Les parfums aussi bien que l’odeur ou la vue du sang, le bruit et la chaleur, le travail intellectuel et le travail musculaire, le repos et la fatigue, l’ivresse et l’abstinence, les sensations les plus contradictoires favorisent l’essor sexuel. […] Malgré les efforts de la pédagogie rationnelle qui voudrait bien substituer au Petit Poucet l’histoire de la Révolution ou celle de la fondation de l’Empire allemand, c’est avec le conte bleu ou rouge, d’amour ou de sang, que les mères continuent d’endormir les enfants sages. […] Il sait que tels qui feignent de fuir les plaisirs ont avec eux des rendez-vous secrets. « Ceux qui de jour paraissent les plus chastes et les plus remplis de pudeur sont de nuit, quand personne ne les voit, les plus impudiques et courent après toutes les voluptés auxquelles le jour n’est pas favorable32. » Il n’est dupe de rien, pas même des scrupules de conscience, leur attribuant une origine purement physique : « Si la mauvaise constitution du sang cause des scrupules, il faut la rendre plus fluide. […] Le Pour et le Contre naissent tout armés de cette dent de Dragon et se jettent l’un sur l’autre pour une lutte éternelle, cependant que de chaque goutte de leur sang versé naissent les nuances, les arguments, les contradictions et toutes les vérités aux yeux fous.
La justice humaine, telle qu’il nous la montre, n’est pas moins altérée de sang que Han d’Islande, ou Habibrah. […] Les salamandres sculptées au flanc de la cathédrale sont restées immobiles, et le sang qui courait dans les veines de l’homme s’est glacé tout à coup ; la respiration s’est arrêtée, l’œil ne voit plus, l’âme engourdie a désappris la pensée. […] Il est très vrai que l’aristocratie portait la tête haute dans les premières années du règne de Louis XIII ; mais elle résistait à Richelieu en levant des armées, et lorsqu’elle avait une grâce à demander, elle ne se présentait pas escortée comme un prince du sang.
Ainsi dans toutes les langues le coeur brûle, le courage s’allume, les yeux étincellent, l’esprit est accablé : il se partage, il s’épuise : le sang se glace, la tête se renverse : on est enflé d’orgueil, enyvré de vengeance. […] Une princesse ne doit point dire à un empereur, La vapeur de mon sang ira grossir la foudre, Que Dieu tient déjà prête à te réduire en poudre. […] Quoique cette autorité suffise pour établir la croyance de ce fait dans l’esprit d’un chrétien, & que l’histoire nous peigne Hérode comme un prince soupçonneux & sans cesse agité de la crainte que son sceptre ne lui fût enlevé, & qui sacrifiant tout à cette jalousie outrée de puissance & d’autorité, ne balança pas à tremper ses mains dans le sang de ses propres enfans : cependant il y a des difficultés qu’on ne sauroit se dissimuler, tel est le silence des trois autres évangélistes, celui de l’historien Josephe sur un évenement aussi extraordinaire, & la peine qu’on a d’accorder le récit de saint Luc avec celui de saint Matthieu.
Un jour, tardif peut-être, mais un jour tu traîneras dans la poussière et dans le sang tes cheveux adultères !
que l’artiste infusait de sa propre individualité, de son propre sang, dans les formes, dans les veines des êtres qu’il créait, et que c’est encore une partie de sa vie qu’on voit palpiter dans ces formes vivantes, dans ces membres prêts à se mouvoir, sur ces lèvres prêtes à parler.
En tout, c’était la figure de Werther, amoureux, pensif, désespéré, tel que le capricieux génie de Goethe venait de le jeter dans l’imagination de l’Europe pour y vivre longtemps de ses larmes et de son sang.
C’était un robuste Bourguignon, de sang riche, de tempérament bien réglé, simple, lucide, franc, sans brutalité comme sans flatterie, ennemi du tortillage et du mensonge.
se plaira-t-il à toute cette grandeur contre laquelle ses pères, vassaux révoltés, luttèrent pendant tant de siècles, et qu’ils ont fini par traîner dans la poussière et dans le sang, contre laquelle ses maîtres les philosophes ont prononcé un anathème et un arrêt de mort ?
Jésus pleurant sur Jérusalem, la sueur de sang, la rencontre des saintes femmes, le bon larron, etc.
Mais le crime divin a été tel que tout le sang humain n’en pourra laver la souillure.
