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1968. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Pour moi j’avais cru jusqu’ici que rien n’exigeait plus d’esprit que ce sacerdoce de l’art : esprit de poésie d’abord, Son autre queue est une grappe De raisin velouté bien noir ; La liqueur rose s’en échappe Comme d’un immense pressoir. […] « La réalité humaine est double, elle a sa manifestation extérieure et matérielle, elle a aussi son expression morale dont la perception échappe à l’entendement du vulgaire. » M.  […] Ceux qui échappent à la spontanéité du cœur sont plus beaux, plus cruels que ceux qu’ils trouvent en les secouant les uns contre les autres.

1969. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

il y a toûjours, dit-elle, quelque si, quelque mais, qui ne laisse pas ce grand poëte joüir en paix de sa réputation ; je sçai bien qu’elle ne veut ni de si ni de mais sur un auteur qu’elle juge irréprochable : car elle a beau dire par condescendance, qu’il peut bien y avoir quelque chose dans Homere qui se ressente de l’humanité, elle défend avec ardeur tout ce que les critiques y ont repris : ils ont été assez malheureux jusqu’ici pour n’attaquer rien que de parfait, que de divin : ni la malice ingénieuse à trouver des fautes, ni la raison qui les trouve d’autant mieux, qu’elle les cherche sans prévention, n’ont pû appercevoir les foiblesses d’Homere ; elles échappent même à la pénétration de Me D et il semble que ce soit un secret impénétrable à l’intelligence humaine. […] l’histoire, dit-elle nous en fournit des exemples… etc. il y auroit là-dessus bien des différences à examiner ; sçavoir d’abord si le discours étoit long : car je suis convenu que dans ces occasions, il pouvoit échapper quelques paroles d’insulte ou de triomphe, et non pas un discours suivi ; sçavoir encore si le discours n’étoit pas fait pour les témoins qui l’entendoient, et d’autres circonstances qui varieroient également l’espece. […] Mais quand un auteur sçait gré à ses amis de l’avertir de ses fautes, qu’il leur demande un compte exact de ce qu’ils entendent dire de son ouvrage, et que sa mauvaise humeur ne les fait pas repentir de leur sincérité ; alors la vérité ne lui échappe pas.

1970. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

» Il est impossible de ne pas sentir une âme patriotique dans ces accents du cœur échappés à l’inquiétude d’un vaincu résigné de la république, mais d’un vaincu toujours préoccupé du sort de sa patrie.

1971. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

L’indéfini, qui naît de la combinaison humaine et divine de l’infini et du fini, leur échappe.

1972. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

« Montesquieu, touché du récit de ce jeune homme et de l’état de cette famille intéressante, s’informe du nom du père, du nom du maître auquel il appartient ; il se fait conduire à terre, donne au batelier sa bourse qui contenait seize louis d’or et quelques écus, et s’échappe… Six semaines après, le père revient dans sa maison.

1973. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Le prédicateur a le geste rare, un mouvement de bras égal et monotone, la voix mélodieuse et uniforme, sans autre nuance qu’un peu plus de lenteur ou de rapidité dans le débit : les yeux sont clos ; la mémoire travaille pour représenter la suite du discours appris par cœur ; et parfois l’orateur reprend quelques mots pour ressaisir le fil qui lui échappe.

1974. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Il échappe, en principe, à toute critique, on ne discute pas avec le devoir : examiner un devoir, c’est se disposer à le trahir.

1975. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Le sauvage a une perspicacité, une curiosité qui nous étonnent ; ses sens perçoivent mille nuances imperceptibles, qui échappent aux sens ou plutôt à l’attention de l’homme civilisé.

1976. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

J’ai traversé dans tous les sens la province évangélique ; j’ai visité Jérusalem, Hébron et la Samarie ; presque aucune localité importante de l’histoire de Jésus ne m’a échappé.

