur cette terre que pour quelques miserables jours, que ce que nous appelons possessions, nous en sommes dépouillés dans un instant ; qu’enfin, la mort vient à toute heure chasser l’homme de sa maison, ne lui laissant, pour tout héritage, ou plutôt pour un simple prêt, que cinq ou six misérables pieds de terre, où il se dissout de maniere à laisser croire qu’il n’a jamais existé.

1657. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

L’auteur se promène dans la Rome des empereurs sans hésiter un instant, du quartier de Suburre au mont Capitolin. […] Leconte de Lisle, qui est comme le soleil central de ce système poétique et autour duquel gravitent des astres implanés assez nombreux, sans compter les comètes vagabondes un instant influencées et bientôt reprenant leur ellipse immense à travers le bleu sombre, se présente avec cinq ou six pièces qui caractérisent bien les notes diverses de son talent. […] Les rayons, les souffles, les sonorités, les couleurs, les formes modifient à tout instant l’état d’âme du poëte. […] En attendant, le succès d’Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée recommençait celui du Caprice ; et, comme tout succès ne manque pas de faire souche, en un instant proverbes et saynètes de fleurir. […] Dès cet instant, un poids tombe de toutes les poitrines.

1658. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

C’est tellement frappant que j’eus un instant l’idée d’épingler cela en tête de ma Loi de constance intellectuelle. […] Si nous cessions un instant de croire pratiquement au libre arbitre, nous cesserions aussitôt d’agir. […] Mais non, vous taisez vos secrets, vous, et c’est à peine si, en lisant ces lignes, vous laisserez le reflet d’un sourire intérieur luire un instant dans vos yeux innocents, ironiques et calmes. […] Elles ont agi toute la journée ; elles n’ont pas gardé pendant un seul instant l’immobilité complète de tout le corps. […] » Ce n’est qu’après coup que l’on a réussi à utiliser la Tour Eiffel ; elle ne fut d’abord qu’un exercice de hauteur, une Alpe bénigne opposée à l’Alpe homicide, une montagne mécanique où un treuil, dans l’instant, vous mène aux sommets.

1659. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Ce jour-là donc « Molière, se trouvant tourmenté de sa fluxion beaucoup plus qu’à l’ordinaire, fît appeler sa femme, à qui il dit, en présence de Baron : Tant que ma vie a été mêlée également de douleur et de plaisir, je me suis cru heureux ; mais aujourd’hui que je suis accablé de peines sans pouvoir compter sur aucuns moments de satisfaction et de douceur, je vois bien qu’il me faut quitter la partie ; je ne puis plus tenir contre les douleurs et les déplaisirs, qui ne me donnent pas un instant de relâche. […] Un instant après il lui prit une toux extrêmement forte, et après avoir craché il demanda de la lumière.

1660. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

. — Nous admettons que, si deux masses s’attirent, c’est en vertu d’un caractère plus simple et plus général, inclus dans le groupe des caractères qui constituent ces masses, tel que serait une impulsion incessamment répétée, laquelle à chaque instant surajouterait un effet à l’effet précédent, ce qu’on exprime en disant que l’attraction est une force dont l’action n’est pas instantanée mais continue, ce qui permet de concevoir la vitesse de la masse tombante comme la somme de toutes les vitesses acquises depuis le premier instant de sa chute, ce qui a conduit quelques physiciens à expliquer l’attraction de deux masses par la poussée continue d’un éther environnant. — Nous admettons que, si l’oxygène présente tels ou tels caractères, c’est en vertu de caractères plus généraux et plus simples qui appartiennent à ses éléments, et qui sont les masses, les distances, les mouvements intestins de ses atomes composants. — Nous admettons que, si un liquide sans forme s’organise en une cellule, c’est grâce aux réactions mutuelles et à l’état antérieur des particules très compliquées dont il est l’ensemble, et que, si autrefois notre nébuleuse est née, c’est grâce aux forces de ses molécules et à l’influence d’un état antérieur que, même par conjecture, nous ne pouvons nous représenter. — À nos yeux, dans tous ces couples, non seulement l’intermédiaire explicatif et démonstratif existe, quoiqu’il se dérobe à nos prises ; mais encore il est un caractère plus général et plus simple que la première donnée du couple, il est inclus en elle, il appartient à ses éléments, et les propriétés de cette première donnée, aussi bien que sa naissance, ont pour dernière raison d’être les caractères et l’état antérieur de ses derniers éléments.