L’Association artistique publie un journal, Angers-Revue, idée excellente en soi, ce journal servant à expliquer et à commenter les œuvres exécutées dans les concerts de l’Association, excellente aussi en ce sens que le journal prête un sérieux appui à l’École française et est rédigé avec esprit et talent ; mais la rédaction du journal est piquée jusqu’au sang de la tarentule wagnérienne, et cela l’entraîne quelquefois un peu plus loin, peut-être, qu’elle ne le voudrait elle-même.
Samedi 30 décembre Au milieu de la gaieté et du tapage des conversations, Nittis adossé à son bureau du fond de l’atelier, me dit dans sa jolie langue enfantine, sur une note mélancolique : « Oh, quand on a passé la première jeunesse… quand il n’y a plus dans les veines, un certain bouillonnement du sang… la vie, ce n’est plus guère attachant… et moi encore tout enfant — j’avais dix ans — j’ai entendu : « Il y a un « monsieur qui s’est tué… » c’était de mon père qu’il s’agissait… vous concevez la vie fermée que ça m’a fait là-bas… deuil et solitude… et des notions tout élémentaires… lire et écrire : ç’a été tout… le reste c’est moi qui me le suis donné… je me suis entièrement formé par la réflexion solitaire… cela m’a laissé une naïveté… et vous concevez que dans la société actuelle cette naïveté… » Nittis ne finit pas sa phrase.
Bain montre pour la première comment chaque sentiment de plaisir coûte quelque chose à l’économie, comment à une grande intensité de jouissance correspond toujours une grande dépense de sang et de substance nerveuse.
Persuadée qu’on n’agit que sur les opinions mixtes, Mme de Staël se montre surtout préoccupée dans cet écrit de convaincre les Français de sa ligne, les anciens royalistes constitutionnels, et de les rallier franchement à l’ordre de choses établi, pour qu’ils y influent et le tempèrent sans essayer de l’entraver : « Il est bien différent, leur dit-elle, de s’être opposé à une expérience aussi nouvelle que l’était celle de la république en France, alors qu’il y avait tant de chances contre son succès, tant de malheurs à supporter pour l’obtenir ; ou de vouloir, par une présomption d’un autre genre, faire couler autant de sang qu’on en a déjà versé, pour revenir au seul gouvernement qu’on juge possible, la monarchie. » De telles conclusions, on le sent, durent paraître trop républicaines à beaucoup de ceux à qui elles s’adressaient ; elles durent aussi le sembler trop peu aux purs conventionnels et aux républicains par conviction. […] Corinne elle-même, au cap Misène, n’a-t-elle pas repris cette haute inspiration : « O Terre toute baignée de sang et de larmes, tu n’as jamais cessé de produire et des fruits et des fleurs !
On ne veut pas être dupe et se refuser les licences que les autres s’accordent ; on se relâche de sa sévérité juvénile ; même on en sourit, on l’attribue à la chaleur du sang ; on a percé ses propres motifs, on cesse de se trouver sublime. […] Beaucoup d’hommes vivent, fardeaux inutiles de la terre ; mais un bon livre est le précieux sang vital d’un esprit supérieur, embaumé et conservé religieusement comme un trésor pour une vie au-delà de sa vie… Prenons donc garde à la persécution que nous élevons contre les vivants travaux des hommes publics ; ne répandons pas cette vie incorruptible, gardée et amassée dans les livres, puisque nous voyons que cette destruction peut être une sorte d’homicide, quelquefois un martyre, et, si elle s’étend à toute la presse, une espèce de massacre dont les ravages ne s’arrêtent pas au meurtre d’une simple vie, mais frappent la quintescence éthérée qui est le souffle de la raison même, en sorte que ce n’est point une vie qu’ils égorgent, mais une immortalité477. » Cette énergie est sublime ; l’homme vaut la cause, et jamais une plus haute éloquence n’égala une plus haute vérité.
Les expériences de Mosso, entre autres, montrent que l’émotion la plus légère, la plus fugitive, cause un afflux de sang au cerveau. « La circulation sanguine est plus active dans l’organe cérébral pendant qu’il travaille que pendant le repos. […] Le soupir, autre symptôme respiratoire, est, comme l’ont fait remarquer plusieurs auteurs, commun à l’attention, à la douleur physique et morale : il a pour fin d’oxygéner le sang narcotisé par l’arrêt volontaire ou involontaire de la respiration.
