Ou, en d’autres termes encore, trouvons-nous ici quelque chose d’analogue à cette « différenciation progressive » qui, dans la nature vivante, fait passer la matière de l’homogène à l’hétérogène, et sortir constamment, si j’ose ainsi parler, le contraire du semblable ? […] Il y faudrait trop de distinctions ; — et à peine oserais-je dire que les Latins, en général, me paraissent des modèles plus sains que les Grecs, si je n’ajoutais tout de suite qu’il est résulté de cet exclusivisme une limitation nouvelle de l’idéal classique. […] Lui, riposte à son tour, il redouble de verve, il se pique, il s’anime, il s’encourage à la satire : Un clerc pour quinze sous, sans craindre le holà, Peut aller au parterre attaquer Attila… Et je serai le seul qui ne pourrai rien dire, On sera ridicule, et je n’oserai rire ! […] Mais, d’autre part, pour oser dire que l’envie le faisait parler, il eût fallu que l’irrégularité de Shakespeare choquât ou blessât moins profondément le goût général du xviiie siècle. […] « Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent », ainsi débutent les Confessions ; et voilà son dessein assez franchement déclaré par lui-même.
Sainte-Beuve aimait Baudelaire, il n’osa jamais le dire. […] , qui ait osé voir que l’intelligence et la vertu, aussi bien que la force et la beauté, sont fonctions de la physiologie. […] La Commission le désire, mais n’ose pas l’exiger. […] H. — La Commission n’ose pas supprimer les h muettes initiales. […] Du Bellay s’indigne qu’on ose traduire les poètes ; ses raisons, qui sont excellentes, n’ont découragé personne.
Zola, par exemple, le chef reconnu et acclamé de toute la nouvelle école, qui donc osera les trouver injustes ou exagérées ? […] Et, d’ailleurs, qui diable oserait l’entreprendre sérieusement ? […] J’ose prendre la liberté de rejeter absolument ce protocole. […] Comme il tient évidemment à ruisseler d’inouïsme, il fait ce que personne n’avait encore osé faire. […] En général, les citations sont dangereuses pour la critique qui ose les faire aussi bien que pour le poète qui les subit.
Oserai-je dire qu’il me paraît un peu sévère pour les deux derniers groupes ? […] Lamartine est le seul des grands poètes de ce siècle qui ait pu oser le vers libre dans la poésie lyrique (je néglige à dessein quelques pièces des Odes et Ballades). […] L’éminent professeur dit encore mieux, un peu plus loin : « Les Harmonies parcourent au hasard, si l’on ose dire, toute la gamme des concepts sur l’idée de Dieu. […] Jocelyn devient prêtre afin de pouvoir donner l’absolution… Personne n’oserait dire qu’un homme pieux perd son titre à l’héritage céleste parce que, contre sa volonté et son vœu, il serait mort loin des consolations de l’Église… Le fanatisme est beau en poésie, mais le poète ne doit pas laisser lieu de penser qu’il épouse les emportements du zèle aveugle et amer. […] Ou encore, puisque les minutes aiguës que poursuit ce damné sont de celles où les nerfs vibrent comme dans un supplice, il se substitue, par l’imagination et par une sorte de monstrueuse sympathie, à la victime qu’il torture, et parvient à sentir du moins quelque chose en se figurant que c’est lui-même qui est supplicié… Et puis, je ne sais plus ; je suis trop gêné par la nécessité d’user de périphrases ; et il y a des choses que j’entrevois et que je n’ose pas dire… Bref, c’est cela le « sadisme ».
« J’oserai affirmer », dit M. […] Je ne voudrais rien ajouter à la confusion du critique, — je n’ose dire à ses remords ! […] Dans la crainte de faire un accroc à l’uniforme intellectuel que nous portons, il nous arrive parfois de n’oser point déshabiller brutalement un confrère indigne de le revêtir. […] Il faut oser lui dire la vérité au moment où on la flatte et où on la perd. » Il y a du vrai là-dedans ; mais ceci s’applique mot pour mot, avec plus de force, de justesse et d’évidence encore, à une cantatrice que M. […] À l’Opéra-Comique et au Théâtre-Lyrique, le compositeur se fût surveillé et il n’eût été qu’un homme de talent… comme tout le monde aux Bouffes, il a osé être lui-même, sans souci du qu’en dira-t-on ?
