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1036. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Le vers dispose de moyens différents de l’orchestre, mais équivalents et aboutissant à une semblable incantation. […] À ne répéter point ce qui fut écrit, et Mendès est si près de tout écrire, quand il veut écrire, faute aussi de pouvoir déjà expliquer historiquement Heredia, dont les origines me sont confuses, je n’ai guère que quelques redressements à proposer de l’opinion qu’on se fait communément de Heredia et des Trophées, opinion en moyenne assez juste et raisonnable.

1037. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

L’homme unique est celui qui sent toujours avec une acuité plus grande et sait se traduire par des moyens appropriés. […] Si les reproches usuels tombent à faux, il est juste d’avouer qu’une intelligence moyenne, cultivée passablement, trouvait plus vite sa nourriture dans Bouilhet, ou dans Feydeau.

1038. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Âme chaste et qui, malgré quelques premiers désordres, s’était vite rangée et réparée, il excellait, plutôt par divination que par expérience, à découvrir les vertus et les vices dans leurs principes, dans leurs semences pour ainsi dire et leurs racines, et à les suivre dans leurs progrès, prescrivant les moyens d’acquérir les unes et d’éviter les autres. […] Enfin, un jour, il fut plus heureux, et il écrivit aussitôt l’espèce d’allocution et de prière où il s’empressa de l’encadrer ; car, chez Anselme, c’est toujours la prière qui précède et qui suit les opérations de la science ; chez lui, ce n’est pas la raison qui cherche la foi, c’est la foi fervente et sincère qui cherche simplement les moyens de se comprendre et, pour ainsi dire, de se posséder par le plus de côtés possible ; c’est la foi, comme il le définit excellemment, qui cherche l’intelligence d’elle-même.

1039. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Mais, sous un autre rapport, il y a sentiment d’impuissance à réaliser pleinement, par le moyen d’une pure idée, les sensations et émotions de plaisir attachées au jeu. […] Nous arrivons donc à ce cercle : « Il faut agir pour sentir et penser, il faut sentir et penser pour agir. » Il n’y a d’autre moyen d’en sortir que d’admettre, dans l’être primordial, une unité immédiate de l’agir, du sentir et du penser.

1040. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

L’Occident a donc offert, durant dix siècles, le spectacle d’une humanité s’efforçant, par tous les moyens en son pouvoir, de rendre aussi douloureuse, aussi amère que possible, en vue de compensations ultérieures, l’existence que Dieu la condamnait à vivre. […] Les uns y demeurent en prière, n’attendant un secours que du Ciel : les autres s’efforcent par tous les moyens de reculer le terme fatal et d’empêcher l’inéluctable de s’accomplir.‌

1041. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Il ne prévit point assez que dans la constitution économique des états, de longues victoires ressemblent presque à des défaites ; que tout ce qui est violent, s’use par sa violence même ; que de grandes puissances, unies pour résister, doivent à proportion s’affaiblir beaucoup moins qu’une grande puissance armée pour attaquer ; que les grands hommes qui, à la tête de ses armées, étaient fiers de le servir, devaient, par leur exemple, faire naître d’autres grands hommes pour le combattre ; que toutes les fois qu’on fait de grands efforts, il ne peut y avoir de succès que ceux qui sont rapides, parce que les moyens extrêmes tendent toujours à s’affaiblir. […] Il exagéra donc tout à la fois et ses projets et ses moyens ; et de là, après quelques années d’éclat, le dépérissement, la ruine et le malheur.

1042. (1927) Des romantiques à nous

Mais le combat qu’il mène est, à l’heure présente, sans qu’il le mène, comme on voit, par les moyens les plus sûrs et les plus puissants, le bon combat La chose la plus lâche, la plus basse et la plus dangereuse de l’heure présente, c’est la guerre à la raison, à l’énergie mentale, don français par excellence. […] C’est aussi un moyen de plaire, et non le moins sûr. […] Benda trouve moyen de lui expliquer, avec une force et une propriété d’expression étonnantes les grands problèmes de la philosophie. […] Ma crainte, c’est que les moyens dont il s’est servi ne soient un peu trop simples, trop élémentaires, trop physiques, parfois même trop triviaux, même pour un art dont la destination serait délibérément populaire. […] Ce que je maintiens, c’est que cette musique, ce chant ne se dégagent pas, ne se réalisent pas sans les moyens d’un art sorti de ses premiers et naïfs tâtonnements et parvenu à une certaine maturité.

1043. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

Bien qu’il ne se soit exercé le plus souvent que dans des cadres de moyenne dimension, M.

1044. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Il nous faut du grand, diront-ils, mais ce grand à quoi ils rêvent sans cesse, ils ne sauraient le trouver eux-mêmes ni l’inventer ; ils sont en peine des voies et moyens, et resteraient bien empêchés tous seuls à le réaliser ; il faut qu’on le leur prépare, qu’on le leur présente tout fait, et alors ils l’acceptent, sans trop de discernement toutefois, sans distinguer toujours le fond de l’apparence et le simulacre d’avec la réalité.