Le rouge, la couleur du sang, la couleur de la vie, abondait tellement dans ce sombre musée, que c’était une ivresse ; quant aux paysages, — montagnes boisées, savanes immenses, rivières désertes, — ils étaient monotonement, éternellement verts ; le rouge, cette couleur si obscure, si épaisse, plus difficile à pénétrer que les yeux d’un serpent, — le vert, cette couleur calme et gaie et souriante de la nature, je les retrouve chantant leur antithèse mélodique jusque sur le visage de ces deux héros. — Ce qu’il y a de certain, c’est que tous leurs tatouages et coloriages étaient fait selon les gammes naturelles et harmoniques. […] Dans le Sang de Vénus, la Vénus est jolie, délicate et dans un bon mouvement ; mais la nymphe accroupie en face d’elle est d’un poncif affreux.
Vous ne trouverez pas non plus chez eux ces rimes en ang et en ant, en anc et en and, que ne sauve pas la consonne d’appui, même dans ces magnifiques vers de Victor Hugo : Un flot rouge, un sanglot de pourpre, éclaboussant Les convives, le trône et la table, de sang, ni la rime artésienne ou picarde, pomme et Bapaume, ni la méridionale Grasse (la ville) et grâce, ni même la normande aimer et mer, bien que consacrée par Corneille et aussi par Racine, et il n’y a plus guère que M. […] Il est clair, pour qui, aujourd’hui, examine de bonne foi et avec le sang froid qu’il serait vraiment malheureux que le temps écoulé n’ait pas instauré de longue date et dès le premier examen dans toute tête un peu pensante, il est clair, dis-je, que c’est du mélange de la forme et de l’esprit racinien révolutionné, modifié par l’esprit et la forme de Shakespeare et finalement fondu dans un tout très dilué par les habitudes de la pensée et du style contemporains, qu’a procédé, jusqu’à nos jours exclusivement, la littérature de ce siècle, — en tenant compte, bien entendu, des ambiances, des confluences anciennes et récentes, du cosmopolitisme enfin de notre courante civilisation.
Oui, lorsqu’aux premiers orages de la Révolution française, qui ont grondé sur vous à votre insu, car vous n’étiez qu’un enfant, je voyais tous les liens de la société se dissoudre, toutes les institutions nager dans le sang, ah !
Tous les héros des poëmes anciens, Énée, Ulysse, ont le don de devenir plus grands, plus beaux de leur personne, à de certains moments, sous la protection des déesses ; mais nulle part cette sorte de métamorphose ou d’embellissement surnaturel n’est plus magnifiquement décrite que pour Jason : « Personne encore jusque-là parmi les hommes des anciens jours, ni parmi ceux qui sont de la descendance de Jupiter lui-même, ni d’entre tous les héros qui jaillirent du sang des autres immortels, personne n’avait été pareil à ce que devint Jason ce jour-là, par la faveur de l’épouse de Jupiter, tant pour la beauté de la personne que pour le charme des entretiens.
Brutus avait mal raisonné en assassinant César ; il raisonnait aussi mal en se tuant lui-même ; c’était un sophiste éloquent et courageux, mais qui poussait toujours son sophisme jusqu’au sang.
La vérité, la liberté, la justice, la charité, la tempérance, la mortification des sens, le dévouement à ses semblables, le désir de la mort pour revivre plus saint ; le sacrifice de soi-même, jusqu’au sang, à Dieu ; la joie dans le supplice volontaire, la foi dans la résurrection, voilà les victoires de l’âme.
Le coup, ayant traversé l’artère, le tua en peu de minutes, noyé dans une mare de sang.
Selon de Gobineau, la poésie des races blanches supérieures serait la poésie épique ; celle des races noires, la poésie lyrique ; la poésie grecque, mélange de poésie lyrique et de poésie épique n’a pu exister que parce que le peuple grec n’appartenait pas à la race aryane pure et qu’il entrait dans le sang grec à la fois un élément blanc et un élément noir. — La qualité intellectuelle des races blanches supérieures (races nordiques) serait la supériorité du jugement ; la race hindoue se caractériserait par l’imagination débordante et par la puissance d’abstraction ; la race jaune par le sens de l’utilité.
Commentaire-Programme, par Richard Wagner28 « Le Saint-Graal était la coupe dans laquelle le Sauveur avait bu à la dernière cène et où Joseph d’Arimathie avait reçu le sang du Crucifié.
Il me semble vivre, un moment, dans les fonds fauves d’une de ces vieilles toiles, dont les maîtres vénitiens entourent un couple d’amoureux, pâlement enfiévrés, et aux lèvres, aux regards de sang.
