À des manœuvres si rigoureuses, l’esprit le plus souple perdrait de l’aisance et du jeu. […] Elle s’y acclimata, comme on sait, sans perdre sa marque originelle. […] On ne perd pas son temps à l’entendre. […] S’il s’apaisait, nous y perdrions l’éloquence de ses colères, et ce serait tant pis. […] D’un brusque tour de main, il dégage du capuchon son cou perdu dans l’ampleur de l’étoffe.
« Je me sens perdu », me dit-il ; puis, avec un sourire que je vois toujours : « Les médecins ne savent pas ce que j’ai. […] Personne, plus que lui, n’a eu le sentiment du tragique de notre destinée, pris dans un univers qui semble nous ignorer, perdus dans cet espace infini dont le silence épouvante. […] Cela perd tout. […] Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. » Il y a pourtant une différence. […] Leur constante et fière protestation n’a pas été perdue.
Comme le goût tient à la vérité, & qu’il étoit perdu depuis long-temps, le faux prit la place du vrai. L’Histoire travestie perdit son exactitude & sa sévérité ; les Romans, digne nourriture des esprits vides & inappliqués, pleins d’un merveilleux absurde, firent les délices d’une imbécille oisiveté. […] Après plus de douze cens ans écoulés & perdus dans l’ignorance, on ouvrit enfin les yeux, & l’on sortit de la plus honteuse léthargie. […] Comment avoit-il pu la perdre au point de se déclarer contre l’Auteur le plus tendre, & le plus digne de lui plaire ? […] Envain on objecte sans cesse que les sources sont taries, & que les sentiers sont trop battus : à force de le répéter, on le croit, & le goût se perd.
Où il se montrait tout à fait supérieur, mon marchand, c’est lorsqu’il parlait de l’utilité de faire attendre longtemps l’homme, qui est venu pour une affaire, parce que, dans l’attente, l’homme s’amollit, que les arguments qu’il a tout prêts, en montant l’escalier, à l’appui de ses prétentions, ces arguments perdent leur conviction entêtée dans le travail de l’impatience nerveuse, que son boniment préparé d’avance, lui-même se désagrège, — et qu’enfin le vendeur d’une chose, qui a attendu trois quarts d’heure, est tout près d’une concession, qu’il n’aurait peut-être jamais faite, si on l’avait reçu tout de suite. […] Ce qui a perdu 93, c’est le certificat de civisme, ce qui perdra ce régime-ci, c’est le certificat de civetisme (allusion au bureau de tabac de la Civette). […] Toute pleine de vivacité et d’entrain, la voici farfouillant dans les vieux journaux, y cherchant les éléments d’un historique de la pièce, qu’on distribuera dans la salle, quand tout à coup, je viens à parler du Tonkin, d’une batterie d’artillerie qu’on dit perdue, et la voilà lâchant tout, qui se met à fondre en larmes. […] C’était à la suite d’une coqueluche, que le docteur Tartra s’était obstiné à ne pas soigner comme une coqueluche, et qui avait dégénéré en maladie de poitrine, et j’étais d’une telle maigreur, que l’on me croyait perdu. […] Daudet, qui s’est laissé aller à boire pas mal du vin du cru par-dessus beaucoup de saucisson, et dont Mistral a fleuri le chapeau d’un brin de rue, Daudet, les épaules enveloppées d’une couverture de voyage bariolée, a dans notre break, la tournure d’un jeune et joli Catalan en goguette… Dimanche 27 septembre Le tréfonds de la femme ressemble à ces abîmes de la mer, perdus et secrets au-dessous du remuement des tempêtes, et d’où seulement, quelquefois un sondage rapporte à la science un petit fragment d’être ou de chose inconnu.
Il ajoutait : « Cependant, j’en avais fait un à quinze ans qui s’est perdu, mais qui était imbécile… ce qu’il y a de certain, c’est que la première chose que j’ai faite, je l’ai tirée de moi-même. » Puis au bout de quelques instants de silence, il reprend : « C’est vraiment curieux, chez moi, depuis 1858 — je ne vous connaissais pas — ce sont de petits cahiers, ce sont des notes jetées, au jour le jour, certes moins poussées que les vôtres, mais enfin c’est le même procédé de travail. […] Alors, devenu plus grand je commençai à perdre la petite appréhension timide, que j’éprouvais aux côtés de ma tante, je commençai à me familiariser avec sa douce gravité et son sérieux sourire, remportant au collège des heures passées près d’elle, sans pouvoir me l’expliquer, des impressions plus profondes, plus durables, plus captivantes, toute la semaine, que celles que je recevais ailleurs. […] Et, je la revois encore, avant son départ pour Rome, dans un appartement de la rue Tronchet, comme perdue, comme un peu effacée, dans le brouillard d’émanations de plantes médicinales. […] Jeudi 27 octobre Daudet contait, qu’à sept ou huit ans, ayant perdu, un soir, sa bonne à Nîmes, il avait battu les rues, dans un désespoir qu’on peut supposer, et lorsqu’il avait retrouvé sa maison, revu les fenêtres éclairées de la fabrique, avant de rentrer, il avait embrassé, dans son bonheur, le marteau, le heurtoir de la porte, disant : « J’étais déjà un poète ! […] L’ambassadeur m’apprend qu’il est le fils d’un collectionneur, qui a perdu sa première collection dans un naufrage, la seconde dans un incendie, et qui est demeuré un collectionneur, et lui a légué sa maladie.