Mère de famille, femme d’un ecclésiastique anglais, j’ose affirmer que mes principes sont purs, et jusqu’au dernier soupir j’y serai fidèle. […] Je n’ose pas vous exhorter à leur plaire ; je remarque seulement que pour leur plaire un grain d’humeur séditieuse ne nuit pas. […] Osera-t-il en parler ? […] Il n’ose voir ses amis chez lui, ce sont gens trop bas pour sa femme. Il n’ose visiter les amis de sa femme chez eux, ce sont gens trop hauts pour lui.
C’était un maître et un oracle quand il parlait : et ces comédiens avaient tant de déférence pour lui, que Baron n’osa lui dire qu’il était retenu ; et la Duparc n’avait garde de trouver mauvais que le jeune homme lui manquât de parole. […] XX En ce temps, Molière osa enfin habiter avec sa femme Madeleine Béjart. […] Il devait, du moins, frapper ceux qui jugent avec équité par les connaissances les plus communes ; et Molière avait bien raison d’être mortifié de l’avoir travaillé avec tant de soin, pour être payé de sa peine par un mépris assommant ; et si j’ose me prévaloir d’une occasion si peu considérable par rapport au roi, on ne peut trop admirer son heureux discernement, qui n’a jamais manqué de justesse dans les petites occasions comme dans les grands événements. […] Lorsqu’il jette sur elle un regard sérieux, Son devoir aussitôt est de baisser les yeux, Et de n’oser jamais le regarder en face, Que quand d’un doux regard il lui veut faire grâce. […] Ce m’est, je le confesse, une audace bien grande Que d’oser de ce cœur vous adresser l’offrande ; Mais j’attends en mes vœux tout de votre bonté, Et rien des vains efforts de mon infirmité.
Je n’oserais pas dire que « la femme est le potage de l’homme » ; mais Molière l’a dit, et l’on peut le répéter d’après lui. […] Y a-t-il un adversaire qui ose se fier à sa signature ? […] Et puis j’étais tourmenté d’une idée saugrenue que je n’ai pas osé vous écrire. […] Ce service est inappréciable, et j’ose dire que, depuis cinquante ans, nul écrivain ne nous l’a si bien rendu. […] Félicite-moi, cher frère, de ce qu’en butte ici à un amas de fripons, ils n’osent m’accuser que d’avoir une mine trop froide ; je ne me refondrai pas pour eux.
Mais s’il est une faculté qui soit le propre du génie, c’est celle d’anticiper ou de suppléer l’expérience, et Pascal, j’ose le croire, en était bien capable, en amour comme en politique. […] Et c’était de l’antichambre ou de l’office, du cabinet de toilette ou de la chambre à coucher qu’il observait, si j’ose ainsi dire, in naturalibus, ses compagnons tour à tour ou ses maîtres. […] J’ose dire que ni La Bruyère ni Fénelon lui-même n’en sont tout à fait exempts. […] Je n’ose pas non plus m’expliquer sur ce « bref de translation » dont il est dit deux mots dans la supplique des supérieurs de Saint-Maur. […] Libre des préjugés qui pesaient sur la plupart des hommes de lettres, il osa être lui-même, et, comme il était Rousseau, ce fut une révolution.
Malgré les vives lumières d’esprit dont le loue Bossuet, il osait à peine se prononcer entre les poètes contemporains de sa jeunesse et les nouveaux venus ; et si à une lecture de la Pucelle il avait trouvé les vers « un peu ennuyeux », il n’allait pas jusqu’à ne les point trouver admirables. […] Deux hardis critiques97, dit l’abbé d’Olivet, avaient osé chagriner Chapelain : son Mécène prit soin lui-même de faire son apologie. […] En un temps surtout ou la vertu était la perfection chrétienne, qui eût osé se dire vertueux ? […] C’est avec ces mots que Boileau dissipa toute cette vaine poésie : et telle en a toujours été la force dans notre pays, que tous les poètes qui n’en ont pas compris le sens, ou qui ont osé y contredire, sont allés ou iront rejoindre ceux qu’on a spirituellement appelés les victimes de Boileau. […] Mais qui oserait aller jusqu’à cet excès-là ?