1977. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Enfin l’influence de l’habitat sur l’individu et sur la race, vraisemblable, puisque aucune cause n’est sans effet, échappe à toute vérification et ne peut même être formulée comme une hypothèse.

1978. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

XIX Ces trois amis s’entendaient admirablement dans une opposition commune au gouvernement du jour ; les deux plus âgés, cependant, détestaient bien davantage la démagogie sanguinaire de 1793, à laquelle leurs têtes venaient d’échapper.

1979. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Du reste, que les espèces ainsi supplantées par d’autres, mieux adaptées aux conditions locales, appartiennent à la même classe ou à des classes distinctes, néanmoins il se peut toujours que quelques-uns des vaincus survivent et se perpétuent longtemps, grâce à des habitudes particulières, ou grâce à ce qu’ils habitent quelque contrée distante et isolée où ils ont échappé à la concurrence de leurs ennemis.

1980. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Il est certain qu’on peut transformer les caractères d’une espèce en choisissant à chaque génération successive des différences individuelles assez légères pour échapper à des yeux inexpérimentés, et ce procédé sélectif a été le principal agent dans la production des races domestiques les plus distinctes et les plus utiles.

1981. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Le génie lui-même, cet état supérieur de la nature humaine, n’échappe point aux formules outrées d’une certaine analyse physiologique.

1982. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Tantôt il l’imagine nécessaire et immuable, puisque toute la supériorité de Jupiter ne va qu’à prévoir avec douleur des événemens qu’il ne peut empêcher : tantôt il l’imagine variable et dépendante ; puisqu’il avance en plusieurs rencontres, que l’ordre du destin couroit risque alors de demeurer sans exécution, ce qui étoit arrivé quelquefois, comme il lui échappe de le dire positivement. […] Il n’y a si vaillant homme dans l’iliade, qu’un autre ne l’ose traiter de lâche, au premier emportement ; et ce n’est pas seulement dans les combats et les occasions les plus échauffées, qu’il leur échappe de ces saillies injurieuses ; c’est jusques dans les occasions les plus tranquilles et les plus indifférentes : Ajax et Idomenée qui d’ailleurs est assez sage, assis l’un auprès de l’autre, aux jeux célébrés pour les funérailles de Patrocle, s’échauffent, et se prennent de paroles sur une bagatelle, et ils en viennent sans la moindre gradation, aux injures les plus aigres et les plus indécentes.

1983. (1842) Discours sur l’esprit positif

D’après son caractère contradictoire, le régime métaphysique ou ontologique est toujours placé dans cette inévitable alternative de tendre à une vaine restauration de l’état théologique pour satisfaire aux conditions d’ordre, ou de pousser à une situation purement négative afin d’échapper à l’empire oppressif de la théologie. […] En reconnaissant, sous ce double aspect, l’imperfection nécessaire de nos divers moyens spéculatifs, on voit que, loin de pouvoir étudier complètement aucune existence effective, nous ne saurions garantir nullement la possibilité de constater ainsi, même très superficiellement, toutes les existences réelles, dont la majeure partie peut-être doit nous échapper totalement.

1984. (1923) Paul Valéry

Cet élan vital auquel nous ne pouvons échapper, qui ne nous appartient pas et dont nous ne sommes que l’instrument, cet être qui affleure par nous et qui dispose et de notre vie et de notre mort, le repliement sur nous-même nous en fera-t-il sentir au moins le secret ? […] Dans les stances Au Platane, Valéry demandait au monde végétal le symbole de l’être, de la nature, qui échappe non seulement à la prise de l’esprit, mais à la prise poétique.