Mais que devinrent les éclaireurs avancés, les enfants perdus de nos générations encore lointaines, lorsque, s’ébattant aux dernières soirées du Directoire, essayant leur premier essor aux jeunes soleils du Consulat, et croyant déjà à la plénitude de leur printemps, ils furent pris par l’Empire, séparés par lui de leur avenir espéré, et enfermés de toutes parts un matin en un horizon de fer comme dans le cercle de Popilius ? […] Il avait perdu sa place de bibliothécaire-adjoint ; son père l’envoya à Paris (vers 1800) pour y continuer ses études interrompues ; il y porta des romans déjà faits, et y contracta de nouvelles liaisons politiques. […] En relisant ces divers écrits, en tâchant, s’il se peut, pour les Essais d’un jeune Barde et pour les Tristes, de ressaisir l’édition originale (car dans les volumes des œuvres complètes la physionomie particulière de ces petits recueils s’est perdue et comme fondue), on surprend à merveille les affinités sentimentales et poétiques de Nodier dans leurs origines. […] L’heureux loisir qui délasse ma vie Perd de son charme en perdant son secret ; Il est volage, irrégulier, distrait ; Le nonchaloir ajoute à son attrait, Et sa douceur est dans sa fantaisie.
En ce cas si fréquent, toute l’exigence et toute la rapacité de l’entrepreneur, décidé à gagner ou tout au moins à ne pas perdre, s’abattent sur les paysans : « C’est un loup ravissant, dit Renauldon, que l’on lâche sur la terre, qui en tire jusqu’aux derniers sous, accable les sujets, les réduit à la mendicité, fait déserter les cultivateurs, rend odieux le maître qui se trouve forcé de tolérer ses exactions, pour le faire jouir. » Imaginez, si vous pouvez, le mal que peut faire un usurier de campagne armé contre eux de droits si pesants ; c’est la seigneurie féodale aux mains d’Harpagon ou plutôt du père Grandet. […] On sait les dettes du cardinal de Rohan, du comte d’Artois ; leurs millions de revenu se perdaient en vain dans ce gouffre. […] » Les gardes de la forêt de Gouffern en Normandie « sont si terribles, qu’ils maltraitent, insultent et tuent les hommes… Je connais des fermiers qui, ayant plaidé contre la dame pour se faire indemniser de la perte de leurs blés, ont perdu leur temps, leur moisson, et les frais du procès… On voit des cerfs et des biches errer auprès de nos maisons en plein jour ». […] Séparés du peuple, ils abusent de lui ; chefs nominaux, ils ont désappris l’office de chefs effectifs ; ayant perdu leur caractère public, ils ne rabattent rien de leurs avantages privés.
Elles sont possibles à deux conditions : il faut que son appareil optique et cérébral soit dans l’état requis, et que l’éducation de la vue ait associé chez lui aux sensations optiques l’image de certaines sensations musculaires ; comme ces deux conditions sont données, ses perceptions sont possibles ; si l’une ou l’autre étaient supprimées, ses perceptions cesseraient d’être possibles ; il perdrait ou n’aurait plus qu’incomplètement la faculté de voir. — Il en est de même dans tous les autres cas, que l’on considère une faculté commune à tous les hommes ou une faculté propre à un individu. […] À l’en croire, ses parents l’avaient perdue exprès sept ou huit fois, et sa mère avait fini par la vendre à des saltimbanques chez qui elle était restée deux ans. […] Laissez-moi ; il pose très bien maintenant, et, si vous dites un mot, il s’en ira. » Il est clair que Blake imputait à Richard III ses théories et ses rêves ; son personnage était un écho qui lui renvoyait sa propre pensée. — Une folle jouait incessamment à pair impair avec un personnage absent qu’elle croyait le préfet de police ; avant de jouer, elle regardait toujours les pièces de monnaie qu’elle mettait dans sa main et savait ainsi leur nombre ; partant, le préfet devinait toujours mal et ne manquait jamais de perdre ; plus tard, elle négligea son examen préalable ; alors le préfet tantôt perdait et tantôt gagnait. — Il est clair que, dans la première période, elle fabriquait elle-même, sans s’en douter, l’erreur qu’elle prêtait au préfet.