Nous voulons de l’ordre et de la raison partout, quand nous sommes hors d’intérêt ; le courage ne nous paraîtrait qu’aveuglement et folie, s’il n’était appuyé sur des raisons proportionnées à ce qu’il souffre ou à ce qu’il ose. […] Je vous trouve plaisant d’user d’un tel empire, Et de me dire au nez ce que vous m’osez dire ! […] C’est la réunion de ces deux talents qui le met au-dessus de tous ceux qui ont osé marcher sur ses traces dans la carrière qu’il s’était ouverte. […] Elle fait plus : quand la reine ose l’accuser d’avoir armé Absalon contre son père, elle ne lui répond qu’en remettant au roi une lettre par laquelle il apprend ce qu’on trame contre lui et ce qu’on tente pour la tirer elle-même de ses mains. […] Il n’en est pas ainsi du comique local et momentané ; il est borné, par les lieux et par les temps, au cercle du ridicule qu’il attaque : mais il n’en est souvent que plus louable, attendu que c’est lui qui empêche le ridicule de se perpétuer et de se reproduire en détruisant ses propres modèles, et que, s’il ne ressemble plus à personne, c’est que personne n’ose plus lui ressembler.
Nous ne faisons qu’exposer ici ce qu’ils pensent, et ce que personne d’entre eux n’ose écrire : mais le train une fois établi a sur eux un pouvoir dont ils ne sauraient s’affranchir ; et, en matière d’usage, ce sont les gens d’esprit qui reçoivent la loi des sots. Je n’ai donc garde, dans ces réflexions sur l’éducation publique, de faire la satire de ceux qui enseignent ; ces sentiments seraient bien éloignés de la reconnaissance dont je fais profession pour mes maîtres : je conviens avec eux que l’autorité supérieure du gouvernement est seule capable d’arrêter les progrès d’un si grand mal ; je dois même avouer que plusieurs professeurs de l’Université de Paris s’y opposent autant qu’il leur est possible, et qu’ils osent s’écarter en quelque chose de la routine ordinaire, au risque d’être blâmés par le plus grand nombre. S’ils osaient encore davantage, et si leur exemple était suivi, nous verrions peut-être enfin les études changer de face parmi nous : mais c’est un avantage qu’il ne faut attendre que du temps, si même le temps est capable de nous le procurer. […] Un rhéteur moderne, le père Porée, très respectable d’ailleurs par ses qualités personnelles, mais à qui nous ne devons que la vérité, puisqu’il n’est plus, est le premier qui ait osé se faire un jargon bien différent de la langue que parlaient autrefois les Hersan, les Marin, les Grenan, les Comire, les Cossart et les Jouvenci, et que parlent encore quelques professeurs célèbres de l’Université. […] Ces dictionnaires, j’ose le dire, me paraissent fort inutiles, à moins qu’ils ne se bornent à marquer la quantité et à recueillir sous chaque mot les meilleurs passages des excellents poètes.
Il désire donc simplement qu’on se nourrisse de tout ce que l’on sent de bon chez les modernes ou chez les anciens, et qu’ensuite on abandonne son esprit à son geste naturel : « Qu’on me passe ce terme, qui me paraît bien expliquer ce que je veux dire, ajoute-t-il aussitôt malicieusement ; car on a mis aujourd’hui les lecteurs sur un ton si plaisant, qu’il faut toujours s’excuser auprès d’eux d’oser exprimer vivement ce que l’on pense. » Si Marivaux n’avait jamais employé d’autres expressions plus hasardées ou plus raffinées, on aurait pu l’accuser encore de recherche (qui n’en accuse-t-on pas d’abord parmi ceux qui ont un cachet ?) […] C’est ici que commence, à proprement parler, le roman : chaque événement va y être détaillé, analysé dans ses moindres circonstances, et la quintessence morale s’ensuivra : « Je ne sais point philosopher, dit Marianne, et je ne m’en soucie guère, car je crois que cela n’apprend rien qu’à discourir. » En attendant et en faisant l’ignorante et la simple, elle va discourir pertinemment sur toutes choses, se regarder de côté tout en agissant et en marchant, avoir des clins d’œil sur elle-même et comme un aparté continuel, dans lequel sa finesse et, si j’ose dire, sa pédanterie couleur de rose lorgnera et décrira avec complaisance son ingénuité.