1661. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Il semble à Pélagie apercevoir la chatte, passer comme un éclair dans l’escalier ; au bout de quelques instants, elle va voir, où elle peut être cachée, et elle la retrouve sur son séant, avec un ronronnement d’orgue, en contemplation devant une vitrine de poteries japonaises. […] En cet instant, il vit un tel bouleversement sur les traits du banquier, que rappelé au sang-froid, il lui dit : « Oh !

1662. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Elle est toute naturelle, et, qu’elle tende à ramener à ses origines et à son état primitif une religion existante, ou à rajeunir au contraire et ajuster aux temps nouveaux une religion existante, ou à établir franchement une religion nouvelle, on la trouve à tout instant dans l’histoire des religions ; mais vers 1810 elle a le caractère d’un atavisme. […] La collectivité vraiment féconde, il est très vrai, comme il l’a vu, que ce serait une collectivité libre, voulue de tout cœur à tout instant par tous ceux qui y participeraient, une collectivité qui ne serait créée que par la passion qu’aurait tout le monde de vivre collectivement. […] Il a compris, ce dont il me semble que bien peu se sont doutés de 1830 à 18481, que le suffrage universel serait conservateur : « Le besoin de l’ordre n’existe nulle part, excepté quelques courts instants de folie, à un aussi haut degré que dans les masses et particulièrement dans la population des campagnes.. […] A chaque instant, il nous en prévient avec la loyauté qui le rend si aimable : « Ceci n’est pas clair ; mais je ne puis pas tout dire à la fois ; cela s’expliquera plus tard. » Et cela ne s’explique jamais. […] Cent cinquante ans après Bayle, on est étonné un instant de rencontrer un homme qui a l’âme d’un ligueur ou d’un Théodore de Bèze, chez qui l’instinct religieux est assez profond d’abord, et ensuite assez excité, pour qu’il accepte Calvin tout entier, en le trouvant peut-être trop modéré, et qui, tranquille du reste, pontife grave, et écrivant solennellement de grands livres en beau style oratoire, fait son entretien ordinaire et son rêve cher des massacres de Moïse, de Mahomet, de Ziska et d’Henri VIII.

1663. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

A l’instant même il en effectua quelques-unes qui parurent mériter l’attention des spectateurs, & même celle du tribunal. […] A l’instant parut la troupe des Architectes. […] L’instant d’après le Dieu reprit son premier ton. […] Elle brûla pour lui comme il brûla pour elle ; Et dans un même instant, par les traits de leurs yeux, Tous deux furent vaincus, tous deux victorieux. […] C’est pourquoi l’Auteur ne saurait rentrer dans son sujet s’il en sort un instant.

1664. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

On a été sans comparaison mieux fondé à blamer la maniere dont Romulus se sauve des assassins dans l’instant de son sacrifice ; les circonstances que je raconte sont difficiles à imaginer, et elles ont le défaut du romanesque. […] Il falloit, ce me semble, couper ces trois scenes, après l’instant des reconnoissances, et faire survenir quelqu’acteur qui établit une scene nouvelle où le reste pût trouver sa place. […] Un instant va décider de mon innocence ou de ma perfidie ; et ma mort va vous venger d’un traître, ou les dieux vont vous rendre un fils digne de vous. […] Oüi sans doute : car un tableau ne doit représenter qu’un instant ; et deux événemens, deux lieux sont évidemment contradictoires à ce dessein.