Le Génie du Christianisme, dit-il, comme toutes les œuvres remarquables, fort loué, fort attaqué, produisait une impression profonde parce qu’il exprimait un sentiment vrai et très général alors dans la société française : c’était ce regret singulier, indéfinissable, de ce qui n’est plus, de ce qu’on a dédaigné ou détruit quand on l’avait, de ce qu’on désire avec tristesse quand on l’a perdu. […] Malheureusement la France, qui avait payé de son sang leur délire républicain, était exposée à payer de sa grandeur leur nouveau zèle monarchique ; car c’est pour qu’il y eût des rois français en Westphalie, à Naples, en Espagne, que la France a perdu le Rhin et les Alpes. […] Thiers a cent pages ; mais de ces cent pages résulte dans l’âme le mot de Tacite : le mépris délayé à grande eau se retrouve au fond du vase et la moralité n’a rien perdu. […] Voilà le malheur des historiens qui n’ont pas assez perdu la mémoire des partis auxquels ils ont appartenu dans leur vie politique : pour ne pas fausser leur situation ils sont forcés de fausser leur logique.
Jamais je n’entre en Paradis, S’ils ne m’ont perdu ma jeunesse ! […] Le latin perd du terrain. […] Mais, tandis que les Grecs et les Romains perdent momentanément de leur influence littéraire, ils conquièrent en revanche une énorme influence politique et sociale. […] Elle est déjà plus respectée en province ; mais c’est parmi les étrangers qu’elle a gardé le plus de prestige, et la chose est aisée à comprendre ; sur bien des points elle les tire d’un chaos d’incertitudes où ils risqueraient de se perdre ; pour eux elle continue à faire loi, à représenter officiellement l’usage établi.
Un étranger de passage, un jeune artiste, — (affamé, comme de raison), — sans ressources, abandonné « même de son chien », se trouvait perdu dans Paris en un taudis glacé de la rue St-Roch. […] « Ainsi la musique a quitté son état d’innocence sublime ; elle a perdu son pouvoir, le pouvoir qui rachetait l’homme du Péché de l’Apparence ; elle a cessé d’être la révélatrice de la Nature réelle, et s’est jetée dans cette illusion de la Représentation, dont elle devait nous sauver (p. 100). […] Certes, le monde de l’Apparence lui avait un faible attrait : son œil presque troublant, son œil fixé ouvertement ne pouvait voit en ce monde, que d’importuns dérangements au monde intime de sa pensée : il sentait que rester sous la dépendance du premier serait perdre tout rapport avec le second. […] Dans la mesure où il perdait, ainsi, toute connexion avec le monde extérieur, son regard se tournait davantage, avec une plus claire voyance, à son monde intérieur.
Que l’on se rappelle toutes les physionomies modernes que le romancier a mises dans notre mémoire, les camarades de Frédéric Moreau, les hôtes des Dambreux, le père Régimbard imposant, furibond et sec, Arnoux, la délicieuse héroïne du livre ; puis la figure de Madame Bovary, les grotesques, Rodolphe brutal et fort, les croquis des comices, le débonnaire aspect du mari, et les merveilleux profils de l’héroïne toutes ces figures et ces statures sont retracées analytiquement, en traits et en attitudes ; ainsi : « Jamais Mme Bovary ne fut aussi belle qu’à cette époque… Ses paupières semblaient taillées tout exprès pour ses longs regards amoureux où la prunelle se perdait, tandis qu’un souffle fort écartait ses narines minces et relevait le coin charnu de ses lèvres qu’ombrageait à la lumière un peu de duvet noir. […] « Je suis perdu dans les religions de la Perse, écrit-il dans sa correspondance, je tâche de me faire une idée nette du dieu Hom, ce qui n’est pas facile. […] Ils ne se parlaient pas trop, perdus qu’ils étaient dans l’envahissement de leur rêverie. […] Se bornant de plus en plus à élaborer réitérément la sorte de période qui l’enthousiasmait, frappant perpétuellement comme un balancier la même médaille, et la jetant d’un mouvement continu à côté de celle précédemment issue du coin, Flaubert perdit le sentiment et la faculté de la liaison, associa en livres presque diffus de lâches chapitres, et ne sut maintenir la cohésion et le mouvement de sa pensée au-delà de brefs paragraphes.
Pour vous perdre il n’est point de ressorts qu’il n’invente ; Quelquefois il vous plaint, souvent même il vous vante. […] des bienfaits de Dieu je perdrais la mémoire ? […] Heureux si, sur son temple achevant ma vengeance, Je puis convaincre enfin sa haine d’impuissance, Et, parmi les débris, le ravage et les morts, À force d’attentats perdre tous mes remords ! […] Du tombeau, quand tu veux, tu sais nous rappeler ; Tu frappes et guéris, tu perds et ressuscites.
Bref, il perdait son temps ; mais il le sentait, et ne cessait de prier son père de lui donner un maître qui lui enseignât l’art du dessin. […] Cinq mois après que David eut été rendu à la liberté, il la perdit de nouveau. […] Tout le reste est perdu pour l’histoire. […] Il faillit me perdre par le transport de joie qu’il eut de me voir sauvé. […] J’ai laissé chez moi quatre-vingts écus romains en argent, que je regarde comme perdus, ainsi que tous mes effets.