Il faut au poète dramatique, pour émouvoir de toute sa puissance le cœur humain, un théâtre, une scène, des décorations, des musiciens, des peintres, des acteurs, des costumes, des gestes, des paroles, des larmes feintes, des déclamations, des cris simulés, du sang imaginaire, mille moyens étrangers à la poésie elle-même.
Eschyle est épique et gigantesque lorsqu’il fait retentir le rocher sur lequel les Cyclopes attachent Prométhée et que les coups de leurs marteaux en font sortir les nymphes effrayées ; il est sublime lorsqu’il exorcise Oreste, qu’il réveille les Euménides qu’il avait endormies, qu’il les fait errer sur la scène et crier : Je sens la vapeur du sang, je sens la trace du parricide, je la sens, je la sens… et qu’il les rassemble autour du malheureux prince qui tient dans ses mains les pieds de la statue d’Apollon.
Le style de Stendhal, c’est l’action d’un cheval de race : ses écarts sont les écarts d’un pur sang ombrageux. […] Le toutes ses idées changèrent est l’exact équivalent intellectuel du sang qui monte sous la peau ; ce qu’il y a de court, de brusque, de comme arrêté par un mur dans la phrase, ne fait que rendre plus sensible ce rétrécissement du champ de vision jusqu’à un point, cette opacité qu’engendre le désir. […] Cet effort déjà en soi si difficile qui consiste devant un être humain à faire entièrement abstraction de notre personne, à ne nous le représenter qu’en lui-même et pour lui-même, à lui imputer des pensées et des sentiments où nous n’ayons aucune part, qui ne postulent même pas notre existence, — il semble que les liens du sang y apportent des obstacles presque insurmontables : entre les membres d’une même famille circulent sans cesse des courants d’attractions et de répulsion passionnés, — d’un si puissant animalisme que le jeu normal des facultés s’en trouve comme suspendu, et involontairement chacun tend à n’y plus voir les autres que par rapport à lui-même ; ajoutons à cela les sentiments qu’il est convenu que l’on éprouve, que l’on doit éprouver et qui viennent compliquer inextricablement la situation. […] Le poignant intérêt du récit de Schlumberger vient de ce que tout le temps on y sent chez le narrateur le désir de rendre à chacun des siens ce qui lui est dû, de lui créer une autonomie, de surmonter enfin cette voix du sang dont les oracles sont chargés de tant d’injustes et aveugles humeurs : qu’il s’agisse du père, de la mère, de la femme, il semble que la main qui opère ne touche jamais une plaie que pour la guérir, pour purifier un souvenir avant de l’accrocher, net, intangible désormais, dans le musée idéal de la mémoire : seule, sa plaie à elle, elle ne peut la guérir en l’opérant, et sur tout le livre s’étend cette mélancolie de la maturité criblée où les blessures que l’on a faites ne laissent pas moins de cicatrices que celles que l’on a reçues. […] Les deux parties forment un tout indissoluble ; et s’il est évident, de par leur caractère même, que les pages du Journal — il en est peu d’aussi pures, partant d’aussi contagieuses parmi celles que suscita le besoin d’écrire pro rimedio animae suae — ont chance d’être plus immédiatement peut-être, plus universellement en tout cas « converties en sang et nourriture », il ne l’est pas moins qu’elles ne développeront toute la vertu de leur message qu’en ceux qui auront su s’approprier les substantiels et si divers apports des chapitres qui précèdent.
Elle dit : « Jamais de sang versé, jamais de guerre, même juste ; que la pitié arrête et supprime le carnage ! […] Dans certains pays la race supérieure, très sagement, s’était interdit de s’unir par mariage avec les plébéiens ; la plèbe n’a pas eu de cesse qu’elle ne fit disparaître cette injustice et cette « immoralité » et qu’elle n’adoucît, intimidât, dévirilisât la race supérieure par le mélange des sangs. […] Un tel sens de l’équivoque, entré dans l’âme et dans le sang, une telle liberté d’esprit remplissant toutes les fibres et tous les muscles du corps, personne peut-être ne possédait ces qualités comme lui. » Cette souplesse de « l’art fort » a pour marque assez fréquente ce qu’on a appelé fort bien les grâces de la négligence. […] — C’est ainsi qu’il parle en une époque inquiète et vigoureuse, qui est presque ivre et stupéfiée par sa surabondance de sang et d’énergie, en une époque bien pire que la nôtre Et voilà pourquoi nous avons besoin de nous accommoder commodément le but d’un drame de Shakespeare, c’est-à-dire de ne le point comprendre. » Le théâtre ne fait pas détester les fautes qu’il représente, il les fait aimer par ceux qui y sont portés, en les idéalisant même par le malheur, même par la mort. […] Qu’elle soit la seule à chercher, à trouver, à réaliser par l’effort, par la souffrance, par les larmes et par le sang, je ne puis parvenir à en être absolument certain.