1985. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Première partieDu raisonnement expérimental Chapitre IDe l’observation et de l’expérience L’homme ne peut observer les phénomènes qui l’entourent que dans des limites très restreintes ; le plus grand nombre échappe naturellement à ses sens, et l’observation simple ne lui suffit pas. […] Les causes premières ne sont point du domaine scientifique et elles nous échapperont à jamais aussi bien dans les sciences des corps vivants que dans les sciences des corps bruts. […] L’homme et les animaux élevés paraissent au premier abord devoir échapper à son action modificatrice, parce qu’ils semblent s’affranchir de l’influence directe de ce milieu extérieur. […] Ces substances ne se détruisent d’ailleurs pas complètement, une portion se transforme en d’autres substances qui jouent des râles spéciaux dans l’économie animale, ou qui s’échappent, dans les excrétions, à l’état de matières très oxydées (urée, acide urique).

1986. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Il eut depuis bien d’autres vicissitudes ; il fit un séjour forcé à Londres pour échapper à une accusation de complot à Paris sous cette même Restauration, où, lui dit son père, « ton avenir, avec mon nom, est désormais perdu en France. » II apprit l’anglais (qu’il sait si bien) en Angleterre, mais il n’a pas oublié non plus cette première rencontre de sa jeunesse (presque de l’enfance) avec M. 

1987. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ce n’est pas à l’aide d’un lien logique évident, que l’on peut serrer de près l’auteur en ses chapitres et discours ; il procède d’habitude par des analogies cachées dont quelquefois le rapport échappe et qui ont l’air de digressions ; il avance par cercles et circuits.

1988. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

Si ce second régulateur manque comme la premier, « ils ne peuvent se tenir debout sans chanceler ou risquer de tomber ; leurs mouvements ont trop ou trop peu d’ampleur ; ils laissent facilement échapper les objets qu’ils ont entre les doigts, ou d’autres fois les brisent par une contraction trop énergique ».

1989. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Bien plus, beaucoup de nos corps chimiques, l’hydrogène, le fer, le sodium, d’autres encore, se rencontrent dans le soleil, à trente-cinq millions de lieues de notre terre, au-delà encore dans des étoiles si éloignées qu’il faut plusieurs années à leur lumière pour arriver jusqu’à nous, ou que leur distance échappe à toutes nos mesures. — À cette distance prodigieuse, les astres restent pesants comme notre terre ; on s’en est assuré par les mouvements des étoiles doubles.

1990. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Le poëte ferme peu à peu toutes les issues par où le tyran pourrait s’échapper.

1991. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Bouvet de Lozier, cet officier de Georges, échappé à un suicide pour lancer une accusation terrible contre Moreau, ne la pouvait rétracter, et la répétait, tout en s’efforçant de l’atténuer.

1992. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Cependant un livre unique, échappé aux incendies, aux débordements, aux sépulcres de l’Égypte, soulève un coin de ce voile jeté sur le front de l’Isis égyptienne, et révèle une partie des mystères de la philosophie primitive.

1993. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Le regard d’un homme accoutumé à tirer de ses capitaux un intérêt énorme contracte nécessairement, comme celui du voluptueux, du joueur ou du courtisan, certaines habitudes indéfinissables, des mouvements furtifs, avides, mystérieux, qui n’échappent point à ses coreligionnaires.

1994. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

C’est l’expression qui m’échappa alors dans mon enthousiasme.

1995. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Je ramai vigoureusement, pour échapper au péril qui nous menaçait.

1996. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Cet enfant, né sous les plus heureux auspices, échappa comme ma fille, en mourant jeune, à sa triste destinée.

1997. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Les soi-disant aristocraties intellectuelles n’échappent pas aux défauts des autres aristocraties, elles sont étroites ; elles ont leur esprit grégaire, leurs préjugés, leur misonéisme, leur infatuation.

1998. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

La liberté de penser est imprescriptible : si vous barrez à l’homme les vastes horizons, il s’en vengera par la subtilité : si vous lui imposez un texte, il y échappera par le contresens.

1999. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Un musicastre, un crin-crin, le dernier des vivants, l’opprobre de la race humaine ; je te l’accorde — et j’ajouterai même que, si tu daignes m’écouter, le sens de ce que je vais t’annoncer t’échappera fort probablement : — car, nul n’entend, ici bas, que ce qu’il peut reconnaître — et toi, tu es un désert où le son même du tonnerre s’éteindrait dans la stérilité de l’espace.