Or, nous sommes menacés de ne plus penser : nous touchons à l’un de ces moments « où l’humanité énervée n’aspire qu’à se reposer et à jouir, où la science, passant surtout des théories aux applications, s’expose à perdre sa force inventive en laissant éteindre le souffle spirituel qui la lui avait donnée ». […] Mais Jouffroy, le vrai Jouffroy et non celui de l’Académie, ne s’en tint pas là : rompant avec son passé et avec ses croyances, il résolut de se reconstituer à son usage une méthode et une science qui pussent lui rendre avec certitude les résultats essentiels qu’il avait dus à la foi chrétienne et qu’il avait perdus.
Je cours sur ces audaces finales qu’on entrevoit assez, et que déplore le poète tout en les racontant et les dénonçant comme le signe d’une société perdue et d’un siècle désespéré. […] On a dit de La Fontaine qu’il était notre Homère, à nous autres Français qui avons perdu la bataille épique.
Marié dans sa jeunesse, il perdit sa femme de bonne heure, et en eut une fille unique qui se fit religieuse. […] Marivaux, étudié surtout par les hommes du métier, par les critiques ou les auteurs dramatiques, a autant gagné que perdu avec le temps : il est plein d’idées, de situations neuves qui ne demandent qu’à être remises à la scène avec de légers changements de costume.
La Bruyère en fait un type de toute l’espèce : « Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l’idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité ; il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses pièces, s’en enveloppe pour se faire valoir. […] Dangeau fut constamment l’organe et l’introducteur ou maître des cérémonies de l’Académie française auprès du roi ; il ne perdit aucune occasion de la servir et de lui montrer qu’il tenait à honneur d’en être.
L’ode de La Solitude est restée longtemps la peinture expressive et fidèle de quantité de vieux châteaux perdus dans les forêts druidiques, et prêtant aux rêves et aux imaginations bizarres : Je suis ici, écrivait du fond du Maine M. de Lassay vers 1695, dans un château, au milieu des bois, qui est si vieux qu’on dit dans le pays que ce sont les fées qui l’ont bâti. […] Si nous nous demandons aujourd’hui, en lisant La Solitude p, ce que vaut pour nous cette ode et quel rang elle mérite dans le trésor lyrique de notre poésie, nous trouvons qu’elle a perdu.
Et Garat, « qui s’est fait député du Tiers, et qui va être de l’Académie : c’est un pauvre mérite que ce Garat » ; — et le Chamfort, quelle force bel et bien de rétracter une de ses atrocités sur une pauvre morte qui n’est plus là pour se défendre ; — et le Raynal, dont elle se prive très volontiers à la lecture : « Je ne connais que sa conversation, très fatigante, et ses prétentions, très satisfaites : mon âme est naturellement chrétienne, et tout ce qui me ferait perdre ce sentiment, si cela était possible, il m’est facile de m’en abstenir » ; — et Cérutti, qui avait alors son instant de lueur et jetait sa première et dernière étincelle : L’administrateur Cérutti vient d’achever sa rhétorique : il promettait beaucoup, il y a vingt ans ; il n’a pas fait un pas depuis ce temps-là. […] que de talents perdus dans nos premières assemblées auraient réformé l’administration ou relevé la magistrature !
Marolles n’a pas perdu sa peine. […] Une conversation qu’il eut, en 1632, avec l’abbé de Saint-Cyran, ce chrétien austère, ne contribua pas peu à le remettre à la raison : sous air de l’exhorter à aller en avant dans la carrière ecclésiastique, M. de Saint-Cyran lui fit une telle description du péril où se jettent ceux qui recherchent une si haute élévation sans connaître les perfections et les grands devoirs que Dieu leur impose, qu’il le consterna et le guérit, comme on guérit un malade avec une douche froide : « Au lieu d’accroître mon souci pour cela, il aida merveilleusement à me faire perdre le peu de désir qui m’en pouvait rester, dont je lui aurai une éternelle obligation. » Marolles se contenta désormais d’être le plus paisible et le plus oiseusement occupé des abbés de France, dont il sera le doyen un jour.
Guizot, au contraire, a reçu du Ciel l’espoir, le contentement, la confiance ; il ne les a pas même perdus aujourd’hui. […] » Vers la fin, il n’avait plus comme orateur que des triomphes, et c’est ce qui l’a perdu.
