La fille aînée, partie le matin pour un voyage de quelques jours, s’est noyée dans un étang. […] Ferdinand Dugué, et, avant de l’ouvrir, je songe : — Je ne sais pas du tout ce qu’il y a là-dedans ; mais, puisque c’est un drame qui se passe à Rome et sous l’Empire, et qu’il s’appelle Tibère, je suis bien sûr d’y trouver… ce que j’y trouverais également s’il s’appelait Caligula, ou Claude, ou Néron, ou Vitellius, ou Domitien, ou Commode, ou Caracalla, ou Héliogabale, à savoir : 1e Un chrétien ou une chrétienne ; 2e Un Gaulois ou une Gauloise, qui pressent les destinées de la France, et entrevoit même la Révolution de 1789 et les désastres de 1870 ; 3e Tout un badigeon de couleur locale, à la façon de l’excellent Dezobry dans Rome sous Auguste, impressions de voyage d’un jeune Gaulois.
En effet, nous voyons que, dans nos poèmes et même dans les romans, on ne parle non plus de manger que si les héros étaient des dieux qui ne fussent pas assujettis à la nourriture : au lieu qu’Homère fait fort bien manger les siens à chaque occasion, et les garnit toujours de vivres lorsqu’ils sont en voyage. […] Donneau de Visé, autre ami de Molière, découvrit dans des livres, tels que les Voyages du sieur Le Loir contenus en plusieurs lettres écrites du Levant ou l’Abrégé de l’histoire des Turcs de Du Verdier, que la tragédie de Racine était pleine d’erreurs, qu’Amurat s’était défait de Bajazet en même temps que de son frère Orcan, et que Roxane avait été avec Amurat au siège de Bagdad.
Un voyage, une conquête, une guerre civile, un devoir, un projet, une passion, rien de tout cela ne se ressemble, & tous ces sujets ont produit de beaux poëmes : pourquoi ? […] un coup de vent fait un épisode ; & les avantures d’Ulysse & d’Enée ressemblent aussi peu à l’intrigue d’une tragédie, que le voyage d’Anson.
Et que c’était le temps même où Guillaume de Nogaret, chancelier de France, faisait le voyage d’Anagni. […] Et les quelques mots qu’elle porte, généralement du latin, évoquent un bien autre voyage.
Peu curieux des pays inconnus, trouvant la nature assez belle partout où je rencontre le soleil, un grand arbre et la solitude, j’ai peu fait de longs voyages et j’en lis encore moins. […] « Là seulement nous retrouvons le souvenir de ce que notre âme a vu dans son voyage à la suite de Dieu, lorsque, dédaignant ce que nous appelons improprement des êtres, elle élevait ses regards vers le seul Être véritable… La beauté était toute brillante alors que, mêlées aux chœurs des bienheureux, nos âmes, à la suite de Jupiter, contemplaient le plus beau spectacle ; quand, jouissant encore de nos perfections et ignorant les maux de l’avenir, nous admirions ces beaux objets parfaits, simples, pleins de béatitude et de calme, qui se déroulaient à nos yeux au sein de la plus pure lumière, non moins purs nous-mêmes et libres encore de ce tombeau qu’on appelle le corps. » Cette beauté parfaite, simple, pleine de béatitude et de calme, dont parle ici Platon, c’est la beauté qui caractérise l’art grec ; et c’est à cause de cette simplicité, de ce calme, de cette perfection rationnelle, exempte des violences de la passion et des surcharges de la fantaisie, que les œuvres de la Grèce doivent éternellement présider à l’éducation des artistes et des poètes.
Songez aux humiliations de toute sorte : la requête aux magistrats, la curiosité plutôt hostile des habitants, les sifflets, les pommes cuites, les couchers à l’auberge, le voyage en roulotte tout le long des grandes routes, la concurrence du bateleur ou du montreur d’ours, la familiarité, la promiscuité de la valetaille, que sais-je encore ?