1665. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il est bien vrai aussi que Phèdre, qui craint l’enfer, mais « qui se consolerait d’une éternité de souffrances si elle avait joui d’un instant de bonheur », ressemble souvent à une « chrétienne réprouvée ». […] Il se reconnaît tous les droits dans l’instant où il a besoin de les exercer. […]   Pour l’instant, ayant conquis le succès par une adroite concession au goût du jour, célèbre, triomphant, aimé du roi, très goûté d’Henriette d’Angleterre et de la jeune cour, — agressif, insolent, sensible d’ailleurs comme une femme, ivre du plaisir de vivre, tout à l’heure amant de cette charmante Du Parc, qui fut adorée de trois grands hommes, — débarrassé pour un temps, je suppose, des secrètes excommunications de la mère Agnès, — sentant sa force, libre désormais d’écrire exactement ce qu’il veut, — il prémédite cette neuve merveille d’Andromaque où il mettra toute sa sensibilité, son expérience et à la fois sa divination de la vie passionnelle, son audace mesurée et, déjà, tout son génie. […] Il fauche les rangs ennemis, égorge les deux rois alliés d’Argos, ses rivaux, et, l’instant d’après, épargne Nicandre, son troisième rival, afin d’être beau de diverses façons et, tour à tour, par sa fureur et par sa magnanimité. […] Victime d’une fatalité qu’elle porte dans son corps ardent et dans le sang de ses veines, pas un instant sa volonté ne consent au crime.

1666. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

« Que de générations, l’une sur l’autre entassées, dont l’amas Sur les temps écoulés invisible et flottant A tracé dans celle onde un sillon d’un instant ! 

1667. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Dubois, ne détourna pas un seul instant le journal de la ligne extrême où il était lancé ; vers cette fin de la lutte, toutes les pensées n’en faisaient qu’une pour la délivrance, il semblait même qu’il y eût dans cette rédaction du Globe des vues et des ressources d’avenir plus vastes qu’ailleurs.

1668. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

. — Maintenant parcourez la file des in-folios où se suivent de cinq ans en cinq ans les rapports des agents, hommes habiles et qui se préparent ainsi aux plus hauts emplois de l’Église, les abbés de Boisgelin, de Périgord, de Barrai, de Montesquiou ; à chaque instant, grâce à leurs sollicitations auprès des juges et du Conseil, grâce à l’autorité que donne à leurs plaintes le mécontentement de l’ordre puissant que l’on sent derrière eux, quelque affaire ecclésiastique est décidée dans le sens ecclésiastique ; quelque droit féodal est maintenu en faveur d’un chapitre ou d’un évêque ; quelque réclamation du public est rejetée102.

1669. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Lorsque dans les correspondances administratives on examine de près le grand filet fiscal, on découvre à chaque instant quelques mailles par lesquelles, avec un peu d’industrie ou d’effort, passent tous les poissons moyens ou gros ; le fretin seul reste au fond de la nasse.

1670. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

il faudrait pour cela que le monde fût immobile, et le monde change à tout instant.

1671. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

C’est l’instant où notre âme obtient sa récompense, Où le fils exilé rentre au sein paternel.

1672. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Pour peu qu’on ait l’âme réfléchissante, il y a de quoi s’arrêter à chaque instant et se mettre à penser sur ce qui se présente dans la vie. » Le 14 novembre.

1673. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

D’autres foiz escartant ces cruelles imaiges, Croy, m’enfonçant au plus dense des bois, Mesler des rossignolz aux amoureux ramaiges, Entre tes braz, mon amoureuse voix : Me semble oyr, eschappant de ta bouche rosée, Ces mots gentils que me font tressaillir ; Ainz voyds, au mesme instant, que me suis abusée, Et, souspirant, suis preste à desfaillir.

1674. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Les excuses et les défaites interrompent à chaque instant cette correspondance.

1675. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

L’art est analogue à l’observation : un art flou, souple, insinuant, enveloppant surtout, où l’expression à chaque instant diffuse ou entortillée finit par donner le sentiment des plus fines nuances.

1676. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Il y a apparence qu’il n’était pas, à tous les instants de sa vie, et dans les proportions énormes qu’on a vues, l’effrayant condottiere échappé de l’Italie du quinzième siècle.

1677. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

A la différence de Rabelais et de Calvin, qui sont emportés à chaque instant, l’un par son imagination, l’autre par les illusions du raisonnement, vers l’extrême limite de leur nature, Montaigne se tient comme au centre de la sienne.

1678. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Que penserait-on, si quelque dramaturge excentrique, au lieu de dérouler rigoureusement sa fiction en attribuant à ses héros le langage qui leur sied, rompait à tout instant sa trame en mettant des sonnets et des stances dans la bouche de ses personnages supposés agissants ?

1679. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Une surprise inattendue devait, un instant, ramener l’attention vers notre théâtre.

