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1725. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Henri Scheffer Nous n’osons pas supposer, pour l’honneur de M. 

1726. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Enfin il avoue et retient les droits du mariage dans le ministère ecclésiastique ; et le deuil cruel qui plus tard désola sa vie, la mort prématurée des trois enfants issus de cette union, qu’au moment même de son inauguration épiscopale il rappelle avec amour, rien de ces malheurs et des plaintes qu’ils lui arrachent dans ses lettres ne fait supposer ni repentir ni doute sur la liberté qu’il avait gardée.

1727. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Aucune intimité n’est permise que sous le voile de l’amitié, et le dictionnaire de l’amour est prohibé autant qu’à première vue on pourrait supposer que l’est son rituel. » Horace Walpole déplore ailleurs le peu de gaieté qu’on trouve en France et à Paris (c’est sa complainte habituelle) et la grossièreté des manières chez plusieurs femmes de qualité : « Malgré ces défauts, dont le dernier est énorme à mes yeux anglais, certaines femmes sont extrêmement agréables. […] Théodore de Banville commente ainsi ces paroles de Ronsard, si tu entreprends quelque grand œuvre, tu te montreras religieux et craignant Dieu : « Le vers est nécessairement religieux, c’est-à-dire qu’il suppose un certain nombre de croyances et d’idées communes au poète et à ceux qui l’écoutent. […] Faisons une hypothèse : supposons un poète de la Commune célébrant en vers lyriques la destruction de la colonne, l’incendie de Paris, le massacre des otages… Ces vers pourraient-ils être admirables ? n’est-il pas absurde de supposer qu’une poésie digne de ce nom pût avoir sa source dans des sentiments si bas et si faux ? […] L’expérience nous apprend que le meilleur moyen de rendre un individu honnête est de supposer qu’il est honnête et de le traiter comme tel : ainsi pour l’homme, s’estimer un peu, c’est s’encourager à mériter cette estime. » La correspondance de Lamartine De tous les documents sur la personne de Lamartine, sa correspondance, actuellement29 en cours de publication, est le plus précieux.

1728. (1927) Approximations. Deuxième série

Mais le livre isolé n’est qu’une des toiles dans cette galerie de portraits qu’à travers son œuvre chaque écrivain qui compte trace tout inconsciemment de lui-même ; et ce livre isolé, je n’ai pas essayé de le situer dans une série (tâche qui, lorsqu’elle est vraiment conduite à terme, suppose une maîtrise de sa propre émotion que je ne possède point ; qui en revanche, lorsqu’elle a seulement l’air de l’être, implique une bonne santé, une robustesse dans le superficiel que je me borne à admirer du dehors) : plutôt ai-je cherché à le respirer, à vivre avec lui, à en exprimer — et plus encore par ma manière d’en parler que par les choses mêmes que j’en dis — cette qualité unique qui se dérobe hélas si adroitement dès qu’on tente de la fixer par des mots. […] Mais il existe un degré qui suppose la finesse de vision, auquel on n’atteint qu’à travers elle, qui est nettement au-delà cependant et qui ressortit à une faculté spéciale : la dégustation. […] Elle suppose qu’un système nerveux infiniment délicat soit maintenu en sa perfection d’équilibre ; elle ne suppose pas moins une sensualité. […] — nul usage de la méditation ou de l’analyse tant soit peu poussée, de rien qui suppose chez le lecteur une part, si minime soit-elle, de complicité ; seuls, les deux plans du récit et des propos ; ces derniers, d’une réalité, elle aussi, désarmante ; le récit, lui, incomparable par la féconde irrévérence avec laquelle il ignore toutes les notions scolaires que trop longtemps l’on groupa sur le mot de composition, par la sûreté à bride abattue du va-et-vient intérieur, par l’aisance dédaigneuse (qui est le comble de l’adresse) avec laquelle les faits s’insèrent dans la trame (je songe, par exemple, à l’arrivée de Maria au bar de la rue Duphot).

1729. (1887) Essais sur l’école romantique

Supposons, à mettre les choses au mieux, qu’il ait eu la conscience qui donne le droit, et assez de talent, eu égard à la mesure commune de son temps, pour exercer ce droit à l’honneur de son esprit ; quel bien a-t-il fait ? […] Je me diminue peut-être en me défendant de m’être conduit par ambition : car l’ambition suppose le caractère et la volonté, et ce n’est pas peu douer un homme, quelle que soit l’intention, que de le douer en ce temps-ci de caractère et de volonté. […] Dans toute époque, quelque vague et éparpillée qu’on la suppose, il y a toujours deux sortes de besoins : les besoins éternels de vérité, de raison, de moralité, de progrès ; et les besoins du jour, de l’heure, qui sont les caprices d’esprit, le goût des livres secrets, de l’imprévu, de la charge, de la licence. […] Il fait contre la peine de mort, le plus exploité des lieux communs du moment, un livre bizarre, mais çà et là éloquent, le Dernier Jour d’un condamné, rêve d’une imagination qui se suppose condamnée à mort, et qui met des couleurs à la place des sentiments, des souffrances de tête à la place de souffrances réelles, et toute une métaphysique en images à la place d’une forte et saignante analyse de cette révolte de la nature contre l’idée de la destruction.