1045. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Note »

Je n’avais pas été le premier à le rechercher au début de notre liaison ; lui-même m’avait fait, par Victor Hugo, des avances dès le temps des Consolations ; je l’avais connu prêtre et disant encore la messe, ultramontain et pur romain de doctrine : je l’avais pris avec vivacité et sympathie par tous les points desquels je pouvais me rapprocher et qui m’offraient un moyen de correspondre ; je m’étais efforcé de multiplier ces « points d’attouchement, » comme les appelle Lavater dans son manuel de l’amitié ; je n’avais eu, dès son premier pas dans le libéralisme, que d’excellents et chauds procédés envers lui et lui avais hautement rendu, je puis dire, de bons offices littéraires.

1046. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Que cette infortunée, qui n’est ni femme ni vierge, et qui pourtant n’est point coupable, soit la véritable Agnès, qui a trouvé moyen de courir les champs en laissant à sa place dans le donjon quelque amie complaisante, c’est ce que devine tout d’abord le lecteur qui sait tant soit peu son d’Arlincourt : mais c’est ce qu’Arthur ne saurait deviner ; et pourtant son cœur à tout hasard n’en préfère pas moins la proscrite de la vallée à l’héritière du château.

1047. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 493-499

Tout y est intéressant d’un bout à l’autre ; & pourvu qu’on attache le Spectateur, peu importe, dira-t-on, par quel moyen on parvient à cet heureux effet.

1048. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

Le moyen, après cela, que la raison soit de son côté !

1049. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

Tous ont combattu, tous ont fait l’effort, tous sont vainqueurs ; qu’ils aient combattus par les idées ou par la force sans comprendre bien, suivant leurs moyens, admirons-les !

1050. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VIII. La Fille. — Iphigénie. »

Il augmente donc nécessairement la puissance, puisqu’il augmente le moyen, et multiplie les beautés dramatiques, en multipliant les sources dont elles émanent.

1051. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XII. L’homme touffu »

— « Trouve le moyen de me procurer cette jeune fille, déclara le kuohi et ton fils aura pour femme une de mes filles ».

1052. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

À l’heure qu’il est, sa méthode étonne : « C’est lui qui chercha la pierre philosophale par la voie humide, — dit Dumas, très opposé à l’alchimie, en professeur qu’il est, — mais, en employant la distillation comme moyen, il a fixé l’attention sur les produits volatils de la décomposition des corps. » On en conviendra, quelle haute et quelle intéressante étude que celle de l’illuminisme, se produisant dans de tels cerveaux !

1053. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

cette fois nous sommes à plein dans la méthode de bien concevoir par le moyen des universaux et de bien juger par le moyen des catégories… Nous sommes tout simplement dans la théorie des trois unités, que Boileau, à tort ou à juste titre, trouve raisonnable. […] Et c’est le moyen d’aimer tous les hommes. […] Stapfer le représentant assez fidèle de l’opinion moyenne sur Hugo. […] Le moyen de ne point garder de rancune est peut-être de l’épuiser d’un seul coup. […] Quelquefois il en a plus ; en moyenne, on peut dire qu’il en a autant.

1054. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Et quel est le moyen général de cette conservation ? […] Quel est ce terme moyen, où était-il ? […] Une génération moyenne ne s’est point formée entre les écrivains qui finissent et les écrivains qui commencent. […] Le Pelletier qui connaissait tous les avantages de l’émulation cherchait tous les moyens de l’entretenir. […] L’auteur pense que l’ordre et le repos sont les deux plus sûrs moyens d’arriver à ce but.

1055. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Il y soutient du mieux qu’il peut le personnage d’un satirique ennuyé de se voir obligé à louer, et par là trouve le moyen de s’en tirer passablement. […] Est-ce que la critique et la philosophie ne sont pas l’examen libre, la recherche du vrai par tous les moyens ? […] Beethoven lui-même était de moyenne taille, osseux, trapu ; l’air de la force, au premier coup d’œil ; mais, avec cela, d’une santé chétive et extrêmement inégale. […] « Le ténor de poitrine est trapu et de taille moyenne. […] « Dès que l’homme dépasse la taille plus que moyenne, il a une voix de basse.

1056. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Ils ont trouvé moyen de concilier par la pitié leur théorie de la misère de toutes choses et leur vision trop complète de la douleur humaine. […] L’un était mince et gracile, de taille moyenne et souple, avec un visage légèrement creusé aux joues, des yeux d’un bleu sombre, et sur la lèvre supérieure comme une ombre d’or. […] Y avait-il dans l’esthétique de l’école quelque chose de particulièrement inacceptable pour l’opinion française moyenne ? […] Par conséquent, ils devront rester moyens, ils ne seront ni trop réussis ni trop avortés ; car ni l’extrême intensité, ni l’excessive dépression ne sont la règle commune. […] Ecrire une pièce de théâtre, c’est donc établir comme une moyenne des opinions du public pour lequel on l’écrit.