L’amitié plus terrestre et plus positive de son père et de sa sœur arrêtait les élans naïfs de Saint-Martin ; il se sentait comprimé en leur présence et n’osait s’ouvrir à eux de sa vocation et de ses pensées. […] Réponse très spirituelle et fine : Saint-Martin, quand il osait dans le monde, avait beaucoup de ces paroles49.
Si Mme de Créqui avait pu lire L’Émigré et si l’on avait osé en introduire en France un exemplaire à son adresse, elle eût reconnu son ami à chaque page et se fût écriée : « C’est bien lui. » L’action du roman est censée se passer en 1793. […] Le président, cette fois, a trop fait entrer en ligne de compte sa sensation de contemporain, au lieu d’oser se dire avec le comte de Maistre, que la postérité est une ingrate qui profite et qui oublie.
À côté de ces deux familles de guerriers, dont je n’indique que la physionomie la plus générale, il en est une autre bien essentielle et qui, dans cette grande communauté de l’armée, constitue peut-être la partie la plus solide, et, si l’on osait dire, la plus consistante : ce sont ces hommes, non pas glorieux, mais modestes, sensés mais sans être philosophes ni raisonneurs, s’abstenant de toute politique, qui ont le culte de l’honneur, du devoir, de la règle, toujours prêts à servir, à combattre, ne demandant rien, contents et presque étonnés lorsque leur vient la récompense, inviolablement fidèles au drapeau et au serment. […] Les armes d’honneur n’étaient pas encore en usage, et les citations dans les bulletins étaient extrêmement rares ; aucun officier n’aurait osé y prétendre à l’exclusion de ses camarades ; tout était en commun dans ces familles militaires ; la gloire acquise par un de leurs membres devenait la propriété de tous, et contribuait à l’honneur et à la réputation du corps.
On a imprimé en partie les lettres qu’il écrivait de là sans prétention aucune, et à la diable16 ; j’ai sous les yeux les originaux : l’impression est assez exacte, sauf quelques interversions de dates et des mots trop familiers qu’on n’a osé risquer et qui ont été remplacés un peu arbitrairement. […] Jusqu’à présent, le marteau a été fort, mais petit à petit le manche s’use ; les esclaves s’enrichissent, la noblesse abuse, et déjà bien des seigneurs n’osent plus aller dans leurs terres ; et dans le fond il n’y a pas une très-grande différence entre l’état de la Russie et celui de Méhémet-Ali ; on est ici, comme en Égypte, sur une boursouflure qui tôt ou tard ne pourra plus soutenir la pesanteur du fardeau.
Si je pouvais, à l’égard d’un homme si peu mystique et qui, même sous sa forme religieuse première, acceptait si peu la chose, si j’osais pourtant employer le terme qui s’offre le plus naturellement, je dirais qu’il avait fait là son purgatoire. […] Pour cela il fit diligence ; il fallait tailler en partie la route dans le roc : le commissaire général ordonna les travaux, mit lui-même le feu à la première mine, amorça la route et ne prévint qu’alors le ministre, qui fut deux jours sans oser en parler au premier Consul.
— D’un autre côté, plus je lis, plus je pénètre sous les voiles qui me cachaient nos grandes gloires, et moins ] j’ose écrire ; je suis frappée de crainte, comme un ver luisant mis au soleil. » Et cette autre lettre encore, qui semble résonner et bruire de tous les carillons de ces jolies villes flamandes à toutes les grandes et moyennes fêtes de l’année : « Le 1er novembre 1840. — Bruxelles. — 10 heures du soir. — Je vous écris, mes chères âmes, au milieu de toutes les cloches battantes de Bruxelles qui se répondent pour les Saints et pour les Morts. […] Lacaussade ; mais il est si malheureux qu’il comprend le sauve qui peut des âmes qui ne se jettent pas dans la lutte, et qui vont s’enfermer, croyant tout fuir… Ce serait là pour nous l’erreur la plus funeste ; et c’est en cela que j’ai peur pour l’autre s’il l’a osé ; je dis si, ma Pauline, car personne encore ne croit tout à fait à ce bruit que rien ne confirme, et que l’on fait toujours courir sur ceux que l’Italie attarde et rend affreusement paresseux d’écrire.