1680. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Puis des combats sont chantés d’un souffle qui ne se soutient pas mais qui par instants est singulièrement vaillant : même, une fois, en décrivant l’assaut de Delhi, Mauclair ajoute la couleur à ses dons ordinaires et la page est d’une poésie rouge et noire vraiment émouvante.

1681. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Quelque contraste qu’il y ait pour les yeux entre le départ soudain et l’immobilité apparente de l’instant précédent, l’un n’est, cependant que la continuation de l’autre.

1682. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Elle arrive au bas de l’escalier, où elle se repose un instant sur une chaise.

1683. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Au reste, on a discuté ce beau morceau, avec la dernière rigueur, dans la dernière édition de Despréaux, à cause de l’excellence de l’auteur ; mais les critiques qu’on en a faites, toutes bonnes qu’elles puissent être, ne tournent qu’à la gloire des talents admirables d’un illustre écrivain, qui, dès l’instant qu’il commença de donner ses tragédies au public, fit voir que Corneille, le grand Corneille, n’était plus le seul poète tragique en France.

1684. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

» Si La Fontaine a peu parlé de lui dans ces lettres familiales et domestiques où il apporte son élégance et certainement même un peu de coquetterie d’auteur, par instant, il y met avant toute la plus parfaite sincérité et la naïveté la plus grande, et ainsi il s’est peint tout entier ou presque ; il s’est peint distrait, curieux, admirateur de la nature, sensible.

1685. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Le professeur d’art oratoire, le rhéteur, l’ancien ministre du Juste Milieu qu’avait été quelques instants Villemain, trouvaient leur compte à cela… Seulement, il aurait fallu un esprit plus puissant que celui de Villemain pour mener à bien pareille œuvre.

1686. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Zola est d’une brutalité de touche qui, de simples qu’elles sont, les fait basses, et son amour dépravé du détail laid — le mal général de la peinture à cet instant du xixe  siècle — les abaisse davantage encore.

1687. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

On ne peut guère davantage lui contester une certaine manière, sinon de raisonner, du moins d’associer ses impressions, quand on voit les animaux chasseurs subordonner les impulsions de l’instinct aux nécessités de la chasse, et exécuter des combinaisons de mouvements, des artifices de stratégie qui ne sont pas sans analogie avec les ruses du sauvage et même du civilisé dans la poursuite du gibier ou de l’ennemi, quand on observe les animaux même d’un ordre inférieur, tels que la fourmi et l’araignée, modifier à chaque instant leur itinéraire ou leur plan de conduite, selon les convenances du moment ou les obstacles qui se dressent tout à coup devant eux.

1688. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

il a pâli, il a tremblé, il a paru perdre absolument la tête… Il a fallu l’entraîner hors de la salle ; même on a cru un instant qu’il allait se trouver mal. » L’historien des Origines de la France contemporaine s’en réfère sur ce point à un rapport à Louis XVIII et à un récit de Lucien. […] Il était tellement pressé entre les députés, son état-major et les grenadiers, qui s’étaient précipités à l’entrée de la salle, que je crus un instant qu’il allait être étouffé. […] Mais il était sensible aux influences secrètes du jour et de l’air, et ces mille souffrances émanant de toute la nature, qui sont la rançon des êtres sensuels, enclins à chercher leur joie dans les formes et dans les couleurs, froissaient à chaque instant ses délicatesses de sensitive. […] Mes réveils, dit-il, ils sont devenus aujourd’hui l’instant de lucidité effroyable où je vois pour ainsi dire les dessous de la vie dégagés de tous ces mirages encore amusants qui, dans le jour, reviennent me les cacher ; l’instant où m’apparaissent le mieux la rapidité des années, l’émiettement de tout ce à quoi j’essaye de raccrocher mes mains, et le néant final, le grand trou béant de la mort, là tout près, que rien ne déguise plus. […] Quelques instants après j’étais installé dans le « poussier » tout à l’heure mortuaire, et véritablement justiciable du mot d’argot que je viens d’employer, si l’on veut bien se reporter au pulvis es et in pulverem reverteris de l’Église catholique. » Il s’était donc mis dans le lit du mort.