1730. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Mais supposez, de plus, qu’au lieu de lire dans ma traduction française, langue trop virile et trop peu souple pour ces mollesses efféminées de l’âme, vous lisez en vénitien, langue aussi balbutiante et aussi transparente que le murmure des lagunes sur le sable du Lido.

1731. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

On me servit du laitage, du pain bis, des œufs, du vin de Neuchâtel, et tout en déjeunant je m’informai négligemment, auprès de la jeune et belle hôtelière au costume bernois et aux longues tresses de cheveux pendantes sur ses talons, d’un étranger qui habitait depuis quelques semaines, sous un nom supposé, la Chaux-de-Fonds.

1732. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Il se réfugie sous un nom supposé dans un château désert appartenant à la mère d’un de ses amis.

1733. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Elle avait transvasé toute son ambition dans la sienne, son génie dans celui qu’elle lui supposait.

1734. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Cela suppose un travail qui fait reculer le calcul.

1735. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Je fis donc observer au plénipotentiaire français que je n’étais pas bien vu par le premier consul, et que cela porterait préjudice à mon ambassade, dès mon arrivée à Paris et pendant le cours des négociations ; que du reste son gouvernement ne voyait pas le Concordat d’un œil très favorable, ainsi qu’on pouvait en juger sur les apparences, et que, par conséquent, on attribuerait mes refus non à la force des motifs et à des principes qui empêchaient le Pape d’adhérer, mais à l’animosité personnelle que l’on me supposait.

1736. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il leur supposait même d’abord une maturité d’âge qu’il mesurait à l’étendue de leurs jugements, tandis que cette étendue tenait bien plutôt chez eux au libre et hardi coup d’œil de la jeunesse.

1737. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

C’est que cette sincérité ne tient pas aux faits, elle est dans l’émotion même qui les altère ou les suppose : avec des débris incomplets de réalité, des traces confuses de sentiments, Rousseau reconstruit le poème de son existence.

1738. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

. — Supposons qu’on le puisse, comment maintiendrez-vous cette inégalité modérée ?

1739. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Et à supposer même que l’architecture sacrée ait été frappée au cœur par une découverte qui contenait en germe l’émancipation des intelligences, ce n’est pas une raison suffisante pour conclure à une hostilité fondamentale entre l’art d’écrire et l’art de bâtir.

1740. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Supposons-la, comme sur notre tableau, écrite en ut majeur, nous aurons : A : — une partie ascendante, diatonique, irrégulièrement syncopée, d’intensité croissante, allant de do à si ; B : — un sommet, si do si, que nous trouverons souvent subdivisé en deux parties, une ascendante, si do, une descendante, do si ; dont nous verrons les significations ; C : — une partie coudée, si mi sol ; D : — qui répète C en aplanissant ses lignes et qui rappelle, plus faiblement, l’ascension de la 1re partie ; E : — une terminaison, formée par une chaîne de notes syncopées aboutissant à la médiante, qui est précédée d’une sensible à un intervalle de seconde.

1741. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

. — Wagner a une telle crainte qu’on ne prête aux deux amants des divagations métaphysiques, qu’il se donne même la peine de motiver cette autre antithèse, du jour et de la nuit (qu’il était facile de supposer déduite de celle de la vie et de la mort), par la torche allumée le soir à la fenêtre d’Isolde, en signal de danger.

1742. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Que de loisir et que de bonheur supposent les Dialogues de Platon, lentement promenés aux bords de l’llissus, ou groupés sous une colonne du Gymnase, devant un auditoire de beaux éphèbes couronnés de joncs !

1743. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

L’accomplissement de cette tâche est un grand fait et l’effort qu’il suppose suscite peu à peu, chez le lecteur admis à suivre cette haute entreprise, le sentiment de tension spirituelle, les élans et les arrêts, les joies et les défaillances que l’auteur put éprouver.

1744. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Prendre au pied de la lettre le démon que Socrate se suppose, et le buisson de Moïse, et la nymphe de Numa, et le dive de Plotin, et la colombe de Mahomet, c’est être dupe d’une métaphore.

1745. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Il y a plus de rapports qu’on ne le suppose entre la vie et le goût.

1746. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Réunissez donc en ce moment, par la pensée, les plus beaux accidents de la nature ; supposez que vous voyez à la fois toutes les heures du jour et toutes les saisons, un matin de printemps et un matin d’automne, une nuit semée d’étoiles et une nuit couverte de nuages, des prairies émaillées de fleurs, des forêts dépouillées par les frimas, des champs dorés par les moissons : vous aurez alors une idée juste du spectacle de l’univers.