On se retranchait moins habituellement dans l’ancien répertoire ; les pièces nouvelles, les noms d’auteurs nouveaux abondaient ; le chant d’opéra-comique osait s’y faire entendre. […] Le sujet en est historique, mais c’est à peine si on ose reprocher à l’auteur de n’avoir pas tenu compte de l’histoire, tant il est évident qu’il n’y a cherché qu’un prétexte, et n’y a taillé qu’à sa guise.
Royer-Collard, de M. de Serre, et, si jeune, il méritait leur confiance : on ose dire qu’il avait crédit sur eux. […] Pardon, au milieu de cette période de l’école de l’art, d’avoir osé rappeler et recommander aujourd’hui quelques poésies que l’image triomphante ne couronne pas ; mais il nous a semblé que, même sous le règne des talents les plus radieux, il y avait lieu, au moins pour le souvenir, à d’humbles et doux vers comme autrefois, à des vers nés de source ; cela rafraîchit.
Il a osé lutter avec le roman historique, alors dans toute sa fraîcheur et sa gloire, il l’a osé presque sur le même terrain, avec des armes plutôt inégales, puisque la fiction lui était interdite, et il n’a pas été vaincu.
S’il avait osé, s’il était venu avant d’Aubignac, Mairet, Chapelain, il se serait, je pense, fort peu soucié de graduer et d’étager ses actes, de lier ses scènes, de concentrer ses effets sur un même point de l’espace et de la durée ; il aurait procédé au hasard, brouillant et débrouillant les fils de son intrigue, changeant de lieu selon sa commodité, s’attardant en chemin, et poussant devant lui ses personnages pêle-mêle jusqu’au mariage ou à la mort. […] Voltaire a osé dire de cette belle épître : « Elle paraît écrite entièrement dans le style de Régnier, sans grâce, sans finesse, sans élégance, sans imagination ; mais on y voit de la facilité et de la naïveté. » Prusias, en parlant de son fils Nicomède que les victoires ont exalté, s’écrie : Il ne veut plus dépendre, et croit que ses conquêtes Au-dessus de son bras ne laissent point de têtes.
Avant d’émigrer, Chateaubriand avait osé faire une rapide excursion en Amérique. […] Vous lui plairez donc et, s’il n’ose encore vous le dire, il vous le prouvera par ses faveurs.
Au moyen âge appartiennent certains genres que cultive la reine Marguerite, les mystères, moralités, farces ; certaines formes d’idées et de composition, les abstractions, les allégories, les constructions, si j’ose dire, massives et subtiles ; certaines doctrines, la galanterie logique et chevaleresque ; un certain extérieur enfin, une certaine attitude et démarche de l’œuvre, je ne sais quelle raideur encore gothique, une héraldique complication de lignes entortillées sans souplesse. […] Ainsi s’explique que l’influence de Marot ait dépassé, si j’ose dire, sa valeur.
Les livres qui me ravissaient et me faisaient pleurer à quinze ans, je n’ose pas les relire. […] Il fut, cet enfant, le plus heureux et, j’ose le dire, le meilleur de tes amis.
Après avoir osé décider, il faut oser commander.
Encouragé par l’acquiescement de certains sourires, il demanda étourdiment : « Quel est l’imbécile qui a osé ramasser ce titre ridicule ? […] « Un certain nombre de jeunes gens, las de lire toujours les mêmes tristes horreurs, dites naturalistes, appartenant d’ailleurs à une génération plus désabusée que toutes les précédentes, mais d’autant plus avide d’une littérature expressive, de ses aspirations vers un idéal, dès lors profond et sérieux, fait de souffrance très noble et de très hautes ambitions, — injustement, sans doute, un peu dépris de la sérénité parnassienne et de l’impassibilité pessimiste d’un Leconte de Lisle, d’ailleurs admiré, s’avisèrent un jour de lire mes vers, écrits pour la plupart en dehors de toute préoccupation d’école, comme je les sentais, douloureusement et joyeusement poétiques encore, et pleins, j’ose le dire, du souci de la langue bien parlée, vénérée comme on vénère les saints, mais voulue aussi exquise et forte que claire assez.