1057. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Ce serait soi-même trahir sa cause que de négliger les moyens qui la peuvent servir ; mais l’art le plus profond n’est ici qu’un moyen ; le but de la philosophie est ailleurs ; d’où il suit que la philosophie n’est pas un art. […] Ils ne gagnent rien à échanger leurs moyens et à ôter les limites qui les séparent. […] La vraie composition n’est autre chose que le moyen le plus puissant d’expression. […] Et il ne faut pas croire que la grandeur des effets suppose ici des moyens très compliqués. […] Faire du bien aux hommes, c’est le plus sûr moyen qu’ils nous en fassent ; et c’est aussi le moyen d’acquérir leur estime, leur bienveillance, leur sympathie, toujours, agréables et souvent utiles.

1058. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

On trouve un moyen toujours sûr de lui plaire en suivant sa volonté ; elle est aussi la règle de nos devoirs et la source de nos plaisirs. […] Pourtant, par quelque moyen que ce soit, il le faut. […] Qu’on veuille bien remarquer qu’il ne peut guère y avoir d’idées moyennes en poésie ; car les idées moyennes, les vérités tempérées, qui sont par leur sagesse l’honneur de la prose, compromettent la poésie par leur médiocrité. […] Le prédicateur parlant morale, les catéchumènes entendant gastronomie, il n’y avait pas moyen de s’expliquer ; la position était critique. […] Réfutation embarrassante, pour laquelle on a employé surtout les moyens indirects.

1059. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Reste un moyen empirique : c’est de prendre le contrepied des jugements traditionnels. […] C’est le théâtre en général qui me paraît un moyen d’éducation dangereux pour nos enfants. […] Prends le vieux moyen. […] Et peut-être, alors, s’entendrait-il avec Fideline et chercherait-il, avec elle, quelque moyen de lui ramener Beppo. […] ou n’est-elle, en effet, qu’un moyen De me rendre jalouse ?

1060. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Tout y est moyen, mesuré, aisément et nettement perceptible aux sens. […] Il a fait d’elles un moyen et non un but. […] Allons, femme, fais sécher trois chénix de fèves, mêles-y du froment, choisis parmi les figues ; il n’y a pas moyen aujourd’hui d’ébourgeonner la vigne ni de casser les mottes, la terre est trop mouillée. […] Combien plus de choses encore dans la toilette d’une femme, même de la condition moyenne ; deux ou trois armoires n’y suffisent pas. […] A la même époque, Rhoikos et Théodoros de Samos trouvent le moyen de couler l’airain dans un moule.

1061. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Mais trouver le moyen de les corriger sans détruire du même coup, par l’impraticable utopie, toutes les réalités nécessaires à la vie sociale, l’abbé de Lamennais n’y avait jamais pensé, et le Livre du peuple en était la preuve. […] Au lieu de l’appeler le Livre du peuple et de le lancer à cette partie déshéritée, souffrante et irritée de la société, adressez-le, sous un autre titre, à la partie aisée, privilégiée, heureuse et jouissante de l’humanité, et montrez-lui les moyens pratiques d’améliorer sans le renverser l’état social. […] — Personne, monsieur, sauf quelques amis de son enfance, qui vivent en Auvergne et qui l’invitent quelquefois à aller passer une semaine ou deux dans leur désert. — Envoyez-le chez moi, je vais tenter un moyen de lui être utile.

1062. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Ayez du goût comme des Anglais, de l’esprit comme des Allemands ; c’est le seul moyen qui vous reste de cueillir encore des couronnes. […] Il se peut bien qu’Adélaïde de Walldorf ait été entraînée au-delà de toutes les bienséances par son amour pour un de ses vassaux8, et que des soldats allemands aient quitté leurs rangs pour aller chercher des serviettes chaudes9 ; mais il y a d’autres moyens de nous peindre les dérèglements des princesses allemandes du seizième siècle, et la poltronnerie des miliciens du même pays et de la même époque. […] Il se garde bien surtout de recourir aux périphrases : il eût dit crûment un espion, plutôt Qu’un mortel dont l’État solde la vigilance 10 ; et nommé peut-être la poule au pot, s’il n’y avait eu moyen de s’en abstenir qu’en écrivant : Je veux enfin qu’au jour marqué pour le repos L’hôte laborieux des modestes hameaux, Sur sa table moins humble ait, par ma bienfaisance, Quelques-uns de ces mets réservés à l’aisance11.