Qu’un homme tel que lui eût écrit ces duretés d’une main tremblant encore du poids du fusil de volontaire porté toute une nuit, ou taché du sang d’un blessé français ramassé sur le champ de bataille, je le comprendrais ; je m’y résignerais. […] je le vois bien, mon enfant, nous souffrons tous les deux du même amour ; c’est cet amour de la patrie, qui a parlé en nous, et qui a fait taire tout le reste, le jour où le pied de l’Allemand a violé la frontière sacrée et arrose de sang français la terre de France ! […] J’avais l’horreur du sang versé ; depuis ce jour-là, ils l’ont chassé de mon cœur comme une faiblesse de femmelette.
Nos péres ont vêcu sans conoitre la circulation du sang ; faut-il négliger la conoissance de l’anatomie ? […] la voix du sang, la voix de la nature, c’est-à-dire, les mouvemens intérieurs que nous ressentons à l’ocasion de quelque accident arivé à un parent, etc. […] Souvent la vivacité de l’imagination nous fait parler de manière, que quand nous venons ensuite à considérer de sang froid l’arangement dans lequel nous avons construit les mots dont nous nous somes servis, nous trouvons que nous nous somes écartés de l’ordre naturel, et de la manière dont les autres homes construisent les mots quand ils veulent exprimer la même pensée ; c’est un manque d’exactitude dans les modernes ; mais les langues anciènes autorisent souvent ces transpositions ; ainsi dans les anciens la transposition dont nous parlons est une figure respectable qu’on apèle hypallage, c’est-à-dire, changement, transposition, ou renversement de construction.
Le flux et le reflux de la marée, c’est « le pouls de l’Océan », dont les eaux répandent la vie sur le globe comme le sang dans le corps humain. […] Il prévoyait des révolutions politiques, peut-être des guerres européennes, il voulait rapprocher les classes, enseigner à la bourgeoisie l’amour du peuple, enseigner à tous « l’élan de 92, la gloire du jeune drapeau et la loi de l’équité divine, de la fraternité, que la France promulgua, écrivit de son sang. » Le Peuple, paru en 1846, fut la préface de l’Histoire de la Révolution, dont le premier volume est de 1847. […] Il se reproche les impatiences et les bouillonnements de son sang ardennais ; il se promet de ne plus discuter avec violence. […] C’est donc Michelet tout entier que nous révèle et nous explique ce délicieux petit livre, écrit avec des larmes et du sang, où il nous livre le secret de sa vie, de sa pensée, de ses œuvres.
Mme Fœrster, malheureusement, n’a pu rien découvrir de positif touchant cette question d’origine ; mais elle reproduit, en revanche, une note de son frère qui a pour nous l’importance, plus précieuse, d’un document psychologique tout-à-fait significatif : « On m’a appris, écrivait Nietzsche en 1883, à faire remonter l’origine de mon sang et de mon nom à une vieille famille noble de Pologne, les Nietzky ; ceux-ci auraient quitté leur pays depuis plus d’un siècle, pour des motifs religieux, car ils étaient protestants. […] Ce que j’ai de sang allemand ne me vient que de ma mère ; et il me semblait que, malgré cela, j’étais resté essentiellement Polonais. […] À peine l’école et le séjour des villes avaient-ils formé le jeune homme aux devoirs de la vie de son temps, que son vieux sang de quaker et de campagnard de nouveau s’était réveillé, le rappelant aux seuls goûts et aux seuls besoins des âmes primitives. […] Sa mère, sa grand’mère, son arrière-grand-mère étaient allemandes ; il y a aussi dans ses veines un peu de sang écossais.
Mais c’était l’aîné surtout qui portait le cachet paternel, et à qui son père avait transmis toute sa passion de l’étude par le sang à la fois et par l’exemple.