Biot, rétabli, se retrouve peu après en qualité d’élève, et des plus zélés, à l’École polytechnique, une belle fondation de la Convention délivrée, et qui, avec l’établissement de l’École normale, honore à jamais le génie de cette première époque restauratrice, où l’esprit humain revenu à peine d’une terrible oppression n’avait pourtant rien perdu encore, comme cela se vit plus tard, de sa hardiesse et de sa grandeur. […] Les sciences, « unies par une philosophie commune, » y sont montrées « s’avançant de front, les pas que fait chacune d’elles servant à entraîner les autres. » Plus de danger sérieux désormais pour l’ensemble des connaissances humaines ainsi liées étroitement et toutes solidaires entre elles, plus de période rétrograde possible depuis la découverte de l’imprimerie : « Lorsqu’au milieu d’une nuit obscure, perdu dans un pays sauvage, un voyageur s’avance avec peine à travers mille dangers ; s’il se trouve enfin au sommet d’une haute montagne qui domine un vaste horizon, et que le soleil, en se levant, découvre à ses yeux une contrée fertile et un chemin facile pour le reste du voyage, transporté de joie, il reprend sa route, et bannit les vaines terreurs de la nuit.
il s’est perdu dans la mêlée ; il n’en est plus question : il ne sait plus ce qui l’a fâché, il sait seulement qu’il se fâche et qu’il veut se fâcher ; encore même ne le sait-il pas toujours. […] Le Soleil a des égards pour le pauvre nourrisson des Muses, en le trouvant si fatigué : « Il fut sur le point de ramener ses chevaux en arrière et de retarder le jour, pour rendre le repos à celui qui l’avait perdu.
Il faut du nerf dans l’esprit, et une autorité efficace… » Fénelon écrivait cela au duc de Chevreuse, quinze jours avant la mort du prince qui était dans sa trentième année ; c’est un dernier mot, et qui revient à dire que le duc de Bourgogne a besoin de coup d’œil, de dominer sa matière, de ne pas s’y perdre et s’y noyer. […] Mais quand j’ai payé ces hommages aux individus et aux personnes, je me hâte d’ajouter que, eût-on réussi pour un temps en quelqu’un de ces biais et de ces remèdes palliatifs de l’ancien régime, on ne serait parvenu après tout qu’à faire ce qu’on appelle une cote mal taillée, rien de nettement tranché ni de décisif, et qu’il est mieux (puisqu’enfin les choses sont accomplies et consommées) qu’on en soit venu à cette extrémité dernière de n’avoir eu qu’un seul et grand parti à prendre, le parti à la Mirabeau et à la Sieyès : la France, en un mot, n’a pas perdu pour attendre ; et quand tout récemment, dans le compte rendu des séances du Sénat, je lisais ces déclarations spontanées d’un duc de La Force et d’un cardinal Donnet, si empressés à se replacer dans les rangs de tous, lorsqu’une parole inexacte avait paru un moment les en vouloir séparer, je pensais qu’au milieu de nos divisions mêmes d’opinions, il était consolant qu’on en fût venu à ce grand et magnifique résultat, aussi clair que le jour, à savoir qu’il n’y a plus en France qu’un seul ordre, une seule classe, un seul peuple.
Mais aucun monarque et souverain ne s’était rencontré encore dans la situation extraordinaire de Napoléon, à la fois abdiquant et captif, — prisonnier sans avoir été pris et en quelque sorte de son propre choix, pour s’être allé asseoir au foyer de la nation son implacable ennemie ; détenu non dans une prison, mais sur le rocher le plus perdu de l’Océan ; non par la vengeance d’un seul adversaire, mais par la terreur de l’Europe entière conjurée ; et désormais élevé (seule élévation dernière qui lui manquât) à l’état de victime ; — ayant abdiqué pour la seconde fois et toujours forcément sans doute,, mais enfin de cœur comme de fait, et résigné ; ne nourrissant plus aucun espoir de retour, mais conservant jusqu’à la fin toute la sérénité de son coup d’œil, toute sa plénitude d’intelligence politique ; sevré de presque toute information actuelle, et se reportant avec d’autant plus d’impétuosité et d’ardeur aux grands événements récents ou passés, à l’histoire d’hier ou à l’histoire des siècles ; perçant de plus dans l’avenir et plongeant sur les horizons lointains avec la haute impartialité du conquérant apaisé, avec la vue épurée du civilisateur. […] Il n’était pas de ces génies qui acceptent la force des choses comme solution commode ; il n’était pas du tout persuadé qu’une bataille de plus ou de moins, gagnée ou perdue deux mois auparavant, un ennemi de plus ou de moins, repoussé, tout cela revenait à peu près au même, que sa situation en 1815 était de prime abord comme désespérée, que les plus heureux efforts et la plus belle entrée de jeu n’auraient pu en réparer le vice radical ; que Waterloo même gagné n’eût été qu’un répit.
Toute l’argumentation du curé y échoue ; il y a perdu son latin. […] Cette moralité, on la trouverait dans la réflexion très-sensée qu’adresse M. de Férias à sa petite-fille en voyant les mobiles extraordinaires auxquels elle obéit dans toute sa conduite : « Ma chérie, vous voulez toujours monter sur le cygne ; vous voulez l’impossible : ce sera, je le crains, l’écueil de votre vie. » Le dernier mot du livre serait alors un conseil d’institutrice : « Mesdemoiselles, plaignez Sibylle et ne l’imitez pas : avec toutes ses belles qualités, une seule, poussée trop loin, a failli la perdre. » Mais ce n’est pas là ce qu’a fait l’auteur, et, dans la suite de l’histoire, il paraît bien, au contraire, vouloir nous présenter Sibylle comme une sorte de type de perfection, un modèle ; et c’est bien ainsi que l’ont prise cette quantité d’admiratrices qui se sont écriées en la voyant : « Voilà comme nous sommes, voilà comme nous voudrions être, et comme nous serions à coup sûr si c’était à recommencer !