1063. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Sous les noms héroïques, à travers les infortunes et les crimes extraordinaires, c’est la simple, générale, humaine vérité que Racine veut montrer : outre la politique, cela exclut l’intrigue romanesque, les moyens compliqués ou surprenants. […] Seulement des mêmes passions, de la même situation, du même moyen, l’un tire du comique, et l’autre du tragique : chacun suit la loi du genre qu’il traite. […] Et dans ces trois sujets, que de formes d’âmes nouvelles et variées : Ulysse, le politique froid, qui ne recule jamais devant les moyens, quand il a choisi le but, point insensible pourtant, mais rassuré par la conscience qu’il a de ne voir que le bien public ; Agamemnon, père tendre, faible ambitieux, qui voudrait les fruits du crime sans le crime, et qui ne peut se résoudre à sacrifier sa fille à son égoïsme, ni son égoïsme à sa fille, plus sympathique que le Félix de Corneille, parce qu’il est plus déchiré ; Clytemnestre, la « mère », qui ne connaît plus ni patrie, ni dignité, ni mari, dès que sa fille est en péril, en qui, mieux qu’en aucune amplification romantique, apparaît le sentiment primitif, animal, de la maternité ; c’est la bête défendant son petit.

1064. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Il voulait être au pouvoir : il ne voulait pas le demander, ni descendre aux moyens de l’obtenir. […] En un mot, avec une intelligence qui était plutôt au-dessus de la moyenne. il n’a que des idées médiocres, superficielles et surtout arbitraires. […] Je ne sais si Chateaubriand a choisi librement ses moyens.

1065. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Le sens de la dignité rehausse la vie, mais le cynisme et la bassesse sont des moyens de parvenir. […] Il sait que tous ces biens ne sont que des moyens, qu’ils ne valent que par des fins plus hautes, la vie sociale d’un peuple ou de l’humanité, qu’ils représentent et que, bien souvent, ils représentent mal. […] Nous n’avons pas idée des moyens d’y arriver, et dans cette marche au néant, nous sommes à peu près comme un homme qui, voulant aller à pied en Chine, posséderait pour toute ressource un plan grossier de sa petite commune.

1066. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Je m’ingéniais alors à inventer des moyens pour lui prouver que j’étais toujours le même « fils affable » que par le passé. […] Une seule occupation me parut digne de remplir ma vie ; c’était de poursuivre mes recherches critiques sur le christianisme par les moyens beaucoup plus larges que m’offrait la science laïque. […] Depuis ma sortie de Saint-Sulpice, je n’ai fait que baisser, et pourtant, avec le quart des vertus d’un sulpicien, j’ai encore été, je crois, fort au-dessus de la moyenne.

1067. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Ernst reproche d’aller chercher à Bayreuth « quelle dose de demi-vérité et d’émotion moyenne, un compositeur pourrait offrir sans trop de risques au public parisien » a, dans Manon, appliqué avec bonheur le procédé wagnérien de l’union intime de la musique et de la parole, et même tenté une expérience assez délicate pour déterminer les limites où l’une finit et où l’autre commence. […] Nous ne voulons ici que rappeler quelques-uns des procédés au moyen desquels le public, qui est presque tout dans notre théâtre, se trouve réduit, à Bayreuth, à un ensemble de quelques facultés désindividualisées15 et orientées vers la plus complète perception. […] Wagner semble avoir pensé que la meilleure manière de se composer un public était de forcer l’attention et de commander la pénétration sensorielle au moyen d’un appareil théâtral capable d’agir sur n’importe quelle organisation ; l’on sait d’ailleurs que le théâtre de Bayreuth a fait plus de conversions que les écrits les plus convaincus.

1068. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Le vrai moyen de juger M. de Voltaire est donc de se transporter dans l’avenir ; de se mettre à la place de nos Descendans ; de leur supposer des lumieres, du goût, de l’honnêteté ; & de prononcer ensuite, en tâchant d’être leur organe. […] S’il s'est prodigué les éloges, il n’a pas négligé les moyens de s’en procurer de la part des autres. […] Pourquoi ce mélange d'élévation & de petits moyens, de hardiesse & de petites ruses, de dédains & de petites prétentions ?

1069. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

On me le peint encore, dans cette même demi-teinte à la fois fidèle et adoucie, arrivant tard à la littérature sérieuse, ne s’y naturalisant qu’avec effort ; s’en distrayant souvent ; s’essayant de bonne heure à des sujets de poésie plus ou moins imités de l’anglais, de l’allemand, à de petites pièces remarquables de ton et de coloris, mais où l’expression trahissait la pensée, et qu’il a corrigées et retravaillées depuis, sans les rendre plus parfaites et plus faciles ; « nature exquise pour l’intelligence, avec des moyens de manifestation insuffisants ; point d’amour-propre en tête-à-tête, humble aux observations dans le cabinet, douloureux et hargneux devant le public ; généreux de mœurs et désintéressé, mais faisant mille tours à ses amis et à lui-même. » D’un cœur ardent, passionné, d’un tempérament vif et amoureux, il avait un grand souci de sa personne et de tout ce qui mène à plaire. […] Vous entrevoyez dans l’art, qui est un but, un moyen, un moyen de bruit, de publicité, j’allais dire de prostitution.