. — Et dans le même chant, cette comparaison encore (car les comparaisons ici se succèdent et ne tarissent pas) de la jeune Écossaise, vaguement apparue au chasseur dans la nuée, au sein de l’arc-en-ciel, avec la belle forme vaporeuse de l’ange ténébreux aperçu de loin d’abord par Éloa ; — et au chant III, cette dernière image enfin, cette description si large et si fière de l’aigle blessé qui tente un moment de surmonter sa douleur, et qui ressemble plus ou moins au même archange infernal avec sa plaie immortelle : Sur la neige des monts, couronne des hameaux, L’Espagnol a blessé l’aigle des Asturies, Dont le vol menaçait ses blanches bergeries, Hérissé, l’oiseau part et fait pleuvoir le sang, Monte aussi vite au ciel que l’éclair en descend, Regarde son soleil, d’un bec ouvert l’aspire, Croit reprendre la vie au flamboyant empire ; Dans un fluide d’or il nage puissamment.
Elle a ses filles auxquelles elle se doit, l’une d’elles entre autres, malade et qui a hérité de son père un sang vicié.
Les serins chantent dans les cages, a dit l’autre Chénier de Delille ; du moins ce serin charmant, qu’on trouva dans le palais fumant du sang des maîtres, et qu’on aurait voulu faire chanter, le serin, disons-le à son honneur, fut triste et ne chanta pas36.
De quelque côté qu’il regarde, les objets se transforment en spectres qui représentent tantôt des araignées monstrueuses qui se dirigent vers lui pour boire son sang, tantôt des militaires avec des hallebardes.
Mais il paraît que tous ces braves contempteurs des perruques, ces futurs grands hommes, n’avaient que de l’encre au lieu de sang sous les ongles.
Elle l’avait élevé, elle avait été témoin de ses progrès dans ses premières études ; elle avait conçu de lui une de ces grandes idées qui montrent un grand homme dans un enfant à des parents trop prévenus en faveur de leur sang.
Quant à lui, il était aisé de voir qu’il était de race et de sang légitimistes, c’est-à-dire qu’il croyait à la puissance de la tradition et des mœurs avant tout ; le commandement et l’obéissance par l’habitude, c’était pour lui tout le gouvernement.
Elle a ses origines dans le tempérament, je l’ai dit : mais des origines plus lointaines encore, et visibles pourtant, dans certains facteurs du tempérament, dans le sang et dans le milieu, dans l’hérédité et l’éducation.
On trouva plus beau que le premier nom sur la liste de nos poëtes durables fût celui d’un prince du sang et non celui d’un enfant du peuple, et, il faut bien le dire, d’un échappé du gibet.
des flots de sang ont éteint l’incendie qu’elles avaient rallumé.
Enfin le vrai sens du motif est dans le chœur : « Prenez mon sang, prenez mon corps, pour la grâce de l’amour.
Vers les cinq heures, la princesse à laquelle la tension du travail met un peu le sang à la tête, sort avec tout son monde, quelquefois en voiture.
Et mes yeux cherchaient, malgré moi, dans cette féronnerie cruelle, la rouille qui fut autrefois du sang.
… Du sang, on n’en trouve point, — c’est Claude Bernard qui parle — on ne saigne plus du tout.
Dimanche 17 avril Aujourd’hui je ne sais pourquoi, je suis hanté par le souvenir de ma nourrice, cette Lorraine aux cheveux et aux sourcils noirs, chez laquelle il y avait bien certainement du sang espagnol, et qui m’adorait avec une sorte de frénésie.
Empêchés par leur sang, leurs nerfs et leur moelle de s’adapter au milieu social qui les enserre, ils y subsistent péniblement et douloureusement, comme de souffreteuses fleurs pâlies dans l’ombre, sous l’essor rival de denses cimes d’arbres.
La sève et le sang, toutes les formes du fait multiple, les actions et les idées, l’homme et l’humanité, les vivants et la vie, les solitudes, les villes, les religions, les diamants, les perles, les fumiers, les charniers, le flux et le reflux des êtres, le pas des allants et venants, tout cela est sur Shakespeare et dans Shakespeare, et, ce génie étant la terre, les morts en sortent.
D’ailleurs, si nul ne peut même songer à en vouloir aux beaux animaux de sang assez riche, de chair assez confusément opulente pour opposer une tête et un corps en toute spontanéité victorieux des pièges sentimentaux et des méchancetés de l’intelligence, quel moyen d’accepter les calembredaines et syllogismes truqués des anémiques, sots et pédants qui, à grand fracas, se réclament de civilisationl, parlent avec ostentation de vie morale et, en fait, se contentent d’user de principes à double fond pour composer un bonheur dont la source n’a point jailli de ce morceau d’eux-mêmes où il eût été, sinon héroïque, du moins décent qu’ils tentassent de la faire sourdre.