1747. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

« Il faut, — dit Schiller — que l’historien, après avoir soigneusement recueilli et étudié les sources, les réduise par la seule chaleur de son cœur en une seule et nouvelle fusion pour en faire jaillir une œuvre d’art. » Précepte difficile à suivre, parce qu’il suppose une grande faculté.

1748. (1932) Le clavecin de Diderot

A notre tour de citer parmi ce qui a été cité : Supposez au clavecin de la sensibilité et de la mémoire, et, dites-moi s’il ne répétera pas, de lui-même, les airs que vous aurez exécutés sur ses touches ? […] Les méthodes introspectives réputées les plus audacieuses, à quoi il accepte de se soumettre — souvent par snobisme — à les supposer excellentes, parfaites quant à leurs résultats, devraient constituer un simple chapitre préliminaire de la science à la fois particulière et générale (triomphatrice de la vieille psychologie, analytico-métaphysique) qui, sans prétendre, par démagogie, à l’humain, à l’humanisme, aux humanités, à l’humanité, après avoir balayé les prétextes contemplatifs dont se prévaut l’individualisme, désignerait à l’homme sa place dans l’univers.

1749. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Or, l’art ne suffit pas sans doute à faire vivre une œuvre, car il y faut l’inspiration ou le génie ; mais sans l’art qui, dans son essence, se modifie beaucoup moins qu’on ne suppose, sans lui, qui est général et éternel, aucune œuvre ne subsiste éternellement. […] Supposons qu’aux dernières élections par exemple, les médaillons de MM.  […] Ils auraient tort de supposer qu’ils apportent dans la littérature contemporaine quelque chose de réellement nouveau, d’imprévu, de sui generis, puisque leur apparition n’est au contraire que la suite de l’évolution romantique commencée en 1830 et puisque, malgré eux, ils sont comme nous, des poètes, des Parnassiens, révoltés, mais des Parnassiens !

1750. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Sue, pour expliquer la subite colère de Louis XIV contre le chevalier de Rohan, suppose que le roi, placé dans une logette séparée de la chambre des filles d’honneur par une mince cloison, écoute leurs mutuelles confidences, et entend, de la bouche même de Maurice, l’éloge amoureux de Louis de Rohan. […] L’esprit de l’auteur, entraîné par une ambition singulière, se suppose toujours préexistant aux événements qu’il interprète ; avant de les décomposer en tant que faits accomplis, il les décompose en tant que faits possibles, et, de cette manière, il arrive naturellement à supprimer plusieurs éléments de la réalité. […] Nous admettrons volontiers que l’Histoire de la civilisation européenne suppose des lectures nombreuses ; mais nous croyons que la vie moyenne d’un homme suffit à l’achèvement d’un pareil ouvrage ; car cette histoire n’est à proprement parler, que le programme d’un livre.

1751. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Supposons que le pêcheur de goujons n’ait pas le droit de pêcher des ablettes, ou que le pêcheur à la ligne dormante ne puisse jamais se servir de la ligne volante. […] Courtier, que les fraudes puissent expliquer tout, il n’en est pas moins vrai qu’une fraude découverte permet d’en supposer dix autres demeurées occultes. « Est-ce notre faute, dit M.  […] S’il y avait une vérité, il faudrait la connaître : supposez que, pour converser avec sa tendre amie, il fallût avoir appris le calcul infinitésimal ?

1752. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Aider le mari à se tuer et, dans le même moment, accepter l’idée d’épouser la femme plus tard, — ou contribuer à la mort du mari pour épouser la femme, cela suppose deux dispositions d’âme trop proches l’une de l’autre, trop menacées de se confondre l’une dans l’autre, puisqu’il n’y a entre elles deux que l’épaisseur d’un désir, et que, ce désir si naturel, Edouard ne saurait jurer qu’il ne l’éprouvera point à l’instant décisif, qu’il n’y souscrira pas dans le secret de son cœur, et qu’il ne passera pas, ainsi, du désir à l’intention. […] Son entrée bruyante et piaffante au foyer paternel nous offense et nous surprend, car nous supposions Magda intelligente, fine et bonne. […] Sans en avoir l’air, il suggère à cet imbécile de Montègre l’idée d’envoyer à Simerose lui-même le billet de Jane, afin d’évincer, par la réunion des deux époux, l’amant supposé. […] À supposer que François Garnier ne fût point ce qu’il est : un soldat très simple, très instinctif, il ne saurait se tirer d’affaire par le cosmopolitisme ou l’humanitarisme. […] Sentant que celle-ci va avoir un amant, il le lui suppose avant même qu’elle l’ait eu ; il installe publiquement une maîtresse dans son voisinage ; et quand sa femme, qui l’aime toujours et qui n’est qu’une pauvre âme en peine, essaye de se confesser à lui, il l’accable tranquillement et la torture par son refus de l’entendre, et à la fois par son obstination à la croire plus faible ou plus vicieuse qu’elle n’a été et par l’indifférence ironique et glaciale qu’il lui témoigne à ce sujet… Et peut-être souffre-t-il, lui aussi, et joue-t-il par orgueil une douloureuse comédie ; mais je n’ai pas su démêler ce point.)