, tous ses maîtres lui avaient dit et répété bien des fois, avant de partir, ce que Pline le Jeune disait à un de ses amis qui était envoyé de Rome pour être quelque chose comme préfet à Sparte ou à Athènes : « Souviens-toi bien et ne perds pas un moment de vue que c’est en Grèce que tu vas, et au cœur de la plus pure Grèce, là où d’abord la civilisation, les lettres, toute culture, celle même du blé, passent pour être nées… Respecte les dieux fondateurs et instituteurs de toutes ces belles choses, et jusqu’au nom des dieux. […] Tôt ou tard, je le crains, les Anciens, Homère en tête, perdront la bataille, — une moitié au moins de la bataille.
Viollet-Le-Duc ne perdit pas un moment. […] Les palais nous semblaient assez maussades, insignifiants ; les églises, ou de misérables baraques en brique et sapin mal bâties, ou des amas de formes d’architecture les plus monstrueuses ; les ruines antiques… la plupart d’une mauvaise époque, des édifices cent fois remaniés et ayant perdu leur caractère.
Zeller, avec son bon et droit esprit, a résolu le problème assez délicat d’être court, substantiel toutefois et complet, de ne se perdre ni dans le détail ni non plus dans les généralités, de resserrer les faits, d’en composer un tissu intéressant, et de choisir chaque fois un ordre d’événements et d’actions personnifié dans une ou deux principales figures, un ensemble qui eût un sens et qui fût un tableau. […] On sait la parole célèbre : « Tout était Dieu, excepté Dieu même. » Israël avait presque perdu ses titres ; Moïse les lui a rendus.
Le jeune Millevoye perdit son père à l’âge de treize ans ; dix ans après, il célébrait cette douleur, encore sensible, dans l’élégie qui a pour titre l’Anniversaire. […] La pauvre feuille avait bien voyagé, et le nom de Millevoye s’était perdu en chemin.
Eh bien, ils prennent ce silence pour le garant de leur supériorité, parce qu’il y a une bataille perdue, ils pensent qu’ils l’ont gagnée ; et les revers d’un grand homme se changent en palmes pour les sots. […] N’importe, s’écrieront quelques âmes ardentes, n’exista-t-il qu’une chance de succès contre mille probabilités de revers ; il faudrait tenter une carrière dont le but se perd dans les cieux, et donne à l’homme après lui, ce que la mémoire des hommes peut conquérir sur le passé : un jour de gloire est si multiplié par notre propre pensée qu’il peut suffire à toute la vie.
Si enfin l’usage impérieux nous contraint de la mettre à part, nous en ferons une exclamation, un regret, un souhait de poëte ; elle prendra un tour éloquent, comique ou touchant ; elle perdra son apparence didactique, en devenant un mouvement de l’âme ; on entendra, en l’écoutant, la voix passionnée d’un homme ; elle sera couverte sous un sentiment, et la poésie la revendiquera en jetant sur elle une poignée de ses fleurs. — Il sera facile alors d’animer le récit qui la confirme. […] Ainsi dissoute, elle languira ; en perdant sa brièveté, elle perdra son énergie ; en se multipliant, elle s’évanouira. — Que deviendra le style dans cet affaiblissement de l’action et des caractères ?
On ne peut dire que l’immense effort des odes pindariques ait été du tout perdu pour Ronsard : cette rude gymnastique le fit maître de ses rythmes ; il n’eut qu’à mettre de côté l’antistrophe et l’épode, pour avoir à sa disposition une belle forme lyrique. […] La dernière édition de Ronsard est de 1630 : c’est vers ce moment, entre 1630 et 1640, qu’il s’enfonce décidément dans l’oubli, où il se perdra, quand seront morts les derniers représentants des générations qui avaient assisté à sa gloire.
Les Discours sur les misères de France ou sur le tumulte d’Ambroise, la Remontrance au peuple de France, et la Réponse aux calomnies des prédicans, l’Institution pour l’adolescence du roi Charles IX, débordent tantôt d’indignation patriotique, tantôt de passion catholique, et tantôt de dignité blessée : quand Ronsard montre l’héritage de tant de générations, de tant de vaillants hommes et de grands rois, follement perdu par les furieuses discordes de ses contemporains, quand il oppose le néant de l’homme à l’énormité prodigieuse de ses passions, quand il donne aux peuples, aux huguenots, au roi des leçons de bonne vie, quand enfin il dépeint fièrement son humeur, ses goûts, ses actes, alors il est vraiment un grand poète. […] La leçon ne fut pas perdue.