1070. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Se souvenir, c’est avoir senti et pouvoir sentir de nouveau : tout le mécanisme extérieur n’est que le moyen de rendre possibles et la sensation, et la renaissance de la sensation, et la reconnaissance de la sensation. […] La mémoire intellectuelle est un ensemble de signes au moyen desquels la conscience arrive à renouveler les idées par leurs contours sans renouveler les émotions et efforts qui en occupaient primitivement le fond. […] Dans la vie comme dans l’art, ce sont les résultats qui importent et non les procédés par lesquels ils ont été obtenus : dans la mémoire, c’est la puissance de ressusciter aux yeux de la conscience un monde disparu qui importe, non les moyens de mnémotechnie naturelle ou artificielle par lesquels les idées sont conservées et associées.

1071. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Condorcet prévoyait et annonçait que l’homme trouverait le moyen de ne pas mourir, M.  […] « La supériorité de ses moyens sera si grande, à ce Mandarin définitif et autocrate, — dit M.  […] Renan, pédant moins fougueux et Darwiniste pour l’instant, comme il est tour à tour tout le monde, — « amènera la création d’ une race supérieure, ayant le droit de gouverner non seulement dans sa science, mais dans son sang, son cerveau et ses nerfs, et on l’obtiendra par le moyen qu’emploient les botanistes pour créer leurs singularités… Comme la fleur double est obtenue par l’hypertrophie ou la transformation des organes de la génération, on concentrera toute la force nerveuse du cerveau, on la transformera toute en cerveau, en atrophiant l’autre pôle… » Charmante perspective !

1072. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Pour que la France échappe au démembrement, il faut que nos armées triomphent ; pour que nos armées triomphent, il faut que tous les moyens offensifs et défensifs soient réunis, organisés, employés par un gouvernement au-dessus de tous les périls par son audace, de tous les scrupules par sa perversité, de toutes les résistances par sa violence. […] Il y a donc une source d’idées supérieure à l’homme, et le langage en a conservé le dépôt plus ou moins altéré, mais sans être jamais complètement détruit, et la parole, communiquée par les parents aux enfants, est le moyen de cette transmission intellectuelle. […] Il a trouvé pour le monde philosophique cette synthèse qui résume tout, la cause, le moyen, l’effet. La cause, le moyen et l’effet sont, dans l’ordre général de l’univers, ce que le père, la mère et les enfants sont dans l’ordre domestique de la famille, le pouvoir, le ministre, le sujet dans l’ordre politique de l’État. […] Mademoiselle de Meulan, étant tombée gravement malade, était très inquiète pour son journal, dont elle était l’âme et qui était son seul moyen d’existence, lorsqu’elle reçut une lettre dans laquelle on la priait de se tranquilliser, en lui annonçant que, tant que durerait sa maladie, on lui enverrait un article pour chaque numéro de son journal.

1073. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Comme disait Talleyrand, il ya un moyen de vaincre les mauvaises chances, — ou même l’hostilité des hommes : c’est de durer plus qu’elles. […] Toute description qui dépasse cinquante lignes cesse d’être clairement perceptible à un esprit de vigueur moyenne. […] sans nulle délicatesse sur les moyens. — Les rôles de Grigneux, de Pierre, de Mme Cardevent, sont de pure rhétorique de théâtre, affreusement convenue. […] Il n’a qu’un moyen de recouvrer sa facture, c’est de refaire le mariage manqué, et, pour cela, de guérir les deux enfants de leurs visions romanesques. […] » J’aurais voulu être celui-là. » Une fois sa candidature posée, il entend bien ne la faire triompher que par des moyens irréprochables.

1074. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Pour moi, je sais gré à cet esprit noblement ambitieux, à cet homme de génie manqué, d’avoir conçu, l’un des premiers, les idées et les moyens de réforme, les états-généraux, la milice citoyenne ; mais je lui sais gré surtout d’avoir auguré avec certitude et exprimé à l’avance, sous les traits de Zulmé, les grandeurs futures de Corinne. […] » Plus tard, en avançant en âge, en croyant moins, nous le verrons, aux inventions nouvelles et à la toute-puissance humaine, Mme de Staël n’eût pas placé hors de l’ancien et de l’unique Christianisme le moyen de régénération morale qu’elle appelait de ses vœux. […] Enfin, grâce à la tolérance de Fouché, qui avait pour principe de faire le moins de mal possible quand c’était inutile, il y eut moyen de s’établir à dix-huit lieues de Paris (quelle conquête !) […] Mme de Staël est d’une taille moyenne, et son corps, sans avoir une élégance de nymphe, a la noblesse des proportions… Elle est forte, brunette, et son visage n’est pas à la lettre, très-beau ; mais on oublie tout dès que l’on voit ses yeux superbes, dans lesquels une grande âme divine, non-seulement étincelle, mais jette feu et flamme. […] Ici une main dispensatrice rendait la scène facile et ouvrait une part large au drame et au roman, par une sage économie de moyens.