2000. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Au lieu d’un espoir vain, qui serait peut-être une faiblesse du cœur et que la pensée rejette au nom de tout ce que nous savons sur les inflexibles lois de la nature, l’amant se console de l’éternité qu’il perd par l’immensité présente de son amour : Quand la mort serait là, quand l’attache invisible Soudain se délierait, qui nous retient encor, Et quand je sentirais dans une angoisse horrible        M’échapper mon trésor, Je ne faiblirais pas ; fort de ma douleur même, Tout entier à l’adieu qui va nous séparer, J’aurais assez d’amour en cet instant suprême        Pour ne rien espérer.

2001. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

L’effroi le lui a permis ; plus rarement c’est la pitié qui l’inspire, comme pour cette bizarre et excessive jeune femme, la Louise des Temps difficiles, qui s’échappe si violemment de la dure éducation de chiffres et de faits, de brutal égoïsme et de froid détachement dans laquelle l’enserraient son père et son mari, pour sentir sourdre en elle la révolte des sentiments cordiaux.

2002. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

On peut dire du moins que les représentations qu’il en autorise, ou qu’il en favorise, nous apparaissent comme autant de distractions par le moyen desquelles il tâche à retenir un pouvoir qu’il sent qui lui échappe.

2003. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Voilà les objets de la métaphysique ; ses principes sont les principes même à l’aide desquels l’intelligence humaine tente de résoudre les questions auxquelles elle ne peut échapper ; il suffit d’en citer quelques-uns tout ce qui arrive a une cause ; tout phénomène, toute qualité suppose un sujet ; tout évènement suppose le temps ; tout corps l’espace, etc.

2004. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Dans les transports violens de la passion, l’homme supprime les liaisons, commence une phrase sans la finir, laisse échapper un mot, pousse un cri et se tait ; cependant j’ai tout entendu ; c’est l’esquisse d’un discours.

2005. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Si quelques détails nous échappent, c’est comme il nous en échappe aussi quelques-uns dans les œuvres elles-mêmes de nos contemporains et de nos compatriotes. […] Jamais homme ne fut pétri d’une argile plus plastique, plus apte à prendre toutes les formes ; jamais homme plus intelligent, je veux dire plus prompt à se déprendre de ses idées pour entrer dans celles des autres ; jamais homme enfin plus glissant, plus subtil, plus souple à échapper aux mains amicales de ceux .qui croyaient le mieux le tenir. […] D’étudier l’œuvre d’un grand écrivain, cela devient l’affaire sinon de toute une vie, au moins de longues années ; mais, en revanche, et puisque rien n’échappe désormais aux prises de la critique, ni ce qui touche à la vie privée dans ce qu’elle a de plus intime, ni ce qui relève de la vie supérieure de l’esprit, quel agrandissement de l’objet, quel élargissement du point de vue, quelle extension de l’horizon ! […] Par là, c’est un monde nouveau qu’il nous a ouvert ; et quoique n’ayant pas fait lui-même profession de critique — au sens du moins où nous sommes convenus de restreindre le mot, — par là aussi vous pouvez mesurer la grandeur du service rendu ; et par là enfin, quoique ses travaux spéciaux nous échappent, M. 

