Le même terme exprime l’assassinat de César, et celui d’Henri IV ; et les grands hommes qui se sont crus le droit de faire plier une loi de la moralité devant leurs intentions sublimes, ont fait plus de mal par la latitude qu’ils ont donné à l’idée de la vertu, que les scélérats méprisés dont les actions ont exaltés l’horreur qu’inspire le crime.
À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.
Nous lui avons dit que l’imagination était la folle du logis ; que les maximes de La Rochefoucauld étaient désolantes ; que Montesquieu avait fait de l’esprit sur les lois ; que Delille n’avait vu la nature que dans les décorations de l’Opéra ; que la Henriade n’était pas un poème épique, qu’il n’y avait en France qu’un poème, le Télémaque.
Retté s’affirme poète et poète libre, ne se réclamant que de la loi essentielle et unique : le Rythme.
C’est par le contraste que ces grandes lois de l’histoire de l’Europe occidentale deviennent sensibles.
quelle indépendance, quelle légèreté, quelle gaîté, quelle folie devaient régner dans un camp dont les chefs étaient de la jeunesse des deux sexes, dans un camp où les relations étaient toutes militaires, où tous les dangers étaient communs, où le chagrin des revers et l’ivresse des succès étaient également partagés, où régnait la familiarité la plus dégagée des formes habituelles du respect, en un mot dans une armée de deux sexes qui, en révolte contre les lois de l’état, ne devaient pas s’assujettir bien strictement à celles de la bienséance !
Que le poëte donc aille où il veut, en faisant ce qui lui plaît ; c’est la loi.
Est-ce une loi de l’esprit humain qu’il n’aperçoive pas d’abord toute la portée de ses découvertes ou de ses inventions ?
parce qu’on sera parvenu à démontrer la simplicité des sucs digestifs, ou à déplacer ceux de la génération ; parce que la chimie aura augmenté, ou, si l’on veut, diminué le nombre des éléments ; parce que la loi de la gravitation sera connue du moindre écolier ; parce qu’un enfant pourra barbouiller des figures de géométrie ; parce que tel ou tel écrivain sera un subtil idéologue, il faudra nécessairement en conclure qu’il n’y a ni Dieu, ni véritable religion ?
Sa colere contre un homme condamné par la loi, et qu’il execute par principe de religion, n’en est pas moins grande pour être d’une espece differente.
Puisque la loi de causalité a été vérifiée dans les autres règnes de la nature, que, progressivement, elle a étendu son empire du monde physico-chimique au monde biologique, de celui-ci au monde psychologique, on est en droit d’admettre qu’elle est également vraie du monde social ; et il est possible d’ajouter aujourd’hui que les recherches entreprises sur la base de ce postulat tendent à le confirmer.
Je répète, je ne saurais trop répéter à monsieur le directeur que ce… solliciteur viole — dans sa tenue — les lois les plus élémentaires de l’étiquette.
Et tous et chacun de ces dix mille n’étaient-ils pas l’incarnation vivante de la justice, de la conscience et de la loi ?
Il se frapperait lui-même à toutes les générations, il se suiciderait dans sa race ; car, il ne faut pas s’y méprendre, c’est le poids de toutes les erreurs, déversées les unes dans les autres par une loi d’assimilation terrible, qui a empli cette coupe de sang révolté qui bout maintenant, allumée par toutes les convoitises dans le cœur de l’homme, et dont la vapeur monte à son esprit et s’y condense en socialisme.
Mais le moyen-âge, dans sa foi solide et naïve, ignorait cette loi du monde moral : que toute compression engendre une dilatation, la Nature refoulée pendant des siècles, fit un jour irruption, en dépit des barrières.
C’est la loi du talion, et c’est un des articles du code de l’honneur militaire. […] Quand le poète apprit cette nouvelle en Belgique où il philosophait sur le droit et la loi, Paris et Versailles, Léviathan et Béhémoth, il dut ressentir une profonde douleur. […] Douter vient de dubitare en vertu de lois étymologiques très certaines et que l’histoire constate ; c’est fort bien : mais quelle est la racine de dubitare ? […] L’usage propre de la raison n’est-il pas de découvrir les lois générales de la nature et de l’esprit ? […] c’est la loi de notre nature, c’est le plan même du monde, c’est le principe de la vie, du mouvement et du progrès dans toute la création animée.