1689. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Moréas, à la façon traditionnelle, écrit le dialogue ordinairement en rimes plates, et il a raison ; mais de temps en temps il introduit les rimes croisées, pour un instant, pour revenir ensuite aux rimes plates. […] Cela arrive à chaque instant. […] Quand on lit Le Méchant pour la première fois, à la condition qu’on ne le lise point pour la première fois à l’âge de dix ans, on trouve à chaque instant un vers que l’on connaissait comme cité partout et comme l’ayant cité soi-même. « Tiens ! […] Après quelques instants, il me dit d’une voix épuisée de fatigue : “Êtes-vous bien pénétré, à présent, mon ami, du véritable caractère de votre rôle ? […] Pas un instant de crainte ; pas le moindre signe d’incertitude ; pas un remords ; je l’ai vue se prêter sans aucune répugnance à cette longue horreur.

1690. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Il écrit cette confession au mois de mars 1848, c’est-à-dire à un instant de sa jeunesse assez voisin de la crise qu’il raconte pour que son témoignage, presque immédiat, n’ait pu être involontairement faussé, comme il arrive dans les Mémoires, par la perspective de l’éloignement Ce qu’il y a de saisissant dans cette confidence, c’est la froideur singulière de cette âme, si ardente aux idées, si avide de savoir, dans cette rupture avec les croyances de sa première jeunesse. « Jusqu’à quinze ans, j’ai vécu ignorant et tranquille. » commence-t-il ; « je n’avais point encore pensé à l’avenir. […] Ces deux principes correspondent si complètement à la mentalité générale de notre temps que ceux-là mêmes, parmi les adversaires de la République, qui distinguent le mieux le danger de leur application ne mettent pas en doute un instant leur exactitude. […] La culture du « moi », dans une pareille confusion d’influences, qu’est-ce autre chose qu’une agonie de chaque instant ? […] C’est le même instant où un fils vient de naître à son plus cher ami :    •‌ … Le Ciel vous l’a donné ‌ Beau, frais, souriant d’aise à cette vie amère.‌

1691. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

» et dans l’instant, un tourbillon affreux de vent enleva la brume qui couvrait l’île d’Ambre et son canal. […] La mer, soulevée par le vent, grossissait à chaque instant, et tout le canal compris entre cette île et l’île d’Ambre n’était qu’une vaste nappe d’écumes blanches, creusées de vagues noires et profondes.

1692. (1925) Proses datées

Quelques instants après, il se, leva et partit. […] Le commandant me faisait savoir qu’il attendait ma visite, et, quelques instants après, le canot de la Velléda me déposait à l’échelle du Vautour. […] Ce n’est pas très gentil… Et, comme j’allais m’excuser en riant, il ajouta après un instant de réflexion : — Il est vrai que vous étiez de la paroisse Saint-Léonard et que nous étions de Sainte-Catherine. […] J’y ai passé toute la fin de cette journée, dans ce salon, après être monté un instant dans ma chambre.

1693. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Reims couronne Charle à cette heure ; Il marche au sacre en cet instant, Où moi, par fortune meilleure, J’inaugure ici ma demeure, Plus roi que Charle et plus content.

1694. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Une minute, une seconde seulement à l’instant du départ, à cinq heures du matin, dans le court intervalle qui sépare le seuil du couvent et le marchepied de la chaise de poste, le jeune homme va l’entrevoir enfin et la rencontrer ; mais un mouchoir qu’elle porte à ses yeux, le mouvement même que lui cause l’émotion de la présence de l’ami, la dérobe peut-être, et remplit l’unique instant.

1695. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

En ce qui est du sentiment démocratique avancé dont on serait tenté par moments de faire honneur à l’auteur et à sa faction, prenez bien garde toutefois et ne vous y fiez guère : il y a quelque chose qui falsifie à tout instant cette inspiration de bon sens démocratique, qui le renfonce dans le passé et qui l’opprime, c’est l’idée catholique fanatique, l’idée romaine-espagnole238.

1696. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Il n’y a que des instants dans la poésie.

1697. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Il semble qu’il parle toujours devant un petit cercle choisi de gens très fins et de façon à leur donner à chaque instant l’occasion de sentir leur finesse.

1698. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

« Cette hauteur fait frémir quand on songe que l’Italie est fréquemment agitée de tremblements de terre, que le sol de Rome est volcanique, et qu’un instant peut nous priver du plus beau monument qui existe.