Alors le baron, qui a monté tout ce guet-apens, montre à l’amphitryon, assis dans le désert de son raoût, une lettre que vient de lui écrire un feld-maréchal en personne, et, dans cette lettre, plus infamante et plus brutale qu’une volée de schlague, ce guerrier bavarois demande à son ami Berghausen de quel front un vil histrion ose inviter à ses noces les Sérénités et les Grâces de l’Almanach de Gotha. […] La scène est belle, éloquente, indignée ; elle n’a qu’un tort, celui de s’être fait trop longtemps attendre, et de retenir le soufflet que Spiegel suspend un instant sur la joue du misérable, au moment où il ose, après tant de bassesses, offrir de l’argent à sa fiancée, pour l’indemniser de la trahison.
Telle est ma conviction, que je viens de me confirmer à moi-même par une entière lecture, et j’ose la dire parce que je crois que le moment est venu de dire, au moins en littérature, tout ce qu’on croit vrai. […] Je vais oser exprimer ce que vous pensez. » J’ai connu autrefois M. de Pontmartin, et je n’ai pas attendu ses succès pour rendre justice à toutes ses qualités d’homme agréable et de causeur fort spirituel.
Nous avons vu une fois, si l’on s’en souvient, Jean-Jacques Rousseau en correspondance avec une de ses admiratrices qui s’était éprise de lui jusqu’à oser l’aimer. […] Oserons-nous dire qu’il nous semble souvent que la fleur naturelle est devenue par là une fleur artificielle plus brillante, plus polie, mais aussi plus glacée, et qu’elle a perdu de son parfum ?
Ajoutez à cette page de Mme de Caylus une Conversation au siège devant Lille, que nous a rapportée Pellisson, et vous comprendrez le côté, si j’ose dire littéraire de Louis XIV, et comment la langue, par le sens et le tour, était excellente et encore royale quand il la parlait. […] Je n’ose prier Mme de Berry de souffrir une vache.
Camille Desmoulins a laissé un nom qui, de loin, excite l’intérêt : le souvenir de son dernier acte, de ces feuilles du Vieux Cordelier où il osa, le premier sous la Terreur et jusque-là presque terroriste lui-même, prononcer le mot de clémence, les colères qui excita chez les tyrans, l’immolation sanglante qui s’ensuivit, l’ont consacré dans l’histoire comme une espèce de martyr de l’humanité, et on ne se le représente volontiers que dans ce dernier mouvement de cœur et dans cette suprême attitude. […] Pour faire passer sa modération nouvelle, Camille sent le besoin de la déguiser plus que jamais en bonnet rouge ; il n’a même pas de honte de la mettre sous l’abri de Marat, qu’il ose appeler divin.
La Bruyère, par politesse, disait là des grands ce qu’il n’eût osé dire des princes eux-mêmes. […] — qui se rapportaient à la manière trop habituelle et très incomplète dont l’abbé Genest, en ses jours de distraction, attachait le vêtement que les Anglais n’osent nommer ; ce sont des plaisanteries de nature à n’avoir place que dans Le Lutrin vivant.
Je dis première manière, car Mme de Girardin a déjà eu trois manières, s’il vous plaît, trois formes poétiques distinctes : la première forme, régulière, classique, brillante et sonore, qu’on peut rapporter à Soumet ; la seconde forme, qui date de Napoline, plus libre, plus fringante, avec la coupe moderne, et où Musset intervient ; la troisième forme enfin, qu’elle a déployée dans Cléopâtre, et où elle ose au besoin tout ce que se permet en versification le drame moderne. […] Elle sait le monde à fond, elle a le sentiment et l’observation de tous les travers de la société ; elle a l’art des portraits ; elle a le vers satirique, piquant et gai ; elle peut et elle ose tout dire : ce n’est pas assez encore, mais c’est beaucoup.