2006. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Allons au bord de la mer. » En effet, secouons ce joug, échappons à cet étau, inévitable pourtant et qui reviendra toujours nous violenter, du scepticisme subjectif, absolument irréfutable ; et faisons ce que les hommes ont toujours fait, faisons comme s’il était possible que nous connussions quelque chose. […] La morale, c’est un commandement qui nous enjoint de ne pas être naturels, d’échapper à la nature. […] Je subdivise le commandement de ma conscience, par l’analyse, en plusieurs mobiles, et je contrôle ces mobiles, certainement avec ma conscience ; mais ces mobiles, hérédité, éducation, tempérament, multiples influences sociales, ou se perdent dans la nuit du passé, ou se dispersent dans l’espace du présent ; ils m’échappent ; je n’en suis plus juge, non pas plus que je n’en suis maître ; je suis même incapable de les distinguer ; et, dès lors, où est mon contrôle, et c’est cette conscience qui semblait si ferme qui s’est énervée et qui se sent impuissante, et c’est cette conscience qui semblait si solide et comme si compacte qui, à se disperser, s’est évanouie. […] Oui. « on a maintenant honte du repos, remords de la méditation… on vit comme quelqu’un qui craindrait sans cesse de laisser échapper quelque chose. […] La jalousie indique que l’on veut posséder et posséder seul, et si elle est marque d’amour, elle démontre que l’amour n’est qu’instinct de propriété. — Que cet instinct de propriété ait été appelé amour au lieu d’être appelé égoïsme, avarice, avidité (avaritia), c’est assez curieux ; mais « ce fut apparemment ceux qui ne possédaient pas et qui désiraient posséder qui ont établi cet usage courant dans la langue. — Ils ont toujours été les plus nombreux. — Ceux qui, au contraire, sur ce domaine ont été favorisés par beaucoup de possession et de satiété ont bien laissé échapper de temps en temps une invective contre « le démon furieux », comme disait cet Athénien, Sophocle, le plus aimable et le plus aimé de tous ; mais Éros se mettait toujours à rire de pareils calomniateurs, justement ses plus grands favoris. » On pourrait poursuivre ainsi la revue de toutes les passions, de toutes les inclinations et de toutes les vertus, qui sont, de l’aveu unanime, le cortège, la cour, la maison, la famille, les enfants de l’altruisme et qui ne sont au fond, qui ne sont en réalité que déguisements ou peut-être, et c’est ce qu’on en peut dire de plus favorable, des transformations de l’égoïsme.

2007. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

En 1742, Voltaire écrit à Frédéric : « Je suis si bon cosmopolite que je me réjouirai de tout. » — En 1767, il écrit à d’Etallonde, le jeune homme d’Abbeville qui avait heureusement échappé à l’affaire de sacrilège et qui servait dans les armées de Frédéric : « Je voudrais que vous commandassiez un jour ses armées et que vous vinssiez assiéger Abbeville » ; — et il écrit à d’Argental : « J’espère que d’Etallonde sera un jour à la tête des armées de Frédéric et qu’il prendra Abbeville. » En 1771, déplorant qu’une Instruction de Catherine II n’ait pas été autorisée à paraître en France, il écrit à cette impératrice : « Et je suis encore chez les Welches ! […] Dalembert ne s’y est pas trompé et a bien distingué, dans son article Genève, les quatre ordres d’hommes (même cinq en y comptant les étrangers) qui sont dans notre ville et dont deux seulement composent la République…  » Mais cependant, en résumé et en appliquant le système de Rousseau à nos peuples modernes tels qu’ils sont constitués ou tels qu’ils ne tarderont pas à l’être tous : démocratie pure ; excluant les corps intermédiaires et la hiérarchie qu’ils établissent naturellement dans la nation ; excluant toute organisation, toute association, tout groupement intermédiaire entre l’État et l’individu et autre que l’État lui-même, parce que tout cela est considéré comme élément aristocratique et comme altérant la volonté générale ; proscrivant toute liberté, par une conséquence qui n’a rien de forcé et qui même est parfaitement logique, parce que toute liberté qui s’exerce tend, pour n’être pas un simple mot, à constituer les groupements susdits, lesquelles sont contraires au système et, en effet, en empêchent l’application ; écartant la séparation des pouvoirs et comme favorable à la liberté et comme divisant la souveraineté qui doit être indivisible sous peine de n’exister point ; considérant la délégation de la souveraineté comme une aliénation de la souveraineté, et par suite tendant au gouvernement direct et écartant le régime parlementaire, ou tout au moins subordonnant le régime parlementaire au gouvernement direct par voie de mandats impératifs, de plébiscites et de referendums : voilà le système complet de Rousseau, autant qu’on peut systématiser et solidifier un homme à formules précises et à développements fuyants, qui est d’autant plus insaisissable qu’à certains moments on croit pleinement le saisir et qu’il vous échappe ensuite par des contradictions qu’il reconnaît, qu’il promet de résoudre et qu’il ne résout point ; et par des obscurités où il a soit le goût de se complaire, soit la malice de nous laisser. […] Claude ordonna que les esclaves qui auraient été abandonnés par leurs maîtres, étant malades, seraient libres s’ils échappaient. […] Vous avez, la nuit, insulté une église, sans que personne vous ait vu ni entendu ; quelque loi qui ait été rédigée, vous y échappez.