1699. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Notre cabane était à peu près à moitié chemin de la plaine aux Camaldules ; il avait l’habitude, depuis plus de quarante ans, de s’y arrêter un bon moment pour respirer et pour converser un instant avec les Zampognari ; il avait caressé les enfants, marié les jeunes filles, consolé et vu mourir les vieillards de cette cabane.

1700. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

On est dégoûté, désespéré, par instants : « autant en emporte le vent ».

1701. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Lacordaire, un instant l’allié de Lamennais, se soumit sans réserve, et resta ferme dans une obéissante orthodoxie.

1702. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Un instant, il nous montre la victoire d’un devoir incontestable (Horace), puis d’un devoir plus douteux (Polyeucte) sur la passion ; mais bientôt cela ne lui suffit plus : ce qu’il exalte, c’est le triomphe de la volonté toute seule, ou tout au plus de la volonté appliquée à quelque devoir extraordinaire, inquiétant, atroce, et dans la conception duquel se retrouvent, avec la naïve et excessive estime des « grandeurs de chair » (Pascal), les idées de l’Astrée et de la Clélie sur la femme et les doctrines du XVIe siècle sur la séparation de la morale politique et de l’autre morale.

1703. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Un classique a dit : « Si l’on examine les divers écrivains, on verra que ceux qui ont plu davantage sont ceux qui ont excité dans l’âme plus de sensations en même temps. » N’estimez-vous pas que cette réflexion s’applique très bien à Daudet, et qu’une des marques essentielles de son talent est cette aisance avec laquelle il passe et nous fait passer d’une impression à l’autre et ébranle presque dans le même instant toutes les cordes de la lyre intérieure ?

1704. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Croyez bien qu’il faut que j’aie été rudement éprouvé, pour m’être arrêté un instant à une pensée qui me paraît plus affreuse que la mort.

1705. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Je suis sorti un instant dans le jardin.

1706. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Je pensais, malgré moi à ce sommeil de mon frère, en face de moi, en chemin de fer pour Vichy, où j’avais vu un instant, sur son visage de vivant, son visage de mort.

1707. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

L’atmosphère d’ambigu badinage, qui est distillée autour du secret de la Caisse oblongue, ne se dissipe qu’à la catastrophe Par le lent déroulement du récit, l’aiguë terreur que désigne l’exorde de Bérénice ne desserre pas un instant.

1708. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

(1) Avant de terminer, je désire appeler un instant l’attention sur une dernière réflexion qui me semble convenable pour éviter, autant que possible, qu’on se forme d’avance une opinion erronée de la nature de ce cours.

1709. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Pour sentir combien ce besoin est profond et impérieux, il suffit de penser un instant aux effets physiologiques de l’étonnement, et de considérer que la sensation la plus terrible que nous puissions éprouver est celle qui se produit toutes les fois qu’un phénomène nous semble s’accomplir contradictoirement aux lois naturelles qui nous sont familières.

1710. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Une obsession détestée, méprisée, bafouée, à tous les instants de sa vie.

1711. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Du moment que la pensée et la volonté ne sont plus que des phénomènes matériels, il est encore évident qu’il ne peut y avoir pour l’homme rien à espérer et rien à craindre au-delà du tombeau : molécule un instant animée d’une vie propre, il est, à l’heure de la mort, repris et emporté par le torrent de la vie universelle ; accident fortuit, il rentre au sein de la substance infinie ; étincelle éphémère, il disparaît absorbé dans le foyer de la lumière éternelle. […] « Comment, dit ailleurs le même écrivain, comment la femme, jetée avec une âme impressionnable dans la carrière ardue et rigide des devoirs, pourrait-elle résister à la nécessité de transiger à chaque instant avec eux52 ?  […] Et c’est pourquoi, grâce aux législateurs pudiques de la société, elles sont ici cherchant l’illusion d’un instant d’amour… Les plus beaux et les meilleurs êtres de la création sont là, forcés de tout braver ou de se masquer et de mentir, pour n’être pas outragés à chaque pas. […] Ainsi, dix ans auparavant, un livre d’un genre bien différent, mais qui eut un instant la vogue de nos romans les plus populaires, avait exprimé la même pensée dans des termes dont la virulence n’a jamais peut-être été égalée.