1075. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Nul moyen de sortir de là. […] Barbey d’Aurevilly, dans une note substantielle où il trouve le moyen d’appeler M.  […] Barbey d’Aurevilly, qui trouve moyen d’exalter la Comédie humaine à propos.… des Mémoires d’une femme de chambre ? […] Esprit d’homme de lettres, idées moyennes, sensations cordiales bourgeoises — nul plus mauvais « chantre » de l’amour. […] Et je suis sûr qu’il n’a jamais frappé une femme ni voulu se procurer des sensations « inédites » par des moyens chirurgicaux.

1076. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Par le moyen des organes naturels de la parole, les hommes sont capables de prononcer plusieurs sons très-simples, avec lesquels ils forment ensuite d’autres sons composés. […] C’étoit beaucoup que les hommes eussent trouvé par l’usage naturel des organes de la parole, un moyen facile de se communiquer leurs pensées quand ils étoient en présence les uns des autres : mais ce n’étoit point encore assez ; on chercha, & l’on trouva le moyen de parler aux absens, & de rappeller à soi-même & aux autres ce qu’on avoit pensé, ce qu’on avoit dit, & ce dont on étoit convenu. […] Mais l’orthographe est un pur effet de l’art ; tout art a sa fin & ses principes, & nous sommes tous en droit de représenter qu’on ne suit pas les principes de l’art, qu’on n’en remplit pas la fin, & qu’on ne prend point les moyens propres pour arriver à cette fin. […] Ce sont là deux moyens que le Créateur nous a laissés pour étendre nos connoissances. […] Quand une fois les impressions que ces divers objets ont faites sur nos sens, ont été portées jusqu’au cerveau, & qu’elles y ont laissé des traces, nous pouvons alors nous rappeller l’image ou l’idée de ces objets particuliers, même de ceux qui sont éloignés de nous, & nous pouvons par le moyen de leurs noms, s’ils en ont un, faire connoître aux autres hommes, que c’est à tel objet que nous pensons plûtôt qu’à tel autre.

1077. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

Ce sont les caractères sans véritable chaleur, qui parlent sans cesse des avantages des passions, du besoin de les éprouver ; les âmes ardentes les craignent ; les âmes ardentes accueilleront tous les moyens de se préserver de la douleur, c’est à ceux qui savent la craindre que ces dernières réflexions sont dédiées ; c’est surtout à ceux qui souffrent, qu’elles peuvent apporter quelque consolation.

1078. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Rodenbach imagine un nouveau moyen d’être mauvais d’une façon recherchée et curieuse, d’écrire mai, de rythmer de travers avec mille soins délicats.

1079. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

On ne peut donc que le plaindre d’avoir eu le courage de paroître Philosophe, avec tant de risques ; & la foiblesse de n’oser cesser de l’être, avec tant de moyens d’assurer sa gloire par d’autres bons Ouvrages qu’il étoit capable de donner.

1080. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Ainsi Moliere, en offrant aux hommes, d’une maniere adroite, le miroir fidele de leurs inconséquences, a trouvé le moyen de piquer leur curiosité sans rebuter leur amour-propre, & de se servir ensuite de l’amour-propre, pour les changer & les rendre plus raisonnables.

1081. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VII »

On a récemment insinué qu’un bon moyen pour inculquer aux Français une langue étrangère serait de les envoyer faire leurs études à l’étranger.

1082. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

Ce moyen serait bien plus sûr que d’appeller des artistes étrangers qui périssent transplantés, comme des plantes exotiques dans des serres chaudes.

1083. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

En revanche, la lecture, certaines précautions prises, est un des moyens de bonheur les plus éprouvés.

1084. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVII »

Il n’y a plus moyen d’écrire ! 

1085. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Dès qu’ils furent sortis de la barbarie, qu’ils cessèrent d’être errans & pauvres, & qu’ils purent jouir de leurs conquêtes, ils cherchèrent les moyens de respirer en paix sous l’heureux climat qu’ils avoient choisi. […] Ce n’est pas que quelques Auteurs ne cherchassent les moyens d’enrichir la langue Françoise, & de lui donner une certaine harmonie ; mais ce n’étoit encore qu’un mélange barbare de mots Grecs ou Latins, qu’on tâchoit de naturaliser. […]   Le goût, ce sentiment exquis de l’ame, ce tact si délicat & si prompt, que la nature accorde quelquefois sans efforts, qu’elle refuse également à son gré, & qu’on n’acquiert pas toujours, même par l’étude la plus opiniâtre, pouvoit bien en effet être négligé par des hommes plus occupés à jouir, qu’à penser aux moyens de joindre l’agréable à l’utile. […] Le moyen d’en faire goûter un nouveau, où l’Auteur ne sortant jamais des bornes de la décence & des mœurs, n’attaquoit que les vices & les ridicules sans aucunes personnalités ? […] N’est-ce donc pas porter un coup mortel au bon goût, que de s’efforcer d’introduire sur la scène ce nouveau genre de Drame, où les moyens de réussir coûtent si peu, par la dangereuse facilité dont il est susceptible ?