2008. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Mais une sorte de désir abstrait l’a précédée et ses éléments, à elle, existaient déjà, engagés dans des combinaisons trop faibles pour les retenir, ou assez souples pour les prêter sans les laisser définitivement échapper. […] Un jour, la réflexion, — c’est-à-dire les relations toujours plus étroites des idées acquises, leur mêlée, leurs combinaisons et leurs heurts, leur effort vers une systématisation générale où les systèmes déjà formés ne peuvent entrer ensemble, — la réflexion arrive à leur donner l’occasion de se coordonner, d’arriver à l’existence et de combiner les éléments qui échappaient aux premières dominatrices. […] Aussi les grands inventeurs n’échappent-ils guère à cette loi, surtout ceux qui innovent le plus, qui n’ont pas le bonheur d’arriver au moment où l’invention est déjà préparée, où le monde, où l’esprit de l’inventeur lui-même sont tout prêts à la recevoir.

2009. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Dans mon effort pour échapper à l’individualisme, à cette menue poussière que notre avocat égrenait sous ses doigts et dispersait sous le prestige de ses manches en nous disant : C’est ça la critique ! […] C’est lorsque l’avocat général a si bien équilibré le pour et le contre que le procès apparaît comme susceptible de durer indéfiniment, d’échapper, comme un anneau de fumée qui se reforme toujours, au glaive qui croira le trancher. […] J’ai commencé moi-même un travail de ce genre ; j’ai pu sentir combien mes divisions s’appliquaient mal sur une continuité, combien la vie multiforme d’une génération échappe aux figures auxquelles on est tenté de la limiter, aux formules dans lesquelles il faut bien, tant bien que mal, la fixer.

2010. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Voilà des pratiques que le seul bon usage peut apprendre ; & ce sont-là de ces finesses qui nous échappent dans les langues mortes, & qui étoient sans doute très-sensibles à ceux qui parloient ces langues dans le tems qu’elles étoient vivantes.

2011. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

L’Académie française n’a pas été créée pour autre chose que pour inféoder les destinées de la littérature à celles de la France même ; et pour qu’il ne fût pas dit qu’une force sociale aussi considérable qu’était déjà celle de l’esprit pût échapper entièrement à l’action du pouvoir central. […] Les raisons de la transformation qui s’opère lui échappent, et, n’y entendant rien, il s’en moque, ce qui est éminemment français. […] Comment Molière a échappé aux conséquences de son naturalisme ; — et, d’abord, qu’il n’y a pas toujours échappé ; — dans son Dandin par exemple ou dans son Malade imaginaire. — Mais qu’ayant absolument besoin de la protection de Louis XIV, il a tâché de se conformer au goût du prince ; — et, à ce propos, de Molière courtisan [Cf. 

2012. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Cette lettre (en grec) fut écrite probablement par quelques-uns des témoins qui échappèrent à la mort, après avoir assisté à tout le supplice, et peut-être avoir eu leur part des tortures.