Ces lois de l’atavisme sont restées jusqu’ici mystérieuses. […] Sa timidité est intermittente, et l’on n’en découvre point la loi. […] Et la loi des sexes est la guerre. […] Il pousse très loin le respect de la bonne loi naturelle. […] Ce malheureux devait subir la loi de l’Athos et y vivre en célibat forcé !
Et il faut que tout soit calmé, que la fièvre ait disparu, pour qu’on regrette les vitres cassées et pour qu’on s’aperçoive de la besogne mauvaise, des lois trop hâtivement bâclées, qui valent à peine les lois contre lesquelles on s’est révolté. […] Que les faibles meurent, les reins cassés ; c’est la loi. […] Les conventions sont ce qu’on les fait, et elles n’ont force de loi que si on les subit. […] Qu’on fasse une loi tout de suite pour empêcher le cumul des talents. […] Le précipité a lieu, d’après les lois naturelles, et le public s’effare.
Les philosophes qui épiloguent sur les fameuses lois de l’histoire ne tiennent pas compte des hasards et de leurs déraisonnables caprices. […] S’il montre comment se développent les lois de l’histoire, il laisse aussi intervenir la déconcertante nouveauté de l’imprévu. […] On criait : « Hors la loi ! […] Jules Renard était fidèle aux justes règles de la syntaxe, qui sont les lois de la logique, et voilà tout. […] Et ainsi la rapidité vertigineuse est rendue par les moyens les plus simples, les mieux conformes aux lois de l’art sculptural.
Quelle preuve peut-il donner que Boileau, que Racine, que Molière, que Bossuet, que Pascal aient ainsi comme abdiqué sous la loi du cartésianisme leur liberté d’esprit ? […] « Il y a sans doute des lois naturelles, mais cette belle raison corrompue a tout corrompu. […] Car tout genre a ses lois, et qui sont déterminées par sa nature même. […] Les lois, ou les conventions si l’on veut, qui le distingueront un jour de tout ce qui n’est pas lui, ne sont pas assez déterminées. […] C’est la vitesse même de l’improvisation, ou plutôt de l’inspiration ; et, à défaut de calcul ou d’art, c’est l’instinct même des lois de la composition.
je veux, — dit une héroïne des romans de chevalerie, la reine Sydonie, — je veux mettre un terme à mes raisons pour la déraison que je commets en me plaignant de celui qui ne la garde pas dans ses lois ! […] « Si la foule ne s’agenouille jamais devant eux, ils auront une chapelle d’un luxe précieux, une chapelle byzantine avec de l’or fin et des peintures curieuses, dans laquelle les raffinés iront faire leurs dévotions9. » Je suis une dévote de cet autel, sans prétendre ériger en loi mon goût qui provient peut-être de mon tempérament de coloriste. […] La loi de transmission héréditaire qui imprime des caractères indélébiles aux individus dans les veines desquels court un même sang, la loi de la sélection naturelle, qui élimine les organismes faibles et conserve ceux qui sont forts et propres à la vie ; la loi de la lutte pour l’existence qui remplit un rôle analogue ; la loi de l’adaptation qui approprie les êtres organiques au milieu dans lequel ils vivent, en somme, toutes les lois qui forment le corps des doctrines évolutionnistes prêchées par l’auteur de l’Origine des espèces, ont leur application dans les romans de Zola. […] Il faut ici remarquer que la majorité des critiques semble s’imaginer qu’il n’existe qu’un genre d’immoralité, l’immoralité érotique, comme si la loi divine se réduisait à un commandement. […] Leur influence s’étend non seulement aux mœurs mais aux lois.
Si monsieur Bajazet a un défaut, c’est qu’il est trop grave, trop flegmatique, trop scrupuleux sur la bonne loi, en un mot, c’est qu’il est trop Turc. […] N’est-il pas de l’essence de son caractère de s’emporter à la plus légère contradiction, de ne connaître d’autre bienséance, d’autre raison, d’autre loi que son épée ? […] M. de La Harpe dira-t-il encore : Assurément Assuérus, qui aime sa femme, ne la fera pas mourir pour avoir violé la loi ? Pour établir le danger, ne suffit-il pas qu’il y ait peine de mort pour quiconque ose enfreindre cette loi sacrée ? […] Joad, sans être inspiré de Dieu, a pu imaginer cette ruse, qui n’est contraire ni aux lois de la guerre ni à celles de l’honneur : il fut toujours permis de tromper un trompeur.