1753. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Tandis qu’on le supposait voluptueusement ébloui des seules perfections corporelles, il dénonçait leur prochain avilissement en cadavre ; il arrachait, impitoyable, les linceuls, afin de montrer ce que deviennent dans la fosse la beauté et l’amour. […] Je suis bien persuadé que l’un des trois grands poètes qui triomphent au verso descendant de ce siècle, était porté de sa nature, et selon André Chénier, — cette imitation-là, on ne la redoute point, parce que l’imitateur s’y peut espérer l’égal du modèle, — à restaurer les mythologies dédaignées, mais peut-être ne les eût-il pas agrémentées du parisianisme de Henri Heine s’il n’avait supposé que Victor Hugo, occupé d’autre chose, ne s’en aviserait point. […] Anatole France, dans les lignes suivantes, nettes, simples, belles, et, à mon sens du moins, irréfutables : « Je ne crains pas qu’on dise qu’il y a absurdité à supposer une même méthode appliquée par une foule d’individus différents.

1754. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Si Béranger n’eût rêvé que les œuvres qu’il nous a données, il est permis de supposer qu’il ne leur eût pas imprimé le cachet d’élégance et de sévérité que nous admirons. […] Écrits ou non dans une mansarde solitaire, ils sont tellement circonscrits dans l’étude et l’expression des sentiments personnels, qu’ils ne supposent pas le commerce des livres. […] Il faut prêter au général Leclerc une incroyable ignorance des choses de la guerre pour supposer qu’il ne connaît pas d’avance par ses espions le visage de son adversaire. […] Je suppose pour un instant que le style de Toussaint Louverture soit limpide au lieu d’être limoneux ; ce style, fût-il aussi transparent que le cristal le plus pur, ne serait pas encore le style qui convient au théâtre. […] L’auteur, se transportant par la pensée à plusieurs siècles dans l’avenir, au moment où Paris ne sera plus qu’un monceau de ruines, suppose qu’il ne restera plus debout que l’arc de l’Étoile, la colonne de la place Vendôme, et les deux tours de Notre-Dame ; et pour peindre l’impression produite par ces débris imposants, il nous parle d’un berger accroupi dans les seigles de la plaine.

1755. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Elles ne sont pas libres, si l’on entend par liberté un bénéfice qui suppose des charges et impose des devoirs. […] Et le témoin de cette scène ajoute : « Nulle injure n’est plus offensante pour les Américaines, que de supposer qu’elles pourraient songer au mariage avant d’avoir trouvé un gentleman qui leur plaise et demande leur main. » Aux États-Unis, on voit les jeunes filles non seulement sortir seules dans les rues, mais s’embarquer pour de lointains voyages sans mentor ni chaperon ; passer leurs vacances dans la montagne avec des amis ; recevoir des jeunes hommes, se faire accompagner par eux au bal et au théâtre ; quitter même leur famille et louer une maison afin de vivre plus aisément à leur guise. […] Supposez que, dans chacun des « milieux » que je viens d’indiquer, naissent et grandissent un homme et une femme, désireux l’un et l’autre d’échapper aux conventions, aux artifices qui pèsent sur leur destinée, vous aurez le cas de Noël Davril et de Suzanne Husseau. […] Cet isolement de la femme anglaise, ce besoin d’occupation hors du foyer, cette activité extérieure où elle se précipite tête baissée, comme si elle voulait s’étourdir, supposent un certain relâchement dans les liens de la famille. […] Mais il me semble que la construction d’un système d’idées générales suppose des qualités plus rares que les vertus qui président à la rédaction d’une note sur le rhotacisme ou d’un mémoire sur le digamma.

1756. (1922) Gustave Flaubert

Peut-être eût-il pu faire à sa prudence un appel plus énergique, lui éviter auprès des Ruchouk-Hanum les accidents de voyage que le docteur Dumesnil croit, de son point de vue professionnel, pouvoir supposer. […] À supposer qu’il eût réalisé dans cette voie des livres assez importants pour que la critique s’occupât de lui, il n’eût sans doute pas été difficile d’établir un lien naturel entre toutes ces œuvres. […] Mais supposez-le sans argent : il aura exactement le genre d’existence du « héros » du Vin en bouteilles. […] Cela n’est nullement ironique, comme vous le supposez, mais, au contraire, très sérieux et très triste.