2013. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Lorsqu’on a écouté un beau timbre plein et frappant, par exemple une note haute et prolongée de violoncelle, une note moyenne et prolongée de clarinette ou de cor, si tout d’un coup ce son cesse, on continue pendant quelques secondes à l’entendre mentalement, et quoique, au bout de quelques secondes, son image s’affaiblisse et s’obscurcisse, on continue, pour peu que le plaisir ait été vif, à la répéter intérieurement avec une justesse singulière, sans laisser échapper presque aucune parcelle de son velouté et de son mordant.

2014. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

On sourit d’entendre les gros mots savants échappés de ces lèvres roses. « Les voilà le long des bancs comme des colombes au matin sur le chaume du toit, quand le soleil tombe sur leurs blanches poitrines » ; elles écoutent des tirades d’histoire et des promesses de rénovation sociale, en robes de soie lilas, avec des ceintures d’or, « splendides comme des papillons qui viennent d’éclore » ; parmi elles une enfant, Mélissa, « une blonde rose, pareille à un narcisse d’avril, les lèvres entr’ouvertes, —  et toutes ses pensées visibles au fond de ses beaux yeux, —  comme les agates du sable qui semblent ondoyer et flotter au matin, —  dans les courants de cristal de la mer transparente1528. » — Et croyez que l’endroit aide à la magie.

2015. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

« Cette touchante pâleur qui recouvrit tout à coup son sourire interrompu sur ses lèvres d’une amoureuse nuée… Cette pensée compatissante que l’œil d’un autre ne put discerner, mais qui ne put à moi m’échapper, etc. » À peine parti, il se repentait déjà du départ, et il écrivait la plus langoureuse et la plus sublime de ses élégies, où son cœur se retourne sur lui-même sans pouvoir trouver le repos.

2016. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Il retenait longtemps le mot gai avant de le laisser échapper.

2017. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Il m’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très agréable ; des yeux très noirs et pleins d’une douce flamme, joints (chose rare) à une peau très blanche et à des cheveux blonds, donnaient à sa beauté un éclat dont il était difficile de ne pas demeurer frappé, et auquel on échappait malaisément.

2018. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il parla en homme ferme, généreux, convaincu, contre les propos légers qu’il venait d’entendre ; il refoula éloquemment ces mauvaises pensées dans la bouche de ceux qui venaient de les laisser échapper.

2019. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il faut y revenir une fois, deux fois, trois fois, chaque fois, en un mot, qu’un nouvel écho échappé de leur tombe nous rappelle leur nom ou leur pensée par une de leurs œuvres posthumes ou par les confidences rétrospectives d’un de leurs familiers.

2020. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Il lui échappe et rentre chez M. 

2021. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Collin a toujours en vue la peinture d’un caractère, et c’est à sa louange ; mais l’objet à peindre lui échappe.

2022. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Rome n’échappa aux guerres sociales qu’en ouvrant ses rangs aux alliés, après les avoir vaincus.

2023. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Mais comme ce fond, ainsi conçu, échappe par définition même à notre intelligence, nous n’avons pas besoin de nous en occuper au point de vue intellectuel.

2024. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Presque toute la société se rallie à cette théorie, en déclarant qu’un Mirabeau échappe aux règles de la petite probité bourgeoise : « Alors, Messieurs, nous écrions-nous, il n’y a plus de morale, de justice chez les historiens en histoire, si vous avez deux mesures, deux balances, l’une pour les hommes de génie, l’autre pour les pauvres diables.

2025. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Un moment qu’échappé au sommeil, il se trouve à côté de Saint-Victor, le critique de la Liberté lui dit, avec la crispation lui venant, dans le salon de la princesse, à la vue de notre bande d’intimes : — Eh bien !

2026. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Il y a déjà chez lui un mourant qui ne se réveille un peu et ne s’échappe de son triste et concentré lui-même, que quand il entend parler vers et poésie.

2027. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Le lendemain, il annonçait que le pape, qu’on avait cru mort, allait mieux, et grâce à cette mirobolante invention, il échappait à l’emportement et aux sévices du premier moment.

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