C’est ainsi que, pour avoir tiré des Nouvelles de Cervantès trois pièces en tout sur quarante et une : Cornélie ; la Force du sang, la Belle Égyptienne ; une autre d’un autre recueil espagnol ; et une cinquième enfin, sa Félismène, de la Diane de Montemayor, on lui reproche d’avoir effrontément pillé le répertoire de Lope de Vega. — Je ne dis rien de Calderon, dont aussi bien M. […] Fénelon, à la fin du siècle, n’en peut contenir son indignation ; dans des lettres et dans des Mémoires qu’il fait passer à Rome par l’intermédiaire du père Le Tellier, confesseur du roi — et qui ressemblent à des notes ou à des rapports de police, — il dénonce nommément les personnes : princes et princesses du sang, cardinaux, évêques, magistrats, et réclame contre elles, pour en finir, des mesures de violence20. […] mon frère, ce sont de pures idées, dont nous aimons à nous repaître… Lorsqu’un médecin vous parle d’aider, de secourir, de soulager la nature, de lui ôter ce qui lui nuit et lui donner ce qui lui manque, de la rétablir et de la remettre dans une pleine facilité de ses fonctions ; lorsqu’il vous parle de rectifier le sang, de tempérer les entrailles et le cerveau, de dégonfler la rate, de raccommoder la poitrine, de fortifier le cœur et d’avoir des secrets pour étendre la vie à de longues années, il vous dit justement le roman de la médecine. » Ces paroles me semblent assez caractéristiques, et en même temps qu’elles éclairent le ridicule d’Argan — qui est de vouloir être malade « en dépit de la nature », — on voit sans doute où elles nous ramènent.
Lucrèce même n’a rien écrit de plus beau, d’une beauté plus sombre, et Lucrèce n’a pas trouvé l’admirable reprise : C’est là ce que me dit sa voix triste et superbe, Et dans mon cœur alors je la hais ; et je vois Notre sang dans son onde, et nos morts sous son herbe, Nourrissant de leurs sucs la racine des bois… Mais avant d’aller plus loin, et au nom même d’une admiration commune, M. […] En effet, cela va plus loin que l’horreur instinctive du sang, plus loin que l’effroi commun du meurtre et de l’âpreté de la « concurrence vitale » ; cela touche presque au dégoût des fonctions naturelles de la vie. […] Sully Prudhomme a raison : si ce n’est pas une forme du bonheur, c’en est au moins l’une des conditions, la base physique, si l’on peut ainsi dire, que d’être affranchi de l’esclavage du corps et des nécessités humiliantes, honteuses et coupables où la chair et le sang nous engagent. […] Non pas ; mais c’est que dans la vie réelle, nous-mêmes ou ceux qui nous entourent, des êtres vivants, faits de chair et de sang, nous avons éprouvé l’absurdité du préjugé, l’injustice de la coutume, ou la cruauté de la loi. […] Et enfin, — cette considération n’est pas non plus indifférente, — émancipés de l’imitation souvent servile du grec et du latin dont Boileau n’a pas eu tort de critiquer, dans Ronsard, « le faste pédantesque », et s’étant converti « en sang et en nourriture », ce que leurs prédécesseurs avaient maladroitement emprunté de l’Espagne ou de l’Italie, ce sont les plus Français de nos écrivains, ceux en qui l’on reconnaît le moins de traces de l’étranger ; et, tout universels ou européens qu’ils soient, ce sont pourtant ceux dont les qualités les plus rares échappent le plus aisément à quiconque n’est pas de leur race.