1757. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Supposez en effet, que Molière ait oublié, un instant, que son génie lui imposait le devoir de corriger les hommes en riant de leurs faiblesses, et vous tombez aussitôt dans les plus profondes noirceurs. […] Ô quelle misère et comme il faut que l’esprit d’un homme soit poussé à une puissance incroyable pour qu’Aristophane ait échappé au déshonneur ; quelle patience et quel respect cela suppose aussi, dans les premiers hommes de la république : rester exposé aux traits blessants de cette folle liberté, à ces ingénieuses bouffonneries comme en jetaient autrefois les vendangeurs ivres de vin nouveau ; assister soi-même à cette dégradation complète de son être, entendre dire à ses oreilles qu’on est un voleur et un lâche, se sentir mêlé aux obscénités, aux turpitudes, aux blasphèmes d’une satire effrontée ; se voir traîner, sans se plaindre, dans les vertiges dégoûtants de cette débauche d’une ignoble et basse plaisanterie à l’usage du petit peuple. […] Pour une femme que la chose intéresse tant soit peu, cela se devine tout de suite, un billet doux, à la forme mystérieuse du papier, à l’odeur pénétrante du billet, à l’écriture fine et menue ; et d’ailleurs on ne suppose pas que notre Lovelace bourgeois soit tellement sûr de son fait, qu’il ne soit pas quelque peu troublé par l’arrivée subite de sa femme, qui le surprend dans cette aimable occupation. […] Or (et c’est justement à poursuivre ces variantes dans les usages et dans les mœurs, que ce livre est consacré), voilà ce qui arrive lorsqu’on se trompe d’époque et de mœurs, lorsqu’on transporte dans l’année 1824 les mœurs de 1750 ; lorsqu’on suppose que rien n’a changé dans la galanterie d’autrefois ; lorsqu’on ne veut pas voir que toutes les peines que se donnait jadis un homme du monde pour obtenir un signe de tête ou un coup d’éventail, il se les donne aujourd’hui pour acheter un arpent de terre, et pour obtenir quelques voix aux élections du conseil municipal.

1758. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Comment supposer que, dans cette âme déveloutée, aride, puissent jaillir soudain tant de sources de pureté et de générosité ? […] Je suppose que la reine d’Égypte ne s’embarrassait pas toujours de cette orfèvrerie gênante et qu’elle dormait, parfois, en de moins raides attitudes. […] Il est plus aisé de l’appliquer que de la définir, mais il est évident qu’elle suppose à la fois une connaissance précise des choses mortes et une attentive observation de ce qui, dans la vie présente, est un legs et une trace du passé. […] Les travaux de bibliographie, de paléographie, d’histoire littéraire, que suppose une entreprise de ce genre, ne pouvaient être confiés à des femmes.

1759. (1896) Études et portraits littéraires

Il n’eût guère distingué, je suppose, entre l’un de ces « faux chiens » et le plus raffiné des dilettanti. […] Cela suppose une certaine idée de l’homme, distincte de toute autre, de celle de l’animal, par exemple, et j’y ai attaché une signification de dignité, de noblesse, d’excellence. […] Cette loi, qui est le bien en même temps que le beau, il établit qu’elle suppose un Législateur.

1760. (1911) Nos directions

Contre ses détracteurs qui en retiennent les « principes négatifs : liberté et facilité », Ghéon exalte la discipline et la morale que suppose au contraire le vers libre, en rappelant que Vielé-Griffin le définissait comme « une conquête morale ». […] Composer un « mystère », quelle simplicité, quelle humilité d’âme cela suppose, cela exige ! […] Mais en retour, nous oublierons et l’excès des sanctions académiques, et les monstrueux parallèles de ses thuriféraires éperdus (« l’Aiglon, mais c’est Hamlet », disait Mendès68), et cette agaçante réclame que l’on veut supposer subie, non recherchée par le poète, et son domaine de Cambo, et sa famille : toutes contingences sonores et proprement théâtrales elles aussi.

1761. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Je ne parle point des projets criminels qu’on lui supposa. […] Placide Roussel, Robert Quatremaires & François Valgrave, religieux bénédictins, défendeurs en main levée des livres sur eux saisis, & les congrégations de saint Maur & de Cluny, intervenans, pour montrer que les quatre manuscrits de Rome, dont lesdits bénédictins se servent pour ôter le livre de l’Imitation de Jésus-Christ à Thomas à Kempis, & le donner à un supposé Gersen, sont falsifiés, & qu’ils ne peuvent l’avoir été que par le nommé Constantin Cajetan, religieux bénédictin, ou par quelques autres du même ordre, avec une conviction manifeste des dix faussetés principales, commises par lesdits bénédictins, en la seule affaire de leur prétendu Gersen. 1652. […] Dans le premier mouvement de son chagrin, « il courut au collège des jésuites, demandant miséricorde avec les termes du monde les plus humbles & les plus touchans, conjurant tous ceux qu’il rencontroit de ne le point perdre, & ajoutant qu’il avoit toujours été ami de la société ; & que l’épitaphe en question n’étoit point de lui, mais qu’elle avoit été supposée par ses ennemis, pour le brouiller avec les jésuites ».