Et montrant l’âme qui se dépouille peu à peu des ornements extérieurs, colliers, bracelets, anneaux, parure, et qui commence à être plus proche d’elle-même, il ajoutait : « Mais osera-t-elle toucher à ce corps si tendre, si chéri, si ménagé ? […] Qu’on se rappelle seulement tout ce qu’il a osé introduire et citer de hardiment familier dans l’Oraison funèbre de la princesse Palatine.
C’est au nom du roi, et comme sous son invocation, qu’on s’aime et qu’on ose à la fin se l’avouer. […] Mademoiselle fut dans l’état qu’on peut croire, mais sans oser encore blasphémer contre le roi.
J’ose dire : Je suis né libre, dans des lieux où tout me crie : Non, tu ne l’es pas ! […] Il y eut en lui aussi une part de comédien et de personnage de théâtre qui tenait au talent même, et comme il en entre si aisément et à peu près inévitablement, on ose le dire, chez tous les hommes publics à qui il est donné de mener les autres hommes : mais le fond du cœur était chaud, le fond de la conviction était sincère, de même que plus tard nous verrons que le fond de ses vues politiques, en apparence si turbulentes et si orageuses, était tout à fait sensé.
Si nous l’osions, comme nous dirions cela de bien d’autres tragédies encore ! […] Il ne se contente pas de goûter, de déguster les vices, les corruptions et les déclamations de son temps, il les gobe, il les adopte, au moins en passant, et il y a (si on ose le dire d’un homme d’autant d’esprit) un tant soit peu de nigauderie dans son fait.
pourquoi le railler et, j’ose le dire, le fustiger comme vous le faisiez, en ce qui est de la poésie, au lieu de le favoriser en le conseillant avec sympathie et le dirigeant ? […] Quant à lui, qui reste en dehors du gouvernement, il n’a qu’à poursuivre dans sa voie : Le National n’a point de profession de foi à faire ; son avenir est tracé par la conduite qu’il a tenue jusqu’à ce jour ; il est fier d’avoir si manifestement désiré ce qui existe, avant que personne même osât y songer.
Entre ces diversités d’écoles et de méthodes, et en regard d’une société brillante, polie, éclairée, mais plus empressée chaque jour de jouir des plaisirs de l’esprit sans désormais les payer par trop de peine, il y avait évidemment pour l’Université à trouver une mesure d’innovation qui conciliât les mœurs, la discipline, la tradition classique, et j’oserai dire déjà, la promptitude et la facilité modernes. […] C’est le cœur qui parle au cœur ; on sent une secrète satisfaction d’entendre parler la vertu : c’est l’abeille de la France. » On ose à peine trouver excessive cette royale louange, née d’un si noble sentiment.
Le titre de ces livres suffirait à montrer le dessein que nous avons eu, et le but auquel nous avons osé aspirer. […] Toutefois, n’ayant point derrière nous le manuscrit autographe, nous n’avons osé hasarder aucun extrait ; nous nous sommes contentés de tirer de ces mémoires les faits qui amplifient, certifient, contredisent, avec un accent de vérité incontestable, les récits déjà publiés.
Souvent las d’être esclave et de boire la lie, De ce calice amer que l’on nomme la vie ; Las du mépris des sots qui suit la pauvreté, Je regarde la tombe, asile souhaité ; Je souris à la mort volontaire et prochaine ; Je me prie, en pleurant, d’oser rompre ma chaîne. […] J’osai me révolter contre mon Créateur : C’est peu de me créer, il fut mon bienfaiteur.
Il étoit écrit au livre du destin, chapitre des peintres et des roix, que trois bons peintres feraient un jour trois mauvais tableaux pour un bon roi ; et au chapitre suivant, des miscellanées fatales, qu’un littérateur pusillanime épargneroit à ce roi la critique de ces tableaux ; qu’un philosophe s’en offenseroit, et lui diroit quoi, vous n’avez pas de honte d’envoyer aux souverains la satire de l’évidence, et vous n’osez leur envoyer la satire d’un mauvais tableau. Vous aurez le front de leur suggérer que les passions et l’intérêt particulier mènent ce monde, que les philosophes s’occupent en vain à démontrer la vérité et à démasquer l’erreur ; que ce ne sont que de bavards inutiles et importuns, et que le métier des montesquieus est au-dessous du métier de cordonnier, et vous n’oserez pas leur dire on vous a fait un sot tableau.