1086. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Ce gouvernement occulte, mais sacré, de la créature, voilà le seul progrès et la seule transformation assurés de la destinée humaine ici-bas, car l’homme n’a qu’un moyen de transformer sa condition mortelle : c’est de la sanctifier ; l’homme n’a qu’un moyen de transformer sa nature : c’est de la diviniser ; l’homme n’a qu’un moyen de diviniser sa volonté : c’est de l’unir par l’humilité résignée et laborieuse à la volonté divine, et, d’homme qu’il est par la chair, de vouloir avec Dieu par l’esprit ce que Dieu lui-même veut en lui ! […] La matière seule a progressé, mais elle est toujours matière, c’est-à-dire obstacle et non moyen.

1087. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

La vérité scientifique ou philosophique n’est pas forcément un moyen en vue de la sociabilité (unité sociale, bonheur collectif, rationalisation collective de l’humanité ou d’une fraction importante de l’humanité). Pour l’adepte de l’individualisme intellectuel la vérité peut être un simple moyen de satisfaction logique ou esthétique, sans aucun rapport nécessaire avec les fins sociales. […] Le pouvoir que le député influent ou le ministre exercent sur leurs admirateurs, ils le détiennent au moyen d’un mécanisme bien connu de ces mêmes admirateurs. […] Résignés à cette fatalité, ils en sont venus à chercher des moyens de créer une orthodoxie apparente.

1088. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Et ce mort-vivant, ainsi privé de tous les moyens et de toutes les manifestations, par lesquelles on se fait entendre, restait l’œil toujours dirigé sur le secrétaire, et il demeurait ainsi, du mardi au jeudi, — ayant, au dire du médecin, sa connaissance jusqu’au dernier moment. […] Hein, que dites-vous de cette imagination de l’amateur qui avait trouvé le moyen d’enfermer la prose et la poésie de Victor Hugo, dans les trois couleurs, avec des différences dans les teintes, indiquant la nuance politique de l’auteur dans le moment. […] Samedi 7 août On parlait d’un huissier, un enragé bonapartiste, qui se trouve par la fatalité des circonstances, chargé des exécutions contre tout le monde de son parti, et des moyens dilatoires qu’il fournit à ses coreligionnaires. […] Et à ce qu’il paraît, le libertinage n’était pour rien dans la possession de ses malades : c’était seulement pour le docteur, un moyen d’arriver à la connaissance complète de l’être qu’il traitait.

1089. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Si distraite par des motifs également puissans, elle tire l’homme en deux sens contraires, l’homme suit une ligne moyenne sur laquelle il s’arme d’un pistolet ou d’un poignard, une direction intermédiaire qui le conduit la tête la première au fond d’une rivière ou d’un précipice. […] Qu’on me dise à qui ces ruines appartiennent, afin que je les vole, le seul moyen d’acquérir quand on est indigent. […] Il y a un moyen sûr de faire prendre à celui qui nous écoute un puceron pour un éléphant ; il ne s’agit que de pousser à l’excès l’anatomie circonstanciée de l’atôme vivant. […] Imaginez à gauche une longue suite d’arcades qui s’en vont en s’enfonçant dans la toile parallèlement au côté droit, et en diminuant de hauteur selon les lois de la perspective ; imaginez à droite une autre enfilade d’arcades qui s’en vont du côté gauche, sur le devant, diminuant pareillement de hauteur, en sorte que ces deux enfilades ont l’air de deux grands triangles rectangles posés sur leurs moyens côtés et s’entrecoupant par leurs petits côtés : effet le plus ingrat à l’œil ; effet dont il était si aisé de déranger la symmétrie.

1090. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Du Pin, cousin de Racine, trouvait le moyen d’être le matin un savant homme, et l’après-dînée un abbé fort coquet ; il faisait sa partie de cartes avec les dames, et ce n’était déjà plus un docteur de la vieille roche. […] Certes, ce n’est pas là le fait d’un bon mari, et il n’y a pas assez de lardons pour elle si jamais elle lui pardonne. — Il a réussi dans son moyen oratoire : la dame Hersent, ainsi provoquée, rougit et saisit la parole en soupirant.