1762. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Stillman, admettant donc qu’il s’agit de la Victoire sans ailes, se trouve d’accord avec Millingen pour supposer qu’elle tenait de la main gauche le bouclier, dont le bord inférieur reposait sur le genou gauche, où il en est resté quelques traces aisément reconnaissables, tandis que de la main droite elle y écrivait, ou venait d’y écrire, les noms des grands héros d’Athènes. […] Il y a en Australie, nous dit-il, beaucoup plus d’auteurs capables de produire des œuvres de valeur qu’on ne l’a supposé. […] je suppose bien qu’il le fait.

1763. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Leopardi a le malheur d’habiter en un scepticisme sans limites, et sa sincérité, lorsqu’il écrit, n’en suppose aucunes.

1764. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Ce que j’entends par là, ce n’est pas être dégoûté comme un malade, mais juger bien de tout ce qui se présente, par je ne sais quel sentiment qui va plus vite, et quelquefois plus droit que les réflexions. » « Il faut, si l’on m’en croit, aller partout où mène le génie, sans autre division ni distinction que celle du bon sens. » « Celui qui croit que le personnage qu’il joue lui sied mal ne le saurait bien jouer, et qui se défie d’avoir de la grâce ne l’a jamais bonne. » « Pour bien faire une chose, il ne suffit pas de la savoir, il faut s’y plaire, et ne s’en pas ennuyer. » « Ce qui languit ne réjouit pas, et quand on n’est touché de rien, quoiqu’on ne soit pas mort, on fait toujours semblant de l’être. » « La plupart des gens avancés en âge aiment bien à dire qu’ils ne sont plus bons à rien, pour insinuer que leur jeunesse étoit quelque chose de rare. » Cet honnête homme que le chevalier veut former, et qui est comme un idéal qui le fuit (car l’ordre de société que ce soin suppose se dérobait dès lors à chaque instant), lui fournit pourtant une inépuisable matière à des observations nobles, délices, neuves, parfois singulières et philosophiques aussi.

1765. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Mais il ne faut pas exagérer ce prix de la personne humaine, au point de supposer que l’homme put dès lors cesser de participer à la vie générale de la Société, pour s’enfermer, d’une façon exclusive et jalouse, dans l’indépendance absolue de son être individuel.

1766. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Supposez Mirabeau assez riche pour avoir les dettes de César, ou assez homme d’affaires pour avoir l’opulence de M. de Talleyrand, Mirabeau, intact de manèges avec la cour, et investi d’une clientèle bien solide dans l’opinion, pouvait devenir le dictateur de la France, au lieu de rester le législateur d’une anarchie.

1767. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Notre poète traita lui-même ces divers sujets avec une grande supériorité ; mais, lorsqu’il eut parlé en termes sublimes et un peu mystérieux de la création du monde et des mouvements du soleil, il nous raconte que son hôte se mit à l’examiner avec une plus grande attention, et dit, après un moment de silence, qu’il voyait bien qu’il avait donné l’hospitalité à un personnage plus illustre qu’il ne l’avait d’abord supposé, et que peut-être c’était celui dont on s’entretenait vaguement dans le pays, qui, étant tombé dans l’infortune par suite de quelque faiblesse, était aussi digne, par la nature de sa faute, du pardon des hommes, qu’il était digne de leur admiration par son génie.

1768. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

C’est vrai, mais quelle est la constitution d’armée qui suppose dans chaque soldat un Brutus ?

1769. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

On a supposé que ce morceau du IIIe livre des Géorgiques y avait été inséré après coup par le poète, et lorsque déjà il s’occupait de l’Énéide ; il y a des détails qui semblent en effet avoir été ajoutés un peu plus tard ; mais le cadre premier existait, je le crois, et le sens général, selon l’opinion de Heine, est plutôt prophétique qu’historique.

1770. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Ils conforment de tous points leur production à la demande supposée de l’acheteur.

1771. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Soit qu’il la défende contre les incrédules, affirmant son indépendance contre Tindal, parodiant amèrement le célèbre Discours sur la liberté de penser de Collins14, soit qu’il maintienne, en toute occasion, le serment du Test contre les attaques des Dissidents, combattant, jusqu’aux extrémités de sa vie et de sa raison, pour les biens de l’Église, et la vengeant par le Legion club des attaques du Parlement d’Irlande, soit que dans son Projet pour le progrès de la religion 15, il engage la cour à renfermer les faveurs et les emplois dans le cercle des personnes dévouées à l’Église établie, il est toujours dirigé dans cette conduite par des considérations étrangères à la valeur intrinsèque de la religion, et sa pensée, partout reconnaissable, est particulièrement claire dans les Sentiments d’un membre de l’Église anglicane 16, et dans son Argumentation pour prouver que l’abolition du christianisme en Angleterre aurait quelques inconvénients et moins d’avantages qu’on ne suppose 17.