Ils font la loi des nations entre elles tant qu’un grand criminel d’État ne vient pas les déchirer à la face de Dieu et des hommes. […] Thiers, par exemple, compulse toutes les négociations et tous les actes de ces diplomaties diverses, et les étale sous les yeux des siècles pour l’instruction des diplomates présents et futurs, de façon que chaque nation reconnaisse sa pensée, bonne ou mauvaise, dans les actes de son gouvernement, et qu’un nouveau droit public devienne la loi pacifique des nations. […] Celui qui les viole est hors la loi ; tout le monde a le droit de guerre contre lui ; c’est le grand anarchiste de la société internationale, c’est l’insurgé contre la civilisation : car le droit public, c’est la civilisation. […] si ce n’est l’ingratitude et souvent l’hostilité de cette république égoïste des États-Unis, qui a aboli de ses lois la reconnaissance comme une vertu improductive pour ce peuple de caboteurs, d’agioteurs et de négriers, qui a fondé sa législation politique sur un vice et sur un crime à la fois, l’anarchie et l’esclavage, qui a fait à la France la guerre navale des transports au profit de l’Angleterre et à la ruine de nos ports ; qui, pour comble d’impudeur, après la paix, nous a demandé, sous peine de guerre, le remboursement des sommes qu’elle n’avait pas assez gagnées sur nous dans nos calamités nationales, l’indemnité de la rapacité américaine !
Je sais, disais-je, que j’ai commis des homicides ; mais je ne l’ai fait que pour défendre cette vie que vous m’avez donnée en garde ; et d’ailleurs ils m’ont été pardonnés : dans ce moment-ci, je suis innocent, selon toutes les lois humaines, et je suis comme un homme qui, passant dans la rue, reçoit une grosse pierre qui lui tombe sur la tête. […] Envoyez-moi seulement un prêtre auquel je puisse me confesser, quoique je l’aie déjà fait devant Dieu, mais pour me soumettre aux lois de l’Église, à laquelle je pardonne, malgré tout le mal qu’elle me fait. […] — Voilà, lui répondis-je, celui qui vous a échappé, et que vous n’auriez pas, s’il n’avait été vendu pour un évêché, au mépris des lois les plus sacrées ! […] Puisque le ciel m’en impose la loi, Je serai ta compagne encore ; Oui, des jours plus heureux vont se lever, je croi, Et déjà j’en ai vu l’aurore.
. — « Un nouveau maître tient le timon de l’Olympe, Zeus règne maintenant par des lois récentes. […] Ces dieux, qu’il chantait et qu’il adorait, le Grec sentait vaguement qu’il les avait faits, qu’il les avait tirés de sa conscience plus ou moins lucide des lois de la vie, qu’ils n’étaient en somme que les figures idéales des rêves de sa pensée et des éblouissements de ses sens. […] Ce dieu même obscurément annoncé, qui devait le racheter par sa descente aux Enfers, figurait, sous une autre forme, Jésus descendant aux Limbes pour en tirer les Justes de l’ancienne Loi. […] Angoisses de l’homme luttant contre des lois implacables dont le plan échappe à sa vue, protestations de la conscience indignée par les triomphes du mal et l’injustice distributive de la destinée, alternatives d’immenses espérances et de désespoirs infinis, attente anxieuse d’un ordre meilleur qui recule à mesure que le pressentiment s’en approche ; Prométhée est resté le prophète permanent, la voix inextinguible de ces cris de l’âme.
C’est la loi universelle ; s’il est très vrai de dire que les idées font le tour du monde, et qu’elles aillent, de peuple en peuple et de siècle en siècle, cherchant leur vie jusqu’au jour où elles revêtent définitivement la forme lumineuse qui les fait éternelles, un temps arrive, beaucoup plus rapide, où dans un certain lointain, favorable à la poésie autant qu’à la réalité, les choses humaines vous apparaissent sous un jour tout nouveau. […] En ce moment elle m’apparaît comme cette loi suprême dont il est parlé dans un dialogue de Cicéron ; écoutez ! […] c’est la loi. […] À chaque trimestre, elle attestait elle-même, dans un acte authentique, ainsi le veut la loi qui n’use guère de galanterie, qu’elle avait aujourd’hui cinquante ans… et la suite.