1712. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Si nous voulons être justes dans le jugement que, nous portons sur quelqu’une des périodes de l’histoire de l’intelligence, il faut nous placer au point de vue du temps et renoncer pour un instant à nos préoccupations actuelles. […] On a pu lui emprunter quelques-uns de ses personnages pour en faire un drame de boulevard ou un gracieux opéra, mais il ne faut considérer ces larcins que comme quelques gouttes d’eau puisées dans l’océan, et ne pas s’arrêter un instant à l’idée qu’on ait songé à adonner ces essais pour le poème de Goethe.

1713. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Elle modifia les caractères de ceux qui l’aimaient, jamais, sinon pour un instant et comme accidentellement, leurs idées. […] Un homme peut s’entretenir des idées excellentes que j’ai rapportées plus haut sans songer à sa mort, proprement dite, un seul instant dans toute sa vie. […] Raisonnons-en quelques instants sans prétendre arriver à une conclusion. […] C’est la vie un instant rêvée, ou plutôt considéré par Pascal : « une vie qui commence par l’amour et qui finit par l’ambition ».

1714. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Même, on a pu prétendre que la vogue du poème aurait un instant balancé celle de la Clélie de Mlle de Scudéri, alors au comble de sa réputation, elle aussi ; et — ce qui est plus triste à croire — la vogue même des Provinciales, qui paraissaient dans le même temps. […] D’un autre côté, à, l’imitation du Journal des Savants et des Nouvelles de la République des Lettres, les journaux se multiplient, parmi lesquels il convient de signaler plus particulièrement les Mémoires de Trévoux, rédigés par les jésuites et la Bibliothèque choisie de Leclerc, le continuateur, commentateur et contradicteur de Bayle, dont il balança même un instant la réputation alors européenne. […] Ni Rousseau, que je ne veux pas lui comparer un instant, ni Restif de la Bretonne, le « Rousseau du ruisseau » ne sont plus beaux de naïve impudeur. […] Nous reparlerons dans un instant du livre de l’Allemagne, et nous achèverons de préciser la part de Mme de Staël dans le renouvellement de la critique.

1715. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Il lançait à tout instant des pointes et des bons mots ; bref, c’était le paillasse de la troupe, et l’on sait que pour être un amusant paillasse, il faut avoir non-seulement de l’entrain, mais de l’esprit. […] L’Horace de la scène, faisan aussitôt trêve à sa fureur, met le chapeau à la main et avec la plus exquise galanterie, offre l’autre à l’actrice pour la relever et la conduire dans la coulisse, puis se coiffant brusquement, reprenant sa colère un instant interrompue et rentrant dans son rôle, il s’élance le fer levé pour tuer brutalement Camille. […] Il est un homme cependant dont le nom ne saurait être passé sous silence, c’est Quinault ; mais comme en lui se trouvent deux poëtes en la même personne, le poëte tragique et comique et le poëte lyrique, nous ne parlerons ici que du Quinault, auteur de plusieurs tragédies et d’un certain nombre de comédies, mettant de côté, pour l’instant, le Quinault qui charma son siècle par les productions littéraires dont il gratifia la scène de l’Opéra Français. […] Lully, animé par cette plaisanterie, court à un clavecin, et, après avoir promené un instant ses mains sur les touches, il chante tout à coup ces quatre vers d’Iphigénie : Un prêtre, environné d’une foule cruelle, Portera sur ma fille une main criminelle, Déchirera son sein, et d’un œil curieux, Dans son cœur palpitant consultera les dieux ! […] Cette singulière et ridicule mascarade fit d’abord rire un instant ; mais bientôt le bon sens prenant le dessus, on trouva cette charge de mauvais goût, et les huées commencèrent.