Enfin il semble qu’il ait voulu surtout nous rendre sensible cette idée, que Tartuffe se perd parce qu’il aime. […] Si Phérécide passe pour être guéri des femmes, ou Phérénice pour être fidèle à son mari, ce leur est assez : laissez les jouer un jeu ruineux, faire perdre leurs créanciers, se réjouir du malheur d’autrui et en profiter, idolâtrer les grands, mépriser les petits, s’enivrer de leur propre mérite, sécher d’envie, mentir, médire, cabaler, nuire : c’est leur état. » À plus forte raison laissez-les manger à leur appétit et boire à leur soif, et un peu au-delà.
Salie et réduite à l’état de loque, par l’usage, elle n’avait rien perdu à ses yeux de son prestige premier. […] Il la perdit, du reste.
Nous le savons trop, nous autres, en nos époques sans lien où des talents, égaux peut-être à ceux-là, se sont perdus et dissipés par les incertitudes et les inclémences du temps. […] Montaigne a été une espèce de classique anticipé, de la famille d’Horace, mais qui se livrait en enfant perdu, et faute de dignes alentours, à toutes les fantaisies libertines de sa plume et de son humeur.
et n’y gagnait-elle pas bien plus qu’elle n’y perdait, par la foi constante et la stabilité de la confiance du côté du ciel ? […] Elle s’en serait accusée devant Dieu ; et, quand le souvenir direct de ce qu’elle avait perdu de cher lui apparaissait, elle ne savait que se voiler, se dérober, en pleurant et sangloter.
Par elle, l’esprit découvre une planète que les sens n’ont jamais vue ; par elle, il explique une langue qu’aucun homme ne comprenait plus ; il déchiffre des caractères mystérieux dont le secret était perdu ; il pénètre bien au-delà des époques historiques, et, en l’absence de tout témoignage direct, jusqu’aux origines de la civilisation indo-européenne ; il calcule enfin ce qui paraît échapper à toute prise, le hasard et l’infini. […] Sans une connaissance exacte et précise des sciences, la théorie des méthodes se perdra toujours en vagues et arides généralités.
Si nous remontons encore plus loin dans cette vie obscure et parasite qui précède la naissance, ce n’est plus par le témoignage des hommes, c’est par l’induction et l’analogie que nous sommes autorisés à croire que la sensibilité n’a jamais été complètement absente, et que les premiers instincts accompagnés d’une conscience confuse ont dû coïncider avec l’éclosion même de l’être nouveau ; mais enfin à ce dernier moment ou plutôt à ce point initial où a dû commencer, s’il a commencé, l’être qui plus tard dira je ou moi, à ce moment tout fil conducteur nous fait défaut : la conscience, le souvenir, le témoignage, l’induction, l’analogie, tout vient à nous manquer, et l’œil se perd dans un immense inconnu. […] C’est à ce titre qu’il est permis de dire avec Pascal que l’homme est à lui-même « un monstre, un prodige incompréhensible », car il unit les contradictoires, non-seulement dans sa vie et dans ses attributs, mais dans son fond même, et il peut, selon le côté par lequel il se regarde, se confondre avec l’infini ou se perdre dans la poussière de ses propres phénomènes.
C’est ce que n’ignore pas celui qui connaît la nature et qui a le sentiment du vrai : mais ce qu’il sent aussi, c’est que ces figures partagées, ces personnages indécis ne concourant qu’à moitié à l’effet général, il perd du côté de l’intérêt ce qu’il gagne du côté de la variété. […] Ceux-ci regardent les premiers comme des têtes étroites, sans idées, sans poésie, sans grandeur, sans élévation, sans génie, qui vont se traînant servilement d’après la nature qu’ils n’osent perdre un moment de vue.
Quelques lignes auparavant, vous retrouvez encore ce mélange d’élévation et d’aisance qui, depuis le dix-septième siècle, semblait perdu : « un Dieu qui a fait l’homme, parce qu’il n’a pas voulu retenir dans la solitude inaccessible de son être ses perfections les plus augustes, parce qu’il a voulu communiquer et répandre son intelligence, et, ce qui vaut mieux, sa justice, et, ce qui vaut mieux encore, sa bonté. » La première phrase touche au sublime ; la seconde descend presque jusqu’au laisser-aller. […] Il est un peu poète : le danger est plus grand encore : il transformera la philosophie en une symphonie métaphysique, qui entraînera tous les esprits, qui l’entraînera lui-même, qui lui fera traverser le Rhin, au risque d’y perdre pied, avec la certitude de s’en souvenir et d’en souffrir toujours.
L’invincible orateur ne perd pas courage. […] « Ce fut une sorte de joie publique lorsqu’on apprit que Mme de Longueville avait été épargnée, et que, si elle avait perdu la première fraîcheur de sa beauté, elle en avait conservé tout l’éclat.
Nous no pleurons plus notre Arthur dès longtemps perdu. […] « Une voix, comme échappée du chœur des anges, est apportée par un souffle venu des bords fleuris de l’Éden ; et de lointains murmures qui la répètent l’ont adoucie pour mon oreille, et perdus, vont expirer dans le lointain avenir.