Au sortir de l’école de Westminster, il entra dans une étude d’homme de loi, et y passa trois années ; il dit n’y avoir jamais travaillé sérieusement et avoir perdu tout ce temps à rire et à faire des espiègleries de clerc, du matin au soir, avec son camarade d’étude, le futur lord chancelier Thurlow. […] Chapman (c’était le nom de l’homme de loi), il élut domicile au Temple, qui est le quartier des légistes de profession, et là, tandis qu’il vivait seul, il ressentit les premières atteintes de la maladie qui, sous une forme ou sous une autre, reparut et persista cruellement aux diverses époques de sa vie.
Celui qui me paraît l’avoir jugé à la fois avec indulgence et une mesure équitable, est le marquis d’Argenson, dans le portrait qu’il a tracé de lui : « Le président Hénault, dit-il, ne tiendra peut-être point au temple de Mémoire une place aussi distinguée que les deux autre, (c’est-à-dire que Fontenelle et que Montesquieu, qui n’était point encore, à cette date, l’auteur de L’Esprit des Lois). […] On m’a assuré qu’au Palais il était bon juge, sans avoir une parfaite connaissance des lois, parce qu’il a l’esprit droit et le jugement bon.
La loi des États change selon les temps, on n’y peut donner de maximes certaines ; ce qui est utile à un roi est dommageable à un autre. […] Rohan, dans ses mémoires destinés à être lus en manière d’apologie, témoigne être satisfait de cette paix provisoire : ses lettres et missives confidentielles, dont quelques-unes furent surprises et rapportées au cardinal, trahissaient moins de contentement, et ce traité si désavantageux pour le parti « mit les deux frères en tel désespoir, assure Richelieu, que Mme de Rohan la mère, ne sachant plus quel conseil donner à Soubise, le persuada, par une lettre interceptée, de se joindre aux corsaires moresques et de se retirer en Barbarie », plutôt que de se résigner à la loi du vainqueur.
M. de Marolles a traduit les poètes romains en notre langue française, avec une naïve expression, rendant pensée pour pensée autant qu’il l’a pu faire pour ce qui est de ceux qui ont gardé étroitement les lois de la pudeur ; et pour les autres il a touché si adroitement aux endroits périlleux qu’on peut dire qu’il les a purifiés. […] On y trouve l’explication en grande partie et la clef de la destinée de Marolles ; car l’autorité de Chapelain, avant l’avènement de Racine et de Boileau, faisait loi, et Marolles avait eu la maladresse d’offenser mortellement ce lourd régent du goût public, sans être en mesure de soutenir la lutte.
On se lisait les uns aux autres les ouvrages qu’on avait composés ; on se critiquait, on s’encourageait. « Les conférences étaient suivies tantôt d’une promenade, tantôt d’une collation en commun. » Pendant trois ou quatre ans, on continua de la sorte avec une entière obscurité et liberté : « Quand ils parlent encore aujourd’hui de ce temps-là et de ce premier âge de l’Académie, nous dit Pellisson, ils en parlent comme d’un âge d’or, durant lequel avec toute l’innocence et toute la liberté des premiers siècles, sans bruit et sans pompe, et sans autres lois que celles de l’amitié, ils goûtaient ensemble tout ce que la société des esprits et la vie raisonnable ont de plus doux et de plus charmant. » Il y avait secret promis et gardé : Qui sapit in tacito gaudeat ille sinu. […] Il se fait une loi, dans les biographies d’académiciens, de s’arrêter à 1700 sans aller même jusqu’en 1745, jusqu’à la mort de Fénelon et de Louis XIV.
Stendhal dirait dans une de ses explications à l’italienne : Ce que c’est pourtant qued’avoir de l’âme et des entrailles, et de n’avoir ni amant, ni enfant — Elle a tout analysé, tout scruté (au moins elle le croit) ; ignorante des lois naturelles positives et des méthodes d’observation autant qu’avide et curieuse de tous les mirages de la réflexion morale et des mille explications ingénieuses à la saint Bernard et à la saint Augustin, elle est devenue une femme docteur en matière de sentiment et de spiritualité, de même qu’elle sera bientôt un docteur aussi en matière de conciles œcuméniques : « … Quand vous me dites : Avez-vous éprouvé cela ? […] En fait de sentiments, dépensées portant sur les affections et les passions humaines, j’ai parcouru un cercle immense et creusé jusqu’aux antipodes ; je suis vraiment docteur en cette loi-là… C’est dans l’enceinte de mon propre cœur que j’ai appris à connaître celui des autres, et la seule connaissance de moi-même m’a donné la clef de ces énigmes innombrables qu’on appelle les hommes. » Elle se flatte et s’exagère sans doute un peu cette connaissance universelle, cette clef, ce passe-partout qu’elle croit tenir et qui l’a conduite, en définitive, à la possession d’un monde très-distingué, mais restreint.