1772. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Il admit la doctrine suivant laquelle la Volonté, substance intime de l’Univers, devenait, en l’homme, la volonté, funeste, de vivre, et supposait le monde sensible, le monde de la Représentation, formé d’individus isolés, avec la lutte pour loi.

1773. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Supposons au bout de beaucoup d’années, où les millions seront changés en milliards, une crise financière, et la recherche impie et macabre de cet or.

1774. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

il faut abréger et je dis : la traduction de François Hugo, dont ces premiers volumes sont la fleur et mieux que la promesse, à supposer qu’il l’achève avec le soin de ces six volumes, sera évidemment une œuvre capitale, qui honorerait tout homme, quel qu’il fût, et avec laquelle la Critique et la littérature seront obligées de compter.

1775. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Et si vous ne voulez pas paraître plus longtemps complices de celui et de ceux qui, au chant des cantiques, de gaieté de cœur enfoncèrent au sein de la France le poignard béni par l’Église, si vous ne voulez pas laisser supposer que vous êtes encore capables d’un même attentat dans l’avenir, votre simple devoir d’hommes honnêtes vous commande la même révolte qu’à nous-mêmes contre le dogme monstrueux qui nous étouffe.‌

1776. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Supposez des hommes condamnés à mort, non pas à la mort simple, mais à la roue, aux tortures, à un supplice infini en horreur, infini en durée, qui attendent la sentence et savent pourtant que sur mille, cent mille chances, ils en ont une de pardon ; est-ce qu’ils peuvent encore s’amuser, prendre intérêt aux affaires ou aux plaisirs du siècle ? […] Le monde ineffable garde ainsi tout son mystère ; avertis par l’allégorie, nous supposons des splendeurs au-delà de toutes les splendeurs qu’on nous offre ; nous sentons derrière les beautés qu’on nous ouvre l’infini qu’on nous cache, et la cité idéale, évanouie aussitôt qu’apparue, cesse de ressembler au White-Hall grossier, édifié pour Dieu par Milton.

1777. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Dans les conversations, on blâme les Auteurs, pour se donner un ton de dignité & de décence : mais on court à la feuille satyrique, qui est dans l’antichambre ; on y cherche bien vîte l’endroit où l’on suppose que l’Epigramme qu’on attend est burinée. […] Le tyran aux sourcils élevés, le confident toujours humble & toujours supposé discret, la Princesse amoureuse & fiere, le jeune Prince malheureux & chéri, ne font que changer de place, comme à une table de jeu : ils étoient à gauche ; le Poète, par un coup étonnant de génie, les met à droite : ils avoient un casque, il leur donne un turban : ils respiroient à Rome, il les transporte en Perse ; & à l’aide des lampions & du souffleur, cette sérieuse caricature passe comme si elle n’étoit pas étrangement risible.

1778. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Quant à nous, si nous devions parvenir jusqu’à l’âge de soixante ans, sans avoir rien produit, ou seulement quelques essais illisibles, nous renoncerions alors à ce fâcheux métier de critique, car nous pourrions nous inspirer, à notre insu, des mauvais conseils de notre infirmité spirituelle ; en tout cas, on aurait le droit de le supposer, — et c’est un droit que nous ne reconnaîtrons jamais à personne. […] Et pourtant elle n’attend plus — on a quelque lieu de le supposer — que son cœur lui ait révélé comment l’esprit vient aux filles.

1779. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Il n’a pas même consulté les derniers volumes de Sismondi, dont la lecture ne suppose pas une grande érudition archéologique, où il aurait trouvé de la science toute faite. […] Il est frivole, insolent, luxurieux, bavard, épris de lui-même, effronté, vantard, c’est bien ; mais avec l’impatience qu’on ne peut manquer de lui supposer, il a tort d’écouter sans l’interrompre, et jusqu’au bout, l’admirable harangue de Saint-Vallier. […] et à supposer que le poète l’eût choisi entre tous pour représenter, sous la forme la plus parfaite et la plus vive, ce sentiment spécial, était-il nécessaire de faire contraster la beauté de l’âme avec la difformité du corps ?

1780. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Et cela suppose une infatigable puissance de travail, une mémoire capable de ne pas succomber sous le poids, mais surtout la plus rare aptitude à s’assimiler toutes connaissances, à les transformer, et à vivifier les matériaux et les faits par les idées. — Après quoi, il est exact de remarquer que M.  […] En montrant enfin tout ce que la critique suppose de longue préparation, d’études en tout sens, de sincérité aussi et d’abnégation de soi, M.  […] Supposez qu’un écrivain s’avise, en France, de dire que l’Église doit marcher avec le siècle ; il n’a pas d’illusions à se faire sur la façon dont serait accueillie cette belle proposition.