Les héros habituels du roman picaresque, un don Guzman d’Alfarache ou un don Pablo de Ségovie, n’ont dans les veines qu’un sang mêlé de voleur et de fille, ou d’aventurière et de banqueroutier. […] S’il s’intéresse à ses personnages, Marivaux ne les aime pourtant pas ; ce sont plutôt pour lui des sujets d’expérience que des êtres de chair et de sang, aux émotions de qui son cœur batte ou s’arrête, se dilate ou se serre ; il ne vit pas enfin de leur vie, et ne met rien en eux de la sienne. […] Il s’y verse des flots de sang et il y coule des torrents de larmes. […] Rappelez-vous le récit du chevalier des Grieux : « Elle me parut si charmante, que moi, qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention…, je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport. » Tous ses héros, toutes ses héroïnes parlent de ce style, et, pour user ici de ses propres expressions, « toute la capacité de leur âme étant absorbée par le sentiment », ou encore, « la passion troublant à la fois tout leur sang et toute leur raison », ils s’élèvent d’abord au paroxysme de l’amour et s’y maintiennent, aimant sans borne et sans mesure, parce qu’ils ont aimé sans choix et sans réflexion. […] Peu ou point d’aventures, de ces aventures dont Prévost avait chargé ses premiers romans ; pas de sang répandu comme dans les Mémoires d’un homme de qualité ; pas de voyages par-delà les mers, chez les Hurons ou chez les Iroquois, comme dans Cléveland ; pas d’emprunts ; l’histoire, comme dans le Doyen de Killerine, pour colorer d’un air de réalité l’invraisemblance ou l’étrangeté des incidents ; pas de mélodrame surtout, comme, en cherchant bien, on en retrouverait jusque dans Manon Lescaut : une seule famille, comme dans Clarisse, un seul couple, comme dans Paméla ; tous les caractères développés sur place, pour ainsi dire, et du fond d’eux-mêmes, par le seul exercice de leurs dispositions naturelles ; toute l’action ramenée du dehors au dedans ; et l’émotion ainsi dérivée de sa véritable source, ou du moins la plus abondante et la seule inépuisable, qui est la connaissance entière de ce que les personnages du drame ont eux-mêmes de plus secret et de plus caché pour eux-mêmes.
Mais le saint Roi vainquit Sultans, Monstres, Démons, Fit de sang & de morts des fleuves & des monts, &c. […] Là, forgent les amours les redoutables armes Dont les coups, pour du sang, ne tirent que des larmes.
Sa gloire aura été de nous avoir donné dans plusieurs de ses livres (La Mort de Venise, Du Sang et de la Volupté, etc.), quelques accents impérissables d’une âme épuisée de satiété et d’infini. […] La bouche voluptueuse, songeuse, empourprée de sang, la barbe douce, l’abondante chevelure brune, l’oreille, petite et délicate concourent à un ensemble fièrement viril, malgré la grâce féminine. » On le retrouvait ainsi tous les jours, infatigable, sa courte pipe entre ses doigts grelottants, frôlant de ses yeux myopes le papier et les livres. […] Le café est le cercle des gens qui ne jouent pas et qui causent après avoir lu. » Boulevardier endurci, comme on l’était sous le second Empire, Gustave Claudin, qui n’avait jamais quitté Paris, eut un jour la faiblesse de se laisser entraîner en Italie par Paul de Saint Victor. « Il y saigna, dit Bergerat, tout le sang de son corps déraciné. […] Il y a un vers de Ronsard qu’il trouvait sublime et qu’il vous jetait à la tête comme une bravade : « Certes, je le dirais du sang Valésien !
Il ne tachera plus le cristal de ton onde, Le sang rouge du Franc, le sang bleu du Germain ; Ils ne couleront plus sous le caisson qui gronde Ces ponts qu’un peuple à l’autre étend comme une main ! […] Dans son Journal, qui est la clef de-toute sa pensée, il esquisse quelquefois en six lignes un système philosophique qui ferait honneur à un grand « penseur. » Il dit sans s’y arrêter davantage « Chaque homme n’est que l’image d’une idée de l’esprit général. ― L’humanité fait un interminable discours dont chaque homme illustre est une idée. » — Il a telle réflexion qui est un portrait, le portrait où de très grands hommes, un Montaigne, un Renan se reconnaîtraient tout entiers : « Parler de ses opinions, de ses admirations, avec un demi sourire, comme de peu de chose, qu’on est tout près d’abandonner pour dire le contraire : vice français. » — Autre vice français et de tous les pays dans un certain état social : « L’élégante simplicité, la réserve des manières polies du grand monde, causent non seulement une aversion profonde aux hommes grossiers, de toutes les opinions, mais une haine qui va jusqu’à la soif du sang. » Il y a des partis considérables, des mouvements d’opinion, des révolutions qui n’ont pas besoin d’autre explication. […] J’ai été le « buveur du sang des phrases. » Voilà-t-il pas une grosse affaire ?
A l’âge d’environ douze ans (1779), on le voit, par une lettre à sa grand’mère, déjà lancé, l’épée au côté, dans le grand monde de Bruxelles ; il y parle de la musique qu’il apprend, des airs qu’il joue, et dans quelle manière : « Je voudrais qu’on pût empêcher mon sang de circuler avec tant de rapidité et lui donner une marche plus cadencée ; j’ai essayé si la musique pouvait faire cet effet.