1716. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Il dit que ce goût même de la race grecque pour un art qui, encore que dionysiaque et apollinien, était pathétique, était triste, et étalait l’horreur et la misère humaine, révèle une race forte et allègre, qui ne craignait pas l’étalage de la misère et de la douleur ; qui ne demandait pas des dénouements heureux ; qui ne demandait pas de mensonges optimistes ; qui était assez sûre d’elle pour contempler la misère humaine, y trouver un plaisir esthétique et n’en être point ébranlée : qui peut-être avait besoin de se divertir ainsi un instant de son optimisme pour le retrouver entier et intact le moment d’après ; qui peut-être éprouvait un plaisir mâle et âpre à voir le malheur humain, à le sentir menaçant, à s’en sentir menacé et à marcher à l’action, dût ce malheur tomber sur elle et au risque de ce malheur ; qui peut-être éprouvait un plaisir viril et sain à dire comme Goethe : « Par-dessus les tombeaux, en avant !  […] Il croyait découvrir un art et une race allègres, joyeux, énergiques, amoureux de la vie et non de la mort, apolliniens dans leurs instants de calme, dionysiaques dans leurs moments d’exaltation, et regardant vers la vie, même quand ils étaient apolliniens, et c’est-à-dire, même quand ils étaient apolliniens, restant dionysiaques encore. […] Tout cela est encore un résidu de Dieu : « Nous, nous-mêmes, nous qui cherchons aujourd’hui la connaissance, nous les antimétaphysiciens et les impies, nous empruntons encore notre feu à l’incendie qu’une foi vieille de mille années a allumé, cette foi chrétienne qui fut aussi la foi de Platon, et qui posait en principe que Dieu est vérité et que la vérité est divine. » Ce qu’il y a de curieux, pour y songer un instant, c’est que cette science, qui a affranchi l’homme et qui doit l’affranchir de plus en plus, — vous connaissez ce lieu commun, — a besoin d’un esclavage elle-même ; et en même temps nécessite cet esclavage et n’en veut pas entendre parler ; le produit en fait et le proscrit en paroles. […] La politique est un champ de travail pour des cerveaux plus médiocres, et ce champ de travail ne devrait pas être ouvert aux autres… Telles que les choses se présentent aujourd’hui, où, non seulement tous croient devoir être informés quotidiennement des choses politiques, mais où chacun veut encore y être actif à chaque instant et abandonne pour cela son propre travail, elles sont une grande et ridicule folie. […] Ainsi parle Zarathoustra, l’impie. » — Et remarquez : c’est un peu étonnant au premier abord, mais c’est tout naturel quand on y réfléchit un instant, de ces hommes que nous réclamons, le Christianisme, cette morale des esclaves, a donné précisément les modèles et tracé la règle, pour cette raison bien simple que le Christianisme à son tour, à un moment donné, s’est trouvé être, en la personne collective de son Église, une aristocratie aussi, qui sentait le besoin de devenir et de rester une race supérieure.

1717. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

On demande, il est vrai, pour l’instant au roman des qualités de discipline et de construction ; peut-être s’apercevra-t-on que l’on atteint à ces qualités dans la mesure où l’on sort du roman, qu’elles appartiennent au théâtre et au discours direct. […] Il semble qu’il se soit souvenu que la montagne apparaît deux fois seulement dans l’Évangile, une fois comme le séjour du démon qui y conduit Jésus afin de le tenter par les richesses de la terre, — une fois comme le lieu de la Transfiguration, où brille un instant au regard des disciples cette intuition de la divinité refusée à l’homme pécheur, à l’Église militante. […] Un art du discontinu, un art d’intensités fragmentaires, de notes locales, d’instants uniques et aigus, un art tout opposé à cette ligne, à cet oratoire, à ce substrat qui jusqu’ici, tant chez les classiques que chez les romantiques, avaient paru une condition élémentaire de l’œuvre, s’est créé dans la France du xixe  siècle à une époque qu’il est difficile de trancher de façon bien nette. […] Tito, qui n’est pas plus mauvais que l’Hetty Sorel d’Adam Bede, est conduit à une vie de scélérat comme Hetty à l’infanticide par une chaîne dont le premier chaînon est fait d’un instant de négligence et d’oubli. […] Nos deux romans d’Islam, Saâda plus clairement, Goha de manière plus développée, nous font sentir dans la vie ce poids de la destinée qui l’entraîne, destinée qui, une fois accomplie, apparaît dans le passé comme une œuvre d’art curieuse, comme une figure plastique du bonheur ou du malheur humain, mais qui, au moment où elle s’accomplit, va comme un cheminement discontinu et singulier de hasard et d’instant.

1718. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

L’âme de maint héros grandit en cet instant. […] Le héros le saisit aussitôt, et, sans recevoir aucune blessure, le garrotte en un instant.

/ 1894