Caillot d’un extrait du procès-verbal de la séance du 3 octobre 1793 (vieux style), constatant que notre Comité ne connaissait aucuns suspects ; — au bas duquel on a certifié « que les deux citoyennes Boufflers, en particulier, n’avaient donné aucune preuve d’incivisme ; qu’au contraire elles avaient manifesté la plus parfaite soumission aux lois. » Une autre pièce, également à décharge, présentait d’une manière avantageuse leur conduite depuis leur rentrée, et nous prouve toute la bienveillance qu’elles inspiraient : « An II, 5 germinal (25 mars 1794). — Extrait d’un tableau d’observations (en conciance) envoyé ledit jour par le Comité de surveillance d’Auteuil au Directoire du district de Franciade (Saint-Denis). […] 5° Dans les premiers jours de son retour d’Angleterre (27 avril 1792), on a vu venir chez elle ses anciennes connaissances, ce qui a duré peu de temps… puis elle a vécu très-retirée avec sa fille (bru), son petit-fils, âgé de huit ans et demi, un instituteur réputé bon citoyen, et une Anglaise qui lui est attachée depuis trente-trois ans, veuve d’un Florentin, qui est en état d’arrestation chez elle, avec un garde, depuis la loi sur les étrangers.
Ce peuple est né pour la liberté ; il y est habitué, et, en respectant son supérieur, il sait qu’il est son égal devant la loi. […] Seulement elle obéit à la loi des ans et au déclin des saisons.
Les ambassadeurs suisses firent alors un dernier et suprême effort de médiation ; dans une lettre des plus pressantes qui fut lue en chaire par toutes les paroisses vaudoises, ils disaient81 : « Nous avons vu que vous avez beaucoup de peine à vous résoudre de quitter votre patrie, qui vous est d’autant plus chère que vos ancêtres l’ont possédée par plusieurs siècles et défendue valeureusement avec la perte de leur sang ; que vous vous confiez que Dieu, qui les a soutenus plusieurs fois, vous assistera aussi et que vous appréhendez même qu’une déclaration pour la sortie ne soit qu’un piège pour vous surprendre et accabler : nous vous dirons pour réponse que nous convenons avec vous que la loi qui oblige à quitter une chère patrie est fort dure ; vous avouerez que celle qui oblige à quitter l’Éternel et son culte est encore plus rude, et que de pouvoir faire le choix de l’un avec l’autre est un bonheur qui, en France, est refusé à des personnes de haute naissance et d’un éminent mérite, et qui s’estimeraient heureuses si elles pouvaient préférer une retraite à l’idolâtrie. » Quelle tache et quelle honte pour la France de Louis le Grand qu’une atroce injustice comme celle-ci trouve presque à se glorifier et à s’absoudre par l’exemple d’une injustice plus abominable encore, dont elle offrait alors au monde l’odieux et parfait modèle ! […] « Il faut, disaient encore les auteurs de cette lettre éloquemment résignée et presque aussi apostolique que politique, il faut subir les lois de la Providence divine qui, par les révolutions, met la foi de ses enfants à l’épreuve pour leur détacher les cœurs de ce monde, afin de chercher avec d’autant plus d’ardeur la patrie et cité permanente du Ciel.
Des ouvrages d’imagination Il est facile de signaler les défauts que le bon goût fait toujours une loi d’éviter dans les ouvrages littéraires ; mais il ne l’est pas également d’indiquer quelle est la route que l’imagination doit se tracer à l’avenir pour produire de nouveaux effets. […] En effet, l’homme supérieur ou l’homme sensible se soumet avec effort aux lois de la vie, et l’imagination mélancolique rend heureux un moment, en faisant rêver l’infini.
De sorte que voilà un nouvel ensemble différent de l’autre par les dimensions, mais pareil en nature, partant soumis aux mêmes règles, poétique au même titre, et atteignant la beauté par les mêmes lois. […] La construction grammaticale devient rigoureuse comme celle d’un discours d’orateur, et les vers s’ordonnent suivant une loi fixe, pour ajouter leur symétrie à son unité.