1781. (1925) Comment on devient écrivain

Il s’agit de faire autre chose que ses prédécesseurs immédiats, et une école artistique et littéraire se définit surtout par opposition à une autre école, celle qui régnait jusqu’alors, celle qui triomphait et dont on juge qu’elle a trop duré34. »‌ « Edgard Poë, dit Baudelaire, répétait volontiers, lui, un original achevé, que l’originalité était chose d’apprentissage35. » Dans sa Philosophie de la composition, Poë ajoute textuellement ces paroles : « Le fait est que l’originalité… n’est nullement, comme quelques-uns le supposent, une affaire d’instinct ou d’intuition. […] D’abord, l’homme étant un être imitatif par nature, une imitation exacte, même d’un vilain objet, lui fait plaisir, je ne sais comment, par la surprise qu’elle lui cause, par la clairvoyance et l’habileté qu’elle suppose chez l’imitateur ; et ce plaisir, ceux mêmes qui ne l’avouent pas le sentent toujours, à moins que leur sincérité n’ait été altérée par l’affectation de dégoûts bien portés… La peinture de la réalité non arrangée, mais complète, donne l’idée de la beauté, parce qu’elle nous présente quelque chose de compliqué, un jeu de causes et d’effets, de forces subordonnées les unes aux autres. […] Des volumes comme ceux de Fustel de Coulanges supposent des années de labeur et de lectures.

1782. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Ce que je puis vous attester, c’est que les imitations de littérature étrangère, et particulièrement de l’Allemagne, étaient moins voisines de leur pensée qu’on ne le supposerait à distance. […] Sainte-Beuve qui publia à cette époque les Poésies de Joseph Delorme dans lesquelles on trouve un mélange de subtilité mystique et de sensualité moderne qui firent donner à l’auteur le sobriquet de Werther-carabin : Werther parce qu’il supposait ses poésies écrites par un jeune homme qui, à l’exemple du héros de Goethe, se serait suicidé pour échapper à la maladie du siècle — et carabin à cause de certaines recherches anatomiques qui trahissaient l’étudiant en médecine détroussé.

1783. (1898) Essai sur Goethe

Dans sa pensée, elle doit avoir une valeur symbolique : elle incarne, je suppose, les mauvaises tendances de l’Allemagne, les tendances aristocratiques et cléricales, celles-là mêmes que soutenaient l’évêque de Bamberg et Weislingen, et que Gœtz combattait. […] L’on peut même supposer qu’il trouva, dans cette lutte entre sa délicatesse et son sentiment, une sorte de plaisir douloureux, dans le goût du temps. […] Gnad, ne nous apprend pas grand’chose sur cette relation et sur son état d’âme à ce moment-là ; mais nous avons toute raison de croire que cette liaison fut beaucoup plus passionnée que le ton mesuré et retenu de son récit ne le fait supposer.

1784. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Cette louange, par les restrictions énormes qu’elle suppose, plaît aux esprits chagrins qui craignent d’admirer même les morts. […] Un chef de l’État dont l’impuissance est l’unique vertu et qui devient criminel dès qu’on suppose qu’il agit ou seulement qu’il pense ; des ministres soumis à un Parlement inepte ; un fonctionnarisme sans cesse accru, immense, avide, malfaisant, en qui la République croit s’assurer une clientèle et qu’elle nourrit pour sa ruine ; une magistrature recrutée sans règle ni équité ; une armée que pénètre sans cesse, avec la nation tout entière, l’esprit funeste d’indépendance et d’égalité, pour rejeter ensuite dans les villes et les campagnes la nation tout entière, gâtée par la caserne ; un corps enseignant qui a mission d’enseigner l’athéisme et l’immoralité ; une diplomatie à qui manquent le temps et l’autorité ; enfin, tous les pouvoirs, le législatif et l’exécutif, le judiciaire, le militaire et le civil, mêlés, confondus, détruits l’un par l’autre ; un règne dérisoire qui, dans sa faiblesse destructive, a donné à la société les deux plus puissants instruments de mort que l’impiété ait jamais fabriqués : le divorce et le malthusianisme. […] Le député porte à la tribune des propositions de loi qui enflent le budget, ou il vote des dégrèvements qui contribuent d’une autre façon à créer des déficits ; il assiège les ministres pour obtenir une place pour celui-ci, une remise d’amende pour celui-là ; mais il ne faut pas supposer que ses discours parlementaires ou ses séances dans les antichambres ministérielles acquittent la dette qu’il a contractée envers ses électeurs le jour où il a brigué leur confiance.

/ 1858