Il ne pourrait gagner d’un côté sans perdre d’un autre. […] Il avait peut-être la soixantaine voici dix ans ; il ne doit plus guère avoir que la cinquantaine aujourd’hui. — Alors j’ai perdu mon pari ? […] On le perd quelquefois de vue, cet ouvrage ; on l’oublie de longs moments ; mais on finit toujours par le retrouver. […] La malice n’y perd rien d’ailleurs. […] N’a-t-il pas donné à l’une de ses œuvres le titre significatif de Profils perdus ?
— Les Chambres vont s’ouvrir avec l’année ; les retardataires qui prolongent le séjour de la campagne jusque bien avant en décembre arrivent en foule et se multiplient avec rapidité pour réparer le temps perdu.
Or, il semble dans la nature des choses que, tout immortelle, toute légitime qu’elle soit, une telle renommée doive, un jour ou l’autre, perdre tant soit peu, non pas en estime, non pas en reconnaissance, mais en vogue, en enthousiasme auprès de la postérité ; bien plus, il semble désirable que l’instant arrive, et qu’il arrive au plus tôt, où, la victoire étant décidée et le libre usage de la raison à jamais reconquis, on se mette, sans plus craindre d’être harcelé et distrait, à marcher dans les voies nouvelles plus loin que ses devanciers, et si loin que, tout en les voyant encore et les saluant toujours du regard, on ne les voie plus qu’à distance et dans le passé, environnés d’une consécration à la fois plus auguste et plus calme.
pour le partage de la Pologne, l’impératrice n’en a pas l’honneur ; car je puis dire qu’il est mon ouvrage. » Et il se mit là-dessus à raconter comment lui était venue un matin cette heureuse idée de s’agrandir sans perdre de sang ni d’argent, comment il l’avait communiquée à Catherine, qui en fut frappée ainsi que d’un trait de lumière, et plus tard à son frère qui l’embrassa en le remerciant, et qu’aussitôt après cette officieuse confidence les négociations avaient commencé.
On perdit de la sorte quatre séances, c’est-à-dire quinze jours, et l’on finissait à peine d’arrêter les mesures, lorsqu’on apprit l’invasion du duc de Brunswick, la terreur des Hollandais, la défection du prince de Salm, qui les commandait, la prise de leurs villes et l’achèvement complet d’une révolution qui livrait cette république au stathouder et à l’Angleterre.
On la bâillonne, on demande la permission de l’envoyer perdre au bon roi Pépin, qui consent à demi-endormi.
Personne ne conteste que la littérature n’ait beaucoup perdu depuis que la terreur a moissonné, en France, les hommes, les caractères, les sentiments et les idées.
On perd sa trace.
Lire un livre pour en jouir, ce n’est pas le lire pour oublier le reste, mais c’est laisser ce reste s’évoquer librement en nous, au hasard charmant de la mémoire ; ce n’est pas couper une œuvre de ses rapports avec le demeurant de la production humaine, mais c’est accueillir avec bienveillance tous ces rapports, n’en point choisir et presser un aux dépens des autres, respecter le charme propre du livre que l’on tient et lui permettre d’agir en nous… Et comme, au bout du compte, ce qui constitue ce charme, ce sont toujours des réminiscences de choses senties et que nous reconnaissons ; comme notre sensibilité est un grand mystère, que nous ne sommes sensibles que parce que nous sommes au milieu du temps et de l’espace, et que l’origine de chacune de nos impressions se perd dans l’infini des causes et dans le plus impénétrable passé, on peut dire que l’univers nous est aussi présent dans nos naïves lectures qu’il l’est au critique-juge dans ses défiantes enquêtes.
Elle fit connaître à Chateaubriand la Jeune Captive, un peu perdue, il faut l’avouer, dans les recueils de l’époque.
La gloire du maître de la comédie n’a, du reste, rien perdu à ces investigations, et l’admiration qu’il inspire n’a fait que s’accroître, à mesure qu’on a pénétré la plupart de ses secrets.
Elle ne peut en tout cas être ni antérieure à l’an 29, la prédication de Jean et de Jésus ayant commencé l’an 28 1219, ni postérieure à l’an 35, puisque l’an 36, et, ce semble, avant Pâque, Pilate et Kaïapha perdirent l’un et l’autre leurs fonctions 1220.
On a le droit toutefois d’être effrayé en songeant à la masse de connaissances qu’il faudrait réunir pour rétablir tous les liens de la littérature avec l’ensemble dont elle dépend ; on a le droit aussi d’être inquiet et de se demander si, en voulant la replacer au milieu de tout ce qui l’environne, on ne risque pas de l’étouffer, de la perdre de vue, de sacrifier le principal à l’accessoire.
Dans le temps que les autres Poëtes employoient tout leur temps à obtenir des graces du Cardinal de Richelieu, il perdit tout le sien à les mériter.
Notre scepticisme a subsisté ; mais il veut maintenant approfondir les questions suspectes, et, à cet effort, il a perdu toute gaîté et toute popularité.