Ainsi le petit texte de Molière, érigé en loi de son théâtre et de tout théâtre, n’indique sans doute qu’un mouvement d’humeur, au plus l’aveu d’une difficulté très contingente. […] Taine, Émile Hennequin) considèrent l’artiste comme un produit naturel de son milieu, pondant nécessairement ses chefs-d’œuvre, suivant les lois d’une obstétrique spéciale que découvre l’histoire et que formule l’esthétique, branche de la sociologie.
Ainsi le petit texte de Molière, érigé en loi de son théâtre et, de tout théâtre, n’indique sans doute qu’un mouvement d’humeur, au plus l’aveu d’une difficulté très contingente. […] Taine, Émile Hennequin) considèrent l’artiste comme un produit naturel de son milieu, pondant nécessairement ses chefs-d’œuvre, suivant les lois d’une obstétrique spéciale que découvre l’histoire et que formule l’esthétique, branche de la sociologie.
Les lois de la logique sont les mêmes à Paris qu’à Pékin ; deux et deux font quatre en Australie comme en Europe ; il n’y a pas de géométrie nationale, de chimie variant d’un continent à l’autre. […] L’Art poétique de Boileau eut ainsi force de loi durant un siècle et plus.
Ainsi quand on voit, dans notre moyen âge, nos chansons de geste se former comme les poèmes homériques, puis les trois grands genres littéraires, (épique, lyrique, dramatique) se succéder dans le même ordre que dans la Grèce ancienne, comme il est impossible d’attribuer à l’ignorance de nos ancêtres une imitation voulue ou même inconsciente de la civilisation hellénique, il faut bien convenir que la marche de l’évolution en France a dû être déterminée par une similitude des conditions ambiantes ou par une loi générale gouvernant le développement intellectuel des nations dans leur âge primitif. […] Tarde : Les lois de l’imitation, 2e édition, p. 16.
Son Esprit des lois paraissait en même temps que les premiers tomes de Buffon. […] Buffon reconnaissait à Montesquieu du génie, mais il lui contestait le style : il trouvait, surtout dans L’Esprit des lois, trop de sections, de divisions, et ce défaut, qu’il reprochait à la pensée générale du livre, il le retrouvait encore dans le détail des pensées et des phrases ; il y reprenait la façon trop aiguisée et le trop peu de liant : « Je l’ai beaucoup connu, disait Buffon de Montesquieu, et ce défaut tenait à son physique.
Jeune, dans les intervalles de son métier d’homme de loi, il faisait en français des vers un peu comme en faisait en latin le chancelier de L’Hôpital (lesquels vers, en général, ne sont pas trop bons ni très poétiques) ; et, à propos de L’Hôpital, il n’avait garde d’oublier le passage où l’illustre chancelier, dans le récit de son voyage à Nice, a célébré le territoire de Brignoles et surtout les excellentes prunes « dont la renommée est répandue dans le monde entier ». […] Raynouard ; c’est celui où il présenta, devant la Chambre de 1814, son rapport sur la loi de la presse.
« Il y a plus de douze cents ans que la France a des rois, dit Retz ; mais ces rois n’ont pas toujours été absolus au point qu’ils le sont. » Et dans un résumé rapide et brillant, il cherche à montrer que si la monarchie française n’a jamais été réglée et limitée par des lois écrites, par des chartes, comme les royautés d’Angleterre et d’Aragon, il avait toutefois existé dans les temps anciens un sage milieu « que nos pères avoient trouvé entre la licence des rois et le libertinage des peuples ». […] L’on chercha, en s’éveillant, comme à tâtons, les lois : on ne les trouva plus, l’on s’effara, l’on cria ; on se les demanda ; et, dans cette agitation, les questions que leurs explications firent naître, d’obscures qu’elles étoient et vénérables par leur obscurité, devinrent problématiques ; et de là, à l’égard de la moitié du monde, odieuses.
J’ai donc insisté pour que le général Gentili ne mit pas mon dévouement à une plus dangereuse épreuve, et me permît de retourner auprès de vous… Permettez-moi de suivre l’exemple de Lycurgue, homme de sens, qui aimait mieux donner des lois que de les faire exécuter. […] Dans cette pièce, en effet, les deux amants d’abord ne mouraient pas : Blanche, malgré sa désobéissance à son père, Montcassin, malgré son infraction à la loi de l’État, trouvaient grâce devant des inquisiteurs généreux ; il y avait assaut et rivalité de grandeur d’âme, et la pièce finissait bien.