D’ailleurs le genie de notre langue est très-timide, et rarement il ose entreprendre de rien faire contre les regles, pour atteindre à des beautez où il arriveroit quelquefois s’il étoit moins scrupuleux. […] Osera-t-on nier que le mot de compagnon ne plaise plus à l’oreille que celui de collegue, bien que par rapport à leur signification le mot de collegue soit plus beau que celui de compagnon ?
Adolphe Maillet, qui adore la noblesse « jusque dans ses verrues », osa rêver l’amitié de Filouze ! […] Il ne s’est pas encore rencontré un administrateur assez osé pour enlever la housse.
Ma muette sympathie se tourna vers lui, sans oser s’accentuer. […] Les littérateurs prononcèrent avec unanimité qu’il n’avaient aucun talent ; nous osâmes, le peintre et moi, nous faire mépriser en traitant Le Feul chef-d’œuvre.
Deux raisons contribuent à ce défaut, le plus insupportable de tous aux bons esprits ; les fausses idées qu’on donne de l’éloquence dans nos collèges, en apprenant aux jeunes gens à noyer une pensée commune dans un déluge de périodes insipides ; et si l’on ose le dire, l’exemple de Cicéron, quelquefois un peu trop verbeux. […] La simplicité et le naturel de Massillon me paraissent, si j’ose le dire, plus propres à faire entrer dans l’âme les vérités du christianisme, que toute la dialectique de Bourdaloue.
et, quoiqu’il soit assez éclairé et même assez juste pour vouloir toujours être impartial, son impartialité manque de hardiesse et n’ose pas descendre dans ces profondeurs. […] Il raconte qu’un jour Balzac, traitant d’un feuilleton à la Gazette de France, osa demander à M. de Genoude ce qu’il préférait « de sa ménagerie » (il appelait ainsi ses romans dans ses quarts d’heure de misanthropie ou de modestie), mais M.
Ils n’osent pas venir s’y frotter. […] Grâce à l’hypocrisie charmante de sa pensée et à la puissante tactique des demi-mots, il ose tout.
L’homme qui est né avec de la vigueur n’étant plus arrêté par des conventions, marche où le sentiment de sa vigueur l’entraîne ; l’esprit, dans sa marche fière, ose se porter de tous les côtés, ose fixer tous les objets ; l’énergie de l’âme passe aux idées, et il se forme un ensemble d’esprit et de caractère propre à concevoir et à produire un jour de grandes choses ; celui même qui par sa nature est incapable d’avoir un mouvement, s’attache à ceux qui ont une activité dominante et propre à entraîner : alors sa faiblesse même, jointe à une force étrangère, s’élève et devient partie de la force générale.
Oserai-je me permettre une remarque ?
M. de Bernard, dans cette fin, a trop cédé à la dramaturgie moderne ; il y avait, j’ose le lui affirmer, sans pouvoir l’indiquer, quelque autre conclusion possible et vraie, qu’il eût trouvée en le voulant bien et en restant fidèle à tous ses caractères, même à celui du baron.
Nous autres ignorants, étions perdus, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier : sa merci, nous osons à cette heure et parler et écrire ; les dames en régentent les maîtres d’école ; c’est notre bréviaire. » Ne s’y reliât-il que par Montaigne, Amyot serait encore un des facteurs essentiels du xviie siècle classique : en lui se résume l’apport de l’humanisme dans la constitution de l’« honnête homme » et de la littérature morale.
Cependant après un temps d’hésitation et comme de reflux, les nécessités pratiques et vitales font reprendre à la langue son cours naturel : la phrase se dégage et si, j’ose dire, se retrouve.
Paul Bourget est pris à la fois par ce qu’il y a de plus noble en lui — et, si j’ose dire, d’un peu frivole.
Pantalon n’osait dire le contraire, quelque envie qu’il en eût.
Je n’ose essayer qu’une demi-libération.
Si jamais on osait la relever, nous verrions.)
Ils eussent dû le condamner, le punir d’oser ainsi s’ériger en censeur public, attaquer la réputation d’un citoyen si respectable.