1091. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Après des assemblées tenues à Soissons et à Compiègne, et où les principaux croisés n’avaient pu s’accorder ni sur la date du départ ni sur la route à suivre, il fut résolu que l’on s’en remettrait à six messagers ou députés, à qui l’on donnerait pleins pouvoirs par lettres afin de traiter des voies et moyens d’exécution, et de passer les marchés pour l’embarquement et le transport De ces députés, deux furent nommés par Thibaut, comte de Champagne, deux par Baudouin, comte de Flandre, et deux par Louis, comte de Blois ; c’est-à-dire que les commissaires choisis représentaient en nombre égal les trois seigneurs les plus qualifiés et les plus puissants d’entre les nouveaux croisés. […] Qu’il y eût, dès le siècle de ce dernier, des politiques habiles et consommés, cela est hors de doute ; et l’Église, particulièrement, en eut alors qui en remontrèrent au monde : que, de plus, l’État de Venise fût déjà et dès longtemps habile avec suite et très avisé à ses intérêts, même à travers les acclamations et les pleurs de l’enthousiasme, nous en avons la preuve également ; mais la disposition moyenne des esprits, l’atmosphère morale, à Venise et ailleurs, était autre aux premières années du xiiie  siècle qu’à la fin du xve .

1092. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Les révolutions sont des moyens périlleux de se régénérer et de se redonner des idées, de la vivacité, du nerf ; on perd souvent à ces tours de force et à ces convulsions bien autant qu’on y gagne, et ce n’est qu’après un long temps qu’on peut démêler avec quelque justesse les semences nouvelles qui ont réellement levé, et ce qui a pris racine avec vigueur au milieu des déchirements et des décombres. […] Les grands hommes n’ont jamais vécu dans les cercles de la bonne compagnie ; ils y paraissent, mais les entraves dont elle accable l’homme supérieur l’en écartent : il vit en famille, avec sa maîtresse (voilà la marque et le petit signe libertin du xviiie  siècle, qui se mêle à tout), avec des amis particuliers ; il cherche la confiance, et il n’a pas besoin des petits succès de la société pour s’assurer de sa valeur… Ce qui ne peint pas moins M. de Meilhan que son moment de société, c’est que dans ce regret général qu’il exprime de voir les caractères s’effacer de la sorte, il trouve moyen de songer même à la disparition prochaine des grands fats et des Alcibiades qui vont chaque jour en diminuant ; il le dit d’ailleurs d’une manière piquante : Il est des genres dans la société qui se perdent ; c’est ainsi que certains poissons, après avoir longtemps abondé sur les côtes, disparaissent pour des siècles.

1093. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Le président Jeannin, qui prévoyait qu’on n’aboutirait point par cette voie, fit en juin un voyage en France, dans lequel il se fixa avec Henri IV sur la conduite à tenir ; il avait amené le roi à son idée de conclure une longue trêve au lieu d’une paix, et de retour en Hollande, trouvant le projet de paix rompu, il y substitua heureusement et à temps sa proposition moyenne pour laquelle, avec un peu d’effort de son côté, tout le monde bientôt s’accorda. […] Le soin principal doit être lors de conserver le royaume, la paix et l’autorité royale plutôt avec prudence, en dissimulant, en achetant quelquefois l’obéissance, qu’on acquiert par ce moyen à meilleur prix que s’il y fallait employer la force et les armes, qui mettent tout en confusion… C’est ainsi que d’après son conseil, au commencement de la régence, la reine avait fait aux grands des cadeaux et présents « qui étourdirent la grosse faim de leur avarice et de leur ambition ; mais elle ne fut pas pour cela éteinte », a remarqué Richelieu ; il aurait fallu recommencer toujours.

1094. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Après avoir plus ou moins établi qu’il se rencontre chez les anciens peuples connus de l’Asie des ressemblances d’idées, d’institutions, et particulièrement de notions ou mesures astronomiques qui sont d’une singularité frappante, Bailly se demande d’où peut provenir une telle similitude, et il ne voit pour l’expliquer qu’un de ces trois moyens : ou une communication libre et facile de ces anciens peuples entre eux ; ou une invention spontanée et directe, dérivant essentiellement de la nature humaine en chacun, ou enfin une origine, une parenté supérieure et commune à tous : et il discute ces trois suppositions. […] Sur le premier point, par exemple, dont il veut se débarrasser, sur cette communication de peuple à peuple qui lui paraît un moyen d’explication insuffisant, voici comment il débute en sa cinquième Lettre : Est-ce donc une chose si facile, monsieur (c’est toujours à Voltaire qu’il s’adresse), que la communication des idées ?

1095. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Dans une langue qui ne savait guère encore, comme il le dit, que bégayer papa et maman, il trouva moyen d’exprimer le fond de l’univers et la cime des subtilités divines. — Pour nous il a fait plus : il a fait entrer dans le langage du genre humain nombre de ces paroles décisives qui marquent les grands moments de la vie et de la destinée, ou qui fixent la note inimitable de la passion, et qui se répéteront telles qu’il les a dites, tant qu’il y aura des hommes. […] Elle n’avait jusque-là, dit-elle, trouvé d’autre moyen de salut pour lui que de lui faire voir l’Enfer et les damnés, afin de le ramener au bien par la crainte ; mais désormais l’amour seul va y suffire.

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