Mais, je le répète, par suite de cet esprit d’intolérance que la philosophie (surtout dans les temps modernes) a toujours pratiqué à l’égard d’elle-même, bien des choses excellentes sont toujours menacées par les révolutions des systèmes, de même que les bonnes lois, indépendantes des systèmes politiques, sont cependant entraînées souvent par les révolutions des États. […] La question même implique déjà une solution anticipée, qui est la loi primitive et fondamentale de la raison.
Il n’éprouve aucune fausse honte à exposer, sous l’apparence d’un récit fantaisiste, la conception qu’il a de l’univers et de sa formation, des lois, morales et naturelles qui le régissent et, en général, de la vie. […] Il n’a pas, comme nous, cet atavisme de morale religieuse dont l’influence persiste même chez les « libres-penseurs » les plus dégagés, en apparence, de l’étreinte du passé et qui nous fait nous effaroucher devant le récit d’actes ou d’événements somme toute conformes à la loi de Nature.
« Il serait trop rigoureux, dit-il encore, d’exiger du linguiste la vérification de la loi d’onomatopée dans chaque cas particulier. […] Il fait de ce miracle une loi qui ne se reproduit plus qu’à la charge pour nous de nous retrouver dans la même position exceptionnelle.
La théorie de la Relativité, même « restreinte », n’est pas précisément fondée sur l’expérience Michelson-Morley, puisqu’elle exprime d’une manière générale la nécessité de conserver aux lois de l’électro-magnétisme une forme invariable quand on passe d’un système de référence à un autre. […] Ainsi toutes choses et tous rapports entre choses conserveront leur grandeur, resteront dans les mêmes cadres, rentreront dans les mêmes lois.
Il se proposa en curieux de constater et de classer les idées, les sentiments et leurs lois, et ne se proposa pas autre chose. […] Ce fut un bonheur pour lui ; délivré de la concentration violente qui l’emprisonnait en lui-même, et habitué à considérer les forces comme des lois et des qualités des choses, il ne prétendit point que les forces fussent des êtres, ni que l’âme fût une force.
La Grèce, si polie dans ses arts, si républicaine dans ses lois, et menacée d’épreuves si terribles et si proches, voulait l’histoire pour témoin et la lyre pour auxiliaire. […] « Pour moi, dit-il110, ma loi est de m’abstenir de ces âpres morsures, de ces médisantes paroles.
Tous les personnages qu’il emploie sont historiques ; c’était une loi, une nécessité, et même on pourrait croire un bonheur de son sujet.
L’interruption littéraire dans la Grèce moderne ne date que du xve siècle ; depuis lors la langue, en tombant à la merci du simple peuple, s’est amoindrie, s’est appauvrie, et a subi la loi des idiomes qui se décomposent ; elle a conservé pourtant beaucoup de son vocabulaire, de ses tours et de son harmonie.
Cuvier est un homme de génie lui-même ; arrivé à ces hauteurs de la science où elle se confond presque avec la poésie, il était digne de comprendre et de célébrer le poète philosophe qui, dans l’incertitude de ses pensées, avait plus d’une fois plongé jusqu’au chaos, et demandé aux éléments leur origine, leur loi, leur harmonie : Aristote pouvait donner la main à Platon.
Mais en France, la comédie, peignant véritablement les mœurs, pourrait influer sur elles, et il devient bien plus important alors de lui imposer des lois sévères.
Mais Buffon seul a donné au sentiment de la nature toute sa profondeur ; il en a fait une émotion philosophique où l’impression des apparences s’accompagne d’une intuition de la force invisible, éternelle, qui s’y manifeste selon des lois immuables, où le spectacle de l’ordre actuel évoque par un mélancolique retour les vagues et troublantes images des époques lointaines dont le débris et la ruine ont été la condition de notre existence.
Et il faut avouer qu’en dépit des excès et des malentendus, ce retour au vrai n’a pas été infécond, et qu’au surplus cette réaction était inévitable et parfaitement conforme aux lois les plus assurées de l’histoire littéraire.
Ce sont les exceptions à cette loi-là qui seraient affreuses.
Les jeunes gens doivent songer qu’ils seront probablement traités par leurs cadets comme ils traitent aujourd’hui leurs aînés : c’est presque une loi, une condition du progrès, chose oscillatoire, que les générations s’opposent entre elles en se succédant.
Il les mêle ; c’est la loi du mélange qu’on peut critiquer, non pas le mélange même.